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ESAM 

– B1 Histoire de l'idée européenne
© Nicolas Desrumaux Année universitaire : 2008­2009

Histoire de l'Idée européenne
Bachelor Professionnel Gestion et administration de l'entreprise ­ 1ère année

Fiche n° 5
Après l'élargissement, un second défi : l'approfondissement 
(1958 ­ 1984)

Sommaire
Bibliographie complémentaire : ...........................................................2
I. La Place de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun................3
A – Jaques Rueff : La transformation fondamentale du Marché Commun
(1958)..............................................................................................................3
B – Emmanuele Gazzo : Elargissement et approfondissement sont-ils
opposés ? (1969).............................................................................................4
C – Margaret Tatcher : Une priorité : reconnaître les intérêts nationaux (1981)
.........................................................................................................................6
II. L'effet d'entraînement : de l'intégration économique à l'intégration
politique.........................................................................................7
D – Walter Hallstein : L'Union par l'économie (1961).......................................7
E – André Philip : L'effet d'entraînement social et politique de l'unification
monétaire (1969).............................................................................................8
III. Identité européenne et approfondissement institutionnel.............9
F – Milan Kundera : l'autre Europe (1983)........................................................9
G – Conseil européen : Développer une diplomatie des Droits fondamentaux
(1978)............................................................................................................10
H – François Mitterrand : Pacta sunt servanda, rebus sic standibus (1984)...12

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Histoire de l'Idée européenne
Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

Bibliographie complémentaire :
Bossuat (G.), Les fondateurs de l'Europe unie, Paris, Belin, 2001
Bruneteau (B.), Histoire de l'idée européenne au second XXe siècle, Armand Colin, Paris, 2008
Duroselle (J.­B.), L'idée européenne à travers l'histoire, Paris, Denoël, 1965
Gilli (M.), L'identité culturelle, laboratoire de la conscience européenne, Paris, les Belles Lettres, 
1965
Sainte Lorette (L. de), L'idée d'union fédérale européenne, Paris, Armand Colin, 1955
Voyenne (B.), « Histoire de l’idée européenne », petite bibliothèque Payot, Paris, 2e édition, 1964

Bibliographie spécialisée :
Bachoud (A.), Cuesta (J.) et Trebitsch (M., dir.), Les intellectuels et l'Europe de 1945 à nos jours, 
PU Denis Diderot­PAris VII, 2000

Bussière (E.), Dumoulin (M.), Schirmann (S.), Europe organisée ou Europe du libre­échange ? 
Fin XIXe siècle ­ année 1960, Bruxelles, Peter Lang, 2006

Gheballi (V.­Y.), Les valeurs de la Grande Europe, produit du laboratoire politique de la CSCE, 
Relations internationales n° 3, printemps 1993, pp. 63­80

Mollin (G. Th.), La Commission Hallstein 1958­1967 : aux frontières d'un gouvernement 
supranational, in Loth (W.), La gouvernance supranationale dans la construction européenne, 
Bruxelles, Bruylant, 2005

Schoutheete (Ph., de), La coopération politique européenne, Paris, Nathan, 1980

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Histoire de l'Idée européenne
Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

HISTOIRE DE L'IDEE EUROPEENNE A LA FIN DU XXe SIECLE
(1950 – 2000)

I. La Place de la Grande-Bretagne dans le Marché


Commun

A – Jaques Rueff : La transformation fondamentale du Marché


Commun (1958)
Extrait de Jacques Rueff, Une mutation des structures politiques. Le marché institutionnel des  
Communautés européennes, Revue d'Economie politique, n°1, janv. 1958, pp. 9­10
(...) Le marché institutionnel devrait renouveler, dans tous les pays de l'Occident, les problèmes de 
politique intérieure. 
En   tant   que   marché,   il   fournit   l'instrument   indispensable   à   tous   ceux   qui   veulent   donner   aux 
hommes   la   liberté   sans   le   désordre.   En   incitant   producteurs   et   consommateurs   à   faire, 
volontairement   et   librement,   ce   que   l'intérêt   général   attend   d'eux,   il   oriente   et   coordonne   les 
comportements individuels, et rend, par là, inutiles et vaines les interventions autoritaires. Mais 
parce que marché institutionnel, il répond aux exigences de ceux qui se refusent à confier aux seules 
volontés   individuelles,  agisant   dans   le   domaine   de  leurs   pouvoirs   d'achat   respectifs,   le   soin   de 
dessiner les structures sociales. 
Le marché institutionnel doit ainsi rassembler les partis que préoccupe, avant tout, la liberté de la 
personne humaine et ceux qui, tout en refusant la contrainte des volontés individuelles, veulent, 
dans   la   répartition,   moins   d'inégalités   et   plus   de   justice.   Libéraux   et   socialistes   sont   voués 
également, s'ils veulent atteindre leurs fins, aux disciplines du marché institutionnel. Assurément, 
des   nuances   importantes  les  distingueront. Les  uns  voudront  plus  de liberté, les  autres  plus   de 
satisfactions éthiques et sociales. Mais leurs revendications s'exerceront dans le cadre d'une même 
structure : celle qu'établit le marché institutionnel. (...)
Le   marché  institutionnel  remet à leur place les  querelles  qui séparent  libéraux  et socialistes.   Il 
appelle entre eux, et sans reniement, des principes qui les inspirent, transactions et compromis. Il 
met en pleine lumière la seule option qui s'impose, à notre époque, à leur raison, au coeur de la 
volonté des hommes : l'option entre les civilisations de marché, qui permettent de respecter, dans 
l'homme, la grandeur de la personne humaine – et les civilisations totalitaires qui, ayant renoncé à 
l'instrument d'incitation, s'obligent au commandement, et remettent l'homme aux mains, non de ''son 
propre conseil'', mais de ceux que les hasards des luttes politiques ont investis, temporairement, du 
pouvoir de penser et de vouloir pour lui. 
Il   est   encore   un   domaine   où   le   marché   institutionnel   modifiera   profondément   les   structures 
politiques : c'est celui des rapports économiques entre peuples inégalement développés. (...)
Le   régime   colonial   avait   fourni,   jadis,   les   institutions   propres   à   rendre   possibles   les   échanges 
économiques entre territoires inégalement avancés. (...) La prise de conscience intervenue, au cours 
de la dernière décade dans la plupart des pays soumis jadis au régime colonial, risque de briser à 

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

jamais les solidarités économiques qu'il établissait. (...) Le marché institutionnel est, à notre époque, 
le   seul   instrument   qui   permette   de   concilier   les   exigences   des   nationalismes   nouveaux   et   les 
nécessités de la civilisation d'échanges, sur laquelle reposent le niveau de vie des populations et 
l'existence même d'une grande partie d'entre elles. Que ses institutions soient expresses ou tacites, il 
sera nécessairement, demain, dans la plus grande partie du monde, le substitut du régime colonial. 
Nous   commençons  seulement  à apercevoir  la portée  du concept de  marché institutionnel et  les 
immenses développements dont il sera l'origine. Il est, dans nos structures politiques, la mutation 
fondamentale,   qui   unira   demain,   dans   une   civilisation   commune,   tous   les   individus   et   tous   les 
peuples qui veulent donner aux hommes la liberté sans le désordre et le bien­être sans la servitude, 
tout en réduisant, autant qu'il est humainement possible, l'inégalité et l'injustice. 

B – Emmanuele Gazzo : Elargissement et approfondissement sont-


ils opposés ? (1969)
Emmanuele Gazzo, Après La Haye, quelles seront les limites de l'Europe ?, Agence Europe, 9 déc. 
1969, p. 1
(...)   Malgré   la   déformation   dont   leurs   idées   ont   trop   souvent   fait   l'objet,   tout   le   monde   sait 
maintenant que ceux qui préconisent l'adhésion de la Grande­Bretagne et des autres pays candidats, 
veulent à tous prix que la Communauté demeure ce qu'elle est, et ne se transforme point en une zone 
de   libre­échange.   C'est   pourquoi   ils   ont   toujours   nié   avec   force   qu'élargissement   doive   être 
synonyme   d'affaiblissement   ou   de   dilution.   Ils   se   réjouissent   que   les   Six   demandent   aux   pays 
candidats d'accepter ce qu'eux­mêmes acceptent, y compris le renforcement de la Communauté. 
Mais cela implique que l'on réalise un certain équilibre entre l'élargissement et le renforcement. 
Elargir la Communauté en y comprenant la Grande­Bretagne pose un certain nombre de problèmes, 
si l'on veut préserver la cohésion et l'homogénéité. Ces problèmes s'accroissent, et se compliquent 
lorsque l'élargissement porte sur d'autres pays. Mais ils deviendraient pratiquement insurmontables 
si   l'élargissement   devait   aller   beaucoup   au­delà   des   limites   actuelles.   C'est   la   contradiction 
fondamentale qui caractérise la position de ceux qui affirment vouloir défendre la cohésion de la 
Communauté et en même temps prétendent que l'Europe devrait inclure tous les pays européens y 
compris   ceux   de   l'est,   et   en   général   ceux   qui   n'ont   pas   la   moindre   intention   d'accepter   les 
mécanismes communautaires et surtout ''les finalités politiques qui donnent à la Communauté tout 
son sens et sa portée'' (...). Il faut souligner au contraire qu'en préconisant un élargissement limité 
mais qui renforce en termes de quantité et de qualité la Communauté, on ne nie pas la possibilité 
d'élargissements  ultérieurs  dus   à  la   force   d'attraction  d'une  telle   Communauté  sur  des   pays   qui 
actuellement   n'en   partagent   pas   les   finalités   politiques.   Est­ce   que   l'existence   de   ces   limites 
objectives résulte du communiqué de La Haye ? A nos yeux, oui. Mais il semble qu'il y ait des 
ambiguïtés dans les esprits. 

Addentum : Extrait de la Déclaration de Willy Brandt au Sommet de La Haye, 1er déc. 1969

I.  Si l'Europe se portait bien, nous ne nous serions pas rencontrés ici aujourd'hui. (...) A cet 
égard, nous sommes certainement d'accord pour dire que notre Communauté ne doit pas être un 
nouveau   bloc, mais  un système exemplaire qui pourra servir d'élément de construction à  un 
règlement de paix paneuropéen bien équilibré. C'est dans cet esprit que la République fédérale 

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

d'Allemagne cherche à s'entendre avec l'Est, en coopération et d'un commun accord avec ses 
partenaires occidentaux.
Les   liens   dans   lesquels   nous   nous   sommes   engagés   ensemble   doivent   être   indissolubles   et 
toujours plus étroits. Si nous voulons aboutir à l'harmonisation nécessaire, nous devons nous 
aider mutuellement, c'est­à­dire que nous devons pratiquer la solidarité. (...) 
II. C'est pour cela que je dis en toute franchise: le Parlement et l'opinion publique de mon pays 
attendent de moi que je ne rentre pas de cette conférence sans arrangements concrets dans la 
question de l'élargissement de la Communauté.
Cette question nous occupe depuis des années. Elle appartient, en vertu du Traité, aux questions 
fondamentales de notre Communauté et il n'était écrit nulle part que nous ne pourrions envisager 
ce   thème   qu'après   la   période   transitoire.   La   position   allemande   est   bien   connue   depuis   des 
années. Je suis d'avis que nous ne pouvons pas différer plus longtemps ce thème.
Premièrement, l'expérience a montré que le retard apporté à l'élargissement risque de paralyser la 
Communauté. En second lieu, il répond aux intérêts communs que la Communauté s'élargisse à 
une époque où nous nous efforçons de réaliser un rapprochement Est­Ouest. En troisième lieu, la 
Communauté doit déborder le cadre des Six si elle veut s'affirmer dans le domaine économique 
et technologique à côté des géants, et assumer sa responsabilité sur le plan politique mondial.
Je n'hésite pas à ajouter un quatrième argument: celui qui craint que le poids de l'économie de la 
République   fédérale   d'Allemagne   puisse   affecter   l'équilibre   à   l'intérieur   de   la   Communauté, 
devrait aussi, pour cette raison même, être favorable à son élargissement. (...)
IV.  L'harmonisation   des   objectifs   poursuivis   doit   s'accomplir,   dans   une   première   étape, 
parallèlement à une coordination efficace de la politique économique à court terme. La fixation 
de buts quantitatifs à moyen terme en matière de politique économique constitue, à cet égard, une 
tâche importante. 
VI.  Il est reconnu que nos pays ont pour tâche de travailler ensemble dans les domaines de la 
politique scientifique et technologique; on a déjà beaucoup parlé et on a aussi beaucoup écrit à ce 
sujet. (...) Il me semble que nous ne progressons pas suffisamment vite en utilisant la méthode 
actuelle de programmes communautaires adoptés à l'unanimité, très détaillés et limités au secteur 
nucléaire.  Nous ne pouvons  examiner ici, en détail, le programme de recherches, mais nous 
pouvons — et c'est ce que je voudrais vous proposer — manifester notre volonté commune de 
surmonter la crise de l'Euratom.  
Source : Site internet du Conseil des Ministres de l'Union (http://www.consilium.europa.eu), 
page consultée le 14 janvier 2009

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Histoire de l'Idée européenne
Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

C – Margaret Tatcher : Une priorité : reconnaître les intérêts


nationaux (1981)
Extrait de Margaret Tatcher, The Revival of Britain. Speeches on Home and European Affairs. 
1975­1988, Londres, Aurum Press, 1989, p. 143
Reconstruire a aussi une dimension internationale. Quand je vous représente à l'étranger, ce n'est pas 
pour soupirer ou supplier. Je me fais plutôt un point d'honneur à évoquer aux chefs d'Etat que je 
visite combien performante est l'industrie britannique. Nous ne cherchons pas de faveurs spéciales : 
de la même façon, je suis déterminée à ce que nous recevions un traitement égal. Tandis que les 
autres recourent à des pratiques commerciales déloyales, nous n'hésitons pas à agir, pour prévenir de 
graves dommages à l'industrie britannique, et nous adopterons les mêmes mesures dans le futur.
Mais il y a des années­lumière entre cela et le retour vers un protectionnisme à courte vue. Est­ce 
que ceux qui nous poussent à mettre des barrières au échanges internationaux se rendent compte 
qu'une plus grande proportion de nos emplois dépend de nos exportations, que dans presque toutes 
les autres grandes nations commerciales – y compris l'Allemagne de l'Ouest, le Japon et les Etats­
Unis ? La liberté du commerce est un intérêt national vital pour le peuple britannique, et nous ne 
permettons simplement pas qu'elle soit mise en danger. 
De même, à l'intérieur de la Communauté européenne, nous continuerons à insister pour [l'obtention 
d']un traitement loyal. Par exemple, il ne nous est pas acceptable que ceux de nos partenaires qui ont 
épuisé leurs eaux territoriales par la sur­pêche soient maintenant libres de piller les eaux ceignant 
nos côtes. A Georges Younger et Alick Buchanan­Smith, les pêcheurs écossais sont des champions 
inépuisables [des travailleurs âpres à la tâche].
Ils   ont   le   soutien   du   Cabinet   [du   gouvernement]   tout   entier,   pour   que   la   politique   de   pêche 
communautaire   leur   restitue   entièrement   l'importante   contribution   de   notre   flotte   aux   prises 
européennes   totales.   Et   chaque   fois   des   aides   nationales   donnent   un   avantage   artificiel   aux 
producteurs   de   l'un   ou   l'autre   des   Etats   membres,   nous   devons   garantir   nos   propres   intérêts 
nationaux, ainsi que nous l'avons fait la semaine dernière, à travers l'octroi de contingents de fuel à 
nos pépiniéristes.
Mais  c'est  précisément parce que nul ne doute de la détermination de ce Cabinet à faire de  la 
Communauté   Européenne   une   réussite,   que   nous   sommes   en   position   de   force   pour   obtenir   la 
reconnaissance de nos intérêts nationaux par celle­ci. Nous ne pouvons pas – nous ne pouvons 
réellement pas – laisser au hasard les deux cinquièmes de notre commerce en sortant de l'Europe au 
milieu de faibles protestations. En effet, quoi que puissent essayer de dire nos adversaires de la 
gauche   lunatique,   je   ne   crois   pas   qu'ils   oseront   jamais   essayer   de   tenter   [d'afficher   une   telle 
détermination], mais seulement de sauver la face et leur siège. Ce que je crains, si jamais l'électorat 
était assez imprudent pour leur en donner l'occasion, est qu'ils fassent de nouveau ce qu'ils ont fait 
auparavant – exaspérer nos partenaires et ne rien accomplir pour nous. 
(...) Maintenant je comprends pleinement la générosité d'esprit qui a conduit certains de nos jeunes 
à militer pour une campagne de désarmement. Je partage leurs aspirations. 1

1 « Building upon recovery also has an international dimension. When I travel abroad in your name it is no 
longer as a suitor or a supplicant. Instead I make a point of telling the Leaders of the nations that I visit how British 
industry can and will perform. We seek no special favours: by the same token I am determined to see we get equal 

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

II. L'effet d'entraînement : de l'intégration


économique à l'intégration politique

D – Walter Hallstein : L'Union par l'économie (1961)


Extraits de Walter Hallstein, L'intégration économique comme facteur d'union politique, OPOCE 
(ex­Service des Publications des Communautés européennes), 1961, pp. 12­16
(...) La question concrète est donc de savoir si une intégration économique ainsi conçue peut amener 
l'unité politique. (...)
En fait, toute intégration crée d'abord une unité d'action politique vers le dehors. Au fur et à mesure 
qu'elle est instaurée, la politique commerciale commune devient un moyen de défense commune 
contre  les   actions  économiques  qui  menaceraient  du dehors ;  et comme  il  s'agit  en l'occurence 
d'offensives économiques d'inspiration politique, la réaction sera nécessairement aussi un acte de 
prévision et de réalisation politique. (...)
Le caractère politique de l'intégration économique et, partant, son pouvoir d'unification politique à 
l'intérieur  de la Communauté ne sont pas moins marqués. Elle ne représente pas seulement un 
progrès sur la voie de l'intégration politique, elle en est déjà un élément. Car ce qui est intégré, ce 
n'est pas l' ''économie'', ce n'est pas la production, le commerce ou la consommation, ce n'est pas 
l'activité   des   entrepreneurs,   des   travailleurs,   des   commerçants,   des   consommateurs.   C'est   au 
contraire la part que prennent les Etats dans la fixation des données, des conditions de l'activité 
économique. Cette part s'est accrue énormément au cours du vingtième siècle, à un rythme accéléré 
par les habitudes nées de deux guerres ''totales'', qui ont mis aussi l'économie au service de l'Etat à 
un degré inimaginable pour la génération qui les a vécues, mais surtout par suite de l'aspiration 
politique à la solidarité sociale et du progrès scientifique de l'économie nationale, qui ont encouragé 

treatment. Where others resort to unfair trading practices, we have not hesitated to take action to prevent damage to 
British industry, and we shall take action in similar circumstances in the future. 
But that is light years removed from a retreat into blinkered protection. Do those who urge us to put up the 
shutters to international trade realise that a higher proportion of our jobs depend on exports than in almost all the 
other major trading nations—including West Germany, Japan, and the United States? Free trade is a vital national 
interest to the British people, which we simply dare not put at risk. 
Similarly, within the European Community we shall continue to insist on fair treatment. It is not acceptable 
to us, for example, that those of our partners who have drained their own coastal waters by over­fishing should now 
be free to lay waste the waters around our shores. In George Younger and Alick­Buchanan­Smith, the fishermen of 
Scotland have tireless champions. 
They have the united backing of the whole Cabinet for their insistence that the fisheries policy of the 
Community must reflect in full the substantial contribution of our inshore fleet to the total European catch. And 
where national aids give artificial advantages to producers in one or other of the Member­countries we must pursue 
our own national interests as we did last week with the subsidy on fuel for our glasshouse growers.
But   it's   precisely   because   the   determination   of   this   Government   to   make   a   success   of   the   European 
Community is undoubted that we are in a strong position to insist upon the recognition of our national interests 
within it. We cannot—we really cannot—put up to two­fifths of our trade in jeopardy by stalking out in feeble 
protest. Indeed, I don't believe our opponents, whatever they may be saying to try and save their seats and faces from 
the lunatic Left, would ever dare to do so. What I fear is that if the electorate were ever unwise enough to give them  
the opportunity, they would do what they did last time—exasperate our partners and achieve nothing for ourselves. 
(...) Now I wholly understand the generosity of spirit which leads some of our young people in particular to 
campaign for nuclear disarmament. I share their aspirations. » 
(discours disponible sur http://www.margarettatcher.org, page consultée le 16 janvier 2009).

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Histoire de l'Idée européenne
Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

l'homme à essayer de dominer des phénomènes naguère avec fatalisme comme naturels. 
(...)   Cette   intervention   étendue   des   pouvoirs   publics   dans   les   conditions   de   l'économie   est 
préexistante  à la Communauté européenne. Ce n'est pas la Communauté qui l'a créée. On  peut 
naturellement la considérer comme choquante (...) Mais on n'est pas fondé à en rendre responsable 
l'intégration européenne et à la taxer en conséquence de ''dirigisme''. Comme elle n'intègre que les 
éléments   préexistants  dans  les  pouvoirs  nationaux,  le  reproche, s'il  est légitime,  s'adresse  à  ces 
politiques nationales. (...) Il est également évident que l'intégration ne s'opère pas sans modifier la 
substance des différents éléments nationaux. Mais cette modification – prise dans son ensemble – 
va dans le sens d'un rapprochement plus marqué vers l'économie de marché. Car la loi fondamentale 
de   la   Communauté   économique   européenne,   sa   ''philosophie''   sont   nettement   inspirées   de 
l'économie de marché. Mettre en jeu une concurrence que rien ne fausse sur le territoire indivis de 
la Communauté, telle est sa devise. Dans la mesure où elle y met de la contrainte, c'est à sa liberté 
qu'elle contraint. Car la liberté n'est pas non plus ''l'état de nature parmi les hommes''. La contrainte 
s'exerce donc au premier chef contre les pouvoirs étatiques qui veulent restreindre cette liberté, et 
non contre le citoyen européen, auquel de nouvelles libertés doivent être garanties. (...)
Arrivés à ce point, nous pouvons renverser le raisonnement et dire également (...) ce qui apparaît 
comme   la   substance   véritable   de   l'action   que   nous   appelons   ''intégration   européenne'',   c'est 
l'instauration d'un nouveau type d' ''économie nationale'', l'économie communautaire, parce qu'elle 
est la résultante d'éléments d'une propre politique économique, d'une politique économique propre à 
la Communauté. Affirmer cela n'est pas plus osé que d'appeler ''Etat'' un Etat fédéral, bien qu'il y ait 
sur son territoire encore d'autres pouvoirs étatiques. La Communauté n'est pas seulement une union 
douanière (...). 

E – André Philip : L'effet d'entraînement social et politique de


l'unification monétaire (1969)
André Philip, André Philip par lui­même ou les voies de la liberté, Paris, Aubier Montaigne, 1971, 
pp. 212­215
(...) L'adhésion britannique mettra au premier plan, le problème de l'unification monétaire, qui se 
pose   déjà   au   sein   de   la   Communauté   des   Six.   Celle­ci   va   commencer,   dans   les   semaines   qui 
viennent, à discuter les propositions du plan Barre, qui prévoit un début de mise en commun de 
certaines devises étrangères, une aide mutuelle en cas de crise monétaire et une coordination des 
politiques économiques à moyen terme. L'adhésion britannique exigera la prise en charge, par les 
Six, d'une partie du déficit sterling de la Grande­Bretagne et rendra donc nécessaire une unification 
monétaire beauoup plus poussée. Mais celle­ci suppose une coordination de la politique des prix, 
des salaires et des revenus ; elle exige que les mouvements des prix soient à peu près les mêmes 
dans les divers pays membres et que la politique des salaires obéissent aux mêmes règles. Cela 
rendra   nécessaire   le   rapprochement   des   organisations   syndicales   ouvrières   et   l'adoption   de 
techniques de lutte et de négociations collectives beaucoup plus proches des pratiques allemandes et 
anglaises que des impulsivités françaises et italiennes. En fait, un progrès dans la voie européenne 
conduira, inévitablement, à l'abandon de méthodes syndicales qui, chez nous, retardent d'un siècle, 
et   à   la   constitution   d'une   société   contractuelle   dans   laquelle   les   syndicats   obtiendront   des 
responsabilités, mais en acceptant de se sentir engagés et liés par elles. Il faut reconnaître aussi que, 
dans   le   cadre   d'une   union   européenne,   il   n'y   a   aucune   chance,   sur   le   plan   politique,   pour   un 

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

gouvernement de gauche socialo­communiste dont la politique serait, sur tous les plans, le contraire 
de celle poursuivie dans les autres pays européens. 

III. Identité européenne et approfondissement


institutionnel

F – Milan Kundera : l'autre Europe (1983)


Extrait de Milan Kundera, Un Occident kidnappé ou la tragédie de l'Europe centrale, Le Débat, n° 
27, nov. 1983, pp. 3­4, 21­22
En 1956, au mois de septembre, le directeur de l'agence de presse de Hongrie, quelques minutes 
avant que son bureau fût écrasé par l'artillerie, envoya par télex dans le monde entier un message 
désespéré sur l'offensive russe, déclenchée le matin contre Budapest. La dépêche finit par ces mots : 
« Nous mourrons pour la Hongrie et pour l'Europe ».
Que  voulait  dire cette phrase ? Elle voulait certainement dire que les chars russes mettaient  en 
danger la Hongrie, et avec elle l'Europe. Mais dans quel sens l'Europe était­elle en danger ? Les 
chars russes étaient­ils prêts à franchir les frontières hongroises en direction de l'ouest ? Non. Le 
directeur de l'agence de presse de Hongrie voulut dire que l'Europe était visée en Hongrie même. Il 
était prêt à mourir pour que la Hongrie restât Hongrie et restât Europe. 
Même si le sens de la phrase paraît clair, elle continue à nous intriguer. En effet, ici, en France, en 
Amérique, on est habitué à penser que ce qui était alors en jeu n'était ni la Hongrie ni l'Europe mais 
un régime politique. On n'aurait jamais dit que c'était la Hongrie en tant que telle qui était menacée 
et   on   comprend   encore   moins   pourquoi   un   Hongrois   confronté   à   sa   propre   mort   apostrophe 
l'Europe.   Est­ce   que   Soljenitsyne,   quand   il   dénonce   l'oppression   communiste,   se   réclame   de 
l'Europe comme d'une valeur fondamentale pour laquelle il vaut la peine de mourir ?
Non, ''mourir pour sa patrie et pour l'Europe'', c'est une phrase qui ne pourrait être pensée ni à 
Moscou ni à Leningrad, mais précisément à Budapest et à Varsovie. 
En   effet,   qu'est­ce   que   l'Europe   pour   un   Hongrois,   un   Tchèque,   un   Polonais ?   Dès   le 
commencement,   ces   nations   appartenaient   à   la   partie   de   l'Europe   enracinée   dans   la   chrétienté 
romaine. Elles participaient à toutes les phases de son histoire. Le mot ''Europe'' ne représente pas 
pour   elles   un   phénomène   géographique,   mais   une   notion   spirituelle   qui   est   synonyme   du   mot 
''Occident''.  Au moment où elle est éjectée, au­delà de son propre destin, au­delà de sa propre 
histoire, elle perd l'essence même de son identité. (...)
L'identité d'un peuple ou d'une civilisation se reflète et se résume dans l'ensemble des créations 
spirituelles qu'on appelle d'habitude ''culture''. Si cette identité est mortellement menacée, la vie 
culturelle s'intensifie, s'exacerbe, et la culture devient la valeur vivante autour de laquelle tout le 
peuple   se   regroupe.   C'est   pourquoi,   dans   toutes   les   révoltes   centre­européennes,   la   mémoire 
culturelle ainsi que la création contemporaine ont joué un rôle aussi grand et aussi décisif que nulle 
part et jamais dans aucune révolte populaire européenne (...)
Après la destruction de l'Empire, l'Europe centrale a perdu ses remparts. Après Auschwitz,  qui 
balaya la nation juive de sa surface, n'a­t­elle pas perdu son âme ? Et après avoir été arrachée à 
l'Europe en 1945, existe­t­elle encore ?

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

Oui, sa création et ses révoltes indiquent qu'elle ''n'a pas encore péri''. Mais si vivre veut dire exister 
dans les yeux de ceux qu'on aime, l'Europe centrale n'existe plus. Plus précisément, dans les yeux de 
son Europe aimée, elle n'est qu'une partie de l'Empire soviétique, et rien de plus. 
Et pourquoi s'en étonner ? Par son système politique, l'Europe centrale est l'Est ; par son histoire 
culturelle,   elle est Occident. Mais  puisque l'Europe est en train de perdre le sens de sa propre 
identité culturelle, elle ne voit dans l'Europe centrale que son régime politique ; autrement dit : elle 
ne voit dans l'Europe centrale que l'Europe de l'Est. 
L'Europe centrale doit s'opposer non seulement à la force pesante de son grand voisin, mais aussi à 
la force immatérielle du temps qui, irréparablement, laisse derrière lui l'époque de la culture. C'est 
pourquoi   les   révoltes   centre­européennes   ont   quelque   chose   de   conservateur,   je   dirais   presque 
d'anachronique :   elles   tentent   désespérément   de   restaurer   le   temps   passé,   le   temps   passé   de   la 
culture, le temps passé des Temps Modernes, parce que seulement dans cette époque­là, seulement 
dans   le   monde   qui  garde  une   dimension   culturelle,   l'Europe   centrale   peut   encore  défendre   son 
identité, peut encore être perçue telle qu'elle est. 
Sa   vraie   tragédie   n'est   donc   pas   la   Russie,   mais   l'Europe.   L'Europe,   cette   Europe   qui,   pour   le 
directeur de l'agence de presse de Hongrie, représentait une telle valeur qu'il était prêt à mourir pour 
elle, et qu'il mourut. Derrière le rideau de fer, il ne se doutait pas que les temps ont changé et qu'en 
Europe, l'Europe n'est plus ressentie comme valeur. Il ne se doutait pas que la phrase qu'il envoya 
par télex au­delà des frontières de son plat pays avait l'air désuète et ne serait jamais comprise. 

G – Conseil européen : Développer une diplomatie des Droits


fondamentaux (1978)
Déclaration des Neuf sur le procès de Guinzbourg, Chtcharanski et Pjatkous, Bonn, 18 juill. 1978, in 
BOCE2, n° 7/8, point 1.1.3. Le BOCE est disponible sur le site Europa (http://www.europa.eu, encart 
central, onglet Documents) 
En leur qualité de signataires de l'Acte final d'Helsinki, les Gouvernements des Neuf ont le droit 
d'exprimer leur préoccupation devant les mesures de répression prises sur une échelle croissante par 
l'URSS et certains autres Etats contre les citoyens qui font usage de leur droit à la liberté d'opinion 
et de conscience. 
Selon les informations en leur possession, il apparaît aux Gouvernements des Neuf que, dans un 
certain nombre de cas récents, des accusations ont été retenues contre des individus, en URSS, sur 
la base de leur action en faveur de la mise en oeuvre de l'Acte final. 
A Belgrade, les Gouvernements des Neuf se sont prononcés fermement en faveur des droits de 
l'homme   et   du   rôle   des   individus.   Ils   rappellent   que,   dans   l'Acte   final   d'Helsinki,   les   Etats 
participants se sont engagés à respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales et ont 
confirmé   le   droit  de  l'individu  de  connaître  ses   droits  et  devoirs  dans  ce   domaine   et  d'agir   en 
conséquence.   Aussi   les   Neuf   déplorent­ils   les   nouvelles   actions   répressives   du   Gouvernement 
soviétique qui sont contraires à l'Acte final et incompatibles avec la détente, et méconnaissent les 
positions fermement exprimées par les Etats signataires de l'Acte final de la CSCE concernant les 
individus qui souhaitent exercer leurs droits légitimes. 

2 Bulletin Officiel des Communautés européennes. NDLR

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Après l'élargissement, le second défi de l'approfondissement (1958 - 1984)

Addentum : Acte final de la CSCE (1975), § VII, ronéo., pp. 5­6.
(...) VII. Respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté 
de pensée, de conscience, de religion ou de conviction
Les Etats participants respectent les droits de l'homme et les libertés fondamentales, y 
compris   la   liberté   de   pensée,   de   conscience,   de   religion   ou   de   conviction   pour   tous,   sans 
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. 
Ils   favorisent   et  encouragent   l'exercice  effectif  des  libertés  et  droits  civils,  politiques, 
économiques, sociaux, culturels et autres qui découlent tous de la dignité inhérente à la personne 
humaine et qui sont essentiels à son épanouissement libre et intégral.
Dans ce cadre, les Etats participants reconnaissent et respectent la liberté de l'individu de 
professer et pratiquer, seul ou en commun, une religion ou une conviction en agissant selon les 
impératifs de sa propre conscience.
Les   Etats   participants   sur   le   territoire   desquels   existent   des   minorités   nationales 
respectent le droit des personnes appartenant à ces minorités à l'égalité devant la loi, leur donnent 
l'entière possibilité de jouir effectivement des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, 
de cette manière, protègent leurs intérêts légitimes dans ce domaine.
Les Etats participants reconnaissent l'importance universelle des droits de l'homme et des 
libertés fondamentales, dont le respect est un facteur essentiel de la paix, de la justice et du bien­
être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre 
eux, comme entre tous les Etats.
Ils   respectent   constamment   ces   droits   et   libertés   dans   leurs   relations   mutuelles   et 
s'efforcent conjointement et séparément, y compris en coopération avec les Nations Unies, d'en 
promouvoir le respect universel et effectif.
Ils confirment le droit de l'individu de connaître ses droits et devoirs dans ce domaine et 
d'agir en conséquence.
Dans   le   domaine   des   droits   de   l'homme   et   des   libertés   fondamentales,   les   Etats 
participants agissent conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies et à la 
Déclaration universelle des droits de l'homme. Ils s'acquittent également de leurs  obligations 
telles qu'elles sont énoncées dans les déclarations et accords internationaux dans ce domaine, y 
compris entre autres les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, par lesquels ils 
peuvent être liés.
Texte disponible sur le site de l'OSCE (http://www.osce.org, page consultée le 16 janv. 2009)

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H – François Mitterrand : Pacta sunt servanda, rebus sic standibus3


(1984)
Extrait de François Mitterrand, Discours. 1981­1995, Paris, Europolis, 1995, pp. 124­126, document 
disponible sur le site European Navigator (http://www.ena.lu) 
L'échéance de l'élection européenne est une occasion de faire le point et de reprendre l'initiative. La 
vie des institutions communautaires est marquée par des multiples imperfections. Aucune n'est à 
proprement parler insupportable, mais leur accumulation crée une contrainte permanente et diffuse 
dont nous ne cessons de payer le prix.
Il y a tout d'abord la règle de l'unanimité, dont la pratique est poussée bien au­delà de ce que 
commandent les traités, et même que ne le prévoyait le « compromis de Luxembourg ».
Comment l'ensemble complexe et diversifié qu'est devenue la Communauté peut­il se gouverner 
selon les règles de la diète de cet ancien royaume de Pologne, dont chaque membre pouvait bloquer 
les décisions? On sait comment cela a fini. Il est temps de revenir à une pratique plus normale et 
plus   prometteuse.   Le  gouvernement  français,  qui  avait   été   à  l'origine  de  ce   compromis,  a   déjà 
proposé   d'en   restreindre   l'usage   à   des   cas   précis.   La   pratique,   plus   fréquente,   du   vote   sur   des 
questions importantes annonce le retour aux traités. Mais la règle de l'unanimité n'est pas la seule 
difficulté que rencontre le Conseil des ministres.
Il existe également un partage trop fluctuant du travail de gestion quotidienne entre la Commission, 
le Comité des représentants permanents et le Conseil des ministres, qui se voit retirer une part de sa 
responsabilité   politique,   telle   que   prévue   par   les   traités,   et   fait   ainsi   du   Conseil   européen   une 
instance permanente d'appel, voire une première instance, dans la conduite des affaires courantes. 
Cela n'est manifestement pas son rôle. Rendons son autorité à la Commission.
Restituons   au   Conseil de  ministres  le  moyen de  mener les  politiques  dont le Conseil européen 
arrêtera   les   grandes   lignes.   Dotons   ce   dernier   d'un   Secrétariat   permanent   pour   la   coopération 
politique.
On se plaint ­ je le sais ­ des relations insuffisantes entre le Conseil et votre Parlement. Corrigeons 
cette carence, en présentant, conformément aux engagements souscrits par les pays membres dans la 
déclaration   solennelle   de  Stuttgart,   une  réforme   de  la   procédure  de  concertation.   Réfléchissons 
enfin à la meilleure façon d'assurer plus de continuité à la présidence de la Communauté.
L'Europe a toujours été de nature composite. Elle s'est développée par étapes, utilisant selon ses 
besoins les institutions qui, sur le moment, lui paraissaient les plus adaptées, quitte à transformer 
leurs relations mutuelles. Mais il faut conserver des points de repère.
C'est pourquoi il est indispensable de consolider le principal traité qui lie les pays européens entre 
eux   et   constitue   leur   loi   fondamentale,   je   veux   dire   le   traité   de   Rome.   Et   pourtant,   le   même 
mouvement nous porte déjà, au­delà de ce traité, sur des domaines qu'il ne couvre pas. Je pense à 
l'éducation, à la santé, à la justice, à la sécurité, à la lutte contre le terrorisme. Or, que constatons­
nous? D'aucuns ont parlé d'une Europe à plusieurs vitesses, ou à géométrie variable. 
A situation nouvelle doit correspondre un traité nouveau... qui ne saurait, bien entendu, se substituer 
3 Litt. « les accords lient, si les choses demeurent ». Les traités sont contraignants, mais seulement au regard de leur 
contexte de ratification. Un changement de circonstances amène un changement des engagements. 

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aux traités existants mais les prolongerait dans les domaines qui leur échappent. Tel est le cas de 
l'Europe politique.
Pour une telle entreprise, Mesdames et Messieurs, la France est disponible.
M'exprimant en son nom, je la déclare prête à examiner et à défendre votre projet qui, dans son 
inspiration, lui convient.

© Nicolas Desrumaux 13 / 13

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