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L’ABBAYE DE LA RAMÉE

autour du moulin domestique et des étangs

Patrimoine
L'ABBAYE DE LA RAMÉE
autour du moulin domestique et des étangs

DIFFUSION Service public de Wallonie Recueil des trois notices parues dans la Chronique de l'Archéologie wallonne.
Service public de Wallonie Direction générale opérationnelle de l'aménagement du
Direction générale opérationnelle de l'aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie
territoire, du logement, du patrimoine et de l'énergie Annick Fourmeaux, Directrice générale
Service de l'archéologie - Direction extérieure du Rue des Brigades d'Irlande, 1
Brabant wallon B-5100 Jambes Publication réalisée dans le cadre des Journées du Patrimoine (10 & 11 septembre 2016)
Rue de Nivelles, 88 et à l'occasion des 800 ans de l'abbaye de La Ramée.
B-1300 Wavre ÉDITEUR RESPONSABLE
Pierre Paquet,
Référence bibliographique Inspecteur général f.f.
De Waele É., Gautier P., Loicq S., Servais N.,
Van Hove M.-L. & Willems D., 2016. L'abbaye de COORDINATION ÉDITORIALE
La Ramée. Autour du moulin domestique et des étangs, Didier Willems, Éric De Waele, Patrice Gautier, Sabine Loicq, Nicolas Servais,
Namur, SPW-Département du patrimoine, 24 p. Archéologue provincial Marie-Laure Van Hove & Didier Willems
CONCEPTION GRAPHIQUE
En cas de litige, Médiateur de Wallonie : Ken Dethier
Marc Bertrand
Tél. : 0800.191.99 – le-mediateur.be MISE EN PAGE
Aude Van Driessche
Le texte engage la seule responsabilité des auteurs.
L'éditeur s'est efforcé de régler les droits relatifs aux IMPRIMERIE
illustrations conformément aux prescriptions légales. Snel Grafics
Les détenteurs de droits qui, malgré ces recherches, Z.I. des Hauts-Sarts Zone 3
n'auraient pu être retrouvés sont priés de se faire Rue Fond des Fourches 21
connaître à l'éditeur. 4041 VOTTEM
Belgium
1ère édition, 2016
PHOTO DE COUVERTURE
Dépot légal : D/2016/13063/8 Nicolas Servais
ISBN : 978-2-930711-27-0

Service public de Wallonie


Namur, 2016
1. Le moulin domestique
Patrice Gautier et Éric De Waele moulins se trouvaient dans le grand enclos de
CAW 2007 l'abbaye. Le moulin de La Ramée se situe à la
pointe occidentale de l'enclos sur un bief de la
Au mois d'avril 2005, le moulin domestique Grande Gette. Le moulin-scierie, actuellement
(18e  siècle) de l'ancienne abbaye de moniales détruit, était implanté sur un bief entre les deux
1. Le moulin domestique cisterciennes de La Ramée et son annexe récente
ont fait l'objet de relevés en vue d'une étude
étangs ; il dépendait de l'étang de l'Abreuvoir en
alternance avec le moulin domestique.
archéologique préalable aux travaux de restaura-
tion. Cette étude du bâti est appelée à compléter Les relevés pierre à pierre des façades du moulin
des fouilles préventives qui seront réalisées en domestique ont été réalisés avant les travaux de
août et septembre 2006 dans le cadre de deux bâchage et d'étayage. Le bâtiment, en effet, est
projets concernant le réseau hydraulique dans la en mauvais état. Les maçonneries et la charpente
zone sud-ouest de l'abbaye. Il s'agit, en premier ont pris l'eau et se sont fortement dégradées. La
lieu, de travaux d'assainissement, en l'occurrence façade orientale est de loin la plus endommagée :
la pose par l'IBW (Intercommunale du Brabant elle montre un important dévers dans sa partie
wallon) d'un collecteur des eaux usées pour le supérieure et de nombreuses lacunes dans son
centre d'événement occupant l'ancienne ferme parement de briques. La présence de végétation
abbatiale et pour le couvent du Sacré-Cœur dont contribue à la dégradation de l'édifice.
l'installation remonte au début du 20e siècle.
Ce collecteur sera enterré sur la rive droite de Le moulin domestique est un petit bâtiment
la Grande Gette, c'est-à-dire dans la digue qui (8,05 m sur 8,60 m) d'une superficie intérieure
séparait, d'une part, la rivière au sud et, d'autre d'environ 52 m2 et couvert d'une bâtière
part, au nord, implantés d'ouest en est, l'Étang d'ardoises. Il est construit en matériaux locaux :
de l'ascierie (d'après un plan de 1798) ou Estang la brique en appareil croisé, le quartzite de
des Dames (plan de 1762), l'Étang de l'abruvoir Jauchelette pour les plinthes, le calcaire gréseux
(1798) ou Estang des chevaux (1762) ainsi que le de Gobertange pour les encadrements, les chaî-
bief qui reliait ce plan d'eau à la Grande Gette et nages d'angle en besace et le parement inférieur
sur lequel était établi le moulin domestique. Les du pignon sud qui fait face à la chute d'eau.
deux étangs et le bief sont actuellement comblés.
Il s'agit, en second lieu, de travaux de remise en
eau d'une partie de l'étang de l'Abreuvoir et du
bief du moulin domestique1.

Le moulin domestique dépendait de l'étang de


l'Abreuvoir. Celui-ci était alimenté par le ruisseau
Thorembais canalisé, appelé Canal du ruisseau de
Craiwez sur le plan de 1798, via un aqueduc qui
franchissait la Grande Gette et traversait un petit
bâtiment situé sur la digue en bordure de rivière.
Cette construction, dénommée Porte du canal,
a disparu ; elle abritait sans doute un méca- Le moulin domestique avant restauration. Page de
gauche : la façade ouest, encore flanquée de son
nisme de commande hydraulique. Deux autres annexe récente, et le pignon sud étançonné. Ci-dessus :
1
Phase exécutée dès 2014. le pignon nord.

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Le moulin domestique Le moulin domestique
soubassement sont visibles au-dessus des pavés
de sol. Le sondage intérieur (1,40 m x 0,70 m ;
prof. : env. 1,20 m sans atteindre le sol en place)
confirme le rehaussement des niveaux exté-
rieur et intérieur de circulation. Le profil nord
du sondage montre que le piédroit en blocs de
Gobertange était visible environ 0,90 m plus bas
que le niveau de sol intérieur actuel. Sous les
pierres du seuil actuel, à l'aplomb de la baie, un
bouchage de briques surmonte les deux assises
dégagées des fondations en léger ressaut de Récuparation et placement de la seule ferme d'ori-
blocs bruts de quartzite. Les trois autres profils gine. Photo prise lors de la phase de restauration, en
septembre 2014.
montrent un remblai sur toute la hauteur, avec
un changement de texture au niveau de la base De la charpente à fermes et à pannes d'origine,
du piédroit : la partie inférieure est constituée ne subsiste qu'une seule des deux fermes. Elle est
de terre meuble noirâtre avec notamment des composée d'un entrait et d'un faux-entrait reliés
pierres et fragments de briques, tandis que la entre eux par des jambes-de-force courbes ren-
La porte dans le pignon nord. Photo prise lors de la partie supérieure est essentiellement constituée forcées d'aisseliers. Le faux-entrait est surmonté
phase de restauration, en septembre 2014. d'une terre semblable avec, par endroits, des d'un poinçon de fermette soutenant la panne faî-
éclats de briques. tière. Des corbeaux de pierre en quart-de-rond
Le pignon nord (haut. actuelle : env. 6,60 m) est Le pignon sud du moulin et le dispositif de la chute en droit supportaient les deux fermes.
percé à l'est d'une porte (haut. : 2,50 m ; larg. : cours de restauration. À l'avant-plan, la fosse de la roue.
À l'arrière-plan, l'étang de l'Abreuvoir. Photo prise lors
1,44 m) couronnée d'un arc en anse de panier Sondage réalisé à l'extérieur du moulin, au pied de la de la phase de restauration, en juin 2016. Le moulin domestique, comme la plupart des
et en son sommet d'une fenêtre (haut. : 0,65 m ; porte dans le pignon nord. Dégagement du piédroit sur bâtiments conservés de l'ancienne abbaye de
environ 0,90 m sous le niveau de sol actuel. Photo prise
larg.  :  0,40 m). Les piédroits en pierre de lors de la phase de démontage partiel, en 2013. Le pignon sud (haut. actuelle : env. 7,40 m), La Ramée, date du 18e siècle. Il apparaît avec
Gobertange de la porte possèdent dans leur par- situé du côté de la chute, recevait la roue du une seule roue sur les plans de 1762 et 1798. La
tie supérieure une section de briques (0,55  m moulin qui était entièrement couverte par un présence d'un moulin à cet endroit pourrait être
à droite ; 0,75 m à gauche) témoignant d'un appentis construit en briques à cheval sur le fort ancienne (Coomans, 2002, p. 127).
exhaussement. Cette transformation se marque bief. Sa partie inférieure est appareillée en pierre
aussi par un désordre très apparent dans la de Gobertange, plus résistante à l'érosion de Les relevés en élévation signalés ici sont les
maçonnerie de briques au-dessus du cintre de la l'eau et aux vibrations de la roue (Coomans, premiers pas d'une étude d'archéologie du bâti-
porte. Le soubassement en légère saillie (0,10 m) 2002, p. 127). Sur le lit supérieur de cet appareil ment qui sera combinée avec une campagne de
de blocs grossiers de quartzite de la façade nord reposent les encadrements, également en pierre fouilles préventives. Celles-ci auront pour objec-
est surmonté d'un bandeau de deux assises de de Gobertange, de trois petites fenêtres (haut. : tifs de localiser avec précision le bief du moulin
blocs réguliers de pierre de Gobertange dont 0,62 m ; larg. : 0,58 m) régulièrement espacées. domestique, les berges de l'étang de l'Abreuvoir,
l'inférieure présente un chanfrein. Un contre- Les deux fenêtres latérales sont surmontées d'un la Porte du canal et surtout de comprendre le
fort en briques, prolongeant le pignon nord, arc de décharge. Le mécanisme du moulin a système hydraulique qui desservait le moulin
soutient l'angle nord-est du bâtiment. entièrement disparu. domestique. Des vestiges de constructions anté-
rieures au 18e siècle pourraient être découverts
Deux sondages ont été réalisés au pied de la Les gouttereaux (haut. actuelle : env. 4,50 m), dans cette zone.
façade nord, l'un à l'extérieur, l'autre à l'intérieur, à l'origine aveugles, sont percés d'une porte
intégrant une partie de la porte avec le piédroit ouvrant vers l'ouest sur une annexe tardive Bibliographie
de droite. Dans le sondage extérieur (3 m x 0,50 en briques et vers l'est sur l'extérieur. Seul le
m/0,80 m) un sol récent de pavés a été mis au jour gouttereau ouest présente un soubassement Coomans T., 2002. Les bâtiments abbatiaux et la
à ‐0,20 m sous la surface gazonnée actuelle, soit chanfreiné identique à celui du pignon nord ; grande ferme de La Ramée au xviiie siècle. In  :
à environ ‐0,10 m sous les pierres du seuil. Deux il est aussi le seul qui soit encadré de chaînages Coomans T. (dir.), La Ramée. Abbaye cister-
assises (haut. : 0,30 m) de blocs de quartzite du d'angle en besace. cienne en Brabant wallon, Bruxelles, p. 103-132.

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Le moulin domestique Le moulin domestique
2. Les étangs
Sabine LOICQ et Nicolas SERVAIS l'abbaye. Ainsi on observe, sur le pourtour sud/
CAW 2009 sud-ouest de la ferme, l'« étang de l'Abreuvoir »
(d'après le plan de 1796, voir p. 7), dénommé
Les recherches archéologiques menées au cours « étang des Chevaux » sur le plan de 1762, le bief
de l'année 2006 s'inscrivent dans la continuité de et le moulin domestique, l'aqueduc et la «  porte
changements importants sur le site de l'ancienne du Canal  », ainsi que le verger. La plupart se
abbaye de moniales cisterciennes de La Ramée. trouvent sur le tracé du collecteur. Plus à l'ouest,
Des travaux de restauration et de mise en valeur on remarque l'« étang de l'Ascierie » (d'après
des bâtiments sont en effet en cours depuis le plan de 1796 ; ou « étang des Dames » sur
de nombreuses années et un vaste projet de le plan de 1762) et le « moulin de la Scierie »
réhabilitation du site est envisagé par l'actuel actuellement disparus. À l'extrémité occidentale

1. Les étangs
propriétaire. de l'enceinte, le « moulin de la Ramée », situé
hors de l'emprise des travaux, n'est pas concerné
Le projet d'implantation d'un collecteur d'eaux par notre étude.
usées sur la rive droite de la Grande Gette par
l'Intercommunale du Brabant wallon (IBW) a C'est l'ASBL Recherches et Prospections archéo-
conduit le Service de l'Archéologie (Direction logiques en Wallonie (RPAW) qui a été chargée
de Brabant wallon, SPW) à considérer le risque de mener les recherches d'août à octobre 2006
éventuel de destructions de vestiges archéolo- avec le soutien logistique du Service de l'Archéo-
giques et à envisager la réalisation de fouilles logie. Localisés sur le territoire de la commune
préventives. Trois plans anciens, datés de 1758, de Jauchelette, les travaux ont concerné la
1762 et 1796, montrent en effet clairement la parcelle cadastrale : Jodoigne, 3e Div., Sect. B3,
présence de deux étangs (comblés au 19e siècle) n° 335s. Les opérations de fouille ont été menées
et de trois moulins à l'intérieur de l'enceinte de pour rencontrer plusieurs objectifs. Il s'agissait

MOULIN
FERME

BIEF
BIEF

MOULIN DE MURS DE BERGE


LA SCIERIE
ANCIEN ÉTANG DE
PORTE DU CANAL
L'ABREUVOIR
ÉTANG DE
L'ASCIERIE
AQUEDUC

E
N TT
GE
0 20 m VERGER LA

Espaces fouillés et sondages


Emprise des travaux
Emplacement approximatif
Plan général des fouilles

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Les étangs Les étangs
d'une part de localiser précisément les vestiges Les murs de berge dégagés sont conservés entre plus de 16 m de long pour 1,80 m de large. Trois à sept assises. La fosse de la roue a été partielle-
se trouvant sur le tracé des travaux d'égouttage 1,20 m et 1,50 m de profondeur et mesurent modes de construction (matériaux et appa- ment fouillée et renseigne sur le fonctionnement
afin de déterminer l'impact des destructions envi­ron 0,50 m d'épaisseur. Conçue à l'aide de reillages différents) ont été distingués comme et les dimensions de la roue grâce à la mise au
éventuelles. Cela nous a donné l'opportunité gros blocs de grès en ressaut pour les fondations, appartenant à autant de phases d'aménagement. jour de l'œillard et du plumard. Tout porte à
de remettre au jour le réseau hydraulique lié à la maçonnerie est composée de moellons de Il semble en effet que, dans un premier temps, croire que la roue était alimentée aux trois quarts
l'étang de l'Abreuvoir et au moulin domestique. grès et de pierre de Gobertange, équarris et l'aqueduc reposait sur des arches en pierres de sa hauteur et possédait des bacs ou augets.
D'autre part, il convenait de réaliser des son- liés au mortier de chaux blanc-jaune. Un fin de Gobertange. Dans un second temps, les Elle devait tourner dans le sens inverse des
dages d'évaluation dans le secteur ouest du site enduit hydro­fuge gris-blanc a été remarqué sur espacements ménagés entre les piliers semblent aiguilles d'une montre. Son diamètre avoisinait
en vue de détecter l'emplacement du moulin de l'ensemble des murs, le plus souvent au niveau avoir été comblés à l'aide de blocs de grès assisés probablement 3 m pour 2 m de large.
la Scierie et de recouper le mur de berge oriental des joints. Des traces d'oxydes de fer, relevées contre les piliers. Ensuite, l'ensemble fut recou-
de l'étang de l'Ascierie. sur les assises inférieures des murs, pourraient vert d'une maçonnerie de briques. Construits en grès et pierres de Gobertange, les
indiquer le niveau des eaux stagnantes de l'étang. murs du bief ont, comme ceux de l'aqueduc, fait
De forme trapézoïdale, le plan de l'étang de Toutefois, elles correspondent également au l'objet de plusieurs phases de construction et
l'Abreuvoir était toujours perceptible en surface niveau de remplissage lent et naturel de l'étang de remaniements, voire même d'une restructu-
depuis son remblaiement en 1958 grâce à la après sa désaffectation et son remblaiement ration de l'espace. Des structures sous-jacentes
résurgence d'une à deux assises de moellons partiel, soit à sa phase de prairie humide. Une en moellons de grès ont été découvertes,
du mur de berge et à la végétation différente. migration des oxydes de fer des remblais vers les notamment sous les remblais supportant les
Nous avons procédé à un dégagement partiel murs est donc tout à fait plausible. aménagements en briques. Les investigations
des murs de berge sud/sud-est et nord, ainsi qu'à n'ont pu être poussées plus loin, pour des raisons
neuf sondages profonds. Ceux-ci ont apporté Les sondages opérés le long de la berge sud de de sécurité, de préservation des phases récentes
de nombreuses informations sur les techniques l'étang de l'Abreuvoir ont mis en évidence un mais aussi en raison d'importantes destructions
de construction des structures, les réfections dispositif de 14 contreforts (1 m de large pour survenues dans cette partie du site, au point
successives effectuées, la profondeur de l'étang 1,50 m de long) disposés environ tous les 3 m de ne pas permettre davantage de resituer avec
à différents endroits, le fonctionnement du et postérieurs à la création de l'étang. Un tesson exactitude la ou les sorties d'eau du bief. Aucun
système hydraulique et le niveau atteint par les de grès découvert dans la maçonnerie d'un élément d'un dispositif de vanne n'a été retrouvé.
nappes d'eau. contrefort permet de dater ces aménagements
L'aqueduc et les vestiges de la porte du Canal. Les vestiges mis au jour au pied du pignon sud du
de la première moitié du 18e siècle. Localisé à Vue vers le nord-est. moulin domestique.
l'angle sud-ouest de l'étang, un mur peu épais,
relativement mal conservé, construit en blocs de Les extensions réalisées de part et d'autre de
grès rose et sans fondation, peut être identifié l'aqueduc ont permis la mise au jour d'impor-
avec le mur de clôture de l'ancien verger. tants amas de briques liées au mortier jaune
correspondant certainement aux superstruc-
L'étude géo-pédologique, concentrée sur un tures de l'ancienne porte du Canal dont on peut
sondage réalisé contre la paroi interne de la observer la représentation sur le plan de 1762.
berge nord de l'étang de l'Abreuvoir, a confirmé Elle devait vraisemblablement accueillir un
qu'il avait été creusé dans le substrat naturel, à dispositif de vannes régulant l'entrée d'eau dans
un niveau de profondeur nécessitant la mise en l'étang de l'Abreuvoir. Malheureusement, l'état
place d'un radier de branchages, peut-être pour de conservation très médiocre des vestiges ne
permettre le travail des maçons au sec. En outre, permet pas de dépasser le stade de l'hypothèse.
la faible concentration de restes fauniques et
organiques dans les niveaux argilo-vaseux du Du côté sud-est, l'étang de l'Abreuvoir se rétré-
fond témoignerait de curages réguliers. cissait pour former un bief dirigeant les eaux
vers le moulin domestique, un petit bâtiment
L'étang de l'Abreuvoir était alimenté par deux classé et conservé à l'état de ruine. Le dégage-
petits ruisseaux, le Thorembais et l'Heubois, via ment des abords du moulin a mis en évidence le
Le mur de berge sud de l'étang de l'Abreuvoir. Vue vers
le nord-est. À l'arrière-plan, le germoir de la brasserie un aqueduc qui enjambaient la Gette. Orienté bief constitué d'un large revêtement de briques
en restauration et le moulin bâché. sud-est/nord-ouest, ce dernier est conservé sur (8 m  x 2,80 m) et conservé inégalement sur une

10 L'ABBAYE DE LA RAMÉE L'ABBAYE DE LA RAMÉE 11


Les étangs Les étangs
Une tranchée réalisée à l'angle sud-ouest de mode de fonctionnement du système hydrau-
l'étang de l'Abreuvoir avait pour objectif de lique a pu être restitué en majeure partie même
recouper la berge orientale de l'étang de l'Ascie- si nombre d'incertitudes subsistent eu égard
rie. La mise au jour, au pied de la berge ouest de au mauvais état de conservation et à l'arase-
l'étang de l'Abreuvoir, d'un moine en bois, pièce ment des structures ; au moins trois phases de
destinée à la vidange, probablement vers l'étang construction et de réfections (18e–20e siècles)
de l'Ascierie, a restreint l'extension de la tran- ont été observées. Par ailleurs, les tranchées
chée vers l'ouest et n'a pas permis de recouper d'évaluation destinées à localiser le moulin de
la berge. la Scierie, si elles ne permettent pas de fournir
un emplacement et une orientation exacts, elles
Au nord-ouest, six tranchées d'évaluation semblent néanmoins s'accorder avec les indica-
continues (de 30 m de long maximum) avec tions des plans anciens.
extensions ponctuelles ont été effectuées en
vue de localiser le moulin de la Scierie. Sous Enfin, les fouilles présentaient également un
les nombreux décombres, un tronçon (3,60 m x intérêt majeur pour le propriétaire des lieux.
2,10 m) du bief qui alimentait le moulin de la Ce dernier a le projet de recréer et de réha-
Scierie et l'étang de l'Ascierie a été mis au jour. biliter en pêcherie l'étang de l'Abreuvoir et
Construit en blocs de grès maçonnés au mortier de remettre en valeur le moulin domestique
jaune, ce tronçon était revêtu d'un parement et celui de la Scierie, ainsi que les structures
de briques tout comme les autres structures attenantes. Il est également prévu de matéria-
mises au jour. L'aménagement central du liser l'emplacement du moulin de la Scierie
chenal sous la forme d'une surface de briques, par une construction en matériaux légers.
légèrement pentue, rappelle le revêtement du Ce projet pourra s'appuyer sur l'évaluation
bief du moulin domestique. Les fondations du archéologique et une meilleure connaissance Vues de l'étang de l'Abreuvoir en septembre 2014.
pignon nord-est du moulin de la Scierie ont été des étangs de l'abbaye de La Ramée.
mises au jour à l'ouest du tronçon de bief ; elles
étaient profondément enfouies sous les remblais Bibliographie
modernes et une épaisse couche de destruction
mêlant galets, briquaillons et rejets d'incendie. Brouette E., 1968. La Ramée à Jauchelette. In :
La grande profondeur de la tranchée, l'instabi- Monasticon belge. IV. 2. Province du Brabant,
lité des remblais et les remontées de nappe n'ont Liège, Centre national d'Histoire religieuse,
pas permis le dégagement des vestiges. p. 469-490.

Les objectifs principaux des fouilles ont été Coomans T. (dir.), 2002. La Ramée. Abbaye cis-
atteints. Les bâtiments figurés sur les anciens tercienne en Brabant wallon, Bruxelles, Racine,
plans ont été retrouvés. Nous avons pu poser 231 p.
un diagnostic sur la conservation des vestiges
et sur le tracé du collecteur d'eaux usées : seul Gaziaux J.-J., 1997. La ferme de La Ramée à
l'aqueduc sera traversé par la conduite ; le Jauchelette en Brabant wallon, Jodoigne, 17 p.

12 L'ABBAYE DE LA RAMÉE L'ABBAYE DE LA RAMÉE 13


Les étangs Les étangs
3. Autopsie partielle du sous-
sol du moulin domestique de
l'abbaye de La Ramée
Marie-Laure VAN HOVE et Didier WILLEMS Dix années plus tard, l'Immobilière La Ramée s.a.
CAW 22, 2014 rachète le domaine agricole et, en 2007, les
bâtiments occupés jusqu'alors par les religieuses.
Quelques repères historiques L'ensemble deviendra un centre pour séminaires
de standing.
Au début du 13e siècle, une communauté de
moniales cisterciennes s'installe à Jauchelette,
en bordure de la Grande Gette, parmi « les Place du moulin domestique
3.1.
ramées ». Si la date de fondation demeure dans le site abbatial
incertaine, la donation de biens en sa faveur est
par contre confirmée par un acte de mai 1216 Le domaine comportait, outre les édifices
1. Autopsie partielle du sous- (Henneau, 2002, p. 21). Ce n'est qu'en 1796
qu'elle est délogée de l'abbaye de La Ramée
conventuels et une exploitation agricole, des
jardins, vergers, étangs ainsi que trois moulins ;

sol du moulin domestique de lorsque ses propriétés sont confisquées, décla-


rées biens nationaux et vendues deux années
l'un d'eux, dit « domestique », était implanté
au sud (coord. Lambert : 184283 est/152151

l'abbaye de La Ramée plus tard en sept lots (Henneau, 2002, p.  134-
135) ; l'adjudication est prononcée le 3  floréal
nord ; parc. cad. : Jodoigne, 3e Div., Sect. B3,
no 335S). Au milieu du 19e  siècle, il était
an  VIII, soit le 23 avril 1800 (Tarlier & utilisé pour moudre la farine, fonction qui lui
Wauters, 1872, p. 72). Le moulin domestique, aurait été maintenue au moins jusqu'en 1875
sujet du présent article, fait partie du second (Gaziaux, 2003, p. 3). Le bief qui en assurait
lot ; celui-ci, au même titre que le premier et la source en force motrice était alimenté par
le troisième, est acquis par Adrien Desbille de un étang situé à l'ouest, dénommé « étang
Nivelles. Ces possessions changeront maintes des chevaux » (1762) ou « de l'abr(e)uvoir »
fois d'acquéreurs, dont les Favart au milieu (1798), régulièrement empli grâce à un
du 19e siècle et les Solvay en 1906 (Tarlier aqueduc connecté aux ruisseaux Thorembais
& Wauters, 1872, p. 72 ; Henneau, 2002 ; et Heubois. Au-delà de la minoterie, ce chenal
Tordoir, 2002). L'exploitation agricole a été rejoignait la Grande Gette, cours d'eau qui
maintenue, au détriment des bâtiments monas- coule en proximité méridionale.
tiques qui eux ont été progressivement démolis,
à l'exception toutefois du quartier de l'abbesse. Tant ledit plan d'eau que le bief sont actuel-
La venue et l'emménagement de sœurs du lement comblés et ont quasi disparu du
Sacré-Cœur sur le site dès 1903 engendrent des paysage1  ; le premier fut remblayé en 1957
modifications et constructions neuves. ou 1958 et le second condamné en 1969
(Gaziaux, 2003, p. 13).
En février 1980, le domaine est classé comme
site et la ferme comme monument ; la grange
aux Dîmes est quant à elle reconnue comme
Extrait des notes prises lors de l'intervention archéologique de 2013. patrimoine exceptionnel de Wallonie. 1
Ils ont été dégagés et mis en valeur dès 2014.

14 L'ABBAYE DE LA RAMÉE L'ABBAYE DE LA RAMÉE 15


Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Contexte de l'intervention
3.2. Certes limitée, tant dans le temps (25 sep- méridional amputé de son registre supérieur.
récente tembre - 3 octobre 2013) que dans l'espace Les terrassements archéologiques se sont
(sur ou à proximité immédiate de l'édifice), cantonnés dans la moitié sud et ce pour deux
Dans le cadre d'une dynamique de réhabili- cette opération se justifiait pleinement pour raisons : d'une part, le pignon septentrional 2
tation et d'une valorisation du domaine, un compléter les informations engrangées jusqu'à était très instable et, d'autre part, le secteur
projet de restauration - réaffectation du moulin présent et réorienter éventuellement des options privilégié était susceptible de livrer les vestiges 1 5
domestique fut envisagé. Anticipativement à sa retenues par l'architecte. les plus révélateurs des fonctions attribuées
réalisation, une étude architecturale fut menée à ce bâtiment, en particulier les reliquats des
en 2005 sur le bâti principal et son annexe mécanismes associés à la roue. 4
(Gautier & De Waele, 2007). L'année suivante, 3.3. Description des vestiges dégagés
préalablement à la pose d'un collecteur pour La superficie interne actuelle du moulin est de
eaux usées et à une remise partielle en eau des Les deux interventions antérieures ayant fait l'ordre de 51 m2 (6,80 m sur 7,50 m). Au vu des
espaces aquatiques, c'est une fouille préventive l'objet d'articles spécifiques, nous ne présente- indices mis au jour sur les 0,90 m généralement
Angle formé par le mur oriental et le pignon sud, vu
qui fut opérée sur le bief du moulin et les étangs rons ici que les résultats récents. Néanmoins, atteints en profondeur minimale, elle semble ne de l'intérieur. À l'avant-plan, succession de subdivi-
limitrophes (Loicq & Servais, 2009). Le per- comme le chantier de restauration est toujours pas avoir grandement évolué au cours du temps. sions, aménagements et modifications.
mis d'urbanisme ayant été délivré, le Service en cours et que toutes les données n'ont pas
de l'archéologie de la Direction extérieure du encore été confrontées, ils sont à considérer Dans l'état actuel de l'étude, cinq « phases » Contre cette assise, bute ou s'imbrique un autre
Brabant wallon (DGO4 / Département du patri- comme des hypothèses de travail et sont, par semblent se dégager. Les deux premières corres- appareillage, également de pierres calcaires,
moine) assura un suivi. Cependant, de commun conséquent, sujets à modifications. À terme, pondraient à des constructions et la troisième agencé perpendiculairement à celle-ci et paral-
accord avec l'aménageur, certaines tâches ont une approche globale devra être menée afin de à des renforcements. La suivante engloberait lèlement aux pignons (4). Cette maçonnerie,
été entreprises sous le contrôle dudit Service produire une synthèse. toutes les adaptations apportées pour moderni- dégagée partiellement, présente une largeur mi-
pour permettre une maîtrise des dégagements ser le moulin ; quant à la dernière, elle fait suite à nimale de 0,48 m et est conservée sur au moins
de même qu'un enregistrement des observations Lors du suivi, la toiture du moulin était déjà l'abandon de l'outil1. 1,10 m. Elle appartient immanquablement à une
dans des conditions acceptables. démontée, le mur oriental démoli et le pignon subdivision de l'espace. Par la suite, elle servit
Phase 1 d'appui pour des structures récentes (5).

Parmi les témoins architecturaux les plus anciens


se distingue une fondation en pierres calcaires
liées au mortier de chaux de teinte crème,
incluant quelques fragments d'ardoises  (1).
Large d'au moins 0,97 m et conservée sur
environ 0,60 m de haut, elle constituerait l'assise
3
originelle de la façade orientale du moulin. Son
extrémité méridionale semble avoir subi une
perturbation, un recoupement en escalier, très
visible sur la face interne (2) ; à l'extérieur, elle se
traduit davantage par un agglomérat de pierres
de gabarits inférieurs et de briques fragmentaires
disposées sans aucun agencement cohérent. Angle formé par le mur oriental et le pignon sud, vu
de l'extérieur.
Cette fondation est cependant imbriquée dans
le registre inférieur de l'élévation du pignon sud La contemporanéité et/ou la postériorité entre les
par des appareillages de briques. Ceci attesterait élévations qui vont être décrites succinctement
d'une modification et/ou reconstruction (3). et les structures évoquées ci-dessus n'ayant pas
encore été clairement établies, un regroupement
en une seconde phase est proposé.
À gauche : le moulin domestique au moment de
l'intervention archéologique en septembre 2013,
partiellement démonté. 1
Erratum : quant à la dernière, elle précède l'abandon de l'outil.

16 L'ABBAYE DE LA RAMÉE 17
Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Phase 2 Gobertange, pour la façade. L'élévation interne Une analyse minutieuse des enregistrements de qu'il « corrige » laisse supposer que le niveau de
est dotée de deux « fentes » (3-4), baies verticales terrain de la campagne menée en 2006 permettra circulation en bordure du moulin devait se situer
Celle-ci se caractérise par l'emploi incontesté hautes de 0,62 m et larges de 9,5 cm pour une pro- peut-être de trancher. à l'articulation entre les deux maçonneries.
de briques dont les dimensions sont quasi iden- fondeur quasi équivalente. Leurs encadrements en
tiques, de l'ordre de 24 × 11/12 × 5,5/6 cm. pierre présentent une particularité pour la seconde Deux contreforts en pyramide tronquée furent
6
assise à partir du haut : une pièce unique, taillée érigés contre la face interne du mur gouttereau
Sur la fondation en pierres de la façade orientale en U et posée à plat. Aménagées dans le registre occidental. Les briques employées sont homo-
fut érigée une maçonnerie en matériaux mixtes, supérieur du mur, elles sont distantes de 2,67 m gènes dans leurs dimensions (21/23 × 10 × 5 cm)
à savoir des moellons à peine équarris en face de centre à centre. Celle de droite (4) est pour sa mais plus petites que celles utilisées pour les
externe et des briques en face interne, disposées part associée à un reliquat d'appareillage de quatre appareillages décrits dans la phase antérieure  ;
en gradins modifiant progressivement l'axe vers pierres superposées dont la supérieure est biseau- elles sont liées au mortier de chaux de teinte
l'est (1). Ces particularités témoigneraient d'un tée (5). Leurs fonctions demeurent indéterminées. verdâtre (vraisemblablement le résultat d'une
7
dénivelé entre l'environnement du moulin et réaction physico-chimique liée au remblaie-
l'aire de circulation dans le bâti, située à un ment). Les contreforts reposent sur une base
Berge septentrionale du bief (7) imbriquée dans
niveau inférieur ; en outre, elles indiqueraient l'angle oriental du moulin.
d'au moins cinq assises de briques, aux gabarits
une légère réorientation de la façade orientale. variés et maçonnées au mortier de chaux, érigée
La maçonnerie se limite à une section d'environ Dans son registre inférieur, les pierres de l'angle sur la couche grasse mentionnée auparavant. Le
0,74 m, comprise entre le pignon méridional et 3 4 oriental sont chanfreinées verticalement ; une sur contrefort butant contre l'angle septentrional du
5
un mur de refend contre lequel elle bute, érigée trois est prolongée par un retour parallèle à l'axe moulin leur est probablement contemporain.
sur la fondation en pierres subdivisant l'espace, du pignon (6) ; cette taille devait probablement
évoquée dans la phase précédente. Cette large assurer une transition vers une maçonnerie im-
base supporte une élévation régulière en briques, briquée (7), qui peut être la berge septentrionale
épaisse de 0,50 m et conservée sur au moins sept du bief ou une autre structure construite mise au
assises; la relation entre ces deux appareillages doit jour en 2006 (Loicq & Servais, 2009).
encore être éclaircie. Les briques sont disposées de
manière alternée en panneresse et boutisse  (2)  ; Pignon méridional, donnant sur le bief. Vue de la Outre ces structures, une couche grasse, très
dans le cas de l'agencement en panneresse, les pa- face intérieure. humide, de type décomposition organique, a
rements sont séparés par une enfilade de briques été identifiée à l'ouest de l'espace intérieur. De
posées perpendiculairement, en boutisse. prime abord, cette unité pourrait être liée à un
événement ou un acte ayant entraîné des adap-
tations ou changements sur le site (transition
1 vers la phase suivante ?). L'absence d'élément de Ci-dessus, les deux contreforts du mur occidental.
Ci-dessous, sondage ouvert au pied de la porte
datation et d'une stratigraphie complète empêche
d'entrée aménagée dans le pignon septentrional.
d'aller plus loin dans la réflexion. Parallèlement,
aucune relation n'a été à ce jour établie avec
le rehaussement de la porte aménagée dans le
pignon septentrional.

Pignon méridional. Détail d'une des deux "fentes" en


2 grès de Gobertange.
Phase 3

La façade de ce même pignon présente un galbe Par la suite, quelques modifications structurelles
horizontal. S'agit-il d'une déformation due aux furent opérées. Ainsi, le parement externe de
vibrations de la roue et/ou d'une faiblesse de la façade orientale fut modifié ou réparé ; en
Le mur oriental et ses modifications. Vue vers le sud.
conception, éventuellement corrigée en interne témoignent les briques récupérées, fragmen-
Le pignon méridional se caractérise également lors des derniers aménagements, ou d'une courbe taires, et maçonnées à l'aide d'un mortier de Le rehaussement de la porte d'entrée, sur une
par l'usage de deux matériaux distincts, à savoir volontairement conçue pour produire une accé- chaux de teinte jaunâtre. Le débordement de hauteur proche de 0,55 m, daterait au plus tard
la brique pour l'intérieur et la pierre, le grès de lération du flux de l'eau ? La question reste posée. 3,5  cm par rapport à l'aplomb externe du mur de cette période.

18 L'ABBAYE DE LA RAMÉE L'ABBAYE DE LA RAMÉE 19


Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Phase 4 maçonneries (tiges filetées,…) sont, comme la 3.4. Perspectives signalent qu'en 1649, une crue extraordinaire des
section conservée de l'axe de la roue (métal plein eaux de la Gette renversa le moulin de l'abbaye,
Probablement dans le but de moderniser l'outil, d'un diamètre de 13 cm), les seuls vestiges du Si l'allure que le moulin affichait avant les tra- dont les étangs et les viviers furent considérable-
des remaniements conséquents furent entrepris. dernier système ayant fonctionné dans le moulin. vaux trahissait une appartenance au 18e siècle, ment endommagés (1842, p. 70). Mais s'agit-il
Épinglons d'abord la modification de l'œillard, la T. Coomans émet néanmoins l'hypothèse d'un du même édifice, les auteurs ne mentionnant
baie de passage de l'axe de la roue ; trapézoïdal antécédent, d'un emplacement plus ancien aucunement leur source ?
en élévation (0,34 m de haut pour 0,59 m de (2002, p. 127 ; repris par Gautier & De Waele,
large en bas et 0,65 m sur la partie supérieure), 2007, p. 27). Les fondations anciennes ainsi Implantation secondaire et peu signifiante en
il est fermé par un arc surbaissé de briques dis- que les divergences axiales et remaniements, terme de superficie, le moulin domestique
posées en boutisse et panneresse (dimensions les natures des maçonneries… mis au jour lors assuma néanmoins des fonctions non dédai-
des briques : 21 × 11 × 5,5 cm). Cette correction de notre intervention abonderaient en ce sens. gnables tant sous l'autorité abbatiale que sous
perturba toute la maçonnerie originelle, réparée Rappelons que l'intervention de 2006 avait les multiples exploitants agricoles qui se sont
de manière quelque peu maladroite. également permis d'observer des appareillages succédé après la dissolution de la communauté
en moellons de grès antérieurs aux remblais sur et la vente du domaine comme bien national.
lesquels les parois en briques du bief avaient été Nous pouvons regretter qu'aucune opération
Modifications tardives comprenant notamment une érigées (Loicq & Servais, 2009, p. 16) mais... à archéologique n'ait été entreprise sur l'ensemble
fosse aux parois cimentées. quelle époque ? de l'édifice et ses abords, y compris l'étang qui
l'alimentait, afin de l'appréhender au mieux
Nous référant aux recherches menées en 2006, Faute d'avoir pu prolonger les sondages de ma- mais les résultats obtenus à ce jour reflètent le
le bief, dont nous avons à peine dégagé l'imbri- nière à obtenir des stratigraphies complètes, des potentiel conservé et constituent des jalons pour
cation avec l'angle oriental de l'édifice, serait lacunes subsistent, notamment chronologiques. tout acte, quelle qu'en soit la nature, pouvant
conservé sur une longueur d'au moins 8 m, Ainsi, cette couche grasse observée dans l'espace porter préjudice ou valoriser. En collaboration
une largeur de 2,80 m et une hauteur maximale interne, sous les bases des contreforts du mur avec Benjamin Van Nieuwenhove.
équivalente à sept assises de briques. La face gouttereau occidental, n'a pu être déterminée
externe de l'œillard et le plumard (logement avec précision. Est-ce un dépôt volontaire, dont Nos remerciements s'adressent à
Pignon méridional. Œillard (baie de passage de l'axe pour l'extrémité) ayant été dégagés, une déter- la matière pourrait provenir d'un dragage des M.  J.W.  Mortelmans, administrateur délégué de
de la roue) modifié. mination du modèle de roue de même qu'une étangs ou des rivières, ou un incident naturel ? l'Immobilière La Ramée s.a., et aux opérateurs qu'il
estimation de ses dimensions ont pu être Si la seconde supposition s'avère exacte, elle mit à disposition de l'équipe archéologique, ainsi
Phase 5 proposées. Ainsi, alimentée aux trois quarts constituerait un maillon temporel. Parmi les évé- qu'à MM. D. Grandjean et S. Sambre, de l'entre-
de sa hauteur, elle possédait des bac ou augets. nements qui se sont produits, Tarlier & Wauters prise générale de construction COLEN s.a.
Jusqu'à une période récente, le bâti fit l'objet Elle devait tourner dans le sens inverse des
d'adjonctions, renforcements, réparations et aiguilles d'une montre. Son diamètre avoisinait
transformations avec usage du ciment. Ces actes probablement 3 m pour 2 m de large (Loicq &
consistèrent notamment en la construction Servais, 2009, p. 15).
d'une fosse contre la face interne du pignon sud.
Large d'environ 0,75 m à l'ouest (dimension
plus importante à l'est en raison d'un retrait des
maçonneries) et profonde d'au moins 0,69 m, elle Enfin, les auges encore en place contre le mur
est délimitée par d'épais murs en briques incluant gouttereau occidental témoignent de l'abandon
des blocs en pierre bleue (petit granite) pour les du moulin au profit d'une reconversion en écu-
extrémités et sections devant assurer des charges rie (Coomans, 2002, p. 207 note 48 de la p. 127).
importantes. Son fond et les faces des murs
proches de la fosse sont cimentés. Le pignon ne
déroge pas à cette technique d'étanchéité ; un
cimentage par « coffrage » (traces des planches À droite : le moulin en cours de restauration
(septembre 2014). Façade occidentale et pignon
visibles) a même été adopté. Cette fosse et les méridional. À l'avant-plan, l'extrémité de l'étang de
quelques pièces métalliques enchâssées dans les l'Abreuvoir restauré.

20 L'ABBAYE DE LA RAMÉE L'ABBAYE DE LA RAMÉE 21


Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
3.5. Bibliographie

Coomans T., 1992. La Ramée à Jauchelette. Henneau M.-É., 2002b. La suppression de la


Ancienne abbaye cistercienne en Brabant wallon, communauté de La Ramée en 1796 et la vente
Jodoigne, brochure publiée à l'occasion de la de l'abbaye comme « Bien National ». In :
Journée du patrimoine du 13 septembre 1992. Coomans  T. (dir.), La Ramée. Abbaye cister-
cienne en Brabant wallon, Bruxelles, Racine,
Coomans T., 2002. Les bâtiments abbatiaux et p. 133-137.
la grande ferme de La Ramée au xviiie siècle.
In  : Coomans T. (dir.), La Ramée. Abbaye cis- Loicq S. & Servais N., 2009. Jodoigne/
tercienne en Brabant wallon, Bruxelles, Racine, Jauchelette  : les étangs de l'ancienne abbaye de
p. 103-132. La Ramée, Chronique de l'Archéologie wallonne,
16, p. 14-17.
de Waha M. & Van Oeteren V., 1984. Fouilles
médiévales. Jauchelette, abbaye de La Ramée, Tarlier J. & Wauters A., 1872. La Belgique
Annales d'Histoire de l'Art et d'Archéologie, VI, ancienne et moderne. Géographie et histoire des
p. 109-110. communes belges. Province de Brabant, Canton
de Jodoigne, Bruxelles, p. 67-73.
Gautier P. & De Waele É., 2007. Jodoigne/
Jauchelette : ancienne abbaye de La Ramée, le Tordoir J., 2002. Les propriétaires de l'ancienne
moulin domestique, Chronique de l'Archéologie abbaye de La Ramée : de l'époque française à la
wallonne, 14, p. 25-27. Première Guerre mondiale. In : Coomans T.
(dir.), La Ramée. Abbaye cistercienne en Brabant
Ci-dessus, intervention archéologique en cours (septembre - octobre 2013).
Gaziaux J.-J., 2003. La ferme de La Ramée à wallon, Bruxelles, Racine, p. 138-150.
Ci-dessous, le moulin domestique restauré (juin 2016).
Jauchelette en Brabant wallon, Jodoigne.

Henneau M.-É., 2002a. Entre terres et cieux…


le temps des fondations (xiiie-xive siècles).
In  : Coomans T. (dir.), La Ramée. Abbaye cis-
tercienne en Brabant wallon, Bruxelles, Racine,
p. 18-31.

22 L'ABBAYE DE LA RAMÉE 23
Autopsie partielle du sous-sol du moulin domestique de l'abbaye de La Ramée
Références bibliographiques des trois articles
faisant l'objet de cette publication

Gautier P. & De Waele É., 2007. Jodoigne/Jauchelette : ancienne abbaye de La Ramée, le moulin
domestique, Chronique de l'Archéologie wallonne, 14, p. 25-27.

Loicq S. & Servais N., 2009. Jodoigne/Jauchelette  : les étangs de l'ancienne abbaye de La Ramée,
Chronique de l'Archéologie wallonne, 16, p. 14-17.

Van Hove M.-L. & Willems D., 2014. Jodoigne/Jauchelette : autopsie partielle du sous-sol du moulin
domestique de l'abbaye de La Ramée, Chronique de l'Archéologie wallonne, 22, p. 61-65.

spw.wallonie.be/dgo4/site-caw

Copyright des illustrations


Illustrations, photographies et relevés de terrain :

De Waele É., Gautier P., Loicq S., Pleuger E., Servais N., Van Hove M.-L.,
Van Nieuwenhove B. & Willems D., ©SPW-DGO4

Légendes des photographies pleine page


Page 4 : Le moulin domestique avant restauration. La façade occidentale est encore flanquée de son annexe
récente, et le pignon méridional est étançonné (2006).
Page 8 : Sondage à l'emplacement de l'étang de l'Abreuvoir (2006).

Remerciements
À travers le présent fascicule, nous adressons nos remerciements à toutes les personnes qui ont pris part de
manière directe ou non aux interventions archéologiques menées à l'abbaye de La Ramée, en ce compris l'équipe
technique active sur le site.
En outre, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à l'égard de monsieur J. Mortelmans pour son dynamisme
et l'intérêt qu'il porte à son patrimoine.

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ISBN 978-2-930711-27-0

9 782930 711270

En 1216, des moniales cisterciennes s'établirent parmi les « ramées » (Rameia), dans la
vallée de la Grande Gette, sur des terres offertes en donation par le seigneur Gérard Ier
de Jauche. À l'image de maintes institutions sœurs, l'abbaye connut au cours de ses huit
siècles d'existence des heures de gloire et d'abandon. Si aujourd'hui son blason redore à
nouveau, certes en l'absence de toute communauté religieuse, c'est grâce à la volonté du
propriétaire de « reconstituer » et mettre en valeur l'ensemble abbatial.
Aussi célèbre soit-elle, la littérature et les archives n'en ont pas révélé tous les
secrets ; plusieurs questions subsistent, notamment à propos de son patrimoine
immobilier. Déjà en 1983, V. Van Oeteren et collègues tentèrent par quelques
sondages archéologiques de répondre à des inconnues liées à l'église ; ce fut une
première approche qui ne demandait qu'à être exploitée par une fouille extensive.
Chaque étape de restauration, de mise en valeur ou tout simplement de
construction, est devenue « prétexte » pour observer et étudier le moindre indice
susceptible de compléter le puzzle de la connaissance. C'est dans ces contextes
que le Service de l'archéologie en Brabant wallon (SPW – DGO4) est intervenu
notamment pour le moulin domestique et les étangs ainsi que leurs abords
immédiats. Le pas a été franchi ; d'autres interventions suivront.
Le fascicule qui vous est proposé par la Direction de l'archéologie à l'occasion
des Journées du Patrimoine en Wallonie, ayant pour thème le Patrimoine
religieux et philosophique, n'est pas une synthèse, d'autres études devant
compléter le corpus, mais une compilation illustrée des trois articles déjà
parus dans la Chronique de l'Archéologie wallonne.
Que le visiteur que vous êtes puisse d'ores et déjà en apprécier le contenu tout en
se baladant dans le site ou en dégustant paisiblement un breuvage agréable, telle
une bière… de la Ramée.

Didier Willems
Archéologue provincial
SPW-DGO4, Service de l'archéologie de la Direction extérieure du Brabant wallon

Réalisé dans le cadre des


Journées du patrimoine 2016

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