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Cédrick Morneau
CSSS de la Pointe-de-l’Île
REMERCIEMENTS
Tout d’abord, je tiens à remercier Johanne Fradette, en tant que superviseure de stage, pour son
encadrement extraordinaire, ses précieux conseils et pour m’avoir permis de réaliser ce projet.
Par ailleurs, je souhaite accorder ma gratitude à toutes les personnes consultées, pour leur
générosité et la qualité de leurs recommandations, spécialement Nicole Loubert, Maurice H.
Vanier, Dimitri Tsingakis et Sophie Goudreau.
Également un grand merci à toute l’équipe du centre Biermans pour leur accueil et leur soutien :
Danielle Sasseville, Nathalie Rochon, Karina Legros, Hélène Foisy, Ginette Turcot, Touria
Moummad, Sylvie Simoneau.
Un remerciement tout spécial à mon professeur tuteur, Jean-Bernard Guindon, sans qui ce stage
n’aurait tout simplement pas eu lieu.
TABLE DES MATIÈRES
2. Concept de risque…………………………………………………...….…………………..........2
4.2. Prévention.....................................................................................................................9
9. Conclusion…………………………………………………………………………………..…50
10. Bibliographie…………………………………………………………………………...……..52
1. Concept de risque…………………………………………………….……………………2
2. Processus global de gestion des risques du CRAIM………………………………………8
3. Détermination des risques……………………………………………..…………………11
4. Méthodologie du CCAIM pour l’aménagement du territoire……………………………17
5. Exemple de facteurs de vulnérabilité…………………………….………………………19
6. Exemple d’analyse de vulnérabilité………………………………...……………………20
1. Territoire de la Pointe-de-L’île…………………………………………………………..41
ANNEXES
À des proportions différentes, les sociétés humaines sont toutes exposées à une multitude de
risques, résultat « d’interactions complexes entre la société et l’environnement ». La survenue
de différentes catastrophes met bien en évidence la complexité de ces interactions et
l’ampleur des conséquences qui peuvent en découler. Le grave accident nucléaire de la
centrale Fukushima au Japon en mars 2010, provoqué par l’enchaînement de phénomènes
naturels (tremblement de terre suivi d’un tsunami), puis avec des répercussions tragiques pour
les populations touchées, en constitue un exemple particulièrement probant. Uniquement dans
les dernières années, on remarque une forte occurrence d’accidents technologiques majeurs
(déversement pétrolier dans le Golfe du Mexique en 2010, l’explosion de l’usine AZF à Toulouse
en 2001, l’explosion d’un dépôt de carburant à Bunsfield en 2005, etc.).
Devant la complexité de ces interactions, certains sociologues, tel Ulrich Beck et Anthony
Giddens, ont popularisé la notion de « société du risque ». Cette conception selon laquelle les
sociétés modernes produisent en même temps des richesses et des risques fait entre autres
référence à l’interdépendance des activités humaines sur la création de nouveaux risques. Dans
cette optique, on déduira que la « société du risque se renforce au fur et à mesure des
développements scientifiques et industriels » (LPT, 2010). À l’image des sociétés modernes,
cette conception suggère l’appréhension du risque comme une notion évolutive, façonnable, et
non figée (ACA, 2011).
Ainsi, on constate que, dans bien des cas, une gestion du risque est possible. À ce niveau, il
existe différentes manières de faire pour les prévenir, les contrôler, voir les éliminer. Ce
document vise d’ailleurs à approfondir certains de ces éléments. En premier lieu, il sera
question d’aborder le concept de risque selon une approche de sécurité civile. Dans cette
optique, une emphase particulière sera mise sur les risques industriels majeurs et leur mode de
1
gestion. Pour ce faire, le guide proposé par le Conseil pour la réduction des accidents
industriels majeurs (CRAIM) sera présenté comme modèle de gestion des risques pouvant être
appliqué. Ensuite, une seconde partie portera sur le cadre législatif entourant la gestion des
risques industriels et l’aménagement du territoire. Enfin, la dernière section fera état de la
gestion des risques industriels sur le territoire de la Pointe-de-l’Île dans l’Est de Montréal.
CONCEPT DE RISQUE
En ce qui concerne les risques majeurs, on leur associe généralement une très faible
fréquence, mais une gravité très élevée. En d’autres termes, ce genre d’événements a très peu
de chance de se produire, mais son avènement peut faire de nombreuses victimes en plus de
créer des dommages importants aux biens et à l’environnement.
Dans le cadre de ce document, une attention particulière sera portée aux risques
technologiques, notamment ceux pouvant produire des accidents industriels majeurs. Selon le
Conseil pour la réduction des risques industriels majeurs (CRAIM), ceux-ci découlent d’un «
événement inattendu et soudain, impliquant des matières dangereuses (relâchement de
matières toxiques, explosion, radiation thermique) et entraînant des conséquences pour la
4
population, l’environnement, et/ou les biens à l’extérieur du site de l’établissement » (CRAIM,
2007, p.20).
Les principaux générateurs de risques d’accident industriels majeurs sont généralement divisés
en deux familles (MEDDTL, 2009) ;
Les industries chimiques: produisent des produits chimiques de base, des produits
destinés à l'agroalimentaire (notamment les engrais), les produits pharmaceutiques et
de consommation courante (eau de javel, etc.) ;
Les industries pétrochimiques: produisent l'ensemble des produits dérivés du pétrole
(essences, goudrons, gaz de pétrole liquéfié).
Le risque d’accident industriel majeur peut se manifester de différentes manières, mais on leur
reconnaît habituellement trois typologies d’effets (Avignon, 2010);
Le tableau suivant met en évidence les manifestations possibles du risque en fonction des
conséquences potentielles qui y sont associées.
5
Tableau 1 – Types de manifestation du risque d’accident industriel majeur et effets
Source : CMMIC-EM
La gestion des risques est une « approche adoptée par une collectivité ou une organisation,
visant la réduction des risques et misant sur la prise en compte constante et systématique des
risques dans ses décisions administratives, dans la gestion de ses ressources ainsi que dans la
façon dont elle assume ses responsabilités » (SPQ, 2010). Il s’agit donc d’un modèle de gestion
axé sur la protection des personnes et des biens qui cherche à s’adapter aux réalités modernes
et complexes de nos sociétés. Comme les risques sont des éléments constituants de celles-ci,
ils sont à la fois complexes, diversifiés et dynamiques. Or, la gestion des risques est un modèle
qui doit être à même de répondre à cette réalité.
Dans ces circonstances, les risques industriels, de par les conséquences qu’ils peuvent
engendrer sur les personnes, les biens et l’environnement, constituent des enjeux importants
pour les sociétés modernes. Dans cette lignée, on voit de plus en plus se développer des
modèles de gestion visant à s’assurer de la maîtrise de ce type de risques.
En contrepartie, les installations à risques sont tenues d’identifier les dangers et les
conséquences potentielles découlant de leurs activités et de mettre sur pied leur propre
système de prévention des accidents pouvant avoir des conséquences sur la santé et la sécurité
de leurs travailleurs. Également, elles doivent participer conjointement avec les autorités
publiques à la mise en place de mesures de protection des citoyens en regard de leurs activités
(CRAIM, 2007, p 153). Plus spécifiquement, la collaboration avec les instances publiques pourra
se situer au niveau des efforts pour la réduction des risques à la source, la préparation aux
accidents (ex. : étude de vulnérabilité et plans d’urgence), la communication des risques, etc.
7
Ainsi, on comprendra que les municipalités, tout comme les installations à risques, ont
l’obligation d’élaborer des programmes de préparation aux mesures d’urgence. Toutefois, « les
deux types de programmes ne sont pas d’emblée complémentaires, d’où la très grande
importance d’une démarche conjointe » (CRAIM, 2007, p.20).
Afin de coordonner les efforts des acteurs du territoire en matière de gestion des risques
industriels majeurs, différents modèles de gestion peuvent être envisagés. À ce niveau, la
création d’un Comité Mixte municipalités-Industries (CMMI) s’avère une option particulièrement
intéressante. Effectivement, un CMMI consiste en un regroupement volontaire d’acteurs en
provenance de divers milieux (municipalités, entreprises, citoyens). De manière générale, les
CMMI « œuvrent notamment à réduire les risques d’accident industriel majeur, à améliorer
l’état de préparation des différents intervenants et à communiquer efficacement les risques à
la population » (Ville-MTL, 2011). Cependant, en fonction des réalités du milieu dans lequel est
créé un CMMI, les mandats et objectifs poursuivis pourront être sujets à quelques variantes.
Quoi qu’il en soit, les CMMI constituent des terrains d’échanges fertiles pour l’émergence d’un
réel partenariat entre les acteurs, notamment avec la communauté, dans une optique de
développement de gestion conjointe des risques industriels majeurs.
Pour guider les actions et les pratiques à adopter, un CMMI pourra se référer à l’expertise du
Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs (CRAIM). La mission du CRAIM est de
« favoriser la réduction de la fréquence et de la gravité des accidents industriels impliquant
des matières dangereuses, l’amélioration de l’état de préparation et d’intervention conjointe
des municipalités et de l’industrie » (CRAIM, 2004). Dans cette optique, le CRAIM propose une
approche concertée de gestion des risques industriels majeurs. L’organisme y consacre
d’ailleurs un ouvrage complet, intitulé le Guide de gestion des risques d’accident industriels
majeurs. Ce guide dresse un portrait détaillé d’un modèle de gestion basé sur un processus
conjoint de prévention des accidents et de préparation aux mesures d’urgence. Un des
principaux objectifs de ce document est de contribuer à « développer une approche commune
entre les personnes dont les activités ou les biens génèrent des risques, les services d’urgence
des municipalités, les citoyens et les autres parties prenantes. Le processus de gestion de
8
risques en question comprend les phases suivantes : la prévention, la préparation aux situations
d’urgence, l’intervention, le rétablissement et un processus continu de communication entre
tous les acteurs au cours du processus.
La section suivante propose un survol de la démarche du CRAIM pour la gestion des risques
d’accident industriels majeurs. Une attention particulière sera portée aux trois premières
phases du processus, soit la prévention, la préparation et l’intervention.
4.2 PRÉVENTION
Selon le guide de gestion des risques d’accident industriels majeurs du CRAIM, la prévention
comprend plusieurs étapes : l’Identification des activités génératrices de risques, la
détermination des risques, la maîtrise des risques et les mesures des contrôles, l’aménagement
du territoire et la gestion des risques résiduels.
Les mesures de protection sont définies de la façon suivante (CRAIM, 2007, p.33);
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Au niveau de la réalisation des scénarios normalisés d’accidents, le CRAIM établit des
paramètres spécifiques en fonction des substances, selon qu’il s’agisse de gaz, de liquides
toxiques ou inflammables. Ces paramètres serviront de table de référence pour l’évaluation
des rayons d’impacts pour les scénarios normalisés.
En somme, les résultats obtenus par l’entremise des scénarios normalisés d’accidents
permettront d’évaluer si le pire scénario d’accident industriel en provenance d’une installation
donnée est susceptible d’engendrer des conséquences hors des limites du site de l’incident.
Lorsque les résultats de l’analyse des conséquences des scénarios normalisés n’impliquent pas
de conséquences hors site, il est suggéré d’effectuer un relevé de l’historique des accidents sur
une période assez longue (minimalement de 5 ans) de l’installation en question ou des
installations présentant des similitudes (CRAIM, 2007, p.40). Ainsi, pour les installations qui,
suite à l’établissement du relevé, n’identifient aucun accident majeur, il n’est pas nécessaire
de poursuivre la réalisation des scénarios de conséquences.
Inversement, dans le cas où les résultats déterminent que les conséquences peuvent dépasser
les limites de l’installation, celle-ci devra procéder à l’analyse des scénarios alternatifs
d’accidents. Par ailleurs, d’autres critères peuvent inciter les entreprises à poursuivre le
processus de gestion des risques, par exemple lorsque la revue historique des accidents permet
de recenser un incident majeur pour l’installation en question ou lorsqu’il y a existence d’une
règlementation locale en la matière.
11
Dans la démarche proposée par le CRAIM, on retrouve d’une part l’analyse des risques puis,
dans un deuxième temps, l’évaluation du risque. Mentionnons que la présentation de ces deux
étapes sera effectuée par le biais d’une application aux installations industrielles fixes (ex. :
usine pétrochimique, site d’entreposage de matières dangereuses, etc.).
Dans cet ordre d’idée, le CRAIM propose la méthode des scénarios alternatifs d’accidents.
Ceux-ci représentent « l’accident le plus important pouvant subvenir pour une matière
dangereuse de la liste, détenue en quantité supérieure à la quantité seuil. Contrairement aux
scénarios normalisés, les scénarios alternatifs visent à « estimer les conséquences potentielles
d’accidents les plus susceptibles de se produire suite à une défaillance soit d’équipement, soit
de procédé, soit organisationnelle, soit humaine » (CRAIM, 2007, p. 53). Il s’agit d’une
approche déterministe « basée sur l’évaluation des conséquences d’accidents crédibles (ou
concevables) sans quantifier explicitement la probabilité de ces accidents » (CSC, 2010).
Cette méthodologie, élaborée pour la planification des mesures d’urgence, se base sur la
conception de rayons d’impacts. Ces derniers représentent un « secteur à l’intérieur duquel la
concentration dans l’air d’une matière dangereuse impliquée dans un accident ou le flux
thermique ou la surpression causée par un incendie ou une explosion atteint les niveaux de
danger » (CRAIM, 2007, p. 432). Pour la réalisation des rayons d’impacts, le CRAIM identifie des
seuils d’effets toxiques, thermiques ou de surpression selon les substances en présence dans les
installations concernées. Ces seuils permettront de définir les niveaux de danger, soit la «
concentration d’une matière dangereuse dans l’air suite à une émission, à un flux thermique en
cas d’incendie et/ou une onde de choc en cas d’explosion à partir desquels il peut y avoir des
dommages sérieux ou irréversibles à la santé et à la vie » (CRAIM, 2007, p.431).
12
Pour ce faire, divers outils ont été développés afin d’estimer les effets dus à l’exposition à des
phénomènes impliquant des substances dangereuses. Parmi les plus utilisés au Canada, on
compte les ERPG Emergency Response Planning Guidelines (ERPG) et les Acute Exposure
Guideline Levels (AEGL) (voir annexe 1).
Dans le processus global de gestion des risques industriels majeurs, « l’identification des
scénarios alternatifs d’accidents et l’estimation de leurs conséquences sont des étapes
cruciales » (CRAIM, 2007, p.53). En effet, ce type d’analyse comporte plusieurs avantages.
Entre autres, les résultats obtenus pourront servir de base à la préparation de plans
d’intervention pour les situations d’urgence. Dans le but d’assurer une réponse rapide et
adéquate en cas d’accident, ces plans pourront être ajustés avec ceux des autres intervenants
(municipalités, entreprises, sécurité civile, etc.). Puis, la communication des résultats de ce
type d’analyse pourra servir à informer le public, d’abord sur les risques inhérents à son milieu
de vie, mais aussi sur les mesures prises par les installations et les municipalités dans le but de
réduire et prévenir le risque (CRAIM, 2007, p.52).
13
4.2.2.3 Évaluation des risques
Cette deuxième étape du volet de la détermination des risques consiste à procéder à
l’évaluation, c’est-à-dire à porter un jugement sur son acceptabilité en fonction des résultats
de l’analyse de risque (CRAIM, p. 67). La notion d’acceptabilité du risque sera variable en
fonction des données concernant, entre autres, la gravité des conséquences qu’il peut
engendrer et de sa probabilité d’occurrence, mais aussi en fonction d’éléments de nature plus
subjective comme la perception du risque par un individu ou une collectivité. Donc, pour
évaluer le risque de manière objective, des critères d’acceptabilité devront être déterminés
préalablement à l’étape de l’analyse de risques (voir tableau suivant). Pour ce faire, les parties
concernées par la gestion des risques devront définir ce qu’est un risque acceptable, tolérable
et inacceptable.
14
4.3 Maîtrise des risques et mesure de contrôle
Les installations qui manufacturent, entreposent, transportent ou utilisent des substances
dangereuses mettent sur pied des mesures de sécurité et de contrôle internes. Comme on le
verra plus loin dans la section portant sur le cadre règlementaire de la gestion des risques
industriels, ces entreprises sont assujetties à différents dispositifs légaux qui orientent leurs
pratiques, notamment en matière de sécurité opérationnelle des installations. De manière
complémentaire, la démarche du CRAIM recommande de pousser plus loin les mesures
traditionnelles de sécurité et mesures de contrôle dans le but de prévenir les risques à la
source en appliquant des concepts de sécurité intrinsèque. Voici les différentes méthodes que
les organisations pourront adopter (CRAIM, 2007, p.91) ;
- Sécurité intrinsèque : vise la réduction ou l’élimination des risques à la source par des
modifications aux installations, aux équipements et aux procédures.
- Sûreté des lieux : cherche à assurer la sécurité au niveau des actes de malveillance
(vandalisme, terrorisme, etc.).
- Sécurité opérationnelle : corresponds à l’application des principes aux systèmes de gestion
pour l’identification, la compréhension et le contrôle des dangers reliés au procédé pour
prévenir les préjudices de toute nature et les accidents.
- L’approche du Nœud papillon : méthode permettant de visualiser à la fois les mesures de
protection, de prévention, pour la réduction de probabilités et des conséquences liées aux
scénarios d’accident.
15
différentes entités municipales (municipalités régionales de comté, communautés
métropolitaines, municipalités).
À cet effet, la méthodologie développée par le Conseil canadien des accidents industriels
majeurs (CCAIM)1 définit « des zones d’occupation du territoire en fonction du risque individuel
de décès suite d’un accident industriel majeur » (CSC, 2010). En d’autres termes, elle vise à «
mesurer la sévérité des accidents potentiels, mais aussi à estimer la probabilité qu’ils se
produisent » (CRAIM, 2007, p.116). Donc, contrairement à la méthodologie pour l’estimation
des rayons d’impacts du CRAIM, celle du CCAIM se base sur une approche probabiliste. La
présente méthode « est plus complète que la déterministe mais plus complexe, plus
fastidieuse, plus longue et plus chère » (Ibid). En outre, le calcul des probabilités liées à un
possible accident et ses conséquences peut faire l’objet de certaines critiques. Cependant,
cette méthodologie demeure actuellement l’une des plus utilisées au Québec pour l’intégration
des risques industriels à l’aménagement du territoire.
1
Cette organisation a été dissoute en 1999. Le CRAIM est issu du CCMAI, celui-ci constituait l’aile
provinciale de ce comité lorsqu’il existait.
16
Figure 4– Méthodologie du CCAIM pour l’aménagement du territoire
Plusieurs autres approches ont été développées pour la prévention et de préparation aux
risques d’accident industriels. Entre autres, mentionnons celle de l’OCDE (prévention,
préparation et intervention en matière d’accidents chimiques), l’approche SEVESO en France
ainsi que celle de l’Angleterre pour l’aménagement du territoire (HSE : Health and Safety
17
Executive). Même si le contexte d’application de ces méthodes diffère d’un pays à l’autre, les
expériences étrangères dans ce domaine peuvent s’avérer une source d’inspiration intéressante
pour le développement des pratiques québécoises.
L’étude de la possibilité de la mise sur pied d’une approche par scénarios préétablis
pour les installations simples (ex. : distribution de propane, système de réfrigération à
l’ammoniac ou d’injection de chlore gazeux pour le traitement de l’eau potable).
18
4.5.1 Études de vulnérabilité
L’étude de vulnérabilité est complémentaire aux différentes étapes de la prévention des
risques, à la différence que « l’étude de vulnérabilité vise l’amélioration de la planification des
mesures d’urgence et non pas seulement la prévention » (CRAIM, 2007, p.129). Elle se définit
comme étant « l’examen des résultats de l’analyse de risques et de la capacité à réagir d’un
organisme (municipalité, installation ou autre autorité gouvernementale) devant intervenir lors
d’un sinistre lié à ces risques » (CRAIM, 2007, p.129). Également, ce type d’étude pourra
constituer la base d’une planification de mesures d’urgence efficaces en fonction des
conséquences possibles des risques traités dans les analyses précédentes (Ibid).
Selon la démarche du CRAIM, l’étude de vulnérabilité comprend les étapes suivantes, réparties
dans le processus global de gestion des risques;
Quant à l’estimation des conséquences, elle servira entre autres à « répertorier les
barrières de sécurité qui agissent sur la sévérité des conséquences (mesures
d’atténuation) et d’en tenir compte dans l’évaluation des conséquences que la
19
préparation des mesures d’urgence devra englober (conséquences résiduelles) (CRAIM,
2007, p.130)
L’analyse de la capacité à réagir s’effectue après l’analyse des risques. Celle-ci vise à
estimer la capacité des différents acteurs (municipalités, industries, citoyens, etc.) à
intervenir en cas de situations d’urgences. En ce sens, « la capacité à intervenir est
directement liée à la disponibilité et à la qualité des ressources, aux procédures
d’urgence en place, à l’expérience des parties prenantes (intervenants, population,
etc.) et au niveau de la coordination et de communication entre celles-ci (Ibid). Par
ailleurs, on portera une attention particulière à l’état de la coordination et de la
communication entre les parties prenantes (Ibid).
20
Figure 6 - Exemple d’analyse de vulnérabilité
En somme, l’étude de risque fournit des informations importantes sur les dangers auxquels fait
face une organisation ainsi que sur la capacité de celle-ci à réagir face à une situation
d’urgence (CRAIM, 2007, p.428). De manière complémentaire, l’évaluation de la vulnérabilité
fournit des informations nécessaires à la réalisation d’un plan d’urgence. Ainsi, l’étude des
vulnérabilités fournit de précieuses informations qui seront utilisés dans le but « d’élaborer un
plan d’action adapté aux besoins réels de l’organisation et de mieux orienter les efforts dans
les phases subséquentes de planification de la gestion des risques et/ou de la sécurité civile »
(CRAIM, 2007, p.132).
Une situation d’urgence affecte généralement le déroulement normal des activités et demande
la mise en place de mesures inhabituelles. Par exemple, dans ce genre de situations, les
intervenants et les décideurs possèdent bien souvent un très court délai pour la prise de
décision, doivent faire face à un manque de ressources, de personnel ainsi que des moyens de
21
communication parfois altérés. En ce sens, la confusion qu’impliquent de telles circonstances
peut contribuer à aggraver les conséquences d’un incident. C’est pour cela qu’une «
planification et une préparation adéquate par rapport aux différentes situations d’urgence
potentielles sont essentielles pour diminuer ces risques » (Ibid).
Afin de pallier à ces éventualités et de s’assurer d’un plan d’urgence efficace, il est
souhaitable d’impliquer des représentants de l’ensemble des secteurs concernés par les
risques. Ainsi, afin de bénéficier de la connaissance et de l’expertise de tous les acteurs, l’on
privilégiera la composition d’équipes multidisciplinaires pour le programme de mesures
d’urgence. Cela s’applique à la fois la planification interne et externe de l’entreprise
génératrice de risque. En effet, « l’installation doit travailler de concert avec les autorités
locales et différentes organisations concernées pour assurer une meilleure intervention lors
d’une situation d’urgence ». De plus, « la concertation est très importante, tant le travail de
réflexion préalable que lors des phases actives » (Ibid).
Selon le modèle proposé par le CRAIM, un plan d’urgence efficace devrait contenir, à tout le
moins, les éléments suivants.
Mesures à adopter dans les différentes phases du processus global de gestion de risques
-Le plan doit contenir l’ensemble des mesures de prévention, notamment celles visant
à réduire les probabilités d’occurrence (barrières de prévention) ainsi que celles
pouvant réduire les conséquences (barrières de protection).
-On devrait également y retrouver les différentes mesures adoptées pour la
préparation : soit les formations, les exercices de simulation de situations d’urgences,
la mise à jour du plan d’urgence, etc.
-Le plan devra également comprendre des informations détaillées des mesures prévues
pour l’intervention adaptée aux différents types de scénarios d’accidents possibles
(fuite de gaz, explosion, déversement de substances dangereuses, acte terroriste,
etc.).
-En ce qui concerne l’étape du rétablissement, on y précisera notamment les mesures
pour la caractérisation des éléments affectés (ex. : sol, air, eau, etc.) ainsi que celles
22
visant l’inspection et la réparation des infrastructures dans le but d’assurer leur
sécurité.
Formation
Une autre facette importante du plan d’urgence est la formation du personnel
d’intervention. En effet, l’efficacité du plan dépendra de la capacité des intervenants
à gérer les situations d’urgences. C’est pourquoi les personnes devant jouer un rôle
déterminé dans le plan d’urgence devraient suivre une formation adéquate qui leur
permet de mieux remplir les exigences qui leur sont assignées. D’autre part, les
personnes susceptibles d’être présentes sur le site de l’installation (employés,
entrepreneurs, visiteurs, etc.) pouvant provoquer un accident industriel majeur
devront être informées des mesures prévues par le plan. Par exemple, la formation
pour les employés pourra être orientée vers les fonctionnements des systèmes d’alerte,
des mesures d’évacuations, d’une structure de commandement, de coordination et de
procédures d’intervention, etc.
Alerte
Puis, le plan d’urgence devra mentionner les mesures adoptées dans le but d’alerter et
d’informer les employés, les intervenants internes et externes pour les mesures
d’urgence, la population potentiellement touchée, etc.).
23
Évaluation du plan d’urgence
Dans le but d’évaluer l’efficacité globale des mesures prévues dans le plan d’urgence,
les exercices de simulation s’avèrent des outils indispensables. Effectivement, la mise
en œuvre simulée du plan sera l’occasion pour les « participants de mettre en pratique
les apprentissages théoriques, de se familiariser avec leurs rôles et responsabilités en
situation d’urgence et de valider les différentes procédures établies dans le plan
d’urgence » (CRAIM, 2007, p.147). La mise à l’essai du plan pourra porter sur des
éléments spécifiques (ex. : système d’alerte, outils d’intervention, etc.). Par ailleurs,
la simulation du déploiement du plan d’urgence facilitera l’évaluation des ressources
prévues (humaines, matérielles), en plus de permettre l’identification et l’amélioration
d’éléments spécifiques, plus difficilement perceptibles dans d’autres circonstances. Par
ailleurs, la mise en pratique du plan, en plus de favoriser le travail d’équipe et la
communication entre les divers intervenants, aura aussi des effets bénéfiques au
niveau de la crédibilité des entreprises génératrices de risques auprès des instances
publiques (CRAIM, 2007, p. 148). En somme, les exercices de simulation servent en
quelque sorte de complément à la formation des intervenants et, de ce fait,
contribuent grandement à l’amélioration de la capacité de réponse en cas de situation
d’urgences.
Communication
L’aspect communicationnel du plan d’urgence, jusqu’ici peu abordé, constitue un outil
de gestion essentiel à l’efficacité de l’intervention en réponse à une situation
d’urgence. Effectivement, une stratégie de communication d’urgence bien planifiée
contribuera à la maîtrise des évènements tout en s’assurant de diminuer les
éventuelles réactions de panique (BEAUBIEN, 2008). Dans le cas contraire, des
dysfonctionnements importants au niveau des courroies de communication prévues
dans le plan pourraient donner lieu à des conséquences aggravantes (inefficacité et
retard dans l’intervention, panique, etc.).
24
COMMUNICATION DES RISQUES
La gestion des risques constitue une démarche préconisant la concertation entre les différents
acteurs du milieu concernés par les risques. En ce sens, il s’agit d’un modèle de gestion où la
consultation et la communication entre les acteurs sont fondamentales. En effet, dans le
processus de gestion des risques, « le dialogue et la communication des risques contribuent
directement à prévenir ou à atténuer les conséquences des sinistres » (Maisonneuve et al.
2005, p.7). Dans cette optique, « la communication des risques ne doit être considérée comme
un processus isolé, mais doit plutôt s’inscrire dans un cadre de communication et une
démarche beaucoup plus larges » (Ibid). À ce niveau, « les mécanismes mis en place doivent
favoriser le dialogue entre l’ensemble des acteurs de la communauté à toutes les étapes du
processus de gestion des risques », soit la prévention, la préparation, l’intervention et le
rétablissement (Ibid). Cette façon de faire facilitera l’établissement de relations de partenariat
et de concertation et de collaboration entre les acteurs (Ibid). Par ailleurs, la communication
des informations portant sur les risques facilitera la mise en place des différentes mesures de
réduction de ceux-ci et l’adoption de mesures sécuritaires. À cet égard, « le niveau de prise de
conscience des risques est un facteur qui influe - positivement ou négativement – sur le degré
de vulnérabilité d’une personne ou même d’une communauté » (Maisonneuve, p.5). En ce sens,
il est possible d’avancer que les populations sont davantage vulnérables lorsqu’elles n’ont pas
conscience des dangers qui les menacent. En somme, la communication apparaît clairement
comme un élément-clé par lequel le succès de la mise en œuvre du processus de gestion de
risques dépend.
La communication des risques peut être définie comme étant un « processus interactif et
multilatéral qui engage tout autant les citoyens que les autres intervenants, face à un risque
d’accident industriel majeur » (CRAIM, 2007, p.153). En ce sens, « les décideurs doivent tenir
compte du niveau de connaissance, des préoccupations, fondées ou non, et des perceptions du
public face à une situation donnée » (Ibid).
25
en situation d’urgence (accident industriel majeur, dans le cas qui nous concerne ici)
après une urgence (période d’évaluation et de rétablissement de la situation à la
normale).
Source : CRAIM, 2007, p.153.
Au Québec, tout comme au Canada, il n’existe pas de cadre règlementaire général pour la
gestion des risques industriels. La structure légale actuelle se caractérise plutôt par une
26
gestion sectorielle des risques qui répondent aux problématiques des différents secteurs
d’activités. Même si un avancement notable a été réalisé au cours des dernières années,
notamment grâce à l’application de nouvelles règlementations, il reste que le cadre législatif
actuel demeure insuffisant pour l’atteinte d’une gestion intégrée des risques industriels. En ce
sens, l’intégration des risques industriels dans l’aménagement du territoire est un des
différents enjeux auquel la législation actuelle peine à répondre.
Dans le but de mieux saisir l’état de la situation des risques industriels au pays, la partie qui
suit comprend d’abord un court survol des lois et règlements canadiens et québécois. Il sera
ensuite question d’aborder la question de l’intégration des risques industriels dans
l’aménagement du territoire au Québec par le biais des dispositions de la Loi sur
l’aménagement et l’urbanisme.
27
assujettit certains projets particuliers pouvant avoir des impacts considérables sur
l’environnement et susceptibles de soulever des préoccupations chez la population à une
évaluation environnementale ainsi qu’à l’obtention d’un certificat d’autorisation du Conseil des
ministres. Cette procédure, qui est précisée par le Règlement sur l’évaluation et l’examen des
impacts sur l’environnement, comprend la liste des projets obligatoirement assujettis 2 ainsi
que le contenu des études d’impacts. À titre d’exemple, cette liste comprendra certains
projets industriels, d’infrastructures (autoroute, échangeurs, etc.), de centrales
hydroélectriques, de barrages, de lieux d’élimination des déchets, etc.
Depuis 1995, certaines modifications ont été apportées à la Loi sur la qualité de
l’environnement afin d’assurer l’assujettissement des projets industriels et miniers (voir Loi
modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement, c.45 des lois de 1995). En ce qui concerne
le contenu de l’étude d’impact, les directives proviennent directement du ministre du
Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.
D’autre part, l’évaluation environnementale (ÉE) peut être perçue « comme un cadre, utilisé
par l’État, pour réguler et arbitrer les différents intérêts portés par les acteurs sociaux, locaux
comme nationaux, à l’égard de grands projets » (Fortin, M.J., 2009). En effet, ce règlement
comprend un dispositif de consultation public mené par un organisme indépendant, le Bureau
d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Cet appareil de consultation servira
notamment de tribune aux différents acteurs concernés par un projet donné (entreprises,
gouvernements et autres autorités publiques, organisations environnementales, citoyens, etc.).
Cette démarche favorise la réalisation de projets qui répondent aux attentes et aux critères
d’acceptabilité du milieu d’accueil. À titre d’exemple, en matière de risques industriels, cet
appareil tiendra compte de la diversité des préoccupations des divers acteurs face à un projet
donné, comme c’est le cas pour l’aménagement du territoire en périphéries des sites
industriels.
2
Pour la liste des projets assujettis pour le Québec méridional, voir :
http://www.mddep.gouv.qc.ca/evaluations/cadre.htm#listesud
28
6.2.2 Loi sur la sécurité civile
Cette loi vise « la protection des personnes et des biens contre les sinistres. Cette protection
est assurée par des mesures de prévention, de préparation des interventions, d'intervention
lors d'un sinistre réel ou imminent ainsi que par des mesures de rétablissement de la situation
après l'événement » (L.S.C., Art.1). Ce texte de loi prévoit des dispositifs de planification et de
préparation à différents échelons de gouvernance en cas de situation de sinistre majeur. Elle
crée d’ailleurs des obligations pour les personnes, les autorités régionales et locales, les
générateurs de risques et le gouvernement. En ce sens, le ministre de la Sécurité publique se
doit de procéder à l’élaboration et la mise à jour d’un plan national de sécurité civile (PNSC)
avec la collaboration des autres ministres et dirigeants d’organismes gouvernementaux jugés
pertinents (L.S.C., Art .80). Les principaux objectifs du PNSC sont de prévenir les sinistres
majeurs ou pour tenter d'en atténuer les conséquences; d’assurer l’amélioration du niveau de
préparation ainsi que de favoriser la concertation en cas d'intervention et pour accélérer le
rétablissement.
Le schéma de sécurité civile constitue un outil de planification régionale. En lien avec l’article
16, « les autorités régionales, à savoir les municipalités régionales de comté […] doivent, en
liaison avec les municipalités locales qui en font partie, et en conformité avec les orientations
déterminées par le ministre, établir un schéma de sécurité civile fixant, pour tout leur
territoire, des objectifs de réduction de leur vulnérabilité aux risques de sinistre majeur ainsi
que les actions requises pour les atteindre » (L.S.C., Art.16).
29
celui de l'autorité qui a élaboré le schéma, mais qui est exposé à un risque inventorié » (L.S.C.,
Art.26).
Il faut toutefois préciser que la réalisation du schéma de sécurité civile devient obligatoire
uniquement suite à une demande formelle du ministre envers l’autorité régionale tel que le
stipule l’article 192 : « Les autorités régionales et locales ne sont pas tenues aux obligations
relatives à l'établissement du schéma de sécurité civile avant la notification d'un avis du
ministre à cet effet à l'autorité régionale dans les 18 mois de la publication des premières
orientations ministérielles qui leur sont destinées ou, à défaut d'avis, avant l'expiration de ce
délai » (L.S.C., Art.192). De telles orientations n’ont jamais été publiées de telle sorte que les
schémas de sécurité civile et tout ce qui en découle n’ont jamais été implantés formellement
en vertu d’un processus global.
À l’instar des MRC, les municipalités locales détiennent divers dispositifs légaux visant à assurer
la sécurité des citoyens de leur territoire face aux risques d’accident industriels majeurs. En
premier lieu, le Plan de sécurité civile constitue l’outil de planification des municipalités
locales en ce qui concerne l’organisation des opérations de prévention, de préparation,
d'intervention ou de rétablissement prévus dans le schéma de sécurité civile.
En outre, les municipalités possèdent théoriquement les pouvoirs légaux permettant d’assurer
la divulgation des risques de sinistres majeurs et des mesures prises par les entreprises
génératrices afin d’en réduire la probabilité et les conséquences. À cet effet, les municipalités
ont la responsabilité de « s’assurer que les acteurs concernés déclarent les risques de sinistres
majeurs qui émanent de leurs installations, notamment industrielles » (Blesius, 2010). Pour ce
faire, l’article 8 prévoit que « toute personne dont les activités ou les biens sont générateurs
de risque de sinistre majeur est tenue de déclarer ce risque à la municipalité locale où la
source du risque se situe » (L.S.C, Art.8). Cette déclaration doit comprendre la nature et
l’emplacement de la source du risque et des conséquences prévisibles associés à son
avènement. De plus, elle doit faire état des mesures prises par le générateur de risque dans le
but de réduire la probabilité et les conséquences d’un sinistre majeur. À cet égard, les
activités et les biens générateurs de risque de sinistre majeur au sens de la présente loi doivent
être définis par règlement du gouvernement. Or, bien que l’article 8 amène les générateurs de
risques à fournir des informations sur leurs activités et les risques qui s’y rattachent, le
règlement du gouvernement sensé appuyer cet article est inexistant, rendant ainsi
techniquement inopérant les pouvoirs des municipalités locales en la matière.
30
Toujours en regard de la Loi sur la sécurité civile, les municipalités disposent d’un pouvoir
d’inspection des sites générateurs de risques (L.S.C., Art.53). Toutefois, il est prévu dans la
législation que ces pouvoirs pourront être déployés qu’en cas où « la vie, la santé ou l'intégrité
des personnes serait menacée par un sinistre majeur » (L.S.C. Art.54). Dans ces circonstances,
l’accès aux renseignements scientifiques, techniques devra leur être accordé.
En denier lieu, mentionnons que les conseils municipaux respectifs ont le pouvoir de décréter
l’État d’urgence. Cela pourra se faire « lorsqu'un sinistre majeur, réel ou imminent, exige, pour
protéger la vie, la santé ou l'intégrité des personnes, une action immédiate qu'elle estime ne
pas pouvoir réaliser adéquatement dans le cadre de ses règles de fonctionnement habituelles
ou dans le cadre d'un plan de sécurité civile applicable » (L.S.C. Art.42).
Par ailleurs, conformément à l’article 8, « les autorités régionales […] doivent, en liaison avec
les municipalités locales qui en font partie, et en conformité avec les orientations déterminées
par le ministre, établir un schéma de couverture de risques fixant, pour tout leur territoire,
des objectifs de protection contre les incendies et les actions requises pour les atteindre »
L.S.I., Art.8).
31
6.2.4. Loi sur la santé et la sécurité du travail
Cette loi vise la protection des travailleurs et l'élimination des dangers à la source. Selon
l’article 51, « l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et
assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur » (L.S.S.T., Art.51). Pour ce faire,
différentes actions doivent être mises de l’avant. On procédera notamment à l’utilisation de
méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la
santé et la sécurité du travailleur (L.S.S.T., Art.51). Également, on s’assurera que l'émission
d'un contaminant ou l'utilisation d'une matière dangereuse ne porte atteinte à la santé ou à la
sécurité de quiconque sur un lieu de travail (L.S.S.T., Art.51).
Par ailleurs, même si cette loi ne prévoit aucun mécanisme de communication des risques à
l’externe, le contrôle interne découlant de l’ensemble des mesures et dispositions prises par
l’employeur pour assurer la santé et sécurité des travailleurs a un impact positif sur la sécurité
même des citoyens vivant à proximité des installations sources de risques.
Compte tenu de ce qui précède, il est essentiel de souligner que dans un tel contexte on
accorde un rôle important aux initiatives de diverses organisations spécialisées dans le domaine
de la gestion des risques et qui ne relèvent pas nécessairement des instances publiques (ex. :
Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs, Comités mixtes municipalités
industries, organisations citoyennes, etc.). Ces initiatives, omniprésentes dans certaines
régions du Québec, notamment à Montréal, ne sont toutefois pas encadrées par règlement, ce
32
qui limite l’engagement des acteurs du milieu dans la gestion des risques. Elles permettent
toutefois, en travaillant avec des équipes multidisciplinaires et les citoyens de faire avancer
l’état de protection face aux risques technologiques à plusieurs niveaux (évolution des
techniques d’évaluation des risques, communication des risques et préparation à la sécurité
citoyenne, réflexion sur l’évolution de la législation, etc.).
Quoi qu’il en soit, contrairement à plusieurs pays européens, le Canada et le Québec accusent
un retard important en ce qui concerne l’intégration des risques industriels à l’aménagement
du territoire. À ce niveau, le cadre législatif et règlementaire actuel ne fournit pas toujours
aux autorités municipales les outils nécessaires pour arriver à prendre en considération le
risque d’accident industriel majeur dans les questions d’aménagement.
33
certaines circonstances (défaillance technologique, explosion, contamination, etc.), de mettre
en péril la santé, la sécurité ainsi que leur bien-être des personnes et de causer des dommages
importants aux biens situés à proximité » (MAMROT, 2011). Ainsi, les activités industrielles qui
utilisent, produisent ou entreposent des matières dangereuses seront considérés comme
pouvant impliquer des contraintes majeures pour l’occupation du sol. On différenciera
d’ailleurs deux types de contraintes pouvant découler d’une situation de proximité avec une
installation impliquant des contraintes majeures :
-Des nuisances (fumée, poussière, odeur, vapeur, gaz, radiation, bruit) tellement importantes
que ses répercussions sur le bien-être des citoyens, sur leur santé et leur sécurité, entraînent,
à une certaine distance de la source, un dommage permanent et continu.
-Des risques pour la sécurité ou la santé des citoyens lorsqu'il y a risque d'accident impliquant
des conséquences graves.
Donc, la prochaine section consiste à faire ressortir les différents outils de planification et de
gestion du territoire issu de la L.A.U. qui permettent aux autorités d’effectuer un certain
contrôle sur la prévention des risques d’accident industriels. On s’attardera notamment aux
mécanismes réglementaires permettant la maîtrise de l’urbanisation aux abords des sites
industriels fixes.
34
7.2. Schéma d’aménagement et de développement (SAD)
Le SAD est un outil de planification qui établit les grandes orientations régionales en matière
d’aménagement du territoire. La réalisation du schéma revient aux MRC qui, selon l’article 7
de la L.A.U., doit adopter et maintenir en tout temps un tel document applicable à l’ensemble
de son territoire. Au niveau de son contenu, le schéma d’aménagement et de développement
doit :
Déterminer les grandes affectations du territoire pour les différentes parties de celui-
ci ;
Déterminer tout périmètre d’urbanisation ;
Déterminer toute zone où l’occupation du sol est soumise à des contraintes
particulières pour des raisons de sécurité publique, telle une zone d’inondation,
d’érosion, de glissement de terrain ou d’autre cataclysme, ou pour des raisons de
protection environnementales des rives, du littoral et des plaines inondables ;
Déterminer les voies de circulation dont la présence, actuelle ou projetée, dans un lieu
fait en sorte que l’occupation du sol à proximité de ce lieu est soumise à des
contraintes majeures pour des raisons de sécurité publique, de santé publique ou de
bien-être général ;
Déterminer toute partie du territoire présentant pour la municipalité régionale de
comté un intérêt d’ordre historique, culturel, esthétique ou écologique ;
Décrire et planifier l’organisation du transport terrestre ;
Énoncer une vision stratégique du développement culturel, économique,
environnemental et social visant à faciliter l’exercice cohérent des compétences de la
municipalité régionale de comté.
Inclure un document complémentaire : celui-ci vise à préciser les règles et les
obligations auxquelles devront se conformer les municipalités dont le territoire est
compris dans celui de la MRC lors de l'élaboration de leur plan et de leurs règlements
d'urbanisme.
Les dispositifs obligatoires prévus dans le schéma permettront de prendre en considération les
risques d’accident industriels de manière préventive. C’est d’ailleurs le cas avec la
délimitation des périmètres d’urbanisation puisque ceux-ci auront une influence sur la
croissance, la concentration et la diversité des fonctions urbaines. D’autre part, l’obligation
d’identifier les zones où l’occupation du sol est soumise à des contraintes particulières et
majeures pour les voies de transport pour des raisons de sécurité publique amène les
municipalités à prendre connaissance des risques présents sur son territoire.
35
7.3. Plan d’urbanisme (PU)
Le plan d'urbanisme est un document de planification qui établit les lignes directrices de
l'organisation spatiale et physique d'une municipalité locale tout en présentant une vision
d'ensemble de l'aménagement du territoire auquel il s’applique. Le plan constitue un outil de
planification local qui, tel que le stipule l’article 33, doit s’arrimer avec le schéma
d’aménagement et de développement de la MRC. Par le fait même, il donne aux municipalités
les moyens « d’assurer une cohérence entre les choix d’intervention dans les dossiers sectoriels
(ex., habitation, commerce, transport, protection de l’environnement, loisirs, équipements
municipaux) tout en tenant compte des potentiels et des contraintes d’aménagement du milieu
naturel et bâti ainsi que des préoccupations et des attentes formulées par les citoyens et les
organismes lors de la consultation publique » (MAMROTT, 2011). Ainsi, le plan contiendra les
intentions des municipalités en matière de règlementation, notamment pour le zonage,
lotissement, contrôle intérimaire, les nuisances, les usages dérogatoires, projets particuliers,
etc.
Certaines de ces dispositions offrent des pouvoirs aux autorités municipales quant au contrôle
des usages en fonction des contraintes du territoire, notamment de nature anthropique. Voici
les principales.
36
d’occupation du sol. En outre, il servira au regroupement des usages en fonction de différents
critères (environnementaux, fonctionnels, esthétiques et socio-économiques). Plus
particulièrement, les critères environnementaux et physiques considérés en fonction des
nuisances, des risques et des caractéristiques globales associés aux usages et constructions
(Urbanité, 2007). Ainsi, il est spécifié que le règlement octroie à la municipalité des pouvoirs
de prohibition sur les usages, construction ou ouvrages qui peuvent faire en sorte que
l’occupation du sol soit soumise à des contraintes majeures pour des raisons de sécurité
publique, de santé publique ou de bien-être général (L.A.U., Art. 113).
Outre les pouvoirs de prohibition, ce règlement permet la mise en place de dispositifs qui
viseront à diminuer et éviter les impacts liés aux nuisances et aux risques découlant de la
cohabitation des usages. Parmi ceux-ci, mentionnons le contingentement des usages, la
présence d’espaces libres, les zones tampons, les droits acquis, les règles d’extension des
activités, etc.
37
restrictifs au niveau du contrôle de l’utilisation du sol que ceux issus de règlements de zonage,
de lotissement, de construction. Ayant un rôle essentiellement préventif, les mesures de
contrôle intérimaire pourront permettre d’éviter une certaine amplification de certains conflits
d’usages. En effet, ce dispositif procure aux municipalités la possibilité de procéder à un gel
temporaire sur l’aménagement et le développement de certains usages et parties du territoire.
Le délai engendré par l’arrêt des activités favorisera un meilleur encadrement des usages et de
leurs impacts par exemple par l’acquisition de nouvelles connaissances et de consensus
politiques.
À la lumière de ces propos, il ressort que certaines dispositions prévues dans la Loi sur
l’aménagement et l’urbanisme peuvent être utilisées comme moyen de prévention face à des
risques d’accident industriels majeurs. Cette loi fournit aux autorités régionales et locales
certains pouvoirs habilitants au niveau du contrôle des usages. L’intégration de la notion de
contraintes anthropiques majeures permet de planifier l’aménagement du territoire de
manière à prendre en considération les risques industriels. La maîtrise de l’urbanisation aux
pourtours des sites industriels impliquant des risques majeurs constitue un outil de prévention
important pour éliminer ou mitiger les risques industriels. Toutefois, les dispositifs de gestion
du territoire compris dans la L.A.U., notamment le schéma d’aménagement et de
développement et le plan d’urbanisme n’ont pas d’effet juridique sans la présence de
règlements d’urbanisme. Or, la L.A.U. ne contient aucun règlement spécifique portant sur les
risques industriels majeurs, ni par rapport aux distances appropriées entre les sites industriels
à risque et la population civile. Cela a comme conséquence de restreindre le pouvoir des
autorités municipales en matière d’intégration des risques industriels dans l’aménagement du
territoire.
Les enjeux auxquels doivent faire face les municipalités sont aussi liés à l’absence de règles
commune en matière d’aménagement du territoire (ex. : distances séparatrices préétablies
entre industries à risques et résidences). Dans cet ordre d’idée, il peut être pénalisant pour
une municipalité d’appliquer unilatéralement une disposition restrictive, telle que des zones
séparatrices entre des usages différents. Dans ce cas, la municipalité devra bien souvent
assumer les coûts d’achats du terrain et la perte de revenus fiscaux qui y sont associés. Pour la
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ, 2009), « ce manque à gagner
pourrait expliquer pourquoi les municipalités laissent parfois les promoteurs immobiliers
construire des résidences à proximité des sites industriels générateurs de risques industriels ou
38
de nuisances (Ibid). Bref, on constate que pour différentes raisons, les municipalités n’utilisent
pas toujours les outils législatifs que leur offre le cadre législatif actuel, spécialement la L.A.U.
D’autre part, les risques d’un territoire donné sont des informations importantes à considérer
lors de la planification urbaine et de l’aménagement du territoire. Dans cette lignée la Loi sur
l’Aménagement et l’urbanisme fournit certaines dispositions légales pour la gestion du
territoire qui prennent en compte les contraintes anthropiques majeures. Malgré cela il a été
vu que l’information sur les risques d’accident industriels n’est pas toujours accessible pour les
municipalités. En conséquence, il arrive que celles-ci se retrouvent dans une situation
inconfortable puisqu’elles doivent assurer à la fois la valorisation et le développement du
territoire, mais également la sécurité de ses citoyens. En outre, les pouvoirs d’aménagements
octroyés par la L.A.U. ne fournissent pas les outils et l’expertise aux municipalités pour y
intégrer les risques industriels. Ainsi peut-on dire qu’il existe une déconnexion importante
entre la gestion du sol et la gestion des risques. Tout compte fait, la situation législative ne
fournit pas actuelle de cadre clair de prise de décision.
39
Tout bien considéré, la révision de la Loi sur la sécurité civile et de la Loi sur l’aménagement
du territoire constitue l’occasion idéale de jeter les bases au développement d’une culture de
sécurité civile en visant une réglementation favorisant l’intégration des risques industriels dans
l’aménagement du territoire. À ce niveau, les expériences étrangères en matière de législation
intégrant les risques industriels à l’aménagement du territoire, particulièrement en France et
en Angleterre, peuvent servir d’inspiration dans le but de développer une structure légale qui
répondra aux réalités canadienne et québécoise.
40
Dans le cadre de ce document, cette zone servira de terrain d’étude pour lequel sera abordée
la question de la gestion des risques industriels.
D’ailleurs, l’effervescence actuelle du secteur résidentiel se constate aussi par les divers
projets d’envergure en cours ou en voie de réalisation partout sur le territoire (ex. : projet
résidentiel Faubourg Pointe-aux-Prairies (400 M$), Faubourg Contrecœur (300 M$),
Développement résidentiel Marc-Aurèle-Fortin (100M$), et autres (Ville-MTL, 2011). Également,
l’Est de Montréal peut miser sur d’importants projets de transport, (ex. : train de l’Est et le
prolongement de l’autoroute A-25) qui contribueront à faciliter les déplacements des
personnes tout en rendant le territoire plus accessible. Dans ces circonstances, on peut
3
Selon le Profil sociodémographique de Montréal-Est, édition 2009.
41
présager une certaine continuité, voir une augmentation de la tendance actuelle de
développement en ce qui concerne les zones résidentielles dans cette partie de l’Ile-de-
Montréal.
L’arrondissement d’Anjou possède, quant à lui, le deuxième plus grand parc industriel
de l’Île (après Saint-Laurent) où se concentrent environ 500 entreprises, dont plusieurs
sièges sociaux, œuvrant dans des domaines très diversifiés et employant plus de 22 000
personnes (Association des industriels d’Anjou, 2005).
Un des principaux défis économiques auquel fait face le territoire repose en grande partie sur
sa capacité à appuyer la « croissance économique en améliorant la capacité de création,
d’attraction et de rétention des entreprises » (Ville-Mtl, 2010). Pour l’instant, le territoire
possède des superficies disponibles pour l’accueil et le développement des activités
industrielles (terrains vacants ou sous-utilisés dans les parcs industriels et les secteurs
d’emplois). Toutefois, une grande partie de ces espaces demeurent pour le moment peu
attirants pour le développement et apparaissent souvent mal adaptés aux nouvelles réalités
économiques (Ibid). Cette situation s’explique en partie par la présence de nombreux terrains
enclavés ou mal desservis par les axes majeurs de transport. De plus, le potentiel élevé de
42
contamination de plusieurs terrains « représente des coûts et mesures supplémentaires
importants pour un développement potentiel des terrains, les rendant ainsi moins attrayants »
(Ibid). En conséquence, les terrains les plus alléchants deviennent particulièrement convoités
et font parfois l’objet d’une très forte concurrence entre les différents secteurs (industriel,
résidentiel, commercial). Dans cette perspective, il n’est pas rare que l’on assiste à des
changements dans le zonage à l’intérieur même des parcs industriels, au profit d’autres
usages, notamment résidentiel.
Or, la pression de développement exercé autant par le secteur industriel que résidentiel
contribuent toujours plus à un rapprochement des usages sur le territoire. En effet, « la
croissance démographique, l’utilisation plus répandue de l’automobile, les politiques
d’aménagement du territoire favorables au développement des banlieues, ainsi que la pression
fiscale sur les finances des municipalités constituent autant de facteurs qui ont contribué, au
fil des ans, à l’amplification du phénomène de l’étalement urbain, mais aussi au
rapprochement des zones résidentielles des zones industrielles avec pour conséquence
l’apparition de conflits d’usages » (CPEQ, 2011). L’Est de Montréal n’échappe pas à cette
situation. Le cadre dans lequel les entreprises évoluaient, soit dans un milieu peu densifié,
habité en majorité sa propre main-d’œuvre, a été bien souvent remplacé par celui d’une
proximité croissante avec les populations locales n’ayant plus nécessairement de lien direct
avec ces entreprises. En conséquence, la perception des citoyens face aux entreprises
avoisinantes se transpose aujourd’hui en des attentes et exigences beaucoup plus élevées de
leur part en termes de la qualité de leur environnement (Ibid).
Par ailleurs, le rapprochement des usages peut aussi avoir comme effet de nuire aux projets
d’investissements des entreprises. Face à une situation de proximité accrue des résidences, les
entreprises doivent investir davantage dans des mesures pour limiter les impacts de ses
activités. Dans d’autres circonstances, tel que le démontre le cas de Canterm en 2006 et de
43
l’affaire Ciment Saint-Laurent c. Barette en 2008, il s’avère que des entreprises peuvent être
bloquées dans leurs projets de développement « même quand elles respectent les normes
environnementales en vigueur et que leur projet se situe sur leur propre terrain, déjà voué à
l’activité industrielle » (FCCQ, 2009).
Il n’est pas sans rappeler que la problématique de la cohabitation des usages touche également
les acteurs municipaux. À la fois responsables de la promotion du développement économique,
de la sécurité publique et de l’urbanisme, ceux-ci se retrouvent bien souvent dans des
situations où la prise de décision est particulièrement complexe. Comme il a été vu, les règles
d’aménagement du territoire s’inscrivent dans une optique de prévention, par les décisions
prises en ce qui concerne l’autorisation ou non à des projets résidentiels et industriels,
l’imposition de restrictions, de mesures de sécurité, etc. Toutefois, comme c’est le cas dans
l’Est de Montréal, il arrive que le voisinage entre industrie et résidence soit déjà relativement
bien développé. Face à cette réalité, l’approche réglementaire de l’aménagement du territoire
devient très limitée.
Dans cette perspective, les visions partagées entre les industries et les résidents sont plus
difficilement conciliables :
« Tant les entreprises industrielles que les résidents estiment qu’ils occupent le
terrain, dont ils sont propriétaires, de façon tout à fait légitime. Ni l’une ni l’autre des
parties n’envisage de se faire évincer au nom de la sécurité. Les résidents invoquent la
primauté de la sécurité des personnes sur les intérêts économiques. Les industries
rappellent à juste titre l’antériorité de leur établissement et les raisons d’intérêt
public qui justifient leur emplacement » (Ibid).
Malgré les divergences de visions, il existe divers moyens d’assurer une cohabitation
harmonieuse entre les industries et les résidences. Dans cette lignée, le Conseil Patronal de
l’Environnement du Québec (CPEQ) a produit le Guide du bon voisinage, destiné aux
entreprises visant à harmoniser ses activités industrielles avec l’environnement et la
communauté. À la lumière de ce document, il apparaît clair que « la clef du succès repose sur
la consultation des parties prenantes, sur un dialogue constant avec la communauté et sur la
démonstration des progrès accomplis » (CPEQ, 2011). À ce niveau, l’Est de Montréal a su
développer au fil du temps un partenariat entre les différents acteurs du milieu (municipalités,
industries, citoyens). En effet, le territoire de la PDI peut aujourd’hui compter sur une
panoplie d’acteurs travaillant de manière concertée à l’harmonisation des usages. Plus
spécifiquement, la section suivante vise à mettre de l’avant la formule locale de gestion des
risques industriels majeurs.
44
8.2. Gestion des risques industriels et acteurs du territoire
De par son caractère industriel, L’Est de Montréal possède un long historique en matière de
cohabitation entre les industries et les résidents. Au fil du temps, plusieurs acteurs ont affiché
un certain leadership qui aura favorisé le développement d’un modèle volontaire de gestion
des risques industriels basé sur la concertation et la communication entre les partenaires du
milieu. Voici un bref aperçu du rôle des différentes organisations ayant participé à cette
démarche.
L’AIEM compte aujourd’hui parmi ses rangs 13 membres (voir annexe 2), essentiellement les
principaux établissements lourds du secteur de Montréal-Est et de Pointe-aux-Trembles (AIEM,
2007). Par ailleurs, l’AIEM poursuit ses efforts dans une optique de durabilité, en intégrant les
considérations économiques et sociétales (AIEM, 2004).
45
En somme, depuis sa création à l’AIEM a contribué, entre autres, à l’amélioration de la
performance environnementale des entreprises et de la sécurité des installations industrielles,
mais aussi au développement et au maintien d’un dialogue avec les communautés locales. De
ce fait, on peut aisément affirmer que l’AIEM a participé activement au développement de la
gestion des risques sur le territoire de la Pointe-de-l’Île.
Source : ibid
Identifier plus précisément les risques d'accident industriels majeurs partout sur le
territoire
Inciter les générateurs de risques à mettre en place les activités requises de prévention
Élaborer et tester des plans particuliers d'intervention pour chacun des risques analysés
Initier et diffuser un programme d’éducation citoyenne à la sécurité civile dans l’Est de
Montréal
Actualiser un réseau de communication efficace pour l'Est de l'île de Montréal.
Outre l’avancement des connaissances des risques industriels sur le territoire, la prévention et
la préparation face à ces dangers, soulignons également les réalisations du CMMIC-EM au niveau
de la communication des risques, notamment par l’entremise de deux campagnes de
communication ainsi qu’un système d’alerte et de notification.
C’est en 2006, sous le leadership du Comité ZIP Jacques-Cartier, que des acteurs en
provenance de tous les milieux (gouvernemental, municipal, citoyen, industriel, commercial,
communautaire) se sont réunis afin d’échanger sur des enjeux de développement régional tel
47
que l’aménagement et l’environnement. À cet égard, on dénote la réalisation en 2008 d’un
chantier comprenant cinq ateliers. Cette rencontre aura « permis de mobiliser les partenaires
clés autour des points de convergence, d’identifier les actions prioritaires et de mettre en
commun […] la connaissance des différents enjeux » (Ibid). Ainsi, dans une optique de
développement durable, les chantiers de 2008 auront permis d’identifier quatre grandes
orientations pour l’Est de Montréal : la santé de la population, l’harmonisation des usages
conflictuels du territoire, la mobilité et le transport ainsi que la réappropriation des berges et
des usages de l’eau. Dans le but concrétiser la démarche, des comités d’actions ont été créés
afin d’intervenir au sein des enjeux identifiés.
En ce qui concerne la gestion des risques industriels, mentionnons que le comité d’action
portant sur l’harmonisation du territoire s’est penché sur des questions liées à l’aménagement
du territoire et de la cohabitation des industries impliquant des risques industriels majeurs et
les résidences. À ce niveau, la Table a pu compter sur l’apport en connaissances de divers
acteurs d’importance (arrondissements, municipalité, industries, citoyens-experts, etc.), mais
aussi sur l’expertise en matière de prévention des risques de L’Alliance pour une gestion des
interfaces industrielles/résidentielles responsable (AGIIRR). D’ailleurs, l’AGIIRR est l’organisme
qui a été mandaté pour être ce groupe de travail. Cette organisation, qui regroupe des
citoyennes et des citoyens résidant dans l’Est de Montréal, se préoccupe de « tout ce qui peut
nuire à la qualité de vie des résidents de l’île de Montréal et particulièrement de l’Est de
Montréal parce que provenant d’une trop grande proximité avec les entreprises industrielles
présentant des risques majeurs » (AGIIRR, 2010). Plus spécifiquement, l’AGIIRR s’intéresse à
l’aménagement de zones situées entre les industries à risques et le milieu résidentiel.
48
industrielles/résidentielles au Québec et ailleurs dans le monde. Donc, en plus d’appuyer les
initiatives citoyennes, l’AGIIRR assure également un suivi constant de l’actualité locale en
matière de risques majeurs.
Dans cette lignée, la démarche entreprise par les acteurs du territoire Pointe-de-l’Île depuis
plusieurs années constitue un exemple concret de l’application des principes inhérents à la
gestion des risques. Les outils développés en concertation avec le milieu puis les actions qui en
ont découlé, ont sans l’ombre d’un doute contribué à la réduction de la fréquence et de la
gravité des accidents industriels majeurs sur le territoire, ainsi qu’à l’amélioration de la
préparation et l’intervention des industries, des municipalités et des résidents. Plus
spécifiquement, il en découle une augmentation de la résilience du milieu face aux risques
industriels, notamment grâce à l’accent mis sur la communication des risques aux citoyens, qui
aura favorisé l’amélioration de leur capacité à réagir face aux risques auxquels ils peuvent être
exposés. La prise en compte du point de vue citoyen en amont du processus de gestion des
risques permettra d’éviter, ou du moins de réduire les conflits sociaux liés à l’acceptabilité des
projets industriels.
Somme toute, l’implication d’une panoplie d‘acteurs de toute provenance, malgré le caractère
volontaire de la démarche, démontre qu’il existe réellement une volonté du milieu d’aller de
l’avant en matière de sécurité civile et de gestion des risques industriels majeurs.
49
CONCLUSION
Dans un premier temps, ce document avait pour objectif de présenter certains concepts-clés
en sécurité civile tel la notion des risques et de ses différentes variantes. À partir de ces
considérations, il a été possible d’aborder plus en détail une des composantes du risque
technologique, soit le risque d’accident industriel majeur. Dans cette optique, une attention
particulière a été portée à l’approche de gestion des risques d’accidents industriels majeurs
proposée par le CRAIM. Basée sur une démarche de partenariat entre les acteurs
(municipalités, industries, citoyens, organisations parapubliques, etc.), celle-ci constitue un
cadre de référence pour le développement d’une approche commune pour se prémunir contre
les risques industriels. La mise en place du processus de gestion des risques du CRAIM demeure
une démarche purement volontaire puisqu’aucun règlement ne rend obligatoire son
application. La présentation du cadre légal canadien et québécois et de ses limitations en
matière de risque industriel et d’aménagement du territoire aura permis de mieux saisir
l’importance d’une telle démarche pour éliminer les risques à la source, contrôler les risques
résiduels et mieux se préparer aux éventuelles situations d’urgence. Suite à cela, il devient
plus facile de cerner les enjeux liés à l’établissement de mesures efficaces pour protéger la
population. Ainsi, on y décèlera diverses problématiques, comme celle de la connaissance et
de la communication des risques, la position précaire des municipalités entre les impératifs
économiques et la sécurité civile, la responsabilisation des entreprises et l’acceptabilité des
projets industriels par la population. Ces problématiques deviennent encore plus évidentes
lorsqu’on s’attarde à la cohabitation entre les industries dont les activités impliquant des
risques industriels majeurs et les quartiers résidentiels. À cet égard, l’analyse de la situation
du territoire de la Pointe-de-l’Île s’est avérée très révélatrice. Historiquement l’hôte d’une
importante diversité d’installations impliquant des risques d’accidents industriels majeurs
(raffineries, industries, pétrochimiques, etc.), le territoire de la Pointe-de-l’Île constitue un
exemple inspirant de l’application d’un processus intégré de gestion des risques industriels. En
effet, le territoire a été caractérisé par d’importantes transformations au cours des dernières
décennies (forte hausse de la population, étalement urbain, développement des réseaux de
transport) qui aura favorisé le rapprochement des industries et des résidences. Le leadership
de certains acteurs combiné aux efforts collectifs auront permis la création du CMMIC-EM, un
modèle de concertation qui travaille à la réduction des risques industriels et au développement
d’une culture de sécurité civile. Ces initiatives auront contribué à faire de l’Est de Montréal un
lieu plus sécuritaire et mieux adapté aux différentes visions des membres de la communauté.
50
Quoi qu’il en soit, la survenue de plusieurs catastrophes industrielles à l’étranger malgré la
présence d’un contrôle législatif bien développé et de l’application d’un processus de gestion
des risques industriels démontre bien la fragilité dudit processus. Comme quoi l’efficacité du
processus de gestion des risques dépend non seulement de son application systématique, mais
également des ajustements et de son amélioration, issue des efforts et de la créativité du
milieu.
En ce sens, « l’amélioration de la gestion des risques est considérée parmi les actions définies
pour une meilleure protection de l’environnement, de la santé humaine et pour un
développement durable » (CNE, 2002). Comme les risques industriels peuvent constituer des
obstacles au développement, autant économique, social qu’environnemental, la gestion des
risques devrait occuper une place prépondérante dans une approche plus globale, celle du
développement durable.
51
BIBLIOGRAPHIE
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l’agglomération de Montréal ». Présenté à la Commission permanente sur le
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56
ANNEXES
ANNEXE 1
ERPG (Emergency Response Planning Guidelines). Les valeurs ERPG ont été
développées par l’Industrial Hygiene Association (AIHA). Elles sont utilisées
pour l’évaluation de « l’ampleur des impacts potentiels qui pourraient affecter la
population exposée lors d’un accident industriel impliquant des substances
chimiques » (CRAIM, 2007, p.54). On y distingue trois niveaux de danger :
ERPG-1 : Concentration maximale d’une substance dangereuse dans l’air sous
laquelle presque tous les individus peuvent être exposés jusqu’à une heure sans
qu’il y ait d’effets sur la santé autres que des effets mineurs et transitoires ou sans
que ces individus perçoivent une odeur clairement désagréable.
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AEGL-1 : Concentration d’une substance dangereuse dans l’air (en ppm ou
mg/m3) au-dessus de laquelle des personnes exposées, incluant les personnes
sensibles. Cependant, les effets ne sont pas incapacitants et ils sont éphémères et
réversibles, dès la cessation de l’exposition. Les concentrations inférieures à
l’AEGL-1 représentent un niveau d’exposition associé à la perception d’une odeur
modérée, d’un goût ou à d’autres irritations sensorielles.
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ANNEXE 2
Source :
http://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/securite_civile/colloques/colloques
_regionaux/Outaouais/amenagement_territoire_risques_industriels.pdf
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ANNEXE 3
Source : Mémoire Projet de règlement sur le contrôle des déversements d’eaux usées dans les ouvrages
d’assainissement et cours d’eau
http://cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/memoire/eaux_usees/PREU-M11-AIEM.pdf
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ANNEXE 4
Source : Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2006.
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