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FÉVRIER 2005
Aménagement
La sécurité,
urbain et sécurité, un enjeu urbain
une relation La relation entre les espaces
qui s’affirme et la sécurité
Quand on demande aux acteurs de
l’aménagement les types d’insécurité
© IAURIF
Comment l’aménagement qu’ils rencontrent, ils évoquent des
urbain peut-il répondre à la problèmes de gestion, de fonctionna-
demande de sécurité de la lité et d’usage des espaces. Ils parlent
aussi d’image et de sentiment d’insé- ment et la logique de «l’entre-soi».
population et quelles solutions curité, de climat de tension ou d’in- Leur développement accentue le mor-
proposer aux professionnels confort chez les usagers. Ainsi, les cellement des espaces urbains et ren-
de l’aménagement qui sont dysfonctionnements urbains et les force les risques de ségrégations urbai-
questions d’ambiance urbaine trou- nes et de division sociale de l’espace
confrontés à l’insécurité ? vent-ils toute leur place à côté des existant.
délits, des troubles à la tranquillité et Il faut donc s’interroger sur la façon
Quelles alternatives aux modes du sentiment d’insécurité. de produire des espaces à la fois sûrs
Parallèlement, en réalisant le dia- et «urbains», répondant tout autant à
de sécurisation qui menacent la gnostic d’un secteur, on se rend l’objectif de qualité urbaine qu’à
continuité urbaine et comment compte du lien qui existe entre les l’exigence de sécurité.
dépasser une vision technique caractéristiques d’un espace et les
phénomènes d’insécurité dont il est L’analyse de projets et d’opérations
axée sur la seule protection la scène. La nature des problèmes est urbaines montre ainsi qu’une concep-
des espaces ? En d’autres ainsi différente dans un grand tion des espaces dans lesquels l’usager
termes, comment concilier ensemble de logements, un espace se sent bien, qui sont faciles à gérer et
vert ou aux abords d’une route fonctionnels concourt à la sécurité. Il
«urbanité» et sécurité ? départementale en tissu périurbain. faut donc garder à l’esprit que la prise
On observe enfin que l’insécurité, en compte de la sécurité dans l’aména-
Après l’analyse d’expériences perçue ou réelle, influence les modes gement urbain revient surtout à une
de vie et les dynamiques urbaines. amélioration du cadre de vie et de
étrangères et françaises, l’Iaurif Par exemple, la préoccupation pour l’ambiance urbaine. Les espaces eux-
propose ici des éléments de la sécurité pèse sur les choix de mobi- mêmes se révèlent ainsi être facteurs de
réflexion et de méthode pour lité résidentielle ou sur l’attractivité sécurité ou au contraire d’insécurité.
des secteurs économiques. Cette approche centrée sur la concep-
inciter et aider les acteurs tion urbaine n’est pas exclusive. Elle
de l’aménagement à considérer Donner des réponses «urbaines» participe de la «coproduction de sécu-
la sécurité des biens et au besoin de sécurité rité», qui associe les domaines de la
Il y a un véritable enjeu urbain à la police, de la justice, de l’emploi, du
des personnes comme une sécurité. D’une part, le rôle de l’amé- social ou de l’éducation.
composante de leur travail. nagement en matière de sécurité peut
offrir plus que des mesures techniques
© C. Loudier-Malgouyres / IAURIF
© C. Loudier-Malgouyres / IAURIF
espaces peut faciliter ou bien entraver
des espaces,
les missions de surveillance et d’inter-
facteur de sécurité vention des services de police. On
sait aussi qu’un projet peut accompa-
L’utilité des espaces, gner les actions de prévention de la
au-delà de la forme délinquance, soit directement par
L’étude de cas et l’observation des une programmation prévoyant par
pratiques professionnelles montrent exemple des structures socio-éducati-
que l’aménagement des espaces peut ves, soit plus indirectement par sa
influencer en particulier quatre fac- participation à des objectifs d’équili-
La gestion des espaces
teurs contribuant à la sécurité et au bre social et territorial, pour contrer
Les espaces peuvent être aménagés
sentiment de sécurité. les zones d’exclusion notamment.
pour faciliter leur gestion. L’objectif
sera de favoriser la présence humaine,
La lisibilité des espaces
la surveillance et l’entretien, de
L’affectation et la hiérarchisation des
même que la coordination des inter-
© C. Loudier-Malgouyres / IAURIF
espaces semblent des conditions
ventions et leur suivi ou encore l’affi-
déterminantes en termes de sécurité
chage des règlements.
aux yeux des aménageurs, concep-
Ces actions améliorent le fonctionne-
teurs et gestionnaires. On parle de
ment des espaces et montrent qu’ils
lisibilité spatiale. Difficile à définir
sont pris en charge. Elles minimisent
précisément, on retient qu’il s’agit au
alors les risques de développement de
moins d’une cohérence entre le statut
l’insécurité, dissuadent en partie les
de l’espace (public, privé), sa fonc-
délinquants et réduisent le sentiment
tion (espace public, résidentiel), ses
d’insécurité des usagers.
usages et son mode de gestion. En
tout cas, la gestion physique de l’in- Sécurité et qualité urbaine
Les usages des espaces Ces quatre facteurs – la dimension
terface entre deux types d’espace,
L’espace peut être aménagé de façon à partenariale du projet urbain, la lisibi-
qu’elle soit marquée, naturelle ou
générer les usages qui participent à la lité, la gestion et les usages des espaces
symbolique, apparaît une condition
sécurité : la surveillance informelle ou – permettent d’adopter une approche
minimum à cette lisibilité.
surveillance naturelle ou encore le moins technique et plus transversale
contrôle social, dont il faut retirer la de la participation de l’aménagement
connotation de délation pour préférer des espaces à la sécurité. On sort ainsi
celle d’implication dans le «vivre- de considérations non démontrées sur
ensemble» ; l’animation et la fréquen- un urbanisme ou une architecture cri-
tation pour générer la vie collective et minogène qui «incriminent» les
ce «vivre-ensemble» ; l’appropriation morphologies en elles-mêmes. Ce
positive qui suggère un sentiment n’est pas tant les formes urbaines et
d’appartenance et l’implication dans le architecturales qui comptent finale-
bon fonctionnement d’un espace ; ment, mais le fonctionnement et l’u-
enfin la responsabilisation ou le sage des espaces qu’elles génèrent.
respect des usagers envers l’espace En visant les modes de gestion et
qu’ils «usent». d’intervention des acteurs responsa-
bles (dont ceux en charge de la sécu-
La dimension partenariale du rité), en visant les usages et les pra-
projet urbain tiques spatiales, en visant une
© D. Lacombe / IAURIF
Les acteurs du projet urbain et ceux conception urbaine axée sur la lisibi-
de la sécurité sont amenés à dialo- lité des espaces, on entre ainsi dans
guer, car l’aménagement des espaces une logique de production de qualité
peut contribuer aux actions de pré- urbaine, qui permet de relier des
vention et de lutte contre l’insécurité. objectifs d’«urbanité» et de sécurité.
La lisibilité des espaces La gestion des espaces Les usages des espaces
La délimitation entre l’espace public et Aménager les espaces pour faciliter leur Créer de la fréquentation et de l’ani-
l’espace privé peut être symbolique ou gestion : surveillance, entretien et amé- mation
marquée. lioration des services rendus.
Raisonner par
questionnement
© C. Loudier-Malgouyres / IAURIF
© C. Loudier-Malgouyres / IAURIF
L’identification des facteurs de
sécurité ne donne pas pour
autant les solutions concrètes à
mettre en œuvre.
Dans la durée du projet et avec Un cadre et un pilotage fort Dans la phase des études préalables :
l’ensemble des acteurs concernés Pour influencer le projet urbain, L’élaboration d’un diagnostic fera
Orienter le contenu des projets créer de nouveaux réflexes, réunir ressortir le lien entre les caractéris-
urbains, pour qu’ils intègrent et par- des acteurs issus de champs diffé- tiques spatiales et urbaines du site
ticipent à l’objectif de sécurité, rents…, la conduite de la démarche en projet, les problèmes de sécurité
demande une démarche particulière demande un cadre légitime et orga- rencontrés ou potentiels et les dyna-
qui repose sur deux objectifs : nisé qui concerne la sphère décision- miques existantes, c’est-à-dire les
- organiser un dialogue entre les nelle. acteurs, les dispositifs et les outils
responsables du projet d’aménage- présents autour du projet et de son
ment et tous les acteurs de la sécu- Son pilotage et sa mise en place territoire. Les quatre facteurs de la
rité, reviennent alors au maître d’ou- grille de questionnement fournissent
- guider le maître d’ouvrage dans vrage. La volonté politique des élus là un cadre à l’analyse des espaces.
une série de questionnements qui locaux, des incitations financières ou
lui permettra d’évaluer et d’orien- les cadres institutionnels (voir enca- Ce diagnostic croisé et partagé
ter le parti d’aménagement de son dré) fournissent des leviers possibles implique un certain nombre d’ac-
projet vers des notions favorables à ou des lieux d’ancrage. teurs (police, acteurs locaux, habi-
la sécurité. tants, collectivités, etc.) et de sour-
Mais avant tout, la démarche sera La mission sera d’organiser la prise ces d’informations différentes. Le
adaptée. Il n’y a pas de réponse toute en compte de la sécurité dans la rôle de pilote est donc fondamental
faite, mais des orientations à décider durée du projet et d’y faire participer pour légitimer cette collecte d’infor-
selon le contexte. l’ensemble des acteurs concernés : mations et pour l’organiser selon des
acteurs du projet, gestionnaires des définitions partagées par l’ensemble
espaces, acteurs de la sécurité (de des acteurs impliqués.
l’ordre public à la prévention), etc. Enfin, le diagnostic doit être réac-
tualisé tout au long du projet et
L’institutionnalisation de la relation Les outils contractuels et partena- dans sa phase aval, puisque la délin-
entre aménagement et sécurité riaux, tels que les chartes, les quance, les troubles à la sécurité
conventions, etc., seront à privilé- comme le sentiment d’insécurité
À partir des années 1990, des projets
gier pour formaliser la démarche. évoluent avec le temps et le change-
institutionnels inspirés en partie des
expériences anglo-américaines voient le
Les cahiers des charges, les plans ment de contexte.
jour en France et marquent une généra- directeurs, les «référentiels» sont les
lisation de l’intégration des questions de documents techniques qui permet-
tront ensuite d’organiser et d’orien- Dans les phases de programmation
sécurité dans l’aménagement urbain,
ter les actions à mettre en place. et de conception :
notamment :
• L’article 11 de la loi d’orientation et
Les résultats du diagnostic trouveront
de programmation relative à la sécurité une destination en termes de straté-
Du diagnostic au suivi du projet gies, spécifiques à chaque projet.
(LOPS) de 1995 qui prévoit des études
En termes de processus, la prise en Stratégies de conception - visant la
de sécurité publique en préalable à cer-
tains projets d’aménagement, mais dont
compte de la sécurité passe par l’en- lisibilité des espaces, leur gestion, leurs
le décret tarde à paraître ; semble des phases du projet. Mais usages - et stratégies partenariales
• Des travaux en cours du Comité euro- elle gagne à être intégrée en amont, seront élaborées à l’aide d’une grille de
péen de normalisation sur la «préven- pour devenir une composante même questionnement et fourniront autant
tion de la malveillance par l’urbanisme du projet et non une contrainte sup- d’orientations à intégrer dans la défi-
et la conception des bâtiments» ; plémentaire. nition du parti d’aménagement.
• Le rapport Peyrat de 2001 pour le
Secrétariat d’État au Logement, consa-
cré à la sécurité du logement social, qui Dans la phase d’appel à projet : Dans la phase de programmation,
affiche l’objectif de «produire […] des L’objectif de sécurité peut être men- elles permettront d’apprécier les
espaces gérables et défendables […], tionné dans les appels d’offre, les risques ou les bénéfices des activités
éviter les bâtiments anxiogènes, les études de marché de définition, etc., programmées. Dans la phase
effets de sanctuarisation, les densités et confié à un expert ou un consul- de conception des espaces, elles
excessives et les obscurités lugubres.» tant spécialisé au sein de l’équipe du donneront lieu à des orientations
projet. d’aménagement.