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ALLAITEMENT MATERNEL : LIBERTÉ INDIVIDUELLE SOUS

INFLUENCES

Irène Capponi et Françoise Roland

Médecine & Hygiène | Devenir

2013/2 - Vol. 25
pages 117 à 136

ISSN 1015-8154
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Pour citer cet article :


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Capponi Irène et Roland Françoise, « Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences »,
Devenir, 2013/2 Vol. 25, p. 117-136. DOI : 10.3917/dev.132.0117
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Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136


Clinique
Allaitement maternel : liberté individuelle
sous influences
Breastfeeding : self-determination under influences
Irène Capponi1 et Françoise Roland1
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Introduction

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Toute femme peut à l’heure actuelle, dans les pays occidentaux, faire le
choix entre deux modes d’alimentation des nourrissons : le lait maternel
ou un substitut. Avec un taux bas et un sevrage précoce, la France est
dans une position particulière en Europe en matière d’allaitement mater-
nel (AM) puisqu’elle fait partie, avec Malte et la République d’Irlande,
des trois derniers pays de la liste (Cattaneo, et al., 2005). Même si, au
cours des quarante dernières années, on observe une augmentation – le
taux d’AM, exclusif et partiel en maternité, étant passé de 36,6% en
1970 à 68,7% actuellement (à 60,2% seulement pour l’exclusif ; Vilain,
2011) – on relève néanmoins d’importantes disparités sur le territoire
français. Ainsi, la dernière enquête nationale périnatale (Blondel et Ker-
marrec, 2011) indique que les taux d’allaitement (exclusif et mixte), mesu-
rés au cours des quatre premiers jours après l’accouchement sur une
population représentative française, sont les plus élevés en Guyane,
Guadeloupe et à la Réunion (83,8%), la proportion est nettement moindre
en Métropole où d’autres disparités peuvent être constatées (Blondel et
Kermarrec, 2011). En 2010, les femmes allaitent (exclusivement et par-
tiellement) plus dans la région parisienne (Paris petite couronne :
80,4%), moins dans l’Est et la région méditerranéenne (72%) et nette-
ment moins dans le Nord et l’Ouest (58,75%). De telles différences,
témoignant de la variabilité de l’AM selon l’espace géographique,
indiquent que, tout en étant intrinsèquement offerte par le fonctionne-
ment naturel du corps féminin, la pratique de l’AM est sous l’influence
de divers facteurs. Selon Knibiehler (2003), l’allaitement « exprime la
conscience, la liberté, donc la dimension proprement humaine ou sociale 1 
Maître de Conférences,
de la maternité ». Même si la responsabilité de la mère est engagée par le Nantes Atlantique Universi-
fait d’acter ou non l’allaitement de son enfant, les motivations au choix tés, Faculté de psychologie,
BP 81227, F-44312 Nantes
Cédex 3, France.
irene.capponi@univ-nantes.fr
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peuvent ne pas être indépendantes des divers domaines d’influence


composant l’architecture socioculturelle dans laquelle la femme est éga-
lement engagée.
Notre objectif ici est de démêler le jeu des facteurs d’influence qui
participent au choix du mode de nutrition afin d’aboutir à une catégori-
sation intégrative. Dans cette perspective, nous nous proposons de repé-
rer des domaines composites d’influence, chacun d’eux étant abordés
comme produits d’une Histoire. Une première catégorie intègre les dis-
cours des corps savants dont l’influence est modulée par le milieu socio-
économique d’appartenance du couple constituant une seconde catégo-
rie ; une troisième catégorie impliquant les valeurs morales des individus
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est appréhendée à partir de la corporéité, de la dimension relationnelle
ou de l’attitude du conjoint, sous-tendues par une quatrième catégorie
« politique » faisant référence entre autres au statut de la femme dans
notre société.

Le discours médical normatif


Le corps médical, longtemps constitué exclusivement d’hommes, a de
tout temps fourni des prérogatives sur le mode de nutrition des nourris-
sons. Il a été amené à recommander l’AM ou d’autres modes de nutri-
tion en développant des argumentations relatives à deux aspects : d’une
part, la santé du bébé et/ou de la mère et, d’autre part, des conseils au
sujet des pratiques même de nourrissage.
Les prescriptions médicales ont pris, dans une large mesure, position
en faveur de l’allaitement par la mère au fil des siècles mais ont rencon-
tré des obstacles qui, paradoxalement, émanaient des théorisations médi-
cales mêmes. Ainsi, dans la Rome Antique, si Pline l’ancien (Ier siècle)
considérait que « le meilleur à chacun est le lait maternel », certains auteurs,
tel Soranos d’Ephèse (IIe siècle), avançaient des idées qui, cumulées, ne
permettaient pas de déterminer une position franche en faveur de l’AM,
que ce fusse en référence à des arguments en faveur de la santé du nour-
risson ou de celle de la mère. Jusqu’au début du siècle dernier, le lait
était considéré comme résultant de la transformation du sang de la
matrice (du « sang blanchi »). Fondée sur cette croyance, une argumen-
tation en faveur de la santé du nourrisson dictait l’interdiction des rela-
tions sexuelles pendant l’allaitement car ces dernières étaient supposées
faire réapparaître les menstruations et diminuer ainsi la qualité du lait
maternel. Ce tabou sexuel fut observé jusqu’au XVIIe siècle et a conduit
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les couples désirant reprendre leur sexualité à recourir à une nourrice
(Kinbiehler et Fouquet, 1980). Un argument, basé cette fois sur la santé
maternelle, a été avancé relativement à cette même croyance du « sang
blanchi » devenant alors du « lait répandu » (dans le corps) en cas de non-
allaitement, menaçant la mère de souffrir de « quels troubles alors dans
leur sang ! Quelles douleurs ! » (Hecquet ; 1705, p. 157). Du Moyen-âge
au XVIIIe siècle, des compléments ont aussi été recommandés afin de
fortifier l’enfant, le lait maternel ou nourricier étant considéré comme
insuffisant (Lett, Morel et Lefebvre, 2006). Au XIXe, les émotions des
femmes de la bourgeoisie, ou encore la pollution de la ville, étaient consi-
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dérées comme dangereuses pour l’état de santé des nourrissons, il était

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alors préférable d’envoyer le bébé chez une nourrice au loin (à la cam-
pagne). Mais la mortalité des bébés fut telle que les médecins conseil-
lèrent l’usage du biberon ou le recours à une nourrice sur lieu (à domi-
cile) avant de défendre avec vigueur l’allaitement par la mère. De nos
jours, le corps médical préconise un AM complet pendant les six premiers
mois au regard des connaissances actuelles qui reposent sur un argumen-
taire de type préventif vis-à-vis de diverses affections (OMS, 2003).
Le deuxième aspect issu des prérogatives médicales concerne les pra-
tiques d’allaitement. Même si depuis le début du XXe, « la maternité,
même dans ses aspects les plus charnels, dépend d’une culture savante »
(Knibiehler, 2002 ; p. 9), elle a déjà auparavant fait l’objet de prescrip-
tions censées permettre le succès de l’AM. Ces dernières recommandent
ainsi de faire jeûner plusieurs heures le bébé ou d’attendre un ou deux
jours avant de le mettre au sein maternel – préconisation attestée jusque
dans les années 1950 (Lett, et al., 2006) . D’autres imposent des tétées à
heures fixes, la séparation de la mère et du bébé en maternité ou intro-
duisent des suppléments alimentaires dès la naissance – ce type de pré-
conisations s’observant de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1980
(Rollet, 2006). Or, non seulement ces prescriptions médicales subor-
donnent les mères, mais elles ont en réalité été des obstacles au succès
de l’AM. En effet, on sait aujourd’hui que, par exemple, le recours aux
compléments fait chuter la durée de l’AM (Branger, et al., 1998), les
horaires rigides ou le fait d’attendre plusieurs jours avant de donner le
sein produit des engorgements, etc. En outre, aux multiples instructions
sur la pratique d’allaitement, s’ajoutaient celles censées favoriser un lait
de qualité et prenant leur source dans la croyance du mauvais lait. Depuis
l’Antiquité là aussi, une longue liste de recommandations au dosage flou
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et parfois contraires d’une époque à l’autre est adressée aux femmes


allaitantes : surveiller son alimentation, faire de l’exercice mais pas trop,
consommer de la bière pour augmenter la lactation contre, aujourd’hui,
l’abstinence totale en matière de consommation d’alcool (ou de toute
substance psychotrope) ; ne pas être stressée, faire attention à ses émo-
tions, en témoigne cet extrait d’une lettre d’une mère datant de 1859
« c’est à ce chagrin et à ces larmes que le docteur a attribué ce lait indi-
geste » (Dauphin, et al., 1995 cité par Rollet, 2006). Au cours des années
1980, c’est la capacité même à produire du lait qui est investie par le dis-
cours médical à travers l’interprétation donnée à l’apparition nosogra-
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phique du « syndrome d’insuffisance de lait ». Probablement mal entendu,

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ce « syndrome » d’incapacité physiologique (en réalité rare) est pourtant
la justification la plus fréquemment donnée par les mères à l’arrêt de la
pratique d’allaitement au cours des premiers mois (Walburg, et al., 2007a).
Or, l’insuffisance de lait est plutôt un effet secondaire d’autres facteurs
qui environnent la mise en pratique, comme par exemple un mauvais
positionnement ou l’inefficacité des tétées, mais aussi des douleurs (dues
aux gerçures) ou du stress qui peuvent effectivement déréguler la pro-
duction d’ocytocine nécessaire au processus de lactation. Néanmoins,
dans la plupart des cas, il s’agirait plutôt d’une perception d’insuffisance
de lait, perception comme construction d’une signification à partir d’élé-
ments perçus et interprétés de façon erronée (Gremmo-Feger, 2003).
Cette perception trouve ses origines dans la méconnaissance des courbes
de poids qui diffèrent selon le mode d’alimentation ou encore des besoins
des bébés selon leur niveau développemental. Ainsi, ce « mythe culturel-
lement construit » (Gremmo-Feger, ibid) circule aussi aisément qu’un cer-
tain nombre d’autres mythes qui entourent les femmes. Actuellement, des
nouvelles propositions sont formulées comme le biological nurturing qui
suggère que les positions semi-inclinées de la mère associées à un nou-
veau-né « ventre contre ventre » favorisent les réflexes néonatals essen-
tiels à la mise en place de l’AM (Colson, Meek, Hawdon, 2008).
On pourrait être incité à rallier l’opinion de Paul Cesbron : « Eh bien,
s’il est une découverte récente et qui semble faire son chemin, c’est bien
que les médecins doivent se mêler le moins possible de l’allaitement. »
(Cesbron et Knibiehler, 2004, p. 335-336). Sans aller jusque-là, on serait
tenté, pour le moins, de suggérer aux professionnels de santé de trans-
mettre leurs préconisations sur l’allaitement - basées sur un savoir éphé-
mère – avec humilité et de ne pas assimiler l’allaitement à une simple
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prescription. En effet, on a des raisons de penser que lorsque la parole
médicale est entendue comme une norme injonctive, l’individu la per-
çoit comme une pression (Desrochers et Renaud, 2010) et peut conduire
soit à une attitude de soumission, soit à une posture en opposition (anti)
ou offensive (Cardon et Gojard, 2011) compromettant dans les deux cas
le succès d’un AM. Bien qu’influentes, les préconisations d’ordre médi-
cal n’ont pas été ni ne sont appliquées à la lettre par toutes les femmes.
Dans la pratique, des variations non aléatoires sont observées et semblent
faire intervenir un facteur d’ordre socio-économique, constituant ainsi un
premier croisement d’influences.
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Facteur socio-économique
Si la condition sociale est, globalement, une source d’influence très
ancienne sur le choix ou le refus de l’allaitement maternel, les condi-
tions matérielles en constituent une cause particulière dans laquelle vient
s’inscrire le travail des femmes (Knibiehler et Fouquet, 1980). Qu’il s’agisse
de rendre la mère (de la haute société ou l’esclave) disponible pour des
tâches plus productives pendant la période Antique, ou d’augmenter les
ressources du ménage (de la famille) en travaillant comme ouvrière au
XIXe, il s’avérait plus rentable de recourir à une nourrice ou d’opter pour
un allaitement artificiel (Knibiehler, 2003 ; Rollet, 2006). A cela s’ajoute
la grande pauvreté de la paysannerie au XVIIIe qui a motivé nombre de
femmes rurales à vendre à bas prix leur lait aux citadins, phénomène qui
a facilité la mise en nourrice, même parmi les familles citadines modestes
(Lett, et al., 2006). Actuellement, le facteur économique est toujours actif
même si son action n’apparaît pas de façon évidente. Ainsi, le temps de
travail n’est pas lié de façon linéaire à l’engagement dans l’AM, mais on
note que les femmes qui allaitent le plus sont celles qui ont choisi un
temps partiel ou une interruption temporaire (Gojard, 2000b), choix géné-
rant une baisse de revenus et affectant sérieusement la carrière profes-
sionnelle. La fin du congé de maternité est la justification la plus fréquente
à l’arrêt de l’AM entre trois et six mois postnatals (Delamaire, 2010 ;
Walburg, et al., 2007a) et les femmes qui allaitent le plus longtemps sont
celles qui sont au foyer (Gojard, 2000b). Notons également que c’est
dans les pays où les congés de maternité sont les plus longs et rémunérés
à 80% du salaire (Norvège, Suède) que l’on trouve les taux d’AM les plus
élevés et les sevrages les plus tardifs.
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Par ailleurs et paradoxalement, alors même que le coût de l’usage du


biberon est non négligeable (environ 100 euros par mois, Laviolle, 2003),
ce sont les familles les moins favorisées économiquement qui recourent
à l’alimentation artificielle (Bonet, et al., 2010 ; Noirhomme, et al., 2006).
A l’heure actuelle, l’AM augmente quand on s’élève dans l’échelle
sociale (selon l’activité professionnelle) : 74% des femmes cadres supé-
rieurs allaitent et 40% seulement des femmes ouvrières qualifiées (Vilain,
et al., 2005). Cette différence est observée dans nombre d’études (Bonet,
et al., 2010 ; Noirhomme et al., 2006). Ainsi, aujourd’hui, chez les femmes
ayant un certain niveau d’éducation (de diplôme) et appartenant à une
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catégorie socio-professionnelle (CSP) élevée, un phénomène de confor-

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mité au discours médical est observé. Toutefois, bien que l’association
entre la condition sociale et le choix du mode de nutrition existe depuis
très longtemps, un renversement s’est opéré au cours de l’Histoire. De
l’Antiquité au XVIIIe siècle, et pour se conformer à la norme sociale
définie par l’aristocratie elle-même (Lett, et al., 2006 ; Rollet, 2006), les
femmes de la haute société déléguaient la tâche d’allaitement à des
nourrices. Ainsi au XVIIIe, la noblesse considère l’allaitement comme
« une fonction trop animale pour une dame de qualité » (Bonald, 1859
cités par Knibiehler, 2003). Selon un mouvement classiquement décrit
en sociologie, la norme sociale de la noblesse a été ensuite adoptée par
toutes les catégories sociales de l’espace citadin pour lesquelles l’allaite-
ment s’associait alors à une fonction subalterne (Lett, et al., 2006).
De nos jours, l’allaitement est toujours une « pratique socialement dif-
férenciée » (Gojard, 2000a). Des variables telles que le pourcentage de
population urbaine, de population non française et le niveau d’éduca-
tion sont significativement et positivement liées à l’AM et expliquent
une part non négligeable de la variation du taux d’AM selon les régions
(Bonet, et al., 2010). Le facteur sous-jacent porte sur la légitimité des
sources de préconisation : légitimité familiale versus légitimité médicale,
l’une pouvant supplanter l’autre. Deux modèles de transmission des
soins au nourrisson sont en effet identifiés par la sociologue Gojard
(2000a, b). Le premier, le modèle dit savant, fréquent dans les milieux
diplômés, se caractérise par une intériorisation du discours savant sur
les bienfaits ou les savoir-faire de l’AM grâce à l’accès à la connaissance
(lectures, spécialistes). Ainsi, on assiste à une adhésion aux normes ali-
mentaires actuelles – légitimité médicale – qui « passe par la capacité des
individus à s’informer, à comparer, à confronter les informations et les
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Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


sources » (Cardon et Gojard, 2011). Le second modèle, dit populaire et
au sein duquel la transmission familiale est dominante – légitimité fami-
liale –, se caractérise par l’intériorisation des conseils provenant de la
famille, et notamment des mères qui, en France, optent depuis plusieurs
générations pour le biberon. Ainsi, la résistance aux normes alimen-
taires orientées aujourd’hui vers l’AM « se rencontre surtout chez les
femmes en situation de reproduction sociale dans les classes populaires »
(Cardon et Gojard, 2011 ; Gojard, 2000b). Cependant, on remarque que,
lorsqu’il existe une transmission générationnelle de la valeur de l’AM –ce
qui n’est pas la situation typique de la France considérée comme n’ayant
pas cette tradition –, elle favorise le choix de l’AM. Du coup, avoir été
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allaitée incite les femmes à allaiter et le facteur de la légitimité familiale
neutralise en quelque sorte le facteur de légitimité médicale, ainsi que
celui d’ordre socio-économique dans la mesure où un taux élevé d’AM
est observé chez les femmes migrantes vivant en France (généralement
de milieux socio-économiquement modestes). Pour ces dernières, issues
de pays d’Afrique, d’Asie ou d’autres pays européens où l’AM est valo-
risée, la légitimité familiale prend ainsi l’ascendance sur le facteur stric-
tement socio-économique (Bonet, et al., 2010 ; Noirhomme, et al., 2006).
On voit ici que d’autres motivations que strictement économiques
peuvent inciter les mères à recourir à tel ou tel mode d’alimentation, et
nous abordons alors un autre système de valeurs également réputé
influer sur la conduite personnelle, à savoir le système des valeurs
morales, nouveau lieu de croisement de facteurs d’influence.

Les systèmes de valeurs


De même qu’avoir de nombreux enfants a pu être le moyen de montrer
une forme de richesse dans les familles pauvres, montrer qu’on a acheté
tous les objets appropriés pour l’arrivée de l’enfant est, dans une société
devenue consumériste, une manière de montrer sa capacité à assumer
l’enfant dans les milieux défavorisés (Tillard, 2002). L’achat du biberon
s’inscrirait plus dans la valeur globale, visible, donnée à l’enfant à naître
que comme le résultat d’un questionnement spécifique sur la manière
de l’alimenter. A un autre niveau du système, la valeur accordée au corps
vient jouer aussi son rôle. Ainsi, « le mieux » visé pour l’enfant n’intègre
pas le rapport positif au corps implicitement contenu dans l’AM, dans la
mesure où, dans les milieux défavorisés, le corps ne s’exhibe pas ; non
pas tant par pudeur, mais parce qu’il est peu pris en considération, et
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par conséquent, comme l’écrit Tillard (2002), « comment faire confiance


à son corps pour nourrir l’enfant ? ».
Mais la dimension corporelle de l’AM recouvre un ensemble plus large
de valeurs culturellement dépendantes où s’entremêlent celles données
aux sécrétions (le lait comme humeur corporelle) et aux sensations phy-
siques, ainsi qu’aux attributs sexuels (les seins), physiologiquement
appelés secondaires, mais symboliquement chargés de significations.
La beauté, valeur hautement subjective, est, dans notre civilisation
et depuis la période Antique, attachée aux seins (Delahaye, 2003, p. 17),
mettant d’emblée les femmes dans un système évaluatif pourtant indé-
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pendant de leur volonté (on ne décide pas de la taille ou de la forme de

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sa poitrine). Parmi les arguments qui conduisent à ne pas débuter, voire
à rompre, l’allaitement, il y a le désir exprimé de préserver l’esthétique
des seins, en adhésion à la croyance répandue et toujours vivace que
l’allaitement les déformerait. Au XVIe siècle, Laurent Joubert écrit : « il
y a aussi (des maris) qui ne veulent permettre à leurs femmes de nourrir
afin que leurs tétins demeurent plus jolis, qu’ils se plaisent à manier, non
pas des tétins mols ; il y en a d’autres qui haïssent la senteur du lait des seins
de leurs femmes » (cité par Knibiehler et Fouquet, 1980, p. 93). Aujourd’hui,
Guigui (2007) rapporte que seulement 29% de son échantillon ayant
recourt au biberon répondent que l’AM ne déforme pas en général les
seins. Pourtant, seul un changement rapide du volume des seins peut les
abîmer ; changement qui a lieu chez toutes les femmes lors de la gros-
sesse et lors d’un sevrage brutal en cas d’AM (Didierjean-Jouveau,
2006, p. 58).
A cette valeur d’esthétique s’est associée l’érotique générant une cer-
taine confusion quant à la fonction dévolue aux seins : attributs de la séduc-
tion sexuelle ou de la maternité, avec une certaine propension à consi-
dérer ce « ou » comme exclusif. Cette confusion se traduit même par une
sorte de paradoxe où l’on a, en Occident, des corps féminins largement
dévoilés d’un côté (sur les plages, dans les magazines…) et de l’autre une
pudeur outrée face à des femmes allaitant publiquement (la qualification
de « vertu morale et sociale » s’attache à « la sacro-sainte pudeur féminine »
et est, selon Knibiehler, 2002, p. 9, hautement valorisée de 1860 à 1960).
L’acte public d’allaitement suscite d’ailleurs des émotions sociales assez
négatives (gêne, honte de la part des mères ; Briex, 2003) jusqu’à des
accusations « d’attentat à la pudeur », de « transgression de tous les codes
de vie en collectivité de notre société » (http://forum.aufeminin.com).
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Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


Un forum intitulé Hé, Facebook, ce n’est pas obscène d’allaiter ! a même
été créé après que le site ait retiré de ses pages des photos d’allaitement,
estimant qu’elles pourraient être jugées trop osées (Le Nouvel Obs., 2008).
On comprend alors pourquoi les mères ne sont que 36% à se sentir tout
à fait à l’aise en donnant le sein en dehors de chez elles (Delamaire,
2010).
Le plaisir, valeur plus tangible, est impliqué dans l’AM à travers les
sensations physiques. C’est, par exemple, ce que rapporte, au XVIe siècle,
Ambroise Paré : «…chatouillant le tétin, la matrice se délecte aucunement
et sent une titillation agréable, parce que ce petit bout de la mamelle a le
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sentiment fort délicat, à cause des nerfs qui y finissent… A quoi la femme

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sent une grande délectation… » (Ambroise Paré, cité par Fouquet, 1980,
p. 86). A l’heure actuelle, seules les femmes allaitantes font référence au
plaisir des sensations corporelles (Jodelet et Ohana, 2000). Notons néan-
moins qu’à cette valeur de plaisir, il est vraisemblable que l’Occident
judéo-chrétien ait apporté une connotation négative se diffusant dans
les mentalités au-delà des frontières de classes sociales.
Dans l’acte d’allaitement, on trouve évidemment la valeur associée à
la maternité. Au siècle des Lumières, le discours des philosophes et
moralistes, tel Rousseau (1762), s’appuie sur la tendresse et l’amour
maternels qui unissent la dyade dans les premiers contacts pour prôner
l’AM. L’acte d’allaiter devient acte d’amour et prend une valeur d’ordre
moral dont dépendraient le bonheur familial, la qualité des relations
conjugales, le respect des mères jusqu’à la place des pères. Celles qui ne
se soumettraient pas à ce qui est devenu un « devoir » sont même négati-
vement jugées : c’est une « honte » de leur part de « les [enfants] abandon-
ner à des étrangères (nourrices) » (Hecquet, 1705, p. 152), elles sont même
ravalées au-dessous des animaux : « tandis que le bêtes les plus féroces se
livrent humainement (sic !) à ce devoir, les femmes s’en éloignent avec
inhumanité » (p. 154). Mettre son enfant en nourrice devient une « dépra-
vation » (Rousseau, 1762/2009, p. 32), une aliénation parce qu’il menace le
lien (filial) d’attachement entre la mère et l’enfant, d’où « l’ordre moral
(qui) s’altère ; le naturel (qui) s’éteint dans tous les cœurs ; /…/ il n’y a plus
de pères ni mères ni enfants /…/ » (Rousseau, 1762/2009, p. 32). La rela-
tion mère-enfant comme caractéristique prototypique de la maternité
est actuellement toujours en jeu dans les choix argumentés des mères.
Dans l’étude de Jodelet et Ohana (2000), toutes les interviewées (allai-
tantes et non allaitantes) pensent que donner le sein permet de répondre
126
Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136

au besoin du bébé d’un contact peau à peau avec le corps de la mère (à


travers le toucher, la succion et l’odeur). L’investissement des mères
allaitantes renvoie à l’intimité d’une relation de plaisir, relation qui est
associée à la satisfaction psychologique du bébé allaité, à son réconfort
et à sa sécurisation, ainsi qu’à la prolongation d’une relation privilégiée
avec le bébé (Jodelet et Ohana, ibid). Par contre l’indépendance, l’auto-
nomie et la socialisation précoce du bébé constituent les arguments des
mères non allaitantes qu’elles associent au choix de l’alimentation artifi-
ciel (Jodelet et Ohana, ibid ; Walburg, et al., 2007b). Elles craignent de
prolonger une relation de dépendance entre elles et leur bébé mais elles
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ont aussi peur du pouvoir de vie ou de mort qu’elles auraient sur l’en-

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fant en cas d’allaitement (Jodelet et Ohana, ibid). Comme le souligne
Bayot, « notre culture majoritaire occulte la puissance féminine /…/ plus
une société nie la puissance féminine, plus elle réduit ses manifestations à
des devoirs sans joie ».
Par ailleurs, l’idée selon laquelle maternité et vie de couple seraient
incompatibles au cours des premiers mois place certaines femmes face à un
choix illégitime entre la « bonne mère » et la « bonne épouse » et influence
vraisemblablement le choix et/ou la durée de l’AM. Au XVIe siècle déjà,
Laurent Joubert, prônant l’AM, affirmait qu’« une femme ne peut pas
accomplir à la fois ses devoirs d’épouse et ses devoirs de mère nourricière »
(cité par Knibiehler, 2003). Selon Rollet (2006), jusqu’au XVIIe siècle,
les maris s’opposaient souvent à ce que leur femme allaite afin de parer
à l’argument de se soustraire à l’interdit sexuel, tout au moins dans les
milieux aisés. « L’allaitement par la mère ne va donc pas de soi et dépend
de la bonne volonté du mari » (Knibiehler et Fouquet, 1980, p. 89). Ce sont
les hommes qui prennent cette responsabilité et les femmes, contraintes
d’obéir à leurs maris, n’étaient pas les signataires des contrats de nourris-
sage, dressés aux noms du géniteur et du mari de la nourrice (Knibiehler,
2003). Une sorte de survivance de cet interdit sexuel transparaît à tra-
vers les dires actuels de certaines femmes qui ne peuvent se sentir à la
fois femme, c’est-à-dire concrètement reprendre les relations sexuelles,
et mère, à savoir allaiter. Si, dans un passé relativement récent, l’em-
prise du mari sur la liberté d’action de la femme prenait des formes
aussi extrêmes que celle évoquée ci-dessus, aujourd’hui, l’attitude du
conjoint demeure influente quant aux pratiques (intention, initiation,
durée) de nutrition du nourrisson (Pisacane, et al., 2005). Les mères fran-
çaises comparées aux allemandes accordent, par exemple, significative-
127

Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


ment plus d’importance aux effets de l’AM sur leur couple (Walburg, et
al., 2007b). La force de l’attachement entre la mère allaitante et son enfant
peut ainsi être opposée à celle du lien unissant les conjoints, comme une
menace sur l’équilibre des investissements conjugal et parental (Brom-
berg Bar-Yam cité par Pisacane, et al., 2005). A cela s’ajoute la crainte,
parfois partagée par les conjoints, que la force de l’attachement (au sens
presque littéral du terme) de la mère allaitante ne conduise à l’éviction
du père dans sa relation au bébé (Noirhomme-Renard, et al., 2006). En
effet, les pères s’emparent de l’acte de nourrissage comme moyen de
donner une visibilité à leur engagement sur l’existence du bébé, rôle
quelque peu occulté pendant la gestation. Ce « droit » à nourrir l’enfant
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peut alors devenir une revendication. Pour les femmes qui se trouvent
dans cette configuration conjugale et qui désirent allaiter ou sont encore
dans le doute, il y a là de nouveau un dilemme - choisir entre son bébé
et son mari - dont l’issue peut être un ralliement à l’avis du conjoint.
Walburg, et al., (2007c) relatent que 25% des participantes françaises
ayant choisi le biberon justifient leur choix pour promouvoir la relation
père-enfant. C’est dans ce type de contexte que l’allaitement peut deve-
nir, selon Lett, et al., (2006, p. 108), « un instrument de domination mas-
culine ». Les motivations conjugales sont alors subordonnées à une hié-
rarchisation des devoirs de la femme dans laquelle la liberté de choix
s’est diluée. Au XVIIIe siècle, à la question portant sur cette hiérarchi-
sation, Collet répond que le devoir de nourrir son enfant doit passer
avant le devoir conjugal «… néanmoins, s’il (le mari) se trouve dans le
péril d’incontinence, la femme doit, si elle le peut, mettre son enfant en
nourrice afin de pourvoir à l’infirmité (sic !) de son mari » (Collet, 1764
cité par Knibiehler et Fouquet, 1980, p. 93). Ces éléments ouvrent la
voie à un questionnement plus global, en l’occurrence celui portant sur
le statut de la femme dans la société.

Facteur politique
Ce dernier facteur fait référence à l’organisation de la Cité. Nous pou-
vons y intégrer le statut des citoyens selon leur sexe (la politique du
genre : masculin/féminin), mais aussi les moyens donnés par l’Etat pour
favoriser un type de nutrition, comme les règles et lois en usage et donc
les possibilités d’applications de ces lois (code du travail, code interna-
tional de commercialisation des substituts du lait maternel, durée du congé
de maternité, etc.).
128
Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136

En ce qui concerne les moyens que donne l’Etat pour favoriser un


type de nutrition, l’histoire ici nous apprend que la politique a souvent
été impliquée de façon marginale, beaucoup d’initiatives – tant en matière
d’allaitement maternel que d’alimentation artificielle – étant issues d’ac-
teurs privés (Lett, et al., 2006). Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours et
quelle que soit sa provenance (humaine, animale ou industrielle), le lait
a toujours eu une valeur marchande et sa commercialisation, bien qu’étant
une préoccupation ancienne, a été régulée de manière assez laxiste par
des Etats successivement peu engagés dans la promotion de l’AM. Ce
non-engagement s’observe à partir de différents faits : louage de nour-
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rices sur le forum durant l’Antiquité, intervention royale de l’an 1350

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fixant les salaires des nourrices, fraudes de la part de chaque intermé-
diaire revendant du lait de vache au XIXe, industrie florissante des bibe-
rons, industriels et laboratoires du XXe ayant instauré auprès du person-
nel médical une stratégie commerciale très efficace… (Lett, et al., 2006).
A ces stratégies mercantiles encourageant le non-AM, s’ajoutent des
initiatives privées de défense de l’AM à partir de la fin du XIXe (en rai-
son de la mortalité alarmante des nourrissons), comme la création de la
« Société de l’allaitement maternel » en 1876 par la féministe Marie
Bequet de Vienne, ou la « Consultation de nourrissons » en 1892 par le
Dr Budin (Delahaye, 2003, p. 72).
Si la commercialisation du lait s’avère rentable pour beaucoup, elle ne
l’est ni pour les familles (coût mensuel actuel estimé à environ 100 euros ;
Laviolle, 2003) ni pour la société qui supporte le surcoût des dépenses
de santé concernées par l’allaitement artificiel (Laviolle, 2003). En outre,
tandis que le code de commercialisation des substituts du lait maternel
propose de « prohibe[r] la promotion abusive de la vente d’aliments pour
bébés qui peuvent être utilisés pour remplacer le lait maternel » (OMS,
1981, p. 4), nous voyons plus de promotions de produits manufacturés
de remplacement du lait maternel que de publicités pour l’AM. « La
masse de publicités pour les laits infantiles fait dissonance » avec la pro-
motion actuelle de l’AM (Cardon et Gojard, 2011). Même mensongère
– elle se dédouane d’ailleurs toute seule du respect de la vérité au nom
de ses objectifs commerciaux – la publicité est une source d’influence et
la qualification judicieuse de « maternisés » des laits industriels peut suf-
fire à masquer leur nature purement artificielle.
En ce qui concerne la législation française concernant le droit du tra-
vail, elle stipule que pendant un an à compter du jour de la naissance, la
129

Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


femme salariée allaitant son enfant dispose d’une heure par jour durant
les heures de travail pour allaiter son enfant (Code du travail, article
L1225-30 ; pour plus d’informations cf. Gamelin-Lavois et Herzog-Evans,
2003). De plus, tout employeur d’une société de plus de 100 salariés
peut être mis en demeure d’installer dans son établissement ou à proximité,
des locaux dédiés à l’allaitement (Code du travail, articles L1225-32 et
R 4152-13). Mais – comme dans d’autres domaines de vie sociale – il y a
une forme de tolérance à ce que les lois ne soient pas toujours appli-
quées… Enfin, le Comité européen des droits sociaux conclut à la non-
conformité des dispositions françaises avec la Charte sociale européenne
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concernant la rémunération des pauses d’allaitement (Comité européen

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des droits sociaux, 2012). Rappelons que la majorité des mères inter-
rompent l’AM en raison de la reprise du travail (Delamaire, 2010 ; Wal-
burg, et al., 2007a) et que pour d’autres le temps partiel est la seule solu-
tion pour poursuivre un AM dans de bonnes conditions. Les conséquences
de ce choix sont sans appel : risque de ne pas retrouver son travail,
impact sur le déroulement de carrière, revenu familial en baisse, etc.
Les possibilités actuelles d’allaiter tout en étant reconnues, par exemple,
en conservant un salaire conséquent ou en étant assurée de conserver
son travail, etc., ne sont pas assez développées, ce qui ne nous semble
pas étranger au statut de la femme dans la société.
De tout temps, les fonctions des humains ont été subordonnées aux
normes qui prévalent à une époque donnée et, de fait, aux tâches qui
leur incombent. Pour les femmes, la fonction maternelle s’est imposée
sur la base d’un argumentaire biologique. Depuis l’Antiquité, penseurs,
médecins, théologiens ou philosophes prônant l’AM ont argué que la
femme « se trouve aussi naturellement obligée de les [les bébés] nourrir,
puisque la nature ne l’a pas moins pourvu de ce qui est nécessaire pour
cela » (Hecquet, 1705 ; p. 139). Or, même si la femme est dotée d’attri-
buts spécifiques pour assumer cette fonction nourricière, la Nature seule
ne suffit pas à déterminer la conduite dans l’espèce humaine. Pourtant,
pendant des millénaires, les femmes ont été réduites à la seule fonction
maternelle, sans aucun droit citoyen par ailleurs, les conduisant à trou-
ver plusieurs parades leur permettant de sortir de ce confinement. Par
exemple, si la maternité est placée, dans l’Antiquité, au rang d’activité
civique (Loraux, 1990 cité par Bodiou, Brulé et Pierini, 2005), la tâche
de l’AM étant alors conçue comme un « devoir » (Plutarque, Ier siècle),
pour autant, dans la haute société, les femmes s’y soustraient afin de
130
Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136

remplir leurs fonctions d’épouse et de maîtresse de maison ; l’AM étant


alors délégué à une esclave par les Romaines. Au cours du Moyen-Age,
« les femmes ne sont qu’épouses, mère ou filles, leur seul rôle est de faire
des enfants et de les élever, leur seul travail est le travail domestique »
(Casagrande, 2002), leur unique fonction « éducative » est la nutrition,
l’allaitement. Du XIIIe au XVIIIe siècle, les devoirs d’Etat des femmes
de la haute société dont « la parure et l’ostentation font partie » les
conduisent (Knibiehler et Fouquet, 1980) à déléguer l’AM aux nour-
rices (Badinter, 2010, p. 240 ; Knibiehler et Fouquet, ibid, p. 92). Au cours
du XVIIIe siècle, un nouveau mouvement s’amorce dans lequel on favo-
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rise l’AM au nom du devoir de la bonne mère (Rousseau, 1769/2009),

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faisant de la fonction maternelle l’essence de l’identité féminine. L’allai-
tement devient alors un « sacrifice nécessaire » (Knibiehler et Fouquet,
ibid, p. 146) pouvant être assimilé comme une contrainte positive (voir
supra valeurs morales p. 11). Mais au XIXe, une nouvelle injonction émerge
dans les milieux aisés où la pratique de l’allaitement n’est plus convenable
puisque jugée « trop animale » (Bonald, 1859, cité par Knibiehler, 2003).
Puis, au cours du XXe siècle, certains courants féministes étendent le
rejet de l’AM en le considérant comme un esclavage : l’AM « est une ser-
vitude épuisante » (Beauvoir de, 1949). Aujourd’hui, il est envisagé comme
« le temps de la liberté révolue » par Badinter (2010, p. 142).
En résumé, l’argumentaire faisant référence à la Nature conduit à
une position de défense de l’AM ; celui qui s’appuie sur le rôle social, socio-
économique des femmes ou sur leur émancipation débouche plus sou-
vent (mais non exclusivement) sur une position défavorable à l’AM. De
nos jours, l’argument naturaliste est légitimé par les bienfaits sur la
santé et/ou le développement du lien d’attachement mère-bébé (via entre
autres la production d’ocytocine), mais il se retourne en quelque sorte
contre lui-même lorsque ce qui est ordonné par la Nature est perçu comme
des éléments qui « conditionnent le statut de la femme et son rôle dans la
société » (Badinter, 2010, p. 101). L’argument naturaliste entre alors en
compétition avec celui de l’émancipation des femmes constitutif du
second argumentaire. D’ailleurs, certains auteurs montrent comment les
médecins ont convoqué les théories s’appuyant sur la « Nature » (concer-
nant la reproduction et la survie du groupe humain) afin de défendre la
suprématie masculine lorsque leur pouvoir et leur autorité étaient remis
en question au cours des siècles derniers (Knibiehler, 1976 et Fraisse,
1989 cités par Offen, 2009 p. 52). Actuellement, et en référence à l’étude
131

Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


psychosociologique de Jodelet et Ohana (2000), il semble exister une
dichotomie dans les représentations maternelles de l’allaitement selon
que la femme est allaitante ou non. Ainsi, les représentations des
femmes allaitantes s’expriment par des formulations semblables au dis-
cours des féministes identitaires défendant l’AM : spécificité féminine,
fonction dévolue à la femme, devoir. En revanche, pour les femmes
recourant à l’alimentation artificielle, les représentations coïncident
avec le discours des féministes égalitaristes moins enclines à l’AM, dont
deux éléments sont saillants : leur travail (indépendance) et leur image
sociale (crainte de déformation du corps, d’une atteinte à la vie sexuelle,
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de la réduction à un statut d’animal ou encore la réduction à la seule

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fonction maternelle, défense du partage des rôles dans le couple). De
même, dans l’étude de Walburg, et al., (2007b), les représentations
maternelles apparaissent comme prédictives de la décision d’allaiter ou
non, notamment celles concernant les interdits pendant l’AM et la
dépendance mère-enfant.
L’ensemble de ces éléments historiquement attachés aux fonctions
des femmes viendrait conforter l’idée que la manière dont une femme se
perçoit au plan identitaire est une variable influente dans le choix ou le
refus de l’allaitement. Chacun des discours évoqués ci-dessus constitue
un système de référence (ou d’appartenance) identitaire où l’on voit
s’immiscer la confusion régulièrement faite entre égalité et équité : les
différences entre les êtres humains ne sont pas des inégalités ; autrement
dit, l’équité entre les sexes en matière de droits dans la société n’im-
plique nullement une indifférenciation des sexes (Héritier, et al., 2011).
On peut ainsi interpréter l’une des motivations des femmes ouvrières ou
au foyer à se détourner de l’AM (Vilain, et al., 2005) comme l’expression
d’une quête identitaire, dans laquelle le choix du biberon serait l’acte
indicateur du besoin de reconnaissance individuelle : la femme n’est
plus confondue avec l’enfant, elle n’est plus réduite exclusivement à la
sphère domestique ou à des tâches non visibles et peu valorisées dans
notre société.
Cependant, même lorsque des batailles féministes ont abouti à faire
reconnaître l’allaitement comme un droit – comme c’est le cas en Nor-
vège – avec, actuellement un long congé de maternité qui maintient 80%
du salaire (Beaudry, Chiasson et Lauzière, 2006), la société ne parvient
toujours pas « à concilier maternité et égalité des sexes, voire à restreindre
l’écart des salaires entre hommes et femmes » (Badinter, 2010, p. 152).
132
Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136

Conclusion
En s’efforçant de démêler le jeu des facteurs qui influencent explicitement
ou implicitement les mères quant au choix du mode d’alimentation de leur
bébé, on est amené à conclure que, depuis l’Antiquité et bien souvent,
l’allaitement a rarement été un choix vraiment libre et éclairé de la part
des femmes. Leur responsabilité, forcément engagée par le fait d’acter
ou non l’allaitement de leur enfant, est dépendante de différents types
d’influences que l’on peut même qualifier de pouvoirs : pouvoirs médi-
cal, économique, moral et politique dont fait partie le pouvoir marital. De
nos jours, seul le pouvoir marital a disparu mais l’attitude du conjoint
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reste influente. Des autres pouvoirs ou domaines d’influence, nous avons
vu que des configurations particulières pouvaient se dégager. Par exemple,
le discours médical est intériorisé par les femmes de milieu socio-écono-
mique élevé car en accord avec leurs valeurs morales et avec la recon-
naissance de leur valeur sociale dans la société. Quant au refus d’allai-
ter, il semble lié à une composante commune à ces divers domaines
d’influence : la perte. Pertes qui se déclinent sur les plans :
Résumé
La disparité européenne en • économique : salaire ;
matière d’allaitement
• moral : pertes d’intimité lors d’un AM en public, d’autonomie de
maternel place la France
dans une situation singu- mouvement, de la relation conjugale, de la place du conjoint dans les
lière aux vues de son faible soins à l’enfant, de visibilité de la valeur donnée à l’enfant ;
taux et de la précocité du
• esthétique : pertes de sa beauté, de son pouvoir de séduction ;
sevrage. Partant d’éléments
identifiés comme facteurs • de l’estime de soi : pertes de son travail, de reconnaissance en tant
de décision, c’est à travers
que femme au profit de la seule fonction maternelle ;
aussi bien des travaux d’his-
toriens, de sociologues et • de l’autonomie de pensée : lorsque les préconisations du corps médi-
de psychologues que nous cal se transforment en injonctions.
nous proposons de dégager
une catégorisation intégra-
Il nous semble ainsi que, si toute culture adresse des fonctions aux
tive en quatre facteurs d’in-
fluence. Ce travail fournit
membres de la société qui la compose, leur hiérarchisation vient sou-
des éléments de réponse à vent s’opposer à la liberté du choix. Le substantif « allaitement » ne devrait
des questions qui mettent plus être valencé négativement ou positivement au gré des dictats poli-
en cause le degré de res- tico-économiques, des préceptes médicaux ou moralisateurs. Pour créer
ponsabilité individuelle et
les conditions d’un vrai choix, il faudrait déjà reconnaître la même valeur
de liberté de choix des
à toutes les fonctions de la Femme : allaiter ne devrait en aucun cas être
femmes.
synonyme d’une perte, qu’elle quelle soit. Par exemple, concilier AM et
Mots-clés travail en allongeant le congé de maternité pour celles qui le désirent,
Allaitement.
France.
Enjeux.
133

Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


mais aussi en le rendant plus souple, comme passer à mi-temps sur la
durée de ce congé, avec des structures de garde proches du lieu de tra-
vail pourrait faciliter l’atteinte des objectifs de l’OMS.
Une autre dimension, temporelle cette fois-ci, pourrait être prise en
compte dans le soutien au projet d’allaitement et pourrait constituer
une seconde condition favorable au développement d’une culture de l’AM.
En effet, les seins ne sont nourriciers que quelques mois, et l’autonomie
d’un bébé – toute relative – se développe progressivement dans la durée.
Déconstruire des croyances, telles la crainte de la dépendance, de l’exclu-
sion du père, etc., suppose avant tout de les identifier et de faire émer-
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ger les motivations profondes. Concernant les sensations corporelles, leur

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contextualisation permettrait de donner une place et du sens aux res-
sentis, ressentis qui restent ponctuels. Le clivage entre mère et épouse
pourrait même disparaître au profit d’une réunification de ces deux ver-
sants qui ne sont pas antagonistes, peut-être suffirait-il que les femmes
s’entendent dire qu’elles sont autorisées à être femme et mère. Cepen-
dant, ce travail d’accompagnement ou de soutien serait efficace seule-
ment si une troisième condition était respectée. Celle-ci serait que les
professionnels développent une attitude ajustée lors d’un soutien au
projet d’allaitement avec comme préalable le fait de créditer les femmes
de leur capacité d’allaiter. Le soutien s’inscrirait dans un cadre contenant
Summary
et bienveillant avec une vraie présence, accueillant les doutes, les émo-
The French low level and
tions et les contradictions et en s’abstenant de donner des indications sys- short duration of breastfee-
tématiques à partir d’un savoir de professionnel. Un soutien n’est pas la ding put France apart from

projection d’une croyance et/ou d’un savoir, c’est d’abord accéder à la the others European
countries. In order to disen-
subjectivité de l’autre. La responsabilité de chaque professionnel de santé
tangle the influential fac-
est impliquée ici : la perte de poids du bébé qui affole (alors que les tors, we review breastfee-
courbes de croissance diffèrent selon le type de nutrition), le recours ding literature from

aux compléments à la moindre anicroche, les stratégies commerciales des historical, sociological, and
psychological perspectives.
laboratoires au sein des hôpitaux et des pharmacies sont autant d’impasses
This analysis reveals four
au succès de l’allaitement. Au-delà de la simple déclaration d’intention
factors in a categorical inte-
de promouvoir l’allaitement, les valeurs de responsabilité et d’intégrité grative view and shows that
sous-tendues par une éthique sont également requises, mais il incombe breastfeeding practices are
more a subordinate stance
aussi à la politique de santé publique de donner les moyens de sa mise
rather than strictly inten­
en œuvre (formation du personnel, par exemple).
tional.
Bien que la question de l’AM semble de prime abord être de l’ordre
du privé, du familial, voire de l’individuel, elle est en fait sous influences. Keywords
Breastfeeding factors.
France.
Challenges.
134
Devenir, volume 25, numéro 2, 2013, pp. 117-136

Référence
[1]  BADINTER E. : Le conflit : la femme et la mère, Flammarion Lettres, Paris, 2010.
[2]  BAYOT I. : « Le droit d’être informé(e) ? Oui, mais pas n’importe comment !», Institut Co-
Naître, www.co-naitre.net/lire01.htm
[3]  BEAUDRY M., CHIASSON S., LAUZIERE J. : Biologie de l’allaitement : Le sein, le lait, le
geste, Presses Universitaires du Québec, Canada, 2006.
[4]  BEAUVOIR de S. : Le deuxième sexe, Gallimard, Saint-Amand, 1949.
[5]  BLONDEL B., KERMARREC M. : Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en 2010
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Allaitement maternel : liberté individuelle sous influences


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