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BARREAU DE BRUXELLES

COURS CAPA

Droit des sociétés

Maurice Krings

(Mise à jour par Marie-Charlotte Godefroid,

Pierre-Olivier Mahieu et Jérôme Henri)

Janvier 2021
2

PLAN DES LEÇONS

- Première leçon : la constitution d'une société (pages 6 à 22)

- Deuxième leçon : l'assemblée générale et l’organe d’administration (page 23 à


42)

- Troisième leçon : les responsabilités (pages 43 à 74)

- Quatrième leçon (première partie) : les comptes annuels de la société (pages 75


à 109)

- Quatrième leçon (deuxième partie) : regards critiques sur quelques


exemples de comptes annuels (page 110)

- Cinquième leçon : les conventions de cession de parts ou d'actions (pages 111


à 131)
3

Introduction

Comme tous les cours capa, le cours capa de droit des sociétés a pour objectif de fournir aux
avocats stagiaires une formation orientée vers la pratique.

On n'y trouvera donc :

- Ni un exposé des principes de droit des sociétés : ceux-ci sont censés avoir été assimilés
à l'université ; deux ouvrages de synthèse sont à conseiller et devraient figurer dans la
bibliothèque de tout praticien du droit des sociétés : Tilquin, T. et Simonart, V., Traité
des sociétés, Bruxelles, Kluwer, T.I, 1996, T. II, 1997, T.III, 2005 et J. Malherbe, Y. De
Cordt, P. Lambrecht, P. Malherbe et H. Culot, Droit des sociétés, Bruxelles, Éditions
Larcier, 2020 (5e édition).

- Ni une analyse des controverses ou des plus récentes décisions de jurisprudence : il


existe d'excellents ouvrages et des revues juridiques que le présent cours n'a pas pour
objet de synthétiser.

Le but du cours est de familiariser l'avocat qui entame une carrière professionnelle avec la
pratique. Au cours des leçons, on s'attachera à montrer quelles sont les questions que doit se
poser l'avocat lorsqu'il est le conseil de sociétés, d'actionnaires ou des administrateurs de
sociétés et quels sont les réflexes à acquérir dans la préparation des réponses les plus
fréquemment posées à l'avocat.

L'accent sera délibérément mis sur l'avocat dans l'exercice de sa mission de conseil, plutôt que
l'avocat qui défend un client dans le cadre d'une procédure contentieuse, à l'exception sans doute
du cours consacré à la matière des responsabilités.

Pour suivre utilement les leçons, il est recommandé :

- De relire le code des sociétés et des associations (ci-après « CSA ») et son arrêté
d'exécution;
Il est d’ailleurs vivement recommandé de se munir de ces deux instruments juridiques
afin de suivre utilement les leçons.

- De relire votre cours de comptabilité (si vous en avez suivi un) ou, le cas échéant, de
vous familiariser avec les notions fondamentales de cette discipline grâce à un manuel
général

Un mot d'explication au sujet des deux recommandations qui précèdent.

Parlons d’abord de la comptabilité. Je suis convaincu qu’il est indispensable de savoir lire les comptes
annuels (bilan et comptes de résultat) et comprendre ce qu'ils peuvent révéler (ou cacher) pour assumer
pleinement le rôle de conseil d'entreprises.

J'ajoute que la comptabilité des sociétés est le socle sur lequel se fonde la fiscalité des sociétés et je
suis donc également convaincu que l'avocat qui se propose de devenir le conseil de sociétés (en tout
cas pour les aspects "corporate") se doit de maîtriser correctement les conséquences fiscales des
décisions que prennent leurs dirigeants.

En ce qui concerne le CSA., on ne s'attend pas à ce que les stagiaires qui suivent le cours CAPA
"sociétés" soient parfaitement familiarisés avec l’ensemble des dispositions de ce Code, d’autant
plus que c'est tout le code des sociétés qui a récemment été modifié et que nombre d’entre vous
n’ont pas eu l’occasion d’étudier ces changements de manière approfondie.
4

Ce code, adopté le 23 mars 2019 et entré en vigueur le 1er mai 2019, constitue une réponse aux
dispositions antérieures, jugées rigides, complexes, inadaptées et archaïques, et à la
prolifération et foisonnement des formes sociétaires dans notre droit.
L’objectif de la réforme est tout d’abord de simplifier le droit des sociétés et des associations.
Dans cette optique, la distinction traditionnelle entre les sociétés civiles et sociétés
commerciales a été supprimée et le nouveau critère de distinction entre les sociétés et les
associations est désormais l’octroi d’avantages patrimoniaux et/ou la distribution de bénéfices
à ses membres. Toujours dans cet objectif de simplification, le concept de société faisant appel
publiquement à l’épargne a été supprimé et nous avons désormais une nouvelle définition des
sociétés cotées. Répondant également à ce souci de simplification, le nombre de formes
sociétaires a été limité de même que le nombre de sanctions pénales a été réduit. La SPRL a été
rebaptisée « SRL », société à responsabilité limitée, et la forme de la SPRLU a été supprimée.

Ce premier objectif de simplification est complété par celui de flexibilité encouragé notamment
par l’utilisation de l’anglais pour certains documents, l’utilisation du site internet et des adresses
électroniques, le fait que de nombreuses règles deviennent subjectives, l’élection de domicile
par les dirigeants au siège de la société ou encore la suppression du concept de
« capital social » pour les anciennes SPRL et enfin la possibilité également dans le cadre des
sociétés anonymes d’avoir un administrateur unique.

Enfin, la réforme se veut être en ligne avec les développements européens et prévoit désormais
le lieu de la constitution de la société comme critère pour l’application du droit belge des
sociétés.

Le CSA est divisé en cinq parties/dix-huit livres (n° d’article par livre) :

• 1 : dispositions générales (livre 1 à 3)


• 2 : les sociétés (livre 4 à 8)
• 3 : les associations et les fondations (livre 9 à 11)
• 4 : restructuration et transformation (livre 12 à 14)
• 5 : les formes légaleseuropéennes (livre 15 à 18)

Une dernière remarque avant de clôturer cette introduction. Le droit des sociétés comprend un
socle de règles applicables à toutes les sociétés et en outre un ensemble de règles applicables
soit aux grandes sociétés, soit aux groupes de sociétés, soit aux sociétés ayant fait appel public
à l'épargne (sociétés cotées en bourse). Compte tenu du nombre limité d'heures de cours
(actuellement réduit à 10 heures) et pour donner une place réelle à l'interactivité entre le
professeur et les avocats qui suivent le cours, on se limitera tout d'abord à l'examen des
principales dispositions communes à toutes les personnes morales régies par le Code.

Ensuite, les mêmes contraintes de temps imposent des choix quant aux types de sociétés que
nous allons examiner au cours des leçons. On se limitera à la S.R.L., la S.C et la S.A.

Ce sont ces mêmes contraintes de temps qui nous conduisent à ne pas exposer la matière des
fusions et scission de sociétés, les apports de branches d'activités ou d'universalités.

Enfin, nous ne pourrons aborder au cours CAPA les règles spécifiques aux sociétés dont les
actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (sociétés cotées).

Un droit spécifique à ces sociétés s'est élaboré au fil des années. Tout au plus le professeur
pourra-t-il signaler au cours des leçons que telle ou telle matière fait l'objet d'une réglementation
spécifique pour les sociétés cotées.
5

La mise à jour du cours CAPA droit des sociétés est un travail permanent.
Vos réactions et commentaires sont non seulement bienvenus mais souhaités, pour que ce cours
réponde autant que possible à vos attentes.

Maurice Krings, Marie-Charlotte Godefroid,


Pierre-Olivier Mahieu et Jérôme Henri

Janvier 2021
6

Premier cours : la constitution d'une société

Situation : une personne vous consulte et vous expose qu'elle se propose de constituer une
société. Cette personne vous demande de la conseiller et de l'assister dans les démarches qui
seront nécessaires à cette fin11.

Par quoi allez-vous commencer ?

Nous examinerons successivement :

1.1 Les questions préalables


1.2 Quelle forme de société choisir ?
1.3 Le plan financier
1.4 La préparation de l'acte constitutif
1.5 En marge de la constitution de la société …
1.6 La convention d'actionnaires

1.1. Questions préalables

1.1.1. S'agit-il de la première société constituée par cette personne ? Vous consulte-t-elle
à titre personnel, comme futur actionnaire ou représente-t-elle le groupe
d'actionnaires qui vous demandera ensuite d'être le conseil de la société ? Attention
aux conflits d'intérêts ultérieurs éventuels !

1.1.2. S'agit-il de la filiale d'une société existante ou de la succursale belge d'une société
étrangère existante (pas de personnalité juridique propre) ? Dans la suite de l'exposé
on examinera les questions liées à la constitution d'une nouvelle société. Lorsqu'il
s'agit de la succursale belge d'une société étrangère les formalités à accomplir
figurent aux articles 2:23 à 2:29 CSA.

1.1.3. Quel sera l'objet social de cette société ? L'activité est-elle réglementée ? Y a-t-il des
questions relatives à l'accès à la profession ? (voir §1.4.2. in fine et 1.5.4.).

1.1.4. Si le futur actionnaire qui vous consulte est une personne physique, quel est son
régime matrimonial ? Les actions qu'il s'apprête à souscrire seront-elles un bien
2
propre ou commun2 ?

1
Stéphane.Gilcart, La société en formation, Kluwer, 2004, 544 pages.
2
Sur cette question, voy. Y.-H. Leleu et S. Louis, Société et régime matrimonial de communauté, Bruxelles Larcier,
2010, 152 p.
7

1.2. Quelle forme de société choisir ? Considérations qui influencent le choix de la forme
de société.

1.2.1. Remarque introductive : le CSA ne comporte plus que quatre livres relatifs aux
quatre types de sociétés de droit belge qui subsistent à savoir la société simple
(société en nom collectif et société en commandite), la SRL, la société coopérative
et la société anonyme. Toutes les autres formes de sociétés sont supprimées.

1.2.2. capital minimum

S.R.L.

- Comme évoqué dans l’introduction, l’une des principales innovations du


CSA est la suppression de la notion de capital dans la S.R.L., destinée à être
la société de base (art. 5:1 et 5:3 CSA). Désormais la S.R.L. devra
uniquement disposer de fonds propres suffisants pour débuter son activité («
les fondateurs veillent à ce que la société à responsabilité limitée dispose
lors de sa constitution de capitaux propres qui, compte tenu des autres
sources de financement, sont suffisants à la lumière de l’activité projetée »).
Le corollaire de la suppression du capital est l’élaboration d’un plan financier
renforcé (obligation positive) dans lequel les fondateurs devront justifier le
montant des capitaux propres de départ à la lumière de l’activité projetée
pour une période d’au moins deux ans.
- Ceci reflète la volonté du législateur de faire de la SRL la forme de société
la plus souple et attractive sur le plan international - la SRL pourra également
être une société cotée mais sous réserve du respect de nombreuses règles
applicables aux SA.

S.C.

Le régime de la SC est largement calqué sur celui de la SRL et elle est


dépourvue de capital. Les fondateurs doivent veiller à la suffisance des
capitaux propres sans capital minimum exigé (art.6:4 CSA). Cette forme
sociétaire est maintenue mais uniquement pour les « vraies coopératives »,
soit celles ayant pour but principal la satisfaction des besoins et/ou le
développement des activités économiques et/ou sociales de leurs
actionnaires. L’objectif du législateur est de supprimer les fausses
coopératives telles que par exemple les associations d’avocats ou de
réviseurs qui avaient emprunté cette forme en raison de la souplesse qu’elle
offrait, principalement en ce qui concerne l’entrée et la sortie de ces
actionnaires.

S.A. : € 61.500 (art. 7:2 SCA) intégralement souscrit et libéré (art. 7:4 SCA)
- La S.A. a été maintenue mais surtout pour les grandes sociétés et les sociétés
cotées (suppression des sociétés ayant fait public appel à l’épargne).

1.2.3. Nombres d'actionnaires

- S.R.L. : possibilité d’avoir un actionnaire unique.


- S.C. : minimum trois actionnaires (art.6:3)
- S.A. : possibilité d’avoir un actionnaire unique.
8

1.2.4. Fondateurs ou souscripteurs

- S.A. : Les comparants à l'acte constitutif seront considérés comme


fondateurs de la société, mais possibilité pour les "petits actionnaires" de ne
pas assumer les responsabilités des fondateurs si un ou plusieurs actionnaires
détenant ensemble au moins un tiers du capital sont désignés comme
fondateurs. Les autres comparants sont simples souscripteurs (art. 7:13 CSA)
Importance de cette distinction : voir §1.3 et § 3.2 ci-après.

- S.R.L. et S.C. : Désormais, la possibilité existe également pour les


comparants d’être de simples souscripteurs comme pour la SA (art. 5:11
CSA et art. 6:12 CSA).

1.2.5. Transfert des titres

- S.R.L. : maintien du principe de l’agrément pour le transfert des actions mais


celui-ci devient une règle supplétive à laquelle les statuts peuvent donc
déroger, et prévoir une cessibilité libre (art. 5:63 CSA).

- S.C. : régime calqué sur celui de principe de la SRL et donc une libre
cessibilité des titres entre actionnaires existants (art. 6:52 CSA) et une libre
cessibilité aux tiers pour autant que le cessionnaire entre dans les catégories
déterminées par les statuts et qu’il réponde aux conditions statutaires pour
être actionnaire (art.6:54 CSA).

- S.A. : des restrictions à la négociabilité des titres n'existent que si les statuts
ou des conventions entre actionnaires le prévoient. Clauses d'inaliénabilité
limitées dans le temps et doivent être justifiées par un intérêt légitime
(art.7:78 CSA)) (voir également § 1.6.2., premier tiret, ci-après) – Notons que
désormais les clauses d’inaliénabilité doivent uiniquement être justifiée par
un « intérêt légitime » tandis que l’ancien code exigeait une justification par
l’intérêt social, et ce à tout moment.

1.2.6. Sortes de titres

- S.R.L. : suppression du numerus clausus puisque désormais la SRL peut,


comme la SA, émettre tous les titres qui ne sont pas interdits par la loi (art.
5:18 CSA). – grande latitude laissée aux actionnaires (régime légal supplétif
– exemple : principe de proportionnalité pour la répartition des bénéfices et
du solde de liquidation devient supplétif).

- S.C. : uniquement actions nominatives avec droit de vote, et obligations - les


actions ne pourront être négociée sur un marché réglementé (art.6:19 CSA)

- S.A. : la S.A. peut émettre tous les titres qui ne sont pas interdits par la loi –
principe de proportionnalité pour la répartition des bénéfices et du solde de
liquidation devient supplétif. En outre, des titres des S.A. peuvent être
dématérialisés (si la société a opté pour ce régime), ce qui permet un relatif
anonymat du capital.(art.7:35 à 7:44 CSA).
- Remarque : l’article 7:83 CSA. stipule que la personne physique ou morale qui
possède ou contrôle directement ou indirectement plus de 25% des actions
ou des titres donnant droit de vote, doit le notifier à la société concernée
dans les cinq jours de l’acquisition.
9

1.2.7. Organe d’administration : les personnes

- Remarque générale : le CSA unifie la terminologie et, pour toutes les formes
de société, se réfère de manière générale à l’ « organe d’administration »

- S.R.L. : par défaut, la S.R.L. est gérée par un ou plusieurs administrateurs


agissant individuellement mais les actionnaires peuvent également opter
pour un organe de d’administration collégial (art.5:70). L’administrateur
d'une S.R.L. peut être nommé pour la durée de la société (pas de risque
d'oublier de le réélire ou de le remplacer !).

L’administrateur d'une S.R.L. peut être désigné dans les statuts ; il est
protégé du risque de révocation puisque celle-ci implique une modification
statutaire, qui suppose que soient réunies les conditions de forme, de quorum
et majorité requise (voir §§2.4.1. à 2.4.4.).

- S.C. : un ou plusieurs administrateurs nommés par l'assemblée générale (art.6:58


CSA) – régime similaire à celui de la S.R.L.

- S.A. : trois régimes distincts sont proposés

1) régime collégial moniste (avec minimum trois administrateurs sauf


si deux actionnaires) – art. 7:85 CSA ;
2) régime collégial dualiste ((i) conseil de surveillance qui définit la
politique générale et la stratégie de la société et surveille le CD et (ii)
conseil de direction qui s’occupe de la gestion opérationnelle avec
pour chacun des conseils minimum trois administrateurs) – art.7:104
CSA ou ;
3) administrateur unique (avec possibilité de prévoir que les
modifications statutaires, distributions de bénéfices ou révocations
soient subordonnées à son accord (droit de veto)).- art.7:101 CSA).

Dans toutes les sociétés examinées dans le cadre du cours CAPA (SRL, SC et SA),
les administrateurs peuvent être des personnes physiques ou morales, associées ou
non. Lorsqu'une personne morale est désignée pour exercer un mandat de gestion,
celle-ci est tenue de désigner parmi ses actionnaires, gérants, administrateurs,
membres du comité de direction, ou travailleurs, un représentant permanent chargé
de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale. La société nommée
mandataire ne peut révoquer son représentant qu'en désignant simultanément son
successeur ( art.2:55 CSA.).

1.2.8. Organe d’administration : mode de fonctionnement

- S.R.L. : chaque administrateur peut accomplir seul tous les actes nécessaires ou
utiles à l'accomplissement de l'objet social. Les restrictions statutaires au pouvoir
d'action individuel de chaque administrateur sont valables entre parties mais non
opposables aux tiers, même si elles sont publiées (art.5:73 CSA). Par défaut, la
SRL est gérée par un ou plusieurs administrateurs (gestion conjointe) mais les
actionnaires peuvent opter pour un organe d’administration collégial. L’organe
d’administration peut charger une ou plusieurs personnes de la gestion
journalière.

- S.C. : l'administrateur, s'il est unique, peut accomplir seul tous les actes de
gestion. S'il y a plusieurs administrateurs, ils agissent en collège (art. 6:61 CSA).
10

- S.A. : Dans le système moniste, les administrateurs d'une S.A. forment un


collège (art.7:85 et 7:93 CSA). Par ailleurs, il est possible de déléguer la gestion
journalière (gestion courante) à un délégué à la gestion journalière, qu portera en
général en pratique le titre (non défini par la loi) d’administrateur-délégué (s’il
est également administrateur) ou de directeur général (s’il ne l’est pas). En ce
qui concerne la représentation externe de la société, les statuts peuvent donner le
pouvoir à un ou plusieurs administrateurs, agissant seuls ou conjointement, de
représenter la société (art.7:93, §2 CSA), même au-delà de la gestion journalière,
mais il existe également des délégations de signatures par des clauses statutaires
(clause de double signature, très fréquente dans la pratique : art.7:93, §2 CSA.).
Par ailleurs, nouvelle définition de le gestion journalière (actes qui n’excèdent
pas les besoins de la vie quotidienne et actes d’intérêt mineur ou caractère
urgent) – art.7:121 CSA. Cf 2e leçon, §§2.6 et 2.7

1.2.9. Organes d’administration : responsabilités

Renvoi à la troisième leçon (§§ 3.3.19 et 3.3.27).

1.2.10. Considérations fiscales

La structuration de l'actionnariat d'une société ou le choix de la forme de société peut encore


être influencé par des considérations fiscales, par exemple :

- taux d'imposition réduit pour la première tranche de bénéfices (0-100.000 €)


(Art. 215 al. 2. CIR/92), taux réduit exclu pour les sociétés dont les actions
ou parts sont détenues à concurrence d'au moins la moitié par une ou
plusieurs autres sociétés (art. 215 al. 2, 2° CIR/92). La société a la charge de
la preuve qu'elle est en droit de bénéficier des taux de taxation réduits par
tranches; ceci conduit parfois au choix d'une forme de société dont les
actions ne peuvent être que nominatives (actionnaires aisément identifiés);
en cas de liquidation d'une SNC, d'une SCS, d'une SRL (note : le Code des
Droits d’Enregistrement doit encore être mis à jour sur ce point), possibilité
d'attribuer l'immeuble appartenant à la société à un ou plusieurs
actionnairesmoyennant paiement du droit de partage (1%) plutôt que le droit
établi pour les ventes (12,5 %; 10 % en région flamande, 6 % pour les petites
propriétés rurales ou les habitations modestes), lorsqu'il est établi que
l'associé qui devient propriétaire de ces immeubles faisait partie de la société
au jour de l'acquisition par celle-ci (art. 129, al. 3, 2° C. Dr. Enr.).
- Si la transparence fiscale des sociétés dotées de la personnalité juridique pour
les sociétés ayant adopté la forme de société de personnes n'existe plus en
droit fiscal belge, elle existe dans le droit fiscal d'autres pays. Sous réserve
de l'application des dispositions fiscales belges en matière de précompte
mobilier, les dividendes payés par une S.R.L. belge peuvent bénéficier des
"Partnership Treatment" aux Etats-Unis, ce qui n'est pas possible si la
société distributrice est une société de capitaux.

1.2.11. Spécificités de la S.A.

La S.A. est la forme de société à laquelle le Code consacre le plus de dispositions


(232 articles, à comparer aux 128 articles pour la S.C. et 158 pour la S.R.L.). Cela se
traduit par un nombre important d'opportunités, néanmoins largement généralisées
par le CSA aux SRL (livre 5), voire aux SC (livre 6), telles que la possibilité
d'émettre des :
11

- Actions sans droit de vote (art.7:57 CSA, 5:42 CSA);


- Titres dématérialisés (art. 7:22, al.2 CSA, 5:18, al. 2, CSA, 6:19 CSA);
- Obligations convertibles en actions (art.7:62 CSA, 5:50 CSA)). Il est
également possible de créer des obligations remboursables en actions;
- Des droits de souscription (art.7:67 CSA, 5:55 CSA)

Ou la possibilité de choisir entre trois systèmes de gouvernance (art. 7:85, 7:101, 7:104
CSA). La CSA a permis une plus grande souplesse et créativité pour la gouvernance des
SA à travers le choix entre un système moniste (un seul conseil d’administration, ou
encore un administrateur unique) et un système dualiste (scission des pouvoirs entre un
conseil de direction et un conseil de surveillance).

Ou encore

- D'autoriser le conseil d'administration à augmenter le capital social dans le


cadre du capital autorisé et aux conditions des articles 7:198 et s. CSA
(5:134 CSA) ;
- Moyennant autorisation des statuts, le conseil d'administration peut
distribuer un acompte sur dividendes (art. 7:213 CSA, 5:141, al. 2, CSA,
6:114, al. 2, CSA).

Notons que le CSA n’a pas consacré de nouveaux développements essentiels au


sujet de la SA mais cette dernière reste la société privilégiée pour les grandes
structures et les sociétés cotées – Par ailleurs, compte tenu de la flexibilité apportée
par le CSA notamment dans la constitution de la SRL, la SA perd de sa spécificité
et de son attractivité pour les plus petites structures.

1.2.12. Droit transitoire du CSA

En ce qui concerne le droit transitoire, le CSA est entré en vigueur le 1er mai 2019.

A dater de cette date d’entrée en vigueur, les statuts des sociétés qui sont
nouvellement constituées devaient être conformes aux dispositions du CSA. A partir
de cette date, il n’était dès lors plus possible de constituer de nouvelles personnes
morales ou de transformer des personnes morales sous une forme que le CSA
supprime. Il est également prévu qu’à cette date entraient en vigueur le chapitre 3 de
la loi qui prévoit notamment les dispositions en matière de droit international privé
avec la théorie du siège statutaire.

En ce qui concerne les sociétés existantes, le CSA s’applique en principe au 1er


janvier 2020. Pour rappel les sociétés dotées de la personnalité juridique sont
censées exister à partir du jour où elles ont acquis la personnalité juridique.

Depuis le 1er janvier 2020, les sociétés doivent mettre leur statut en conformité avec
le CSA, et ce, à la 1ère modification de leurs statuts et au plus tard le 1er janvier 2024.
Il est donc prévu une longue période de transition pour les sociétés existantes.

En outre, dès le 1er janvier 2020, les dispositions impératives du CSA sont devenues
d’office applicables aux sociétés existantes et les clauses statutaires contraires seront
réputées non écrites.

Il est encore précisé qu’à compter du 1er janvier 2020, la partie libérée du capital fixe
et la réserve légale des anciennes SPRL ont été converties de plein droit en un
compte de capitaux propres, statutairement indisponible.
12

Enfin, pour ce qui concerne les sociétés qui ont une forme juridique en voie de
disparition, elles resteront soumises au Code actuellement en vigueur jusqu’à leur
transformation, étant entendu toutefois qu’à défaut de transformation avant le 1er
janvier 2024, elles seront transformées de plein droit au 1er janvier 2024 en la forme
de société qui leur est le plus proche.

x x
x

L'énumération ci-dessus des différences entre les différentes formes de sociétés n'est pas
exhaustive. Elle a pour objectif de montrer que le CSA peut être lu de manière transversale et
les enseignements de cette lecture peuvent être de nature à influencer le choix des fondateurs.

Supposons que la forme de société est à présent choisie.

L'étape suivante sera la préparation du plan financier.

1.3. Le plan financier

1.3.1. La création d'une société requiert la préparation d'un plan financier (S.R.L. : art.5:4
CSA; S.C. :art. 6:5 CSA ; SA : art.7:3 CSA).

1.3.2. La suppression du capital notamment pour la SRL a engendré la mise en place de


l’exigence d’un plan financier renforcé. Les fondateurs doivent remettre un plan
financier dans lequel ils justifient le montant des capitaux propres de départ. Désormais, le
CSA définit de manière précise le contenu du plan financier (S.R.L. : art. 5:4, §2 CSA ;
S.C. : art.6:5, §2 CSA ; SA : art.7:3 , §2 CSA).

1.3.3. Schéma du contenu du plan financier selon le CSA.

« § 2. Le plan financier doit au moins comporter les éléments suivants:

1) une description précise de l'activité projetée;


2) un aperçu de toutes les sources de financement à la constitution en ce compris, le cas
échéant, la mention des garanties fournies à cet égard;
3) un bilan d'ouverture établi conformément au schéma visé à l'article 3:3, ainsi que des
bilans projetés après douze et vingt-quatre mois;
4) un compte de résultats projeté après douze et vingt-quatre mois, établi conformément
au schéma visé à l'article 3:3;
5) un budget des revenus et dépenses projetés pour une période d'au moins deux ans à
compter de la constitution;
6) une description des hypothèses retenues lors de l'estimation du chiffre d'affaires et de
la rentabilité prévus;
7) le cas échéant, le nom de l'expert externe qui a apporté son assistance lors de
l'établissement du plan financier. »

En définitive, l'objectif d'un plan financier est de déterminer le besoin en fonds de roulement
(BFR) de la future société pendant les deux premières années de son existence (en anglais
Working Capital Requirement – WCR). Au cours oral, on expliquera ce que signifie ce concept
de besoin en fonds de roulement
13

1.3.4. Examen d'un exemple de plan financier et d'un contre-exemple (imaginaire)

Renvoi aux annexes 1.3.5.A et 1.3.5.B

1.3.5. Responsabilité liée au plan financier

Les fondateurs sont responsables des engagements de la société, dans une proportion
fixée par le juge, en cas de faillite prononcée dans les trois ans de la constitution, si
le capital était, lors de la constitution manifestement insuffisant pour assurer
l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période de deux ans au moins
(S.R.L. : art.5:16, 2°SCA; S.C. : art.6:17, 2°SCA; S.A.: art.7:18, 2°CSA). Rappel :
distinction entre fondateur et souscripteur– voir § 1.2.4 ci-avant).

x x
x

Le plan financier est un document trop souvent négligé par les fondateurs des petites et
moyennes entreprises. Le rôle de l'avocat est d'attirer l'attention de ses clients sur l'importance
de ce document et les responsabilités qui peuvent en découler, en cas de faillite survenant
dans les trois ans de la constitution. – Ce rôle de l’avocat est accentué compte tenu des
nouvelles dispositions en matière d’établissement du plan financier.

1.4. La préparation de l'acte constitutif

1.4.1. Acte authentique

- les SRL, SC et SA sont, à peine de nullité, constituées par un acte


authentique (art.2:5 CSA);
- acte notarié obligatoire ;
- les notaires font usage de statuts type, dont la structure est quasi constante.
Examen des statuts-type d'une SRL : annexe 1.4.1. A
SA : annexe 1.4.1. B

1.4.2. Renseignements à fournir au notaire en vue de la préparation de l'acte authentique

- Lettre type au notaire chargé d'établir l'acte authentique


Annexe 1.4.2. A

- Siège social, capital social souscrit et libéré, nombre d’actions, identité des
fondateurs & identité administrateurs (copie ID/passeports si personnes
physiques/ si personne morale belge : copie ID/passeports des représentants
légaux / si personne morale étrangère : extrait de registre de commerce +
statuts + copie ID/passeports des représentants légaux), date AGO, date
clôture annuelle, reprise des engagements, identité du commissaire
éventuel);
- Nom de la future société : demander au notaire de faire une recherche quant
à la dénomination envisagée ;
- Objet social : rédiger avec soin avec le client en veillant à englober toutes les
formes technologiques et commerciales que peuvent revêtir l'activité
14

envisagée. Il faut examiner les différentes classifications juridiques d'une


activité :
o achat/vente, location, représentation ;
o pour compte propre/pour compte de tiers ;
o activités financières et immobilières qui sont propres à assurer la
réalisation de l'objet social ;
o la société peut-elle s'intéresser dans la gestion d'autres sociétés?
o la société a-t-elle vocation à exercer ses activités à l’étranger ?
o Il sera généralement conseiller au client de mettre d’office les objets
standards (ex : mandat d’administrateur/ liquidateur… / La société
peut, par voie de souscription, apport, fusion, absorption,
coopération, participation, intervention financière, ou toute autre
manière, participer à toute société ou association ayant un objet
identique ou connexe, ou dont l’objet pourrait faciliter la réalisation
de son objet, même indirectement.).
- Choix de la langue de l'acte: la langue de l’acte dépend du siège social (si
Flandre : statuts d’office en NL/ si Wallonie : FR et Bxl : choix des deux
langues). Contrairement à l’ancien Code des Sociétés, le CSA règle
explicitement cette matièr. Le CSA prévoit que les statuts soient établis dans
la langue ou l’une des langues officielles de la région linguistique où elle est
établie, mais ceux-ci et les autres documents sociaux peuvent également être
traduits et déposés dans un ou plusieurs (autres) langues officielles de
l’Union européenne La langue choisie pour les statuts influencera la langue
dans laquelle s'établiront les contacts avec les administrations publiques et
délimitera le périmètre dans lequel le conseil d'administration pourra
déplacer le siège social (dans la mesure où les statuts donnent ce pouvoir à
l’organe d’administration, ce qui est généralement le cas). (§ 2.4.6. et
l'annexe 2.4.6.A). Changement de langue: renvoi à la deuxième leçon (art.
2 :33 CSA).

- Déclaration bénéficiaire effectif à remplir par toute personne morale qui


serait souscripteur/fondateur

- attestation bancaire de dépôt du capital libéré

Annexe 1.4.2. B

- si l'objet social relève d'une activité protégée (accès à la profession) et si ni


l’organe d’administration ni un futur dirigeant engagé à temps plein ne
dispose des compétences professionnelles requises au jour de la constitution,
les statuts mentionneront que la future société limitera son activité à la partie
de son objet social qui n'est pas réglementée, jusqu'à ce que le problème de
l'accès à la profession soit résolu (exemple type : « Au cas où la prestation
de certains actes serait soumise à des conditions préalables d’accès à la
profession, la société subordonnera son action, en ce qui concerne la
prestation de ces actes, à la réalisation de ces conditions »).

- Administrateurs non-résidents d'un pays de l'EEE ou de la Suisse: disposent-


ils de la carte professionnelle ou un permis de travail leur permettant
d'exercer en Belgique une activité professionnelle à titre de travailleur
indépendant ou salarié ?

- procurations : les fondateurs ou souscripteurs non présents lors de la


constitution chez le notaire peuvent s'y faire représenter par un tiers porteur
d'une procuration. La procuration peut être donnée par acte sous seing privé.
15

La prudence commande de demander au notaire de préparer lui-même les


procurations (voy. § 3.2.3. ci-après).

Annexe 1.4.2. C

1.4.3. Le jour de l'acte:

- les fondateurs-souscripteurs doivent être présents ou représentés par


procuration ;
- les personnes physiques doivent être munies de leur carte d'identité ou de
leur passeport ;
- Les sociétés commerciales doivent être représentées par une ou plusieurs
personnes qui doivent être à même de justifier leur qualité c'est-à-dire les
statuts de la société qu'ils représentent, la publication au Moniteur belge de
l'acte de nomination de la personne physique présente chez le notaire, ou un
"extrait intégral des données d'une entreprise personne morale" (peut-être
obtenu sur le site du SPF Economie – Banque-Carrefour des Entreprises –
"public search"); voir exemple en annexe 1.4.3.A) ; pour les sociétés établies
à l'étranger qui comparaissent en Belgique, le notaire vérifiera si selon la loi
du pays d'origine de la société, les documents qui lui sont produits justifient
que la personne physique qui comparaît a qualité pour représenter la
personne morale de droit étranger ou si le porteur de procuration a reçu son
mandat d'une personne ayant qualité pour représenter la société de droit
étranger. En cas de doute, la prudence enseigne qu'avant l'acte et pour éviter
toute difficulté lors de la signature, on présente au notaire les documents qui
lui seront produits le jour de l'acte;
- Le plan financier doit être présenté au notaire et sera signé en sa présence
par les personnes ayant la qualité de fondateur (ou par les porteurs de
procuration des personnes qui ont la qualité de fondateur) ;
- Le cas échéant, le notaire aura également reçu directement du réviseur
d'entreprises ou de l'expert-comptable choisi par les fondateurs le rapport
d'évaluation des biens apportés en nature par les fondateurs pour constituer
tout ou partie du capital social (S.R.L. :art.5:7 CSA ; S.C.:art.6:8 CSA; SA:
art.6:110 CSA). )

Annexe 1.4.3.B

- Le notaire aura reçu au préalable directement de la banque l'attestation de


dépôt des fonds correspondant au capital libéré;
- Les personnes qui seront désignées administrateurs à l'issue de l'assemblée
générale constitutive de la société devront être présentes à l'acte pour
accepter le mandat ou elles devront avoir donné procuration à une personne
présente pour accepter le mandat en leur nom:

Annexe 1.4.3. D ;

- Lorsque l'acte constitutif est signé, le notaire remet à la personne, ou aux


personnes qui viennent d'être désignées comme organes de gestion de la
nouvelle société, une attestation confirmant que la société a été constituée.
Cette attestation permet à l’organe d’administration d'obtenir le déblocage
des fonds qui ont été versés à la banque en vue de constituer le capital:

Annexe 1.4.3. C ;

- la réglementation du notariat en Belgique impose aux notaires d'être


16

provisionnés le jour de l'acte de la totalité de leurs honoraires et frais. Ces


frais seront avancés par les fondateurs qui en obtiendront remboursement de
la société après la constitution.

1.4.4. Après la passation de l'acte authentique

- le notaire se charge du dépôt au greffe du Tribunal de l’entreprise d'un extrait


de l'acte pour publication au Moniteur belge ainsi que d'une expédition de
l'acte pour dépôt au dossier de la nouvelle société au greffe du Tribunal de
l’entreprise. Légalement la société n'existe qu'à dater du dépôt des pièces par
le notaire au greffe du Tribunal ;
- Le notaire se charge de faire enregistrer l'acte constitutif ;
- Le notaire communique le numéro d’entreprise dès réception ;
- Les responsables de la nouvelle société ont l'obligation de faire procéder à
l’immatriculation de la société à la Banque Carrefour des Entreprises
(B.C.E.), via un guichet d'entreprise (liste des guichets d'entreprises agréés
sur le site internet du SPF Economie, P.M.E. Classes moyennes et Energie).
L'immatriculation à la B.C.E. doit mentionner les domaines d'activité de la
société au moyen de codes, selon la classification NACEBEL. L'importance
de cette obligation ne saurait être sous-estimée : En vertu de l'article III.26,
§ 2 du Code de droit économique, toute entreprise qui n'est pas inscrite à la
Banque Carrefour des Entreprises ou qui n'est pas inscrite auprès de cette
institution pour l'activité qu'elle exerce réellement, court le risque de voir
son action en justice déclarée irrecevable, si ce moyen d'irrecevabilité est
soulevé in limine litis par la partie adverse3. Cette obligation est souvent
oubliée ou négligée en cas de modification de l'activité de la société au fil
des années;
- Parmi les diverses obligations qui incombent aux administrateurs dès leur
entrée en fonction figure l'immatriculation de la nouvelle société à la TVA,
à l'ONSS, à une caisse d'assurance sociale (la société est tenue de payer une
cotisation sociale loi du 30 décembre 1992), etc. ;
- Il leur revient également de compléter le registre UBO ;
- Certaines activités requièrent des autorisations (dans le secteur alimentaire,
par exemple mais il existe d'innombrables secteurs d'activités économiques
soumis au régime des autorisations administratives préalables) : les
autorisations doivent être obtenues préalablement au démarrage de l'activité.
Ces autorisations étant souvent délivrées à des personnes physiques, seront
donc sollicitées au nom du futur responsable de la gestion journalière de la
société ;

1.5. En marge de la constitution de la société

1.5.1. Un grand nombre de démarches peuvent être accomplies au nom et pour compte
d'une société en formation.

Ces engagements pourront être censés avoir été souscrits par la société si celle-ci
est constituée dans les deux ans qui suivent la naissance de l'engagement et si celle-
ci reprend l'engagement contracté pour elle, dans les trois mois de l’acquisition de
la personnalité juridique (art. 2:2 CSA).(Ne pas oublier de la signaler aux fondateurs
d'une société et veiller à ce que la formalité prescrite par l'article 2.2. CSA soit
3
Cass. 28 mai 2010, affaire C.09.0528.F, arrêt publié par extrait R.D.C., 2010, p. 898.
17

accomplie).

1.5.2. Il est ainsi fréquent de négocier un bail, l'acquisition d'un immeuble ou d'un fonds
de commerce au nom d'une société en formation. Les sommes payées par les
promoteurs de la société leurs seront remboursées par la société, après sa
constitution si celle-ci reprend l'engagement contracté.

1.5.3. Divers contrats pourront être négociés voire conclus avant la constitution de la
société (contrats de travail; contrat de concessions; licence de fabrication ou
d'exploitation, etc.).

L'avocat consulté dans le cadre des démarchées préalables à la constitution de la


société veillera à insérer dans tous les contrats négociés par les fondateurs pour
compte de la société « en formation » une condition suspensive de la constitution de
la société et de la reprise des engagements par cette société.

1.5.4. Un grand nombre d'activités secondaires ou tertiaires sont "protégées" : elles ne


peuvent être exercées que si un dirigeant de l'entreprise dispose – en plus des
connaissances de gestion de base – de la compétence professionnelle requise pour
l'exercice de l'activité projetée.

Outre les activités professionnelles pour lesquelles l'affiliation à un ordre


professionnel ou un institut professionnel est requise (titres professionnels protégés
: avocats, médecins, pharmaciens, architectes, réviseurs d'entreprises, experts
comptables, etc.) de nombreuses activités professionnelles sont réglementées,
certaines font l'objet de réglementations spécifiques d'accès à la profession (p. ex.
courtiers d'assurance), d'autres professions ont été regroupées par secteurs
d'activités et font l'objet de réglementation sectorielles (secteur automobile, secteur
de la construction et de l'électrotechnique, secteur des soins corporels, secteur
alimentaire, etc.).

À noter que la Flandre a supprimé, sous l’influence de la réglementation


européenne, le concept de compétences entreprenariales

La preuve des connaissances de gestion de base ainsi que la preuve des compétences
professionnelles doivent être fournies au moment de l'inscription à la Banque-
Carrefour des Entreprises.

1.5.5. En vertu de l’article 10 de l’arrêté royal n° 38 organisant le statut social des


travailleurs indépendants, les mandataires sociaux doivent s'affilier à une Caisse
d'assurances sociales préalablement à la constitution de la société. Cela signifie :
- Pour les administrateurs résidents en Belgique : obligation
d'immatriculation auprès d'une caisse d'assurance sociale pour travailleurs
indépendants, sauf s'ils cotisent déjà à un régime d'assurance sociale
obligatoire en Belgique (à titre de travailleur indépendant).
- Pour les administrateurs non-résidents en Belgique : l'immatriculation à
une caisse d'assurance sociale pour travailleurs indépendants est
obligatoire. Ils seront exemptés du paiement de cotisations sociales belges
s'ils peuvent établir qu'ils cotisent à un régime de sécurité sociale (comme
salarié ou à titre de travailleur indépendant) dans un Etat membre de l'EEE
ou en Suisse.
18

1.6. La convention d'actionnaires (Protocole de Partenariat, Pacte d'actionnaires)

1.6.2. D'origine anglo-saxonne, la pratique s'est développée de joindre aux statuts -


stipulations relativement standardisées - un pacte d'actionnaires qui complète les
dispositions statutaires.

La doctrine a dégagé les principes qui régissent ces conventions4.

1.6.3. Typologie d'une convention d'actionnaires

Les conventions d'actionnaires échappent à toute idée de standardisation. Il s'agit


du type même de convention rédigée sur mesure.

On peut schématiquement regrouper les clauses habituelles en trois grandes


catégories.

- Organisation conventionnelle des transferts de parts ou d'actions


Relèvent de cette catégorie; les clauses extrastatutaires :

o D'agrément du cessionnaire
o De préemption ou de préférence
o De non-acquisition (ne pas modifier les équilibres au sein de
l'actionnariat - clause de stand-still) ; elles doivent être justifiées par
un intérêt légitime
o De droit de suite (imposé aux actionnaires majoritaires – clause de
tag-along)
o D'obligation de sortie conjointe (imposée aux actionnaires
minoritaires – clause de drag-along)
o De sortie proportionnelle et réciproque
o D'option d'achat ou de vente (call or put)
o De résolution des blocages en cas de différend entre actionnaires (i) ;
ces situations se résolvent parfois par des mécanismes de buy or sell;
le cas échéant aménagé sous forme de dispositions à enveloppes
fermées, "clause texane")
o D'exclusion en cas de différend grave. Ces clauses, très utiles,
permettent de modaliser conventionnellement les articles 2:63 et s.
SCA.
o En matière de cession forcée des titres dans les S.R.L. et S.A.; pour rappel
: l'exclusion d'un associé est organisée par la loi pour les S.C. et peut être
prévu statutairement pour les S.R.L.
o De retrait. Même remarque qu'au tiret précédent. Pour ce qui
concerne le retrait organisé par l’article 2:68 CSA, les motifs
conventionnels du retrait peuvent être élargis à d'autres circonstances
que celles prévues à l'article 2:63 CSA. Pour rappel, dans la S.C., un

4
P. Van Ommeslaghe, "Les conventions d'actionnaires en droit belge", R.P.S., 1989, p. 290 ; V. Simonart, "La
contractualisation des sociétés ou des aménagements des mécanismes sociétaires", R.P.S., 1995, p. 109 ; H. Laga, "Het
reglement van inwendige orde in vennootschappen", T.P.R. 1993, p. 922 ; P.A. Foriers, "Les situations de blocage dans
les sociétés anonymes" R.D.C. 1992, p. 483 ; C. Staudt et P. Kileste, "Le statut des administrateurs et les pactes
d'actionnaires" in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, [Jeune Barreau Bruxelles
2004], p. 14 ; P. Kileste et O. Ralet, "Droits et protections de l'actionnaire minoritaire", R.D.C. 1979, p. 847 ; P. De Wolf,
"Exercice du pouvoir et fonctionnement de la S.A. : un régime de liberté (moins ) surveillé", J.T. , 2003, p. 592 ; P. De
Wolf et B. Feron, "les conventions d'actionnaires, une évolution inachevée" D.A.O.R., 1991, p. 33 ; O. Caprasse et R.
Aydogdu, "Contrôle et pactes d'associés" in Contrôle, stabilité et structure de l'actionnariat [Jeune Barreau Bruxelles
2009], p. 146 ; D. Willermain, "les pactes d'actionnaires : principes fondamentaux – Clauses relatives à l'exercice du
pouvoir", D.A.O.R., 1991, p. 14.
19

associé a le droit de démissionner (art. 6:120 CSA) et les statuts de


la S.R.L. peuvent l’organiser (art. 5:154 CSA).

- Organisation conventionnelle de la gestion de la société.


Relèvent de cette catégorie les clauses extrastatutaires :

o Donnant droit à un actionnaire minoritaire à une représentation


minimale au conseil d'administration
o Spécifiant que certains points (listés dans la convention) ne pourront
être décidés hors de la présence des administrateurs désignés par
l'actionnaire minoritaire - voire même exigeant l'accord de
l'administrateur désigné par l'actionnaire minoritaire, ce qui revient à
lui donner un droit de veto
o Organisant le processus de décision au sein du conseil
d'administration pour certains points listés dans la convention.

L'organisation de la composition du conseil d'administration se heurte dans


les S.A. à l'obstacle de la durée limitée (6 ans mais renouvelable de manière
illimitée) du mandat des administrateurs (art.7:85, §2 CSA) ainsi qu’à
l'obligation de limiter dans le temps les pactes de vote (art. 7:56 CSA pour
les SA, également d’application pour les SRL (5:46) et SC (6:45)). Il existe
des clauses contractuelles efficaces permettant d'assurer une certaine
pérennité aux clauses contractuelles organisant la gestion de la société.

- Organisation conventionnelle de la répartition des bénéfices.

Relèvent de cette catégorie les clauses contractuelles :

o Définissant le mode de rémunération des administrateurs actifs


o Déterminant le niveau d'autonomie financière visé avant toute
distribution des bénéfices
o Organisant indirectement le partage des bénéfices (réduction du
capital, …)
o Organisant le rachat d'actions propres.

Signalons l'ouvrage de Me Arnaud Coibion, Les conventions d'actionnaires en


pratique, qui allie à une analyse fouillée des contraintes juridiques, la proposition
de quelques clauses qui peuvent inspirer les rédacteurs de convention
d'actionnaires [Larcier, 2010].

1.6.4. Pour le surplus, que comporte un pacte d'actionnaires ?

- les actionnaires lient-ils leur participation dans le capital de la société à


l'exercice d'une activité professionnelle au sein de la société ? Dans
l'affirmative, quelles sont les conséquences de la fin de l'activité
professionnelle de l'actionnaire au niveau de sa participation dans le capital
(problématique des « good leavers » et « bad leavers ») ?
- les actionnaires s'engagent-ils à maintenir à l'avenir la parité de leur
participation dans le capital, en cas d'augmentation de capital ? En cas de
non exercice du droit de souscription préférentiel, comment se répartiront les
droits de souscription non exercés ? (aménagements conventionnels des
articles 5:128-5:129 et 7:188-7:189 CSA)
- compléter les clauses statutaires relatives au droit d'agrément au droit de
préemption ou droit de suite, par des dispositions particulières en cas de
décès ou d'incapacité de travail définitive d'un actionnaire investi de
20

fonctions de gestion journalière de la société;


- rémunération des organes de gestion de la société : seront-ils rémunérés ?
dans l'affirmative, selon quel mode de calcul ? La rémunération des
administrateurs s'entend-elle pour un travail à temps plein ou partiel ?
Comment définit-on le travail "à temps plein" d'un administrateur
indépendant ? Que considère-t-on comme une heure de travail pour
l'entreprise ? Quels sont les droits d'un administrateur ou gérant en cas
d'incapacité de travail ? Quelle politique l'entreprise se fixe-t-elle au niveau
des avantages extra-légaux (usage des cartes de crédit, véhicules de sociétés,
téléphones, ordinateurs) etc. ?
- Les administrateurs se répartissent-ils les fonctions de gestion ? Dans
l'affirmative selon quelles règles ?
- Les actionnaires autorisent-ils les administrateurs à avoir des activités
professionnelles autres que la gestion de la société ? Engagement d'apporter
toute sa force de travail au profit de la société ?
- Clause de non-concurrence ; maintien d'obligations de non-concurrence
même en cas de sortie de l'actionnariat de la société ;
- Politique de gestion de la société : les actionnaires privilégient-ils une
politique audacieuse et dynamique en vue de l'expansion (avec prise de
risque) ou préfèrent-ils une politique de prudence (pas de prise de risque)?
- Quelle politique les actionnaires vont-ils adopter en matière de distribution
de dividendes : vise-t-on la distribution de tout le bénéfice distribuable dès
que la réserve légale est constituée (réserve légale : art.7:211 CSA)? Ou bien
va-t-on à l'inverse choisir une politique de mise en réserve des bénéfices ?
Ou encore les actionnaires choisissent-ils un ratio d'indépendance financière,
à partir duquel la distribution de dividendes est envisagée ?
- Liste des décisions pour lesquelles les actionnaires conviennent que les
administrateurs délibéreront préalablement entre eux; dans une SRL qui
comporte plusieurs administrateurs, il s'agit d'un aménagement
conventionnel au principe de la plénitude du pouvoir de gestion reconnu aux
administrateurs agissant individuellement.
- Exemple d'actes d'administration qui pourraient requérir une codécision ou
une majorité qualifiée au sein du conseil d'administration :

o Toute opération immobilière et notamment achat ou vente


d'immeuble, contrat de location immobilière, etc.
o Toute opération d'investissement ou de placements financiers telles
qu'achat ou vente d'actions, d'obligations ou autres effets mobiliers;
o Toute décision concernant l'engagement ou le licenciement de
personnel salarié ou la conclusion de contrat avec un collaborateur à
titre indépendant (parfois au-delà d'un certain seuil);
o Toute opération d'achat, vente, leasing ou location à long terme de
matériel d'exploitation, ou toute opération scindée de ce type dont le
total représente une charge supérieure à [***€] sur une période de 12
mois consécutifs ;
o Tout achat ou tout achat scindé de biens et de services (autres que les
achats de stock) dont le total représente une charge supérieure à
[***€] sur une période de 12 mois consécutifs ;
o Toute réduction ou remise de prix par rapport au prix de vente
usuel/catalogue/affiché;
o Toute transaction dans les litiges;
o Toute opération opérationnelle ou financière entre d'une part la
société et, d'autre part, un associé, un gérant, son conjoint,
compagnon ou compagne, ses ascendants, descendants, alliés ou
parents et collatéraux jusqu'au *** degré, ainsi que leur conjoint,
21

compagnon ou compagne ;
o Toute opération opérationnelle ou financière entre la société et une
entreprise dans laquelle une personne visée au tiret précédent détient
un intérêt significatif ou exerce une fonction dirigeante de droit ou
de fait ;
o Toute cession d'un élément significatif de l'actif (c'est-à-dire
représentant à la date de la cession au moins ** % du montant total
des actifs de la société), ou toute cession d'une partie de l'activité de
la société ;
o Toute décision de modifier les rémunérations du personnel ;
o Lorsque les statuts prévoient que les mandats des administrateurs
sont rémunérés et que l'assemblée générale qui les nomme confie au
conseil d'administration le soin de fixer la rémunération des
administrateurs, toute décision relative à cette rémunération ;
o Toute opération ne relevant pas de la gestion journalière
o Etc.

1.6.5. Dans les lignes qui précèdent nous avons brièvement examiné la convention
d'actionnaires conclue au moment de la constitution de la société (ce qui constitue
le thème de la première leçon). Débordons à présent du contexte de la constitution
d'une société. Nous constatons qu'une convention d'actionnaires peut également être
négociée en cours de vie de la société. Ce sera le cas par exemple en cas d'entrée de
nouveaux actionnaires dans la société.
Des investisseurs professionnels (Venture Capitalists ou VC) n'ont pas pour objectif
de maintenir leur participation à long terme. Un VC négociera son apport en capital
par les clauses :

o d'exit : la période de lancement de la société ou d'un nouveau produit


étant définie conventionnellement, le VC négociera dès son entrée
dans le capital les conditions de sa sortie, avec souvent à la clé des
modalités de répartition du prix de vente des actions lui assurant un
rendement privilégié
o de ratchet investisseur : le VC a souscrit une augmentation de capital
sur la base d'une valorisation de la société qui a permis de déterminer
le prix d'émission des actions nouvelles souscrites par lui. Si, à
l'occasion d'une augmentation de capital ultérieure ouverte à de
nouveaux investisseurs, la valorisation de la société se fait sur une
base moins élevée que lors de l'augmentation de capital précédente,
le VC se protégera contre une dévalorisation de son investissement
par une clause lui donnant droit de souscrire à un nombre d'actions
nouvelles (ou de racheter des actions des actionnaires fondateurs)
pour un prix calculé de manière à ce que la valeur de son
investissement reste inchangée.

La mise au point de clauses de ce type recourt à des techniques de calcul qui peuvent nécessiter
le concours d'économistes qui maîtrisent les outils de calculs nécessaires. L'avocat se fera en ce
cas assister de spécialistes du chiffre pour la mise au point de pareilles clauses.
22

LISTE DES ANNEXES AU PREMIER COURS

1.3.5. A Plan financier

1.3.5. B. Contre-exemple (à ne pas imiter !)

1.4.1. A. Statuts type S.P.R.L.

1.4.1. B. Statuts type S.A.

1.4.2. A. Lettre type au notaire chargé d'établir l'acte authentique de constitution d'une
société

1.4.2. B. Exemple d'attestation bancaire de dépôt du capital souscrit et libéré

1.4.2. C. Exemple de procuration donnée pour comparaître à l'acte constitutif d'une société

1.4.3. A. Exemple d'extrait intégral des données d'une entreprise personne morale

1.4.3. B. Exemple de rapport de réviseur d'entreprises concernant des apports ne consistant


pas en numéraire

1.4.3. C. Attestation du notaire certifiant que la société a été constituée

1.4.3. E. Exemple de procuration donnée pour accepter un mandat d'administrateur


23

Deuxième cours : l'assemblée générale, l’organe


d’administration et le contrôle des comptes
annuels

L'avocat de sociétés est sollicité dans les domaines les plus divers. Son assistance est parfois
requise notamment à l'occasion d'actes qui relèvent du fonctionnement des organes de la société
: l'assemblée générale et l’organe d’administration.

Lors du premier cours, on s'est efforcé de renvoyer aux dispositions légales applicables aux
trois types de société choisies dans le cadre des exposés Capa (SRL, SC, SA). Les avocats
qui suivent le cours sont à présent censés avoir assimilé cet exercice de recherche de la
disposition légale applicable (en notant, le cas échéant, les différences de texte). Dans ce
deuxième cours, on se bornera à des renvois aux seules dispositions applicables aux SA.

Nous examinerons successivement :

2.1. Considérations générales relatives à toutes les assemblées générales


2.2. L'assemblée générale ordinaire
2.3. L'assemblée générale particulière
2.4. L'assemblée générale extraordinaire
2.5. L'assemblée générale spéciale
2.6. L’organe d’administration
2.7. Les comités
2.8. Les conflits d'intérêts
2.9. Le contrôle des comptes annuels

Compte tenu de la réduction du nombre d'heures de cours, il n'est plus possible d'enseigner la
matière des situations de blocage au sein des organes d'une société et les mesures pour y
remédier. Il existe une abondante doctrine sur cette question, et nous ne pouvons qu'y renvoyer.

2.1. Considérations générales relatives à toutes les assemblées générales des


actionnaires dans toutes les sociétés

2.1.1. Convocation

Le code prescrit l'envoi de convocations envoyées aux actionnaires (art. 5:83 et


5:84, 6:70 et 7:126 à 7:132 CSA)5.

Le CSA a eu un impact considérable sur les modes de convocation des actionnaires.


Le système est modernisé à travers l’– irruption des modes de communication
électroniques tant pour les communications à la société que les communications de
la société – les porteurs de simples obligations non convertibles ne seront plus
convoqués.

5
Pour un exemple des conséquences de l'irrégularité des convocations : Bruxelles, 5 mai 2010, R.D.C., 2012, p. 43 avec
la note N. Cooreman et H. De Wulf "Nietigheid van beslissingen van een algemene vergadering: perikelen rond het
bewijs van de aanvang van de oproepingstermijn voor de vergadering". Concernant l'intervention du juge des référés en
cas d'irrégularité de la convocation de l'assemblée générale : N. Thirion, "La protection de l'égalité des associés par le
juge des référés", J.T., 2011, p. 880, spécialement les numéros 2 à 5.
24

2.1.2. Délai

La Code impose un délai de 15 jours entre la convocation et la tenue de l'assemblée


générale. Ce délai n'est cependant pas prescrit à peine de nullité. Par conséquent, si
tous les actionnaires sont présents ou valablement représentés, l'assemblée générale
peut se tenir à bref délai, voire même sans délai.

N.B. Pour les sociétés cotées, le délai de convocation est porté à 30 jours et si une
seconde assemblée est nécessaire, le délai de convocation de cette seconde
assemblée est de 17 jours (art.7:128 CSA)

2.1.3. Ordre du jour

Les convocations pour toute assemblée générale contiennent l'ordre du jour (art.7:129
CSA). Pour les sociétés cotées, la convocation comporte aussi les propositions de
décisions (art.7:130 CSA)er.).

L'ordre du jour doit être établi avec le plus grand soin. Il faut veiller à correctement
scinder les différents sujets à traiter. L'emploi à l'ordre du jour d'un point "divers"
conçu comme fourre-tout ou rattrapage des oublis doit être condamné. Il ouvre la
porte à de possibles abus, avec le risque d'annulation d'une décision irrégulière pour
excès de pouvoir.

L'ordre du jour est fixé par l’organe d’administration. Lorsque l’organe


d’administration forme un collège, l'ordre du jour est une décision collégiale et
suppose donc une délibération préalable du conseil d'administration pour fixer
l'ordre du jour. Le commissaire-réviseur – lorsque la société en a un – peut
également convoquer une assemblée générale et en fixer l'ordre du jour.
Le droit de convocation et par conséquent de fixer un ordre du jour appartient
également aux actionnaires représentant ensemble 10% du capital social (art.7:126
CSA). Le CA doit convoquer l’assemblée générale dans les trois semaines suivant
leur demande.6

L'assemblée générale ne peut en principe délibérer que sur les points inscrits à son
ordre du jour. Cependant, si tous les actionnaires sont présents ou valablement
représentés et consentent à ce qu'il soit discuté d'un sujet qui n'est pas à l'ordre du
jour, l'assemblée peut valablement délibérer sur ce point supplémentaire.

Annexe 2.1.3. : exemple de convocation à une assemblée générale


ordinaire

2.1.4. Lieu

Il est fortement recommandé de tenir en Belgique les assemblées générales de


sociétés dont le siège social est situé en Belgique.

Si une société tient ses assemblées générales en dehors de la Belgique, il y a un


risque que le siège social belge soit considéré comme fictif, à tout le moins sur le
plan fiscal (le problème ne se pose plus en droit des sociétés depuis l’entrée en
vigueur du CSA qui a consacré la théorie du siège social) . Rappelons que la loi du
20 décembre 2010 qui a transposé en droit belge la directive 2007/36/CE du 11
juillet 2007 concernant l'exercice des actionnaires de sociétés cotées a introduit dans

6
Dans les sociétés cotées, les actionnaires détenant ensemble au moins 3% du capital social peuvent demander
l'inscription d'un point à l'ordre du jour : art.7:130 CSA.
25

le Code des sociétés des articles 270bis et 538bis (aujourd’hui articles 5:89 et 7:137
CSA) qui autorisent toutes les sociétés et donc pas seulement les sociétés dont les
actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, à insérer dans leurs
statuts la possibilité pour les actionnaires de participer à distance à l'assemblée
générale grâce à un moyen de communication électronique mis à leur disposition
par la société. La loi impose cependant que les statuts autorisent explicitement cette
participation à distance et l'organisent7.

2.1.5. Présidence

Le Code ne fixe d'autre règle au sujet du mode de fonctionnement des assemblées


que par la disposition générale de l’article 2:41 CSA. "A défaut de dispositions
contraires des statuts, les règles ordinaires des assemblées délibérantes s'appliquent
aux collèges et assemblées prévus par le présent code, sauf si celui-ci en dispose
autrement".

Les "règles ordinaires des assemblées délibérantes" renvoient aux règlements de la


Chambre des représentants et du Sénat de Belgique.

Les dispositions statutaires précisant le mode de fonctionnement de l'assemblée


générale sont fréquentes dans la pratique et très souhaitables. Il est d'usage de
préciser dans les statuts que le président du conseil d'administration ou
l'administrateur délégué préside l'assemblée générale des actionnaires.
On ne doit pas sous-estimer l'importance de la fonction de président de l'assemblée
générale des actionnaires. Dans les situations de conflits, le rôle du président de
l'assemblée peut s'avérer être stratégique : c'est lui qui donne la parole aux
intervenants, il a la police de la séance, il décide de clore un débat et de passer au
vote8, c'est sous son contrôle qu'est établi le procès-verbal, etc.

2.1.6. Bureau

Le Code n'impose pas la composition d'un bureau de l'assemblée générale. Le


"bureau" est un usage dérivé des "règles ordinaires des assemblées délibérantes"
(art.2:41 CSA, voir § 2.1.5. ci-dessus).

Le bureau se compose usuellement d'un secrétaire et d’un ou de plusieurs


scrutateurs. Le secrétaire est d'ordinaire choisi par le président de l'assemblée, parmi
les actionnaires ou non. Le ou les scrutateur(s) sont désignés par l'assemblée. Celle-
ci désigne soit un ou plusieurs actionnaires soit une personne tierce. La fonction du
secrétaire est d'établir le procès-verbal de l'assemblée. Le ou les scrutateurs ont pour
mission de vérifier si les personnes présentes sont actionnaires et si elles ont
accompli les formalités requises pour assister à l'assemblée (lorsque de telles
formalités sont prescrites par les statuts).

Dans les sociétés où il existe un très petit nombre d'actionnaires, la désignation d'un
scrutateur est plus exceptionnelle : les actionnaires se connaissent et sont à même de
vérifier eux-mêmes la qualité des personnes présentes.

7
Anne Tillieux, "Les nouveaux droits des actionnaires – vers une meilleure gouvernance d'entreprise", J.T., 2011, p. 872-
873, n° 58 à 69; François De Bauw, "La loi du 20 décembre 2010 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires
de sociétés cotées, R.D.C., 2012, p. 7 et suiv.
8
Sous réserve du respect du droit d'interpellation des actionnaires. Le droit du président de l'assemblée de clore un débat
et de passer au vote ne peut méconnaître le droit d'interpellation. La méconnaissance de ce droit conduit à la nullité des
décisions de l'assemblée générale. Si le président propose à l'assemblée de clore un débat et de passer au vote, il est
prudent d'acter au procès-verbal de manière circonstanciée les faits qui ont conduit le président à passer au vote.
26

2.1.7. Participation à l'assemblée générale

Les actionnaires participent à l'assemblée générale et, en principe, seulement eux.


Les statuts peuvent déterminer les formalités à accomplir pour être admis à
l'assemblée générale (art. 5:86, 6:72 et 7:134 CSA).Dans les sociétés dont les actions
sont admises aux négociations sur un marché, les formalités d'admission sont fixées
par l’article 7:134, §2 CSA.

Les administrateurs, même s'ils ne sont pas actionnaires, participent aux assemblées
générales.

Les commissaires-réviseurs assistent aux assemblées générales lorsqu'elles sont


appelées à délibérer sur la base d'un rapport établi par eux (art. 5:87, 6:73 et 7:138
CSA).

L'administrateur ou le commissaire peut cependant renoncer à être convoqué,


Annexes 2.1.7. A et B. Exemples de renonciation du commissaire et
d'un gérant de SPRL à être convoqués à l'assemblée générale ordinaire

La question a été controversée en doctrine sur le point de savoir si un actionnaire


peut se faire assister à l'assemblée générale par un avocat ou un expert-comptable,
voire un huissier de justice9. Compte tenu de la complexité de certaines questions à
débattre et eu égard au droit intangible de tout actionnaire d'interpeller le conseil
d'administration à l'assemblée, la jurisprudence est actuellement fixée en ce sens que
l'actionnaire peut se faire assister par un conseil à l'assemblée10. La question de
savoir si le conseil (avocat, expert-comptable) peut intervenir au cours de débats au
nom de l'actionnaire est beaucoup plus controversée.

Un actionnaire qui ne peut assister à une assemblée générale peut s'y faire
représenter par un mandataire porteur d'une procuration. Sauf disposition contraire
des statuts, le mandataire ne doit pas être associé ou actionnaire. Aucune disposition
légale n'interdit la désignation d'un administrateur en qualité de mandataire pour
représenter un actionnaire à l'assemblée générale. La forme des procurations est
libre. Il est recommandé de reproduire dans la procuration l'ordre du jour. La
procuration peut indiquer le sens dans lequel le mandataire devra voter à l'assemblée
sur chacun des points à l'ordre du jour.

Annexe 2.1.7.C : exemple de procuration pour une assemblée générale


ordinaire

La participation à une assemblée générale ne requiert pas nécessairement la


présence physique des actionnaires. Ainsi dans les SRL et SC, les statuts peuvent
permettre d'émettre le vote par correspondance (art.5:95 et 6:80 CSA).
Il est également possible de tenir l’assemblée générale par écrit, à l’unanimité des
actionnaires, sauf lorsque l’assemblée générale tend à la modification des statuts
(art. 5 :85, 6:71 et 7:133 CSA.).
Rappelons également que dans toutes les formes de sociétés, l’organe
d’administration peut autoriser les actionnaires et autres titulaires de titres de
participer à l’assemblée générale grâce à un moyen de communication électronique

9
Ne pas confondre avec le droit pour tout actionnaire de se faire assister par un expert-comptable afin d'exercer son droit
d'investigation et de contrôle, dans les sociétés où il n'existe pas de commissaire réviseur (art. 3:101 CSA).
10
Sur les règles à observer par l'avocat en pareille circonstance, voyez la conférence donnée aux midis de la formation le
16 janvier 2012 : "Rôle de l'avocat dans les assemblées générales et conseils d'administration ou de gérance des sociétés
commerciales". Le texte de cette conférence est l'annexe 2.1.7.D aux notes de cours.
27

(art. 5:89, 6:75, 7:137 CSA).

2.1.8. Liste de présence

Une liste de présence doit être tenue à chaque assemblée générale (art. 5:90, 6:76 et 7:138
CSA).

La liste de présence peut figurer dans le texte du procès-verbal (ce sera le cas lorsque
le nombre d'actionnaires est réduit). Si la liste de présence est tenue dans un
document séparé du procès-verbal, elle sera contresignée par le bureau de
l'assemblée et jointe au procès-verbal.
Cette liste de présence est une source de renseignements pour l'administration
fiscale : à la déclaration annuelle à l'impôt des sociétés (I. Soc.) doivent être joints
divers documents, parmi lesquels une copie du procès-verbal de l'assemblée
générale ayant approuvé les comptes annuels sur lesquels se fonde la déclaration I.
Soc. Indirectement le fisc belge a donc une information sur l'identité des
actionnaires des sociétés de droit belge11.

2.1.9. Procès-verbal

Il est dressé un procès-verbal des assemblées générales (art. 5:93, 6:79 et 7:141
CSA).La prudence commande d'établir et de faire signer le procès-verbal séance
tenante.

Un procès-verbal n'est pas un compte rendu analytique. Un actionnaire ne peut donc


en règle exiger l'enregistrement littéral dans le PV de ses déclarations, questions ou
interpellations. En pratique, cependant, dans des situations très conflictuelles, il n'est
parfois pas possible d'échapper à la contrainte d'un enregistrement quasi littéral des
questions et réponses. Cela peut être la source de situations extrêmement difficiles
à maîtriser. En revanche, il est licite – et pas du tout inhabituel – qu'un actionnaire
demande à ce que soit annexée au PV une déclaration écrite de sa part. Le PV acte
le dépôt de la déclaration écrite, ainsi que la réponse qu'y apportent les membres du
conseil d'administration (ou la réserve exprimée par le conseil d'administration d'y
répondre ultérieurement, si la déclaration d'un actionnaire requiert une réponse plus
élaborée).

La bonne pratique consiste à établir un PV complet des délibérations de l'assemblée,


c'est-à-dire :

- Le jour, l'heure et le lieu où l'assemblée est ouverte ;


- Lorsque le nombre d'actionnaires présent est limité : l'identité des
actionnaires présents avec l'indication du nombre d'actions qu'ils déclarent
détenir (si le nombre d'actionnaires présents est trop important, renvoi à une
liste de présence annexée au PV) ;
- L'identité de la personne qui préside l'assemblée et la qualité qui justifie cette
fonction de président ;
- La composition du bureau, lorsque l'assemblée décide d'en composer un ;
- L'ordre du jour de l'assemblée ;

11
Et ainsi pas seulement les participations importantes dans les sociétés anonymes (art.7:83 CSA.). Notons toutefois que
dans la pratique on observe que beaucoup de sociétés ne respectent ni l'article 7:83 ni l'article 7 :138 CSA). La situation
va sans doute changer avec l'introduction en 2019 de la déclaration UBO (Ultimate Beneficiary Owner = Ayant Droit
Economique), organisée par l'arrêté royal du 30 juillet 2018, pris en exécution de la loi du 18 septembre 2017, préventive
du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
28

- La vérification que l'assemblée est valablement constituée et apte à délibérer


sur son ordre du jour ;
- Ensuite les délibérations de l'assemblée, de préférence suivant l'ordre de
l'agenda. Il est recommandé de prendre autant de délibérations que de points
à l'ordre du jour ;
- Pour chaque délibération on notera le résultat des votes ;
- Le PV se clôturera par la constatation que l'ordre du jour étant épuisé et plus
personne ne demandant la parole, l'assemblée est clôturée.

Le P.V. est signé par les membres du bureau. Le Code ajoute : "et par les
actionnaires qui le demandent" (art. 5:93, 6:79 et 7:141 CSA.). Dans la mesure du
possible, il est prudent de demander aux actionnaires présents de signer le PV. Ils
n'ont pas l'obligation de donner une suite favorable à cette demande, mais leur
signature sur le PV sera de nature à couper court à d'éventuelles contestations
ultérieures.

Annexe 2.1.9. : exemple de P.V. d'assemblée générale ordinaire

2.1.10. Vote

- Chaque action donne en principe droit à une voix (art. 5:42, 6:41 et 7:51
CSA) mais cette règle est supplétive (art. 5:45, 6:44, 7:52 et 7:53 CSA).
Possibilité des actions sans droit de vote, à vote multiple, etc…- attention
particulière à avoir sur le registre ! – règle tempérée pour les sociétés cotées
où l’on peut prévoir un droit de vote double mais à des conditions
particulières.
- Parts bénéficiaires : limitation au droit de vote : selon les dispositions
statutaires et avec les maximums fixés par l’article 7:59, al. 2 CSA. Compte
tenu de la très large définition de l’action et de la levée d’un grand nombre
de restrictinos antérieures par le CAS, les parts bénéficiaires ont perdu
beaucoup de leur intérêt.
- Suspension du droit de vote : actions non entièrement libérées dont
l'actionnaire est en défaut de libérer le montant appelé par le conseil
d'administration (art. 5:42, 6:41 et 7:54 CSA.) ; participations croisées au-
delà du maximum autorisé (art.7:224 CSA); acquisition par une société de
ses propres actions (art.5 :148, 7:217, al.2 CSA).) ; suspension du droit de
vote par décision de justice (séquestre ; procédure d'exclusion d'un
actionnaire pour de justes motifs : art.2:65 CSA.) ; prétention contradictoires
de titulaires de droits réels sur les actions (art. 5:20, 6:21 et 7:24 CSA)
- Limitation de la puissance de vote des grands actionnaires, si les statuts
prévoient pareille limitation (art.7:55 CSA)
- Pacte de votation : licite s'il est conforme aux conditions de l’article 5:46,
6:45 et 7:56 CSA. (voir pour le surplus § 1.6., ci-avant) – consécration de la
licéité des pactes de votation pour autant qu’ils soient limités dans le temps
et ne soient pas contraires à l’intérêt de la société – validité s’apprécie au
moment de la formation (suppression du « à tout moment »).

2.1.11. Blocage au sein de l'assemblée12

- Principe : les Cours et Tribunaux n'ont pas pour fonction de se substituer aux
organes légaux des sociétés commerciales ; par conséquent, le recours

12
Voyez : Olivier Caprasse et Roman Aydogdu, Les conflits entre actionnaires, Bruxelles, Larcier, 2010.
29

préventif au juge est le plus souvent voué à l'échec13. Le juge n'interviendra


en règle générale que lorsqu'on a tenté de faire fonctionner les organes
statutaires et qu'un blocage rend l'intervention inéluctable ;
- Désignation d'un administrateur provisoire ou d’un mandataire ad hoc (qui
tentera une mission de conciliation) ;
- Procédure d'exclusion ou de retrait pour de justes motifs (art. 2:63 à 2:67
CSA.) ; l'évaluation des actions ou parts de l'associé qui se retire ou est exclu
se fait dans une perspective de continuité, sans que puisse être prise en
compte l'incidence du comportement des parties sur la situation qui a mené
à l'introduction de l'action et sur le redressement de la société intervenu après
celle-ci14 ; CSA : extension de la compétence du Président siégeant comme
en référé pour (i) les litiges relatifs à la propriété des titres, (ii) les litiges
portant sur les relations financières entre les parties et la société (prêts,
sûretés, clause de non concurrence) ; nouveauté en matière de fixation du
prix (pouvoir d’appréciation important du juge, clause de non concurrence,
libération sûreté, possibilité d’un prix provisoire,…).
- Procédure de dissolution judiciaire, si le désaccord est insoluble (art.2:73
CSA) – compétence du président siégeant comme en référé et possibilité de
jonction avec l’action en exclusion.

2.1.12. Nullité des délibérations de l'assemblée15

- Excès de pouvoir (irrégularité d'une décision d'assemblée quant à son objet)


ou détournement de pouvoir (irrégularité d'une décision d'assemblée quant à
son but :art. 2:42, 2°CSA.) ;
- Violation d'une règle de forme, violation des règles de fonctionnement de
l'assemblée, décision prise en dehors de l'ordre du jour, exercice du droit de
vote par des actionnaires dont le droit de vote est suspendu (art. 2:42, 1° et
3° CSA.) ;
- Décision frappée de nullité par une disposition particulière du Code des
sociétés (art.2:42,4° CSA). Ainsi par exemple, la décision de l'assemblée
générale qui est appelée à statuer sur la poursuite des activités de la société
en cas de perte importante du capital social, est frappée de nullité si le conseil
d'administration n'a pas justifié dans un rapport spécial ses propositions à
l'assemblée générale (art.5:153, al. 3, 6:119, al. 3 et 7:228, al.3 CSA)
- Dans le cas de décision manifestement contraire à l'intérêt propre de la
société : sanction de l'abus de la majorité ou de la minorité (mais attention,
encore une fois : les juges n'ont pas pour fonction de trancher des débats de
pure opportunité entre groupes d'actionnaires ou pour contrôler la pertinence
économique des décisions des organes sociétaires).
- Le CSA a consacré la nullité pour les décisions de tous les organes des
personnes morales.

2.1.13. Rappel : assemblée générale par écrit

- L'unanimité des actionnaires est requise pour recourir au vote par écrit (art.
5 :85, 6:71 et 7: CSA).
- Toutes les décisions peuvent être prises selon cette procédure, sauf celles
tendant à la modification des statuts.
- Dans les S.R.L. et S.C., le vote par correspondance est possible s’il est
prévu par les statuts (art.5:95 et 6:80 CSA)

13
Comm. Liège (réf.), 10 mai 1999, R.P.S., 2000, p. 393, obs. W. Derijcke.
14
Cass. 9 décembre 2010, J.T., 2011, p. 886.
15
D. Willermain, "L'annulation et la suspension des décisions des organes des sociétés", in Actualités en droit des
sociétés, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 90 – 94.
30
31

2.2. L'assemblée générale ordinaire

2.2.1. Définition

L'assemblée générale ordinaire (ou "annuelle") est celle dont la loi prescrit la tenue
au moins une fois chaque année (art.5:96, 6:81 et 7:147 CSA).

2.2.2. Date, heure et lieu

La date et l'heure de l'assemblée générale sont fixées par les statuts.

Le lieu de la tenue de l'assemblée générale est "dans la commune" indiquée par les
statuts. Ce lieu est en principe celui du siège social. Toutefois, si les statuts
l'autorisent, la convocation peut convier les actionnaires à se réunir dans un autre
endroit que le siège social.

2.2.3. Ordre du jour (points obligatoires)

L'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire comporte obligatoirement (:art.


5:98, 6:83 et 7:149 CSA).

- L'approbation des comptes annuels


- L'approbation des comptes annuels implique l'affectation du résultat.
L'affectation du résultat est soit un transfert du bénéfice ou de la perte de
l'exercice aux réserves (sur les différents types de réserves voir. l’article
7:211 CSA et le quatrième cours, § 4.5.1.), soit une distribution du bénéfice
sous forme de dividende; sur la notion de bénéfice distribuable : voir l'article
7:212 CSA.
- Le Code stipule également qu'après l'approbation des comptes annuels,
l'assemblée générale statue par vote spécial sur la décharge
d’administrateurs. Est-ce à dire que l'assemblée générale ordinaire qui ne
statuerait pas sur la décharge des organes de gestion ne serait pas valable ?
Non. Il n'est pas exceptionnel que – pour des raisons diverses – la décharge
ne soit pas soumise aux votes de l'assemblée générale.
Le Code stipule également que l'assemblée générale entend le rapport de
gestion et le rapport du commissaire. En réalité, le rapport de gestion n'est
obligatoire que pour les sociétés qui ne sont pas des petites sociétés au sens
de l'article 15 C. Soc. (art.3:4, 1° CSA). Lorsqu'un rapport de gestion est
obligatoire en vertu de l’article 3:4 CSA., son contenu doit répondre aux
prescrits de l’article 3:6 CSA (exposé fidèle sur l'évolution des affaires de
la société, événements importants survenus après la clôture de l'exercice,
circonstances susceptibles d'avoir une influence notable, activités de R & D,
succursales, etc.).

Concernant le rapport du commissaire réviseur, celui-ci n'est obligatoire que


lorsque la société dépasse deux des seuils fixés à l’article 1:24 CSA en vertu
de l’article 3.72, 2° CSA.

Si certaines sociétés sont tenues de rédiger un rapport de gestion ou sont


tenues de nommer un commissaire réviseur, une petite société au sens de
l'article 1:24 CSA peut rédiger un rapport de gestion (dont le contenu ne doit
en ce cas pas nécessairement suivre les prescrits de l’article 3:6 CSA.
32

et peut désigner un commissaire-réviseur qui rédigera un rapport (ce rapport


du commissaire réviseur observera quant à lui les normes de révision de
l'I.R.E.).

2.2.4. Ordre du jour (points facultatifs)

L'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire peut en outre comporter d'autres


points tels que par exemple :

- Décharge à l’organe d’administration pour sa gestion au cours de l'exercice


écoulé (voir commentaire au point 2.2.3. ci-dessus).
- Décharge au commissaire (lorsqu'il y en a un) ;
- Nomination d'un commissaire, renouvellement de mandat d'un commissaire
et fixation du montant de ses émoluments (art.3:58 et 3:65 CSA) ;
- Démission/révocation et nomination d'administrateurs et détermination du
caractère rémunéré ou non de leur mandat (art.7:85, §2 CSA) fixation du
mode de rémunération et du montant de celle-ci ;
- Décision relative à la poursuite des activités de la société dans le cadre de la
procédure de la sonnette d’alarme (5:153, 6:119 et 7:228 CSA), si l’organe
d’administration a préparé le rapport spécial prévu et si le délai de deux mois
prévu est compatible avec la date de l'assemblée générale ordinaire ;
- Toute autre décision qui ne requiert pas un acte authentique (par exemple :
la décision d'exercer l'action sociale contre les administrateurs ou
commissaires : art. 5 103, 6:88 et 7:156 CSA ; la révocation d'un
commissaire pour de justes motifs : art. 3:66 CSA).

2.2.5. Formalités préalables

L'assemblée générale ordinaire requiert des formalités préalables :

- Envoi aux actionnaires nominatifs, en même temps que la convocation, du


rapport annuel de l’organe d’administration (lorsque l’organe
d’administration de la société est tenu de rédiger un rapport de gestion : art.
3:4 CSA), du rapport de révision (lorsque la société a un commissaire
réviseur) et du projet de comptes annuels (art. 5 :84 et 7:132 CSA.) ;
- Mise à disposition, au siège de la société, quinze jours au moins avant la
tenue de l'assemblée générale, des documents prescrits par l’article 7:148
CSA . (cette disposition concerne en réalité les sociétés dont les titres sont
dématérialisés : la société ne connaît pas ses actionnaires et ne peut leur
envoyer par la poste les comptes annuels, les comptes consolidés et les
rapports de gestion et de révision).

2.2.6. Prorogation de l'assemblée générale à trois semaines

- Pouvoir du conseil d'administration (art. 5:99, 6:84 et 7:150 CSA)


- S'applique si les comptes annuels ne sont pas approuvés parce que
l'assemblée se propose d'adopter des comptes différents de ceux présentés
par l’organe d'administration ;
- S'applique également lorsqu'une majorité de rechange risque de se former à
l'assemblée en raison de l'absence d'un ou plusieurs actionnaires.

2.3. L'assemblée générale particulière


33

2.3.1. Définition

L'assemblée générale particulière est celle qui se tient dans les formes d'une
assemblée générale ordinaire, entre deux assemblées générales ordinaires.

2.3.2. Date et heure; lieu de l'assemblée générale

La date et l'heure des assemblées générales particulières sont fixées librement par le
conseil d'administration, par le commissaire ou les actionnaires qui font usage de
leur droit de convoquer une telle assemblée.

Le lieu de l'assemblée générale particulière est fixé librement par le conseil


d'administration sous réserve de ce qui a été dit à la section précédente concernant
les assemblées générales qui se tiendraient en dehors de la Belgique (siège social
fictif; nationalité belge de la société fictive).

2.3.3. Ordre du jour

L'ordre du jour des assemblées générales particulières est fixé librement par le
conseil d'administration, par le commissaire ou les actionnaires qui font usage de
leur droit de convoquer une telle assemblée.

Exemple d'ordre du jour :

- Fin de mandat d'un administrateur – décharge de l'administrateur dont le


mandat prend fin
- Révocation d'un administrateur ;
- Révocation du commissaire-réviseur pour de justes motifs ;
- Distribution d'un dividende par prélèvement sur les réserves disponibles ;
- Décision de poursuivre les activités dans le cadre de l’article 7:228 CSA. ;
- Autorisation donnée au conseil d'administration d'acquérir un bien dans des
conditions constitutives d'un quasi apport (art.7:10, al.3 CSA);
- Acquisition d'actions propres (art.7:215, §1er; 1° CSA) ;
- Décision de réaliser un apport d'universalité (art. 12:94, §1er CSA.).
- Etc.

2.3.4. Formalités préalables

Dans le cas de l'application de la procédure de la sonnette d’alarme (délibération de


l'assemblée générale sur la poursuite des activités en cas de perte importante du
capital social), un rapport spécial doit préalablement être préparé par l’organe
d’administration et soumis à l'assemblée générale à peine de nullité des
délibérations de l'AG (ce qui signifie que l'AG est censée ne pas avoir eu lieu, ce
qui peut entraîner de graves conséquences à charge des administrateurs : "lorsque
l'assemblée générale n'a pas été convoquée conformément au présent article, le
dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette
absence de convocation").

2.4. L'assemblée générale extraordinaire

2.4.1. Définition

L'assemblée générale extraordinaire est celle qui a pour objet de modifier les
34

statuts(art. 5:100, 6 :85 et 7:153 CSA).

2.4.2. Condition de forme

L'assemblée générale extraordinaire prend la forme d'un acte authentique (art. 2:5,
§4 CSA).).

2.4.3. Quorum

Aucune décision de modification des statuts ne peut être prise si la moitié au moins
des actions/du capital n'est pas représentée par les actionnaires présents ou
représentés à l'assemblée générale extraordinaire (art. 5:100, al. 2, 6 :85, al. 2 et
7:153, al. 2 CSA). Le quorum de présence se calcule en fonction du nombre
d’actions émises et non des droits de vote y attachés « les actionnaires présents ou
représentés doivent réunir la moitié au moins du nombre total des actions émises ».

Si le quorum de 50 % n'est pas atteint, une deuxième assemblée doit être convoquée
qui délibérera valablement quel que soit la portion du capital représentée par les
actionnaires (art. 5:100, al. 3, 6 :85, al. 3 et 7:153, al.3 CSA)

2.4.4. Majorité requise

Une modification des statuts requiert trois quarts des voix présentes à
l'assemblée(art. 5:100, al. 4, 6:85, al. 4 et 7:153, al.4 CSA.).

Lorsque la modification porte sur l'objet social, la majorité requise est des quatre
cinquièmes des voix présentes à l'assemblée (art. 5:101, al. 5, 6:86, al. 5 et 7:154,
al. 6 CSA).

les quorums spéciaux se calculent par rapport aux votes exprimés et donc
consécration du principe de neutralité des abstentions.

2.4.5. Formalités préalables

Plusieurs modifications des statuts requièrent l'accomplissement de formalités


préalables :

- Modification de l'objet social : rapport spécial du conseil d'administration


justifiant la modification proposée. (art. 5:101, al. 1er, 6:86, al. 1er et 7:154,
al. 1er CSA).
- Transformation de la société : mêmes formalités requises. Si la société n'a
pas de commissaire réviseur, l’organe d’administration doit désigner un
réviseur ou un expert-comptable externe pour faire rapport sur la situation
active et passive (art. 14:3 à 14:5 CSA) ;
- Mise en liquidation volontaire de la société : mêmes formalités préalables
requises (art.2:71, §1er CSA);
- Procédure de fusion, scission, ou apport d'universalité ou de branche
d'activités : les formalités préalables sont nombreuses et décrites aux articles
suivants du Code :
o Fusion par absorption : art.12:24 à 12:28 CSA;
o Fusion par constitution d'une nouvelle société : art.12:37 à 12:41 CSA;
o Opérations assimilées (fusion interne ou fusion "à l'anglaise") :
art.12:50 et 12:51;
o Scission par absorption :art. 12:59 à 12:63 CSA;
o Scission par constitution de nouvelles sociétés : art.12:75 à12:80 CSA ;
35

o Apport d'universalité ou de branche d'activité :art. 12:93 et 12:94 CSA.

2.4.6. Ordre du jour

L'ordre du jour doit spécialement indiquer les modifications proposées à l'assemblée


générale (art. 5:100, al. 2, 6 :85, al. 2 et 7:153, al.2 CSA.).

Si plusieurs modifications sont simultanément proposées, elles feront l'objet de


mentions distinctes dans la convocation. L'ordre du jour de la convocation
mentionnera donc avec précision ce qu'impliquera chaque modification proposée.
Si la modification proposée porte sur l'objet social, la convocation indiquera quel
est l'objet social modifié.

Des modifications multiples et simultanées sont possibles :

- Transformation de la société
- modification de l'objet social
- changement de la langue des statuts
- augmentation du capital
- adaptation des statuts
- etc.

Annexes 2.4.6. A. à 2.4.6. F. : exemples d'actes modificatifs des


statuts

2.4.7. Cas particulier de la réduction des primes d'émission

- La formalité de l'acte authentique peut être prescrite par d'autres textes que
le CSA ;
- Ainsi les primes d'émission ne peuvent être réduites qu'en exécution d'une
décision régulière de l'assemblée générale prise conformément aux
dispositions du CSA applicables aux modifications des statuts (art. 184 al. 2
C.I.R. 92). A défaut de respecter cette formalité, le remboursement aux
actionnaires des primes d'émission sera considéré fiscalement comme
l'attribution d'un dividende (art. 18, 2° bis, C.I.R.92) ;
- Le remboursement des primes d'émission n'est pas une modification des
statuts, l'acte authentique n'est donc pas prescrit par le C. Soc., mais résulte
d'une contrainte fiscale.

Annexe : 2.4.7. Exemple d'acte authentique portant réduction des primes


d'émission

2.5. L'assemblée générale spéciale

Contrairement au régime antérieur du Code des Sociétés, qui était sur ce point assez illogique,
le CSA a restreint aux seules sociétés cotées le champ d’application du régime selon lequel les
clauses de changement de contrôle dans des conventions liant la société ne sont valables que
moyennant autorisation préalable de l’assemblée générale spéciale (art. 7 :151 CSA).
Par ailleurs, lorsqu'une société dont les actions sont cotées en bourse fait l'objet d'une offre
publique d'acquisition, dès réception de l'avis d'OPA, seule l'assemblée générale spéciale peut
36

prendre des décisions ou procéder à des opérations qui auraient pour effet de modifier de
manière significative la composition de l'actif ou du passif de la société ou assumer des
engagements sans contrepartie effective (art.7:152 CSA.).

2.6. L'organe d’administration - système moniste

2.6.1. Définition

Le Code parle d'organe d’administration de la société lorsqu'il vise le ou les


administrateur(s).

Auparavant, le Code des sociétés employait des termes différents selon les diverses
formes de sociétés.

Le CSA a eu pour heureux effet d’uniformiser la terminologie par l’emploi exclusif


de la notion d’administrateur.

2.6.2. Mode de fonctionnement

- SRL et SC : administration unique, conjointe ou collégiale (art. 5:70 et 6:58


CSA) ;
- SA : administration unique (art. 7:101 CSA), moniste et collégiale (art. 7:85
CSA) ou dualiste et collégiale (art. 7:104 CSA)

2.6.3. Statut des administrateurs

- l'administrateur est nommé par l'assemblée générale (art. 5:70, §2, 6:58, §2
et 7:85, §2 CSA). Si une place devient vacante, les administrateurs restants
peuvent pourvoir provisoirement au remplacement (élection par cooptation)
et la plus prochaine assemblée générale pourvoit au remplacement à titre
définitif (art.7:88 CSA.).
- l'administrateur ne doit pas être actionnaire de la société, mais les statuts
peuvent comporter des stipulations expresses en ce sens. Inversement, le
Code (art.7:97, §3 CSA pour les sociétés cotées) ou les statuts peuvent
comporter des dispositions prescrivant la présence au sein du conseil
d'administrateurs indépendants (par rapport aux actionnaires et à la direction
de la société).
- Aucune compétence particulière n'est requise pour exercer un mandat
d'administrateur, mais :
- Pour certaines activités réglementées, un administrateur exécutif doit
avoir les qualifications professionnelles requises (à défaut un
membre de la direction doit être engagé sous les liens d'un contrat de
travail à durée indéterminée);
- Il existe des incompatibilités légales (notaires, réviseur, huissiers de
justice, magistrats, etc.)
- Il existe des incompatibilités déontologiques (avocats : voir le
règlement de l'OBFG du 14 janvier 2013 relatif à l'acceptation et à
l'exercice par les avocats de mandats non judiciaires d'administration,
de gestion, de surveillance ou de liquidation d'une personne morale
de droit privé, devenues les articles 234 à 237 du Code de
déontologie de l'avocat.
37

- L'administrateur est en principe un travailleur indépendant, et ne peut être


en cette qualité lié par un contrat de travail (art. 5:70, §1er, 6:58, §1er et 7 :85,
al.3 CSA – cette disposition n’existait pas dans le Code des Sociétés). Il n’est
cependant pas exclu qu’à côté de l’exercicde son mandat, la personne
concernée ait également un statut d'employé s'il existe un lien de
subordination c'est-à-dire si l'administrateur est placé sous le contrôle effectif
d'un conseil d'administration ou d'un comité de direction qui est en mesure
d'exercer sur lui le pouvoir hiérarchique caractéristique du lien de
subordination. Le statut d'employé ne sera en principe pas compatible avec
celui de l'administrateur, lorsque l'intéressé dispose d'une participation de
contrôle à l'assemblée générale de la société.

- Depuis l’entrée en vigueur du CSA : la révocabilité ad nutum de


l’administrateur est devenue un régime supplétif.

- Dans la pratique, cette règle de la révocabilité ad nutum de l'administrateur


était déjà parfois contournée :

- Par un contrat de travail conclu sous la condition suspensive de la


révocation du mandat d'administrateur
- Par une convention conclue entre la société administrée et une société
de management créée par l'administrateur.

- Présomption de rémunération dans les SRL, SC et SA : les administrateurs


n’exercent en principe pas leur fonction à titre gratuit Le mandat de
l'administrateur est désormais en principe rémunéré sauf si les statuts ou
l’assemblée générale lors de sa nomination ne le prévoient autrement (art.
5:72, 6:60 et 7:89 CSA); compétence exclusive de l’AG pour fixer les
conditions financières relatives au mandat d’administrateur.

2.6.4. Pouvoirs de l'organe d’administration

- l’organe d’administration a le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires


ou utiles à la réalisation de l'objet social (à l'exception de ceux que la loi
réserve à l'assemblée générale);
- les pouvoirs réservés par la loi à l'assemblée générale ont été définis ci-
dessus : voir § 2.2.3., 2.2.4., 2.3.3., 2.4.1., 2.4.6. et 2.5. ci-dessus. –
consécration dans le CSA du principe d’attribution : l’AG exerce
uniquement les compétences qui lui sont attribuées par la loi.

2.6.5. Répartition des tâches – gestion journalière

- les clauses de répartition des tâches ne sont pas opposables aux tiers (art.
5:73, §1er, al.2, 6:61, §1er, al.2 et 7:93, §1er, al.2 CSA.).
- délégation à la question journalière: la gestion journalière est opposable aux
tiers dans les limites de la gestion journalière qui comprend (selon la
jurisprudence pre-CSA) :

- l'expédition des affaires courantes (notamment: achat et vente de


biens et de services, dans les limites de l'objet social ; les tâches
administratives courantes; l'introduction d'un recours fiscal, mais pas
l'introduction d'un recours devant le Conseil d'Etat) ;
- l'engagement et le licenciement du personnel d'exécution ;
- l'exécution des décisions prises par l'assemblée générale ou le conseil
d'administration.
38

- Définition de la gestion journalière élargie par le CSA par rapport à la


jurisprudence traditionnelle: actes qui n’excèdent pas les besoins de la vie
quotidienne et actes d’intérêt mineur ou de caractère urgent – art. 5:79, 6:67
et 7:121 CSA.

2.6.6. Représentation de la société

- en principe la société est représentée par son organe d’administration (art.


5:73, §2, 6:61, §2 et 7:93, §2 CSA).
- clause de double signature très fréquente pour des raisons pratiques.
- représentation de la société par le délégué à la gestion journalière pour tout
ce qui concerne les actes qui relèvent de cette gestion (notion très limitative,
selon l'interprétation traditionnelle de la Cour de cassation, mais étendue par
le CSA).
- Représentation par des non-administrateurs. Ces personnes sont investies de
pouvoirs soit permanents (délégation de signature donnée à un directeur, par
exemple) soit limités à l'accomplissement d'un acte (représenter la société à
l'occasion de la signature d'un acte déterminé).

2.6.7. Publicité des désignations – des cessations de fonctions des mandataires sociaux
- les mandats des administrateurs (nomination, cessation des fonctions) sont
publiés au Moniteur (art. 2:8, 5°, a) CSA).
- les délégations de signatures permanentes données à des mandataires non
administrateurs doivent également être publiées.

Annexes 2.6.7. A et B : exemples de publication de la délégation


de signature à un non-administrateur ou à plusieurs non-
administrateurs

- les délégations de signatures occasionnelles ne font pas l'objet d'une


publication.

2.7.Administration duale

2.7.1. Conseil de direction et conseil de surveillance (art. 7:104 CSA)

- Consécration du régime dualiste comme option de gouvernance. il existe un


"conseil de direction" chargé de la gestion de la société et dont les membres
sont nommés par le "conseil de surveillance", et un "conseil de surveillance"
dont les membres sont nommés par l'assemblée générale.
- Répartition des compétences fixée par le CSA (art. 7:109 et 7:110 CSA),
rigide mais sujette à interprétation – le conseil de surveillance est chargé de
la « politique générale et stratégie de la société », ainsi que de tous les actes
spécifiquement réservés au conseil d’administration par la CSA
- Interdiction du double mandat (art. 7 :105 §1 CSA) – impossibilité d’être
membre à la fois du conseil de surveillance et du conseil de direction
- Suppression par ailleurs de l’ancien comité de direction dans le Code des
Sociétés (art. 524bis), qui était paradoxalement plus flexibles à certains
égards

2.7.2. Autres comités


39

Le Code institue parfois à côté des organes de gestion des "comités" aux compétences
particulières. (voyez par exemple en matière de conflits d'intérêts dans les sociétés cotées :
art. 7:97 CSA).

Dans le cadre des Codes belges de la gouvernance d'entreprise (Code Buysse III pour les
sociétés non cotées et Code belge de gouvernance d’entreprise 2020 pour les sociétés
côtées), les grandes entreprises se dotent de comités, dépourvus de pouvoirs de gestion et
de représentation, mais qui sont appelés à exercer une certaine surveillance du conseil
d'administration, surtout lorsque l'actionnariat est très dispersé :
- comité de nomination
- comité d'évaluation
- comité de rémunération
- comité d'audit

Dans les entreprises employant en moyenne au moins 10016 travailleurs, la loi impose la
constitution d'un conseil d'entreprise composé du chef d'entreprise, de représentants de la
direction et de représentants du personnel (loi du 20 septembre 1948 portant organisation
de l'économie). A côté de compétences en matière sociale, le conseil d'entreprise se voit
investit de compétences en matière économique et financière. Le conseil d'entreprise
intervient dans la procédure de désignation du commissaire réviseur (art. 3:88 CSA). Il est
informé des motifs de la démission du commissaire en cours de mandat (art.3:91 CSA.). De
même le projet de nomination d'administrateurs indépendants dans les sociétés cotées doit
être soumis au conseil d'entreprise (art. 7:87, §2 CSA).

Dans les augmentations de capital destinées au personnel, une concertation préalable avec
le conseil d'entreprise est requise (art. 7:204, al.2 CSA). Dans le cadre des opérations de
fusion ou de scission, le conseil d'entreprise a une compétence d'avis (art. 12:113, al. 3
CSA).

2.8. Les conflits d'intérêts

2.8.1. Notion
Il existe deux types de conflits d’intérêt réglementés spécifiquement par le CSA :

- conflit d’intérêt patrimonial personnel (art. 5:76, 6:64, 7:96, 7:102 et 7:115)
- conflit lié à un intérêt fonctionnel (art. 7:97 et 7:116 CSA) mais uniquement
dans les sociétés cotées

2.8.2. Critères du conflit d’intérêts patrimonial personnel

Il y a conflit lorsqu'un administrateur ou un membre du conseil de surveillance a un


intérêt directement ou indirectement opposé, de nature patrimoniale dans une
décision du conseil d'administration (art. 5:76, 6:64, 7:96, 7:97, 7:115 CSA) :

- l'intérêt est direct lorsque l'administrateur est personnellement concerné par


l'opération envisagée ;
- l'intérêt est indirect lorsque l'opération envisagée est à conclure par la société
avec une tierce partie à laquelle l'administrateur est lié ;
- l'opposition d'intérêt doit être de nature patrimoniale, c'est-à-dire susceptible

16
La loi parle de 50 travailleurs, mais en vertu de dispositions transitoires toujours en vigueur, le seuil est actuellement de
100 travailleurs (Loi du 8 novembre 2007).
40

de faire l'objet d'une évaluation économique précise et objective.

2.8.3. Procédure :

- l'administrateur en situation de conflit d'intérêts doit communiquer


l'information à ses collègues avant la délibération du conseil. Sa déclaration
sera actée au PV de la séance du conseil. Lorsque la société a un commissaire
réviseur, celui-ci doit être informé de la déclaration de l'administrateur.

- Le rapport de gestion du conseil d'administration et le rapport du


commissaire réviseur comporte la justification de l'opération. Dans les
petites sociétés où le conseil d'administration est dispensé de rédiger un
rapport de gestion (art. 3:4 CSA.), la justification de l'opération sera
présentée dans un document déposé en même temps que les comptes annuels
(art. 5 :77, §1er, 6 :65, §1er et 7:96 CSA, 1er, al.2 CSA).

- En ce qui concerne la prise de décision, dans le CSA, les procédures sont


adaptées aux formules de gouvernance choisies :
- Régime moniste : l’administrateur concerné ne peut prendre part au vote et les
membres qui ne sont pas en conflit d’intérêt décident – s’ils le sont tous, renvoi
à l’AG
- Administrateur unique (personne physique) : renvoi à l’AG et s’il est
actionnaire unique, il doit faire rapport sur sa décision dans un document
déposé en même temps que le rapport de gestion.
- Administrateur unique (personne morale) : si un membre est concerné, la
procédure est menée au sein de son organe d’administration ; si tous les
membres de l’organe collégial sont concernés, renvoi à l’AG de la personne
administrée..
- Régime dualiste : si un membre du CS est concerné, renvoi au régime moniste;
si un membre du CD est concerné, renvoi au CS qui prend la décision

2.8.4. Opérations non visées les règles en matièe de conflit d’intérêt :


- opération intragroupes c'est-à-dire entre deux sociétés dont l'une détient 95
% au moins du capital de l'autre ;

2.8.5. Sanction

La société peut agir en nullité des décisions prises en violation des articles.

2.8.6. SRL (art. 5:76 CSA) :


- Administrateur individuellement compétent : l’administrateur concerné doit
informer ses collègues et les autres administrateurs prennent la décision –
l’administrateur concerné ne peut prendre part à la réunion ; si tous les
administrateurs sont concernés, renvoi à l’AG .
- Organe collégial : la décision est prise par l’organe d’administration sans que
l’administrateur en conflit ne participe aux délibérations et au vote ; si tous
les administrateurs sont concernés, renvoi à l’AG.
- Administrateur unique : renvoi à l’AG et s’il est également actionnaire
unique, rapport.

2.8.7. Conflit fonctionnel – sociétés cotées (SA)


- Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché
41

réglementé, la notion de conflit d'intérêt s'étend en outre aux relations de la société


avec les sociétés liées, à l'exception de ses filiales ou aux sociétés liées aux filiales, à
l'exception des filiales de filiales (art. 7:97, §1er CSA ; pour la définition de filiale ou
de société liée : voir art.1:15, 2° et 1:20 CSA.). Une procédure plus rigoureuse doit
être suivie lors de la prise de décisions impliquant un conflit d’intérêts entre la société
cotée et l’actionnaire de contrôle de celle-ci ou une autre société liée à celui-ci.
- Cette procédure requiert l’émission d’un avis motivé préalable sur l’opération
envisagée par un comité de trois administrateurs indépendants, qui peuvent être
assistés d’un expert..

.
2.9. Le contrôle des comptes annuels

2.9.1. Siège de la matière : articles 3:58 à 3:97 CSA.

2.9.2. Statut du commissaire réviseur


- le commissaire réviseur doit être membre de l'Institut des Réviseurs
d'entreprises (I.R.E.). Si une société de réviseurs est nommée, elle désignera
un représentant permanent personne physique pour l'exécution de la mission.
- le commissaire réviseur est nommé par l'assemblée générale (art.3:58 CSA)
- la durée du mandat de réviseur est de 3 ans minimum (art. 3:66 CSA).Le
mandat est renouvelable. En cas de révocation du commissaire par
l'assemblée générale (sans justes motifs) le commissaire réviseur droit à une
indemnité et des dommages et intérêts.
- Le commissaire doit être indépendant de la société dont il révise les comptes
(art.3:62 CSA).
- La rémunération du commissaire est une somme fixe, décidée de commun
accord avec la société et votée par l'assemblée générale pour la durée de son
mandat.
2.9.3. Compétences

- Le commissaire réviseur a un pouvoir absolu d'investigation pour


l'accomplissement de sa mission de contrôle (art.3:68 CSA)
- Le commissaire réviseur qui constate des infractions aux Codes des sociétés
ou aux arrêtés pris en exécution de celui-ci ou aux statuts en informe l'AG
- Le commissaire se fait remettre semestriellement au moins un état comptable
de la société (art.3:68, §2, al.3 CSA)
Le commissaire qui constate au cours de ses investigations des faits graves et concordants
susceptibles de compromettre la continuité de la société en informe l’organe d’administration par
écrit et de manière circonstanciée (art.3:69 CSA)

2.9.4. Rapport

- Le commissaire réviseur rédige un rapport au sujet des comptes annuels qui


seront soumis à l'assemblée générale.
- Le rapport du commissaire adopte un schéma imposé au réviseur, par les
normes de révision édictées par l'I.R.E.
- Le rapport du commissaire ("attestation") peut prendre la forme :
o d'une attestation sans réserve
o d'une attestation sans réserve avec paragraphe explicatif : le
commissaire réviseur estime qu'il a une ou plusieurs observations à
faire mais qui n'altèrent pas son opinion relative à la sincérité des
comptes.
42

Les paragraphes explicatifs ("opinion") sont à lire soigneusement,


parce qu'ils peuvent constituer dans certains cas un signal d'alerte
o une attestation avec réserve : le commissaire estime devoir exprimer
un désaccord substantiel au sujet des comptes annuels soumis à
l'assemblée générale
o un refus d'attestation : le commissaire estime que les informations
comptables sont à ce point déficientes qu'il ne peut rien attester
o une déclaration d'abstention : le commissaire n'a pas pu effectuer sa
mission soit pour des motifs qui lui sont personnels, soit parce que
l'entreprise ne lui a pas donné accès aux informations nécessaires à
l'accomplissement de sa mission.

2.9.5. Quelle société doit désigner un commissaire réviseur ?

- Les sociétés qui ne sont pas des petites sociétés au sens de l'article 1:24
CSA17 (voy. art.3:72 CSA)
2.9.6. Petites sociétés

- Dans les petites sociétés où un commissaire réviseur ne doit pas être nommé,
le pouvoir de contrôle appartient individuellement à chaque actionnaire
(art.3:100 CSA).
- L'actionnaire peut se faire assister d'un expert de son choix pour l'exercice
de ce contrôle.

2.9.7. Experts vérificateurs

- S'il existe des indices d'atteinte grave aux intérêts de la société, le tribunal
peut désigner à la requête d'actionnaires propriétaires d'au moins 1% du
capital, un expert-vérificateur (art.7:160 CSA)
- Les frais de l'expert-vérificateur peuvent être mis à charge de la société (

2.9.8. Situations particulières

- Comptes consolidés : règles particulières de contrôles des comptes : art. 3:76 à


3:82 CSA.
- Société dans laquelle il existe un conseil d'entreprise : le commissaire
réviseur a une mission supplémentaire spécifique et doit rédiger un rapport
spécial destiné au conseil d'entreprise (art.3:83 à 3:95 CSA).

17
Les petites sociétés sont les sociétés dotées de la personnalité juridique qui, à la date de bilan du dernier exercice
clôturé, ne dépassent pas plus d'un des critères suivants:
- nombre de travailleurs, en moyenne annuelle: 50 ;
- chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée: 9 000 000 euros ;
- total du bilan: 4 500 000 euros.
43

LISTE DES ANNEXES AU DEUXIEME COURS

2.1.3. Exemple de convocation pour une assemblée générale ordinaire

2.1.7. A. Exemple de renonciation du commissaire à être convoqué à une assemblée


générale ordinaire

2.1.7. B. Exemple de renonciation d'un gérant/administrateur à être convoqué à une


assemblée générale ordinaire

2.1.7. C Exemple de procuration pour une assemblée générale ordinaire

2.1.9. Exemple de P.V. d'une assemblée générale ordinaire

2.4.6. A. Exemple de modifications diverses des statuts d'une société : une société aux statuts
en langue néerlandaise, change la langue de ses statuts, se transforme, augmente
son capital, déplace son siège social, etc.

2.4.6. B. Exemple d'une modification des statuts portant sur la réduction du capital

2.4.6. C. Exemple d'une modification des statuts portant sur l'augmentation du capital

2.4.6. D. Exemple d'une modification des statuts portant sur la fusion par absorption (art.
676 et 723 C. Soc) – Société absorbante

2.4.6. E. Exemple d'une modification des statuts portant sur la fusion par absorption (art.
676 et 723 C. Soc) – Société absorbée

2.4.6. F. Exemple d'acte portant mise en liquidation d'une société

2.4.7. Exemple d'acte portant réduction des primes d'émission

2.6.7. A. Exemple de la publication de délégation de signatures multiples avec organisation


du mode de représentation

2.6.7. B. Exemple de la publication d'une délégation de signature à un non-administrateur


44

Troisième cours : les responsabilités

Les causes de responsabilité encourues par les mandataires sociaux sont innombrables18. Les
conséquences pécuniaires de leur responsabilité peuvent être très lourdes. On opposera les
diverses responsabilités encourues par les organes sociaux à l'exonération très large de
responsabilité dont bénéficient les salariés (art. 18 de la loi du 9 juillet 1975 sur le contrat de
travail). On enseigne non sans raison que les administrateurs sont rémunérés non seulement en
fonction de leur travail, mais également à raison des responsabilités qu'ils encourent.

Le régime de la responsabilité des administrateurs a considérablement évolué à la suite de


l’adoption du CSA. Désormais, la plupart des dispositions pertinentes sont rassemblées au sein
du Livre 2 « Les règles communes aux personnes morales ». De manière plus cohérente et
uniforme, le CSA établir un régime commun de responsabililité des administrateurs applicable
à toutes les personnes morales19.

Les responsabilités sont civiles voire même pénales.

Les responsabilités concernent: la société, les actionnaires, les administrateurs et les


commissaires-réviseurs.

Nous examinerons successivement :

3.1 Les responsabilités de la société elle-même


3.2 Les responsabilités de l'actionnaire
3.3 Les responsabilités de l'organe d’administration
3.4 Les responsabilités du réviseur ou de l'expert-comptable externe.

3.1. Responsabilités de la société elle-même

3.1.1. Responsabilité civile

- principe : les actes de l'organe engagent la société elle-même;


- conséquence sur le plan quasi-délictuel : la faute de l'organe engage la
responsabilité civile de la société (article 1382 C. Civ.);
- par ailleurs, la faute du préposé engage également la responsabilité de la
société (art. 1384 C. Civ.).

3.1.2. Responsabilité pénale

- le principe de la personnalité des peines conduit à ne punir que l'auteur de


l'infraction

- dans certains cas la personne morale peut être amenée à assumer les
conséquences pénales de son activité. C'est ce qu'exprime l'article 5 al. 1er du
Code pénal : "toute personne morale est pénalement responsable des

18
Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile – chronique de jurisprudence 1996 – 2007, T. I : Le
fait générateur et le lien causal, Bruxelles, Larcier, 2009, les pages 885 à 909 et la bibliographie en pages 885 et 886.
19
Voy. J. Malherbe, Y. De Cordt, P Lambrecht et P. Malherbe, H Culot, « Chapitre 6 - La responsabilité des
administrateurs » in Droit des sociétés, Bruxelles, Éditions Larcier, 2020, p. 265-311
45

infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la


défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent
qu'elles ont été commises pour son compte".

Exemple de cas de responsabilité pénale d'une entreprise : une pollution d'un


cours d'eau par suite du déversement accidentel d'un produit toxique.

- L'article 5 al. 3 du Code pénal précise que "La responsabilité pénale des
personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs des
mêmes faits ou y ayant participé"20. Lorsqu’une personne morale et une
personne physique ont commis ensemble un même crime ou délit, le juge
appliquera les règles ordinaires de la participation criminelle, telles que
prévues aux articles 66 à 69 du Code pénal, en les condamnant comme
coauteurs ou complices.

3.2. Responsabilités de l'actionnaire

3.2.1. Principe

L'actionnaire n'engage en principe que le montant de sa mise, c'est-à-dire le capital


qu'il a investi dans la société (S.R.L. : art.5:1 ; S.C. : art.6:2 ; S.A. : art. 7:1 CSA).21

3.2.2. Responsabilité civile

Le principe de la responsabilité de l'actionnaire limitée à son investissement dans le


capital de la société connaît des exceptions lorsque l'actionnaire ou l'associé a une
autre qualité : celle de fondateur ou de dirigeant de fait. Nous examinerons les
responsabilités des dirigeants au § 3.3. La responsabilité des fondateurs se rencontre
dans diverses situations que l'on peut regrouper en trois grandes catégories:

- les fondateurs peuvent être tenus des engagements de la société, dans une
proportion fixée par le juge, en cas de faillite prononcée dans les trois ans de
la constitution, si le capital était lors de la constitution manifestement
insuffisant pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une
durée de deux ans au moins ( S.R.L. :art. 5:16, 2° ; S.C. :art. 6:17, 2° ; S.A. :
art. 7 :18, 2° CSA)22.
- les fondateurs sont tenus de diverses irrégularités qui affectent la constitution
de la société (S.R.L. : art. 5:16; S.C : art. 6:17; S.A. : art. 7:18 CSA)

20
Sur l'ensemble de cette question de la responsabilité pénale des personnes morales, on consultera utilement
l'ouvrage collectif : J. Overath, M. Geron, Ch. Gheur et Th. Matray, La responsabilité pénale des personnes
morales, Bruxelles, Larcier 2007, 114 p. ; O. Creplet, 'Propos sur la nature de la responsabilité pénale de la personne
morale" J.T., 2011, p. 477 à 486 ; ainsi que les examen de jurisprudence en droit pénal des affaires de E. Roger-
France, R.D.C., 2012, p. 751 et suiv. ainsi que 2015, p. 260 et suiv., où la question de la responsabilité pénale des
personnes morales fait l'objet de recensions de décisions.
Sur la suppression du régime de décumule de la responsabilité des personnes physiques et morales introduite par
la loi du 11 juillet 2018, voyez notamment : E. de Formanoir, « La nouvelle loi sur la responsabilité pénale des
personnes morales », in Actualités en droit pénal 2019, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 65-96
21
Rappelons que le cours CAPA se limite à examiner quelques dispositions communes à toutes les sociétés et des
dispositions spécifiques à trois formes de sociétés dotées de la personnalité juridique (SRL, SC et SA). Dans les sociétés
dépourvue de personnalité juridique (société simple) ainsi que dans les S.N.C. et S. Comm., le principe est inverse : les
associés répondent personnellement des dettes de la société. Sur cette question, voy. X. Dieux, "De lege lata, de lege
ferenda – Controverses sur la responsabilité des associés", in Liber Amicorum Bernard Glansdorff, p. 145 et suiv.
22
Pour un cas d'application : voy. : Bruxelles, 20 avril 2010, R.D.C., 2012, p. 38.
46

- les fondateurs sont solidairement responsables de la réparation du


préjudice qui est la suite "immédiate et directe" :
• de la nullité de société prononcée par application des
articles 5:13, 6:14, 7:15;
• de l'absence ou de la fausseté des mentions prescrites par
les articles 5:12, 6:13, 7:14

Contrairement au régime antérieur du C. Soc., ce sont désormais les


administrateurs et non plus les fondateurs qui également tenus de la
réparation du préjudice qui est la suite immédiate (ou suite immédiate et
directe) de la surévaluation manifeste des apports en nature (S.R.L. : art.
5:139 ; S.C. : art. 6:112 ; S.A. : art. 7:20 et art. 7:206 CSA).

3.2.3. Responsabilité pénale

Le Code des sociétés n'incriminait déjà pénalement les actionnaires que de manière
exceptionnelle, et ceci ne se retrouve plus dans le CSA.

3.3. Responsabilités de l'organe d’administration

C'est sans doute un lieu commun que de souligner le développement de la matière de la


responsabilité des professionnels, mais il est nécessaire d'attirer l'attention des avocats au seuil
de leur vie professionnelle sur cette évolution caractéristique du droit au cours de ces dernières
années.

Il y a quelques dizaines d'années, l'aura entourant le statut de dirigeant de société conférait une
relative impunité aux titulaires de ces fonctions. Souvent il fallait des fautes graves voire
connotées pénalement (escroquerie, détournement, faux et usage de faux, abus de confiance,
etc.) pour voir un administrateur sanctionné civilement.

Les dirigeants de sociétés se voient aujourd'hui fréquemment interpellés dans leur gestion par
l'effet d'une double évolution : celle des mentalités d'une part (avec l'exigence d'une plus grande
transparence dans l'appréciation des critères de bonne conduite) et celle du législateur d'autre
part qui a multiplié les cas de responsabilité présumée et l'incrimination pénale des
manquements à la loi. Ceci doit être nuancé au regard de la « quasi immunité » de l’organe (voir
ci-après).

Les développements pris par cette matière au cours des dernières décennies justifient la place
prise par cette matière dans le cadre du présent cours.

Voici le plan de ce chapitre 3.3 (pages 45-71):

Première partie : la responsabilité civile (pages 46-64)

A. Nouveautés introduites par la CSA (pages 46-47)


B. Faute de gestion (§§ 3.3.1 à 3.3.10) (pages 47-51)
C. Violation de la loi ou des statuts (§§ 3.3.11 à 3.3.17) (pages 51-55)
D. Faute grave et caractérisée (§§ 3.3.18 à 3.3.26) (pages 55-58)
E. Situation particulière de l'ONSS (§§ 3.3.27 à 3.3.29) (pages 58-60)
F. Responsabilité civile de droit commun (§ 3.3.30) (pages 60-61)
G. Responsabilités prévues par d'autres législations (§§ 3.3.31 à 3.3.32) (pages 61-62)

H. Responsabilités particulières (§§ 3.3.4 à 3.3.7) (pages 62-64)


47

Deuxième partie : la responsabilité pénale (pages 65-67)

A. Infractions (§§ 3.3.33 à 3.3.35) (pages 65-66)


B. Réflexions relatives à de (possibles) atténuations de la responsabilité pénale des
dirigeants (§§ 3.3.36 et 3.3.37) (pages 66-67)

Troisième partie : la prescription (pages 68-71)

A. La prescription civile (§§ 3.3.38 à 3.3.40) (pages 68-69)


B. La prescription pénale (3.3.41 à 3.3.43) (pages 69-70)
C. Influence de la prescription pénale sur le délai de la prescription civile (§§ 3.3.44) (page
70-71)

PREMIERE PARTIE : RESPONSABILITE CIVILE DES ADMINISTRATEURS

A. Nouveautés introduites par la CSA

L’une des principales réformes (la plus frappante mais la plus controversée) apportée par le
CSA dans ce domaine est la limitation de la responsabilité de l’administrateur à des montants
progressifs selon la taille de la société (chiffre d’affaires & bilan – pas le nombre de
travailleurs), soit de 250.000 EUR à 12.000.000 EUR par fait générateur. Ce régime est
applicable à tout type de faute de l’administrateur (contractuel et extracontractuel) et ce vis-
à-vis de la société et des tiers.

Cette nouvelle règle répond à deux constats : le premier selon lequel il y avait une différence
de traitement injustifiée entre la responsabilité illimitée des membres de l’organe
d’administration et ceux qui tout en étant des haut dirigeants mais ne faisait pas partie de
l’organe d’administration se voyait appliquer en droit du travail un régime de responsabilité
limitée ; le second se veut être un régime attractif pour les administrateurs étrangers – il y a une
volonté de recruter les administrateurs les plus talentueux et dans cet esprit assurer une
couverture du risque dans des conditions « acceptables » - le risque de responsabilité étant
devenu selon certains trop importants dans les grandes sociétés.

Néanmoins, l’impact de cette réforme a été considérablement réduit par le paragraphe 3 de


l’article 2:57 CSA prévoyant quatre hypothèses d’exclusion de la limitation de la responsabilité.
La principale exception prévoit que la limitation de la responsabilité ne s'applique pas en cas
de faute légère présentant dans leur chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel, de faute
grave, d'intention frauduleuse ou à dessein de nuire dans le chef de la personne responsable (art.
2:57, §3, 1°). Cette exclusion de la limitation de responsabilité pour « faute grave », ajoutée par
un amendement de dernière minute, atténue largement l’impact de la réforme et semble
contradictoire par rapport à l’extension du plafond aux responsabilités visées par les articles
XX.225 et XX.227 (visant la « faute grave et caractérisée ») reprise à l’article 2:57, § 1er. 23.

Ce « cap » ne s’applique également pas aux trois cas suivants :

1) Les obligations imposées (art. 2:57, §3, 2° CSA) :


- par l’article 5:138, 1° à 3° (à savoir, l’action en responsabilité contre les administrateurs
d’une SRL pour les actions qui ne seraient pas valablement souscrites et dont ils sont de plein
droit réputés souscripteurs) ;
- par l’article 7:205, 1° à 3° (à savoir, les actions en responsabilité contre les administrateurs
d’une SA à l’égard de : 1° toute la partie de l’augmentation de capital qui ne serait pas

23
Malherbe, J., De Cordt, Y., Lambrecht, P. et Malherbe, P., Culot, H., « Chapitre 6 - La responsabilité des
administrateurs » in Droit des sociétés, Bruxelles, Éditions Larcier, 2020, p. 300
48

valablement souscrite et dont ils sont de plein droit réputés souscripteurs ; 2° la libération
effective jusqu’à concurrence d’un quart des actions correspondant en tout ou en partie à des
apports en nature, ainsi que la libération effective de la part du capital dont ils sont réputés
souscripteurs ; et 3° la libération des actions souscrites, directement ou au moyen de certificats
en violation du Code).
2) La responsabilité solidaire visée aux articles 442quater et 458 du Code des impôts sur les
revenus 1992 (obligation de paiement du précompte professionnel) et aux articles 73sexies et
93undeciesC (obligations relatives à la TVA) du Code de la taxe sur la valeur ajoutée (art. 2:57,
§3, 3°) ;
3) la responsabilité solidaire visée à l’article XX.226 du Code de droit économique (à savoir,
l’action en responsabilité en faveur de l’ONSS ou du curateur, en cas de faillite, pour faute de
gestion grave et caractérisée à l’égard des dettes de cotisations sociales) (art. 2:57, §3, 4°)

Le CSA prévoit également que la responsabilité d’un administrateur ne peut être limitée au-delà
de ce qui est prévu dans le CSA (interdiction légale d’exonération).

Par ailleurs, le CSA (art. 2:56 à 2:58) instaure un régime commun pour les administrateurs des
personnes morales en lieu et place de dispositions spécifiques à chaque forme de société dans
la Code actuel. Quant à son champ d’application personnel, ce régime s’applique à chaque
membre d’un organe d’administration, au délégué à la gestion journalière et à toutes les autres
personnes qui détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer effectivement la personne
morale (« administrateur de fait »).

Le CSA instaure également une responsabilité solidaire (art. 2:56 al. 2 à 4) si l’organe
d’administration forme un collège et s’il ne forme pas un collège, il y aura responsabilité
solidaire uniquement pour le dommages résultant d’infractions au CSA et aux statuts. Pour
échapper à la solidarité, il faudra démontrer (i) ne pas avoir contribué personnellement à la faute
et (ii) avoir dénoncé la faute à tous les autres membres de l’organe d’administration ou le cas
échéant à l’organe d’administration collégial et au conseil de surveillance.

Le CSA prévoit enfin, à l’instar de l’ancien régime que même si les dispositions relatives aux
conflits d’intérêt ont été respectées, les administrateurs sont personnellement et solidairement
responsables du préjudice subi par la société ou les tiers résultant d’une telle décision si cette
décision ou cette opération leur a procuré un avantage financier abusif au détriment de la
société.

B. Faute de gestion de l'administrateur

3.3.1 Principes

Deux principes de base :

- immunité de principe : les administrateurs sociétés ne contractent aucune


responsabilité personnelle relative aux engagements de la société dont ils
sont les organes (art. 2:49 CSA) ;
- les administrateurs sont responsables conformément au droit commun de
l'exécution de leur mandat et des fautes commises dans leur gestion (art. 2:51
CSA).

Un régime de responsabilité commun :

Article 2:56 CSA : règle générale applicable à la responsabilité des membres des
organes d’administration (conseil d’administration, conseil de surveillance, conseil de
direction, etc.) et des liquidateurs de personnes morales.
49

3.3.2. Portée des principes

- exigence d'une faute, c'est-à-dire l'acte de gestion ou l'omission de gestion


que n'aurait pas commis tout administrateur normalement prudent et diligent
placé dans des circonstances comparables ;
- critère d'appréciation : l'intérêt de la société qui ne se limite pas seulement à
l'intérêt des actionnaires, mais également à la place que la société
(l'entreprise) occupe dans le tissu économique ;
- La faute de gestion s'appréciera donc également par rapport aux travailleurs
par rapport aux fournisseurs, bailleurs de fonds, co-contractants.

3.3.3. Exemples d'actes de gestion fautifs

- conclure des contrats à des conditions économiques désastreuses (ventes à


perte; prestations de services facturées en dessous du prix de revient par
exemple en raison de mauvaises estimations du prix de revient) ;
- réaliser des investissements importants sans une étude sérieuse de rentabilité
et de marché ;
- engager des dépenses publicitaires exagérées ou ne présentant pas d'intérêt
pour la société ;
- poursuivre une activité déficitaire, alors qu'il n'existait pas de perspectives
sérieuses de redressement ;
- payer une facture qu'il y avait lieu de contester ;
- payer une dette non échue ;
- consentir des délais de paiement à un client en situation financière critique;
- congédier un membre du personnel sans motif sérieux ou pour un motif soi-
disant grave, mais qui s'avère avoir été formulé à la légère, avec la
conséquence que la société est débitrice d'importantes indemnités
compensatoires de préavis ;
- pour les membres d'un conseil administration, déléguer la gestion journalière
à l'un d'eux qui est une personne incompétente.

3.3.4. Exemples d'omissions fautives

- se désintéresser des activités dans la société ;


- ne pas assister aux séances du conseil d'administration ;
- ne pas exercer sur l'activité du personnel le contrôle qu'il y a lieu de faire ;
- ne pas surveiller la gestion du ou des délégués à la gestion journalière ;
- ne pas assurer l'entreprise contre des risques courants (incendie,
responsabilité civile) ;
- ne pas prendre à temps les mesures requises pour limiter les conséquences
de l'inexécution fautive d'un contrat (songeons par exemple à toutes les
courtes prescriptions ou le bref délai dans lequel doit être exercée l'action
pour vices rédhibitoires – art. 1648 C. civ.) ;
- négliger de solliciter un subside ou une aide publique à laquelle l'entreprise
à droit (ou avoir réalisé un programme d'investissements en ne respectant
pas les procédures permettant d'y avoir droit) ;
- ne pas protester une facture à bref délai ;
- ne pas faire diligence pour récupérer les créances impayées de clients ;

3.3.5. Eléments d'appréciation de la faute


50

- Les exemples ci-dessus ont pour objectif de montrer que la source des
responsabilités des administrateurs est infinie. Les pièges qui jalonnent la
route des responsables de la gestion des sociétés sont innombrables.

- Il est cependant deux réalités qu'il faut souligner et qui tempèrent quelque peu
les remarques qui précèdent:
- l’art. 2:56 CSA ne vise que les « décisions, actes ou comportement
qui excèdent manifestement la marge dans laquelle des
administrateurs normalement prudents et diligents placés dans le
mêmes circonstances peuvent raisonnablement avoir une opinion
divergente » et confirme confirme donc légalement l’appréciation
marginale du juge, déjà consacrée par la jurisprudence antérieure
au CSA. Le juge appelé à statuer sur la responsabilité d'un
administrateur ne peut substituer son appréciation à celle de
l'administrateur en cause; c'est dans cette mesure que l'on dit que le
juge a un "pouvoir d'appréciation marginale". Le juge ne
sanctionnera pas le comportement d'un administrateur qui a fait ou
n'a pas ce que le juge n'aurait pas fait ou aurait fait, mais il
sanctionnera le comportement que n'aurait pas eu tout administrateur
placé dans des circonstances comparables. Placé devant des choix de
gestion, l'administrateur peut parfois prendre des décisions en sens
divers. Il peut parfois se tromper. L'erreur n'est pas nécessairement
une faute. ».
- Lorsqu'il statue, le juge connaît parfois des éléments de fait que ne
connaissait pas l'administrateur et dont on ne peut lui faire grief de
ne pas les avoirs connus au moment où l'acte litigieux (ou l'omission
litigieuse) a eu lieu. Le juge doit faire l'analyse de la situation sur la
base des éléments connus ou dont l'administrateur devait avoir
connaissance au moment des faits, en faisant abstraction des
éléments de faits connus à postériori.

3.3.6. Le dommage réparable

- la responsabilité des administrateurs est régie par le droit commun de la


responsabilité contractuelle (art. 1150 C. Civ.).
- Il en résulte que l'étendue de l'obligation de réparation est indépendante de
la gravité de la faute.
- Le fondement de la responsabilité des administrateurs sur la base de l’article
2:56 CSA. est cependant de nature contractuelle, ce qui devrait logiquement
avoir pour conséquence que seul le dommage prévisible doit être réparé.
- Il n'y a cependant pas unanimité en doctrine pour limiter l'étendue de
l'obligation de réparation de la faute de gestion.

3.3.7. Le lien causal

- Application du principe de droit commun : celui qui invoque la


responsabilité d'un administrateur a la charge de la preuve que sans la faute
alléguée le dommage tel qu'il s'est produit ne se serait pas réalisé.
- Rappelons que selon les règles de droit commun le lien causal doit être
formellement établi. Un doute quant à l'existence du lien causal conduit au
rejet de l'action.
- La théorie de l'équivalence des conditions peut selon les cas conduire à la
condamnation de plusieurs personnes à la réparation du dommage, si des
fautes concurrentes ont contribué à la réalisation du dommage, voire à un
51

partage de responsabilité si la victime a par sa propre faute également


contribué à la réalisation de son dommage.

3.3.8. Responsabilité solidaire ?


- En principe,
si l’organe d’administration forme un collège : responsabilité solidaire des
décisions et manquements
si l'organe d'administration ne forme pas un collège : responsabilité solidaire de
tout dommage résultant d'infractions au CSA ou aux statuts.
sauf à démonter qu’il n’a pas participé personnellement à la faute et qu’il l’ a
dénoncé aux autres membres de l’organe d’administration. (art. 2:56 CSA).

3.3.9. Titulaire de l'action

- Seule la société est en droit d'agir contre l'administrateur fautif sur le


fondement d’une faute contractuelle dans l’exécution de son mandat.
- L'action de la société dirigée contre les administrateurs est décidée par
l'assemblée générale (art. 5:103, 6:88, 7:156 CSA).
- Les administrateurs étant nommés par une majorité d’actionnairesou
d'actionnaires (les uns se confondant souvent avec les autres, dans les
sociétés dont l'actionnariat est restreint), les droits de la minorité sont
sauvegardés par la possibilité d'intenter l'action minoritaire.

L'action minoritaire :

- Doit être décidée par des actionnairesayant au jour de l'assemblée


générale qui s'est prononcée sur la décharge au moins 10 % des voix
attachés à l'ensemble des titres (art. 5:104 et 6:89 CSA).
25
-
- L'action minoritaire peut être intentée dans les SA à l'initiative
d'actionnaires qui détiennent au jour de l'assemblée générale qui s'est
prononcée sur la décharge au moins 1 % des actions ou une fraction
du capital égale à 1.250.000 € au moins (art. 7:157 CSA).

- Dans le cas d'une S.A. l'action sociale et l'action minoritaire peuvent être
intentées simultanément. En ce cas, les deux causes sont jointes pour
connexité (art. 7:157, §3 CSA.) ;

- En cas de faillite, le curateur agit notamment au nom de la société. Il a donc


qualité pour intenter l'actio mandati contre les administrateurs. Il n'a pas
besoin d'une délibération préalable de l'assemblée générale des actionnaires
pour ce faire. Dans la pratique, l'action du curateur fondée sur une faute de
gestion se heurtera cependant souvent à un obstacle technique : la décharge
votée par l'assemblée générale.

- L’administrateur sera responsable envers les tiers pour autant que la faute
commise présente un caractère extracontractuel

3.3.10. Décharge

- la décharge est une décision de l'assemblée générale qui donne aux


52

administrateurs quitus de l'exécution de leur mandat (art. 5:98, 6:83, 7:149


CSA) ;
- la décharge fait obstacle à l'exercice de l'action sociale (mais pas à l'exercice
de l'action minoritaire si elle n’a été votée que par la majorité) ;
- toutefois la décharge n'est valable que si elle est donnée en connaissance de
cause, c'est-à-dire si les comptes annuels présentés par les administrateurs
sont sincères et complets et si leur rapport de gestion (sociétés où un tel
rapport est légalement prescrit : voy. art. 3:4 CSA.) ne contient
pasd'omission ou d'inexactitude.
- Nonobstant les termes des articles du Code relatifs à la décharge la
jurisprudence majoritaire semble actuellement fixée en ce sens que la
décharge pourrait valablement être accordée en cours d'exercice, sans
examen préalable des comptes.
- La question de la décharge en cours d'exercice se pose dans la pratique en
cas de démission d'un administrateur en cours d'année : le démissionnaire
(qui peut être par hypothèse un actionnaire cessionnaire d'une participation
de contrôle) exige qu'une assemblée générale particulière (voir sur cette
notion § 2.3., ci-dessus) suive immédiatement sa démission et lui accorde la
décharge;
- Dans la pratique, en cas de cession d'une participation de contrôle
accompagnée d'un changement d'organe d’administration, soit le
cessionnaire des actions ou de parts se porte fort que la plus prochaine
assemblée générale ordinaire octroiera la décharge aux administrateurs
démissionnaires, soit l'acquéreur de la participation de contrôle prend
l'engagement personnel de voter en faveur de cette décharge et d'imposer une
telle obligation à tout cessionnaire éventuel de tout ou partie de la
participation de contrôle, en cas de cession avant la plus prochaine assemblée
générale ordinaire.

C. Violation du Code des sociétés et des associations ou des statuts

3.3.11. Notions ( article 2:56, al. 3 CSA)

- En vertu de l’article 2:56 CSA : « même si l’organe d’administration ne


forme pas un collège, ses membres répondent solidairement tant envers la
personne morale qu’envers les tiers, de tout dommage résultant d’infractions
aux dispositions du présent code ou aux statuts de cette personne morale »

- Violation des statuts : les statuts déterminent l'objet de la société et ses règles
de fonctionnement. Il se conçoit aisément que la transgression des clauses
statutaires engage la responsabilité des administrateurs.

Exemples de violation des statuts :

o Engager la société dans une opération qui excède l'objet social de la


société
o Prêter sans autorisation valable de l'argent à un administrateur, ce qui
prive la société des liquidités nécessaires pour fonctionner de manière
régulière
o Se faire payer une rémunération non autorisée par l'assemblée générale
o Ne pas respecter les clauses statutaires relatives à la cession des parts ou
actions
o Ne pas respecter les clauses statutaires relatives aux pouvoirs de l'organe
d’administration ou des délégués à la gestion journalière (ces clauses
53

sont inopposables aux tiers. La société sera donc liée à l'égard des tiers,
mais la responsabilité des administrateurs sera engagée).

- Violation du Code

o Lorsque l’article 2:56, al.3 CSA incrimine la violation du "présent


Code", il s'agit de la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés
et des associations ainsi que des dispositions légales prises en exécution
du Code. Une violation de l’arrêté d’exécution du CSA constitue donc
également une violation susceptible d’engager la responsabilité des
administrateurs sur la base de l’article 2:56, al. 3. De plus, l’article 3:51
CSA prévoit que, chaque année, les administrateurs doivent établir les
comptes annuels dont la forme et le contenu sont déterminés par le Roi.

Outre la loi, sont ainsi visés :


o l’arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et
des associations

o les dispositions de la loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant


à exécuter un plan pluriannuel pour l’emploi et de l’arrêté royal du 4 août
1996 relatif au bilan social, qui ont imposé la tenue d’un bilan social

o Exemples de violation du Code des sociétés

- Violations des obligations comptables des sociétés (la


pratique montre que c'est le type d'infraction le plus fréquent)
;
- Ne pas déposer ou ne pas déposer dans les délais les comptes
annuels (art. 3:10 CSA);
- Prendre une décision en violation des dispositions légales
relatives aux conflits d'intérêt, si l'acte a procuré à un
administrateur un avantage financier abusif au détriment de
la société (art. 5:78, 6:66, 7:122 CSA) ;
- Ne pas convoquer une assemblée générale pour délibérer à
bref délai sur la continuité des activités de la société
lorsqu'elle a subi des pertes importantes (art. 5:153, 6:119,
7:228 CSA) ;
- Ne pas respecter les règles de publicité pour les actes dont la
publication est prescrite par le Code (art.2:8 CSA);
- Ne pas justifier du maintien des règles comptables de
continuité, si le compte de résultat fait apparaître une perte
pendant deux exercices successifs (sur les règles comptables
de discontinuité, voir le quatrième cours) ;
- Ne pas avoir rédigé un rapport lorsque la loi en prescrit un.
- Ne pas avoir convoqué une assemblée générale malgré une
demande en ce sens d’actinonaires qui peuvent l’exiger (p.
ex. art. 7:126 CSA), ou l'avoir convoquée de manière
irrégulière ou ne pas avoir tenu à disposition des
actionnairesou actionnaires les documents légalement
prescrits ;
- Ne pas laisser un associé ou actionnaire exercer son droit
d'interpellation à l'assemblée générale ou ne pas répondre à
des questions légitimes (art.5:91; 6:77; 7:139 CSA.) ;
- Proposer à l'assemblée générale des décisions relatives aux
fonds propres de la société, dans des conditions irrégulières :
54

distribution de dividendes illégitimes (art. 5:142, 6:115,


7:212 CSA) ou réduction de capital qui ne respecte pas la
procédure légale (art. 7:209 CSA).

3.3.12. Eléments d'appréciation de la faute

- La jurisprudence considère que les diverses obligations imposées aux


administrateurs par le Code ou son arrêté d'exécution sont des obligations de
résultat. Il en résulte que les administrateurs sont en faute par le seul fait
d'avoir manqué à une obligation légale.

Il en est certainement ainsi pour ce qui concerne :

o La tenue de comptabilité régulière ;


o Le dépôt des comptes annuels à la banque nationale ;
o La tenue des assemblées générales légalement prescrites (l'assemblée
générale ordinaire et les assemblées particulières lorsque la loi en prescrit
la convocation) ;
o La rédaction des rapports prescrits par le code : le rapport de gestion pour
les sociétés qui y sont légalement tenues, les rapports spéciaux en cas de
quasi apports, autorisation ou renouvellement d'une autorisation relative
au capital autorisé, limitation ou suppression du droit de souscription
préférentielle, fusion, scission, apport d'universalité ou de branche
d'activité, continuation des activités en cas de pertes importantes, etc.

- Un courant doctrinal existe, soutenant que ou l'administrateur de société n'est


pas nécessairement responsable d'une violation de la loi ou des statuts
lorsque le texte de la loi ou des statuts – ou son application au cas d'espèce
– prête à discussion. Exemple : dépassement de l'objet social ou dépassement
de fonction de l'administrateur délégué ; il existe des situations limites dans
lesquelles la frontière est malaisée à tracer.

- Pour ce qui concerne la tenue d'une comptabilité régulière, il faut certes


partir du principe que la très grande majorité des règles comptables ne se
prêtent pas à des interprétations multiples. Mais ce n'est pas toujours le cas.
En voici trois exemples (non exhaustifs) :

o Les stocks sont évalués à leur valeur d'acquisition (art. 3:47 AR CSA).
Lorsque les produits sont transformés dans l'entreprise, les stocks sont
évalués au prix de revient qui s'obtient en ajoutant au prix d'acquisition
les coûts de production énumérés à l’article 3:15 AR CSA). L'application
de ces normes légales peut donner lieu à des discussions.
o Les créances figurent à l'actif du bilan à leur valeur nominale (art. 3:45,
1er AR. CSA). Mais les créances doivent faire l'objet de réduction de
valeur si leur remboursement à l'échéance est en tout ou partie incertain
(art.3:46 AR CSA). A partir de quel degré d'incertitude une créance doit-
elle être provisionnée ? Le critère est celui de la prudence, la sincérité et
la bonne foi. Une marge d'appréciation existe donc.
o Une société doit provisionner à son passif les risques et charges qui sont
nettement circonscrits quant à leur nature, mais qui, à la date de clôture
de l'exercice, sont probables ou certaines, mais indéterminées quant à
leur montant (art. 3:28 AR CSA). Une société est assignée devant le
Tribunal, ou reçoit un avis de rectification de sa déclaration suivi d'un
enrôlement d'un supplément d'impôt. Elle conteste ces prétentions
dirigées contre elle. A partir de quel seuil de probabilité ou de certitude
55

faut-il provisionner le risque ? Il existe une marge d'appréciation.

3.3.13. Le dommage réparable

- Ce qui a été dit au sujet de la faute de gestion s'applique également à la


violation du Code et des statuts (renvoi au § 3.3.6 ci-dessus).
- En cas d'infraction aux articles 5:153, 6:119, 7:228 CSA . (ne pas convoquer
une assemblée générale pour délibérer à bref délai sur la continuité des
activités en cas de pertes sociales importantes), le dommage des créanciers
coïncide avec l'aggravation du passif entre le moment où l'assemblée
générale aurait dû être convoquée et le moment où l'action en responsabilité
est intentée ;

- Le dommage réparable est le préjudice subi par la société ou par les tiers
lorsqu'une décision a été prise par le conseil d'administration conformément
à l’article 7:96 (donc lorsque la procédure prévue en matière de conflit
d'intérêts a été respectée) si la décision ou l'opération a procuré aux
administrateurs ou à l'un d'eux un avantage financier abusif au détriment de
la société.

3.3.14. Le lien causal

- En cas d'infraction aux articles 5:153, 6:119, 7:228 CSA le dommage subi
par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de l'absence de
convocation de l'assemblée générale.
- En cas d'infraction aux articles 3:1 (ne pas soumettre les comptes annuels à
l'assemblée ordinaire dans les six mois de la clôture de l'exercice)et 3:10
CSA (non dépôt des comptes annuels dans le délai de sept mois qui suit la
date de la clôture de l'exercice), le dommage subi par les tiers est, sauf preuve
contraire, présumé résulter de cette omission.
- Dans les autres cas de responsabilité fondée sur l’article 2:56 CSA, le lien
causal doit être établi entre la faute et le dommage (renvoi au § 3.3.7 ci-
dessus).

3.3.15. Responsabilité solidaire

- L’article 2:56 CSA institue une responsabilité solidaire des administrateurs.


- Les administrateurs ne sont déchargés de cette responsabilité que s’ils
démontrent qu’ils n’ont pas participé personnellement à la faute et qu’ils
l’ont dénoncée à tous les autres membres de l’organe d’administration.

3.3.16. Titulaires de l'action

- La société peut intenter l'action en responsabilité fondée sur l’article 2:56


CSA. Ce qui a été dit au § 3.3.9 ci-dessus est d'application.
- Les tiers (il s'agit le plus souvent de créanciers de la société) peuvent
également agir contre les administrateurs.
- L'actionnaire peut agir à titre individuel contre l'administrateur qui a violé la
loi ou les statuts. Il lui appartient de démontrer l'existence d'un intérêt propre,
c'est-à-dire le dommage qu'il subit dans son patrimoine propre (par opposition
au dommage indirect que subit l'actionnaire en cas d'atteinte au patrimoine
de la société elle-même).
56

- Le curateur a qualité pour agir tant au nom de la société qu'au nom des
créanciers et a donc qualité pour intenter l'action en responsabilité contre les
administrateurs.

3.3.17. La décharge

- Les actes qui sortent de l'objet social ou des limites apportées par les statuts
aux pouvoirs des administrateurs, ainsi que les actes qui ont été faits en
contravention au Code des sociétés ne sont couverts par la décharge que s'ils
ont été spécialement indiqués dans la convocation (art.5:98, 6:83, 7:151
CSA).
- Cependant la décharge est inopérante lorsque l'action de responsabilité est
exercée par :
o Un tiers (créancier)
o Le curateur agissant en sa qualité de représentant des intérêts de la masse.

D. La faute grave et caractérisée / action en comblement de passif

3.3.18. Notion (XX.225, XX.226, XX.227 CDE)

En cas de faillite de la société et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute
grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou
ancien administrateur, ainsi que toute personne qui a effectivement détenu le
pouvoir d'administrer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec
ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales, à concurrence de
l'insuffisance d'actif.

3.3.19. Champ d'application

- Les administrateurs, anciens administrateurs et gestionnaires de fait des


S.A., quelle que soit la taille de la société peuvent être mis en cause en cas
de faute grave et caractérisée ; Le nouvel article XX.225 vise « tout
administrateur, gérant, délégué à la gestion journalière, membre du comité
de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, ainsi que toute
autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise ».
La terminologie utilisée (voir « conseil de surveillance ») tient compte du
futur CSA.

- Les administrateurs, anciens administrateurs ou gestionnaires de fait ne sont


visés par cette disposition que si la société atteint les seuils suivants.
o Chiffre d'affaire annuel moyen hors TVA de 620.000 € au cours des trois
exercices qui précèdent la faillite ;
o Total du bilan au terme du dernier exercice de 370.000 €.

Les deux critères sont cumulatifs. Seules les "très petites" SRL et "très
petites" SC ne sont donc pas visées (voy. cependant l'exception indiquée au
§ 3.3.27 ci-après).

3.3.20. Conditions de l’action :

- une faillite ;
- une insuffisance de l’actif pour couvrir le passif (ce qui va de soi sauf cas
exceptionnels) ;
- une faute grave et caractérisée ;
- une faute qui a « contribué » à la faillite ;
57

- faute commise par tout administrateur, gérant, délégué à la gestion


journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance,
actuel ou ancien, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu
le pouvoir de gérer l'entreprise.

3.3.21. Débiteurs de la réparation en cas de faute grave et caractérisée

Par rapport à la responsabilité pour faute de gestion ou pour violation de la loi ou


des statuts, on notera deux différences majeures. Peuvent être rendus responsables:

- D'anciens administrateurs. Ceci permet d'atteindre des individus qui


démissionnent et placent des hommes de paille à la tête d'une société avant
que la société ne soit déclarée en faillite.
- "Toute personne qui a effectivement détenu le pouvoir d'administrer la
société". Ceci permet d'atteindre les gestionnaires de fait, c'est-à-dire ceux
qui, sans disposer officiellement des pouvoirs d'administrer la société,
l'administrent en fait.

3.3.22. Exemples de fautes graves et caractérisées

La faute grave et caractérisée est celle qui heurte l'éthique et la morale des affaires.
Il s'agit du comportement que n'aurait pas eu tout entrepreneur parce que l'acte en
question aurait été perçu par tout entrepreneur comme mettant en péril la continuité
de la société. La faute grave et caractérisée ne requiert pas le dol, mais à tout le
moins une perception déraisonnable.

On cite comme exemple de fautes graves et caractérisées :

- L'absence de comptabilité
- Une comptabilité gravement irrégulière
- Caisse noire, chiffre d'affaires non déclaré
- La poursuite d'une activité déficitaire, alors qu'il n'existe ni plan de
redressement ni perspectives d'amélioration des affaires
- Effectuer des paiements qui ne respectent pas les privilèges légaux, à un
moment où l’organe d’administration sait pertinemment (ou aurait dû savoir)
que la faillite était inéluctable
- Les mécanismes de captation du fonds de commerce (ou du goodwill) ou
d'éléments de celui-ci en période suspecte.

Il est important de faire le lien entre ces fautes "graves et caractérisées" et les
infractions pénales qui peuvent y être liées (voir infra §§ 3.3.33 et 3.3.34).

3.3.23. Eléments d'appréciation de la faute

- La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par faute grave et caractérisée.
L'appréciation de ces deux critères est laissée à l'appréciation souveraine du
juge.

3.3.24. Le dommage réparable


- Le gérant ou l'administrateur coupable d'une faute grave et caractérisée peut
être condamné à supporter "tout ou partie des dettes sociales"
- Dans la pratique, les tribunaux disposent d'un très large pouvoir
d'appréciation. La condamnation pourra, selon les circonstances, consister
à:
58

o Payer à la masse une quotité du passif (de l'insuffisance d'actif)


o Lorsque l'action est exercée par un créancier à titre individuel, payer la
partie irrécouvrable de la créance de ce créancier
o Lorsque des opérations commerciales ou financières ont été effectuées
dans des conditions gravement fautives : indemniser le préjudice qui en
est résulté
o Lorsque l'action est intentée par un créancier agissant à titre individuel,
le montant alloué à celui-ci par le juge est limité au préjudice du créancier
agissant et ce montant lui revient exclusivement indépendamment de
l'action éventuelle du curateur dans l'intérêt de la masse
o La loi fixe un maximum : l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire le montant du
passif à l'égard des tiers qui est irrécouvrable après réalisation des actifs
et paiement des dettes de la masse
o Notons enfin que conjointement aux condamnations de sommes, le
tribunal peut prononcer des interdictions professionnelles à l'encontre de
dirigeants qui ont commis une faute grave et caractérisée ayant contribué
à la faillite.
- Le nouveau régime de l’article XX.225 a apporté des innovations en précisant
que « Le créancier sera indemnisé de ses frais et dépens si le curateur
intervient. Le créancier a également droit à être indemnisé de ses frais et
dépens quand le curateur n'est pas intervenu à la cause et que l'action a été
bénéficiaire pour la masse. ». L’indemnité qui sera payé au créancier sera
calculée sur base des frais réels qu’il a dû avancer (frais d’avocat et
d’huissier) et non simplement sur base de l’indemnité de procédure. L’article
XX.225 § 5 a apporté encore une innovation importante et surprenante dans
la répartition de l’indemnisation entre créanciers. Il est en effet stipulé que,
quel que soit l’auteur de l’action :
« 1° l'indemnisation accordée par le tribunal en réparation d'une diminution
ou d'une absence d'actif est répartie proportionnellement entre les
créanciers en respectant les causes légitimes de préférences sur cet actif ;
2° l'indemnisation accordée par le tribunal en réparation d'une aggravation
du passif est répartie proportionnellement entre tous les créanciers sans
tenir compte des causes légitimes de préférences.
Toute répartition s'effectue déduction faite des frais de la masse. »

3.3.25. Le lien causal

- Différence importante avec les fautes de gestion et infractions à la loi ou aux


statuts : en cas de faute grave et caractérisée, la loi n'exige pas que la faute
ait causé la faillite, il suffit qu'elle y ait contribué.
- Si la faillite est inéluctable, une faute grave et caractérisée commise peu
avant la faillite n'a pas "contribué" à la survenance de la faillite (un paiement
effectué au moment où la faillite est inéluctable, par exemple).
Théoriquement cette faute grave et caractérisée ne devrait pas engager la
responsabilité de l'administrateur en cause.
- En revanche, si la faillite est la conséquence de plusieurs facteurs qui ont
concouru à l'issue fatale, il suffit qu'une faute grave et caractérisée d'un
gérant ou administrateur constitue l'un des facteurs pour la responsabilité
fondée sur l’article XX.225 CDE puisse être retenue.

3.3.26. Responsabilité solidaire ?

- Ici encore le tribunal dispose d'un très large pouvoir d'appréciation. Compte
tenu de la répartition des tâches entre les administrateurs, il pourra
59

condamner un ou plusieurs administrateurs et exempter les autres


- Lorsque plusieurs administrateurs sont condamnés, le tribunal peut les
condamner "avec ou sans solidarité".

3.3.27. Titulaires de l'action

- L'action est ouverte au curateur et aux créanciers à titre individuel


- Lorsqu'un créancier exerce l'action en responsabilité à titre individuel, il en
informe le curateur (qui pourra se joindre à l'action du créancier, s'il estime
les griefs sérieux).
- Le nouveau régime de l’article XX.225 a repris l’ancienne règle, introduite
dans le Code des sociétés par la loi du 4 septembre 2002, à savoir que le
curateur et le créancier lésé peuvent introduire l’action en comblement de
passif. Toutefois l’article XX.225 introduit une nouveauté importante à ce
point de vue. En effet, l’article XX.225 § 3 précise qu’ « Un créancier lésé
ne peut introduire l'action que si le curateur ne l'introduit pas lui-même dans
un délai d'un mois après avoir été sommé de le faire par le créancier lésé.
Le créancier lésé en informe le curateur. Le curateur peut intervenir dans la
procédure introduite par le créancier. Dans ce cas, le curateur est de plein
droit réputé poursuivre l'action en tant que successeur en droit du créancier.»
Le paragraphe suivant continue à apporter des innovations en précisant que
« Le créancier sera indemnisé de ses frais et dépens si le curateur intervient.
Le créancier a également droit à être indemnisé de ses frais et dépens quand
le curateur n'est pas intervenu à la cause et que l'action a été bénéficiaire
pour la masse. » L’indemnité qui sera payé au créancier sera calculée sur
base des frais réels qu’il a dû avancer (frais d’avocat et d’huissier) et non
simplement sur base de l’indemnité de procédure.

E. La poursuite déraisonnable de l’activité

3.3.28. Cette responsabilité existait déjà avant l’introduction de l’article XX.227 de droit
économique puisque la doctrine et la jurisprudence avaient déjà sanctionné la
poursuite d’une activité irrémédiablement déficitaire sur base de l’article 1382 du
Code civil. Depuis l’introduction de l’article XX.227 du CDE, cette responsabilité
reçoit une consécration légale et son texte est le suivant :

- « § 1er. En cas de faillite d'une entreprise et d'insuffisance d'actif, les


administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membres du
comité de direction ou du conseil de surveillance, actuels ou anciens, et
toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de diriger
l'entreprise, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans
solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à l'égard de la masse, si :
- a) à un moment donné antérieur à la faillite, la personne concernée savait
ou devait savoir qu'il n'y avait manifestement pas de perspective raisonnable
pour préserver l'entreprise ou ses activités et d'éviter une faillite ;
- b) la personne concernée avait à ce moment l'une des qualités visées ci-
dessus ; et
- c) la personne concernée n'a pas, au moment visé sous a), agi comme
l'aurait fait un administrateur normalement prudent et diligent placé dans
les mêmes circonstances ».

3.3.29. Les exclusions


60

Comme pour l’article XX.225, le législateur n’a pas voulu décourager les nombreux
administrateurs de petites structures sociales. Le § 5 de l’article XX.227 exclut donc
du champ d’action de cet article les petites ASBL, AISBL, fondations ainsi que les
partis politiques européens et les fondations politiques européennes.

3.3.30. Les personnes visées

L’article XX.227 précise :


« les administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membres du comité
de direction ou du conseil de surveillance, actuels ou anciens, et toutes les autres
personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de diriger l'entreprise »».

3.3.31. Les conditions pour agir

- Une faillite et une insuffisance de l’actif pour couvrir le passif

- La connaissance réelle ou présumée par le dirigeant qu’il n’y avait plus de


chance raisonnable de préserver l’entreprise ou ses activités et d’éviter la
faillite

- Le dirigeant, actuel ou ancien, a su ou aurait dû savoir à un moment où il


dirigeait l’entreprise qu'il n'y avait manifestement pas de perspective
raisonnable pour préserver l'entreprise ou ses activités et d'éviter une faillite.

Nous ne sommes pas dans la faute « grave et caractérisée » de l’article XX.225.


En effet, nous ne sommes face à une faute grave mais bien face à une faute
caractérisée puisqu’il n’y avait « manifestement pas de perspective raisonnable»
pour redresser la barre.

- Pour que sa responsabilité puisse être engagée, il faut enfin que le dirigeant
n’ait pas, au moment où il se rend compte (ou devait se rendre compte) de la
situation « agi comme l’aurait fait un administrateur normalement prudent
et diligent placé dans les même circonstances ».

- Pour l’appréciation de ce comportement, il faudra s’inspirer des juridictions


anglaises qui considèrent que si « le dirigeant a tout fait pour veiller aux
intérêts des créanciers et réduire les pertes, il ne pourra lui être reproché
d’être resté aux commandes ».

3.3.32. Que risque le dirigeant de droit ou de fait poursuivi ?

Les règles à appliquer par le juge sont exactement les mêmes que celles qu’il
appliquera dans le cadre de l’action en comblement de passif (article XX.225).

Si les conditions sont réunies, le tribunal de l’entreprise peut – mais ne doit pas –
condamner le ou les dirigeants de droit ou de fait, solidairement ou non, au paiement
de tout ou partie des dettes sociales.

L’article XX.227 § 3 précise par ailleurs que :

« L'indemnisation accordée par le tribunal en réparation d'une diminution ou d'une


61

absence d'actif est répartie proportionnellement entre les créanciers en respectant


les causes légitimes de préférences.

L'indemnisation accordée par le tribunal en réparation d'une aggravation du passif


est répartie proportionnellement entre tous les créanciers sans tenir compte des
causes légitimes de préférences.

Toute répartition s'effectue déduction faite des frais de la masse. »

3.3.33. Qui peut agir contre les dirigeants?

Curieusement, contrairement à l’action en comblement de passif, cette action n’est


ouverte qu’au curateur, sur base de l’article XX.227, § 2. La raison invoquée dans
les travaux préparatoires est qu’il faut éviter de donner la possibilité que « tout
intéressé puisse intenter une telle action dans un domaine exigeant une appréciation
complexe et une connaissance approfondie du passé de l’entreprise. ».

F. Situation particulière de l'ONSS - Article XX.226 du CDE

La responsabilité des administrateurs et gestionnaires de fait est davantage alourdie lorsque la société
faillie laisse impayés des cotisations, majorations ou intérêts vis-à-vis de l'ONSS.

L’article XX.226 a repris ce type de responsabilité découlant des dispositions introduites par la loi-
programme du 20 juillet 2006 (art. 57) au sein de l’ancien Code des sociétés ce type de responsabilité
en y apportant quelques modifications :
« Sans préjudice de l'article XX.225, l'Office national de Sécurité sociale ou le curateur peuvent tenir
les administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membres du comité de direction ou du
conseil de surveillance, actuels ou anciens, et toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu
le pouvoir de diriger l'entreprise comme étant personnellement et solidairement responsables pour la
totalité ou une partie des cotisations sociales, en ce compris les intérêts de retard, dues au moment
du prononcé de la faillite, s'il est établi qu'au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé
de la faillite, ils ont été impliqués dans au moins deux faillites ou liquidations d'entreprises à
l'occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n'ont pas été honorées, pour autant qu'ils aient eu
lors de la déclaration de faillite, dissolution ou entame de la liquidation desdites entreprises la qualité
de dirigeant, ancien dirigeant, membre ou ancien membre d'un comité de direction ou de surveillance
ou avaient ou avaient eu en ce qui concerne les affaires de l'entreprise, une fonction dirigeante
effective.
Si une action a été introduite sur la base de l'article XX.225, les montants revenant sur la base de
cette action à l'ONSS sont imputés sur le montant accordé à l'ONSS sur la base du présent article. »

- Comme par le passé,


• Ce type de responsabilité s’applique à toutes les entreprises en faillite, quel que soit
leur taille. Les exclusions prévues à l’article XX.225 ne sont pas présentes ;
• Le curateur et l’ONSS peuvent agir sans que l’ONSS doivent informer ou mettre en
demeure le curateur d’agir ;
• L’article XX.226 s’applique à tout dirigeant actuel ou ancien, de droit ou de fait qui
a « effectivement détenu le pouvoir de diriger l'entreprise ». Comme l’article XX.225,
l’article XX.226 a adapté le titre des personnes visées au nouveau Code des sociétés et
association en gestation.

- Contrairement à l’ancien régime, par contre,


62

• Il faut qu’au moment de sa faillite, l’entreprise doive des cotisations sociales et/ou
des intérêts de retard. Dans le paragraphe 2 des articles 265, 409 et 530 CS, étaient en outre
visées les majorations et indemnité forfaitaire réclamés par l’ONSS. Vu le nouveau texte,
s’il ne reste au moment de la faillite que des majorations ou indemnité forfaitaire à payer, il
ne sera pas possible de mettre en œuvre l’action fondée sur l’article XX.226 ;

• Il ne faut plus l’accomplissement d’une « faute grave », comme prévu dans l’ancien
régime. Les travaux parlementaires expliquent la suppression de cette condition car elle se
trouvait déjà dans l’article XX.225. Cette explication ne nous parait pas convaincante car
l’article XX.225 ne précise pas le non-paiement des cotisations à l’ONSS comme une faute
« grave et caractérisée » et en outre la jurisprudence sous l’ancien régime n’a pas considéré
que le seul non-paiement de ces cotisations constituait une telle faute .

- Il reste donc une hypothèse dans laquelle le curateur ou l’ONSS peuvent agir
contre les dirigeants de droit ou de fait de toutes entreprises : celle de
1. deux faillites ou liquidations dans les cinq ans qui précèdent l’actuelle faillite et
2. dans lesquelles les dettes sociales n’ont pas été honorées .

- Il est regrettable que le législateur n’ait pas profité de la promulgation de la loi


du 11 août 2017 pour coordonner les actions de l’ONSS et du fisc. Le projet
de loi prévoyait cette harmonisation dans son texte initial mais un
amendement a supprimé celle-ci considérant que le mécanisme prévu «
semble inutilement complexe et manque d’efficacité ». Comme l’ont fait à
juste titre remarqué d’autres auteurs, c’est précisément « l’absence
d’harmonisation qui entraine complexité et inefficacité. »

G. La responsabilité civile de droit commun

3.3.3. Principes

- Les responsabilités spécifiquement instituées par le CSA (faute de gestion,


violation de la loi ou des statuts, faute grave et caractérisée ayant contribué à
la faillite, faute grave à la base de la faillite) coexistent avec la responsabilité
de droit commun (art. 1382 et 1383 C. civ.).
- La société pourrait donc agir contre un administrateur coupable de faute de
gestion, si le manquement allégué constitue un manquement à une obligation
générale, c'est-à-dire s'imposant à tous. Il faut donc que la faute reprochée
soit distincte du manquement à l'exécution de l'obligation contractuelle. Il
faut également que la faute alléguée ait causé un dommage distinct de celui
qui résulte de l'inexécution de l'obligation contractuelle (en l'occurrence
l'exécution du mandat).
- Les tiers créanciers non contractuels peuvent également mettre en cause la
responsabilité personnelle des administrateurs dans les mêmes conditions
que la société : il faut une faute constitutive d'un manquement à l'obligation
générale de prudence et de vigilance qui s'impose à chacun.
- Les tiers créanciers contractuels de la société ne peuvent en principe mettre
en cause la responsabilité civile de droit commun de l’organe
d’administration que dans les conditions strictes du cumul des
responsabilités aquilienne et contractuelle, c'est-à-dire :

o Faute distincte de la mauvaise exécution du contrat


o Dommage distinct de celui résultant de l'inexécution du contrat.
63

Ceci conduit dans la pratique à une quasi immunité de fait des organes de
gestion vis-à-vis des cocontractants de la société.
- La question du cumul des responsabilités contractuelle et aquilienne
appliquée aux dirigeants de société est cependant une matière où la
jurisprudence reste indécise compte tenu d'arrêts de la Cour de cassation dont
il est difficile de dégager une jurisprudence univoque24.
- Si la faute reprochée au gérant ou à l'administrateur constitue par ailleurs une
infraction pénale, le cumul des responsabilités n'est pas contestable.

H. Responsabilités particulières

3.3.4. Responsabilité en matière fiscale

- En vertu des articles 442quater Code des impôts sur les revenus (art. 14 de
la loi-programme) et 93undeciesC Code TVA, aux termes desquels les
dirigeants chargés de la gestion journalière des sociétés25 sont déclarés
solidairement responsables du précompte professionnel ou de la TVA, si le
non-paiement de ces impôts par la société est imputable à une faute au sens
de l'article 1382 du Code civil commise dans le cadre de leur gestion26. Sont
visés non seulement les délégués à la gestion journalière mais également les
administrateurs et les dirigeants de fait ou de droit
- Les travaux préparatoires de la loi-programme donnent comme exemple de
manquements constitutifs de "faute au sens de l'article 1382 du Code civil
commise dans le cadre de leur gestion" :
o Un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations trimestrielles à la

24
Il s'agit principalement des arrêts des 7 novembre 1997, R.C.J.B. 1999, p. 730 ; 16 février 2001, R.D.C. 2002,
p. 703 et la note C. Geys ; 20 juin 2005, R.D.C. 2005, p. 890 et la note H. De Wolf. La portée de ces arrêts est
incertaine, ce qu'ont mis en évidence plusieurs commentateurs : X. Dieux, "la responsabilité civile des
administrateurs ou gérants d'une personne morale à l'égard des tiers : une révolution de velours" Mélanges John
Kirkpatrick p. 225-230; P. Van Ommeslaghe, "La théorie de l'organe – évolutions récentes", Liber amicorum
Michel Coipel, p. 765 et s. ; V. Simonart, "La théorie de l'organe", Liber amicorum Michel Coipel p. 713 et s. (ces
deux contributions sont antérieures à l'arrêt du 20 juin 2005) ; Y. De Cordt, note sous cassation 20 juin 2005,
R.P.S. 2005, p. 194 et s. ; P. A. Foriers et L. Simont "Observations sur un revirement de jurisprudence :
représentation et responsabilité aquilienne des organes et mandataires de sociétés", Liber amicorum Jacques
Malherbe, p. 419 et s. ; A.P. André-Dumont, C. Bruls et H. Culot, "Responsabilités des organes des sociétés : la
restauration", Liber amicorum Jacques Malherbe p. 21 et s.; P. De Wolf, "Variations sur la responsabilité des
administrateurs", D.A.O.R. 2005, p. 95 et s. ; X. Dieux, "Responsabilité civile des dirigeants de la société anonyme
: question de principe ! ", Actualités en droit des sociétés (collection UB3 2006), p. 103 et s.; S. Bihain,
"Responsabilité des dirigeants des sociétés à l'égard des tiers – Pas d'immunité de principe en faveur des organes
des sociétés", J.T. 2006, p. 421 et s. ; V. Simonart, "La quasi immunité des organes de droit privé", R.C.J.B., 1999,
p. 752 et suiv. ; D. Philippe et G. Gathem, "A quelles conditions le dirigeant peut-il engager sa responsabilité
aquilienne personnelle à l'égard des tiers ? Les pièges de l'article 1382 du Code civil" La responsabilité des
dirigeants des personnes morales, Bruxelles, La Charte, 2007, p. 87 et suiv.
25
Et des personnes morales. Ceci vise notamment les dirigeants des grandes ASBL
26
C. Constitutionnelle 29.3.2012
- 442quater CIR92 (non-paiement du précompte professionnel au cours d'une période de un an) ne viole
pas les art. 10 et 11 de la Constitution.
- pas mesure disproportionnée
C. Cass. 01.06.2012 non-paiement du Précompte Professionnel (Rôle général F.10.0038.F)
C. Cass. 19.09.2014 non-paiement de la TVA (rôle général F.12.0206.N)
C. Cass. 21.09.2012 non-paiement du Pr. Pr. (rôle général F.11.0085.N)
- fondement de la faute 1382 CC Critère du manquement à l'obligation générale de prudence
C. appel Liège 08.06.2011, R.G. 2009/RG/158
Non responsabilité du gérant en cas de non-paiement de la TVA – pas de négligence démontrée – pas faute
– action du fisc contre le gérant non fondée
C appel Gand 17.03.2015 (Fiscalnet du 24 mars 2016) : pas de déclaration de TVA déposée. Les fonds de la société ont
été systématiquement affectés à d'autres fins que celles auxquelles ils étaient destinés, à savoir maintenir en vie une
société déficitaire, ce qui est une faute au sens de l'article 1382 Code Civil.
64

TVA ou un redevable trimestriel du précompte : non-paiement de deux


dettes exigibles au cours d'un an ;
o Un assujetti soumis au régime de déclarations mensuelles à la TVA ou
un redevable mensuel du précompte : non-paiement de trois dettes
exigibles au cours d'un an.

Il n'y a pas de présomption de faute lorsque le non-paiement résulte de


difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure de
concordat, faillite ou dissolution judiciaire. La loi pourrait avoir comme
conséquence paradoxale que des dirigeants de sociétés fassent l'aveu de
faillite pour échapper à la présomption de responsabilité.

3.3.5. Responsabilité en matière de délit d'initié

Il a été indiqué dans l'introduction que le cours n'abordera pas les questions
spécifiques aux sociétés cotées en bourse. On se bornera donc ici à signaler que
l'article 25 §1 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier
et aux services financiers sanctionne le délit d'initié, qui peut atteindre les
administrateurs s'ils recommandent à un tiers d'acquérir ou de céder des instruments
financiers.

3.3.6. Responsabilité de la cotisation sociale à charge des sociétés instituée par la loi du 30
décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses : les associés actifs,
administrateurs sont tenus solidairement avec la société au paiement de la cotisation,
des majorations et des frais dont cette dernière est redevable.

3.3.7. Procédure sonnette d’alarme

La procédure de sonnette d’alarme est reprise à l’article 7:228 du CSA pour les SA
(lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social), à l’article
5:153, pour les SRL et à l’article 6:119 pour les SC (lorsque l’actif net risque de devenir
ou est devenu négatif ou lorsque l’organe d’administration constate qu’il n’est plus certain
que la société, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre,
sera en mesure de s’acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéances pendant
au moins les douze mois suivants).

Plusieurs remarques importantes, au regard des risques de responsabilité


qu'encourent les administrateurs à ce sujet :

- C’est normalement à la lecture des comptes annuels que les administrateurs


constateront si leur société se trouve dans les conditions d’application de
l’article 7:228 CSA. Si toutefois la société est pourvue d’un commissaire-
réviseur, un état comptable doit être établi semestriellement et l’article 7:228
CSA s’appliquera alors. D’autres hypothèses peuvent être rencontrées,
comme celle de la transformation de la forme juridique de la société (art.
14:5 CSA), qui suppose également l’établissement d’un état de la situation
comptable de la société.

La notion d’ « actif net » doit s’entendre comme la différence entre le total


de l’actif, tel qu’il figure au bilan, et l’ensemble des provisions et du passif
envers les tiers (art.7:212 CSA) . Il s'agit d'un ratio de «haut de bilan» qui ne
tient donc pas compte des éléments de trésorerie.

Les règles du droit comptable doivent bien entendu être respectées : la


comptabilité doit révéler la situation réelle de la société. Si tel n’est pas le
65

cas, les administrateurs ne peuvent pas répondre avoir négligé de convoquer


l’assemblée générale et ne peuvent se retrancher derrière le fait que la
situation comptable ne reflétait pas la perte de la moitié du capital.

Il y a peu de discussions quant aux évaluations à prendre en considération.


L’on considère généralement que l’actif peut être pris dans l’optique d’un
going concern du moins tant que la perspective de continuité de l’entreprise
peut être raisonnablement maintenue .

- Lorsque les administrateurs n’ont pas convoqué l’assemblée générale


conformément aux dispositions susmentionnées, «le dommage subi par
les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette absence de
convocation». C’est la loi du 5 décembre 1984 qui a introduit cette
présomption, extrêmement dangereuse pour les dirigeants des sociétés se
trouvant dans le champ d’application de cet article.

- Cette présomption est instituée au bénéfice des tiers et non de la société


elle-même. Les administrateurs pourront toutefois renverser la
présomption qui pèse à leur encontre . Rappelons qu’il appartiendra aux
demandeurs de rapporter la preuve de l’étendue de leur dommage.

- En général le curateur, qui agit contre les administrateurs de la société


tombée en faillite, invoque pêle-mêle tous les chefs de responsabilités
des administrateurs (faute de gestion, violation de la loi et des statuts,
responsabilité quasi-délictuelle, action en comblement de passif…) en
supputant que le tribunal en retiendra bien l'un ou l'autre .

- Mettons enfin en exergue que la responsabilité fondée sur l’article 7:228


CSA est une responsabilité solidaire de l’ensemble des administrateurs.
- Rappelons que depuis la loi sur le concordat judiciaire du 17 juillet 1997,
la constatation par les administrateurs que la société qu’ils dirigent se
trouve dans le champ d’application de l’article 7:228 CSA entraîne une
présomption que « la continuité de l’entreprise d’une personne morale est
en tout cas considérée comme compromise… ».
Cette présomption a été reprise dans la loi du 31 janvier 2009 sur la
continuité des entreprises en son article 23 et la loi du 11 août 2017 a
introduit cette même présomption dans le Code de droit économique en
son article XX.45 §2.

- En d’autres termes, lorsqu’une entreprise se trouve dans les conditions


d’application de l’article 7:228 CSA, dans le rapport spécial que devra
établir le conseil d’administration à l’assemblée générale de la société, il
sera idoine de faire état que le conseil d’administration a envisagé le
dépôt d’une procédure en réorganisation judiciaire.
66

DEUXIEME PARTIE : RESPONSABILITE PENALE DES ADMINISTRATEURS

A. Les infractions

3.3.8. Infractions spécifiques du CSA

- Le non-respect de plusieurs obligations mises à charge des administrateurs


par le Code des sociétés et des associations est sanctionné pénalement.

L'énumération de toutes les incriminations pénales serait longue. Essayons


de les regrouper par catégories :

o Manquement à l’obligation de compléter le registre UBO (art. 1:36


CSA).
o Manquements concernant les liquidateurs de société et qui concernent
notamment les formalités de publicité et rapports périodiques : art.2:108
CSA.
o Manquements aux obligations en matière comptable ou de publicité des
comptes annuels : art. 3:43 CSA (notamment établissement des comptes
annuels, dépôt et publication) ; art.3:44 CSA (faux dans les écritures
comptables avec intention de nuire).
o Manquements à l'obligation de soumettre les comptes annuels à
l'assemblée générale ordinaire: art.3:43 CSA.
o Manquements aux règles de fonctionnement de la révision des comptes
annuels lorsque ceux-ci doivent faire l'objet d'un contrôle externe confié
à un commissaire-réviseur : art. 3:96 et 3:97 CSA.
o Manquements aux règles applicables en matière d'apports en nature ou
de quasi apports et aux rè !gles en matière de distribution : art.5:158,
6:128 et 7:232 CSA.
o Manquements aux règles applicables en matière d'appel public à
l'épargne : art.7:232 CSA.
o Manquements aux obligations concernant les rapports qui doivent être
établis par les gérants ou administrateurs avant toute opération de fusion,
de scission ou d'opération assimilée : art. 14:5 CSA.
- En vertu de l’article 1:37 CSA, le livre Ier du Code pénal, sans exception du
chapitre VII et de l'article 85 est d'application aux infractions prévues par le
CSA.

3.3.9. Infractions pénales résultant du Code pénal

- Plusieurs dispositions du Code pénal sont soit d'application spécifique aux


mandataires sociaux, soit peuvent s'appliquer à des faits commis par des
mandataires dans l'exercice de leurs fonctions.

- Les infractions les plus fréquemment rencontrées dans la pratique sont :

o Les infractions liées à l'état de faillite : article 489 à 489sexies du Code


pénal :
▪ Contracter au profit de tiers, sans contrepartie suffisante, des
engagements trop considérables eu égard à la situation financière
de l'entreprise ;
▪ Faire des achats pour revendre au-dessous du cours ou se livrer à
des emprunts, circulation d'effets et autres moyens ruineux de se
procurer des fonds, dans l'intention de retarder la faillite ;
▪ Payer ou favoriser un créancier au préjudice de la masse ;
67

▪ Organiser frauduleusement son insolvabilité ;


▪ Détourner ou dissimuler une partie de l'actif.
o L'abus de bien sociaux au sens de l'article 492bis du Code pénal, c'est-
à-dire l'utilisation des biens ou du crédit de la société, avec une intention
frauduleuse et à des fins personnelles sachant que c'était
significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de la société et
à ceux de ses créanciers et associés.
o La corruption privée au sens de l'article 504bis du Code pénal. Sont
réprimées la corruption active et la corruption passive. La corruption
passive consiste à solliciter ou accepter directement ou par interposition
de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature,
pour soi-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte
de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans autorisation,
selon le cas, du conseil d'administration, de l'assemblée générale, du
mandant ou de l'employeur. La loi définit inversement et sanctionne
pareillement la corruption active.
o Le faux et l'usage de faux au sens des articles 196 et 197 du Code pénal.
o L'escroquerie : art. 496 C. pénal.
o L'abus de confiance : art. 491 C. pénal.

3.3.10. Infractions pénales résultant d'autres lois

L'énumération de toutes les sanctions pénales que peuvent encourir les mandataires
sociaux est infinie. Il n'existe pratiquement plus de loi dont la transgression n'est pas
sanctionnée pénalement. Cette incrimination pénale systématique a pour
conséquence que l'environnement légal dans lequel se meuvent les dirigeants
d'entreprises est de plus en plus dangereux. Non seulement la sanction pénale n'est
pas théorique, mais surtout l'incrimination pénale facilite la démonstration de la
preuve de la faute et peut considérablement allonger la durée de la prescription.

En outre, le législateur tend à établir un grand nombre d'infraction pour lesquelles


l'agent fautif est désigné par la loi : ce sera l’organe d’administration.

B. Réflexions relatives à de (possibles) atténuations de la responsabilité pénale des


dirigeants

3.3.11. Infractions "purement matérielles" ?

- La question posée est de savoir dans quelle mesure les infractions


particulières prévues par le Code des sociétés sont des infractions "purement
matérielles" ou si un élément moral est requis.
- L'élément moral est requis non seulement dans le cadre des infractions
pénales, mais également dans le cadre des lois particulières. "Toute
infraction requiert, outre un élément matériel, un élément moral, même
lorsque celui-ci n'est pas expressément énoncé dans l'incrimination. La
culpabilité du chef d'une incrimination requiert la connaissance de ce qu'elle
est commise"27 .
- Toute infraction implique dans le chef de l'agent un état d'esprit
reprochable28.
27
Cass. E octobre 2006, RG n° P.06.0545.F, www.cass.be ; dans le même sens : Anvers, 22 juin 2000, A.J.T. 2000-2001,
p. 327. Sur ces notions, voy. : F. Roggen, L'élément moral dans les infractions; une controverse obsolète, in Actualités en
droit pénal, UB³ 2010.
28
C. Vandermeersch, Eléments de droit pénal et de procédure pénale [2006], p. 123 ; Bruxelles, 4 décembre 1996,
68

- Toute infraction pénale constitue une faute dont il doit être admis que le
prévenu doit pouvoir se justifier, de sorte qu'il n'existe pas d'infractions
purement matérielles qui constitueraient une catégorie propre29.
3.3.12. délégation de fonction et responsabilité pénale

- la délégation de fonction est "l'acte par lequel une société ou son dirigeant,
tenu de l'obligation de veiller au respect de la législation, transfère à une
personne physique ou morale déterminée, dotée de la compétence, de
l'autorité et des moyens nécessaires, ses pouvoirs et devoirs pour veiller en
ses lieu et place au respect de la loi"30.
- le principe de la délégation pénale est actuellement accepté en doctrine31,
mais trouve encore peu d'écho en jurisprudence, sans doute soit parce que
trop peu de plaideurs songent à l'invoquer soit parce que les conditions de
son application ne sont pas réunies.
- la délégation de compétence doit en effet être prouvée et par ailleurs
l'administrateur désigné comme responsable par la loi n'échappera à son
responsabilité déduite de l'imputation pénale légale (la loi désigne le
responsable) que s'il prouve que le tiers à qui une compétence avait été
déléguée disposait de :
▪ l'autorité (Cass.fr.,ch. crim. 17 février 2004)
▪ la compétence et
▪ les moyens requis pour respecter la loi ;
- en France, où cette théorie est une création jurisprudentielle assez
développée, les contours dans lesquels la délégation de pouvoir est
admissible ont été définis comme suit:
▪ La délégation de pouvoirs peut conduire à une exonération de la
responsabilité du dirigeant de l'entreprise lorsqu'elle est justifiée
par la taille de l'entreprise (cela ne pourra donc pas être invoqué
par le patron d'une PME);
▪ La délégation de pouvoirs doit être clairement stipulée ("vous
êtes institué responsable de l'exécution de telle tâche …") (voy
Cass. fr., ch. crim. 25 janvier 2000, arrêt n° 99-82123);
▪ La délégation de pouvoirs semble devoir être limitée dans le
temps (pas de jurisprudence française sur ce point, mais les
auteurs l'affirment);
▪ La délégation de compétence intra-groupe de sociétés est
possible (Cass. fr., ch crim. 26 mai 1994, arrêt 93-83213). Une
filiale peut donc faire "remonter" des compétences au niveau de
sa société mère;
▪ La tendance "lourde" de la jurisprudence en France sur cette
question : lent déplacement des responsabilités vers les personnes
morales, mais on constate que la "mise au pilori" des personnes
physiques reste une tendance également.

R.D.P.C. 1997, p. 677.


29
Fr. Tulkens et M. Van de Kerchove, Introduction au droit pénal [2005], p. 390
30
J. Spreutels, Fr. Roggen et E. Roger-France, Droit pénal des affaires [2005], p. 50; E. Roger-France, la délégation de
pouvoirs en droit pénal, J.T. 2000, p. 260 et spéc. p. 262 et s. ; A. De Nauw, "La délinquance des personnes morales et
l'attribution de l'infraction à une personne physique par le juge", R.C.J.B. 1992, p. 570.
31
Outre l'article de E. Roger-France cité à la note ci-dessus, voy. P. Waterinckx, "La responsabilité pénale, un risque
maîtrisable pour l'entreprise ? La délégation en droit pénal" R.D.P.C. 2003, p. 443 et s.
69

TROISIEME PARTIE : LA PRESCRIPTION

A. La prescription civile

3.3.13. Principe

- Toutes actions contre les administrateurs, membres du comité de direction


et liquidateurs sont prescrites par cinq ans (art.2:143 CSA).
- A l'égard des gérants, administrateurs et membres du comité de direction, le
délai de prescription court à partir des faits.
- Si les faits ont été celés par dol, le délai de prescription commence à courir
à partir de la découverte de ces faits.
- A l'égard des liquidateurs de sociétés, le délai de cinq ans prend cours à
compter de la publication au Moniteur belge de l'extrait du procès-verbal de
clôture de la liquidation.
- Précision dans le CSA pour appliquer ce régime au délégué à la gestion
journalière et au représentant permanent des personnes morales occupant ces
fonctions et à toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le
pouvoir de gérer la société.

3.3.14. Problèmes de détermination de la date du fait fautif

- Pour certaines fautes reprochables à un administrateur, la détermination du


fait fautif coïncidera avec le point de départ de la prescription quinquennale.
- Certaines fautes présentent un caractère continu (cfr la notion de délit
continu en droit pénal). Par exemple une écriture comptable inexacte (ou
l'absence d'écriture comptable de ce qui devrait figurer dans les comptes) est
une faute qui est commise le jour où l'inscription aurait dû figurer dans les
comptes, mais elle se poursuit et se répète aussi longtemps qu'elle n'est pas
corrigée, puisque l'ouverture de l'exercice comptable suivant se basera sur la
clôture de l'exercice comptable précédent.
- La jurisprudence est partagée sur la question de savoir quand commence à
courir le délai de prescription lorsqu'un acte aurait dû être posé dans un délai
déterminé. La Cour d'appel de Bruxelles a décidé que le délai de prescription
commence à courir lorsque l'acte aurait dû être posé32. Le tribunal de
première instance de Liège a décidé à l'inverse que le délai ne commence à
courir qu'à la fin du mandat du gérant ou de l'administrateur33 34.
- Lorsqu'un conseil d'administration doit convoquer une assemblée générale
appelée à délibérer sur la poursuite des activités en cas de pertes importantes
(art.5:153 et 7:228 CSA), le délai de convocation (deux mois, sauf
dispositions plus rigoureuses des statuts) prend cours à la date "où la perte a
été constatée ou aurait dû être constatée en vertu des dispositions légales ou
statutaires".

Quand les pertes doivent-elles être constatées ?

Pour les sociétés tenues au dépôt des comptes annuels selon le schéma
complet(art. 3:58 AR CSA), le Code prescrit l'établissement d'une situation

32
Bruxelles 28 mai 2009, inédit R.G.2009/AR/792.
33
Civ. Liège, 12 juin 2003, J.L.M.B. 2005, p. 248.
34
Fin du mandat qui peut elle-même être reportée dans le temps puisque plusieurs décisions ont décidé que
l'administrateur dont le mandat a pris fin doit continuer l'exercice de celui-ci jusqu'à son remplacement et ont retenu la
responsabilité de celui-ci pour s'être désintéressé de la vie de la société après l'expiration de son mandat. En ce sens :
Comm. Bruxelles 22 octobre 2002, J.D.S., 2004, p. 173.
70

semestrielle (art.3:68, §2, al.3 CSA). L'assemblée générale délibérant sur la


poursuite des activités peut donc devoir être tenue au moins deux fois l'an en
cas de pertes récurrentes : la première fois en cours d'exercice dans les deux
mois qui suivent l'établissement de la situation semestrielle et une deuxième
fois dans les deux mois qui suivent l'établissement des comptes annuels.

Pour les petites sociétés au sens de l’article 1:24 CSA, qui peuvent déposer
des comptes annuels selon le schéma abrégé et qui donc ne sont pas soumises
au contrôle révisoral de leurs comptes, la connaissance de la perte coïncide
au plus tard avec la date à laquelle les comptes annuels auraient dû être
présentés à l'assemblée générale ordinaire35

3.3.15. Fautes indivisibles

- Si la faute résulte de plusieurs faits indivisibles, la prescription ne prend


cours qu'à dater du dernier fait par lequel la faute est consommée36.
- Si plusieurs fautes, négligences ou infractions sont simultanément
reprochées aux administrateurs, cette accumulation de griefs ne suffit pas à
rendre ces fautes indivisibles. Il n'y a pas de corrélation entre faits
indivisibles au sens civil et infraction collective au plan pénal37.

B. La prescription pénale

3.3.16. Principe

- L'action publique est prescrite après dix ans, cinq ans ou six mois à un an, à
compter du jour où l'infraction a été commise, selon que l'infraction constitue
un crime, un délit ou un délit contraventionnalisé ou une contravention (art.
21 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code
d'instruction criminelle, ci-après Titre prél. C.I.C.).
- La prescription commence à courir le jour où l'infraction a été commise. On
considère que l'infraction est consommée lorsque l'ensemble des éléments
constitutifs sont réunis. Dès lors :

▪ Constitue un délit instantané le non dépôt dans les délais des


comptes annuels.
▪En revanche, l'usage de faux (faux bilan) est un délit continu
puisque, conformément à la jurisprudence de la Cour de
cassation, l'usage de faux se perpétue même sans fait nouveau de
l'auteur du faux et sans intervention itérative de sa part, tant que
le but qu'il visait n'est pas entièrement atteint et tant que l'acte
initial continue d'engendrer à son profit, sans qu'il s'y oppose
l'effet utile qu'il en attendait38.
- Il y a infraction collective lorsque plusieurs infractions constituent
l'exécution d'une même résolution délictueuse ne forment qu'une seule

35
Comm. Ypres, 21 octobre 2002, T.R.V., 2004, p. 730.
36
Bruxelles, 21 novembre 2002, J.L.M.B. 2003, p. 1271
37
Comm. Marche en Famenne, 31 mars 2010, inédit, R.G.A/08/00097
38
Cette jurisprudence s'applique également lorsque la personne poursuivie pour usage de faux est en même temps l'auteur
du faux, voy. Cass., 1er février 1984, Pas. 1984, I, 617 : "Lorsque l'auteur d'un faux en écritures a aussi fait usage de la
pièce fausse avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire, la prescription de l'action publique ne
prend cours, tant à l'égard de la perpétration de faux qu'en ce qui concerne l'usage de la pièce fausse, qu'à partir du dernier
fait d'usage".
71

infraction. En ce cas, la prescription de l'action publique ne commence à


courir, à l'égard de l'ensemble des faits, qu'à partir du dernier de ceux-ci.

3.3.17. Interruption de la prescription

- La prescription de l'action publique est interrompue par des actes


d'instruction ou de poursuite faits dans le délai prévu par l'article 21 du Titre
prél. C.I.C.
- L'interruption de la prescription a un caractère réel. Elle vaut vis-à-vis de
tous les auteurs ou complices même non visés par l'acte interruptif (art. 22,
al. 2 Titre prél. C.I.C.). En cas de faillite, l'information répressive ouverte
par le parquet et les actes d'instruction à l'égard d'un administrateur de la
société faillie interrompront dès lors la prescription de l'action pénale à
l'égard de tous les autres administrateurs concernés par le même délit.
- Le caractère réel de l'interruption de la prescription de l'action pénale
s'applique également lorsque plusieurs infractions constituent l'exécution
d'une même résolution délictueuse et ne forment qu'un seul délit39. En
revanche, lorsqu'il s'agit de faits entièrement distincts, le caractère réel de
l'acte interruptif est limité aux auteurs de l'infraction pour laquelle l'acte
interruptif a été posé, pas pour les auteurs d'autres faits non liés par une
résolution délictueuse unique40.
- Sont des actes interruptifs de la prescription :
▪ Les actes accomplis par le juge d'instruction personnellement ;
▪ Les instructions données par le juge d'instruction d'accomplir un
devoir d'enquête ;
▪ Certaines apostilles du Ministère public41 ;
▪ La plainte d'une partie civile, la citation directe d'une partie
civile, le réquisitoire du Ministère public.

3.3.18. Conditions et effet de l'interruption de l'action pénale

- L'acte d'instruction ou de poursuite doit être fait dans le délai primaire de


prescription soit, cinq ans, trois ans ou six mois.
- L'acte interruptif de la prescription de l'action pénale anéantit le temps couru
et fait courir un nouveau délai égal à celui qui prenait cours au jour de
l'infraction (art. 22, al. 2, Titre prél. C.I.C.). Après l'écoulement du délai
primaire, il n'y a plus d'interruption possible de sorte que le maximum du
temps de prescription est dix ans, six ans ou un an selon la peine prononcée42.

C. Influence de la prescription de l'action pénale sur le délai de prescription civile

3.3.19. Principes

- L'action civile résultant d'une infraction se prescrit selon les règles du Code
civil ou des lois particulières qui sont applicables à l'action en dommages et
intérêts. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique

39
Cass., 25 octobre 1971, Pas., 1972, I, 185
40
Bruxelles, 23 juin 1972, Pas. 1973, II, 8.
41
Pour la liste des actes du Ministère public qui interrompent la prescription : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset,
Manuel de procédure pénale, p. 92 à 94 ;
42
Pour rappel, le délai de prescription pénale n'est pas déterminé par la nature de l'infraction, mais la nature de la peine
prononcée par le juge. Pour un crime correctionnalisé – ce qui sera souvent le cas en matière de faux et d'usage de faux ou
d'autres infractions financières punies de peines criminelles – le délai de prescription sera donc au maximum de six ans et
non de dix ans.
72

(article 26, Titre prél. C.I.C.).


- Concrètement le délai de cinq ans institué par l’article 2:143 CSA peut être
allongé par l'effet d'une action publique.
- Des infractions comptables présentant un caractère de délit continu peuvent
donc faire l'objet de sanctions pénales et civiles plusieurs années après leur
commission.

3.4. Responsabilités du réviseur ou de l'expert-comptable externe

3.4.1. Principes

Plusieurs dispositions du CSA imposent l'intervention :

- Soit d'un réviseur qui porte le titre de commissaire-réviseur lorsqu'il est


chargé du contrôle des comptes annuels en vertu de l’article 3:73 CSA. Sont
visées par les règles de contrôle des comptes annuels les grandes sociétés qui
se définissent par opposition aux petites sociétés dont les critères sont définis
à l’article 1:24 CSA. Est une petite société une société qui pour le dernier et
l'avant dernier exercice clôturé ne dépasse pas plus d'une des limites
suivantes :
o Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 travailleurs
o Chiffre d'affaires annuel hors TVA : 9.000.000 €
o Total du bilan : 4.500.000 €.

L’article 1:24 CSA définit chacun de ces trois critères.

- Soit d'un réviseur à l'occasion de diverses opérations telles que apports en


nature soit à la constitution soit lors d'une augmentation de capital (art.5:7,
6:8, 7:7, 5:133, 6:110, et 7:197 CSA), quasi-apports (conversion
d'obligations convertibles en actions avec augmentation du capital (art.7:187
CSA).

- Soit d'un réviseur ou d'un expert-comptable externe, à l'occasion d'opérations


telles que proposition de mise en liquidation de la société (art.2:71, §2, al.3
CSA), émission d'actions sans mention de valeur nominale en dessous du
pair comptable des actions anciennes de la même catégorie (art. 7:179, al. 2
CSA), augmentation de capital ou émission d'obligations convertibles ou de
droits de souscription avec limitation ou suppression du droit de préférence
institué par l’article 7:188 CSA (art.7:191, al. 2 et art. 7:204, §2, 4° CSA),
opérations de fusion, scission ou apports d'universalité ou de branches
d'activité (art.12:26, 12:39, 12:62, 12:78 CSA), transformation d'une société
(art.14:3 CSA).

3.4.2. Missions du commissaire-réviseur

- La principale mission du commissaire-réviseur consiste à exercer un


contrôle externe sur les comptes de l'entreprise. Cette mission s'exerce au fil
de l'année par des contrôles sur place (cfr art.3:68, §1er, al.1 CSA) par
l'examen des pièces comptables, livres comptables, la correspondance, les
contrats conclus, etc.
73

Le commissaire réviseur peut poser des questions aux organes de gestion,


aux préposés de la société, aux agents et mandataires. Il dispose d'un pouvoir
d'investigation sans limite.

- L'ensemble des opérations de contrôle du commissaire réviseur se traduit par


un rapport annuel dont les mentions minimales sont prescrites par l’article
3:75 CSA.

Les conclusions du rapport de révision sont :

o Soit une attestation sans réserve. Dans la pratique, l'attestation sans


réserve du commissaire est souvent accompagnée de formules telles que
"les comptes annuels ne comportent pas d'inexactitudes significatives
compte tenu des dispositions légales et réglementaires applicables aux
comptes annuels en Belgique" ou "sans préjudice d'aspects formels
d'importance mineure, la comptabilité est tenue et les comptes annuels
sont établis conformément aux dispositions légales et réglementaires
applicables en Belgique".
o Soit une attestation avec réserve. L'attestation avec réserve indique que
le réviseur émet des réserves quant à la fiabilité de l'organisation
comptable de l'entreprise, ou lorsqu'il estime que certaines
recommandations ou remarques qu'il a émises n'ont pas été suivies par
l’organe d’administration lors de la préparation du projet de bilan, ou
lorsqu'il estime que le rapport de gestion comporte des inexactitude ou
lacunes. En ce cas, les réserves figurent dans le rapport.
o Soit une attestation négative. Dans les cas les plus graves, le commissaire
refusera de certifier les comptes annuels. Le commissaire expliquera
dans son rapport les motifs de son refus.

Annexes : lors du cinquième cours "regards critiques sur


les comptes annuels de certaines sociétés" nous
examinerons des exemples de rapports de réviseurs.

- Une deuxième et tout aussi importante mission du commissaire réviseur


consiste à veiller à ce que la société respecte les dispositions du Code et ses
statuts.

Le commissaire a en effet l'obligation, sous peine d'engager sa propre


responsabilité, d'attirer l'attention des administrateurs quant aux infractions
qu'il aurait constatées et s'il n'a pas été remédié aux infractions ainsi relevées,
le commissaire réviseur doit dénoncer les faits à la plus prochaine assemblée
générale de la société (art. 3:71, al.2 CSA).

- Enfin, le commissaire réviseur a l'obligation d'être attentif à la situation


économique de la société. S'il constate au cours de ses contrôles que la
continuité de la société est menacée, il doit en informer l’organe
d’administration. Concrètement, cela signifie que si le commissaire réviseur
estime qu'il y a un risque de faillite, il doit interpeller les administrateurs.

Le commissaire réviseur doit s'assurer que l’organe d’administration prend


des mesures pour assurer la continuité des activités et si ce dernier reste
inactif ou si le commissaire estime que les mesures de redressement décidées
par l’organe d’administration sont insuffisantes, le commissaire en
informera le président du Tribunal de l’entreprise (art.3:69 CSA).
74

3.4.3. Missions du réviseur ou de l'expert-comptable externe

Lorsqu'ils accomplissent des missions prescrites par le Code des sociétés, les
réviseurs ou experts-comptables externes, même s'ils sont chargés de cette mission
par l’organe d’administration, accomplissent un mandat. Leur rapport n'est en effet
pas rédigé dans l'intérêt de la société, mais :

- Dans l'intérêt des actionnaires,


- Dans l'intérêt des tiers,
- Dans l'intérêt des créanciers43.

3.4.4. Responsabilités

- Le commissaire réviseur est responsable envers la société des fautes


commises par lui dans l'accomplissement de ses fonctions (art.3:71, al.1 er
CSA).
- Le réviseur et l'expert-comptable externe sont responsables de
l'accomplissement de leur mission professionnelle conformément au droit
commun. Il leur est interdit de se soustraire à cette responsabilité, même
partiellement, par contrat particulier (art. 9bis de la loi du 22 juillet 1953
créant un Institut des réviseurs d'entreprises et art. 33 de la loi du 22 avril
1999 relative aux professions comptables et fiscales). Ils peuvent cependant
conventionnellement plafonner leur responsabilité. La loi fixe les plafonds
en dessous desquels les réviseurs ne peuvent descendre. Les plafonds sont
différents selon qu'il s'agit d'une société cotée ou non cotée.

3.4.5. Critères d'appréciation de la faute

- La plupart des obligations des professionnels du chiffre qui dérivent du CSA


sont des obligations de moyen.
- Ce qui précède est cependant tempéré par le fait que l'Institut des réviseurs
d'entreprises (IRE) a édicté des normes de révision qui prescrivent avec
précision les devoirs que le commissaire doit accomplir lorsqu'il est chargé
d'exercer le contrôle en vue de certifier les comptes annuels. La preuve de la
faute du commissaire réviseur résultera de ce que les normes de révision
n'ont pas été respectées44.
- En marge de leurs missions légales dérivant des dispositions du Code des
sociétés, les réviseurs ou experts-comptables sont parfois consultés par
exemple pour assister à la constitution d'une société. Ils engagent leur
responsabilité si le plan financier est manifestement insuffisant45.

3.4.6. Extinction de la responsabilité du professionnel du chiffre

- Le commissaire réviseur est déchargé de la responsabilité par la décharge qui


lui est accordée par l'assemblée générale (art.5:98, al.2; art. 6:83, al.2; 7:149,
al.2 CSA). Il est renvoyé à ce qui a été écrit au sujet des administrateurs pour
ce qui concerne les conditions de validité et des effets de la décharges (cfr

43
Sur ces questions, voy. P.-A. Foriers et M. von Kuegelgen, "La responsabilité civile des réviseurs et experts
comptables", Rev. Dr. ULB, 1992, n° 6, p. 18
44
Pour un cas l'application de la responsabilité du commissaire réviseur : Comm. Charleroi, 12 octobre 1976,
R.P.S. 1977, p. 143 et s.
45
Pour un cas où le reproche de ne pas avoir attiré l'attention des fondateurs sur les lacunes du plan financier
s'adressait au notaire qui avait dressé l'acte authentique de constitution : Mons, 23 octobre 2001, J.T. 2002, p.
344. Le raisonnement s'applique à fortiori au professionnel du chiffre qui aurait été consulté pour assister les fondateurs
dans l'élaboration de ce document.
75

ci-dessus, §§ 3.3.10 et 3.317).


- Lorsqu'ils ne sont pas couverts par la décharge, les faits reprochables au
commissaire réviseur sont prescrits cinq ans après ces faits (art. 2:143 CSA).
- Lorsqu'ils interviennent dans le cadre d'une mission prévue par le CSA, la
prescription de l'action contre le réviseur ou l'expert-comptable externe est
de cinq ans à compter de la date du dépôt de leur rapport (art. 2276ter C.
civ.).
76

Quatrième cours : les comptes annuels de la société

Nous examinerons successivement :

4.1 L'importance de la matière


4.2 Les sources de la matière
4.3 Le champ d'application du droit comptable
4.4 Les deux concepts de base de la comptabilité : les journaux et les comptes
4.5 Les comptes annuels : les fonctions différentes des deux parties
4.6 La comptabilité en partie double – les interactions entre les deux parties des comptes
annuels
4.7 Les situations de discontinuité
4.8 Examen des schémas complet et abrégé des comptes annuels et examen de quelques notions
de gestion des entreprises dégagées à partir des comptes annuels.

4.1. Importance de la matière

4.1.1. La comptabilité est :

- Un outil informatif pour les dirigeants de la société et pour les tiers. Elle
permet de déterminer l'inventaire des avoirs de l'entreprise et ses
engagements vis-à-vis des tiers. Elle permet également de dire si la société
est rentable ou non et de mesurer cette rentabilité ou le niveau de ses pertes.
- Un outil de gestion. La comptabilité n'est pas une contrainte administrative,
mais au contraire un outil d'une très grande souplesse. Lorsqu'elle est
intelligemment organisée, la comptabilité doit fournir aux responsables de
l'entreprise toutes informations qui lui permettront de déterminer le prix de
revient des biens produits et services prestés par l'entreprise. Elles leur
donneront les informations permettant de déterminer le seuil de rentabilité
d'une activité. Le cas échéant, elle conduira les responsables à abandonner
une activité non rentable. Une comptabilité bien analysée permet d'anticiper
des crises ou des difficultés et le cas échéant de prendre à temps les mesures
de redressement nécessaires.
- La comptabilité est également l'information qui déterminera le montant de
l'impôt dû. Sous réserve des règles propres aux sociétés, les revenus soumis
à l'impôt des sociétés sont, quant à leur nature, les mêmes que ceux qui sont
envisagés en matière d'impôt des personnes physiques ; leur montant est
déterminé d'après les règles applicables en bénéfices (art. 183 C.I.R. 92). Le
résultat comptable sera donc l'un des éléments déterminants du montant de
la dette d'impôt éventuelle. Une comptabilité irrégulière pourra être rejetée
par l'administration. La taxation prend en effet pour base des bénéfices
déclarés, "sauf si l'administration les reconnaît inexacts" (art. 339 C.I.R. 92).
77

4.1.2. La tenue d'une comptabilité régulière est une obligation légale dont le non-respect
peut conduire à des sanctions civiles et pénales aux conséquences extrêmement
lourdes.

Il est renvoyé à cet égard au § 3.3.11 ci-avant.

La comptabilité est en effet une source d'informations destinées aux tiers. Ceux-ci
peuvent être amenés à déterminer leur comportement sur la foi accordée aux
comptes annuels et leurs annexes publiées. Des inexactitudes importantes dans la
tenue des comptes peuvent donc induire les tiers en erreur. Les administrateurs
peuvent être tenus pour responsables si un dommage en est résulté pour les tiers.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2017, les tribunaux de l’entreprise, le


parquet ou tout tiers intéressé peuvent demander la dissolution d’une société sept
mois après la clôture de son exercice social, à défaut de dépôt de ses comptes annuels
– l’objectif de cette loi étant de faire disparaitre toutes les sociétés dormantes…

4.2. Sources de la matière

4.2.1. Les articles III.82 à III.94 du Code de droit économique (CDE) établissent les
principes fondamentaux de la comptabilité des entreprises. Voici quelques-uns de
ces principes de base :

- Toute entreprise doit tenir une comptabilité appropriée à la nature et à


l'étendue de ses activités (art. III.82 CDE).
- La comptabilité doit couvrir l'intégralité des opérations de l'entreprise, en ce
compris les "engagements de toute nature" (art. III.83 CDE).
- La comptabilité s'articule sur un système de livres (ou de journaux) et de
comptes tenus en partie double (art. III.84 CDE).
- Toute écriture s'appuie sur une pièce justificative et porte un indice de
référence par rapport à celle-ci (art. III.86 CDE).
- L'enregistrement des opérations doit se faire de manière continue et de
manière à garantir l'irréversibilité des écritures 46(art. III.87 CDE).
- L'entreprise établit une fois l'an un inventaire et met sa comptabilité en
concordance avec les données de celui-ci (art. III.89 CDE).
4.2.2. L’arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des
associations.

- Le livre Ier de l'arrêté royal détermine les formalités qui sont applicables
pour l'exécution des dispositions du Code des sociétés et des associations
prescrivant le dépôt de documents au greffe du Tribunal de l’entreprise en
vue, le cas échéant, de leur publication aux annexes du Moniteur belge.

- Le Livre III de l’AR du 29 avril 2019 concerne :

46
Lorsque la comptabilité est tenue sur un support informatique (cas le plus fréquent), l'irréversibilité implique que dès
qu'une opération comptable a été enregistrée ("sauvée"), elle ne peut plus être effacée. Si l'écriture est erronée, elle devra
être corrigée par une écriture subséquente. L'écriture de correction s'inscrit d'ordinaire dans un "journal" (sur le sens de ce
mot voy. ci-après § 4.4.1) "d'opérations diverses" (sur le sens de cette expression, voy. ci-après) qui regroupe notamment,
ces écritures correctrices. Le fisc a donc accès à ces écritures correctrices et peut exercer son contrôle sur la légitimité de
ces "repentirs". Lorsque la comptabilité est tenue manuellement, en cas de correction, l'écriture primitive doit rester
visible (art. III.88 CDE).
78

o Les comptes annuels;


o Les comptes consolidés ;
o Les règles de publicité des comptes annuels et des comptes consolidés).

Ce livre III est structuré comme suit :


o un premier titre contenant les dispositions communes aux sociétés dotées de
la personnalité juridique et aux ASBL, AISBL
o et fondations qui tiennent une comptabilité en partie double;
o un deuxième titre contenant les dispositions particulières qui s’appliquent
exclusivement aux sociétés;
o un troisième titre contenant les dispositions particulières qui s’appliquent
exclusivement aux ASBL, AISBL et fondations qui tiennent une
comptabilité en partie double;
o un quatrième titre contenant les dispositions qui s’appliquent aux ASBL,
AISBL et fondations qui tiennent une comptabilité simplifiée.
Sont ensuite repris en annexe les schémas du bilan et du compte de résultats pour
l’établissement des comptes annuels.

- L'arrêté royal du 29 avril 2019 définit les règles d'évaluation :


o L'annexe du bilan doit indiquer les règles d'évaluation fixées par l’organe
d’administration et ces règles ne peuvent être modifiées d'un exercice à
l'autre sauf modification importantes des activités (Les règles
d'évaluation doivent être appliquées de la même manière à tous les biens
de même nature, sauf cas exceptionnel où l'application de la règle ne
donnerait pas une image fidèle de la réalité, ce dont l’organe
d’administration justifiera dans l'annexe (art.3:7 CSA).
o Le principe d'évaluation est celui de la valeur d'acquisition. L'AR définit
ce que comprend la valeur d'acquisition (art.3:13 à 3:22 CSA ).
o Certains avoirs doivent faire l'objet d'amortissements ou de réductions de
valeur (art. 3:23 à 3:27 CSA). Dans certaines situations, il y a lieu d'acter
au passif des provisions pour risques et charges (art. 3:28 à 3:33 CSA).
La loi n'autorise d'acter au bilan des plus-values de réévaluation que dans
des circonstances strictes, à justifier dans l'annexe des comptes annuels
dans lesquels la réévaluation est actée pour la première fois (art.3:34 et
3:35 CSA ).
o La manière de comptabiliser les immobilisations incorporelles,
corporelles, financières, les créances à plus d'un an et à un an au plus, les
stocks, les commandes en cours d'exécution, les placements de
trésorerie, les impôts différés, etc. fait l'objet de règles particulières
fixées aux articles 3:36 à 3:57 CSA.

- Toutes les données comptables doivent être présentées selon une structure
déterminée par l'arrêté royal du 29 avril 2019 :
o Soit selon le "schéma complet" pour les grandes sociétés
o Soit selon le "schéma abrégé" pour les petites sociétés" (l’article 1:24
CSA définit ce qu'il faut entendre par petite société).
Schéma complet : art.3:80 à 3:82 CSA.
Schéma abrégé : art. 3:83 à 3:85 CSA.
Le contenu des rubriques du bilan est défini aux articles 3:89 à.3:90 CSA..

Annexes : 4.1 (Schéma complet) et 4.2. (Schéma abrégé)

Les principes sommairement résumés ci-avant seront développés lors du


cours oral.
100

- Des règles spécifiques sont applicables aux sociétés tenues de consolider


dans leurs comptes les résultats de leurs filiales. La société consolidante
(société mère) est tenue de consolider dans ses comptes les filiales qu'elle
contrôle en droit ou en fait, c'est-à-dire les sociétés dans lesquelles elle
dispose d'un contrôle de droit ou de fait (notion de contrôle d'une société :
art.1:14 CSA).

Les règles spécifiques aux comptes consolidés ne sont pas enseignées dans
le cadre de ce cours (art. 3:96 à 3:157 CSA).

4.2.3. L'arrêté royal du 12 septembre 1983 déterminant la teneur et la présentation d'un


plan comptable minimum normalisé (P.C.M.N.).

Voir l'annexe 4.3.

4.2.4. L'arrêté royal du 18 décembre 2015 (Moniteur belge du 30 décembre 2015) définit
les règles comptables applicables aux microsociétés.

4.2.5. Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet


2002 sur l'application des normes comptables internationales, complété par le
Règlement (CE) n° 1126/2008 de la Commission du 3 novembre 2008 portant
adoption de certaines normes comptables internationales conformément au
règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil47.

Les dispositions comptables belges sont donc actuellement en grande partie


déterminées par des directives européennes48. En 2014, une importante évolution a
été opérée par les sociétés dont les comptes annuels sont soumis au contrôle d'un
commissaire réviseur en vertu de l'article 1:23 CSA. Ces sociétés sont tenues
d'appliquer les normes comptables internationales (IAS, International Accounting
Standards) et les normes internationales d'informations financières (IFRS,
International Financial Reporting Standards)49.

Ces normes comptables ont été élaborées par une institution internationale issue
d'organismes professionnels (IASB, International Accounting standards Board).
Elles doivent être soumises à une procédure d'approbation avant d'être mise en
vigueur dans l'Union européenne.

Les normes comptables IAS s'appliquent aux "grandes sociétés" à partir des comptes
annuels clôturés au 31 décembre 2014. Les normes de révision des comptes annuels
par les commissaires réviseurs seront profondément modifiées.

4.2.6. Les avis de la Commission des Normes Comptables (C.N.C.).

47
A compléter par la Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux
états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes
d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives
78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil
48
Avec comme conséquence que c'est la C.J.U.E. qui détermine l'interprétation uniforme de ces règles, le cas échéant
sur question préjudicielle posée par une juridiction nationale. Pour un cas d'application de cette interprétation uniforme
: C.J.U.E. 3 octobre 2013, GIMLE, C-322/12, qui portait sur une question d'interprétation de la quatrième directive
comptes annuels 78/660/CEE du 25 juillet 1978. L'arrêt précité de la C.J.U.E. contredisait l'avis 126/17 de la C.N.C. de
novembre 2001 ("détermination de la valeur d'acquisition d'actifs obtenus à titre gratuit ou quasi-gratuit"), avis retiré
par la C.N.C. depuis lors. La C.J.U.E. a confirmé sa jurisprudence de l'arrêt GIMLE du 3 octobre 2013 dans une
ordonnance du 6 mars 2014 (Bloomsbury, C- 510/12).
49
Pour un exemple d'introduction des normes IFRS dans notre droit comptable : article 114 AR/C. Soc.
101

La C.N.C. est compétente pour donner des avis sur l'interprétation du droit
comptable. Ses avis n'ont pas force de loi, mais leur autorité est incontestable, ce qui
ne prive pas la doctrine de la possibilité de les critiquer50.

4.2.7. Influence du droit fiscal sur l'application du droit comptable.

La loi fiscale comporte des règles qui interfèrent parfois avec le droit comptable.

Citons deux exemples :

- Les amortissements sont fiscalement déductibles au titre de charges "dans la


mesure où ils correspondent à une dépréciation réellement survenue pendant
la période imposable" (art. 61, al. 1er CIR/92). Sur la base de cette disposition
légale, l'administration s'autorise à contester des plans d'amortissement (sur
cette notion, voy. infra) fixés par l’organe d’administration, lorsqu'elle
estime que le rythme d'amortissement excède la dépréciation économique
réelle.

- La loi comptable impose d'acter dans les comptes une réduction de valeur
sur les créances (sur la notion de réduction de valeur, voy. infra) si leur
remboursement est en tout ou partie compromis (art. 3:44, al.2 et 3:46 AR
CSA). La loi fiscale n'admet les réductions de valeur au titre de frais
professionnel au même titre que les amortissements que si la perte est
définitive. En cas de faillite du débiteur, la perte ne sera admise au titre de
réduction de valeur qu'à la clôture de la faillite, ou au mieux à l'époque où le
curateur pourra délivrer une attestation d'irrécouvrabilité. La société
confrontée à la faillite d'un client pourra tenter de faire admettre une
provision exonérée sur la base de l'article 48 C.I.R./92. L'administration
n'acceptera l'exonération de la réserve que si la réduction de valeur est
justifiée par "des circonstances particulières survenues au cours de la période
imposable et subsistant à l'expiration de celle-ci (art. 22, § 1er, 2° de
l'AR/CIR).

4.3. Champ d'application du droit comptable

4.3.1. Les personnes physiques, les SNC et SCS dont le chiffre d'affaire annuel hors
TVA n'excède pas 500.000 € ne doivent pas tenir de comptabilité conforme aux
dispositions de l’AR CSA (très petites entreprises, art. 1 de l'AR du 12 septembre
1983 déterminant la teneur et la présentation d'un plan comptable minimum
normalisé).

4.3.2. Des règles comptables particulières existent pour (art.3:2, al.3 CSA)::
- Les compagnies d'assurance et de réassurance ;
- Les établissements de crédit visés par la loi du 25 avril 2014 (citée comme :
loi bancaire) ;
- Les sociétés à portefeuille;
- Les entreprises d'investissement (visées dans la loi du 6 avril 1995 relative
au statut et au contrôle des entreprises d'investissement).

50
Pour un exemple de critique : Ch. Cheruy et M. Dhaene, "Fiscale implicaties van de adviezen 126/17 en 126/18 van de
Commissie voor Boekhoudkundige Normen", T.F.R. 2002, p. 169 et s.. Notons qu'il existe un comité d'interprétation des
normes internationales d'information financière (IFRIC, International Financing Reporting Interpretation Committee).
102

4.4. Les deux concepts de base de la comptabilité (article III.84, al 1er du Code de Droit
Economique)

4.4.1. Les journaux

- Historiquement la comptabilité était tenue manuellement dans les "livres"


préalablement cotés et visés par l'administration fiscale. Dans chaque "livre"
étaient consignées dans une succession chronologique toutes les opérations
de même nature :
o Les achats ;
o Les ventes ;
o Les opérations de banque et de caisse ;
o Les opérations diverses.

- A l'heure actuelle, quasi toutes les comptabilités des sociétés sont tenues sur
un support informatique. Un logiciel comptable est donc conçu pour
enregistrer les opérations réparties dans différents "journaux" selon une
succession chronologique de toutes les opérations de même nature.

- Toute comptabilité informatique comporte au minimum les journaux


suivants :
o Journal des achats ;
o Journal des notes de crédits sur achats ;
o Journal des ventes ;
o Journal des notes de crédit sur vente ;
o Journal des opérations financières ;
o Journal des opérations diverses ;
o Journal de centralisation.

- Une société peut ouvrir autant de journaux qu'elle l'estime utile pour les
besoins de ses affaires.
Ainsi elle pourra (ou devra) :
o Créer plusieurs journaux des ventes et plusieurs journaux d'achats, ce qui
permettra le cas échéant de créer une comptabilité analytique par unité
d'exploitation ou par département de l'entreprise.
o Créer plusieurs journaux financiers, si la société est titulaire de plusieurs
comptes en banque.
o Créer plusieurs journaux d'opérations diverses selon la nature des
opérations qui y sont enregistrées ("journal des OD pour l'enregistrement
des charges salariales", "journal des OD pour les amortissements",
"journal des OD pour les corrections d'erreurs ou reclassements", etc.).
o L'essentiel est qu'il y ait un journal centralisateur qui assure le caractère
complet de la comptabilité conformément à l'article III.84, al. 4 CDE).

4.4.2. Les comptes

- Les opérations consignées chronologiquement dans les journaux renvoient à


des comptes qui permettent un classement logique de ces opérations selon
une structure nommée "schéma comptable".
- Le schéma comptable est fixé par la loi (AR CSA : art.3:80 et 3:81 pour les
grandes entreprises et art. 3:83 et 3:84 pour les petites entreprises ).
- Le schéma comptable (qui ne définit que les rubriques qui figureront au
103

bilan) est mis en œuvre par l'AR du 12 septembre 1983, déterminant le plan
comptable minimum normalisé (PCMN).
- Le PCMN suit la structure logique du schéma comptable de l’AR CSA. en
donnant un numéro aux différentes rubriques du schéma comptable.
- Le PCMN développe le schéma l’AR CSA en subdivisant les rubriques du
schéma comptable par des sous-rubriques. Ces sous-rubriques se voient
attribuer des numéros qui constitueront la matrice des comptes utilisés par
chaque société.

Annexe 4.3. : Plan comptable minimum normalisé

- Il est impératif de mémoriser au minimum la signification du premier chiffre


de chaque n° de compte, puisque ce chiffre indique à quoi se rapporte
l'opération :

1 = Fonds propres, provisions pour risques et charges et dettes à


plus d'un an
2 = Frais d'établissement, actifs immobilisés et créances à plus
d'un an
3 = Stocks et commandes en cours d'exécution
4 = Créances et dettes à un an au plus
5 = Placements de trésorerie et valeurs disponibles
6 = Charges
7 = Produits.

Les engagements hors bilan, qui figureront aux annexes du bilan sont
regroupés sous des n° de comptes qui commencent par 0.

- Le PCMN détermine la matrice des n° des comptes comptables, c'est-à-dire


4 ou 5 chiffres. Au départ de cette matrice qui a valeur légale, les entreprises
disposent d'une totale liberté pour adopter des numéros de comptes qui
répondent à leurs besoins de gestion.

Ainsi par exemple, la matrice 7002 concerne l'enregistrement des "ventes à


l'exportation" hors pays membres de la CEE.

Une entreprise créera par exemple les sous-comptes :


o 700210 = Ventes Amérique du Nord
o 700220 = Ventes Amérique centrale et du Sud
o 700230 = Ventes Asie
o 700240 = Vente Afrique
o Etc.
Ce qui lui permettra très rapidement d'identifier les zones géographiques de
son activité.

Une autre entreprise adoptera pour les mêmes exportations hors CEE une
autre classification, par exemple :
o 700210 = Ventes directes à l'exportation
o 700220 = Ventes à l'exportation par agents locaux
o 700230 = ventes à l'exportation en association avec entreprises tierces.
Ici la subdivision comptable ne cherche pas à identifier les zones
géographiques de commercialisation, mais le mode de commercialisation.
104

On voit ainsi comment la comptabilité peut être un outil de gestion.

- Il n'y a aucune limite quant au nombre de subdivision et donc le nombre de


chiffres que peut comporter un compte. Il existe des comptabilités avec des
comptes à douze chiffres. La limite est évidemment imposée par la capacité
du service comptable de maîtriser un grand nombre de comptes. Une
multiplication des comptes augmente les risques d'erreurs d'imputation
comptables, qui peuvent conduire à des erreurs de gestion.

- Les comptes des classes 1 à 5 sont des comptes de bilan. Les soldes de ces
comptes à la clôture de l'exercice comptable sont reportés à l'ouverture de la
période comptable suivante. C'est ce qu'on appelle l'opération de
"réouverture".

- Les comptes des classes 6 et 7 sont des comptes de résultat. Ils déterminent
le résultat de l'activité : bénéfice ou perte. Les soldes de ces comptes ne sont
pas reportés d'une année à l'autre. La loi impose en effet de présenter un bilan
après affectation du résultat, c'est-à-dire le transfert au bilan du bénéfice
(compte 140) ou de la perte (compte 141- (

4.5. Les comptes annuels

Les comptes annuels se composent de trois éléments distincts : le bilan, le compte de résultat et
l'annexe. Les trois parties forment un tout.

4.5.1. Le bilan

- Le bilan doit être compris comme une "photographie" de la situation de la


société à une date déterminée. Il est établi un bilan à la date de clôture de
l'exercice. Cependant, rien n'interdit d'établir des situations intermédiaires,
qui se présentent exactement comme un bilan. Une société qui enregistre ses
opérations correctement et au jour le jour pourrait donc être à même de tirer
son bilan chaque jour.

- Le bilan comprend deux parties : l'actif et le passif.

- Le passif du bilan donne une image de l'origine des fonds dont dispose
l'entreprise :
o La mise des actionnaires (le capital) et les bénéfices laissés à la
disposition de la société, des réserves (légale, indisponibles et
disponibles);
o Les crédits bancaires (à long terme ou à court terme) ;
o Les crédits consentis à la société par les fournisseurs (les "comptes
fournisseurs") ;
o Les dettes dues aux organismes publics que sont l'ONSS et les receveurs
des impôts et de la TVA ;
o Les dettes dues au personnel ;
o Les avances consenties à la société pour des motifs divers, comme les
avances consenties par les actionnaires.
Il tombe sous le sens que certains tiers, créanciers de la société et qui
participent à ce titre au financement de la société, sont parfois créanciers à
leur corps défendant. C'est le cas lorsque la société paie ses fournisseurs en
retard, lorsqu'elle ne paie pas dans les délais légaux les cotisations ONSS, la
105

TVA due, le précompte professionnel retenu sur les rémunérations de son


personnel, etc.

- L'actif du bilan indique à quoi la société a affecté les moyens financiers mis
à sa disposition :
o L'acquisition de brevets, de licences ;
o Des immeubles, des machines, du matériel de bureau, des véhicules ;
o Des participations dans des entreprises liées ;
o Des stocks de marchandises ;
o Des crédits consentis à ses clients ;
o Des avoirs en banque ;
o Des avances consenties à des tiers.

- Toutes les valeurs portée à l'actif et au passif sont additionnées et constituent


le "total du bilan" (voir art.1:24 CSA).
Le total de l'actif est toujours égal au total du passif.
4.5.2. Le compte de résultat

- Le compte de résultat doit être compris comme le "film" de ce que la société


a réalisé pendant l'exercice écoulé.

- Le compte de résultat indique tout d'abord les produits comptabilisés par la


société pendant l'année écoulée :
o Les produits de son exploitation (vente de biens ou prestations de
services ;
o Les autres produits d'exploitation ;
o Les revenus financiers ;
o Les produits exceptionnels.

- Le compte de résultat indique ensuite les charges qui ont grevé cette activité
:
o Les achats de marchandises ;
o Les biens et services divers livrés à la société pour permettre son activité
;
o Les frais de personnel ;
o Les amortissements et réductions de valeur ;
o Les autres charges d'exploitation ;
o Les charges financières ;
o Les charges exceptionnelles ;
o Les impôts sur le résultat.

- La somme des produits diminuée de la somme des charges déterminera le


résultat : bénéfice ou perte.

- Quel que soit le résultat, le transfert au bilan s'inscrit toujours au passif du


bilan :
o Un bénéfice vient augmenter le montant des fonds propres (c'est-à-dire
les moyens mis à la disposition de la société par les actionnaires) ;
o Une perte viendra diminuer le montant des fonds propres.

- Toutes les marchandises achetées en cours d'année ne sont pas


nécessairement vendues à la fin de l'exercice. Or d'une part, tous les achats
de l'exercice sont considérés comme une charge de cet exercice et d'autre
part, les marchandises achetées et non revendues figurent à la fin de
l'exercice à l'actif du bilan sous la rubrique des stocks ou des encours de
106

fabrication.

Pour corriger la charge de l'exercice et la mettre en relation exacte avec les


ventes du même exercice, l'inventaire du stock en fin d'exercice donnera lieu
à une écriture de correction du compte de résultat par la prise en compte de
la variation des stocks (compte 609 du PCMN).
o Si la société a acheté plus qu'elle n'a vendu, son stock a augmenté,
l'augmentation des stocks (variation positive des stocks) se traduit par
une diminution des charges de l'exercice ;
o Si la société a acheté moins de marchandises qu'elle n'en a vendues, elle
a puisé dans ses stocks des exercices précédents, il y a donc diminution
des stocks. Cette variation des stocks (variation négative des stocks) se
traduit par une augmentation des charges imputables à l'exercice.

- Si le compte de résultat devait prendre en charge immédiate, l'année de


l'acquisition, le coût intégral de biens durables destinés à servir à
l'exploitation de l'entreprise pendant plusieurs exercices, le résultat
d'exploitation de l'année de l'acquisition serait injustement pénalisé, tandis
que le résultat d'exploitation des années subséquentes serait indument
amélioré.

L'acquisition d'un bien d'investissement n'est donc pas enregistrée dans un


compte de charges (classe 6) mais bien dans un compte d'actifs immobilisés
(classe 2).

La loi comptable impose dès lors de répartir la charge de cet investissement


sur un nombre d'années qui correspond à la durée présumée d'utilisation
économique de cet investissement.

L'ensemble des biens d'investissement amortissables sont ainsi repris année


d'acquisition par année d'acquisition et selon les rubriques du bilan dans un
"tableau d'amortissement" qui permet de suivre le coût de l'investissement,
les amortissements actés au cours de l'exercice, les amortissements cumulés
des exercices antérieurs, le montant total des amortissements et enfin, la
valeur résiduelle. Seule la valeur résiduelle, rubrique par rubrique, apparaît
au bilan (comptes 22 à 27).

Les données sont reprises sous une forme synthétique aux annexes du bilan
(annexes C.5.1., C.5.2.1., C.5.2.2., C. 5.2.3., C. 5.2.4., C. 5.3.1.,
C. 5.3.2., C. 5.3.3., C.5.3.4., C.5.3.5., C. 5.3.6., pour le schéma complet).
L'information est encore plus limitée pour les petites sociétés qui peuvent
tenir une comptabilité selon le schéma abrégé.

4.5.3. L'annexe

L'annexe est un ensemble de feuillets numérotés qui reprennent diverses


rubriques du bilan et du compte de résultats, afin de les ventiler en détail et d'en
expliciter le contenu.

En outre, la loi impose une annexe complémentaire pour toutes les sociétés qui
emploient du personnel : le bilan social.

Toutes les rubriques du bilan et des comptes annuels ne sont pas commentées
dans l'annexe. L’organe d’administration de la société apprécie, sous sa
responsabilité, la nécessité de compléter les informations financières minimales
107

que constituent
108

le bilan et le compte de résultats par des explications plus détaillées dans


l'annexe. On observe ainsi une disparité parfois singulière dans la qualité de
l'information fournie par les sociétés : certaines se bornent à une information
minimale, d'autres entreprises s'efforcent à plus de transparence.

Voici un bref commentaire des pages de l'annexe les plus usuelles (l'exemple
analysé est celui de la société Houyoux, annexe 5.1.2. des notes de cours) :

- En première page des comptes annuels, l'entreprise mentionne les pages


de l'annexe qu'elle ne dépose pas parce que "sans objet" ;
- Les pages de l'annexe numérotées 5.1 à 5.3 renseignent les actifs
immobilisés en donnant les valeurs d'acquisition des biens immobilisés,
les amortissements actés, les acquisitions et cessions et en fin de feuillet,
la valeur comptable nette au terme de l'exercice ;
- Les pages de l'annexe numérotées 5.4 à 5.6 donnent des informations sur
les participations détenues dans des entreprises liées, entreprises avec
lesquelles il existe un lien de participations ainsi que les placements de
trésorerie de l'entreprise ;
- La page 5.7 donne des informations sur la structure du capital. Au bas de
la page une société anonyme est censée informer les tiers sur la
composition de son actionnariat, lorsqu'un actionnaire détient au moins
25 % du capital (art.7:83 CSA) ;
- Les pages 5.8 et 5.9 donnent les indications qui peuvent être précieuses
sur le passif, notamment la nature des provisions pour risques et charges,
une ventilation des dettes échéant à plus d'un an ;
- Les pages 5.10 donnent des indications sur les comptes de résultats :
produits et charges ;
- Les pages 5.11 à 5.17 donnent des renseignements sur les sûretés
constituées au profit de tiers sur des actifs de la société, des engagements
hors bilan, des engagements en faveur de sociétés liées ;
- L'annexe 6 est le bilan social qui permet notamment de mesurer si la
société a ou non franchi le seuil de l'article 15 C. Soc qui détermine les
petites sociétés.

Lorsque l'entreprise remplit loyalement son obligation d'information en


complétant toutes les annexes pertinentes, les tiers peuvent y trouver une foule
d'informations utiles.
109

4.6. La comptabilité en partie double

4.6.1. Notion

- La loi impose de tenir la comptabilité "en partie double" (art. III.84, al. 1 er
CDE).

- Pour présenter les choses simplement, commençons par exposer que


l'enregistrement de toute opération comptable implique que deux comptes
soient mouvementés simultanément du même montant : un compte sera
débité, un autre compte sera crédité51.

- Pourquoi toute opération comptable implique-t-elle nécessairement deux


mouvements ? Parce que :
o Lorsqu'une entreprise émet une facture client, elle crée un produit dans
son compte de résultat (crédit) et elle enregistre dans son bilan une
créance à charge d'un client (débit) ;
o Inversement, lorsqu'elle enregistre la facture d'un fournisseur, elle
enregistre une charge dans son compte de résultat (débit) et elle
enregistre dans son bilan une dette au profit d'un fournisseur (crédit).

- On voit ainsi la corrélation qui s'établit entre les comptes du compte de


résultat d'une part et les comptes de bilan d'autre part. Mais toute opération
comptable n'implique pas nécessairement un compte de bilan et un compte
du compte de pertes et profit.

Ainsi l'enregistrement d'un paiement ne concernera que deux comptes de


bilan. Pour ce qui concerne un paiement reçu d'un client : compte classe 5
(débit) et compte clients 400 (crédit). Pour ce qui concerne un paiement
effectué au profit d'un fournisseur : compte classe 5 (crédit) et compte
fournisseurs 440 (débit)52.

- On déduit de ce qui précède que lorsque l'enregistrement d'une opération


comptable implique un compte du compte de résultat, cela a une influence
sur le bénéfice ou la perte de l'entreprise.

En revanche, une opération comptable qui n'implique que deux comptes de


bilan est neutre du point de vue du résultat.

4.6.2. Débit ou crédit ?

Pont-aux-ânes des non-praticiens de la comptabilité, cette question n'est pas aussi


compliquée qu'il y paraît.

- Commençons par une notion simple et facile à retenir :


o L'enregistrement d'une charge (compte de la classe 6) est toujours un
débit (charge = classe 6 = débit)
o L'enregistrement d'un produit (compte de la classe 7) est toujours un
crédit. (produit = classe 7 = crédit).

51
En réalité, l'enregistrement d'une opération comptable peut impliquer plusieurs comptes. Ainsi, par exemple,
l'enregistrement d'une facture client implique au minimum un compte de produits (crédit du compte 700), un compte
clients (débit du compte 400) et un compte de TVA à payer (débit du compte 451).
52
Exemple volontairement simplifié, notamment parce qu'on ne tient pas compte de l'enregistrement de la TVA.
110

- Sachant que toute opération comptable implique un mouvement symétrique


d'un autre compte, il convient d'identifier cet autre compte lorsqu'on
enregistre une charge ou un produit53.

Sans entrer dans les détails, il suffit à ce stade de retenir les deux principes
suivants :
o L'enregistrement d'une charge (classe 6) a en principe54 comme
contrepartie une dette à l'égard d'un fournisseur. Si l'enregistrement de la
charge est un débit, logiquement l'enregistrement de la dette à l'égard du
fournisseur sera un crédit. Comme une société peut avoir des milliers de
fournisseurs différents, pour ne pas alourdir la gestion comptable de ces
comptes, tous les comptes des fournisseurs sont centralisés dans un
compte qui apparaît au bilan sous le compte de centralisation
"fournisseurs"55 . A titre d'exemple, l'enregistrement d'une facture du
fournisseur Electrabel se traduira par l'écriture suivante:

Débit : compte 61202 Crédit : Fournisseur Electrabel (que


"Electricité"56 le logiciel centralisera avec le crédit
du compte 440 "Fournisseurs")

- L'enregistrement d'un produit (classe 7) a en principe57 comme contrepartie


une créance à l'égard d'un client. Si l'enregistrement du produit est un crédit,
logiquement l'enregistrement de la créance vis-à-vis du client sera un débit.

Comme une société peut avoir des milliers de clients, pour le même motif
exposé ci-dessus en ce qui concerne les fournisseurs, tous les comptes des
clients sont centralisés dans un compte qui apparaîtra au bilan sous le compte
de centralisation "clients"58.

- Si l'on a assimilé que :


o La contrepartie d'une charge qui résulte de la facture d'un fournisseur =
crédit d'un compte fournisseur ;
o La contrepartie d'un produit qui résulte de la facture adressée à un client
= débit d'un compte client,

on pourra assez logiquement retrouver les écritures comptables liées au


paiement d'une facture fournisseur ou l'encaissement d'une facture client:
o Lorsqu'on a enregistré la facture du fournisseur Electrabel on a crédité le
compte de ce fournisseur. Lorsqu'on paie Electrabel on débite son
compte. La contrepartie est un crédit du compte bancaire, soit l'écriture

53
Par hypothèse – pour simplifier l'exposé – nous supposons que l'entreprise est un assujetti TVA avec droit à la
déduction intégrale de la TVA. La TVA à recevoir des clients n'est pas un produit puisqu'elle est à reverser au Trésor. La
TVA à payer aux fournisseurs n'est pas une charge puisqu'elle est déductible de ce qui est à payer.
54
En principe seulement. Nous verrons plus loin quelques exemples, parmi les multiples cas, où une charge n'a pas
comme contrepartie une facture reçue d'un fournisseur.
55
En réalité, des subdivisions du compte fournisseurs sont possibles. Voyez à l'annexe 4.3. les sous-rubriques du compte
44 "dettes commerciales".
56
Pour rappel, nous laissons dans le cadre de cet exposé l'aspect TVA en dehors de l'exposé.
57
En principe seulement. Nous verrons plus loin quelques exemples, parmi les multiples cas, où un produit n'a pas
comme contrepartie une facture adressée à un client.
58
Comme pour les fournisseurs, le PCMN indique que des subdivisions sont possibles. Voyez à l'annexe 4.3. les sous-
rubriques du compte 40 "créances commerciales".
111

Débit : fournisseurs Electrabel Crédit : compte 550 100


(que le logiciel centralisera Banque ING
avec un débit du compte 440
"Fournisseurs")

o Lorsqu'on a enregistré la facture envoyée au client Tartempion, on a


débité le compte de ce client. Lorsqu'on encaisse le paiement de
Tartempion, on crédite son compte. La contrepartie est un débit du
compte bancaire, soit l'écriture

Débit : compte 550100 Crédit : client Tartempion


Banque ING (que le logiciel centralisera avec un
débit du compte 400 "Clients")

- Règle simple à mémoriser (même si elle paraît moins évidente à première


vue que celle exposée au début de ce paragraphe) : un débit d'un compte
bancaire représente un encaissement (le solde du compte augmente).
Inversement, un crédit d'un compte bancaire représente un décaissement (le
solde du compte diminue).

- Toute charge ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement d'une facture


d'un fournisseur. Parmi les très nombreux cas, citons trois exemples :

o L'écriture d'enregistrement des salaires du personnel sera:

Débit : Crédit :
- compte 6202 - compte 4552 appointements
Employés nets à payer
compte 6211 cotisations - compte 4530 précompte
patronales ONSS professionnel retenu sur
rémunérations compte
454 ONSS à payer59

o L'écriture d'amortissement d'une machine sera:

Débit : Crédit :
- compte 6302 dotation - compte 2391 Amortissements
aux amortissements sur actés sur machines
immobilisations
corporelles

o L'écriture d'une réduction de valeur sur une créance commerciale suite


à une contestation du client sera:

59
On présente une écriture volontairement simplifiée.
112

Débit : Crédit :
- compte 6340 dotation - compte 409 réductions de
aux réductions de valeur actées sur créances
valeur sur créances commerciales
commerciales à un an
au plus

- Tout produit ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement d'une facture


adressée à un client. Parmi les très nombreux cas, citons trois exemples :

o L'encaissement d'intérêts bancaires suite à un placement de trésorerie


donnera lieu à l'écriture suivante :

Débit : Crédit :
- compte 550100 - compte 751: Produits des
Banque ING actifs circulants

o l'encaissement d'un loyer s'écrira comme suit :

Débit : Crédit :
- compte 550100 - compte 748
Banque ING locations diverses à caractère
professionnel

o La société a été assignée en responsabilité et a provisionné au cours d'un


exercice comptable précédent le risque qu'elle estimait encourir. Le
procès est terminé et gagné par la société. La provision constituée
antérieurement ne peut être maintenue et doit être annulée. L'écriture
sera:

Débit : Crédit :
- compte 1690 : - compte 762 :
provision pour litiges reprises de provisions pour
en cours risques et charges
exceptionnels

- Toute facture à un client n'implique pas nécessairement un produit. Ce sera


le cas lorsque la société vend un actif immobilisé (une machine par exemple).
Si la vente se réalise à la valeur d'inventaire de la machine (c'est- à-dire la
valeur d'acquisition diminuée des amortissements actés), l'opération ne
dégagera ni bénéfice ni perte60.

60
Sous réserve toutefois du risque de révision de la TVA, si l'actif immobilisé a été acquis sous le régime TVA et que la
TVA a été déduite. La TVA déduite sur les biens d'investissement est sujette à révision pendant une durée de cinq ans. Ce
délai est porté à quinze ans pour les immeubles (art. 48 § 2 C. TVA). La vente d'un bien d'investissement à valeur
d'inventaire peut donc dégager une charge pour l'entreprise, si l'opération se réalise pendant le délai de révision.
113

4.6.3. La balance des comptes généraux

Les comptes annuels (schéma complet ou schéma abrégé) ne fournissent qu'une


synthèse très abrégée de ce que représentent les avoirs et les dettes de la société à
la date de clôture et de ce que furent ses produits et charges pendant l'exercice
écoulé.

L'information complète et beaucoup plus éclairante résultera de la balance des


comptes généraux. Elle donne, pour chaque compte du plan comptable de
l'entreprise (c'est-à-dire beaucoup plus de comptes que le schéma comptable des
comptes publiés), le solde du compte à la date de clôture des comptes annuels.

La balance des comptes généraux peut donc, pour une entreprise qui a adopté un
plan comptable avec un grand nombre de subdivisions comptables, comporter des
dizaines de pages (à comparer aux cinq pages du schéma des comptes annuels, sans
les annexes).

Ce document n'est pas public. Il constitue en réalité une information confidentielle


de chaque entreprise.

La balance des comptes généraux doit être communiquée au fisc lors du dépôt de la
déclaration fiscale à l'impôt des sociétés, accompagnée de divers autres documents.

Nous verrons au cours du sixième cours que la balance des comptes généraux de la
société-cible fait partie des renseignements demandés par le candidat acquéreur de
la société. Nous verrons à quel stade des négociations ce document est communiqué
au candidat acquéreur.

4.6.4 L'édition du grand livre et des journaux

A la clôture de son exercice, toute société est tenue d'éditer le "grand livre". Ce
document contient, pour chaque compte, la succession chronologique de toutes les
opérations enregistrées.

Il constitue la relation complète de toutes les écritures comptables de l'année écoulé,


selon la succession de tous les comptes depuis la classe 1 jusqu'à la classe 7.

La société doit également éditer les journaux qui constituent la relation complète
des écritures comptables, non plus selon une classification des comptes, mais par
"journal".

L'édition du grand livre et des journaux peut donc représenter plusieurs milliers de
pages.

Ces documents qui – comme tous les documents de la société – doivent être
conservés par la société pendant un délai de dix ans, constituent, avec les facturiers
d'entrées et de sorties et les justifications des OD, l'outil de base de tout contrôle
fiscal de la société.
114

4.7 Discontinuité comptable

La loi comptable envisage les conséquences des situations de discontinuité.

Il y a une situation de discontinuité lorsque survient un changement dans le cours de


l'exploitation de l'entreprise.

La liquidation de la société, la faillite sont (parmi d'autres) des situations de discontinuité qui
auront d'importantes conséquences comptables.

La liquidation ou la faillite impliquera l'arrêt des activités. Par conséquent, des indemnités
seront dues aux co-contractants dont les contrats seront rompus. Ces indemnités devront être
provisionnées au passif du bilan. Inversement des éléments d'actifs seront dévalorisés par l'arrêt
des activités et leur mise en vente (machines et outillage, stocks, etc.). Ces moins-values d'actifs
devront faire l'objet de réductions de valeur à l'actif du bilan.

Lorsque le bilan fait apparaître une perte reportée ou le compte de résultats fait apparaître
pendant deux exercices successifs une perte de l'exercice, l’organe d’administration doit justifier
dans un rapport (quand l’organe d’administration est tenu d'établir un rapport) ou dans l'annexe
aux comptes annuels (pour les petites sociétés) de l'application des règles comptables de
continuité (art.3:4 et 3:6, 6° CSA)

4.8 Examen du schéma comptable complet et du schéma comptable abrégé

Nous développerons l'articulation des concepts qui précèdent en examinant les

Annexes 4.1. et 4.2.

Au cours de l'exposé oral nous montrerons ce que signifie les notions de :

- Fonds propres
- Ratio de solvabilité
- Ratio de liquidité
- Marge brute/marge semi-brute
- Cash flow.
115

LISTE DES ANNEXES AU QUATRIEME COURS

4.1 Comptes annuels schéma complet

4.2 Comptes annuels schéma abrégé

4.3 Plan comptable minimum normalisé

4.4 Notes sur la microsociété (loi du 18 décembre 2015, Moniteur belge du 30


décembre 2015)
110

LISTE DES ANNEXES AU QUATRIEME COURS (deuxième partie)

Il n'existe pas de notes pour cette partie cours : il s'agit de commentaires des comptes annuels
qui seront analysés lors de l'exposé.

Voici les comptes annuels :

5.1.1 Comptes annuels 2008 des Entreprises Danheux & Maroye

5.1.2. Comptes annuels 2008 des Entreprises Houyoux

5.1.3. Comptes annuels 2008 des Entreprises Raposo

5.2.1.A Comptes annuels 2008 de la FNAC Belgique

5.2.1.B Comptes annuels 2008 de la FNAC Belgique – dépôt rectificatif

5.2.2. Comptes annuels 2008 de la librairie Filigranes

5.2.3. Comptes annuels 2008 de la librairie Tropismes

5.3. Comptes annuels 2008 de la Sofina

5.4. Comptes annuels 2008 de la S.A. "Immo Progres"

Il est recommandé d'imprimer au moins les annexes 5.1.1. (Danheux & Maroye), 5.1.2.
(Houyoux), 5.2.2. (Filigranes) et 5.2.3. (Tropismes). Vous pourrez transcrire sur les pages
imprimées les commentaires donnés oralement.
111

Cinquième cours : les conventions de cession de parts ou d'actions61

6.1. Introduction

6.1.1. Nous nous limiterons dans le cadre de ce cours à la situation où le vendeur et


l'acquéreur potentiels sont en présence et souhaitent s'engager dans la voie d'une
négociation de convention.

Cette procédure où le vendeur et l'acquéreur potentiels sont en présence s'oppose à


la situation où le vendeur potentiel charge un tiers de rechercher et de sélectionner
plusieurs acquéreurs potentiels. Il y a également la situation où l'acquéreur potentiel
charge un intermédiaire de rechercher une ou plusieurs sociétés-cibles en vue de
tenter d'en faire l'acquisition. Ces deux situations mettent en œuvre des procédés de
négociation spécifiques qui ne seront pas exposés dans le cadre du cours CAPA.

6.1.2. Dans le schéma classique d'une cession d'actions ou de parts, les acteurs se
connaissent, les premiers contacts se sont noués entre l'acquéreur potentiel et le
vendeur. Dans notre hypothèse de travail, l'intervention de l'avocat est sollicitée au
moment où le candidat acquéreur souhaite accéder à des informations
confidentielles de la société-cible.

Les préoccupations des parties sont à ce stade de deux ordres :

- Le vendeur et l'acquéreur vont consacrer du temps – mettre parfois des


moyens importants en œuvre – pour collecter les informations et les
synthétiser dans des documents (tâche du vendeur) et pour les analyser (tâche
de l'acheteur). Les parties veulent éviter de perdre du temps. Il arrive que
l'une d'elles demande à l'autre de signer une "lettre d'intention" ou un
"memorandum of understanding".

- Par ailleurs, le candidat acquéreur souhaitera avoir accès à des informations


non publiques. Il faudra donc définir le processus d'accès à ces informations
confidentielles et surtout ce qu'elles deviendront si, au terme de la procédure
de négociation, les parties ne concluent pas de contrat de cession des actions
ou parts. Ceci conduit à la rédaction d'un engagement de confidentialité
(confidentiality agreement).

61
Pour approfondir le sujet : D. Leclercq, Les conventions de cession d’actions, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2017
Comme on le verra dans la suite du texte, les enseignements de ce sixième cours sont transposables mutatis mutandis aux
situations dans lesquelles un candidat investisseur souhaite participer à une augmentation de capital d'une société-cible ou
lorsque les actionnaires de deux sociétés existantes souhaitent engager des pourparlers de fusion, etc.et, dans l'ouvrage
plus général de B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile – chronique de
jurisprudence 1996-2007, T. I. le fait générateur et le lien causal, Bruxelles, Larcier 2009, les pages 885 à 909, avec la
bibliographie en pages 885 et 886.
112

6.2. La lettre d'intention

- La lettre d'intention ne doit pas être perçue comme un préalable nécessaire à toute
négociation de prise de contrôle d'une société.

- Il existe deux écoles en matière de lettre d'intention : celle qui préconise un engagement
juridiquement contraignant et celle qui voit dans la lettre d'intention un simple
engagement à négocier de bonne foi.

- Dans des négociations particulièrement complexes (l'analyse des risques latents d'une
société peut requérir des investigations parfois coûteuses), on ne pourra éviter une lettre
d'intention contenant des engagements contraignants, par exemple quant à la prise en
charge des coûts exposés, en cas de rupture des négociations par l'une des parties (break-
up fees).

- L'expérience enseigne que les lettres d'intention contenant des engagements


contraignants donnent elles-mêmes lieu à des négociations qui peuvent être des sources
de difficultés. Si la situation des parties et les enjeux le permettent, ces difficultés
peuvent être évitées et une lettre d'intention non contraignante pourra se borner à
contenir :
▪ Un engagement d'exclusivité (on ne négocie pas avec un autre candidat
acquéreur ou inversement un autre candidat vendeur) ;
▪ Un engagement de bonne foi : les parties se déclarent animées d'une réelle
volonté d'aboutir et ne se livrent pas à un jeu de recherche d'informations ;
▪ Un engagement de non débauchage du personnel de la société-cible ;
▪ Un calendrier prévisionnel ;
▪ La déclaration que les négociations n'engagent pas à conclure un contrat ;
▪ Les clauses générales habituelles ("boiler plates") concernant les modes de
notifications entre parties, le droit applicable et la désignation de la
juridiction ou de l'organisme d'arbitrage devant qui serait porté un éventuel
litige.

6.3. L'engagement de confidentialité

6.3.1. Pour se forger une opinion au sujet de la valeur de la société-cible, le candidat


acheteur devra peut-être entrer en possession d'informations non accessibles aux
tiers. Il conviendra de déterminer comment ces informations seront communiquées:
soit au candidat acquéreur lui-même, soit à des auditeurs tiers qui en feront l'analyse
et ne communiqueront dans un premier temps au candidat acquéreur que la synthèse de leurs
constatations et conclusions.

Toutes les informations confidentielles n'ont en effet pas le même degré de


sensibilité.

6.3.2. Les informations les plus sensibles seront constituées par :

- Les listes de clients ;


- Le prix de revient par produit, ou par service, ou par client;
- Les conditions contractuelles consenties aux clients en matière de prix, de
garanties, etc. ;
- Les conditions contractuelles en matière de durée, c'est-à-dire celles qui
113

fidélisent la clientèle (les contrats comportent-ils des clauses de durée ?


S'agit-il de contrats à courte durée renouvelables tacitement ? Les clients
sont-ils fidélisés par des clauses de longue durée ?);
- Mêmes questions concernant les fournisseurs : prix, durée des contrats
d'approvisionnement.
- Les aspects techniques : brevets, savoir-faire

Ces informations soit ne sont pas données au stade de l'audit précontractuel (elles
seront fournies au stade du "pre closing") soit elles sont données au stade de l'audit
précontractuel, mais en ce cas le vendeur peut vouloir donner une forme anonyme à
certaines communications, l'acquéreur n'ayant que des informations sous une forme
virtuelle.

Par ailleurs, lorsque le vendeur et l’acquéreur potentiels sont des concurrents, ils ne
peuvent se fournir des informations sensibles à caractère commercial, même si c’est
unbiquement dans le but d’effectuer une « due diligence » en vue d’une acquisition,
à peine d’enfreindre les règles du droit de la concurrence. Des procédures
particulières sont parfoirs convenues pour remédier à cette difficulté
(communication d’informations sensibles à un « clean team » restreint).

6.3.3. Des reprises de sociétés s'accompagnent parfois de mesures de rationalisation de


l'activité de la société-cible. L'acquéreur envisage des économies d'échelle et prévoit
peut-être de fermer un site d'exploitation ou de se séparer d'une partie du personnel.

Les informations confidentielles qui seront demandées dans ce contexte


concerneront par exemple la situation immobilière : conditions du bail conclu (coût
d'une résiliation anticipée éventuelle) ou les conditions salariales et d'ancienneté du
personnel (coût d'une éventuelle restructuration du personnel).

Ici encore les renseignements seront donnés soit sous une forme directe (par
exemple copie du bail), soit rendue anonyme (des grilles d'informations relatives au
personnel : âge, ancienneté, rémunération, avantages extra-légaux, mais sans
identification possible des personnes).

6.3.4. La convention de cession d'action sera donc parfois (pas toujours) précédée d'une
convention relative aux modalités d'accès à l'information.

L'acheteur établira la liste des renseignements préalables dont il a besoin (data room)
et le vendeur définira la forme dans laquelle il y sera répondu (production directe de
pièces ou production de renseignements soit sous une forme anonyme soit sous une
forme de synthèse de données rendues anonymes de manière à ne pas dévoiler
certaines informations confidentielles jusqu'à la signature de la convention).

6.3.5. L'engagement de confidentialité définira les conditions dans lesquelles ces premiers
renseignements seront livrés aux candidats acquéreurs.

L'engagement de confidentialité définit :

- Ce qui est confidentiel ;


- Qui y a accès ;
- Avec qui et à quelles conditions le candidat acquéreur peut partager ces
premiers informations confidentielles ;
- Ce que deviennent les informations confidentielles en cas d'échec des
négociations (restitutions de dossiers) ;
- Interdiction de conserver des copies des informations confidentielles ;
114

- Destruction des copies électroniques ;


- Sanctions en cas de non respect;
- Les "boiler plates" habituelles.

On le voit, un engagement de confidentialité est déjà en soi une convention qui peut
requérir un réel effort de créativité de la part des parties.

Il faut être conscient que l'efficacité de ces clauses de confidentialité est limitée: la
preuve de la transgression d'un engagement de confidentialité est extrêmement
difficile à rapporter.

6.4. Les "management representation letters"

L'actionnaire vendeur n'a pas toujours accès lui-même à toutes les informations demandées par
le candidat acheteur.

L'actionnaire vendeur devra en ce cas faire appel aux renseignements que lui procure la
direction de la société-cible. Or l'exactitude des renseignements que lui procure la direction de
l'entreprise-cible sera cruciale, lorsque ces renseignements seront ultérieurement confrontés à
la réalité de l'entreprise par l'acquéreur au cours du délai de garantie. En effet, toute inexactitude
d'une déclaration ou d'une garantie du vendeur peut avoir des conséquences financières graves.

L'actionnaire vendeur exigera de la direction de l'entreprise qu'elle lui garantisse l'exactitude


des renseignements fournis. Les garanties figureront dans des engagements de garantie du
caractère exact et complet des renseignements fournis à l'actionnaire. Ces engagements sont
juridiquement contraignants et peuvent être assortis de sanctions pécuniaires ou d'appel à
garantie, si l'actionnaire vendeur est ultérieurement inquiété par l'acquéreur en raison du
caractère inexact ou incomplet de certains renseignements fournis au stade précontractuel.

6.5. La "due diligence"62

6.5.1. Notion

- L'expression "due diligence" recouvre l'ensemble des opérations


d'investigation ("audit") que l'acheteur effectuera au stade de la phase
précontractuelle, pour se forger une opinion sur la valeur de la société-cible.

- Il n'existe bien évidemment aucune norme définissant le contenu de la due


diligence. Ce sont en effet les parties qui définiront le type et degré de
caractère détaillé des informations:
o que l'acheteur exige avant de s'engager dans un achat aux conséquences
contraignantes ;
o que le vendeur veut bien donner avant d'avoir en main une convention
de vente en bonne et due forme.

- L'objectif de la due diligence est de concilier ces tensions antagonistes pour

62
La plupart des ouvrages relatifs à la Due Diligence sont en langue anglaise et exposent les usages internationaux en
cette matière. En droit belge, signalons l'ouvrage en néerlandais de Y. Verleisdonck, E. Janssens et M. Wilkenhuysen,
Due Diligence, Bruxelles, Larcier, 2011, 180 p.
115

permettre aux parties de trouver le juste équilibre leur permettant de


conclure.

6.5.2. Typologie de la "due diligence"

- L'audit d'acquisition peut être effectué par le candidat acquéreur lui-même


s'il dispose des compétences requises pour l'effectuer lui-même, mais dans
la plupart des cas le candidat acquéreur se fera aider de conseillers qui
l'assisteront dans tout ou partie de ses investigations.

- L'audit comportera un examen comptable approfondi de la société-cible.

Etant donné que l'auditeur comptable aura accès à bon nombre


d'informations sensibles, cette tâche d'audit sera en principe confiée à un
cabinet d'audit comptable indépendant par rapport à l'acheteur. L'acheteur
voudra vraisemblablement porter son choix sur le cabinet d'audit avec lequel
il travaille lui-même habituellement. Le vendeur lui préfèrera un cabinet
tout-à-fait indépendant, de manière à préserver la confidentialité des
informations jusqu'à la clôture des négociations. Le choix de l'auditeur peut
donc se révéler un sujet de négociation en lui-même.

La question de savoir ce que devient le rapport de l'auditeur comptable


lorsqu'il est terminé est également un élément de négociation:
o Le rapport de l'auditeur sera-t-il communiqué au vendeur ou non
?
o Le rapport de l'auditeur donnera-t-il lieu à des commentaires
contradictoires ou non ?

- L'audit comptable s'accompagnera usuellement d'un audit fiscal et social :


o La société a-t-elle correctement rempli ses obligations fiscales et
sociales ?
o De quand date le dernier contrôle fiscal (impôts directs, TVA)
? Quels furent les résultats de ces contrôles ?

- Si la société est propriétaire de bâtiments industriels, un audit


environnemental sera probablement conduit par des experts en la matière de
manière à déterminer les risques de sol éventuels (dépollution des sols).

- L'audit juridique implique si nécessaire des équipes d'avocats chargés


d'examiner l'état des litiges, s'il y en a.

- L'audit juridique implique également l'analyse des contrats en cours de


manière à en mesurer les risques ou charges éventuels :
o Quel est l'environnement légal dans lequel s'exerce l'activité de
la société-cible (ce type d'investigation est effectué lorsque le
candidat acquéreur ne connaît pas cet environnement, parce qu'il
est originaire d'un pays tiers. On est parfois surpris de constater à
quel point les responsables de l'entreprise-cible ignorent eux-
mêmes cet environnement légal, avec les risques latents que cela
implique);
o Les contrats avec les fournisseurs peuvent-ils aisément être
rompus ?
• Par les fournisseurs : risque de rupture dans les
approvisionnements ou les conditions d'approvision-
nements et donc risque dans la continuité de la
116

profitabilité de l'entreprise;
• Par l'entreprise : quels seraient les coûts en cas de rupture
des contrats avec certains fournisseurs ?
o Les contrats avec les clients peuvent-ils aisément être rompus ?
• Par les clients : risque de perdre du chiffre d'affaire
• Par l'entreprise : est-il possible de se dégager aisément de
certains contrats peu rentables ?
o Quelles sont les garanties données en vertu des contrats; quelle
est la récurrence des appels à la garantie de la part des clients, ces
risques sont-ils assurés ?
o Un changement dans le management de la société ou dans son
actionnariat est-il susceptible de causer la rupture de certains
contrats (cfr. clauses contractuelles qui permettent parfois au
contractant de rompre le contrat en cas de changement dans le
management ou l'actionnariat de la société cible).

L'audit juridique concernera également un contrôle "corporate" de la


société cible :
o Examen des statuts, des modifications successives des statuts, des
statuts coordonnés.
o Examen des PV du conseil d'administration.
o Examen des PV des assemblées générales.

L'audit juridique portera le cas échéant sur la validité de la protection des


droits intellectuels détenus par la société-cible :
o Protection de l'enseigne, du logo (s'il y en a un).
o Protection de la marque (si la société en possède).
o Protection des procédés de fabrication (brevets éventuels).

- Enfin, l'audit commercial – le plus délicat dans la pratique – consistera à


déterminer comment la société–cible se positionne dans son environnement
économique et concurrentiel :
o Les relations avec les clients et les fournisseurs sont-elles
sereines ou orageuses ?
o Comment l'entreprise calcule-t-elle son prix de revient, son prix
de vente, sa marge, quelle est sa politique de remise ?
o L'entreprise fait-elle preuve de créativité dans ses produits, dans
ses services, dans sa recherche de nouveaux marchés, dans sa
recherche de sources d'approvisionnement les plus
concurrentielles ?
o Si l'activité de la société-cible requiert des investissements
importants, quel est l'état de ces investissements (obsolescence
éventuelles), faut-il prévoir des investissements de
renouvellement à court ou moyen terme ?

6.5.3. La "request list"

Les renseignements ci-dessus seront fournis aux différents auditeurs ou au candidat


acquéreur lui-même sur la base d'une ou plusieurs "request list", détaillant les
renseignements à produire.

6.5.4. La "Seller's Due Diligence"

La pratique s'est également développée d'un audit réalisé à l'initiative du vendeur


lui-même. En effet, le candidat acquéreur finit parfois par avoir de la société cible
117

une meilleure perception de ses forces et faiblesses que le vendeur lui-même. Ce


dernier s'en trouvera déforcé lorsque s'établira la négociation proprement dite.

6.6. Considérations critiques sur ce qui précède

6.6.1. Toutes les négociations d'achat/vente d'action ne comportent pas obligatoirement


une lettre d'intention, un engagement de confidentialité ou des "management
representation letters".
Ce schéma décrit dans les paragraphes 6.2., 6.3. et 6.4. représente donc une
démarche classique, mais pas nécessaire dans tous les cas.

6.6.2. En revanche toute opération d'achat de société implique à des degrés divers un
examen préalable de la situation par le candidat acquéreur.

Le formalisme qui entoure la due diligence variera selon les circonstances. Il est
cependant une vérité d'expérience: le laxisme dont s'accommodent certains
entrepreneurs lors de la reprise d'une société donne peut-être l'illusion de la rapidité
et de l'efficacité, mais ce peut-être une source de nombreuses difficultés et de litiges
après la reprise de la société. Le rôle de l'avocat est certainement d'avertir son client
des risques qu'il encourt si des vérifications n'ont pas été faites.

Ceci dit, certaines sociétés ne nécessitent pas un audit très élaboré. Ces seules
garanties dans la convention de cession suffiront. Ce sera le cas lors de la reprise:
- d'une société purement financière;
- d'une société devenue dormante (société de trésorerie par exemple);
- d'une société titulaire d'un bail commercial, qui constitue le principal actif
convoité, l'acquéreur n'ayant pas égard à l'activité antérieure de la société.

6.6.3. Ce qui a été exposé dans les paragraphes 6.2. à 6.5. est parfaitement transposable à
la situation dans laquelle un nouvel actionnaire souhaite souscrire à une
augmentation de capital de la société-cible. C'est également transposable à la
situation dans laquelle deux sociétés se préparent à fusionner.

Il ne s'agira pas d'un audit de reprise, mais soit de prise de participation aux côtés
d'actionnaires existants, soit de fusion.

6.6.4. La situation est bien entendu tout-à-fait inverse, lorsqu'il s'agit d'une cession de parts
ou action entre actionnaires d'une société, surtout si l'acquéreur est administrateur
de la société-cible et a fortiori administrateur mêlé à la gestion de la société.

6.7. La convention de cession d'actions ("Share Purchase Agreement" - SPA)

Par hypothèse, le candidat-acquéreur a reçu au cours de l'audit d'acquisition des


informations satisfaisantes et est disposé à signer un SPA.

6.7.1. Question préalable : closing différé ou contemporain de la signature du SPA ?

- On appelle "closing" le jour où l'acquéreur ayant reçu toutes les informations


et autorisations requises, le transfert des actions s'opère effectivement avec
118

paiement total ou partiel du prix.

Il ne va pas de soi que la date de transfert de la propriété des actions coïncide


avec la date de signature du SPA.

- Le closing est inéluctablement différé lorsque le rachat de la société-cible


réalise une concentration qui nécessite une notification préalable aux
autorités de concurrence nationales ou internationales.

- Si une approbation d'autorités publiques ou de tiers est requise pour que la


vente puisse se réaliser le closing sera nécessairement différé de la signature
du SPA.

- Le closing sera vraisemblablement différé lorsque l'information donnée au


candidat acquéreur (data room) au stade de la due diligence a comporté un
certain nombre d'informations fournies sous une forme anonyme ou sous une
forme virtuelle.

Dans ce cas l'acquéreur voudra se donner le temps de vérifier l'information


de manière directe en ayant accès aux données elles-mêmes.

- Un closing différé rend la rédaction de la convention plus complexe parce


qu'il conviendra d'aménager la gestion de la société pendant la période de
"pre closing". En effet l'acquéreur est engagé par la signature du SPA, mais
le conseil d'administration reste en place jusqu'au closing.

- Un SPA avec closing différé comportera donc des clauses spécifiques


relatives à :
o L'information requise du vendeur pendant la phase de pre-
closing
o La restriction de la liberté de manœuvre du conseil
d'administration et du management pendant la phase de pre-
closing. Ces restrictions consisteront en une liste d'opérations
que le conseil d'administration ou le management de la
société-cible s'interdisent de faire sans l'accord préalable de
l'acquéreur.
o Le cas échéant, le SPA indiquera les opérations que le
management s'engage à réaliser pendant la phase de pre-
closing, telles que (par exemple) :
• Apurement de comptes courants
• Réalisation de certains actifs
• Obtention d'accords ou de garanties de tiers
• Etc.
o L'acheteur voudra se prémunir du risque d'arbitraire et
exigera un "Price Adjustment Agreement" dans le SPA, qui
précise exactement quelles seraient les conséquences de
découverte d'éléments neufs susceptibles de modifier son
appréciation de la situation ("material adverse change").

- La rédaction des clauses relatives au closing différé est à ce point spécifique


à chaque cas d'espèce que le présent cours se limitera à l'exposé de la
typologie d'un SPA dans lequel la signature du SPA et le closing se réalisent
le même jour.

6.7.2. Comprendre la typologie d'un SPA


119

- la vente d'une société se fonde sur deux données : l'une objective, l'autre
subjective.

- la donnée objective sur laquelle se fonde l'achat d'une société est constituée
par ses comptes annuels. L'acquéreur se fonde sur le présupposé que les
comptes annuels qui lui sont présentés par le vendeur sont fiables et donnent
une représentation exacte de ce que la société possède (son actif) et de ce
qu'elle doit (son passif) ainsi que ses affaires (son compte de résultat).

Ce présupposé ne porte bien évidemment pas uniquement sur les derniers


comptes annuels qui précèdent la cession, mais également ceux des années
précédentes. Au paragraphe 6.8.4 on montrera que dans la plupart des
négociations d'achat d'entreprise, les parties calculent leur prix en prenant en
compte les flux financiers futurs, ce qui suppose non seulement l'examen des
derniers comptes annuels, mais également ceux d'un "cycle" commercial qui
s'étend sur plusieurs années.

Le premier élément clé qu'il faut avoir présent à l'esprit pour comprendre la
typologie d'un SPA est la manière dont les parties vont exprimer la garantie
que le vendeur donne au sujet de ces comptes annuels.

Ce type de garantie est communément appelé "garantie de bilan".

- La donnée subjective sur laquelle se fonde l'achat d'une société est constituée
par l'ensemble des opinions et convictions que l'acquéreur s'est forgées au
cours de la due diligence au sujet de la société-cible.

L'acquéreur a demandé au vendeur des renseignements (parmi lesquels les


comptes annuels ne sont qu'un élément) et il s'est forgé sur la base des
réponses reçues, un ensemble d'opinions au sujet desquelles il souhaite avoir
du vendeur la confirmation que les faits sur lesquels elles se fondent sont
exacts.

Par conséquent, outre la "garantie de bilan", l'acquéreur va demander au


vendeur de lui faire un certain nombre de déclarations qui constitueront
autant de confirmations pour le vendeur que l'opinion qu'il s'est forgée au
sujet de la société-cible se fonde sur des faits exacts.

Cette manière de lister les déclarations qui seront exigées du vendeur est
d'origine anglo-saxonne. Ces déclarations sont formulées sous forme de
"representations and warranties".
Il va sans dire que la liste des déclarations que l'acquéreur exigera du vendeur
varie au cas par cas et qu'il est illusoire d'en dresser un inventaire, comme il
serait vain de présenter à cet égard des clauses "types".

- La sanction de la garantie de bilan et des "representations and warranties"


est l'indemnisation que le vendeur devra payer à l’acquéreur en cas
d'inexactitude du bilan ou en cas d'inexactitude d'une ou plusieurs des
"representations and warranties" du vendeur.

Le libellé des clauses relatives à cette sanction de ces inexactitudes est – outre
bien entendu la négociation sur le prix – le cœur de la négociation. Nous
examinerons ci-après comment peuvent se concevoir les garanties données
120

en cette matière.

- Enfin la SPA comprend des clauses aux effets essentiels tels que notamment
celle relative à l'unicité de la convention et pour terminer les "boiler plates"
habituelles (notifications, droit applicable, élection de for ou clause
d'arbitrage, etc.).

6.7.3. Déclarations et garanties (principes)

Nous abordons à présent l'examen d'un document de référence concernant une


convention de vente des actions (SPA) d'une S.A. de droit belge (voir Annexe
6.2). Ce document est fourni à titre de matériel didactique et ne constitue donc
pas le "modèle" de convention à reproduire dans chaque vente d'actions mais
une série de clause qui feront l’objet d’une négociation au cas par cas.

Le lecteur est invité à lire les paragraphes 6.7.3 à 6.7.14 en les mettant en
parallèle avec l'Annexe 6.2.

- L'annexe 6.2. comprend en son article 4 un ensemble de garanties classiques


demandées à un vendeur

voir Annexe 6.2. pages 3 à 11

- Les articles 4.1.1. et 4.1.2. du SPA fourni à titre d'exemple indiquent que le
vendeur ne donne pas d'autres garanties que celles qu'il mentionne dans le
SPA. En outre le vendeur déclare que lorsqu'il fait une "déclaration" dans la
convention ou dans une annexe, la portée de la garantie est limitée par cette
déclaration.

Le vendeur a donc intérêt à multiplier les "déclarations" et à les rendre aussi


complètes que possible, puisque toute déclaration faite dans la convention
fera obstacle à toute réclamation ultérieure de l'acheteur qui serait fondée sur
un fait dont il a eu connaissance par une déclaration du vendeur. L'objectif
de cette technique de rédaction est d'inciter le vendeur à révéler le maximum
d'information à l'acheteur.

La technique de rédaction est donc la suivante : le vendeur déclare, pour telle


garantie qu'il n'a rien à se reprocher, "Exception faite de …", suivra ensuite
soit la déclaration de tel ou tel fait qui restreint la portée de la déclaration,
soit un renvoi à une annexe lorsque la déclaration est circonstanciée. Si le
vendeur ne fait aucune "déclaration", au sujet de telle garantie, cette garantie
s'appliquera sans restriction.

- L'article 4.1. du SPA fourni à titre d'exemple aurait pu comporter un article


4.1.3. qui eût été à l'avantage du vendeur.

Cet article 4.1.3. aurait été libellé comme suit : "les déclarations et garanties
faites au présent article 4 sont consenties à l'acheteur exclusivement, dans
les limites prévues à l'article 5 ci-après, à l'exclusion de toutes autres
garanties de quelque nature que ce soit en ce compris toutes garanties de
droit commun, l'acheteur renonçant irrévocablement par l'effet de la
présente convention à toutes garanties autres que celles expressément visées
ci-après.
121

Cette clause – très favorable pour le vendeur – n'avait pas été acceptée dans
le cas d'espèce dont on a extrait le SPA fourni à titre d'exemple.

6.7.4. Déclarations et garanties (capacités du vendeur)

- Il est d'usage de demander au vendeur personne morale qu'il certifie que la


décision de vendre a été prise par les organes légaux.
- Lorsque l'acheteur est une société étrangère, il n'est pas exceptionnel qu'il
demande à un avocat belge une "Opinion Letter" (ou "Legal Opinion") dans
laquelle l'avocat certifiera qu'au vu des éléments d'information en sa
possession (qu'il énumérera dans sa lettre) la société venderesse existe
valablement, que les personnes qui se proposent de signer la convention ont
qualité pour la représenter, etc.
- Lorsque le vendeur est une personne physique, la capacité du vendeur
s'appréciera par rapport à son régime matrimonial. En ce cas également,
l'acheteur établi à l'étranger pourrait demander à un avocat belge une opinion
letter confirmant la capacité du vendeur et éventuellement la légitimité de sa
possession des actions, si celles-ci ont été acquises entre vifs ou à cause de
mort.

6.7.5. Déclarations et garanties (structure et organisation générale de la Société)

- L’objectif de cette garantie est de s'assurer que la Société acquise dispose de


toutes les autorisations légalement requises pour exercer son activité.
L'acheteur peut bien entendu se contenter de la déclaration faite par le
vendeur.
Il se peut que l'acheteur souhaite vérifier la déclaration du vendeur ou la faire
vérifier par ses propres conseillers, l'audit d'acquisition aura notamment porté
sur la vérification de ces points. Cependant, ce n'est pas parce que
l'exactitude de cette déclaration a déjà été vérifiée par les propres conseillers
de l'acheteur que ce dernier dispensera le vendeur de le lui garantir.

- La déclaration demandée au vendeur concernant l'identification des titres


émis par la Société, vise à protéger l'acheteur du risque d'acquisition d'une
partie seulement des titres émis alors que son objectif visait l'acquisition de
la totalité de ceux-ci.

La vérification de ce fait aura été faite par l'acheteur au stade de l'audit


d'acquisition en analysant les statuts, les modifications et les statuts
coordonnés. Ici encore une fois la garantie demandée au vendeur de
l'exactitude d'un fait qui a déjà été vérifié par l'acheteur tend à faire peser sur
le vendeur le risque d'une éventuelle erreur d'analyse de l'acheteur.

6.7.6. Déclarations et garanties (comptes annuels)

- Les comptes annuels constituent l'un des éléments essentiels de négociation


du prix de la société.
- Il est renvoyé au paragraphe 6.8. pour ce qui concerne l'explication des
paramètres d'évaluation.
- Aux articles 4.5.1. et 4.5.2. du SPA fourni à titre d'exemple, le vendeur donne
des garanties très ordinaires de sincérité du bilan. On relèvera que si l'article
4.5.1. traite de la sincérité du bilan et l'article 4.5.2. du passif, un article entier
122

est consacré aux déclarations du vendeur en matière d'actif (art.


4.6. de l'exemple).
La situation aurait pu être différente si le vendeur avait souhaité faire des
déclarations spécifiques concernant des éléments du passif du bilan.
L'absence de clauses spécifiques à ce sujet s'explique par la circonstance que
dans le cas d'espèce, le vendeur a estimé ne pas devoir s'exonérer de risques
éventuels au niveau du passif.

Ainsi par exemple l'article 4.5.1 (c) relatif aux provisions constituées au
passif pour couvrir les risques et les charges éventuels aurait pu être libellé
comme suit :

"les provisions et réserves apparaissant dans les comptes de la Société


ont été constituées selon les règles de prudence, de sincérité et de
bonne foi. Le vendeur déclare qu'elles sont d'un montant suffisant pour
couvrir les risques et charges connus à la date de la signature de la
présente convention. Pour ce qui concerne les provisions en relation
avec les litiges mentionnés à l'article 4.5.3. et à l'Annexe 3, celles-ci
sont acceptées par l'acheteur à titre forfaitaire, toute différence en plus
ou en moins à la clôture des litiges faisant profit ou perte pour
l'Acquéreur sans recours entre le vendeur en cas d'insuffisance des
provisions".
6.7.7. Déclaration et garanties (éléments d'actif du bilan)

Par souci de simplification, seule une des déclarations faites par le vendeur a été
reprise dans le SPA fourni à titre d'exemple.

Dans la réalité, tout ce que le vendeur a dit à l'acheteur au stade de l'audit


d'acquisition, les réserves qu'il a pu faire quant à la bonne fin de tel ou tel marché,
est noté, ce qui implique que :

o L'acheteur peut considérer comme un élément contractuel ce


que le vendeur lui a déclaré;
o Ou inversement le vendeur dégage sa responsabilité dans la
mesure où il déclare ne pas donner de garantie quant à tel ou
tel élément des affaires de la société.

6.7.8. Déclaration et garanties (environnement)

Cette disposition du SPA est fournie à titre d'exemple dans la mesure où la société
en cause dans l'exemple choisi n'était pas propriétaire d'un bien immobilier et que
son activité n'était pas susceptible de porter atteinte à l'environnement.

Dans les situations inverses, cet article des "Déclarations et garanties" est
évidemment beaucoup plus développé. Au besoin un audit environnemental est
conduit préalablement à la conclusion du SPA.

6.7.9. Déclaration et garanties (relation entre la Société et le vendeur)

Disposition très importante dans tout SPA, l'article 4.12 (dans le document fourni à
titre d'exemple) est destiné à informer l'acheteur au sujet des obligations éventuelles
de la Société vis-à-vis du vendeur.

6.7.10. Déclaration et garanties (caractère exact et complet)


123

L'article 4.14 du SPA fourni à titre d'exemple est la clause classique qui clôture la
liste des déclarations et garanties.

6.7.11. Déclaration et garanties (durée)

Dans le document fourni à titre d'exemple:


- la durée de un an est une donnée qui résulte de la négociation. Rarement plus
courte, cette durée peut être parfois nettement plus longue (exigence de
l'acheteur).

- La garantie du vendeur qui est donnée pour la durée du délai de garantie en


matière contractuelle (dix ans) est en revanche très longue (c'est en
l'occurrence le résultat des négociations; on aurait pu négocier un délai plus
court63). Les deux mois supplémentaires ajoutés au délai de dix ans doivent
procurer à l'acheteur le laps de temps nécessaire pour agir contre le vendeur
dans l'hypothèse où la société est assignée par un tiers à l'extrême limite du
délai de prescription.

- Le délai de prescription en matière fiscale est actuellement porté à sept ans.


Le délai de prescription en matière environnementale est quasiment sans
limite dans le temps !

6.7.12. Appel à la garantie (détermination du dommage)

Dans le SPA fourni à titre d'exemple, la définition du dommage a été négociée de


manière peu favorable pour le vendeur. Un libellé plus favorable pour le vendeur
eût été le suivant :

"Toute surévaluation de l'actif ou toute sous-évaluation du passif par rapport


aux Comptes Annuels, dont la cause est antérieure à la Date de Cession
constituera un dommage ("le Dommage")".

Un libellé formulé sous forme de garantie de bilan a en effet une portée moins large
que celle adoptée dans le SPA fourni en annexe 6.2. Pourquoi avoir accepté dans le
cas fourni à titre d'exemple un libellé de la garantie aux effets potentiellement plus
larges ? Ce libellé est ici encore la conséquence indirecte de la méthode de calcul du
prix par les parties. Dans l'exemple cette méthode était basée essentiellement sur la
technique de l'actualisation des flux financiers. Dans cette technique d'évaluation, la
valeur de l'actif net n'est pas le principal élément de détermination du prix.
Logiquement le libellé de la garantie reflète l'objectif de l'acheteur pour qui
l'exactitude du bilan n'est qu'un élément d'appréciation. Beaucoup d'autres éléments
d'information donnés à l'acheteur et reflétés dans les "representations and
warranties" ont influencé son anticipation des flux financiers futurs et donc son prix
(sur ces notions, voy. ci-après les §§ 6.8.2 et 6.8.3 à mettre en parallèle avec le §
6.8.4). La garantie demandée au vendeur va donc bien au-delà de la simple garantie

63
Pourquoi le vendeur avait-il accepté dans le SPA fourni à titre d'exemple une durée de garantie très longue ? Il
faut comprendre comment l'acheteur calcule le prix qu'il accepte de payer. Si l'acheteur calcule ce prix selon la
méthode de l'actualisation des flux financiers futurs (cas fréquent), il est important pour le vendeur de connaître
l'incidence de la durée de la garantie donnée sur le calcul du prix par l'acheteur. Si l'acheteur diminue son offre
de prix en raison de la brièveté du délai de certaines garanties données, alors que le vendeur sait que la
probabilité de la réalisation du risque d'appel à la garantie sur une durée plus longue est faible, il aurait intérêt à
accepter une durée de garantie plus longue pour obtenir un prix plus élevé. Sur ces notions, renvoi au paragraphe
6.8.4 et les commentaires au cours oral.
124

de bilan.

6.7.13. Appel à la garantie (indemnité)

Fixer l'indemnité au montant du dommage, tel que celui-ci est défini à l'article 5.2.
du SPA fourni à titre d'exemple, est également un élément peu favorable pour le
vendeur.

Le vendeur a intérêt à spécifier que l'indemnité sera due exclusivement à l'acheteur


(et pas à la société-cible) et qu'elle sera égale au dommage, sous déduction de
l'économie fiscale qui en résulterait pour la société. En effet une "perte" ou une
"dépense" constitue en principe une charge pour la société. Si cette charge est
fiscalement déductible dans le chef de la société-cible, on peut prévoir que l'acheteur
ne réclamera une indemnité au vendeur qu'à concurrence de cette charge ou dépense,
diminuée de l'économie d'impôt qui en résultera pour la société-cible. Le résultat
financier pour l'acheteur est identique, mais le coût de l'indemnité pour le vendeur
est moindre.

6.7.14. Appel à la garantie (limites)

Le vendeur avait négocié dans le SPA fourni à titre d'exemple deux limites très
favorables :
- une franchise;
- un plafond.

Tous les SPA ne contiennent pas une clause de ce type. L'acheteur peut en effet
refuser la franchise ou n'accepter de franchise que pour un montant très réduit. De
même il n'est pas rare de voir un acheteur refuser l'idée d'un plafonnement du
montant de l'indemnité. Dans de nombreux SPA, le plafond équivaut au prix de
vente des actions.

6.8. Le prix

6.8.1. Les paramètres de calcul des prix

- Dans le SPA fourni à titre d'exemple, le prix se compose de trois éléments :


o Une partie fixe dont une part importante est payée au vendeur
le jour de la signature de la convention et le solde est versé
sur un compte de garantie (escrow account) pendant une
partie du délai de garantie.
o Une partie variable qui dépend de l'inventaire et la
valorisation du stock (qui était un élément sensible dans le
cas ayant donné lieu au SPA fourni à titre d'exemple).
o Une partie aléatoire qui dépendait du succès espéré d'offres
en cours au moment de la vente des actions.

- Toutes les négociations ne comportent pas nécessairement des paramètres


de ce type. Une convention de vente peut se négocier :
o moyennant un prix forfaitaire, non susceptible de révision
o avec ou sans rétention d'une partie du prix à titre de
couverture de la garantie
125

o moyennant diverses clauses de révision de prix (Price


Adjustments Agreement)
o etc.

- Quel que soit le mode de détermination du prix dans la convention, les


paramètres de calcul prennent toujours en compte les facteurs suivants :
o le bilan (valeur intrinsèque apparente de la société) (§ 6.8.2)
o le bilan ajusté (valeur intrinsèque réelle de la société) (§
6.8.3)
o une anticipation des profits futurs. L'acheteur peut n'accorder
qu'une attention secondaire à la valeur intrinsèque de la
société et fixer son prix en fonction des flux financiers nets
que lui procurera son investissement (§ 6.8.4)
o les risques liés aux "déclarations" faites par le vendeur
(déclarations accompagnées d'exclusions de garantie pour
tout ce qui a été déclaré) (§ 6.8.5)
o des éléments purement subjectifs, propres à la situation des
parties (§ 6.8.6).

6.8.2. le bilan

- une première approche, tout à fait simpliste, consiste à déterminer la valeur


d'une société sur la base de son bilan.
Nous avons vu au cours des 4ème et 5ème leçons que le passif du bilan
comporte une rubrique "Actif net64" ou "Capitaux propres65" qui résulte de
l'addition et de la soustraction des éléments suivants :

Capital
+ réserves (légale, indisponibles, immunisées, disponibles)
+ bénéfices reportés
+ subsides en capital
- pertes reportées
-------------------------
= Actif net ou Capitaux propres

- Les capitaux propres résultent en d'autres termes de la différence entre le


total de l'actif d'une part et l'ensemble des dettes à l'égard des tiers d'autre
part (banquiers, fournisseurs, créanciers publics, autres créditeurs divers,
etc.)

Une approche simpliste des choses conduirait donc à la conclusion que la


société vaut ce qui lui reste comme actifs lorsqu'elle a payé toutes ses dettes.

- Au cours de la cinquième leçon on a vu qu'une telle approche est un leurre.


La société Danheux & Maroye ne valait de toute évidence pas au 31
décembre 2008 le montant de 2.734.485 € mentionné comme capitaux
propres à cette date et la société Houyoux valait sans doute nettement plus
que les 15.075.224 € affichés par son bilan à la même date.

(Annexes 5.1.1. et 5.1.2.)

Aux paragraphes suivants on tentera de montrer pourquoi ces chiffres


64
Le Code des sociétés utilise l'expression "Actif net" (par exemple : articles 617, 633).
65
Le schéma comptable utilise l'expression "Capitaux propres" (articles 88 et 92 de l'AR/C. Soc). Les deux expressions
sont synonymes. On utilise également l'expression Fonds propres, qui est également synonyme des deux précédentes.
126

doivent être ajustés.

- Même dans l'hypothèse où le bilan ne justifie aucun ajustement des éléments


de son bilan, le prix pourrait être différent du montant de ses capitaux
propres.

Prenons la situation d'une société de trésorerie. C'est une société qui a


progressivement mis fin à ses activités et liquidés tous ses actifs. Au terme
de ce processus de désinvestissement et de mise en veilleuse de la société,
tous les impôts et toutes les charges étant payées, le bilan se présente comme
suit :

Actif Passif
Banque 1.000.000 Capital 100.000
Réserve légale 10.000
Bénéfices reportés 890.000
Total: 1.000.000 Total: 1.000.000

- la liquidation d'une société de trésorerie dans la situation décrite ci-dessus


occasionnerait, outre les frais de la liquidation proprement dite, le paiement
d'un précompte sur le boni de liquidation (si l'actionnaire est une personne
physique). En effet, la distribution de la réserve légale et des bénéfices
reportés est considérée par la loi fiscale comme le paiement d'un dividende
(art. 209, al 1er CIR/92). En l'occurrence, les actionnaires (personnes
physiques) ne percevront en définitive qu'un montant moindre qu'un million.

- Les actionnaires seront sans doute tentés de trouver un repreneur qui leur
rachètera des actions et leur paiera le montant d'un million en banque.

Il est douteux qu'il se trouve un acquéreur disposé à débourser un million


d'euros (d'argent net de tout impôt dans son chef) pour acquérir une société
dont il ne pourrait retirer ultérieurement le montant de son investissement
initial de un million que moyennant le paiement d'impôts et de frais.

Par conséquent l'acquéreur d'une société de trésorerie négociera le prix


d'achat en tenant compte de la charge fiscale future grevant sur la
récupération ultérieure de sa mise de un million. Le prix de la société de
trésorerie sera donc moins qu'un million (dans l'exemple, ci-dessus).

- Pour la suite de l'exposé, gardons à l'esprit cette idée que lorsque la société-
cible a beaucoup de réserves ou de bénéfices reportés, la valorisation de cette
société prendra en compte la charge fiscale latente qu'impliquerait la
distribution de ces dividendes, si l'acquéreur voulait récupérer sa mise.

6.8.3. le bilan ajusté

- L'analyse des bilans de sociétés pendant le cinquième cours a montré qu'un


bilan peut receler de bonnes surprises… ou de mauvaises surprises.

- Les bonnes surprises résulteront de ce que :


o A l'actif du bilan figurent des constructions qui ont été
totalement amorties (elles figurent donc pour zéro au bilan)
alors que ces immeubles ont été correctement entretenus et
127

ont donc une valeur sensiblement plus importante que la


seule valeur historique du terrain qui subsiste au bilan.
o Des participations figurent au bilan à la valeur de
l'investissement initial alors que ces filiales ont – par
hypothèse - prospéré et que la valeur intrinsèque de ces
filiales est nettement plus élevée que ce qui figure au bilan
(par exemple à l'annexe 5.1.2. comparez à la page 4/41 la
rubrique "participation" [1.544.243] avec la page 17/41 :
calculez la valeur intrinsèque).
o Des stocks ont fait l'objet de réductions de valeur pour cause
d'obsolescence, mais s'avèreront en réalité
commercialisables.
o Des créances ont fait l'objet de réductions de valeur en raison
des risques de solvabilité du débiteur, mais ces créances
seront intégralement payées.
o Un procès est en cours (la société-cible est demanderesse de
dommages-intérêts) et l'issue sera favorable, ce qui
constituera un bénéfice exceptionnel lorsque l'indemnité sera
obtenue.
o Au passif du bilan, la société-cible a provisionné un montant
pour le risque d'un litige en cours. Le litige sera gagné, rien
ne sera dû, la provision constituée sera soldée par une
écriture qui actera un produit exceptionnel ("reprise sur
provisions pour risques et charges").
o L'examen du bilan de la FNAC a montré qu'il existe des
latentes fiscales positives, à savoir l'existence de pertes
antérieures, fiscalement déductibles, mais qui n'apparaissent
plus au bilan parce que la société a antérieurement diminué
son capital pour absorber des pertes antérieures. Ces latences
fiscales positives sont un élément favorable, non pas pour un
repreneur éventuel de cette société (en effet s'il y a
changement de contrôle et si ce changement ne répond pas à
des besoins légitimes de caractère financier, le caractère
déductible des pertes est perdu en vertu de l'article 209
CIR/92), mais pour un investisseur sans changement de
contrôle. Les pertes fiscales récupérables impliquent que la
société peut réaliser d'importants bénéfices en exemption
d'impôts (voy. l'annexe 5.2.1. A, page 34/48, bilan FNAC
Belgium).

- inversement les mauvaises surprises résulteront de ce que :

o à l'actif des biens ont été abusivement :


▪ réévalués (voyez bilans Danheux & Maroye, annexe
5.1.1. et Immo Progres, annexe 5.4.)
▪ maintenus à leur valeur d'acquisition, alors que la
valeur marchande n'est plus celle portée à l'actif

o à l'actif des stocks sont mentionnés, alors que le comptage


physique des stocks réellement présents dans l'entreprise
montre qu'il y a d'importants écarts entre l'état comptable des
stocks et l'inventaire physique. Cette situation, parfois
rencontrée dans la pratique, résulte de ce que la société n'a
pas fait avec la rigueur requise (ou n'a pas du tout fait)
l'inventaire annuel prescrit par la loi (article III.89 CDE).
o A l'actif des créances commerciales sont maintenues pour
128

leur valeur nominale, alors qu'il existe des risques sérieux


quant à leur encaissement futur.
o Au passif des dettes n'ont pas été correctement évaluées (des
impôts n'ont pas été provisionnés, des majorations dues à
l'ONSS pour paiements tardifs n'ont pas été comptabilisées,
des factures de fournisseurs ont été oubliées).
o Etc.

- En résumé les ajustements résulteront :


o D'une surévaluation d'éléments de l'actif
o D'une sous-évaluation d'éléments du passif
o D'une sous-évaluation d'éléments de l'actif
o D'une surévaluation d'éléments du passif

Il va sans dire que tous ces ajustements en sens divers peuvent s'appliquer à des
éléments distincts du bilan, s'additionner ou se compenser.

Le total des ajustements donnera un bilan ajusté, avec un montant des capitaux
propres qui peut être sensiblement différent.
- Enfin l'audit comptable pourrait faire apparaître des divergences de méthode
d'application des règles comptables entre l'auditeur du candidat acquéreur et
le commissaire de la société cible.
- En effet, il a été dit que quelque rigoureuses et précises que soient les règles
comptables fixées à l'arrêté royal du 30 janvier 2001, il subsiste des marges
d'appréciation.

Par conséquent l'audit d'acquisition pourra conduire à des discussions


difficiles sur la fixation du prix, si les auditeurs des deux parties n'ont pas
une approche identique de l'application de certaines règles comptables.

- Le résultat de ces ajustements extracomptables et des discussions auxquels


ils peuvent donner lieu sera un bilan ajusté, avec un montant de fonds propres
sur lequel les parties s'accordent.

6.8.4. L'anticipation des profits futurs.

- L'élément objectif que constitue l'actif net corrigé (résultant des ajustements
dont il a été question au § 6.8.3.) n'a souvent qu'une portée secondaire (voire
même parfois très secondaire) dans le calcul que fait un investisseur au sujet
de l'opportunité de l'achat d'une société. Son calcul se base en effet sur les
flux monétaires futurs qui seront engendrés par cet investissement.

Pour comprendre cette logique de raisonnement, partons d'une idée simple.


Si je dispose d'une somme d’un million d'euros, je puis en obtenir un revenu
de x% (avec un degré de certitude variable quant au taux sur une longue
durée, ce qui est en soi un paramètre du calcul financier que fait l'acheteur).
Si j'achète une société, c'est en principe en vue d'en obtenir un rendement
supérieur à celui que me procurerait le placement de cette somme en banque
ou en bourse.

La méthode de l'anticipation des flux futurs consiste à mesurer de manière


aussi précise le rendement du capital investi sur une durée plus ou moins
longue.

L'anticipation du flux monétaire, ou la rentabilité future, est aussi appelée


129

méthode du "Discounted Cash-Flow" (DCF).

- Sans entrer dans tous les détails de calculs, la valorisation de la société sur
la base du cash-flow se fonde principalement66 sur le cash flow d'exploitation
qui est :
o Le bénéfice d'exploitation (code 9901 dans le compte
d'exploitation selon le schéma comptable)
o Auquel on ajoute les amortissements et les dotations aux
provisions (puisqu'ils ne correspondent pas à des sorties de
trésorerie)
o Et dont on déduit :
▪ D'une part les investissements (ils correspondent à
des besoins de trésorerie, mais ne font pas partie des
charges, sauf à concurrence des amortissements),
▪ D'autre part l'augmentation des besoins en fonds de
roulement (le fonds de roulement est la trésorerie
nécessaire pour assurer la liaison entre les délais de
paiement aux fournisseurs et les délais de paiement
des clients – en général une société dont le chiffre
d'affaire est en croissance voit son besoin en fonds de
roulement augmenter, tandis qu'une société dont le
chiffre d'affaires est en décroissance voit son besoin
en fonds de roulement diminuer),
▪ Et enfin les impôts.

- Le cash-flow étant ainsi calculé, il conviendra de déterminer la durée pendant


laquelle le cash-flow sera pris en considération pour apprécier la valeur de
l'entreprise. Cette durée (qu'on appelle "l'Horizon") dépend essentiellement
de la nature de l'activité de la société :
o une société industrielle aura un Horizon plus long
o une société purement commerciale aura un Horizon plus
court
o une société dont l'activité est cyclique (métaux, produits
pharmaceutiques, papier, par exemple) aura un Horizon
calculé au minimum en fonction de la durée d'un cycle.

- L'addition de tous les cash-flows jusqu'à l'Horizon donnerait une valeur


excessive à la société. Il convient donc de leur appliquer un facteur
d'actualisation. Ce facteur d'actualisation est fonction des degrés
d'incertitude qui peuvent être liés à :
o l'entreprise elle-même :
▪ y a-t-il un risque d'obsolescence de ses produits ou de
son activité ?
▪ l'activité nécessitera-t-elle avant l'Horizon
d'importants investissements ?
o des facteurs externes à l'entreprise :
▪ si l'activité de l'entreprise est dépendante de contrats
avec des tiers (bail commercial, contrat d'agence ou
de concession) quel est le risque du non
renouvellement de ces contrats à leur échéance ?
▪ si la société occupe une position stratégique sur son

66
On peut également mesurer le cash-flow financier (produits financiers moins les charges financières). Pour la
valorisation d'une holding dont le résultat est essentiellement constitué par des produits et charges exceptionnels (voy
l'annexe 5.3.) on prend également en compte les éléments exceptionnels de son compte de résultats.
130

marché, quel est le degré de risque de voir apparaître


un concurrent qui accapare des parts de marché ?

- Le facteur d'actualisation est une notion qui relève du calcul actuariel.


Plus le risque est élevé, plus le taux d'actualisation sera élevé, ce qui
diminuera la valorisation des revenus escomptés à terme (proches de
l'Horizon).

- Au-delà de "l'Horizon" défini, on considère que soit les cash-flows se tariront


(obsolescence du produit), soit la poursuite des activités nécessitera des
investissements considérables et la société n'aura plus qu'une valeur
résiduelle égale à la valeur de réalisation de ses actifs diminuée des dettes.

On le voit, cette "valeur résiduelle" correspond à la valeur ajustée des fonds


propres au moment de la vente de la société-cible, après amortissement
intégral de ses avoirs immobilisés. Il s'en déduit que la valorisation d'une
société selon la méthode de l'actualisation des cash-flows pénalise la société
lourdement investie en avoirs immobilisés et favorise la valorisation d'une
société qui au contraire investit un minimum en avoirs immobilisés.

- Dans la pratique, l'approche purement financière de l'actualisation des cash-


flows n'est pas l'unique méthode utilisée pour la fixation du prix de vente
d'une société.

La méthode de l'actualisation des cash-flows est utilisée de manière plus


sommaire, voire plus frustre, pour évaluer la valeur de ce qui n'est pas
valorisé dans les comptes d'une société, mais peut présenter une valeur
réelle, à savoir son "goodwill", c'est-à-dire :
o Le nom et la réputation de la société,
o La qualité de son organisation,
o La compétence, le savoir-faire de son personnel
o L'emplacement stratégique de sa localisation
o Etc.

- tous ces facteurs seront pris en compte, selon une méthode de calcul plus ou
moins rationnelle selon les cas, pour déterminer le prix.

6.8.5. Les "déclarations" du vendeur dans le SPA

Si le vendeur a lui-même émis des réserves ou des exclusions - limitations de garantie au


sujet des déclarations qui sont exigées de lui dans le SPA, il introduit dans la convention des
facteurs de risques pour l'acheteur qui en tiendra compte dans le calcul de son prix.

Dans certains cas, il n'y a pas de facteur objectif de calcul de l'incidence de ces réserves sur
le prix. Dans d'autres cas l'acheteur tentera de calculer l'incidence de ses réserves ou
exclusions de garantie dans les calculs actuariels d'actualisation des flux financiers futurs.

6.8.6. Les facteurs non rationnels


Ce serait une erreur de croire que tous les prix de vente de sociétés se négocient sur des
bases 100% rationnelles.

Parmi les éléments non rationnels rencontrés dans la pratique citons :


131

- le besoin de vendre du vendeur


- l'emplacement géographique occupé par la société (importance du bail
commercial pour une société commerciale)
- la crainte de voir la société-cible passer sous le contrôle d'un concurrent
- l'attrait que présente la société-cible pour un investisseur désireux de
s'implanter sur un nouveau marché
- le souhait de l'investisseur d'accéder à une technologie que maîtrise la
société-cible et que l'investisseur ne maîtrise pas.
- Etc.

Tous ces facteurs s'interpénètrent pour former le prix que les parties tentent de justifier par des
considérations objectives, mais qui comportent souvent beaucoup de facteurs subjectifs

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