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Bonnet Emmanuel, Propeck-Zimmermann Éliane, Saint-Gérand Thierry. SIG et risques industriels : conception et création
d’informations spatialisées pour l’aide à la concertation. In: Géographes associés n°30,2006. Savoir, penser et partager
l'information géographique : les SIG. Géoforum Lille, 10-11 juin 2005. pp. 105-129;
doi : https://doi.org/10.3406/geoas.2006.2344
https://www.persee.fr/doc/geoas_1266-4618_2006_num_30_1_2344
L’AIDE A LA CONCERTATION
Emmanuel BONNET
Laboratoire Hommes Villes Territoires (Territoires Villes Environnement et Société
depuis le 1er janvier 2006), Université de Lille 1
Eliane PROPECK-ZIMMERMANN
Laboratoire GEOSYSCOM - CNRS IDEES 2795, Université de Caen
Thierry SAINT-GERAND
Laboratoire GEOSYSCOM - CNRS IDEES 2795, Université de Caen
La fragilité des sociétés soulignée par L’un des constats de l’après AZF,
les récentes crises naturelles ou repris par la loi du 31 juillet 2003 relative
technologiques devient aujourd’hui un aux risques industriels et naturels, est
enjeu majeur dans la gestion quotidienne d’améliorer la sécurité des populations et
des territoires. Entre prévention, surtout la culture du risque. Il s’agit donc
protection et nécessité de sensibiliser les de développer la connaissance et la
populations face aux événements surveillance du risque, pour mieux le
redoutés, les Systèmes d’information gérer et éventuellement l’anticiper. Les
Géographique (SIG) peuvent aujourd’hui SIG se placent dans ce contexte comme
jouer un rôle important en terme les outils indispensables pour répondre à
d’applications spécifiques pour la gestion la demande. Cependant le SIG ne doit
des risques mais aussi pour la diffusion pas apparaître comme la simple boîte à
de l’information auprès des acteurs et des outils capable de modéliser un phé¬
populations. Concernant les risques nomène pour en tirer des conclusions
industriels, les SIG apportent des parfois hâtives. Les SIG doivent être
possibilités de localisation, de déli¬ pensés et conçus de manière à mieux
mitation de zones de dangers ou encore comprendre la complexité de l’espace du
d’analyse des impacts en matière risque pour mieux le modéliser ensuite.
d’urbanisme. Ils offrent aussi des moyens Chaque paramètre est important tant par
sa prise en compte que par sa mise en
pour mesurer
territoires. Cette lavulnérabilité
vulnérabilité
nous des
la
relation avec les autres éléments qui
concevons comme une partie de participent à la définition de l’espace du
l’exposition, mais sans nous y limiter. risque. C’est dans ce cadre que nous
D’autres facteurs participent à sa dirigeons
des vulnérabilités
nos travaux
territoriales
sur l’appréhension
face au
définition, comme la conscience et la
connaissance du risque, ou encore la risque industriel majeur. Les SIG y
capacité de résistance ou de réponse à la trouvent une place centrale. D’une part,
crise par les populations et enfin leur dans la conception et la réflexion que
potentialité
revenir à un état
à surmonter
antérieur. la crise et à nous menons sur la complexité spatiale
des risques industriels, d’autre part, au
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niveau des acteurs du risque à qui nous amont, considérant qu’un SIG est un
proposons les SIG comme aide à la modèle de compréhension spatial des
concertation.
finalité d’améliorer
Ces démarches
la connaissance
ont pour
des phénomènes du monde réel. Au delà de
cette conception large et générique, nous
risques et par voie de conséquence de la cherchons à ne pas cloisonner un
culture à diffuser. Dans le même temps, phénomène
mais de biendans
articuler
une thématique
les donnéesprécise
utiles
elles nous poussent à explorer les
phénomènes à partir d’emboîtements avec les outils de traitements appropriés à
d’échelles spatio-temporelles et à recon¬ la question posée. Cette dernière
constitue le point d’entrée du SIG. Si la
sidérer les de
ensemble espaces
lieux du
et risque
de territoires
comme un en
problématique n’est pas correctement
interactions complexes. posée, en premier lieu au sens de la
thématique
l’ensemble de
dontla elle
structuration
relève, c’est
des
Dans ce contexte, comment
concevoir et utiliser un SIG à des fins données et des traitements qui en subira
d’aide à la décision et de compréhension les conséquences. Finalement, cette
de la complexité spatiale des risques ? démarche propose de comprendre la
complexité
l’aide d’un duSIG
sujetafin
qui va
d’identifier
être traitélesà
Nous proposons d’illustrer notre
démarche et de répondre à cette données nécessaires, leurs modes
interrogation par trois axes complémen¬ d’organisation, les moyens logiciels et
taires et issus d’expériences différentes. matériels qui seront utilisés pour
Tout d’abord en exposant de manière répondre au questionnement initial. Cette
simple les principes de la conception et la démarche se trouve par ailleurs renforcée
mise en place d’un modèle conceptuel de par les concepts et les méthodes du
données pour l’analyse du risque géographe, qui utilise l’offre logicielle
industriel.
mise en œuvre
Nous
dans
exposerons
le cadre d’une
ensuite
aidesaà pour obtenir
issue de sa construction
une information
intellectuelle.
élaborée
la concertation avec les acteurs du risque Cette conception des SIG est basée sur le
industriel dans la commune de Port- principe de « comprendre d’abord pour
Jérôme et enfin avec une illustration mesurer ensuite », l’intellect permet ainsi
d’intégration de données dites imma¬ d’éclaircir les représentations d’un
térielles révélant les représentations phénomène pour mieux organiser les
spatialisées du risque des populations de moyens de le renseigner. La finalité étant
l’agglomération du Havre. au demeurant tout à fait classique
puisque
traitement c’est
et la bien
communication
l’inventaire, des
le
CONCEPTION ET MISE EN données qui priment, avec toutefois une
PLACE D’UN MODELE double perspective de valorisation : pour
CONCEPTUEL DE DONNEES la recherche et pour la société. L’idée
POUR L’ANALYSE DU RISQUE sous-jacente consiste à mettre à
INDUSTRIEL disposition l’information géographique
autant pour les décideurs que pour les
La conception et la mise en place
chercheurs. Cet objectif oblige ainsi à
d’un modèle conceptuel de données a
concevoir le SIG pour un panel
pour objectif de s’abstraire, dans un
d’utilisateurs différents certes mais qui
premier temps, de toutes considérations
s’interfacent sur un espace géographique
donné.
logicielles et
données. Notre
de structuration
démarche desse situe
bases en
de
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En ce qui concerne le risque selon une formalisation graphique
industriel, l’objectif est de construire une explicitant clairement les référents de
base de données ciblée, c’est-à-dire base du chercheur (Saint-Gérand T.,
permettant de prendre la mesure d’un 2002).
risque lié au dysfonctionnement d’un Fondé sur une double démarche,
système technique complexe, dont la systématique et systémique, le principe de
probabilité est très faible mais dont le
d’un
la modélisation
côté sur un inventaire
hypergraphique
structuré
repose
avec
potentiel
Les effets catastrophique
sur l’environnement
est trèsneélevé.
sont
des catégories et des classements,
pas prévisibles avec certitude ni dans permettant de gérer des relations de
l’espace, ni dans le temps. L’évaluation et composition qui n’existent qu’entre des
la compréhension complète des risques phénomènes ou des objets géogra¬
doit se faire en différentes étapes avec phiques. Et de l’autre, en raisonnant de
différents paramètres comme l’identi¬ manière systémique en envisageant les
fication des scénarios d’accident, l’esti¬ relations de composition entre les objets,
mation de leur probabilité, le calcul de à plusieurs échelles, et les relations qui
l’extension des conséquences en tant existent entre tous les sous-phénomènes.
qu’effets des accidents potentiels, l’éva¬ Il s’agit donc de construire avec une
luation des conséquences en fonction des approche hypothético-déductive, une
enjeux (E. Propeck-Zimmermann, T. description théorique et globale du
Saint-Gérand, L. RaveneL, 2002). phénomène
dont il relève
à partir
et des
des concepts
finalités clés
de
L’organisation des données doit ainsi
tenir compte des structures essentielle¬ l’application. Concernant le risque
ment spatiales du phénomène risque, ce industriel, il convient de réaliser un
qui la rend opérationnelle pour les inventaire le plus exhaustif possible,
traitements logiciels. On doit donc faire d’identifier ses interrelations et ses
appel à des méthodes pour réussir ce échelles d’application.
passage du phénomène réel à sa Concrètement, la méthode hyper¬
modélisation dans un outil informatique : graphique repose sur les concepts
le modèle conceptuel de données. fondamentaux d’objets, de classes,
d’attributs et de liens. Ils agissent comme
La réflexion sur la structure des des agents logiques de structuration de
données s’appuie sur une logique données et peuvent se décliner en six
développée à partir des travaux de F. niveaux distincts : six types d’entités
Bouillé, basée sur la théorie des abstraites nécessaires et suffisantes pour,
ensembles et la théorie des graphes. La dans une approche spatiale, décrire tous
modélisation hypergraphique de F. les types de combinaisons envisageables
Bouillé permet de construire des entre les instances de ces concepts (Saint-
structures de données prenant en compte Gérand T., 2005). Les données utilisées
à la fois la globalité du ou des seront organisées pour se prêter aisément
phénomènes traités, l’essence et à des questionnements géographiques et
l’existence des objets décrivant ces permettre l’utilisation de l’arsenal des
phénomènes, des attributs décrivant ces traitements possibles au sein d’un
objets, ainsi que leurs relations, le tout raisonnement spatial.
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MODELISATION HYPERGRAPHIQUE
MODIFIEE D’APRES F. BOUILLE
{METHODE GENERALE)
CONSTRUCTION DES
CONSTRUCTION DE L’ARBORESCENCEv CLASSES DE LIENS
DESCLASSES. . .
CLASSES ET LIENS
MODELE HYPERGRAPHIQUE SYNOPTIQUE
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DRIRE /'
lêmtoûr tomnsuswï
Espace êu Risque
o Espace de reference des
Logique ïfimerer
C Logiques d acteurs
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1 10
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liens et les échelles conformément à la soit trop simplistes, soit trop complexes.
problématique posée au début de la Dans le premier cas, les cartes présentent
recherche. La finalité étant de permettre la superposition des périmètres de
une plus grande souplesse des dangers sur une représentation de
traitements et une organisation des l’occupation du sol mettant en évidence
données sous l’angle spatial. Toutes les l’exposition théorique aux aléas
classes sont donc orientées pour recevoir industriels. Lors de la concertation, ce
des informations provenant d’une type de support n’apporte guère
couche géographique. La finalité dans d’élément particulier d’aide à la réflexion
l’exemple des risques industriels est de et l’essentiel des négociations se base sur
comprendre la construction des la confrontation des périmètres à risques,
périmètres de dangers et de dépasser les auxquels sont affectées des contraintes
vulnérabilité
réflexions menées
considérée
jusqu’alors
commesur une
la d’aménagement, avec le zonage des plans
d’urbanisme (Figure 4). La vision
exposition et non comme la combinaison dichotomique qu’offre ce type de
de multiples paramètres. représentation, la position d’emblée
réglementaire, basée sur les dévelop¬
pements futurs faisant l’économie d’un
LES SYSTEMES D’INFOR¬ diagnostic d’ensemble de la situation de
MATIONS GEOGRAPHIQUES : risque est préjudiciable à la concertation
DES OUTILS D’AIDE A LA pourtant indispensable entre les acteurs.
CONCERTATION ? Dans le deuxième cas, des cartes de
La réalisation d’un modèle synthèse définissent un indice global de
conceptuel de données présente des risqueles
sur issu aléas
de combinaisons
et les vulnérabilités
de données
avantages pour le développement des
SIG dans divers types d’applications. physiques et socio-économiques par
L’aide à la concertation en est une, mais exemple (Figure 5). Elles présentent
son utilisation est toutefois particulière. l’intérêt de hiérarchiser les risques dans
En effet comment utiliser un SIG l’espace mais
d’éliminer les ont
éléments
cependant
constitutifs
le défaut
du
comme support d’aide à la concertation
et surtout qu’apporte-t-il par rapport aux risque comme les périmètres, les espaces
bâtis et industriels ou encore les
autres documents d’appui existants ?
infrastructures de transport, et de
Jusqu’alors la plupart des supports dissimuler les combinaisons spatiales
cartographiques illustrant le risque étaient conduisant à un niveau de risque donné.
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FACTEURS DE LA
VULNERABILITE GLOBALE
7 critères
physiques et techniques ;
1 * Expériences passées en
matière de catastrophes
2 - Menaces des processus
géomorphologiques
3 - Classes de pentes
4 * Intensité MercaBi du séisme de 1979
5 - Remblais hydrauliques et anthropiques
6 - Zones inondables
7 - Traveaux de correction géoîechntquè
8 critères
socio-économiques ;
1 * Zones à reloger ou à redévelopper
2 * Niveau socio-économique
Classement des 15 3 - Densité du nombre d‘habitants
critères pondérés : par hectare construit
4 - Organisation des matériels
> 7000 : quartiers très vulnérables et postes de secours
4500 à 6990 points 5 - Ponts et routes
3500 à 4499 points 6 - Etablissements scolaires
et universitaires
2000 à 3499 points 7 - Organisation communale
< 2000 : quar, très peu vulnérables 8 - Stations de gaz et d’essence
Figure 4 : Carte de synthèse des vulnérabilités (source : d’après Chardon A.C., in Dauphiné 2001)
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Figure 5 : Réseau d’alerte et enveloppes PPI
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variables simultanément comme l’illustre effectives sur neuf possibles. (E.
la figure 8 qui révèle trois situations Propeck-Zimmermann et al., 2002)
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Figure 7 : Modélisation vectorielle, modélisation raster et interactivité des SIG
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politique de prévention auprès des géographiques mesurables et celles
populations vulnérables au risque «tations.
immatérielles
La base»derelevant
donnéesdes
contenait
représen¬
des
industriel. Intégrées sous forme de
données spatialisées, les possibilités de informations sémantiques géoréférencées
croisements viennent compléter les des représentations du risque industriel
ressources présentées auparavant en issues d’une
effectuée dans l’ensemble
enquête par
du bassin
sondage
de
ajoutant une dimension qualitative
révélatrice des conceptions des risque de l’estuaire de la Seine.
populations pour un territoire donné.
territoires
L’agglomération
où la duconcentration
Havre est un des
cadreL’exemple
d’une recherche
suivant doctorale
fut réalisémenée
dans leà
installations SEVESO est la plus
l’université du Havre jusqu’en 2002. importante de France après le couloir de
L’objet de cette recherche consistait à la chimie en région Rhône-Alpes et la
évaluer les différenciations spatiales des
vulnérabilités des populations face au zone Marseille
Dotée de 18 industries
— Fos —classées
Etang SEVESO
de Berre.
risque industriel. La vulnérabilité est ici présentant tous, les types d’aléas
définie par la régulation des distances industriels (incendie, explosion, toxicité
face aux risques industriels. Parmi elles, et effets combinés), la zone indus trialo-
les représentations des individus amènent portuaire génère des périmètres de risque
à considérer des distances subjectives, la
cinétique d’un accident toxique à des qui couvrentet une
urbanisés habités
large partie
des des
communes
espaces
distances spatio-temporelles ou encore avoisinantes. L’évaluation de la vulné¬
plus simplement à des distances rabilité y est donc complexe et
métriques lorsqu’il s’agit de prendre en particulièrement au niveau des
considération un zonage de risque représentations du risque. Précisons que
explosif par exemple. Une des finalités les résultats présentés ci-après datent de
du SIG développé cherchait à déterminer juin 2001, c’est-à-dire quelques mois
des espaces vulnérables en prenant en avant le tragique accident toulousain.
compte à la fois les dimensions
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stratifié dans l’espace consiste à définir informations
tations vont êtrerelatives
ventilées. aux représen¬
différentes
ici en fonction
strates territoriales
des densités(définies
de Près de 960 « cartes mentales » se
population) dans lesquelles est tiré sont avérées exploitables. Elles ont été
aléatoirement, dans des mailles, un intégrées dans le SIG en les digitalisant
nombre voulu d’enquêtes à mener. une à une. Un petit programme a ensuite
Fondamentalement spatiale, cette métho¬ permis de calculer la superposition des
de répond à la fois à la problématique de dessins dans chaque maille, traduisant la
l’analyse des différenciations spatiales des représentation,
territoire. Ce traitement
sur chaque
a ensuite
partieoffert
du
représentations du risque industriel et
s’avère facilement transposable dans des une cartographie des représentations des
outils SIG. Le maillage devenant un zones à risques pour les personnes
carroyage dans lequel toutes les interrogées, couplée aux résultats du
questionnaire.
Les valeurs tuduttes exprimer# l’occurence de superposée** et de dtMfcxt des «ones coosk&rées à risques
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1 18
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multiplient et offrent des perspectives comprend des zones qui ne
d’analyse prenant en compte les correspondent pas aux « réalités » des
représentations des individus exposés ou ville
zones du
de Havre
danger est
et laisse
considérée
croire comme
que la
non au risque. De nombreux traitements
deviennent possibles, certains ont été plus vulnérable que les autres communes
testés dans le cadre de ce travail, d’autres de l’estuaire (E. Bonnet, 2004).
sont aujourd’hui en cours dans le cadre
d’une poursuite de ces recherches. Ces L’interprétation
traitements traduisent-ils
est donc difficile.
une
Concernant le résultat des cartes ignorance, un refus ou une négation des
mentales synthétisées, on remarque encore
risques ?à identifier
De nombreuxdans laéléments
construction
sont
plusieurs singularités qui participent à
notre compréhension de la complexité sociale des risques. Cependant, ce travail
spatiale des risques. La rive sud par met en évidence que les représentations
exemple n’apparaît pas comme une zone du risque ont une relation avec la
potentiellement concernée par les risques distance et la Les
industrielle. fréquentation
intensités de de
la zone
ces
industriels, alors que les périmètres la
comprennent
former un en effet
partie. La
deSeine
« barrière
semble représentations ont d’ailleurs fait l’objet
d’un traitement spécifique dans le SIG,
psychologique » déjà identifié pour afin de modéliser ces représentations en
d’autres problématiques. Outre cet l’estuaire.
fonction de l’enquête menée dans
aspect, il faut aussi souligner que
l’information
habitants de la diffusée
rive sud concernant
auprès des
les
Ce traitement est une interpolation
risques industriels, est inexistante, ce qui des occurrences de la carte mentale,
pourrait expliquer le phénomène réalisée avec une méthode qui recalcule
représenté. De même, pour les les valeurs selon un principe qui, pour
populations de la rive nord, « l’extension chaque cellule à estimer, pondère
possible n’irait pas jusqu’à Honfleur ». La l’influence des points connus dans
non-représentation
donc liée à une mauvaise
de la rive
diffusion
sud serait
de l’échantillonnage par l’inverse de la
distance qui l’en sépare. Une grille est
l’information, à une ignorance de ensuite créée, elle transcrit des valeurs
l’extension possible d’un accident majeur, d’occurrence fortes mais recalculées par
ou tout simplement à une négation du la cohérence avec les voisins les plus
risquerelation
une dans cetentre
espace.l’occurrence
Il y a par ailleurs
et la proches. L’avantage de ce traitement est
qu’il permet
données différente
une discrétisation
des méthodes
des
distance à la zone industrielle.
L’occurrence diminue en fonction de la classiques. On obtient ainsi une image
distance, comme si les effets ou les lissée des représentations du risque
conséquences étaient confinées dans industriel qui facilite la lecture. On peut
l’aire industrielle. On aborde ici des ainsi identifier que Le Havre et les
comportements déjà identifiés à propos quartiers sud de la ville sont représentés
des risques. Les populations repoussent comme les lieux les plus associés aux
en quelque sorte les espaces à risques risques ainsi- l’Orcher
Gonfreville que la oùcommune
la raffinerie
de
hors de leurs propres espaces de vie. La
notion de négation du risque prend, dans Totalfinelf est localisée. Mais plus
ce cadre, tout son sens. Enfin, la forme globalement cette opération offre une
globale de cette carte de synthèse carte synthétique de la répartition en
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fonction des lieux et de la distance, des localiser à la fois dans l’ensemble et en
intensités de représentation des 2ones à détail, pour la collectivité comme pour
risque chez les enquêtés. chaque catégorie d’acteurs, l’état local de
la situation. Il s’agit de porter à la
La création et l’intégration d’infor¬ connaissance de tous, les lieux, la part
mations géographiques « immatérielles » d’enjeu, voire la marge de manœuvre que
pour l’analyse des représentations du chaque acteur détient au sein de la
collectivité. Ce faisant, cette approche
risque de
bases industriel
donnéespermettent
localisées. On
d’enrichir
obtientlesà
d’intégration et de modulation des
la fois une meilleure connaissance différents facteurs du risque peut étayer
territoriale de la « conscience » du risque la nécessaire concertation vers laquelle la
et un approfondissement des analyses nouvelle gestion des risques doit
spatiales menées pour comprendre sa s’acheminer inéluctablement. Elle peut
complexité. Les SIG apparaissent dans jouer un rôle déterminant pour faire
cet exemple comme l’un des éléments de évoluer les rapports entre acteurs, d’une
la chaîne de traitement utilisé pour négociation forcée sur logique d’intérêt
affiner notre analyse des vulnérabilités spécifique à une coopération soucieuse
de préserver un seuil acceptable pour
face au sur
l’accent risque
la mesure
industriel
des connaissances
en mettant
tous les intérêts
décision dans enleprésence.
domaineLa prise
de dela
des populations.
prévention et gestion des risques,
notamment dans le cadre des Plans de
Conclusion Prévention des Risques Technologiques,
Le rôle fondamental des Systèmes nécessite d’avoir à disposition toutes les
d’information Géographique et de la combinaisons
nentes en termescartographiques
de croisement des perti¬
aléas
cartographie dans l’approche scientifique
et technique des risques industriels n’est (nature des dangers incendie-explosion-
plus à démontrer. Les SIG et ses produits toxicité, intensité, cinétique) et des
vulnérabilités par rapport à ces dangers,
cartographiques
comme des outils d’aide
dérivés
à la décision
s’inscrivent
et à en somme tout ce qui définit le risque à
la concertation et souhaitent plus un endroit donné. A ce problème s’ajoute
largement contribuer, par leurs la représentation des enjeux, concept de
traitements complexes, à améliorer la dimension supérieure qui traite, au delà
connaissance scientifique des risques en des objets concrets constitutifs de
replaçant les phénomènes dans leur l’espace, son fonctionnement même. Les
cartes actuelles, même très élaborées,
complexité spatiale.
sont souvent inefficaces pour un
L’analyse spatiale permet de diagnostic d’ensemble et la prise de
substituer à une approche des risques décision en matière d’aménagement du
territoire.
dans l’espace, matérialisée jusqu’alors par
des enveloppes de danger strictement
issues de l’aléa, une approche par Notre équipe recherche finalement
l’espace, où la forme, le contenu, le les échelles pertinentes d’analyse :
fonctionnement de l’espace sont intégrés temporelles, spatiales et conceptuelles à
et exploités comme indicateurs de articuler lorsque l’on aborde le risque.
modulation des risques. Un des Elle tente l’esquisse d’une phénomé¬
principaux résultats escomptés de cette nologie spatiale où, au-delà de la
approche est de mettre en évidence et considération factuelle des objets mêmes,
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sorte de points d’ancrage de l’espace environnementaux
tenseurs. qui en sont les
géographique, on considère les enjeux
humains, sociaux, économiques,
Références :
ALE B.J.M. (sous la dir. de), 1998, “RISK 97” International Conference Mapping
Environmental Risks and Risk Comparison. Journal of Hazardous materials, Volume 61,
n° 13, août 1998.
BONNET E., PROPECK-ZIMMERMANN E, SAINT-GERAND T, à paraître, « Pour une
problématique de l’information du risque... nouvelle gestion, nouvelles cartographies », in
Actes du colloque Risques et Industrie. Pratiques quotidiennes des risques industriels. XVIèmes
Journées Scientifiques de la Société d’Ecologie Humaine, Bordeaux 2005, Edisud dans la
collection Ecologie humaine.
BONNET E., 2004, L’estuaire de la Seine : un territoire vulnérable face aux risques industriels,
in Mappemonde revue numérique, 4/ 2004, n°76,
BONNET E, 2002, Risques industriels : évaluation des vulnérabilités territoriales, Thèse de
doctorat, Université du Havre, 341 p.
BONNET E, 2001, Evaluation des vulnérabilités territoriales, Préactes du Colloque Risques et
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BRUGNOT G. (sous la direction de), 2001, « Gestion spatiale des risques », Hermès, 287p.
CERTU, 2003, Risque industriel et territoires en France et en Europe. Etat des lieux et
perspectives.
n°151. Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, Collection Dossiers,
121
G. A. N° 30 2006
Débat
122
G. A. N° 30 2006
Emmanuel Bonnet communication pour la population. En
En fait, ce ne sont pas des « pseudo fait, on a eu plusieurs réactions,
SIG ». Ce sont simplement des couches notamment des élus qui disaient que ce
sélectionnées parmi les SIG qui sont n’était pas possible parce que les gens
mises à disposition sur Internet. n’allaient voir
dévaluation de leurs
qu’unebiens.
seuleIl chose
faut donc
: la
Beaucoup de DRIRE le font.
Effectivement, les informations mises à arriver à mettre en place une cartographie
disposition sont extrêmement basiques : mieux adaptée, en évitant des cartes trop
c’est le bâti, la zone de risque, et c’est à sommaires, ou à l’opposé des cartes trop
peu après
on dénombré
tout. Dans7 l’estuaire
SIG consacrés
de la Seine,
aux complexes.
Pascal Barbier
risques industriels. Donc beaucoup
d’acteurs se posent la question, montrent J’ai une autre question. Vous nous
leurs bases de données (souvent les avez montré un modèle qui semble dans
mêmes), et ils ont chacun une volonté la continuité de ce qui a été vu ce matin
d’agir en fonction des données qu’ils ont sur la 3D-2D, où l’on peut prendre en
mises en place. compte la nature des obstacles en cas de
risque d’explosion. Il peut être
A propos de la carte que vous intéressant à cet égard de prendre la « 2D
et demie », c’est-à-dire la 3D ortho¬
évoquiez et où vous demandiez si
éventuellement cela peut définir des normée. En ce qui concerne
zones d’alerte, ma réponse est non. Les l’information géographique, on est en
zones d’alerte étaient définies avant, gros à une altitude qui est au-dessus d’un
c’est-à-dire que les sirènes ont été référentiel conventionnel qui est le
niveau 0 moyen des mers. Cette
localisées
tations et sans
sans même
se soucier
se soucier
des représen¬
de savoir information sur un espace assez réduit de
si on les entendait ! Cela fait maintenant quelques km2 autour d’un point nodal à
5 ans et ce genre de cartes n’a pas risque, peut modifier sensiblement la
représentation cartographique du risque.
apporté grand chose. Par contre, je pense
qu’il y a un certain nombre d’acteurs qui Emmanuel Bonnet
utilisent les SIG pour diffuser Je ne l’ai pas montré ici, mais on avait
l’information auprès des populations. fait une simulation avec la topographie,
très présente dans l’estuaire de la Seine
Eliane Propeck-Zimmermann
Je crois qu’actuellement on n’a pas aveclesle falaises
et contrasteenvironnantes.
entre la plaineOn
alluviale
avait
suffisamment développé l’élément carto¬ modélisé la diffusion d’un nuage toxique
graphique présentable à la population. sachant que les ingénieurs nous avaient
Parce qu’on est encore dans une vision dit que la hauteur maximum que pouvait
très binaire du risque : on est dehors ou prendre le nuage toxique était de 70
en est dedans. Il faut dépasser cette mètres. Cela nous avait permis de
vision dichotomique du risque, qui n’est reconsidérer le périmètre de protection.
pas la réalité, en développant des
cartographies qui montrent davantage un Eliane Propeck-Zimmermann
continuum dans l’espace et qui évoquent C’est sûr que dans le domaine des
qu’il y a des gradients. Il y a eu un débat risques industriels, on a vraiment intérêt
en France en 2001 à propos des risques à coupler un système d’information
industriels, sur la question de mettre les géographique
diffusion en 3D.avec un modèle de
périmètres dans les plaquettes de
123
G. A. N° 30 2006
Pierre Dumolard Emmanuel Bonnet
Il y a une filiale d’EDF qui fait ça. C’est ce qu’on fait maintenant. C’est
vrai que pour la méthode d’échan¬
Thierry Saint-Gérand tillonnage aléatoire stratifié dans l’espace
Oui, mais ça se manipule avec et dans un SIG, par rapport à la question
précaution. Cela fait partie des pistes des représentations mentales, je n’avais
qu’on est en train d’explorer, notamment pas de retour d’expérience.
à propos des ouvertures temporelles. Je
disais tout à l’heure, d’une façon un peu Pierre Dumolard
provocatrice, que la question ce n’est pas A l’avenir, vous avez des choses à
le SIG ou autre chose. C’est d’essayer de trouver là-dessus.
trouver le bon outil pour répondre à la
bonne question. Emmanuel Bonnet
Pour en revenir à la question des
Pierre Dumolard communes, c’est vrai que ce que j’ai
Je voudrais revenir sur votre enquête présenté était sorti de son contexte. Si j’ai
remis cette information de la commune,
auprès nombre
certain de 1000
de personnes
« carrés ». Vous
dans avez
un
c’est parce que c’est un échelon de
donc une méthode d’échantillonnage qui décision, et c’est pour comparer des
est plus précise que les méthodes politiques. C’est aussi pour dépasser la
simples. Cependant, dans chacun de vos cartographie
moins accessible.
par des mailles qui est
carrés de 500 mètres sur 500 mètres,
vous avez une erreur aléatoire
d’échantillonnage. C’est incontournable, Sylvain Genevois
Moi je suis enseignant formateur à
sauf des
avec qu'ensuite,
donnéesquand
où la vous
notioncombinez
d’erreur
l’IUFM de Lyon. Sur la géographie du
aléatoire n’a plus de sens, c’est sûr que risque, qui s’y prête très bien, on a
cette erreur aléatoire existe spatialement, travaillé sur un SIG didactique. Il y a
mais on ne sait pas la spécifier. Par selon moi un problème de cartographie
contre, on sait spécifier à l’intérieur de du risque. Le SIG, on sait très bien qu’il
chacun de vos carrés, quelle est l’erreur est d’abord
comme outil utilisé
de communication.
par les industriels
Donc
aléatoire d’échantillonnage en fonction
des fréquences que vous observez. faire des cartes, pour certains acteurs,
Comme je suis devenu un maniaque de c’est aussi utiliser le SIG pour convaincre
l’incertitude,
contradiction de entre
l’imprécision
les etsources
de la ou pour persuader des populations. Et
quand on utilise cet outil dans
d’information, ça me gêne un peu d’avoir l’enseignement, notamment dans 1& cadre
des cartes communales car j’y vois une d’une géographie critique ou citoyenne,
contradiction entre quelque chose qu’on alors se pose la question : jusqu’où peut-
est obligé de considérer comme fiable, et on cartographier ? Je pense aux cartes par
quelque chose qu’on est obligé de interpolation que vous avez présentées :
considérer comme échantillonné, donc elles sont très intéressantes, mais elles
ayant une erreur de généralisation. sont aussi très difficiles à lire parce
Pourquoi ne pas avoir calculé ces erreurs qu’elles sont multicritères et combi¬
types par carré et les avoir superposées natoires. On voit très bien que l’on ne
tout simplement par un transparent ? peut plus informer ou alors, si on
124
G. A. N° 30 2006
informe, il faut tout expliquer et cela enquête de ce type, on sait qu’il y a une
population qui est exposée à des multi¬
devient
est un outil
très d’aide
compliqué.
à la décision
Donc soit
des leélus
SIGet
risques, et c’est cette complexité qui pose
des industriels, soit on le démocratise problème. Parce que, quand on parle de
(c’est ce qu’on essaie de faire à Lyon), et risque, on travaille dans un domaine
là se posent les vrais problèmes. Parce virtuel car le chimiste est incapable de
que le modèle de Bouillé qui a été prévoir quel type de risque peut se
présenté est très intéressant, mais on ne produire. Par exemple à AZF, on ne
va pas l’expliquer ! Et voici ma question : pouvait pas prévoir que du nitrate
est-ce que vous pensez, notamment à d’ammonium puisse exploser. C’est
propos de la cartographie des repré¬
tellement
fallu une complexe
donnée dequ’il
référence
aurait peut-être
: c’est-à-
sentations, que c’est quelque chose qui
peut aller vraiment loin et qui peut être dire identifier un risque (par exemple
compréhensible par les populations ? celui qu’une usine va sauter), et par
Est-ce que la population que vous avez rapport à ce risque-là, bien identifier
interrogée a «vusensible
l’information ces cartes,
» ? car c’est de quelle est ?la représentation que s’en fait
l’individu
125
G.A. N° 30 2006
dire des lignes qui traduisent la Eliane Propeck-Zimmermann
probabilité de mourir d’un accident Pour la cartographie du risque en
prenant en compte les probabilités, il y a
industriel,
Mais il fautet c’est
aussi affiché
définircomme
un seuil
ça.
un deuxième problème qui se pose : c’est
d’acceptabilité : chez eux, c’est la mort de qu’il n’y a pas de normes. Les études de
jeunes entre 10 et 14 ans quelle que soit danger sont réalisées par les industriels
la cause. C’est effectivement un pro¬ qui utilisent des grilles de versions un peu
blème de cartographier les niveaux de différentes. Ce qui fait que ce qui est vrai
risques quantifiés puisqu’il faut définir pour une entreprise isolée, l’est moins
des seuils d’acceptabilité. quand sur un site il y a une concentration
d’entreprises. Donc, du coup, comment
Pierre Dumolard définir un zonage global avec des
La question que je me pose, c’est données d’entrée qui sont différentes ?
qu’on s’intéresse à des événements
extrêmement rares, qui ne sont pour la Magalie Franchomme
plupart jamais survenus, donc comment Je voudrais revenir justement sur les
peut-on calculer une probabilité ? Il cartes de communication. On est
confronté à des personnes qui ne sont
faudraitleun domaine
Dans historique des
extrêmement
crues et long.
des
pas formées à la lecture des cartes. On a
inondations, on a des historiques très mené des en
d’inondation études
confrontant
sur les élus
risques
avec
longscrue
une et onestestcentennale
capable de ou
déterminer
décennale.
si
des cartes, et l’on s’est vite aperçu qu’ils
Mais pour l’usine AZF : est-ce qu’on n’avaient pas la formation pour les lire. Je
avait déjà eu un événement semblable voulais savoir si avec les industriels, vous
avec les mêmes produits ? Donc il n’y avez rencontré le même genre de
avait pas de probabilité puisque pour problème.
parler de probabilité, il faut au moins un
événement sur un historique assez long ! Eliane Propeck-Zimmermann
C’est vrai que les industriels ne
Lucien Leclercq raisonnent pas avec des cartes parce que
Il y a même eu une usine de nitrate leur espace c’est l’entreprise. Leur vision
d’ammonium
sauté. C’est quiune
a brûlé
nouvelle
mais quiréaction
n’a pas c’est le périmètre à risques affiché sur un
fond de carte topographique. Mais je
chimique qui nous a surpris car on pense que pour la communication, il faut
n’arrive pas à trouver comment elle a pu vraiment y aller progressivement. Ce qui
se produire. est important, c’est d’avoir des cartes très
simples à différentes échelles, et ensuite
Emmanuel Bonnet on avance. Des cartes simples, ce sont
Dans l’étude des dangers d’AZF, qui a des cartes analytiques du type de celles
été publiée après l’accident, il était écrit que j’ai présentées où l’on ne montre
qu’il était improbable que le nitrate qu’un type de risque, avec la commune,
d’ammonium puisse exploser. Ce n’était l’établissement, puis on avance
pas ce bâtiment-là qui était considéré progressivement. Et ainsi on arrive à des
comme
de l’usine.
un bâtiment à risque à l’intérieur cartes plus complexes issues de
croisement de données. On n’a pas
126
G.A. N° 30 2006
montré nos cartes à la population, mais zéro de la cartographie qui est un plan de
aux aménageurs et aux maires. Lorsqu’on ville. Qu’on ait des responsabilités, nous
en a parlé aux industriels, ils ont été très géographes, cela remonte sans doute à
méfiants vis-à-vis des cartes parce qu’ils nos études de géographie où on se sert
ont peur des fuites, ou justement que ces très mal des cartes. Moi si j’ai appris à
cartes ne soient pas bien comprises. utiliser des cartes, et je crois savoir m’en
servir assez bien, ce n’est pas en
Sylvie Vieillard géographie mais sous trois uniformes
A propos du lien entre SIG et carte inavouables : celui de scout, celui
de concertation ou de communication, je d’officier d’artillerie, et celui d’alpiniste !
pense que ce n’est pas simplement une C’est important l’AFDG, et il me semble
question
cartes sont
deréalisées
lecture. àOn
différents
s’aperçoit
moments
que les que l’une des tâches de la géographie
dans les années qui viennent, serait
dans les études d’impact et ce sont elles d’apprendre à se servir de cartes. Car
qui vont alimenter le débat public. Mais avec la navigation par GPS dans les
elles n’ont pas été pensées comme ça. Au voitures,se lesservir
moins gens d’une
sauront
carte.
de moins
C’est un
en
final, on communique sur la méthode du
maître d’ouvrage ou sur la représentation aspect important de notre mission
que l’on veut transmettre, et souvent l’on d’enseigner la représentation spatiale par
oublie de donner à la population, pour les moyens cartographiques.
qu’il y ait concertation et débat, des
éléments d’analyse spatiale. Je crois qu’il Pascal Barbier
y a nécessité à réintégrer le regard du Je pense qu’il faut vraiment
géographe dans les outils d’analyse distinguer deux choses : la production de
spatiale et de SIG, et surtout à montrer cartes et la communication par les cartes,
qui est un autre métier. Et puis il y a le
la
en construction
quoi notre regard
de la carte
est important
finale. Moi
dans
ce
temps de l’accident, qui n’est plus un
que je vois dans les débats publics et problème de géographes mais de
dans les études d’impact, c’est que les communication et d’organisation, car le
géographes sont plutôt absents. premier message à envoyer est un
Néanmoins on est là et on a beaucoup à message qui est quasiment définitif. Je
dire, et surtout à donner à voir. Par pense que notre rôle en tant que
exemple ce qui ressort à travers des sites
géographes-cartographes,
de nous concentrer surc’estdesvraiment
cartes
qu’on peut voir sur Internet, c’est qu’on
ne parle plus de carte ou d’analyse compréhensibles, sincères, exactes,
spatiale maintenant, mais de restitution explicatives, mais la communication
cartographique de données géogra¬ grand public c’est quand même un autre
phiques. Il n’y a plus de lien avec boulot. Et s’il doit y avoir
l’espace
c’est tout
: on fait de la « corn », et puis communication grand public, il faut
qu’elle soit extrêmement simple et
unique, de
domaine surtout
l’immédiateté.
si l’on est dans le
Henri Chamussy
Dans ce débat sur les SIG et sur les
cartes issues des SIG, on sait que la
majorité de la population ne sait pas se Thierry Saint-Gérand
servir d’une carte. Une enquête a montré Je pense que les faits sont têtus et la
récemment que plus de la moitié des sémiologie graphique est parfois difficile
Français ne savent pas utiliser le niveau à utiliser. En matière de risque, vous
127
G. A. N° 30 2006
pouvez très bien avoir une probabilité Pierre Dumolard
sur un million qu’un événement C’est une autre discussion. Ce
dommageable arrive, et il arrive dans le problème vient de ce que les géographes
quart d’heure qui suit. La vraie difficulté se sont taillé beaucoup de nouveaux
en matière de probabilité, c’est : débouchés, et que les historiens non.
comment traduire ça pour les gens ? Et
vous pourrez le cartographier le plus Eric Masson
habilement que vous voudrez, ça n’y On a l’impression que le géographe
changera rien, parce que vous pouvez se frotte à la spécialisation dans l’aléa ou
avoir une carte en principe rassurante qui dans la vulnérabilité, mais son « « fonds
va être prise en défaut dans le quart de commerce », à mon sens, c’est l’enjeu.
d’heure qui suit. Et alors là, bonjour ! Et je pense que dans les analyses qu’on
va pouvoir produire grâce à la
Madeleine Brocard géomatique, le géographe a tout intérêt à
Communiquer dans l’urgence, ce valoriser les enjeux spatiaux.
n’est certainement pas ce qu’on est
capable de faire. Mais par contre Lucien Leclercq
identifier comment on peut avoir un Avec l’expérience qu’on a de la
dialogue avec la population et non pas communication autour des phénomènes
seulement des décideurs, ça on a à le de pollution et de leur impact sur la
faire. D’après les expériences que je santé, c’est sûr que l’information doit être
connais, quand on met des cartes à très sérieusement travaillée pour relancer
disposition dans un sondage à la la population. Mais ce qui me fait rire
population, il faut qu’on ait des repères c’est la problématique géographes-
très concrets qui soient reconnus (la historiens parce que votre démarche
mairie, l’église, un trait de côte. . .) Il faut implique toutes les sciences et que vous
donc arriver à repérer les éléments ne devez pas vous laisser enfermer dans
symboliques de l’espace par rapport un problème de géographes. Mais quand
auxquels la population se réfère. Je même, j’ai été surpris du niveau
voudrais également ajouter que la carte d’accomplissement de votre art et je
en deux dimensions n’est pas voudrais en tant que chimiste encourager
compréhensible, c’est vrai, et qu’il faut ce que vous faites parce que vous êtes
passer à la 3D pour que les gens se dans: lasi bonne
vue on veut
direction
avoir àdes
tousactes
pointsdéci¬
de
repèrent dans l’espace. On n’est donc pas
dans des cartes qu’on a l’habitude de sionnels fondés, si on veut commu¬
faire. On est dans des applications niquer, etc. Vous nous fournissez là ce
spécifiques liées à certaines contraintes que j’appellerai un socle d’objectivités
du dialogue. fondatrices. Au point où vous en êtes, il
faut continuer pour un tas d’impacts
Eric Masson interdisciplinaires et politiques. Je crois
A propos de la pratique de que votre démarche est très citoyenne car
l’enseignement des cartes, notamment elle permet d’arriver à un niveau de
dans le secondaire, il faudrait déjà qu’il y simplification mais aussi d’objectivité ;
ait autant de géographes que d’historiens car par rapport à ça, ce que j’appelle la
pour enseigner l’histoire et la géographie subjectivité destructrice est toujours
qui, dans les programmes, sont à hauteur facile. Tous les charlatans font ça, et en
équivalente. plus cela génère des mouvements de
128
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foule terribles et des choses imprévues dossiers synthétiques communaux. Est-
parfois plus terribles que la déflagration. ce que justement les travaux des
En tout cas, nous chimistes, nous avons géographes sont pris en compte dans ces
les mêmes problématiques scientifiques dossiers pour donner une information
par rapport à l’expérience ou au modèle. objective aux citoyens ?
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