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Département d’aménagement
Spécialité Aménagement
Thème
Année universitaire:
2019/2020
La composante Sciences de l’information géographique et risques naturels du module «
Risques » a, pour objectif, de donner un cadre théorique, conceptuel et méthodologique pour
l’utilisation de la géomatique et, plus particulièrement, des systèmes d’informations
géographiques (SIG) pour l’analyse des risques naturels et environnementaux en s’appuyant
sur un large champ d’exemples et d’applications. Cet enseignement aborde les dimensions
multi scalaires, à la fois, globales et particulières de la complexité des processus territoriaux et
environnementaux que permet d’embrasser la géomatique au travers du lien SIG – territoire –
risques – modélisation, tout autant que les limites de telles démarches.
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complexité d’un phénomène en autant de couches descriptives thématiques et spatiales, de
combiner ces couches pour en extraire des informations nouvelles, plus synthétiques et de
leur appliquer des requêtes et des traitements d’analyse spatiale de façon interactive »
(Prospeck-Zimmermann, 2003). Les SIG constituent, avec la télédétection et la modélisation
spatiale, l’un des outils de la géomatique (géographie informatique) pour l’étude des risques
naturels et industriels.
Pertinence de la géomatique
les cartographies des plans de prévention des risques (PPR) et des plans d’évaluation
des risques (PER) dans lesquels sont figurés le zonage des portions de territoire
soumises à un risque naturel majeur indiquant le niveau de vulnérabilité et leurs
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étendues possibles. Il pose le problème de la cartographie de l’aléa et l’incertitude sur
les tracés des limites des zones soumises aux risques industriels ou naturels.
les modèles de simulations hydro géographiques, sismiques, géomorphologiques
rendant compte de l’évolution d’un cours d’eau, des formes d’un relief et de ses
conséquences possibles sur les populations et les infrastructures. Ces modèles, à la fois
dynamiques et prédictifs, sont encore relativement peu utilisés pour la modélisation
des risques et la cartographie de leurs étendues. Cependant, seuls quelques modèles
hydrographiques et d’écoulement des avalanches sont utilisés pour simuler les
étendues et les intensités possibles d’une crue, d’un mouvement de terrain ou d’une
avalanche.
les modèles simulant l’étendue d’un incident industriel sur l’environnement et les
populations. Ils sont généralement basés sur la modélisation de l’étendue maximale
d’une explosion d’un produit dangereux, elle-même corrélée aux conditions
météorologiques locales (vent, hydrométrie, etc.) et combinée avec les bases de
données géographiques d’occupation du sol pour évaluer les impacts sur les
populations et l’environnement : nombre d’habitants touchés, lieux, dégâts,
conséquences sur le milieu, etc. Ces modèles sont rattachés aux sites industriels
classés Seveso.
les systèmes de production de bases de données géographiques qui sont censés
représenter l’occupation et l’utilisation du sol, les dynamiques de transformation des
territoires courant un risque. Ces bases de données forment le socle informationnel des
quatre autres systèmes d’informations géographiques qui sont ici décrits. Elles
renseignent sur les portions de l’espace géographique, alimentent et affinent les
modèles de simulation et contribuent à déterminer les zones de risques et à leur mise à
jour.
les satellites d’observation de la Terre, optiques ou radar, de type Landsat, Spot, IRS,
Pléiade, Cartosat, etc., permettent de générer des bases de données géographiques et
spatiales élémentaires sur les territoires à risques ou soumis aux aléas et aux risques :
cartographie d’occupation du sol, paysages, visualisation 3D, etc. Les images satellites
permettent également de produire de l’information géographique sur la nature,
l’étendue et les conséquences d’un incident industriel, des évènements naturels
pouvant toucher les populations et les territoires. La mobilisation rapide des systèmes
d’observations spatiaux, l’étendue des zones couvertes par les images satellites, les
fréquences de revisites sur les portions d’espaces touchées par une catastrophe
naturelle ou industrielle en font une des pierres angulaires des systèmes d’informations
géographiques dédiés à l’analyse, la prévention et la gestion des risques.
les systèmes d’alerte météorologique qui sont basés sur l’emploi conjoint de satellites
d’observations météorologiques optiques et radar (POES, GOES, Météosat NG,
MetOp, etc.) et des réseaux de stations de mesures météorologiques au sol permettent,
par exemple, le suivi en temps réel d’un cyclone, d’évaluer le volume des
précipitations sur les contreforts sud des Cévennes. Ces systèmes d’alerte sont basés
sur la mesure continue des phénomènes météo climatiques.
la diffusion interactive des informations relatives aux zones à risques, de leur nature et
des moyens de prévention à mettre en place au niveau individuel auprès des
populations via la cartographie et les SIG Internet. Leur mise en place est un enjeu
important pour porter (préventivement) à la connaissance des populations les
informations sur la nature des risques, les moyens et les comportements à adopter, tout
comme les prévenir de la possibilité d’un évènement naturel pouvant concourir à une
catastrophe « naturelle » (qui n’a rien de naturelle pour les populations).
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La disparité de l’ensemble des systèmes de production et d’informations géographiques
dédiés à l’analyse, l’identification de la nature des risques, à la mesure et à la simulation de
leur intensité, étendue et conséquences sur les territoires, infrastructures et populations, rend
compte de la difficulté et de la complexité du processus d’alerte, de prévention et de gestion.
La diversité des risques naturels et les réponses et les études particulières à apporter à chacun
reflètent la multiplicité des systèmes géomatiques développés. La multiplicité des systèmes
géomatiques est accentuée par la difficulté, voire le plus souvent l’incapacité de simuler de
façon générique au niveau particulier les impacts et les étendues d’un évènement sismique ou
météorologique au niveau local.
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risques naturels et dans la simulation des conséquences humaines, environnementales et
physiques. Leur efficacité est cependant toute relative dans le domaine de l’alerte précoce,
c’est-à-dire, de la probabilité de l’arrivée imminente d’une catastrophe naturelle suite, par
exemple, à un évènement pluvieux. Cependant, la qualité des modèles de simulation, obtenue
pour une part, avec ces données, permet d’évaluer les possibilités de risques naturels et
environnementaux pouvant affecter les populations et les espaces anthropisés. Les trop faibles
répétitivités des prises de vues, la complexité, la longueur et les problèmes de reproductibilité
des méthodologies de traitement des images satellites en font de mauvais systèmes d’alerte
mais d’efficaces méthodes et outils d’analyses précoces et de diagnostic des possibles risques
naturels et environnementaux sur un territoire.
Les systèmes spatiaux d’alerte précoce les plus aboutis sur les risques naturels actuellement
en service sont les satellites météorologiques et d’étude du climat comme POES, GOES,
MétéoSat NG, DMSP ou encore MetOp qui vient d’être mis sur orbite. Leurs hautes
résolutions spectrales couvrant de larges fenêtres du spectre électromagnétique sur des
surfaces de plusieurs milliers de km²et leurs fréquences de prises de vues (une série d’images
chaque 15 minutes avec MétéoSat NG et chaque 30 minutes avec GOES 8) permettent, à la
fois, le suivi en temps quasi réel des perturbations, la prévision météorologique et l’étude des
interactions des surfaces continentales-climats–atmosphères avec une mise à jour moyenne
toutes les 3 heures de la situation météorologique. A titre d’exemple, les satellites
météorologiques militaires DMSP de la série F-8 / F-14 embarquent des capteurs optiques
visibles et infrarouges, un radiomètre imageur hyperfréquence passif SSM/I (Special Sensor
Microwave / Imager) et un sondeur vertical (SSM/T-I (Special Sensor
Microwave/Temperature) permettant la mesure à l’échelle mondiale de paramètres de
surfaces et atmosphériques comme le contenu de vapeur d’eau dans l’atmosphère, le contenu
en eau liquide des nuages et le taux de précipitations, la vitesse (l’intensité) du vent à la
surface des mers et océans, l’humidité des sols, la détection des surfaces enneigées et leur
contenu en eau, la mesure des concentrations des glaces, l’analyse de l’âge des glaces, etc. Le
radiomètre en hyperfréquences passives SSM/I dispose de 7 bandes spectrales travaillant dans
4 bandes de fréquences différentes (DMPS, 2006) couvrant des superficies de 156,25 km² à
1943236 km²
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présentant un risque naturel potentiel majeur. Généralement mises à jour à partir de
données ortho-photographiques ou d’images de télédétection hautes résolutions, ces
bases de données géographiques et cartographiques, intégrées dans les systèmes
d’informations géographiques (SIG), recouvrent et intègrent une large gamme
d’informations et de bases de données : référentiel grande échelle, cartes d’occupation
et d’utilisation du sol, bases de données socio-économiques et démographiques de
l’INSEE, plans cadastraux, etc. L’intérêt est de les rendre rapidement mobilisables
auprès des différents acteurs, l’enjeu est de les mettre rapidement à jour (crash
program).
3. Celui du suivi en temps quasi réel de l’évènement naturel et de l’évaluation des
impacts sur les populations, les territoires, l’environnement et leur étendue. Celui-ci
s’effectue, en général, par la mobilisation des satellites d’observation de la Terre ou
dédiés au suivi des crises naturelles et environnementales comme Formosat 2 en
corrélation directe avec les systèmes d’informations géographiques de suivi et de
gestion de crise et de terrain (CAD/I d’Intergraph par exemple).
4. Celui de la mise à disposition des cartes et des informations aux populations qui
risquent ou qui sont touchées par une catastrophe naturelle. Si la mise à disposition via
l’Internet de ce type d’information à l’échelle de la parcelle a été prônée dans le livre
blanc du CNIG « S’informer pour prévenir le risque naturel » et la convention
Aarhus, celles-ci peinent à être mises en place.
5. Celui de l’évaluation, à posteriori, des conséquences et de l’intensité des zones
touchées, des personnes et des biens atteints. La pertinence de la géomatique et, plus
particulièrement, des systèmes de gestion de bases de données à référence spatiale
(SGBDS), dépend de la précision des corrélations spatiales entre localisation des
assurés–sinistrés, étendue et intensité de la catastrophe et dégâts occasionnés. Les
outils et démarches géomatiques sont utilisés à tous les échelons d’analyses, de
prévention, de suivi et de « traitements » d’une catastrophe naturelle. Ils forment
l’ossature informationnelle géographique et spatiale de l’ensemble des systèmes
d’alerte, de prévention, de gestion d’un évènement tout autant qu’un moyen
d’évaluation des dégâts occasionnés. L’utilisation quelque peu fragmentée de la
géomatique comme outil et démarche d’analyse et de traitement de l’information tient
à la multi fonctionnalité même des systèmes d’informations géographiques, de la
simulation et de la modélisation spatiale et de la télédétection. La géomatique est
utilisée comme un moyen de produire de l’information, de compléter ou mettre à jour
des bases de données géographiques, un outil d’analyse spatiale, de simulation et de
prévention. Elle tient également à la multiplicité des acteurs intervenants dans le
processus de prévention, de gestion et d’évaluation des risques naturels. La diversité
des acteurs institutionnels, la spécificité de leur rôle et fonction respective, conduisent
et se traduisent par une multiplicité des systèmes géomatiques.
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réel ou lors de l’évaluation des dégâts, tout comme l’information aux assurés pose la question
de l’efficience des architectures de types SIG mobiles existantes.
S’il est actuellement difficilement concevable de mettre en œuvre un système d’information
intégré sur les risques naturels en raison de la diversité des SIG et d’alerte, de la multiplicité
des acteurs et des intérêts, plusieurs pistes pourraient être envisagées en terme
d’interopérabilité, de mise en commun ou à disposition des bases de données, des analyses ou
des simulations. L’interopérabilité des systèmes d’informations géographiques pourrait se
faire par l’échange des différentes sources d’informations acquises par les différents acteurs
institutionnels et privés : données brutes, bases géographiques et spatiales, cartes, analyses,
modèles de simulations. La mise en commun des données et rapports ne pourrait qu’enrichir
les études, traitements et analyses des autres acteurs impliqués dans la prévention et la gestion
des risques naturels. Elle permettrait, également, une meilleure coordination et gestion des
ressources informationnelles tout autant qu’une rationalisation des besoins et une
identification des manques. La mutualisation, la structuration et la hiérarchisation des
fonctions entre les acteurs au travers des SIG, si nécessaire soient-elles, se heurtent à une
logique, une « culture » de non diffusion des sources d’informations et des ressources
(connaissances et savoir faire). Les réticences liées à la non communicabilité des données et
connaissances rendent difficile la mise en place de plateformes communes de prévention,
d’alerte et d’analyse ou à défaut interopérables. Les réticences des acteurs institutionnels et
privés à l’interopérabilité des données, informations, connaissances, analyses et des systèmes
conduisent à une démultiplication des SIG, à une absence de normalisation des bases de
données et de formalisation des besoins, si minime soit-elle. On peut se demander si cette
logique de non diffusion a réellement un sens. Plus de 95% de l’information géographique est
ouverte ou disponible, nombre de données catégorisées comme non diffusables ou/et
manquantes peuvent être produites ou du moins approchées par la combinaison, l’association
de bases de données existantes et les résultats produits à partir d’autres variables et indicateurs
géographiques. La confidentialité des données et ressources socio–géographiques à la
mutualisation ne cacherait-elle pas, en partie, une autre réalité : l’obsolescence, l’état
embryonnaire des systèmes d’informations mis en place par certains de ces acteurs, tout
autant que certaines déficiences ? Ou plus simplement la culture corporatiste, les politiques
commerciales et jalousées de certaines institutions ou acteurs privés se heurtent à celle de
l’intérêt général de la société et des populations ? En l’absence de systèmes d’informations et
d’alerte interopérables ouverts disponibles, les populations ont tout intérêt à utiliser les
systèmes d’informations géographiques « ouverts » étasuniens qui renseignent sur le niveau
d’alerte et de prévention des risques et catastrophes naturelles potentielles, à venir ou en
cours. Ces systèmes d’informations « ouverts » consultables en temps réel par l’Internet, issus
de la politique de domination informationnelle globale nord-américaine, sont constamment
améliorés et mis à jour. Ils s’appuient en grande partie sur les réseaux de mesures et les
constellations de satellites d’observation de la Terre. Ils sont actuellement conçus pour fournir
une information ouverte aux échelles globales et régionales, parfois locales. Tel World Win
de la NASA, ils pourraient, par la puissance d’intégration des données et des modèles mis à
jour en quasi temps réel, se substituer à certains SIG mis actuellement en place. La
consultation ouverte des SIG sur les niveaux, types et cartographies des risques naturels mis
en place par les DIREN répond à cette attente de la part de la société civile. Cependant, en
l’absence réelle de système géomatique d’alerte et d’information, pourtant prônée par le
conseil national de l’information géographique (CNIG) et formalisée par la convention
Aarhus, une possible mise en dépendance informationnelle par rapport aux systèmes
d’informations et d’alerte étasuniens liée à une demande sociétale en constante augmentation
est-elle politiquement acceptable ?
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SIG, risques et équitabilité géographique de la gestion de la
vulnérabilité
Si la question de l’efficience des démarches d’analyses et de conceptualisation des risques
naturels par la géomatique est depuis plusieurs années démontrée, l’éclatement des systèmes
mis en place, même au sein des DIREN (direction régionale de l’environnement), la disparité
et la qualité des données et informations implémentées et modélisées entre différents SIG de
chacune d’entre-elles, l’absence ou l’existence d’interopérabilité avec d’autres systèmes
d’informations ou acteurs institutionnels nuit à la mise en place d’une politique globale de
prévention et de gestion intégrée des catastrophes naturelles formalisée par le biais de la
géomatique. Les inégalités de traitement, les disparités des études et des analyses des plans de
prévention des risques, tout autant qu’une absence de restitution géographique disparate pose
la question du « traitement » équitable des populations devant les risques naturels. Problème
d’équitabilité géographique et sociétale qui transparaît à travers les SIG mis en place à cet
effet. Sur le plan strict des sciences géomatiques, les difficultés d’harmonisation des données
et informations, d’interopérabilité des systèmes et modèles, l’incapacité de certains acteurs
institutionnels et privés à s’accorder sur la mutualisation des données, sans compter les
difficultés de généraliser à des fins opérationnelles les modèles de simulation, malgré le
nombre et la qualité des modèles développés, rendent difficiles la mise en place de systèmes
de prévention réellement spatialisés et localisés. Ceci est d’autant plus préjudiciable que le
cadre politique, sociétal et technique du rôle et de l’emploi de l’information géographique et
de ses modalités d’application ont été clairement définis et entérinés à travers 16 propositions
du livre blanc publié en 2005 « S’informer pour prévenir le risque naturel ». Les modalités
ont été fixées, reste aujourd’hui à les mettre en œuvre.