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Documents sur Guentis et autres…

Poste de Guentis
http://www.chemin-de-memoire-parachutistes.org/t7814-ma-bataille-de-djeurf-1958-algerie

Témoignage de la bataille de Djeurf

Aurès -Németcha..1958..

----------------
Pour l'Adjudant/chef Lionel Cassiède qui a été cité le 28/2/1958....

Et pour Lio un souvenir de son Oncle......

Jeudi 27/02/1958...1.40h..la cuisine nous fournit 1/4 de flotte chaude


pour faire notre jus...
Le départ est prévu pour 2.30h...Il fait un froid de canard ,çà gèle dur..

Sommes de jour à l'Escadron du...3ème.R.P.C.., Nous roulons jusqu'à


6.30h du matin ,il y a certainement 100 bahuts de tout genres ,GMC ,
Camions de transports divers , l'Artillerie , une compagnie de Chars,
plusieurs Régiments..!!

Nous allons à DJEURF ...Dans les Aurés-Németcha..Ou est signalé un


grand nombre de Fells..

Le froid redouble!! le ciel est couvert , nous grelottons dans nos tenues
camouflées malgrés un pull sur la peau...

Descendons des bahuts en direction de l'Oued Allaïl , en direction de


grottes dans un immense Talweg rocheux d'éboulis et de grottes....

A 8h..La 1er.compagnie aperçoie des Fells planqués dans les rochers et


aussitôt c'est l'accrochage..!
Nous progréssons sur l'autre versant à vive allure..
8.30h...c'est le gros de la Katiba super armées qui est coincé , ils tiennent
tout le fond de l'Oued.. L'aviation entre dans la dance !!!..
Il y à 4 T6.. 2 Vampires.. 5 Bananes.. 3 Pipers.. 1 Broussard.. 1
Alouètte...
La bande est prise au piège , la boucle est bouclée!..
L'avance se poursuit, çà accroche dans les bas de l'Oued et aussi dans les
grottes , les amoncellements de rochers brulés par le soleil sont difficiles
d'accés...

Les Fells se débandes en tirant de toutes leurs armes , des MG 42 tirs à


grandes cadences...
Je n'en crois pas mes yeux à , 500m de moi dans un fond d'oued à un
embranchement de deux oueds ,
dans le talweg une trentaine de Fells marchent tranquillements en treillis
et chapeaux de brousse sur le bord du cours d'eau...Je commande le feu à
volonté , devenu chef de pièce mon tireur Fleurat s'en donne à coeur
joie..!!

Tout le monde tire dans le paquet , çà cavale dans toutes les directions
ils sont pris à revers par le bouclage qui se ressère..
Ils ne peuvent même pas ripostés au risque de se dévoilés..
Les sections déscendent sous protection de FM et de lance-patates...
Aprés l'aviation , les chars , les batteries de mortiers ont fait un barrage
d'enfer..!! c'est la ruée au tir sans interruption puis à la grenade...!

Tout le...3... est dans l'action , il faut les déloger dans les grottes , c'est
l'assaut à chaque point de résistance ,il y a de la casse chez" Bruno"..

Des Fells isolés se font tuer sur place , ce sont de rudes


combattants..
Le ..3ème peloton de l'EJA fait prisonnier 3 fells avec une MG c'est la
gloire , mais non sans casse..Cassou chef de FM comme moi ,reçoit
plusieurs balles de MG dont une dans la tête,.. Mort sur le coup , quelle
tristésse un brave Para!!..

La bataille ce termine ,des coups de feu ,à droite à gauche les sections


remontent sur le .PC "Bruno" avec les armes trouvées et les munitions..

Bilan de la journée pour L'Escadron: 7 fusils 303.. 4 Lebel.. 4 Stati.. 1 Mat


49.
2 Mortier anglais de 50 ?.. 2 MG...un grand nombres de grenades de
toutes provenance.. un sac de 50kg de cartouches.. Une trentaine
d'équipements autant de muséttes avec obus de mortier.. et roquettes..

Pour le régiment; 7 mitailleuses divers.. 3 mortier de 50.. 23 PM ?.. 37


fusils de guerre.. 3 FM .. munitions..
110 Rebelles au tapis.. 10 prisonniers.. plus ceux qui sont restés dans les
trous et que l'on n'à pas trouvés.

Nous dormons dans nos trous de combat en plein vent d'hiver , la neige
tombe , je grelotte en prenant le tour de garde de 7 à 9h.
Impossible de dormir le froid est dur le vent souffle terrible , je fume mon
paquet de cigarèttes pour me réchauffer le nez..

Vendredi 28 février 1958....


Toute la nuit des rafales d'armes sur des Fells qui forcent les bouclages..
Le jour ce lève , le soleil perce sur un temps pâle et brouillé , le vent à
soufflé en rafale toute la nuit , les touffes d'Alfa sifflent au vent..

Le C/cThévenon mon chef de groupe s'étant foulé la cheville . Devauchelle


le tireur FM du 2éme groupe , c'est déboité le genoux (1er classe..7 ans
d'armée!!!!) une vedette en base arrière mais au crapahut zéro...
Ils sont évacués en "Bananes"
Nous restons en position jusqu"a 15h , on fait bruler l'Alfa pour nous
réchauffés c'est une herbe filendreuse qui brule trés bien...!

La compagnie se replie direction les camions..


C"est la fin de OP......

Base arrière:..Youks les Bains

La bataille est gagnée mais à quel prix , souffrance dans le froid et


la duretée de l'engagement par des rebèlles éxpérimentés et ne
lâchant pas un pouce de térrain...
Fin...........

Souvenirs de Guentis. Juillet 1959-


décembre 1960.
mardi 4 novembre 2008, par Michel de Robien

http://www.miages-djebels.org/spip.php?article72

« Si j’étais sous- lieutenant, c’est à Guentis que j’irais », c’est dans ces termes que le Général
Huet avait parlé de ce poste perdu au fin fond des Némenchas après avoir effectué la tournée
du secteur où allait s’implanter sa division. J’étais sous-lieutenant et c’est à Guentis que
j’étais !

J’étais arrivé là, un peu par hasard, un peu par romantisme, un peu sans doute aussi par
inconscience ! M’étant peu préoccupé de ma future vie militaire je m’étais retrouvé incorporé
dans le Service du Matériel, corps au demeurant fort honorable, où j’avais cependant le
sentiment de n’être pas tout à fait à ma place en temps de guerre. Providentiellement pendant
le cours d’EOR que je suivais à Fontainebleau, on était venu recruter des volontaires pour les
Affaires Algériennes.

Aimant monter à cheval, après le stage d’acclimatation d’Arzew, je me suis retrouvé à Bône
cherchant à me faire affecter à une SAS ayant un Maghzen monté, lorsque le commandant
Lequeux, commandant les Affaires Algériennes du Secteur de Tébessa demande à la
Direction de Bône de lui affecter un cavalier pour créer le PMG ( Peloton Monté de Guentis),
qui devait suivre les populations semi-nomades du douar Stah qui transhumaient chaque hiver
depuis les Hauts Plateaux vers les confins sahariens, sur le versant sud des Nemenchas.

Après être passé à Tébessa où j’avais été merveilleusement accueilli par le Commandant
Lequeux, j’avais fait étape à la SAS de Cheria où s’arrêtait la route goudronnée, dernier lien
avec la civilisation, et où poussaient encore des arbres au milieu de quelques hectares de
luzerne. J’embarquai enfin dans le convoi qui assurait la relève du poste de Guentis.

C’est alors que j’apprenais que cette relève s’effectuait avec une compagnie de tirailleurs qui
avait manqué déserter lors de son précédent séjour trois mois avant ! Cette compagnie était
commandée par un magnifique officier, le lieutenant Philip, ancien enfant de troupe, qui
menait admirablement cette unité difficile, avait un remarquable sens du terrain, un vrai
homme de guerre, avec ce que cela comporte de noblesse, d’exigence et de rectitude.
Il faut s’imaginer le dépaysement d’un jeune appelé débarquant dans cette ambiance, tendue,
compte tenu des circonstances, et dans un paysage lunaire dont les pitons tabulaires
étaient plus proches de Monument Valley que des vertes collines normandes qui
constituaient son environnement naturel. On était fin juillet et il n’y avait plus la
moindre trace de verdure, pas un arbre. Je découvrais là une nature minérale,
dépourvue de tapis végétal, où l’homme semblait ne laisser qu’un sillage plutôt qu’un
sillon. Ce caractère minéral rapproche ce Sud algérien de la mer, et c’est sans doute un
peu par atavisme familial venu d’un père marin, que très vite j’ai appris à aimer cette
nature austère et dure.

Le relief de ce secteur aurait à merveille illustré un cours de géographie : on y trouvait


successivement une série de cuvettes dominées par des synclinaux perchés, magnifiques
exemples de relief inversés ou appalachiens, des tables sédimentaires et des gorges dignes du
Grand Canon par lesquelles l’Oued Guentis frayait sa route vers le sud. Cette contrée,
aujourd’hui si aride, avait dû dans un passé lointain connaître une prospérité certaine à en
juger par les vestiges romains qui abondaient, chapiteaux finement sculptés, meules
manifestement chrétiennes, fondations de ce qui avait pu être un temple.

Non loin du poste on pouvait relever des traces d’une présence humaine remontant au
mégalithique ou au néolithique sous la forme d’une escargotière, type de site bien connu des
spécialistes. Mais le plus remarquable était sans doute la lumière, violente, crue, cruelle
même, avec cependant ces quelques minutes brèves et merveilleuses qui précédaient de peu le
coucher du soleil, où la nature s’apaisait et s’adoucissait avant de sombrer dans un crépuscule
rapide et brutal, avec cette nuance un peu tragique et angoissante qui s’accentue au fur et à
mesure que l’on s’avance vers les tropiques.

Le poste militaire de Guentis avait été construit par des légionnaires à l’extrémité d’un éperon
rocheux sur le modèle des châteaux forts avec un donjon central et quatre tours d’angle. La
SAS, mitoyenne, était plutôt rustique, essentiellement composée de deux baraquements et
d’un bâtiment en dur pour l’infirmerie et l’AMG (Assistance Médicale Gratuite). Le
maghzen, encore embryonnaire, était logé dans une baraque Fillod ainsi que l’école. Le chef
de SAS était le lieutenant Pentecôte, réserviste en situation d’activité, un ancien tirailleur,
l’adjoint civil, Monsieur Grall était un breton, un peu tête brûlée, qui pendant la guerre
d’Indochine s’était engagé sur un coup de blues dans la colo laissant en Bretagne femme et
enfants, et qui à l’issue de ses cinq ans n’avait pu se refaire à la vie civile. Le radio, Tollas,
était un ancien légionnaire allemand, le médecin aspirant, Giacomoni, un corse truculent et
sympathique.

Les effectifs devaient être renforcés et les chevaux achetés. Peu après mon arrivée j’étais donc
envoyé en mission à Tebessa pour recruter une trentaine de moghaznis et acheter quarante
chevaux sur les marchés. La race locale n’avait que de très lointains rapports avec le pur-sang
arabe, il s’agissait de petits barbes, pas très élégants, mais sobres, rustiques, au pied très sûr,
et d’un sang-froid à toute épreuve : les accoutumer au coup de fusil n’a posé aucun problème
et on pouvait tirer une rafale de pistolet mitrailleur sans qu’ils bougent une oreille. Il va de soi
que cette demande exceptionnelle dans un marché étroit n’a pas manqué d’influer sur les
cours et que le prix plafond qui nous était alloué (700 F par cheval) a bien vite été connu et le
marchandage rendu difficile ! Dans le choix des chevaux, j’étais assisté par un vétérinaire.
Pour le recrutement des moghaznis, c’était à la grâce de Dieu, qui se montra bienveillant, le
maghzen s’étant révélé par la suite sûr et attachant.
Fin septembre ou début octobre, les chevaux étaient achetés, les effectifs du maghzen
complétés et nous embarquions le tout sur des GMC, dans des conditions un peu acrobatiques
pour les chevaux - il n’y eut miraculeusement pas de casse - à destination de Negrine à
quelque cent kilomètres pour rejoindre notre campement situé un peu plus à l’ouest, assez
proche de l’oasis de Ferkane. Nous étions enfin dans le Sud que j’avais pu entr’apercevoir
durant l’été précédent depuis la ligne crête des Némenchas. Ces confins sahariens perdus dans
le lointain à une vingtaine de kilomètres m’étaient apparus comme une espèce de terre
promise qui me fascinait déjà. Ce qui m’avait alors frappé c’est que les moghaznis étaient
aussi excités que moi par cette vision et partageaient mon enthousiasme qui ne pouvait donc
être attribué à mes seules références culturelles.

Notre campement était situé au pied des derniers contreforts des Némenchas dans une zone
plate qui s’étendait sans obstacle jusqu’à El Oued à quelque cent kilomètres au sud. L’oued
Allaïl se perdait dans les sables à un ou deux kilomètres ce qui permettait d’y aller abreuver
les chevaux. C’était généralement à l’heure où les perdrix des sables venaient également
se désaltérer. C’est ainsi qu’un matin allant faire boire mes chevaux avant de partir
pour la journée en patrouille, je tombai sur le colonel de T… commandant le 2ème
dragon basé à Négrine qui s’était mis à l’affût pour les chasser. Il m’envoie alors un de
ses adjoints pour me dire de ne pas le déranger dans ses exploits cynégétiques. Avec
l’inconscience et la présomption propre à l’âge que j’avais alors je réponds à son
émissaire quelque chose du style : « allez dire à votre colonel que pendant qu’il va à la
chasse je fais la guerre et que mes chevaux doivent boire. » Le colonel, brave homme, ne
m’en voulut pas de mon insolence et m’invitait peu après à sa table.

C’est à ce moment que furent affectés au PMG le médecin-lieutenant Villaret et le sergent-


chef Durin. Ce n’est que quelques semaines après leur affectation qu’effectuant une visite des
campements ils tombèrent dans une embuscade et furent vraisemblablement immédiatement
tués. Toute la nuit nous avons patrouillé en vain et le lendemain une grande opération était
montée sans que nous puissions trouver trace d’eux. Ce n’est que plus de six mois plus tard
que leurs corps furent retrouvés sur renseignement. Ils ont été victimes du dévouement avec
lequel Villaret exerçait son métier de médecin et de la conception qu’ils avaient de leur
mission de SAS, n’hésitant pas à prendre des risques pour être plus au contact de la
population.

Villaret était un médecin, passionné par son métier, et un soldat. Il assumait pleinement ces
deux rôles, alliant le dévouement du médecin et l’acceptation du risque du soldat. Il aimait
son métier, il aimait la France et l’Algérie qu’il avait la volonté de servir au péril de sa vie.
Marié, déjà père d’une fille, son deuxième enfant, un fils, est né quelques mois après sa mort.
Tous deux sont aujourd’hui médecins. Durin s’était immédiatement imposé au maghzen, à la
fois très près des hommes, mais sachant se faire respecter. Il avait déjà de beaux états de
service et lui aussi servait avec passion au sein des Affaires algériennes où il avait trouvé son
plein épanouissement.

Bien que nous ayons eu la certitude objective et l’intuition quasiment physique de la


présence de l’ennemi, avec le recul, je pense que cette présence latente et toujours
invisible finissait par prendre un caractère virtuel qui nous incitait à provoquer le
danger en prenant des risques allant parfois au-delà du raisonnable. Le roman de Dino
Buzzati, le Désert des Tartares, décrit parfaitement cette atmosphère étrange et m’a fait
revivre ces moments très forts marqués par la tragédie de la disparition du lieutenant
Villaret et du sergent-chef Durin.
Notre mission était d’assurer une présence aussi constante et aussi amicale que possible parmi
cette population très disséminée, mais implantée dans une zone où nous progressions en
général assez à découvert. Le maghzen monté trouvait là sa parfaite justification. Le cheval
permettait de faire facilement des journées de plus de vingt kilomètres et de bien voir ce qui
se passait alors que les patrouilles motorisées étaient « vues sans voir ». Enfin, un peloton
d’une quinzaine de chevaux permettait de couvrir une bonne surface de terrain et de
patrouiller dans de bonnes conditions.

Nous nous arrêtions auprès des tentes bavarder avec les habitants et parfois boire un café. La
spécialité locale était le café au poivre, qui avec l’eau toujours un peu goudronnée des
guerbas en peau de chèvre faisait un mélange un peu détonnant, mais au demeurant pas
désagréable, et qui dans les matins frisquets des confins sahariens avait un effet
réconfortant comme le café arrosé que j’avais pratiqué certains matins de chasse en
Bretagne.

C’est ainsi qu’un matin, peu de temps après notre arrivée dans le Sud, et alors que je n’étais
pas encore bien familiarisé avec le maghzen dont l’essentiel avait été fraîchement recruté, je
me suis retrouvé en train non seulement de boire un kaoua mais de déguster, sans plaisir
gastronomique, je l’avoue, des sauterelles bouillies dont un nuage venait de s’abattre.
C’était un événement pour les nomades qui n’avaient pas de cultures à protéger et pour
qui cela constituait une source providentielle de protéines dont ils se régalaient. Ce
faisant, j’avais confié mon PM à un moghazni. Nous repartons et au bout de quelques mètres,
je sens qu’il me manque mon PM, que faire ? Le réclamer ? C’eût été témoigner de la
méfiance. Le terrain était dégagé, on ne risquait pas une surprise, je décide donc de continuer
à aller désarmé, jusqu’au moment où arrivant dans une zone plus difficile je reprends mon
arme. Cela n’était pas prémédité, mais je pense que cet incident a sûrement contribué à créer
le lien de confiance et d’amitié qui nous a unis par la suite.

Le printemps arriva vite, la vie quotidienne marquée par les patrouilles, les embuscades de
nuit, quelques soins sommaires qu’en l’absence d’un médecin nous nous efforcions d’assurer
à l’infirmerie. Et le moment était aussi venu d’escorter nos nomades vers leurs terres du
versant nord des Némenchas. Une malheureuse chute de cheval qui me valut une clavicule
cassée me priva de cette expédition. Je retrouvai à cette occasion, comme patient cette fois-ci,
l’équipe de l’antenne chirurgicale que je rencontrai lors de mes rares passages à Tébessa au
restaurant « Le Français », sympathique établissement où nous faisions cantine. Son patron,
Roger Holeindre a depuis connu une certaine célébrité politique. Sans approuver ses
engagements politiques, je lui reconnais volontiers des circonstances atténuantes : après avoir
été obligé de quitter l’Indochine, il avait reconstruit sa vie en Algérie et réalisé une belle
entreprise qu’il a encore une fois été obligé d’abandonner.

Après une permission de convalescence, je retrouvai Guentis. J’ai eu la bonne surprise de voir
achevés les casernements des moghaznis, composés d’une série de deux logements mitoyens
séparés par des cours et recouverts de voûtes de parpaings en plein cintre. Au pied de la SAS
commençait à s’édifier près de la Mairie le nouveau village de Guentis.

C’était l’époque des moissons, maigres récoltes dont les rendements n’excédaient pas
quatre à cinq quintaux d’orge à l’hectare. L’usage de la charrue était inconnu et l’on
retournait la terre avec d’antiques araires. La moisson se faisait à l’aide de faucilles, et
le grain était battu par le piétinement des chevaux et des ânes longés sur l’ère de
battage. Cette orge était précieuse, car elle constituait, sous la forme de galettes cuites au
feu de crottes de chèvre, les « kessras » l’essentiel de la nourriture de la population.

Nous pratiquions le ramassage scolaire, activité relativement périlleuse parce qu’effectuée à


heures fixes, avec un seul véhicule, économie d’essence obligeait, et sous faible escorte,
quatre moghaznis, puisqu’il fallait laisser la place aux enfants. La chance était avec moi, les
fellaghas qui devaient tenter un coup contre cette activité pacifique tombèrent dans une
embuscade avant de mettre en œuvre ce projet.

Durant cet été on a refait la piste qui nous reliait à Chéria, ce qui nous a valu quelques nuits à
la belle étoile pour assurer la protection du matériel de travaux publics qu’il n’était pas
question de ramener à Guentis en fin de journée.

L’été finissait, le moment de l’achaba, la transhumance annuelle vers le sud, arrivait.. Le


spectacle était digne d’un film de Cecil B. De Mille. Vingt mille moutons, mille ou quinze
cents chameaux, sans compter les chevaux, les ânes et les mulets, quelque huit cents
familles enfin se trouvaient rassemblés au pied de la SAS. Cette population était
acheminée vers le sud en trois caravanes échelonnées sur trois jours. Je revois encore le
jeune chameau refusant avec une détermination flegmatique de se relever bâté et dont il
fallut bien se résigner à répartir la charge sur ses aînés. Volailles et enfants effectuaient
le voyage juchés au sommet des chargements des chameaux.

La traversée des Némenchas en suivant les gorges de l’oued Guentis offrait des paysages
splendides. On faisait étape à mi-chemin et j’eus droit à la cantine ambulante du
Général commandant les troupes qui assuraient la sécurité de ce déplacement.
L’ambiance de ce mess à roulettes me paraissait d’un luxe babylonien en comparaison
de l’atmosphère très « Dix Commandements » de la caravane des nomades.

Comme à l’accoutumée les moghaznis me préparaient mon bivouac qui consistait en un petit
muret de pierres sèches entourant un matelas de touffes d’alfa, le tout recouvert d’une toile de
tente. J’ai souvent pensé que Saint Pierre, le soir de la Transfiguration lorsqu’il proposait au
Christ d’édifier trois tentes, avait dans la tête une installation qui ne différait pas sensiblement
de celle que les moghaznis édifiaient pour moi.

C’était ma dernière opération et j’accomplis ce voyage avec un brin de nostalgie. Je m’étais


attaché à ce pays, au maghzen, à la population aussi, avec laquelle les relations étaient
toujours ambiguës, prise qu’elle était entre notre présence et la pression qu’exerçait sur
elle le FLN. Il lui était évidemment difficile de s’engager à nos côtés, d’autant plus que
nous étions en décembre 1960 et qu’il n’était guère possible de se faire encore des
illusions sur l’avenir de notre présence. Je persiste cependant à croire que nous avons
connu quelques moments d’échanges vrais et sincères.

J’avais eu un moment la tentation de rempiler, le colonel C… qui avait pris la succession du


commandant Lequeux me le déconseilla. Le bon sens l’a finalement emporté : je n’étais pas
certain alors, et ne le suis pas plus aujourd’hui, d’être fier de cette victoire du bon sens.

Quelques jours après je quittais donc le maghzen, beaucoup pleuraient et moi-même


j’étais bien ému. Le moghazni qui m’était le plus proche m’accompagna jusqu’à
Négrine. Nos adieux furent aussi émouvants. Il n’y a que très récemment que j’ai appris
qu’il avait été victime des règlements de comptes de l’indépendance.
J’arrivai à Tébessa alors que le Général de Gaulle faisait sa dernière tournée en Algérie, ce fut
un succès foudroyant pour le FLN en faveur de qui de Gaulle avait réussi à retourner
l’ensemble de la population. Cette atmosphère qui commençait à tourner à la déliquescence ne
contribuait pas à me donner bonne conscience dans mon retour à la vie civile.

J’ai longuement hésité à écrire ces lignes malgré les amicales pressions du Président des
Anciens des Affaires Algériennes. L’enthousiasme de la jeunesse passé, ces souvenirs ont
aujourd’hui pour moi un goût de cendre : quatre morts, Villaret, Durin, et au moins deux
Moghaznis victimes de vengeances du FLN et de la trahison de la France à leur égard, une
veuve et deux orphelins, un ancien chef de SAS qui ne s’est jamais remis des turbulences de
cette période et qui termine aujourd’hui une vie brisée, dans un asile, sa famille détruite.

En dépit des côtés affreux de cette guerre, qu’il ne s’agit pas de nier, mais auxquels il
serait injuste de réduire cette période, demeure le sentiment d’une occasion manquée,
d’un magnifique projet avorté, celui de conduire un pays en voie de développement à sa
maturité économique et politique. Les malheurs qu’a connus depuis l’Algérie justifient a
posteriori et par l’absurde, la conviction que nous avions alors une chance d’accomplir
quelque chose de magnifique et de montrer « combien c’est grand, combien c’est beau,
combien c’est généreux, la France ». Mais non, ce rêve a été abandonné parce que, je
cite toujours, « somme toute, l’Algérie nous coûte plus cher qu’elle ne nous rapporte ».

Alors que je relisais ces lignes, l’Association des SAS m’a mis sur la piste d’un des anciens
moghaznis de Guentis. Ce fut merveilleux de se retrouver. Grâce à cette rencontre, j’ai pu
reprendre contact et avoir des nouvelles de quelques anciens. Après plus de quarante ans les
souvenirs étaient toujours aussi présents, l’amitié aussi vivante. Cela au moins n’était pas
perdu !

Michel de Robien.

Cet article est paru dans le N° 79 de la Charte.

Samedi 2 mars 2013


La Bataille de Djedida-Mellagou

G11

La Bataille de Djedida – Mellagou

Cette opération appelée« Djedida » sera mon premier engagement important dans le massif
des Nementchas, en limite des Territoires du Sud Algérien du 7 au 17 juin 1956.

Le 5 juin 1956 le 3e Régiment de Parachutistes Coloniaux avec à la tête, notre chef le


lieutenant-colonel Bigeard, est mis à la disposition de la zone opérationnelle des Nemetchas.
Notre base arrière reste toujours Bône.

Le général Vanuxem est notre grand patron. Ancien « maréchal « de De Lattre De Tassigny, il
est connu comme baroudeur en Indochine il l'a prouvé. Bourru, violent, il ne fait pas de
sentiments, peut importe les pertes , il lui faut des résultats concrets. Il fait bien comprendre
à Bigeard qu'ici dans le Sud, notre travail sera d'autant plus difficile que les rebelles ne
craignent personne et même recherchent le combat ils vont jusqu'à oser attaquer les
troupes s'aventurant dans leurs fiefs.

Les Nementchas terreur du Constantinois, paysage dantesque, désert apocalyptique


couvert de crevasses et de gorges profondes, truffées de grottes, couvert d'éboulis ou la
marche devient un calvaire
 

Nous sommes à Bône le 5 juin, installé dans un ancien entrepôt de tabac. L'Escadron a pris
ses quartiers provisoires dans de vastes hangars, nous servant de gîte, de réfectoire. Cette
situation précaire je la connaitrai tout le temps de mon séjour en AFN. Le régiment sera de
toutes les batailles durant les trois ans que je passerai au sein de cette unité d'élite.

Notre repos de huit jours est relatif, car personne n'échappe aux corvées de pluches et de
quartier. Garde à l'entrée, planton aux sous-officiers, chauffeur de Jeeps, corvée de nettoyage
des lavabos, WC, douches etc . Avec le sport du matin, les marches commandos plusieurs fois
par semaine, la revue d'armes, les vérifications des dotations de munitions, revue de détails, la
marche au pas cadencé, apprendre les chansons sous la houlette du lieutenant Lefevre nous
faisant interpréter tous nos classiques para.

Les plus connus comme :En passant par la portière, Debout les paras, Les compagnons, Le
petit village, Les marsouins, et bien sûr ÊTRE et DURER, sans oublier, Malgré les balles, et
d'autres comme: La main dans la main , Sur la route, Le gai luron des Flandres; certainement
d'origine allemande.

Nous avons une nourriture qui n'est pas du quatre étoile mais qui a l'avantage de bien nous
nourrir, et çà je l'apprécie. Bigeard veille a ce que nos repas soient corrects car nous
mangeons souvent des boites de conserves dans le djebel. Les vacances sont de courtes
durées. René Cadet revient du PC Le Boudec avec la nouvelle captée en tendant l'oreille vers
le bureau du capitaine: Départ imminent les potes ! Dit-il dans un petit baiguément qui lui
arrive lors d'une émotion bien ressentie.

Je viens de percevoir une nouvelle jeep refaite à neuf portant le n° 89350, elle est toute belle
sortant des échelons 3 et 4, cela signifie: moteur refait, boite de vitesses, peinture,
pneumatiques presque la totale.

Il est très tôt, Nous chargeons les remorques de nos sacs, bien arrimés et vérifié par notre
sergent Pellegrini un Corse bien sympathique, notre caporal Mario Piacenza un vétéran de
Corée, et de notre chef de section le sergent-chef Rebouillet dont je suis le chauffeur, ce qui
permet au Dodge 4X4 de n'avoir que 8 gars restant à convoyer.

Le départ de l'Escadron est donné par le capitaine Le Boudec. En route pour le Sud! Nous
sommes contents malgré tout de cette nouvelle aventure, nous allons montrer notre savoir à
nous adapter dans toutes circonstances.

Tebessa ville un peu mystérieuse d'après des récits d'anciens, pour nous y rendre nous passons
par Duvivier, La Verdure, Souk Ahras, Montesquieu, Clairefontaine, Morsott, enfin voici
tébessa après 246 km au compteur. Voyage sans encombre. Située près de la frontière
tunisienne dernière ville avant le Grand Erg Oriental et la chaîne de montagne des Aurès-
Németchas.
Cette ville de garnison, avec des ruines Romaine très importantes, signe de la colonisation et
des conquêtes des Légions Romaines. L'élevage d'ovins font de cette région une plaque
tournante d'un commerce intense. La ville s'est étendue en dehors des murs fortifiés de style
arabe, avec ses crénelages et ses portes d'accès voutées, sa population bariolée, tout est
nouveau pour nous.

Les jeunes arabes courent après le convoi offrant des boissons et des fruits. Le dépaysement
est complet. Vers 14 heures nous arrivons aux abords de la cité, devant une petite caserne
tenue par la Légion Etrangère et mise à notre disposition. Toujours au pas de course , nous
nous installons à la va vite dans une partie des locaux. Les véhicules bien alignés, nous
vérifions notre équipement OPS : armes, dotation de munition, perception de deux boites de
ration, une boule de pain et d'un bidon supplémentaire. J'ai pour ma part une paire de jungle-
boot en rechange dans mon sac avec une paire de chaussettes, nous sommes en short kaki,
veste camouflée, casquette, un chèche qui sert à tout faire ( autour du cou pour le froid, de
filtre à eau, de moustiquaire et même de corde ). Je suis presque le seul à marcher en
chaussure légère, plus tard ils seront distribués à ceux qui veulent des pataugas . Nous faisons
un brin de toilette avant de prendre notre dernier repas chaud, durant 15 jours se sera des
boites de ration.

Je suis dans l'équipe du fusil-mitrailleur 24/29 comme chargeur, René Cadet est tireur, André
Jeanneret chef de pièce, et comme pourvoyeurs Martignon,Fusée, Covillers, Groisil. Alourdi
de 10 boites chargeur rangées dans deux sacoches accrochées au ceinturon du bréllage cela
représente 9kg200, plus les deux bidons, les grenades, le poignard, la trousse à pansement, la
cartouchière pour le fusil MAS 36 crosse alu ou pour le MAS 51 lance grenade ces dernières
sont réparties dans le groupe. La musette TAP doit pesée autour de 10 kg, elle pèsera de
moins en moins au fur et à mesure de la nourriture ingurgitée ( 2 kg de boites et 1 kg de pain),
donc nous avons une charge totale environ 32 kg répartie entre la musette TAP et le brellage
qui supporte le reste, à part notre arme bien entendu.

Il est 17 heures, le départ est fixé pour 2 heures demain matin.

6 juin 1956.

Le réveil à 1 heure rend le visage grognon sur certains. Les camions sont déjà à pied d'oeuvre
pour les 120 paras de l'Escadron, nous grimpons aidés par les copains à qui nous passons nos
sacs et armes. Le convoi démarre rejoindre les autres compagnies une file de 50 GMC
encadrés par des Half-Track font un sacré vacarme tout feux allumés nous prenons plein Sud,
puis nous obliquons vers une piste sablonneuse, nous sommes bientôt recouvert d'une fine
couche de poussière.

La piste à peine carrossable nous conduit sur une vaste étendue désertique venant buter sur le
djebel Nementcha. Certain sommet culmine à près de deux mille mètres sur une longueur de
80 kilomètres et une largeur de 20. Au Sud le désert, immense mer de sable à perte de vue, ici
commence le désert de Négrine. 90 kilomètres de poussière plus loin nous retrouve devant un
fortin de la Légion. Le lieu se nomme Guentis.

Presque accolé au flanc du djebel,le fortin est entouré de fil barbelé, construit en pierre
avec une tour de guet. Les abris légèrement enterrés donnant une impression de
fraicheur par rapport à l'air brulant surchauffé par un soleil implacable.

Nous sommes ici pour relever le 2e RPC du colonel Chateau-Joubert.

L'Escadron prend ses quartiers à l'intérieur du fort avec le PC Bigeard, les autres compagnies
sont disséminées autour, le temps au chefs de prendre les ordres, nous donne le temps de nous
dépoussiérer.

Le paysage est une désolation, pas un brin de verdure à l'horizon, nous sommes sur une
étendue caillouteuse, le djebel que nous apercevons à des sommets en dent de scie, les rochers
déchiquetés et éclatés par les différences de température donne un avant goût de notre
randonnée prochaine. «Ce sont les portes de l'enfer !» dira un jour le général Vanuxem en
désignant sur la carte ce secteur à Bruno » ( indicatif radio de Bigeard). Je suis bientôt
surpris par un endroit, véritable petit paradis dans cet enfer, l'endroit ou l'on nous amène
pour la détente est exceptionnel, un oued descendant de la montagne, coule dans un
couloir de grosses pierres arrondies, de petites cascades tombent de roche en roche dans
des bassins naturels pour finir dans une étendue d'eau de 800 mètres carré formant
l'oued avec une petite plage de galets entourée de lauriers rose et d'autres espèces
d'arbustes, l'endroit est magique.

En un clin d'oeil tous le monde se retrouve en slip à faire trempette, comme j'ai pris avec moi
mon appareil photos, j'immortalise l'instant avec mon camarade Bertho, puis avec René Cadet
en slip avec la casquette «Bigeard» sur la tête, l'eau nous arrive au genoux , peu importe c'est
tellement merveilleux, mais quelle chaleur !! Nous finissons la soirée en préparant notre
popote et nos emplacements de couchage. La Légion veille sur notre sommeille. Pour une fois
que je ne monte pas la garde ! Vive la Légion !!

Transporté le 7 juin par camions tous feux éteints à 18 kilomètres du fort de Guentis jusqu'à la
limite du désert, les bahuts nous dépose à minuit, par compagnie avec armes et bagages. Nous
nous infiltrons par une piste à forte inclinaisons, la montée et d'autant plus rude que la nuit
noire nous empêche de nous distinguer à un mètre les uns des autres, le nez dans le sac du
camarade qui me précède, je cogne sans arrêt mon arme dans les fesses du gars qui grogne en
sourdine, les gars peinent le souffle court, pas de lune, les étoiles semblent être en veilleuses,
des cailloux roulent sous les chaussures et nous font perdre l'équilibre.

Les yeux finissent a la longue par distinguer faiblement la silhouette du copain, pourvu que
les rebelles nous laissent en paix, se serait la panique ! Un guide avec la voltige de pointe
ouvre la voie. Il est deux heures , le souffle court, par l'effort pour coller à la file qui avance
par à coup, certains trébuchent et coupe le rythme de la file, celle-ci se disloque, des sursauts
d'énergie son nécessaires pour rejoindre la chenille humaine.
Quatre heures de marche sur des pentes hors normes, malgré le froid dû à l'altitude, nous
transpirons comme une mêlée de rugby. Bientôt les compagnies se disloquent prenant des
pistes différentes que « Bruno» a tracé sur sa carte. Nous bifurquons sur une piste descendant
à pic pour remonter aussi dur sur notre point d'embuscade à plus de 1100 mètres d'altitude.
Ouf ! Quelle grimpette!..En planque dans des éboulis de rochers nous sommes devenus
invisibles.

Je suis attentif au moindre bruit. Parfois des cailloux se détachent des roches et tombent en
roulant sur la pente, l'attente du jour nous crispe les nerfs. Enfin le ciel s'éclaircit au dessus du
sommet du djebel, et bientôt un énorme soleil rouge incandescent commence son ascension,
les fonds d'oued son encore dans les ténèbres, aucune visibilité dans cette gorge profonde
de 400 mètres avec des à pics vertigineux de 150/200 mètres finissant en bas de l'oued
presque sec dans un enchevêtrement de roches.

Ordre de manger maintenant, après se ne sera plus la peine. On lève l'embuscade dans 15
minutes, nous sommes engourdis, Jeanneret grelotte de froid il n'a pas mis son chandail sous
sa veste. L'aviation est prévu à sept heures pour rentrer en action sur les ordres de Bigeard, le
piper ( avion d'observation) en direct avec le PC Bruno, tournoi au dessus du défilé rocheux.

Nous progressons à flanc de montagne protégeant la 3e compagnie qui se fraye un passage


pour atteindre le fond de la gorge, nous croisons les gars de la 2e de «Bir Hakeim», René
Cadet croise Albert Bernard le radio du capitaine Flores, son copain d'école, la surprise est
totale, mais pas possible de s'arrêter (Albert Bernard qui fera un livre sorti en 2012, '' 3 ans chez Bigeard''), se sera
pendant toute la journée, fouille de grottes, repérage de traces

et de passages de rebelles dans cette gorge de l'oued Bou-Doukrane.

La progression devient pénible dans ce canyon écrasé de chaleur parmi les blocs de gros
rochers coupant notre avance par des crevasses qu'il faut contourner, je transpire par tous
les pores de la peau, le corps luisant de sueur,le visage rougie par l'effort, il ne faut
surtout boire que le stricte nécessaire en prenant les cachets de sel pour en compenser la
perte qui se vois par de larges plaques blanches sous les aisselles et le dos, tout en
marchant je mange une pâte de fruit.

En fin d'après midi, l'avion d'observation repère des mouvements suspects à quinze kilomètres
de notre position. Nous sommes avertis par le sergent Pélegrini de prendre dès maintenant
toutes nos précautions, et de garder nos distances. Le soir arrive, nous formons nos positions
de combat, ordre de dormir l'arme à portée de main, les fells nous guettent il va falloir ne
dormir que d'un œil cette nuit encore.

A 23 heures, les rebelles bien dissimulés vont attaquer le PC et la 1er compagnie du


capitaine Datin, en gueulant ils montent à l'assaut des positions, un violent combat se
déclenche dans une fusillade infernale, pendant une heure ils tenterons de pénétrer
jusqu'au PC Bigeard, mais les paras étaient en alerte l'arme à la main dans leurs trous,
ils n'ont eu qu'a tirer dans le tas, cette attaque donne la mesure et la témérité des
Chaouïas. Ils se font repousser en laissant trois morts sur le terrain et disparaissent dans la
nuit en emportant leurs blessés. La surprise est manquée. Il y a trois blessés chez nous
brancardés toute la nuit pour être héliportés au petit matin.

8 juin 1956.

Il est trois heures, nous repartons en avant pour boucler le périmètre, c'est une marche forcée
que nous effectuons pour parfaire l'encerclement accolés à la compagnie du bas. Il est six
heure, le bouclage de toute la zone par le régiment est constitué. La 1er compagnie du
capitaine Datin et la 3e du capitaine Volquemanne progressant l'une vers l'autre sont soudain
pris sous le feu d'armes automatiques, il s'ensuit une fusillade d'enfer, 200 rebelles sont pris au
piège, l'aviation lance à l'attaque ses T6 sur les grottes d'où proviennent les tirs meurtriers.

J'entends les explosions de grenades qui se répercutent dans la montagne, les rafales de PM et
les tirent de lance-

grenades, des rebelles protégés par un mausolée juché sur une petite plateforme tirent sur les
paras resserrant l'étau. Depuis les grottes ou se sont réfugiés beaucoup de fells, ceux-ci
bloquent l'avance des sections qui malgré des assauts répétes sont cloués au sol.

Le capitaine Flores dit «Bir-Hakeim»lance sa compagnie à l'assaut des fells retranchés dans le
mausolée mais reste cloué au sol par un feu de mitrailleuse, pendant que les T6 font leurs
sarabandes et tirent leurs roquettes avec précision, les grottes sont profondes les fells peuvent
se retrancher au fond.. Le capitaine Flores reçoit une balle dans le bras, et une autre fracasse
le bas du poste radio de Albert Bernard, la bagarre est générale, les 200 fells ont la rage et la
haine, le sang coule des deux côtés, le colonel Bigeard fait donner le tir des pièces de la
CA, mortier de 81 et de 60 , canon de 75 SR portés à dos d'hommes, et traite les grottes
d'où sort une fumée noire.

Les avions sont partis vers 16 heures, j'entends les appels des paras cherchant les blessés,
quelques rafales encore résonnent. Les hélicoptères se posent sur les zones balisées pour
évacuer nos blessés et nos morts, chapeaux Les Evans!!

Le retour des T6 achèvent le travail commencé, il reste encore beaucoup de rebelles cachés
qui attendent la nuit pour essayer de passer à travers les mailles du filet, ils vont faire le
forcing pour s'échapper dans la nuit.

Le général Vanuxem et le général Noiret, venant de Constantine, se pose sur la côte 1005 au
PC Bruno d'où il domine le combat, ces derniers veulent que le résultat du combat soit
définitif pour le soir, peu importe les pertes que cela implique. Bigeard ne l'entend pas de
cette oreille, il appelle ses commandants de compagnies au bigo et tendant l'appareil au
général Vanuxem lui dit:«Si vous désirez prendre le commandement mes commandants sont à
vos ordres. Le général Vanuxem jette un regard d'acier à Bigeard et lui dit« OK Bruno çà va
continu !» Ouf! Notre Grand Chef a eu chaud !.
 

Malgré la compagnie Datin en fermeture de nasse dans le fond du talweg, les rebelles
vont donner par deux fois l'assaut et réussirons à passer. Le lendemain la fouille de la
petite vallée et des grottes sera notre occupation dénombrer les cadavres de fells et récupérer
l'armement. Au total 56 rebelles tués et 6 prisonniers, 50 armes dont un FM, quantité de
vivres et de munitions, des postes radio, de nombreux documents, de notre côté,
malheureusement 2 tués et 16 blessés.

11 juin 1956.

Je suis toujours dans le djebel en opération depuis le 7 juin. Nous avons pris position autour
des hélicoptères, sur une plate-forme naturelle en haut d'un sommet de 1000 mètres d'altitude.
Un hélicoptère Sikorsky apporte du courrier. L'Escadron est toujours en alerte de combat
depuis l'attaque des fells à trois kilomètres de notre position. Par section nous descendons au
fond du talweg où coule un oued minuscule pour refaire le plein des bidons d'eau. Nous
cuisons littéralement dans ce djebel, véritable fournaise ou pas un régiment à part le 2e
RPC de Chateau-Joubert qui à fait ce qu'il pouvait avec de très grande difficultés, pour
un petit résultat mais beaucoup de morts et de blessés.

Nous sommes toujours en protection de la 3e compagnie qui progresse et trouve des cadavres
coincés dans les rochers, des rebelles bloqués dans des grottes se rendent, Le soir tombe vite
dans la montagne, il est vingt heure, embuscade avec mon groupe et cela jusqu'à quatre heures
le lendemain, les bidons bien approvisionnés permettent de se désaltérer convenablement.

Mon caporal Mario Piacenza, avec sa tête de moineau ne se souvient jamais des consignes de
sécurité, il sera plus tard évincé du régiment. Avec René Cadet, Jean Bertho, Pierre
Martignon, Jacky Fièvre, Fusée et le sergent Pellegrini, nous faisons un tour de garde d'une
heure, ce qui permet aux autres de sommeiller un peu, mais d'un oeil!.

Le 12 juin, nous sommes en progression à fouiller les éboulis et les grottes de notre secteur, il
y en a partout! . Arrêt sur un sommet de djebel pour faire la liaison avec le PC (indicatif BRUNO 4)
et le reste de l'Escadron.

13 heures: je mange ma maigre ration 4 étoiles avec du biscuit de guerre, Martignon qui ne
mange décidément pas beaucoup me refile ses sardines que j'avale avec délice. Nous
repartons en fouille du secteur, la soif est omniprésente à chaque effort fourni, nous rentrons à
notre point à 18 heures, je mange le reste du peu de nourriture me restant en fonction de mon
eau restant de mes deux bidons, soit très peu. Je m'écroule dans mon emplacement de combat
pour être réveillé à 23 heures mon tour de garde de 2 heures me semble éternel, la fraicheur de
la nuit me tiens éveillé.

 
13 juin.

Un peu de repos sur le sommet du djebel, les rations sont distribuées pour 2 jours. Par radio
on nous signal que sur un versant opposé un oued minuscule laisse couler de l'eau propre, le
notre qui charrie encore des cadavres rend l'eau imbuvable. Des volontaires son trouvés pour
une corvée d'eau, je suis de la partie, je vais pouvoir me laver et boire à volonté. D'autres
sections son dans la même situation, il faut donc coordonner les départs. 6 bidons plus les
miens je fais 20 minutes de descente et 1 heure de remontée, mais la transpiration est d'autant
importante que je me suis rassasié d'eau ce qui n'est pas la meilleure des solutions

14 juin.

5h30 . Il fait très froid sur ce sommet de 1200 mètres ou je me trouve. Je dors enroulé dans
ma toile de tente, protégé du vent par un petit muret de pierres que j'ai confectionné. Je me
réveille avec des courbatures, la dureté du sol et le froid en sont la raison. Je boucle ma
musette et avec le groupe nous partons pour la fouille d'un autre quadrillage imité par le reste
de la section, il en sera ainsi toute la journée, j'ai vidé une boite de ration dans mes poches et
je suce une dose de poudre à l'orange, c'est acide mais cela fait saliver, j'ai pourtant la
fringale!.

Vendredi 15 juin.

J'ai bien dormi, mon tour de garde de 4 à 6 heure ma permis de faire un feu discret pour le
café chaud c'est le premier depuis 5 jours l'équipe en profite pour faire leur jus sur ce feu
bienvenue que j'ai pu faire grâce aux petit bois que j'ai récupéré dans l'oued. Dernière boite de
ration, combien de temps allons nous rester sur ces maudits sommets lunaire?.

Le soleil est monté à une vitesse vertigineuse, il frappe comme une enclume, sont arrivées
avec lui une multitudes de mouches tenaces. Je me doute que les cadavres un peu partout y
sont pour quelques chose. Nous restons en stand-bye le reste de la journée planqués sous des
rochers à l'ombre. Les compagnies sont comme nous, elles reprennent leur souffle un peu
partout dans le décor .

Le colonel Bigeard renifle le fell, il sent sa présence, c'est çà le sixième sens !.Par
renseignements pris sur les prisonniers, il conclut qu'une partie de la bande est disséminée pas
très loin de nous, vers le djebel Mellagou.

Samedi 16.

Nous partons musette TAP sur le dos la veste grande ouverte, avec nos 30 kilos de matériel. Il
est 1h30 du matin, nuit sans lune, la marche est pénible, la piste couverte de cailloux roulant
sous les chaussures nous donne des allures de paras ivres. A 6h30 nous arrivons sur un plateau
rocheux, je vois les hélicoptères qui arrivent déposant leur cargaison de paras qui s'élancent
au pas de course vers le fond de l'oued pour couper la retraite des rebelles en fuite. Un
grondement de fusillade et d'explosions de grenades se fait entendre amplifié par l'écho de la
montagne. La 3e compagnie du capitaine Volquemanne est au contact et parfois au corps à
corps, la valeur de 150 rebelles se trouvent piégés.

Les T6 trapus, passent dans un bruit assourdissant, prenant les grottes pour cible, envoient
leurs roquettes dans les excavations naturelles où s'est terrée cette bande commandé par
Laghou Abbès, chef de rébellion pour l'Est Constantinois, il attendait un convoi d'armes
venant de Tripolitaine. Il nous a échappé il y a quelques jours.

Les pièces de la CA donnent de la voix, les 75 SR, mortiers de 81 et de 60 sont de la fête. Un


panache de fumée s'échappe soudain d'un T6, touché par un tir rebelle, il va se crasher en
pleine bataille. J'aperçois un hélico qui arrive sur les lieux du drame et déverse les paras en
protection de l'avion et de son pilote, il s'en sortira avec des égratignures, une chance inouïe
pour le pilote.

13H30.Nous sommes héliportés au plus près de l'accrochage, c'est alors que l'on
apprend «Bruno est blessé !! Bruno est blessé !!»c'est l'effarement, incrédules nous sommes
muets de par la nouvelle puis la colère de savoir cela.

Alors, à l'annonce de ce malheur, les compagnies montent à l'assaut des fells.....!! Pas un ne
doit passer, toutes les issues sont fermées. Je suis sur une corniche en surplomb d'un fouillis
de roches et d'épineux dans le fond de l'oued, les rebelles sont acculés déterminés à ne pas
se laisser prendre vivant, nous non plus ne voulons pas de vivant, pas de quartier. Cadet,
met le FM 24/29 en batterie, étant chargeur je suis à sa gauche un chargeur dans chaque main
prêt à remplacer les chargeurs vides

Les premières rafale du FM balaient les touffes des épineux pour neutraliser les fells
arrivant sur nous, poussés par les deux compagnies le reste de la katiba fonce de notre
côté. Je vois une compagnie délestée de ses sacs, foncer au contact qui bientôt devient du
corps à corps, l'étau se resserre de plus en plus, les gars ont la rage d'en finir, ils font payer la
blessure de Bruno. Après un dernier matraquage de l'aviation et de la CA du capitaine
Chabanne, les sections avance par bond, à chaque bond un jet de grenades et la mitraille de
toutes les armes, encore un bond et la même manœuvre du rouleau compresseur, des hommes
tombent de chaque côtés, c'est terrible !!.

Le bilan est de 56 rebelles tués et 6 prisonniers blessés; pour 50 armes de guerre dont un fusil-
mitrailleur une grande quantités de vivre, des munitions, des postes radio, de nombreux
documents, mais nous avons encore 2 tués et 16 blessés.

17 juin1956.
L'Escadron est compagnie d'intervention, nous sommes héliportés sur un djebel assez près du
champ de bataille d'hier, en ligne nous descendons vers l'oued , fouiller ce qui ne l'a pas été.
Les renseignements nous parviennent selon notre PC Bruno4, des fells se seraient cachés dans
des grottes invisibles à l'oeil et dans des failles de rochers, autant dire que nous sommes au
maximun sur la défensive, le FLN n'a plus rien à perdre sinon la vie !.

Je trouve avec le groupe deux cadavres coincés dans des failles de rocher, et un dans un trou
profond, blessé il est remonté avec peine puis remis au PC Le Boudec notre capitaine.

Tout est passé au peigne fin jusqu'au bas de l'oued ou coule un oued semi-souterrain qui
apparaît et disparaît dans des trous dans lesquelles des poissons survives, ils sont fouillés par
la 2e compagnie. Un plongeur d'une section va au fond et remonte des armes jetées par les
fells. Nous arrivons dans une petite vallée ou quelques mechtas de paysans avec autour des
abricotiers, les fruits sont mûrs, je remplie mes poches d'abricots imité par les autres gars, une
halte de cinq minutes nous permet de manger avec délice les fruits juteux.

Etonné ! je vois passer un grand para d'une section d'à côté avec un crâne humain attaché sur
sa musette TAP. Il le gardera et s'en servira de repose-tête jusqu'à ce que le capitaine Le
Boudec lui dise de s'en débarrasser. Ce crâne il l'avait trouvé dans la montagne parmi les
rochers.( Ce para au crâne, je l'ai retrouvé 54 ans après grâce à l'informatique, il est devenu mon ami, un des rares survivants de cette
épopée Algérienne, il vit dans le SUD de la France moi à La Rochelle, nous entretenons une amitié fidèle)

Le 18 juin, nous retournons à notre base de départ. L'escadron au complet; je suis fourbu je
crois que le plus dur reste la gestion de l'eau; deux bidons qui parfois doivent faire les
quarante huit heures, sont pas facile à gérer.

19 juin 1956.

Nous partons pour Guenilles le fort de la Légion, la piste est encore longue de quelques
dizaine de kilomètres et de là les camions nous ramènent à Tressage. Sommes à notre base
vers 17 heures. Opération terminée, fatigué mais content de revenir sain et sauf malgré la
charge de mulet que j'ai dû tranporter durant ces quinze jours sous un climat d'enfer. Nous
avons tenue grâce à notre cohésion et notre mental et notre endurance aussi pour notre amour
propre et celle de nos chefs que nous admirons et respectons sans faille.

 
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