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L'ABBAYE DE LA RAMÉE
autour du moulin domestique et des étangs
DIFFUSION Service public de Wallonie Recueil des trois notices parues dans la Chronique de l'Archéologie wallonne.
Service public de Wallonie Direction générale opérationnelle de l'aménagement du
Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie
territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Annick Fourmeaux, Directrice générale
Service de l'archéologie - Direction extérieure du Rue des Brigades d'Irlande, 1
Brabant wallon B-5100 Jambes Publication réalisée dans le cadre des Journées du Patrimoine (10 & 11 septembre 2016)
Rue de Nivelles, 88 et à l'occasion des 800 ans de l'abbaye de La Ramée.
B-1300 Wavre ÉDITEUR RESPONSABLE
Pierre Paquet,
Référence bibliographique Inspecteur général f.f.
De Waele É., Gautier P., Loicq S., Servais N.,
Van Hove M.-L. & Willems D., 2016. L'abbaye de COORDINATION ÉDITORIALE
La Ramée. Autour du moulin domestique et des étangs, Didier Willems, Éric De Waele, Patrice Gautier, Sabine Loicq, Nicolas Servais,
Namur, SPW-Département du patrimoine, 24 p. Archéologue provincial Marie-Laure Van Hove & Didier Willems
CONCEPTION GRAPHIQUE
En cas de litige, Médiateur de Wallonie : Ken Dethier
Marc Bertrand
Tél. : 0800.191.99 – le-mediateur.be MISE EN PAGE
Aude Van Driessche
Le texte engage la seule responsabilité des auteurs.
L'éditeur s'est efforcé de régler les droits relatifs aux IMPRIMERIE
illustrations conformément aux prescriptions légales. Snel Grafics
Les détenteurs de droits qui, malgré ces recherches, Z.I. des Hauts-Sarts Zone 3
n'auraient pu être retrouvés sont priés de se faire Rue Fond des Fourches 21
connaître à l'éditeur. 4041 VOTTEM
Belgium
1ère édition, 2016
PHOTO DE COUVERTURE
Dépot légal : D/2016/13063/8 Nicolas Servais
ISBN : 978-2-930711-27-0
1. Les étangs
propriétaire. de l'enceinte, le « moulin de la Ramée », situé
hors de l'emprise des travaux, n'est pas concerné
Le projet d'implantation d'un collecteur d'eaux par notre étude.
usées sur la rive droite de la Grande Gette par
l'Intercommunale du Brabant wallon (IBW) a C'est l'ASBL Recherches et Prospections archéo-
conduit le Service de l'Archéologie (Direction logiques en Wallonie (RPAW) qui a été chargée
de Brabant wallon, SPW) à considérer le risque de mener les recherches d'août à octobre 2006
éventuel de destructions de vestiges archéolo- avec le soutien logistique du Service de l'Archéo-
giques et à envisager la réalisation de fouilles logie. Localisés sur le territoire de la commune
préventives. Trois plans anciens, datés de 1758, de Jauchelette, les travaux ont concerné la
1762 et 1796, montrent en effet clairement la parcelle cadastrale : Jodoigne, 3e Div., Sect. B3,
présence de deux étangs (comblés au 19e siècle) n° 335s. Les opérations de fouille ont été menées
et de trois moulins à l'intérieur de l'enceinte de pour rencontrer plusieurs objectifs. Il s'agissait
MOULIN
FERME
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BIEF
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Les objectifs principaux des fouilles ont été Coomans T. (dir.), 2002. La Ramée. Abbaye cis-
atteints. Les bâtiments figurés sur les anciens tercienne en Brabant wallon, Bruxelles, Racine,
plans ont été retrouvés. Nous avons pu poser 231 p.
un diagnostic sur la conservation des vestiges
et sur le tracé du collecteur d'eaux usées : seul Gaziaux J.-J., 1997. La ferme de La Ramée à
l'aqueduc sera traversé par la conduite ; le Jauchelette en Brabant wallon, Jodoigne, 17 p.
l'abbaye de La Ramée plus tard en sept lots (Henneau, 2002, p. 134-
135) ; l'adjudication est prononcée le 3 floréal
nord ; parc. cad. : Jodoigne, 3e Div., Sect. B3,
no 335S). Au milieu du 19e siècle, il était
an VIII, soit le 23 avril 1800 (Tarlier & utilisé pour moudre la farine, fonction qui lui
Wauters, 1872, p. 72). Le moulin domestique, aurait été maintenue au moins jusqu'en 1875
sujet du présent article, fait partie du second (Gaziaux, 2003, p. 3). Le bief qui en assurait
lot ; celui-ci, au même titre que le premier et la source en force motrice était alimenté par
le troisième, est acquis par Adrien Desbille de un étang situé à l'ouest, dénommé « étang
Nivelles. Ces possessions changeront maintes des chevaux » (1762) ou « de l'abr(e)uvoir »
fois d'acquéreurs, dont les Favart au milieu (1798), régulièrement empli grâce à un
du 19e siècle et les Solvay en 1906 (Tarlier aqueduc connecté aux ruisseaux Thorembais
& Wauters, 1872, p. 72 ; Henneau, 2002 ; et Heubois. Au-delà de la minoterie, ce chenal
Tordoir, 2002). L'exploitation agricole a été rejoignait la Grande Gette, cours d'eau qui
maintenue, au détriment des bâtiments monas- coule en proximité méridionale.
tiques qui eux ont été progressivement démolis,
à l'exception toutefois du quartier de l'abbesse. Tant ledit plan d'eau que le bief sont actuel-
La venue et l'emménagement de sœurs du lement comblés et ont quasi disparu du
Sacré-Cœur sur le site dès 1903 engendrent des paysage1 ; le premier fut remblayé en 1957
modifications et constructions neuves. ou 1958 et le second condamné en 1969
(Gaziaux, 2003, p. 13).
En février 1980, le domaine est classé comme
site et la ferme comme monument ; la grange
aux Dîmes est quant à elle reconnue comme
Extrait des notes prises lors de l'intervention archéologique de 2013. patrimoine exceptionnel de Wallonie. 1
Ils ont été dégagés et mis en valeur dès 2014.
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Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Phase 2 Gobertange, pour la façade. L'élévation interne Une analyse minutieuse des enregistrements de qu'il « corrige » laisse supposer que le niveau de
est dotée de deux « fentes » (3-4), baies verticales terrain de la campagne menée en 2006 permettra circulation en bordure du moulin devait se situer
Celle-ci se caractérise par l'emploi incontesté hautes de 0,62 m et larges de 9,5 cm pour une pro- peut-être de trancher. à l'articulation entre les deux maçonneries.
de briques dont les dimensions sont quasi iden- fondeur quasi équivalente. Leurs encadrements en
tiques, de l'ordre de 24 × 11/12 × 5,5/6 cm. pierre présentent une particularité pour la seconde Deux contreforts en pyramide tronquée furent
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assise à partir du haut : une pièce unique, taillée érigés contre la face interne du mur gouttereau
Sur la fondation en pierres de la façade orientale en U et posée à plat. Aménagées dans le registre occidental. Les briques employées sont homo-
fut érigée une maçonnerie en matériaux mixtes, supérieur du mur, elles sont distantes de 2,67 m gènes dans leurs dimensions (21/23 × 10 × 5 cm)
à savoir des moellons à peine équarris en face de centre à centre. Celle de droite (4) est pour sa mais plus petites que celles utilisées pour les
externe et des briques en face interne, disposées part associée à un reliquat d'appareillage de quatre appareillages décrits dans la phase antérieure ;
en gradins modifiant progressivement l'axe vers pierres superposées dont la supérieure est biseau- elles sont liées au mortier de chaux de teinte
l'est (1). Ces particularités témoigneraient d'un tée (5). Leurs fonctions demeurent indéterminées. verdâtre (vraisemblablement le résultat d'une
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dénivelé entre l'environnement du moulin et réaction physico-chimique liée au remblaie-
l'aire de circulation dans le bâti, située à un ment). Les contreforts reposent sur une base
Berge septentrionale du bief (7) imbriquée dans
niveau inférieur ; en outre, elles indiqueraient l'angle oriental du moulin.
d'au moins cinq assises de briques, aux gabarits
une légère réorientation de la façade orientale. variés et maçonnées au mortier de chaux, érigée
La maçonnerie se limite à une section d'environ Dans son registre inférieur, les pierres de l'angle sur la couche grasse mentionnée auparavant. Le
0,74 m, comprise entre le pignon méridional et 3 4 oriental sont chanfreinées verticalement ; une sur contrefort butant contre l'angle septentrional du
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un mur de refend contre lequel elle bute, érigée trois est prolongée par un retour parallèle à l'axe moulin leur est probablement contemporain.
sur la fondation en pierres subdivisant l'espace, du pignon (6) ; cette taille devait probablement
évoquée dans la phase précédente. Cette large assurer une transition vers une maçonnerie im-
base supporte une élévation régulière en briques, briquée (7), qui peut être la berge septentrionale
épaisse de 0,50 m et conservée sur au moins sept du bief ou une autre structure construite mise au
assises; la relation entre ces deux appareillages doit jour en 2006 (Loicq & Servais, 2009).
encore être éclaircie. Les briques sont disposées de
manière alternée en panneresse et boutisse (2) ; Pignon méridional, donnant sur le bief. Vue de la Outre ces structures, une couche grasse, très
dans le cas de l'agencement en panneresse, les pa- face intérieure. humide, de type décomposition organique, a
rements sont séparés par une enfilade de briques été identifiée à l'ouest de l'espace intérieur. De
posées perpendiculairement, en boutisse. prime abord, cette unité pourrait être liée à un
événement ou un acte ayant entraîné des adap-
tations ou changements sur le site (transition
1 vers la phase suivante ?). L'absence d'élément de Ci-dessus, les deux contreforts du mur occidental.
Ci-dessous, sondage ouvert au pied de la porte
datation et d'une stratigraphie complète empêche
d'entrée aménagée dans le pignon septentrional.
d'aller plus loin dans la réflexion. Parallèlement,
aucune relation n'a été à ce jour établie avec
le rehaussement de la porte aménagée dans le
pignon septentrional.
La façade de ce même pignon présente un galbe Par la suite, quelques modifications structurelles
horizontal. S'agit-il d'une déformation due aux furent opérées. Ainsi, le parement externe de
vibrations de la roue et/ou d'une faiblesse de la façade orientale fut modifié ou réparé ; en
Le mur oriental et ses modifications. Vue vers le sud.
conception, éventuellement corrigée en interne témoignent les briques récupérées, fragmen-
Le pignon méridional se caractérise également lors des derniers aménagements, ou d'une courbe taires, et maçonnées à l'aide d'un mortier de Le rehaussement de la porte d'entrée, sur une
par l'usage de deux matériaux distincts, à savoir volontairement conçue pour produire une accé- chaux de teinte jaunâtre. Le débordement de hauteur proche de 0,55 m, daterait au plus tard
la brique pour l'intérieur et la pierre, le grès de lération du flux de l'eau ? La question reste posée. 3,5 cm par rapport à l'aplomb externe du mur de cette période.
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Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Références bibliographiques des trois articles
faisant l'objet de cette publication
Gautier P. & De Waele É., 2007. Jodoigne/Jauchelette : ancienne abbaye de La Ramée, le moulin
domestique, Chronique de l'Archéologie wallonne, 14, p. 25-27.
Loicq S. & Servais N., 2009. Jodoigne/Jauchelette : les étangs de l'ancienne abbaye de La Ramée,
Chronique de l'Archéologie wallonne, 16, p. 14-17.
Van Hove M.-L. & Willems D., 2014. Jodoigne/Jauchelette : autopsie partielle du sous-sol du moulin
domestique de l'abbaye de La Ramée, Chronique de l'Archéologie wallonne, 22, p. 61-65.
spw.wallonie.be/dgo4/site-caw
De Waele É., Gautier P., Loicq S., Pleuger E., Servais N., Van Hove M.-L.,
Van Nieuwenhove B. & Willems D., ©SPW-DGO4
Remerciements
À travers le présent fascicule, nous adressons nos remerciements à toutes les personnes qui ont pris part de
manière directe ou non aux interventions archéologiques menées à l'abbaye de La Ramée, en ce compris l'équipe
technique active sur le site.
En outre, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à l'égard de monsieur J. Mortelmans pour son dynamisme
et l'intérêt qu'il porte à son patrimoine.
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ISBN 978-2-930711-27-0
9 782930 711270
En 1216, des moniales cisterciennes s'établirent parmi les « ramées » (Rameia), dans la
vallée de la Grande Gette, sur des terres offertes en donation par le seigneur Gérard Ier
de Jauche. À l'image de maintes institutions sœurs, l'abbaye connut au cours de ses huit
siècles d'existence des heures de gloire et d'abandon. Si aujourd'hui son blason redore à
nouveau, certes en l'absence de toute communauté religieuse, c'est grâce à la volonté du
propriétaire de « reconstituer » et mettre en valeur l'ensemble abbatial.
Aussi célèbre soit-elle, la littérature et les archives n'en ont pas révélé tous les
secrets ; plusieurs questions subsistent, notamment à propos de son patrimoine
immobilier. Déjà en 1983, V. Van Oeteren et collègues tentèrent par quelques
sondages archéologiques de répondre à des inconnues liées à l'église ; ce fut une
première approche qui ne demandait qu'à être exploitée par une fouille extensive.
Chaque étape de restauration, de mise en valeur ou tout simplement de
construction, est devenue « prétexte » pour observer et étudier le moindre indice
susceptible de compléter le puzzle de la connaissance. C'est dans ces contextes
que le Service de l'archéologie en Brabant wallon (SPW – DGO4) est intervenu
notamment pour le moulin domestique et les étangs ainsi que leurs abords
immédiats. Le pas a été franchi ; d'autres interventions suivront.
Le fascicule qui vous est proposé par la Direction de l'archéologie à l'occasion
des Journées du Patrimoine en Wallonie, ayant pour thème le Patrimoine
religieux et philosophique, n'est pas une synthèse, d'autres études devant
compléter le corpus, mais une compilation illustrée des trois articles déjà
parus dans la Chronique de l'Archéologie wallonne.
Que le visiteur que vous êtes puisse d'ores et déjà en apprécier le contenu tout en
se baladant dans le site ou en dégustant paisiblement un breuvage agréable, telle
une bière… de la Ramée.
Didier Willems
Archéologue provincial
SPW-DGO4, Service de l'archéologie de la Direction extérieure du Brabant wallon