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Analyse des risques des systèmes

dynamiques : préliminaires
par Jean-Pierre SIGNORET
Maître ès sciences. Ingénieur fiabiliste Total
Ancien Président de European Safety & Reliability Society (ESRA)
Animateur du groupe de travail « Recherche méthodologique » de l’IMdR-SdF

1. Notion de « Risque »............................................................................... SE 4 070 - 2


2. Démarche générale.................................................................................. — 2
3. Sécurité versus disponibilité (de production).................................. — 2
4. Méthodes et outils................................................................................... — 4
5. Systèmes dynamiques ............................................................................ — 5
Références bibliographiques ......................................................................... — 5

nalyse des risques des systèmes dynamiques : choisi pour ne comporter


A que des mots du langage courant, un tel titre ne devrait générer aucune
ambiguïté sur son objet. Cependant, dans le domaine fiabiliste, beaucoup de
termes font l’objet d’une certaine dérive sémantique qui brouille les propos à
l’insu même des interlocuteurs.
Ainsi nous aurions pu substituer Sûreté de fonctionnement (SdF) à Analyse
des risques, mais ce terme restant encore très fortement connoté sécurité, cela
n’aurait pas correspondu complètement à l’esprit de cet article où nous nous
préoccupons aussi d’aspects économiques comme la disponibilité de produc-
tion, par exemple. En effet, défini comme une grandeur à deux dimensions
(probabilité × conséquences), le risque a l’immense avantage d’appréhender,
dans le même concept, des risques de nature complètement différente et, dans
cet exposé préliminaire, nous nous efforcerons de montrer comment le corpus
de méthodes et d’outils fiabilistes développés ces cinquante dernières années
permet de faire face aux divers types de risques rencontrés.
De même, tout système industriel étant peu ou prou « dynamique », l’appel-
lation système dynamique constitue un raccourci pour désigner les méthodes
et modèles fiabilistes auxquels nous allons nous intéresser pour représenter le
comportement des systèmes étudiés. Les travaux réalisés par l’ingénieur fiabi-
liste s’inscrivent en effet dans une démarche d’analyse systématique, systé-
mique et probabiliste mettant en œuvre toute une batterie de méthodes et
d’outils que l’on peut globalement répartir en trois grandes classes :
— méthodes de base pour aborder et dégrossir les problèmes ;
— méthodes statiques pour analyser les systèmes d’un point de vue structurel
(topologique) ;
— méthodes dynamiques pour appréhender les aspects comportementaux.
Cette classification traduit une certaine gradation dans le degré d’expertise
nécessaire à la mise en œuvre des méthodes et surtout des outils qui prennent
de plus en plus l’allure de boîtes noires dont les limitations échappent souvent
à ceux qui les utilisent.

Le but de cet article introductif est de discuter rapidement des différentes classes de métho-
des et d’outils afin de mettre en lumière leurs rôles respectifs ainsi que quelques-uns des pro-
blèmes attachés à leurs limitations, puis de situer plus précisément dans cette démarche
générale les méthodes dynamiques qui feront l’objet d’articles spécifiques ultérieurs :
— processus de Markov (méthode analytique) [SE 4 071] ;
— réseaux de Petri stochastiques (simulation de Monte Carlo) [SE 4 072].

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ANALYSE DES RISQUES DES SYSTÈMES DYNAMIQUES ________________________________________________________________________________________

1. Notion de « Risque » toute la suite des travaux. Bien entendu, les risques à prendre en
compte – sécurité/économie – sont directement liés aux enjeux de
l’étude considérée et il se peut que, dans les cas les plus simples,
Un des maîtres mots de l’analyse des risques est, bien entendu, l’analyse s’arrête à ce niveau sans qu’il soit nécessaire d’effectuer de
« risque ». Il fait partie de ces termes utilisés quotidiennement dans développements plus approfondis. Cependant, dès que le système
le langage courant avec un sens plus ou moins interchangeable étudié présente un comportement un tant soit peu complexe, il est
avec « danger » qui, lui aussi, est aussi un des maîtres mots de indispensable d’aller plus loin et de procéder à une modélisation ser-
l’analyse des risques. Il en résulte que l’acception de ces concepts vant de support à des analyses qui, selon le cas, pourront être pure-
reste souvent assez floue, y compris dans la tête de ceux qui les ment qualitatives, semi-quantitatives ou purement quantitatives.
utilisent tous les jours. Pour les différencier explicitement, la
consultation d’un dictionnaire s’impose ! Les dictionnaires moder- À l’étape 5, les résultats théoriques sont confrontés aux connais-
nes n’étant pas d’une clarté absolue pour trouver une distinction sances pratiques des spécialistes du terrain afin de mettre en évi-
non équivoque nous nous retournerons vers le bon vieux Littré qui dence les éléments qui pourraient les choquer et procéder aux
fort heureusement nous livre la clé : rectifications nécessaires. Cette étape peut être le point de départ
d’une nouvelle itération si elle conduit à la remise en cause de la
conception du système en cours d’analyse.
« Risque se distingue facilement de danger car il contient
moins l’idée de péril que celle de chance aléatoire, mais Finalement, les résultats sont produits à l’étape 6.
considérée de son mauvais côté. »
Cette démarche très générale convient pour tous les types de sys-
tèmes industriels, dynamiques ou pas, et tous les types d’études
Cette notion de risque à la fois probabiliste et pessimiste reste sécuritaires ou pas. Les différences quant aux méthodes et outils à
étonnamment moderne. Elle est très proche de celle largement mettre en œuvre se situent principalement au niveau de l’étape 4, et
adoptée depuis une trentaine d’années dans le domaine fiabiliste c’est ce que nous allons détailler au paragraphe suivant.
et qui consiste à définir le risque comme une grandeur à deux
dimensions :
— probabilité (ou fréquence) d’occurrence d’un événement indé-
siré ;
— conséquences (négatives) de l’événement indésiré une fois qu’il
3. Sécurité vs disponibilité
s’est produit. (de production)
Dans cette définition, tout comme dans celle du Littré, à part le
fait qu’elles sont négatives, aucune hypothèse n’est faite sur la Dès le tout début, il y a cinquante ans environ, le domaine de la
nature des conséquences envisagées. fiabilité a plus particulièrement privilégié la sécurité des installa-
Loin de réduire la portée du concept, cela lui confère, au tions industrielles et cette situation a perduré jusqu’à nos jours.
contraire, une très grande généralité et permet de réunir en une L’aspect économique lié à la rentabilité des exploitations, contre-
même approche les risques mettant en jeu la sécurité tout aussi partie directe tout aussi importante et indispensable pour assurer
bien que ceux procédant d’aspects plus économiques. C’est ce que la sûreté de fonctionnement, a été beaucoup moins développé que
nous allons envisager ci-dessous. le précédent.
Pendant longtemps, pour ce second aspect, les fiabilistes se sont
contentés d’évaluation de disponibilité classique simple et lorsque,
2. Démarche générale il y a une dizaine d’années, la demande en études de disponibilité
de production a commencé à monter en puissance, des ingénieurs
en dehors du monde de la fiabilité se sont débrouillés pour la satis-
Avant d’aborder le problème spécifique des systèmes dyna- faire en développant des outils spécialisés pour répondre à leurs
miques, il est utile de rappeler quelle est la démarche générale besoins spécifiques (et dont nous ne parlerons pas dans le cadre
d’une étude de sûreté de fonctionnement. de cet article vu leur manque de généralité). Aidé en cela par les
Il s’agit d’un processus itératif comportant toujours plus ou normes internationales qui séparent de manière relativement
moins les mêmes différentes étapes : étanche sécurité et disponibilité, les deux communautés d’ingé-
nieurs tendent à mutuellement s’ignorer. De plus, le vocable sûreté
1. définition précise du système à étudier ;
de fonctionnement, conçu à l’origine pour marier les deux aspects,
2. définition du but de l’étude à réaliser ;
reste pour nombre d’ingénieurs cantonné à la seule sécurité alors
3. analyse fonctionnelle du système ;
que le concept anglo-saxon de « Dependability » qui est censé en
4. analyse dysfonctionelle : identification et hiérarchisation des
être la traduction reste pour certains autres cantonné aux aspects
risques, modélisation ; analyse qualitative ; analyse quantitative ;
strictement économiques.
5. discussion avec les spécialistes/synthèse et décisions ;
6. résultats : spécifications ; programmes de tests ; politique de Cela est fort dommage car le risque, tel que défini au paragraphe
maintenance ; évaluation du risque résiduel/pertes de production. précédent ne sous-entend pas une telle scission et permet de concilier
Les étapes 1 et 2, qui paraissent triviales, ne sont cependant pas de manière naturelle les deux aspects complémentaires sécurité/fia-
les plus faciles à franchir quand le système est en cours de bilité d’une part et disponibilité/productivité d’autre part. Comme il
conception (ou est tellement ancien que les documents de est bien connu que l’optimisation de l’un ne va pas sans la détériora-
conception ont disparu) et que le client a du mal à formuler ses tion de l’autre (le système le plus sûr étant celui qu’on n’arrive plus à
préoccupations. La qualité des informations réunies à cette étape faire démarrer du tout à cause des sécurités installées!), il y a tout inté-
influe sur tout le bon déroulement de la suite. C’est ici que se rêt à appréhender les deux aspects simultanément.
décide l’orientation sécuritaire ou économique (ou les deux) de La question qui vient alors immédiatement à l’esprit est la
l’étude à réaliser. suivante : le corpus de méthodes et d’outils développés pendant ce
L’étape 3 est indispensable car, avant d’essayer de comprendre demi-siècle d’expérience fiabiliste focalisée sur le traitement des
comment un système tombe en panne, il faut avoir compris problèmes sécurité/fiabilité convient-il aussi pour satisfaire aux
comment il fonctionne ! Il peut arriver que cela soit oublié par les besoins relatifs aux problèmes de disponibilité/productivité et
analystes... évoqués ci-dessus ?
L’étape 4 est au cœur du problème. L’identification et la hiérarchi- Un retour sur la notion de risque elle-même peut aider à répondre
sation pertinente des risques est fondamentale, car elle conditionne à cette intéressante question car on constate que les valeurs des

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paramètres sont complètement inversées quand on passe d’un type — l’AMDEC (analyse des modes de défaillances, de leurs effets
d’étude à l’autre : et de leur criticité) [1] ;
— sécurité/fiabilité = {événements rares, fortes conséquences} ; — l’HAZOP (Hazard & Operability study ) [2] [9].
— disponibilité/productivité = {événements fréquents, faibles Ces méthodes de base sont souvent utilisées à un stade prélimi-
conséquences}. naire et sont destinées à bien comprendre comment le système
La non-sécurité est faite d’événements catastrophiques très fonctionne, à identifier les risques qui lui sont attachés et à procé-
improbables alors que la non-disponibilité (indisponibilité) est liée der à une première analyse globale et de haut niveau. En fonction
au cumul de petites conséquences d’événements très fréquents. de la complexité plus ou moins grande du système étudié, il se
Cela implique immédiatement des répercussions. peut qu’une analyse plus détaillée ne soit pas nécessaire. La plu-
part des méthodes de base sont de nature « inductive »
■ Du point de vue calculatoire : (cause → effet) et ne nécessitent rien de plus qu’un crayon et les
— les approximations de calcul liées aux événements rares ne colonnes d’un tableau pour être mises en œuvre : il n’y a pas de
sont plus opératoires pour les événements fréquents ; modèle mathématique sous-jacent derrière ces méthodes. Pour
— la simulation de Monte Carlo, difficile à mettre en œuvre pour comprendre comment le système fonctionne et pour bien identifier
les calculs liés à la sécurité, devient pertinente pour les calculs de les risques, elles sont incontournables et cela quels que soient le
disponibilité. système étudié et la nature de l’étude réalisée.
■ Du point de vue modélisation : Notons au passage que, malgré une utilisation très répandue, le
terme analyse « fonctionnelle » est ambigu car il en existe deux
— l’analyse dichotomique classique « marche/panne » ou « acci- acceptions différentes. La plus ancienne concerne le processus
dent/pas accident » n’est plus suffisante et elle doit être affinée pour consistant à identifier les fonctions réalisées par les différents équi-
prendre en compte les différents niveaux de production ; pements d’un système et à décrire leurs interrelations. La plus
— les passages d’un niveau de production à un autre introduisent récente englobe l’ensemble des méthodes formalisées [SADT
des comportements dynamiques dont il n’est pas possible de faire (Structured Analysis and Design Technique ), SART (Structured Ana-
l’économie au niveau de la modélisation. lysis-Real Time ), MERISE, APTE (militaire : Application des Techni-
Le but dans lequel les études sont réalisées apporte aussi des ques d’Entreprise), RELIASEP (spatial)...] destinée lors de la
éléments de comparaison : conception à repousser les choix matériels le plus loin possible
— instruction d’un dossier de sécurité pour les premières ; dans le temps en ne raisonnant que sur les fonctions virtuelles que
— fourniture d’éléments d’aide à la décision pour les secondes. le système aura à réaliser. La première est seulement une méthode
d’analyse alors que la seconde constitue une philosophie de
Pour les études de sécurité/fiabilité, le but est principalement de conception. Ici c’est le premier type qui est concerné ; cependant,
démontrer à une autorité de sûreté extérieure que le risque est comme les deux types d’analyses fonctionnelles sont de la
acceptable, c’est-à-dire qu’il reste au-dessous d’un certain niveau. compétence de l’ingénieur fiabiliste, il est nécessaire de lever
Pour les études de disponibilité/productivité, le but est de prendre l’ambiguïté quand cela s’avère nécessaire.
la meilleure décision possible afin de ne pas engendrer d’investis-
sements inutiles pouvant mettre en péril l’économie de l’installa- ■ Les méthodes « statiques » les plus utilisées sont les suivantes :
tion étudiée. Dans le premier cas, des estimations conservatives — bloc diagramme de fiabilité ;
(voir très conservatives) conviennent parfaitement à partir du — arbre de défaillance [3] ;
moment où le résultat est au-dessous de la barre fatidique. Dans — arbre d’événement [3].
le second, par contre, on a besoin de résultats dits « best
estimate », c’est-à-dire au plus près de la réalité concrète. Par rapport aux précédentes, ces méthodes permettent d’analy-
ser le système d’un point de vue structurel (topologique). Cela est
Donc, en résumé, même si la nature des études ne diffère pas obtenu grâce au modèle mathématique booléen sous-jacent qui
fondamentalement, les études de disponibilité/productivité néces- est un modèle statique car il ne contient aucune possibilité de
sitent une modélisation plus détaillée, des calculs plus exacts et modélisation des interrelations temporelles agissant au sein du
des données plus précises que les études de sécurité/fiabilité. Cela système modélisé. Pour simplifier, disons qu’il permet uniquement
a bien sûr un impact sur les méthodes et outils utilisables mais, de représenter la logique du système à un moment donné mais
comme on le verra dans les articles suivants, ceux mis au point pas du tout les changements au cours du temps. Parmi les trois
dans le domaine fiabiliste pour appréhender les systèmes dynami- méthodes citées, il faut évoquer le cas particulier de l’arbre de
ques (approche markovienne et réseaux de Petri stochastiques) défaillance qui constitue le seul cas d’analyse déductive (effet →
conviennent bien, fort heureusement, pour répondre aux besoins cause) de la panoplie de l’ingénieur fiabiliste.
évoqués ci-dessus.
La plus grande valeur ajoutée est la génération à partir de ces
modèles des combinaisons de défaillances conduisant à la perte du
système étudié. Ces combinaisons appelées « coupes minimales »,
4. Méthodes et outils « impliquants premiers » ou « séquences » sont d’un grand intérêt
du point de vue qualitatif.
Après les considérations ci-dessus, il est temps de regarder Très connus et très utilisés, ces modèles recèlent cependant quel-
comment le corpus de méthodes et d’outils de modélisation déve- ques difficultés qu’il convient de ne pas sous-estimer et qui, malheu-
loppé depuis une cinquantaine d’années peut satisfaire aux reusement, sont le plus souvent oubliées voire inconnues des
besoins. analystes. Nous n’en citerons que quelques-unes ici pour mémoire :
Globalement, il peut être divisé en trois catégories distinctes : les — la plupart des logiciels du marché utilisent des algorithmes
méthodes de « base », les méthodes « statiques » et les méthodes approchés ;
« dynamiques ». Il n’est pas dans notre intention de les décrire en — dès que les composants sont réparables, les calculs
détail ici mais de les comparer succinctement afin de mettre en évi- deviennent approchés (surtout en ce qui concerne la fiabilité) ;
dence leurs mérites respectifs et d’attirer l’attention sur quelques — dès que des événements complémentaires sont introduits
difficultés lors de leur mise en œuvre dans le contexte qui nous (exemple « panne » et « bon fonctionnement » du même compo-
intéresse ici. sant), la structure logique devient non monotone (on dit aussi « non
cohérente »). La notion de coupe minimale devient alors caduque
■ Parmi les plus connues des méthodes de base, on peut citer : et doit être remplacée par celle « d’impliquants premiers ». Cela est
— l’analyse « fonctionnelle » ; particulièrement vrai pour les arbres d’événement qui sont des
— l’analyse préliminaire des risques (APR) ; structures logiques non cohérentes par construction.

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Pendant très longtemps, on n’a pas su réaliser de calculs exacts


sur de grandes structures logiques et on a utilisé des algorithmes États
approchés et conservatifs convenant relativement bien pour traiter
les besoins liés à la sécurité de systèmes cohérents. Pour les pro- E1
babilités fortes et les systèmes non cohérents, le problème sub-
E2
siste et, bizarrement, il semble actuellement occulté aussi bien par
les fournisseurs des logiciels que par leurs utilisateurs... Pourtant E3
depuis une dizaine d’années sont apparus de nouveaux algorith-
mes (à base de « diagrammes binaires de décision ») [8] résolvant E4
ces difficultés et permettant de manipuler des modèles de très
grande taille et d’obtenir des résultats exacts même dans le cas de Temps
modèles non cohérents. Des voix commencent à s’élever et nul
doute que des changements devraient survenir à plus ou moins Figure 1 – Représentation graphique d’un processus stochastique
court terme.
■ Les méthodes dynamiques les plus connues sont les suivantes :
5.2 Processus stochastique
— processus de Markov [4] ;
— réseaux de Petri stochastiques (RdPS) [5] [6]. Un système qui évolue entre divers états de manière aléatoire
Ces méthodes, auxquelles il faudrait maintenant ajouter des porte, en mathématique, le nom de « processus aléatoire » ou de
modélisations par des langages formels comme le langage Alta- « processus stochastique ». Dans le domaine des probabilités les
Rica, ont été développées pour permettre la prise en compte des deux termes sont synonymes et comme leur nom l’indique, il s’agit
aspects comportemental et temporel que les méthodes statiques de processus où le hasard intervient [7].
ne permettent pas d’appréhender correctement.
La figure 1 montre la représentation graphique d’un tel processus
Si l’approche markovienne est analytique, l’approche par RdPS stochastique où l’on voit le système sauter d’états en états au bout
nécessite des calculs par simulation de Monte Carlo. Ces appro- de délais aléatoires au gré des défaillances, réparations, reconfigu-
ches sont complémentaires mais, comme elles sont décrites en rations, etc.
détail dans des articles spécifiques [SE 4 071] et [SE 4 072] nous ne
les développerons pas plus avant ici. Dans le cas d’un système de production, chacun des états
correspond bien entendu à un niveau de production différent : la
dichotomie classique marche/panne n’est plus utilisable ici car,
entre l’état de fonctionnement parfait (production maximale) et
5. Systèmes dynamiques l’état de panne totale (production nulle), il existe de nombreux
états dégradés (production inférieure au maximum mais non nulle)
qui doivent être correctement pris en compte pour évaluer la pro-
5.1 Introduction duction du système. La notion classique de disponibilité moyenne
(temps de marche/temps total) doit céder le pas à celle plus géné-
Depuis le début de cet article, nous utilisons le terme « systèmes rale de disponibilité de production (production assurée/production
dynamiques » comme s’il allait de soi. Il devient maintenant néces- maximale possible). Nous verrons plus loin que la disponibilité de
saire de préciser un peu plus ce que sous-entend ce vocable dans production est le prolongement naturel de la disponibilité
notre contexte. moyenne classique qui, de ce fait, n’est qu’un cas de disponibilité
Un coup d’oeil sur le dictionnaire donne : de production.
Processus de Markov et RdPS constituent les deux modèles de
dynamique, « qui considère les choses dans leur mouvement, représentation les plus couramment utilisés en France par les ingé-
leur devenir ». nieurs fiabilistes.

Cela convient bien à notre propos, car nous allons nous pré-
occuper ici des systèmes industriels dont les états changent au
cours du temps en fonction des aléas (défaillances, réparations,
5.3 Typologie des systèmes
reconfigurations, météo...) auxquels ils sont soumis.
Bien que de nombreux éléments aient été développés précédem-
À la réflexion, il pourrait être difficile de trouver un système
ment, nous allons maintenant regarder d’un peu plus près quand
industriel qui ne soit pas dynamique ! Un simple composant
l’ingénieur fiabiliste doit opter pour une modélisation par proces-
« réparable » qui passe alternativement de l’état de marche à celui
sus stochastique plutôt que pour une méthode plus simple du type
de réparation est indubitablement un système dynamique. Et
arbre de défaillance (archétype des approches booléennes) par
même, à la limite, un composant non réparable qui possède tout
exemple.
de même deux états – marche et panne (ou il reste après y être
tombé) – est en toute rigueur « dynamique ». En fait, c’est plutôt le Cela dépend à la fois de la nature du système lui-même, mais
type de modélisation mise en œuvre pour obtenir les résultats aussi du type de résultats à évaluer. Deux axes déterminants
recherchés qui confère un caractère statique ou dynamique : nous permettant d’effectuer la discrimination peuvent être dégagés :
nous intéressons donc plus précisément dans cet article à la modé-
1) les composants élémentaires indépendants les uns des autres
lisation des caractères dynamiques des systèmes industriels.
ou non ;
Il est à noter cependant que, depuis quelques années, est appa- 2) les composants élémentaires réparables ou non.
rue une nouvelle discipline théorique dénommée « fiabilité dyna-
mique » dont le sujet est de combiner dans une modélisation La plupart des méthodes mathématiques mises en œuvre dans les
unique à la fois les processus physiques continus et les phénomè- calculs de probabilité postulent que les composants de base sont
nes aléatoires. Bien entendu, il y a un lien avec notre propre pro- indépendants. Cela signifie qu’ils évoluent indépendamment les uns
pos mais il s’agit en quelque sorte de l’étape suivante de ce que des autres et que l’état de l’un n’affecte pas du tout l’état de l’autre.
nous avons entrepris de décrire ici où nous nous focaliserons sur Bien entendu, cela reste très théorique et aucun système industriel
les systèmes industriels possédant un nombre fini d’états discrets ne répond exactement à ce critère d’indépendance. En pratique, si
et évoluant au cours du temps entre lesdits états. les interactions restent ténues, les composants sont réputés, tout au

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moins pour les calculs, indépendants. Sinon, si les interactions sont Comme on l’a déjà dit, la plus grande partie des études réalisées
importantes, elles devront être modélisées explicitement. correspondent à des systèmes de sécurité possédant les caractéris-
tiques suivantes :
Sauf domaine particulier (spatial, avion en vol...), les composants
— probabilité de défaillances faibles ;
sont en général réparables (remplaçables, reconfigurables...). Il en
— priorité pour les réparations.
résulte que les systèmes industriels sont pratiquement toujours
dynamiques quelque part. Cependant, en régime permanent, un La première de ces caractéristiques est intéressante du point de
certain équilibre peut être atteint qui permet de les assimiler à des vue mathématique, car elle implique que les approximations habi-
systèmes statiques. tuelles marchent bien. La seconde diminue l’interdépendance des
composants vis-à-vis de la maintenance. La très faible probabilité
Exemple : un composant réparable de taux de défaillance λ et de d’avoir plusieurs défaillances liées à la sécurité en même temps
taux de réparation µ atteint rapidement un équilibre où son indisponibi- alliée à la priorité pour les réparations font que tout se passe
lité moyenne devient constante et égale à λ/µ. Le processus comme si chaque composant avait une équipe de maintenance
défaillance/réparation est clairement dynamique mais celui correspon- attitrée. L’interdépendance liée à un nombre limité de réparateurs
dant à l’indisponibilité moyenne asymptotique est tout aussi clairement est donc assez ténue pour ce genre de système qui constitue le cas
statique puisqu’elle ne change plus au cours du temps. idéal (configuration no 2) où les approximations des arbres de
défaillances marchent parfaitement bien pour les calculs de dispo-
Pour les études classiques, le croisement de ces deux critères nibilité moyenne. C’est ce qui explique que ceux-ci sont utilisés
conduit au tableau 1. avec succès et depuis longtemps à cet usage.
(0)

Pour les calculs de fiabilité proprement dits, la situation est


moins idéale car, mathématiquement, les composants ne sont
Tableau 1 – Typologie des systèmes réparables que pour autant que leur défaillance n’entraîne pas la
panne globale du système. Cela introduit une interrelation entre
Arbre tous les composants du système concerné, interrelation que l’arbre
Configu- Composants Composants Processus de défaillance ne sait prendre en compte que de manière appro-
de
ration indépendants réparables stochastique chée et dans des cas très particuliers.
défaillance
Pour les configurations 3 et 4, l’utilisation sans discernement des
Calculs Marteau approches booléennes risque de conduire à des déboires. La
1 Oui Non exacts pilon
variété des dépendances entre composants est infinie et il est
Calculs d’une nécessité primordiale de distinguer celles qui peuvent être
2 Oui Oui Utile prises en compte correctement de celles qui ne le peuvent pas
approchés
selon le processus stochastique utilisé.
3 Non Non Résultats Indispensable
douteux Bien entendu, pour les études de disponibilité de production, la
présence de divers niveaux de production rend pratiquement
4 Non Oui Résultats Indispensable inopérante l’approche booléenne et oblige à utiliser les processus
douteux stochastiques dans tous les cas.

Références bibliographiques

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