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Dans le cadre de la 17ème commémoration

du génocide des Tutsis perpétrés au Rwanda en 1994

Sur le thème « Les rescapés du génocide des Tutsi


face au danger du négationnisme »

Allocution de Madame Sandrine Salerno – Maire de Genève

9 avril 2011 – 16h40

Salle paroissiale de la Servette - Genève

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Chères et chers ami-e-s,

1994 – 2011 : seulement 17 ans - déjà 17 ans

Seulement 17 ans : pour les victimes et leurs familles, comment oublier ?


Comment passer à autre chose ? Comment faire pour regarder en face
ses propres blessures ? Celles de ses proches ? Comment dépasser la
haine ? Comment vivre ?

Déjà 17 ans : pour les populations et les individus éloignés du Rwanda,


pour les populations et les individus nés depuis 1994, comment faire pour
ne pas oublier ? Comme être certain-e-s de savoir se souvenir ?
Comment travailler ensemble pour que soit gravé, dans les mémoires
collectives de la civilisation planétaire, le sceau du « plus jamais ça » ?
Seule la version prononcée fait foi 1
Comment lutter ensemble à la fois contre l’oubli et contre le révisionnisme,
cette nauséabonde récriture de l’Histoire, et contre le négationnisme, ce
deuxième génocide, perpétré contre les survivant-e-s, au seul profit des
génocidaires et de leurs complices ?

17 ans, seulement, et les auteurs des crimes contre l’humanité détruisent


les preuves, effacent les traces, nient les faits, occultent les massacres,
banalisent la gravité du crime (en minimisent les conséquences),
culpabilisent les victimes elles-mêmes, et encouragent la Communauté
internationale à savoir « passer à autre chose »… Comme s’il était
psychiquement possible, ou même éthiquement souhaitable de « passer à
autre chose » ! Comme si notre indignation ne devait pas rester le moteur
de notre compassion et de notre engagement !

17 ans, déjà, et malgré la reconnaissance par l’ONU, ainsi que par un


certain nombre d’Etats, d’une partie de leur responsabilité dans le
génocide, les victimes survivantes ont-elles obtenu la réparation qu’elles
méritaient ? Les a-t-on suffisamment aidées à faire face aux
conséquences terribles du génocide sur leur personne, leur famille, leur
village ? A-t-on véritablement tiré les leçons pour être sûr que cela ne se
reproduira plus ? Non, malheureusement !

C’est pourquoi, il faut continuer à mobiliser engagements et ressources


pour les survivant-e-s ! Il faut continuer à demander la reconnaissance des
crimes et à exiger leur réparation ! Le pardon et la réconciliation sont à ce
prix !

C’est pourquoi il faut, année après année, continuer à commémorer ! Se


contraindre – malgré la douleur – à se souvenir ensemble, à entretenir
collectivement la flamme de la mémoire du génocide.
Seule la version prononcée fait foi 2
C’est pourquoi il est de notre devoir - comme nous le faisons pour les
génocides juif ou arménien par exemple - de continuellement rappeler à
l’Humanité, l’invraisemblable inhumanité qui est tapie au coeur de la race
humaine.

Pour « civiliser » les générations futures, nous n’avons pas d’autre arme
que le souvenir ! Mais ce souvenir ne peut pas être uniquement nourri par
l’émotion. Il doit être structuré par une pensée critique, celle que
produisent les historien-ne-s et les sociologues, qui collectent les faits et
les organisent dans des systèmes de pensées cohérents.

C’est sur cette pensée critique que nous devons forger les outils adéquats
pour une pédagogie : une pédagogie de la promotion des droits humains,
de la prévention des conflits et des crimes, de la gestion des guerres et
des massacres et qui permettent la meilleure résilience possible.

Le travail que vous menez avec IBUKA, Monsieur le Président, mérite


notre respect et notre soutien.

Vous avez apporté votre contribution, année après année, et tant sur le
plan local que sur le plan international, à la construction de la mémoire, à
la préservation du souvenir et à la régularité de la commémoration.

Au nom des autorités de la Ville de Genève, j’aimerais, pour conclure,


adresser une pensée émue aux victimes, à leur famille, ainsi qu’à toutes
les personnes pour lesquelles le travail de deuil est difficile à faire ;
habitées qu’elles sont par ces 100 jours qui ont vu près d’un million de
personnes être arrachées à la vie, pour la simple raison qu’elles avaient
été pointées du doigt par l’arbitraire d’un plan génocidaire, d’un
programme fou de déshumanisation absolue !
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Merci de m’avoir permis de partager cette cérémonie avec vous !

Sandrine Salerno
Maire de la Ville de Genève

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