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114e

année – no1 janvier 2004


Le plaisir des mathématiques, Jean-Pierre Serre

Editorial : La RMS revit !

Note de cours : la radioactivité, André Warusfel

Note de cours : invariance par extension du corps de base, Yves Duval

Le théorème de Bézout, Michel Waldschmidt

Approximation par des polynômes à coefficients dans Z, Hervé Pépin et Nicolas Tosel

Quelques dénombrements dans les groupes finis, Richard Antetomaso

6976: École polytechnique 2003, Mathématiques I (énoncé), énoncé

6976: École polytechnique 2003, Mathématiques I (corrigé)

6977: École polytechnique 2003, Mathématiques II (énoncé), énoncé

6977: École polytechnique 2003, Mathématiques II (corrigé)

Questions et réponses

Du côté des élèves de Terminale S, énoncé

Bibliographie
[Table des matières]

Le plaisir des mathématiques


par Jean-Pierre Serre1
professeur au Collège de France

Le plaisir des mathématiques ? J’ai commencé à le ressentir dès mes études secondaires. Pourquoi ? Un mot l’explique : la curiosité. Je
n’étais pas porté plutôt vers un secteur qu’un autre, passant avec autant de joie de la théorie des équations à celle des coniques. La
question fondamentale est : comment ça marche ? Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que l’on peut parfois y répondre, avec toute la
rigueur nécessaire, en bâtissant des solutions inattaquables. Qui ne désire pas tendre à la certitude ne peut vraiment pas être
mathématicien.

Bien sûr, une théorie peut devenir un jour démodée, soit parce que ses résultats se démontrent trop facilement, soit parce qu’elle est
absorbée par une autre, plus efficace. Mais en tout cas - et c’est le point essentiel - elle ne deviendra jamais fausse, à la différence de ce
qui se passe dans les autres sciences.

Ce qui m’éblouissait, c’était qu’avoir compris quelque chose en mathématiques donne l’impression d’avoir acquis un savoir définitif.
C’est la seule discipline où cela soit aussi clair.

Il existe de très nombreux exemples de domaines où la curiosité d’un mathématicien peut avoir à s’exercer. Je me souviens par
exemple d’avoir, taupin fraîchement intégré à l’École Normale, lu avec passion le livre de van der Waerden. J’avais également été fasciné
par le théorème de Jordan disant qu’une courbe simple du plan euclidien partage ce plan en deux régions connexes. Avec mes amis
Lacombe et Poitou, nous avons essayé de lire le texte original, sans d’ailleurs comprendre vraiment la démonstration de Jordan.
L’extrême simplicité du résultat, si pénible à démontrer, nous avait fortement impressionnés. Pourquoi ça marche ?

Ce n’est que deux ou trois ans plus tard que j’ai vu comment ce théorème se déduisait très simplement des propriétés générales des
groupes de cohomologie. Un bel exemple ! Ω
[Table des matières]
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Éditorial: La RMS revit !


Après une interruption cruelle d’un trimestre, notre revue peut donc entamer sa cent quatorzième année. Après ce numéro, paraîtront
deux livraisons respectivement envoyées aux nouveaux abonnés le 15 mars et le 15 mai 2004. Ce dernier numéro de l’année 2003-2004,
qui contiendra notamment des corrigés d’exercices posés aux oraux des concours des principales écoles auquelles préparent les classes
préparatoires scientifiques françaises, sera donc entre vos mains avant que ne commencent les semaines de préparation spécifique.

Dès l’année scolaire 2004-2005 les dates de parution, pour le respect desquelles les rédacteurs et l’éditeur s’engagent de manière
forte, sont d’ores et déjà fixées au 15 octobre (avec un certain nombre d’énoncés de problèmes d’écrit, ceux sur lesquels nous
solliciterons des corrigés de nos lecteurs), 15 décembre, 15 mars et 15 mai, permettant ainsi la mise à disposition régulière à son public
d’informations scientifiques sérieuses, telles qu’elles l’ont toujours été depuis le premier corrigé de problème (Polytechnique 1890)
signé par le jeune Émile Borel, vite suivi par le premier texte du presque contemporain Henri Lebesgue, qui disserta pour sa part sur
quelques propriétés de la strophoïde . . .

La Revue entend donc, comme on vient de le voir, garder intact son rôle au sein de la communauté des “spéciales” qui avait fort
mal ressenti, en juin 2003, l’annonce par la librairie Vuibert de sa suspension. Cela dit, le changement même de titre, maintenant
centré sur l’ensemble de la filière mathématique (DEA et écoles doctorales exclues) montre que nous avons décidé de nous ouvrir
également à ceux des élèves des classes de Première et Terminale qui veulent exercer leur curiosité sur des thèmes mathématiques les
préparant à poursuivre des études dans notre discipline.

On sait que la situation actuelle est dramatique en ce qui concerne la raréfaction des vocations scientifiques dans notre pays. Pour
sa part, la nouvelle RMS entend jouer pleinement son rôle, fournissant textes et corrigés d’épreuves marquant toutes les étapes de la
formation mathématique : Olympiades de Première et Terminales, Concours Général de cette même classe, écoles normales
supérieures et polytechnique, et enfin le CAPES externe et les deux agrégations, interne et externe (sans oublier certains textes d’écoles
d’ingénieurs qui nous paraîtront particulièrement intéressants). L’ouverture à une nouvelle couche de lecteurs potentiels qu’indique
cette liste (non limitative) résulte bien entendu d’une réflexion commune à l’issue de laquelle nous nous sommes fixé essentiellement
deux buts : montrer que travailler les mathématiques ne se fait bien qu’à travers certaines exigences nécessaires, mais aussi persuader –
ce qui est sans doute encore plus difficile – les jeunes des générations montantes de la réalité de la passion qu’ils pourront connaître en
s’adonnant fortement à l’étude des mathématiques.

Nous avons voulu donner, dès ce premier numéro, deux signes forts de notre détermination. Nous avons d’abord été très honorés
de ce que Jean-Pierre Serre, médaille Fields 1954 et prix Abel 2003, le premier parmi ses pairs de la prestigieuse école mathématique
française, ait bien voulu inaugurer une série de textes personnels en racontant, de manière vivante, quelques aspects de ce qu’a été
pour lui le plaisir des mathématiques : il revendique avec nous la force de ce terme. Nous sommes heureux de l’en remercier ici, et
essaierons de publier régulièrement, dans les numéros à venir, des témoignages personnels variés d’autres maîtres contemporains,
médaillés Fields, académiciens ou jeunes chercheurs, essayant de transmettre ainsi leur enthousiasme à une génération parfois
hésitante devant l’aridité supposée de notre discipline.

Le second signal, à un niveau beaucoup plus modeste, est donné par le premier des quatre articles ouvrant, comme de coutume,
notre numéro : il a été conçu pour et est lisible par des élèves de Terminale, comme l’indique un sigle “TS” que l’on retrouvera autant
de fois qu’il le faudra dans nos colonnes. Un peu plus loin d’ailleurs, ils trouveront également un texte de problème et quatre questions
écrites à leur intention : la RMS s’engage à publier en mai les meilleures réponses qui lui seront parvenues (au plus tard le 1er mars
2004, à notre nouvelle adresse : RMS, 12 rue de la Montagne Sainte-Geneviève, 75005 Paris). Nous essaierons de faire de même dans
chacun des numéros à venir.

Cet article mêlant le discours d’un mathématicien, d’un physicien et d’un probabiliste autour du thème pluridisciplinaire de la
radioactivité est en fait plus une “note de cours” qu’un article proprement dit. Cela aussi est nouveau. À côté de textes apportant une
contribution originale sur un point donné du cursus mathématique français, ces notes de cours, que l’on verra bientôt irriguer la RMS,
ont un but différent : apporter une vision plus pédagogique que strictement scientifique, dans l’espoir qu’elles pourront être aussi bien
utiles aux jeunes étudiants qu’à leurs professeurs.

Notre vive reconnaissance va aussi, tout naturellement, à Michel Waldschmidt, président de la Société Mathématique de France,
qui a bien voulu nous offrir un article particulièrement efficace et donnant à réfléchir sur le célèbre théorème de Bézout, utilisé par des
générations de professeurs et d’ingénieurs qui ont besoin de résultats forts afin d’établir une géométrie rationnelle aussi rigoureuse
que l’analyse ou l’algèbre. Il nous a été particulièrement plaisant de voir ainsi, dans le dernier numéro de l’ancienne RMS et dès le
premier de la nouvelle, deux présentations de qualité, tout à fait complémentaires, autour de ce grand thème.

Dès le numéro suivant, un autre mathématicien de premier plan, Jean-Pierre Demailly, montrera comment un professionnel a pu
résoudre élémentairement un problème d’optimisation posé par un physicien (à propos de la conception d’écrans acoustiques pour
moteurs d’avion) : de manière inattendue, c’est à la géométrie du triangle, a priori si démodée, qu’il a emprunté la réponse ! Bien sûr
nous attendons de tous d’autres articles ou notes de cours, aux auteurs les plus variés, parmi lesquels nos collègue universitaires sont
évidemment les bienvenus : c’est sans doute la RMS qui leur donnera, plus encore qu’aujourd’hui, leurs étudiants de demain !

D’autres rubriques, toujours appréciées de nos anciens lecteurs, ont évidemment gardé toute leur place : qu’il s’agisse des corrigés
de problèmes (on trouvera ici les deux épreuves de la filière MP de l’école polytechnique 2003 ; le prochain numéro verra aussi la
publication du problème de mathématiques générales de l’agrégation externe, etc.) ou des “Questions et Réponses” qui ont toujours
provoqué un intérêt soutenu au sein du corps enseignant des anciennes spéciales. Afin de nourrir la rubrique bibliographique, nous
demandons aux lecteurs de nous faire connaître les ouvrages récemment parus qu’ils ont jugés intéressants, notamment en vue du
maintien de la circulation d’une culture scientifique de qualité dans notre domaine.

Le prochain numéro verra la publication de la fin de la liste de plus de 600 énoncés d’oraux que nous avons pu rassembler. Les
solutions de ceux qui figurent dans cette première livraison devront nous être envoyées au plus tard le 1er mars et les suivants le 1er
avril, en vue de leur publication globale en mai. Parmi les nombreux messages d’encouragement que nous avons reçus et qui nous ont
poussés à vouloir faire revivre la RMS, beaucoup signalaient le rôle utile joué par la mise à disposition, sur tout le territoire, par une
poignée de professeurs essentiellement parisiens de sujets qu’ils auraient pu garder pour leur usage personnel. Cette mise en commun
nous est toujours apparue comme réductrice d’inégalités : nous continuons donc.

Cela dit, chacun a pu prendre la mesure du risque énorme que nous a fait courir le photocopillage (en dépit de nos efforts et de
ceux des éditions Vuibert, contraintes au jet de l’éponge et désireuses de trouver un repreneur, nous aurions parfaitement pu
disparaître définitivement). Que circulent parmi les étudiants des listes d’exercices, des corrigés ou des articles extraits par leurs
professeurs de nos feuilles est utile à la collectivité et, d’une certaine manière, inévitable compte tenu des conditions matérielles de
notre époque. Nous demandons cependant avec force à ceux qui ont déjà eu recours à leur photocopieuse de façon importante de ne
plus le faire qu’à la condition expresse que, par exemple, leur établissement ait souscrit un nombre d’abonnements compatible avec
notre survie. Le mot n’est pas trop fort, au vu du choc que nous venons de subir. C’est d’autant plus facile que le prix des
abonnements que nous proposons peut maintenant permettre que soit associé à chaque classe usant de notre liste d’exercices un
abonnement, au nom d’un groupe d’étudiants ou de leur professeur, désireux de s’assurer des archives.

Faute d’une mobilisation morale forte de notre lectorat sur ce sujet brûlant, nous n’aurions plus qu’à passer dans le triste couloir
des espèces disparues. Aujourd’hui encore en grand danger, nous ne pouvons que vous mettre tous en garde devant un risque
suicidaire. Un abonnement unique suffisant à fournir la matière de plus de cent recueils photocopiés sans vergogne est une facilité des
plus instables dont l’espérance de vie risquerait de ne pas dépasser l’année. Nous n’avons pu reprendre notre effort qu’avec l’intime
conviction que la solidarité naturelle entre nous et vous jouera de nouveau à plein.

Pour aider à cette prise de conscience, nous avons décidé en commun, éditeur et rédacteurs, de faire de grands efforts sur le prix de
notre abonnement, dont le niveau écartait, il est vrai, toute une catégorie de lecteurs potentiels (les jeunes au premier chef, que nous
souhaitons vivement voir revenir en grand nombre). C’est pourquoi la Revue sera disponible en Fance pour les étudiants à un prix
modeste de 45 euros, à savoir le tiers du prix normal de 135 euros. Quant aux professeurs, il leur est offert un prix de 65 euros, ce qui
représente une réduction massive de 52%. Il suffira aux uns et aux autres de nous écrire sur papier à en-tête de leurs établissements
(lycée, université, IUFM, grande école par exemple) ou d’envoyer une simple déclaration.

Chaque abonnement portera, de manière indivisible, sur un groupe de quatre numéros, soit une année complète (civile ou
universitaire par exemple, selon la date de l’abonnement ou du réabonnement). Non seulement il donnera droit à quatre numéros
traditionnels sur papier, mais aussi - et c’est là une nouveauté importante - à la libre disposition, sur internet, d’un volume d’environ
30% de documentation supplémentaire, consultable à l’aide d’un mot de passe géré directement par la RMS. Pour des raison de temps,
ce service n’a pu être offert dès aujourd’hui : mais il entrera dans les faits dès le 15 mars. À ces “bonus” nous ajouterons, comme il est
naturel, le texte du numéro papier du trimestre correspondant. L’ensemble de l’édition traditionnelle et de ces compléments,
permettant de traiter notamment des sujets qui n’auraient sans doute intéressé qu’une fraction plus faible de notre lectorat élargi,
correspondra ainsi à un volume compris entre 650 et 700 pages, que l’on pourra comparer au contenu de deux livres de bonne taille !

La société e.net, qui a repris la publication de la RMS, est une société indépendante qui assure la publication du Bulletin Critique
du livre en Français, de la revue Vie Universitaire ainsi que de la Bibliographie de la France sur cédérom. Elle est aujourd’hui le premier
éditeur dans l’édition de publications à la fois sur support numérique et sur support papier dans le domaine pédagogique.

Voici donc le nouveau contrat que nous vous proposons pour couvrir à la fois les besoins des plus jeunes, leur donnant l’envie de se
mettre au travail avec enthousiasme, jusqu’à ceux des candidats à la fonction d’enseignant ou de chercheur, qui ont besoin de matériel
adapté à leurs demandes. Tout cela sous l’œil bienveillant d’un certain nombre de mathématiciens prestigieux qui ont bien voulu
accompagner notre projet. Sa réussite est entièrement entre les mains des lecteurs de ce numéro. S’ils trouvent que notre effort peut
servir efficacement, notamment en redonnant le goût de vocations scientifiques dont l’étiage actuel est alarmant, qu’ils fassent notre
publicité en diffusant le plus largement possible autour d’eux notre bonne nouvelle : la RMS revit ! Ω
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TS
Note de cours : la radioactivité

Un mathématicien,
un physicien et un probabiliste
aux prises avec la radioactivité

par André Warusfel


10 Rue Saint-Louis en l’Ile, 75004 Paris
awarus@club-internet.fr

-λt
Ré SUM é. Pourquoi un nombre entier de noyaux non encore désintégrés est-il bien représenté par une formule de la forme N (t) = N e qui a très peu de chances
de donner des résultats entiers ?

MOTS-CL é S : Terminale S, radioactivité, variable aléatoire, loi binomiale.

Ce conte moral se déroule dans une classe scientifique, au cours de l’année pendant laquelle sont introduites les notions de fonctions
exponentielle et logarithme, la résolution des équations différentielles simples de la forme yʹ = ay et une présentation de la
radioactivité. Depuis les années 70, ces concepts sont passés de la première année d’enseignement supérieur à la Terminale
scientifique. Les programmes auxquels il sera fait allusion sont ceux qui ont été mis en place à la rentrée 2002.

1.La démarche traditionnelle

Au commencement, le mathématicien étudie devant les élèves le concept de dérivation, puis introduit les fonctions exponentielle et
logarithme (par exemple en s’appuyant sur la propriété, admise, selon laquelle la fonction inverse admet une primitive sur l’ensemble
des réels strictement positifs). Il en déduit que la fonction définie par y (t) = beat est l’unique solution de l’équation différentielle yʹ =
ay, y (0) = b.

Entre alors le physicien. Il se procure un compteur de désintégrations (opérant par exemple sur du radon 220) qui donne, à chaque
instant t, l’activité radioactive de la source qui y est enfermée, c’est-à-dire (au signe près) le nombre N (t) -N (t + Δt) de noyaux
désintégrés pendant un assez petit laps de temps Δt qu’il fixe lui-même. À l’instant t = 0, l’échantillon considéré renferme N = N (0)
noyaux, nombre en principe inconnu.

Après dépouillement de quelques expériences, il énonce que le nombre moyen de noyaux subsistant au temps t > 0 vérifie une égalité
approchée de la forme

où le nombre λ > 0, résultant de ses mesures, est indépendant du temps t et de l’intervalle de temps Δt. Cette égalité semble d’autant
plus fiable que Δt est petit (voir l’annexe A pour les détails). Modélisant mathématiquement cette situation par l’équation différentielle
= -λN (t), il en déduit aussitôt la loi de décroissance bien connue N (t) = N e-λt.

Cette façon de faire, où les tâches sont bien distinctes, est claire, rapide et fort efficace. Elle rassure professeurs et élèves. Elle présente
pourtant bien des inconvénients : outre le fait que l’interdisciplinarité n’y trouve guère son compte, elle passe trop rapidement sur un
grand nombre d’approximations que la présence d’un probabiliste (en général le mathématicien lui-même muni d’une autre
casquette), provoquée par les réflexions du physicien, permettra de lever en accroissant grandement la compréhension du traitement
mathématique trop abrupt du phénomène. En particulier, elle permettra non seulement de comprendre le rôle de N e-λt comme valeur
“moyenne” - et de préciser ce que cela signifie -, mais aussi de maîtriser l’étendue des fluctuations autour de cette valeur moyenne.

2.Inverser les rôles

Dans cette seconde séquence, c’est le physicien qui ouvre le jeu. Après avoir expérimenté puis introduit sa loi approchée, il décide de
procéder par étapes en découpant la durée séparant l’instant zéro de l’instant t en un grand nombre n de “tops” ou “grains de temps”
élémentaires, de durée Δt = assez petite pour que l’égalité approchée N (t + Δt) -N (t) = -λN (t)Δt puisse être considérée comme
suffisamment exacte pour lancer un calcul précis. (On peut interpéter cela comme un changement de l’unité de temps, remplaçant la
seconde traditionnelle par le top.)

Il en déduit alors l’égalité N (Δt) = N (0) - λN (0)Δt, soit N (Δt) = N p où p est une abréviation pour 1 - λΔt. Passant au top suivant, il
obtient N (2Δt) = [N (Δt)]p = N p2 puis, par une récurrence évidente,

Le mathématicien et lui reconnaissent dans cette formule une approximation bien connue de l’exponentielle, résultant d’ailleurs
directement de la très classique méthode d’Euler de résolution de l’équation différentielle Nʹ = -λN avec N = N(0) comme valeur
initiale.

Retrouver l’égalité N (t) = N e-λt à partir de la précédente en faisant tendre n vers l’infini est un jeu d’enfant si la fonction logarithme
est connue. Mais les programmes de 2002 incitaient à suivre une autre voie, à savoir introduire au contraire exponentielle et logarithme
à partir de cette approximation eulérienne. Ils n’ont malheureusement pas du tout été suivis. L’annexe B montre pourtant comment
on pouvait le faire ; elle a été mise au point parallèlement à (et indépendamment de) la construction publiée juillet 2002 dans la partie
commune des documents d’accompagnement pour les professeurs des disciplines scientifiques des Terminales S (scérÉn [CNDP]
éditeur) écrite par les trois GEPS (groupes d’experts chargés de la rédaction des programmes). On constatera que les deux démarches
sont très voisines, même si l’on peut leur reprocher un caractère artificiel sans doute lié au sujet même.

Cette fois-ci, la collaboration entre mathématicien et physicien est plus satisfaisante et évoque davantage un montage “en parallèle”
que le montage traditionnel “en série”. Conformément à ce qui s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire, l’outil théorique s’y
met en place à la suite d’une demande issue de l’expérience, pour le plus grand profit des deux disciplines.

3.Entre le probabiliste

Bien entendu personne n’est vraiment dupe : la fonction N (t) autour de laquelle tournent les paragraphes précédents n’existe tout
simplement pas. Outre qu’il est impossible d’admettre qu’une fonction censée ne prendre que des valeurs entières puisse être solution
d’une équation différentielle linéaire, il avait été dit - mais de façon fort discrète - qu’il ne s’agissait que d’un nombre “moyen” de
noyaux non désintégrés à l’instant t.

La vérité est que N (t) a bien un sens très précis lors de chaque expérience, mais que cette fonction n’a aucune raison de rester
identique à elle-même et évolue avec l’expérience. Parler de “loi” à son égard est donc abusif (ce n’est d’ailleurs pas le seul cas où la
physique travaille sur de telles notions : la thermodynamique est pleine de ces phénomènes partiellement indéterminés).

D’ailleurs les bons cours de physique insistent eux-mêmes sur ce point : la désintégration radioactive est un phénomène aléatoire, et
l’on y interprète par exemple à juste titre l’égalité approchée de départ en disant que la probabilité de désintégration d’un noyau dans
un intervalle de temps donné est constante.

Les gros mots sont lâchés. Il est donc nécessaire de soumettre à un probabiliste le soin de résoudre le problème suivant : comment, à
partir d’un modèle aléatoire discret imaginé par le physicien à la suite de son expérience, exprimer de façon mathématiquement
correcte, et justifier sur des bases rigoureuses, la vérité cachée sous la formule ambiguë N (t) = N e-λt ?

4.Construction et première exploitation du modèle

Deux modélisations possibles viennent aussitôt à l’esprit (elles sont d’ailleurs heureusement équivalentes, au moins si p est rationnel).
Plus précisément, il s’agit de discrétiser le phénomène physique en un autre, plus simple, dont la modélisation mathématique est plus
facile. Dans la première, Zeus lance ensemble vers le ciel N dés trafiqués de façon que la probabilité de sortir en retombant sur terre
autre chose qu’un 6 soit égale à p = 1 -λΔt : il détruit alors les dés ayant sorti 6 et recommence, jusqu’à avoir effectué n lancers ou
éliminé tous les dés. Dans la seconde, il fabrique N urnes identiques au départ et contenant des boules blanches et rouges dans les
proportions p et 1 - p : à chacun des n tirages simultanés d’une boule dans chaque urne non vide (s’il en reste), il vide les urnes dont
viennent de sortir une boule rouge mais remet à sa place chaque boule blanche tirée.

Chacun de ces modèles est facile à traiter lorsque n = 1 : on est en effet en face d’un problème classique de distribution binomiale
(N,p) de N essais simultanés indépendants avec une probabilité p de réussite et de probabilité 1 - p d’échec. La probabilité pour qu’il
reste k dés (ou k urnes non vides) après le premier top est classiquement donnée par la formule (N, p) (k) = ( N k) pk(1 - p)N-k.

Par contre, les cas n > 1 sont apparemment plus difficiles à traiter : il s’agit bien entendu toujours de distributions binomiales, mais
dont les nombres d’essais N*, N** etc. sont maintenant inconnus car dépendant des résultats des pas précédents.

L’expression N (t) = N (nΔt) peut maintenant recevoir son statut mathématique correct : le nombre N (n Δt) de dés restant (d’urnes
non vides) après n lancers (tirages) varie avec chaque expérience, et définit une variable aléatoire, notée ici Xn. Cette fonction Xn est à
distinguer soigneusement de l’ensemble des valeurs qu’elle peut prendre - c’est-à-dire les différents N(t) déterminés par chacune des
expériences possibles.

Que N (t) ne soit pas une fonction est alors clair (même si le terme de variable aléatoire, imposé par la tradition, n’est pas très parlant,
celui d’aléa numérique n’ayant pas pu s’imposer). Le problème est le suivant : peut-on déterminer la loi de probabilité de la variable Xn,
et en particulier son espérance mathématique E(Xn), valeur unique censée résumer au mieux les différentes valeurs 0, 1, 2… , N que Xn
peut prendre ?

Dans un premier temps, nous ne donnerons pas la réponse, mais introduirons une argumentation heuristique, heureusement justifiée
a posteriori ( !) par son résultat. Puisque l’on ignore le nombre N* de dés restant (d’urnes non vides) au premier top, on peut le
remplacer faute de mieux par l’espérance mathématique de la distribution binomiale (N,p), à savoir E(X1) = N p. La seconde étape
peut donc être considérée, “en moyenne”, comme une nouvelle distribution binomiale, à savoir (N* , p), dont l’espérance est cette
fois-ci N*p, c’est-à-dire N p2. Par récurrence, il semble donc bien que la valeur “moyenne” de Xn soit le nombre N pn, c’est-à-dire
n que nous retrouvons à notre très grande satisfaction. Mais il va sans dire que cette démarche est des
encore l’expression N 1 -
plus boiteuses (n’y fait-on pas semblant de croire par exemple que tous les nombres N pm sont entiers ?) ; il faut des soubassements
autrement solides pour enfin comprendre ce que cache réellement la “loi” de décroissance rapide.

5.Un miracle

Faute de mieux, on devrait en rester là si l’annexe C ne nous livrait la clef de l’affaire. En dépit de ce que l’on pourrait croire, la loi de
probabilité de Xn, si embrouillée a priori, peut être déterminée ; elle est même très simple. Voici donc le Deus ex machina : la variable
aléatoire Xn suit aussi une loi binomiale, plus précisément (N,pn). L’on en déduit que son espérance mathématique E(Xn) est égale à
N pn : cette fois-ci, nous savons en toute rigueur ce que signifie N 1 - n : c’est l’espérance de la variable aléatoire X définie comme
n
prenant pour valeurs les nombres N(t) = N(nΔt) issus des diverses expériences possibles.

Cette étude nous apporte un plus très important : non seulement nous connaissons maintenant la valeur moyenne de Xn, mais même
la probabilité de l’événement Xn = k, où le paramètre entier k varie de 0 à N. On a en effet

Cela signifie que nous maîtrisons les fluctuations du nombre de noyaux restants à un instant donné autour de sa valeur moyenne μ =
N e-λt dont N 1 - n
est une bonne approximation. On peut ainsi répondre à des questions du genre : quelle est la probabilité
qu’une expérience donne un N(t) supérieur à sa moyenne théorique μ de plus de ? etc. La seule loi de décroissance ne permet
évidemment pas de résoudre ces demandes pourtant légitimes.

La figure ci-dessous, construite grâce à Mathematica (voir l’annexe D), montre au tout premier plan la distribution binomiale ainsi
définie pour N = 30, λ = , n = 30 et t = 1 (que les entiers N et n soient ridiculement petits par rapport à ce qu’ils devraient être est
justifié par les possiblités limitées du logiciel et surtout de la lecture d’une figure par un œil humain). C’est une espèce de courbe en
cloche dissymétrique. Suivent alors les distributions analogues pour t = 2, t = 3 et ainsi de suite jusqu’à t = 20.

La même figure avec la loi binomiale limite 30,e-t⁄6 au lieu de 30,(1 -t⁄180)30 serait d’ailleurs à l’œil quasiment identique à celle-là.
Bien qu’en principe le tracé d’une distribution ne permette pas en général une lecture immédiate de son espérance mathématique, il
n’en va heureusement pas de même pour une distribution binomiale. En effet, on peut montrer que la valeur la plus probable (le
mode) de (N,p) est prise une fois (exceptionnellement deux), pour des entiers k tels que k - N p est compris entre p - 1 et p,
nombres inférieurs à 1 en valeur absolue. En effet, la plus grande valeur du nombre (N k) pk(1 - p)n-k est obtenue lorsque k est la partie
entière ω du réel Np + p et aussi, si Np + p est entier, par ω - 1.

Sur la surface ici représentée, il suffit donc de suivre la ligne de crête dont la projection sur le plan (t, k) est une bonne approximation
de la courbe idéale d’équation k = N e-λt. En regardant attentivement, on peut y lire que l’axe des t, asymptote de cette courbe, en est
encore relativement éloigné, même pour t = 20 : c’est normal, puisque 30 exp(-20⁄6) est approximativement égal à 1.

Notons que cette heureuse (et assez peu connue) propriété du mode de la loi binomiale a une conséquence appréciable : dans tout ce
qui précède, on aurait pu remplacer l’expression “valeur moyenne” par “valeur la plus probable”. L’erreur n’aurait pas été très grande
en l’occurence, mais le faire a priori aurait été dangereux.

Le passage du modèle à n pas à un phénomène continu se justifiant comme à l’accoutumée – on remplace pn par sa limite m = e-λt –,
on voit que le problème physico-mathématique de l’estimation de la valeur moyenne de N(t) est donc éclairci par ce décryptage
complet du modèle, obtenu grâce à une interprétation réellement pluridisciplinaire des problèmes posés par la loi de la radioactivité.
Cette valeur moyenne est l’espérance mathématique N m = N e-λt d’une variable aléatoire X, limite “en loi” de la variable Xn, qui suit la
loi binomiale (N,m). Sa variance est N m (1 - m).

On peut même aller plus loin et montrer, à l’aide d’un cours de Calcul des Probabilités pour l’enseignement supérieur, que pour N
assez grand le pourcentage de noyaux survivants à l’instant t > 0, toujours compris entre 0 et 1, définit une variable aléatoire
suivant approximativement une loi normale d’espérance m et de variance ⋅ Que cette dernière quantité décroisse
lorsque N augmente traduit simplement le fait que les fluctuations relatives des désintégrations sont d’autant mieux contrôlées que le
nombre initial de noyaux est grand. C’est le bon sens même, mais il est agréable d’en avoir confirmation par une étude scientifique
probante.

6.Loi binomiale ou loi de Poisson ?

La loi binomiale (N,p) est mal aimée des statisticiens, puisqu’elle dépend de deux paramètres. Dès que cela est possible, on la
remplace par une loi à un paramètre (E), dite de Poisson, où E = N p est l’espérance mathématique de la précédente. Cette loi
admet heureusement la même espérance mathématique, à savoir E. Sa variance est très simple, car égale à E ; certes ce n’est pas
exactement la variance de la loi binomiale qui vaut N p (1 - p), mais elle n’en diffère que de N p2, quantité souvent petite (par exemple
2n est à peu près égal à N e-2λt, ce qui est petit dès que t est grand).
N 1 -

De façon plus précise, on admet que le remplacement de la loi binomiale (N,p) par la loi de Poisson (Np) est licite pour N > 30, p <
0,1 et N p < 15. Parler de l’intervention d’une loi de Poisson dans l’interprétation précédente de la loi de raréfaction est donc possible,
mais n’est vraiment acceptable que pour des valeurs de λ et de t vérifiant une inégalité de la forme e-λt < ɛ où ɛ est généralement très
petit. Comme ce n’est pas le cas général, il vaut donc mieux en rester à la loi binomiale.

Annexe A : de l’expérience à la conjecture


Les dispositifs expérimentaux ne permettent pas en général d’obtenir directement N(t), mais seulement des nombres c[N (t + Δt) -N
(t)] où c est une constante souvent inconnue dépendant de l’appareil de mesure, Δt est petit et librement fixé par le physicien. La
formulation de la conjecture selon laquelle il existe une constante λ indépendante de Δt vérifiant l’égalité approchée N (t + Δt) - N (t)
= -λN (t)Δt ne peut donc être directement extraite de l’examen des faits expérimentaux.

Par contre, en faisant varier t et Δt, on peut constater que, pour des intervalles de temps variables h souvent nettement plus grands
que Δt il existe un nombre q (h), indépendant de c, de t et de Δt, vérifiant l’égalité approchée

(par exemple, Δt = 1 s pour des h de l’ordre de 10 s ou même bien davantage). En d’autres termes, on peut constater que les activités
mesurées à des dates en progression arithmétique sont en progression géométrique. Nous admettrons que cela reste vrai si h devient
petit, par exemple de l’ordre de Δt.

Pour passer à la conjecture sans connaître N (t) ni c, il suffit maintenant de faire un petit calcul. Posant ϕ (t) = N (t + h) - q (h)N (t),
l’égalité approchée s’écrit très simplement ϕ (t + Δt) = ϕ (t). La fonction périodique ϕ admet en + ∞ une limite nulle si l’on admet que
tout noyau va finir par se désintégrer (c’est-à-dire limt→+∞N (t) = 0). Elle est donc nulle, d’où

puis les égalités (toujours approchées)

cette dernière expression étant elle-même voisine, lorsque Δt est assez petit, de - λN (t) où λ = - ⋅ La conjecture est
maintenant bien mise en place.

NB. A posteriori, la connaissance de la loi de décroissance permet de retrouver que q (h) est constant, puisque = e-λh.
Une suite de mesures permet donc d’obtenir, à partir de q = q (h), une valeur approchée de λ par l’égalité λ = , puis (si l’on
connaît c) de N = N (0) par N = , ainsi qu’une valeur approchée de la durée de demi-vie, définie par N (t1⁄2 ) = N⁄2, donc par
l’égalité t1⁄2 = ⋅ Enfin, lorsque q est très proche de 1, ce qui se produit lorsque h est petit, on peut pratiquement remplacer - lnq
par 1 - q.

Par exemple, pour Δt = 1 s et h = 10 s, la suite de mesures d’activités

donne comme valeurs approchées q = 0,887, λ = 0,012 et t1⁄2 = 58 s, le nombre de noyaux à l’instant 0 étant d’environ ⋅À titre
de vérification, on peut en déduire les différentes valeurs de l’activité - Nʹ(t) = λN e-λt pour t = 10k, soit encore λN qk, ce qui donne la
suite (1229, 1090, 967,858,761,…), en accord satisfaisant avec la liste des mesures effectives donnée plus haut.

Annexe B : l’équation yʹ = y, y (0) = 1

Unicité de la solution Soit e une éventuelle solution, et ω définie par ω (x) = e(-x). Pour toute solution y, la fonction ω y est
constante et égale à 1 : par suite ω ne s’annule pas et y = = e.
Existence de la solution Pour tout n N* et tout couple (x,h) de réels vérifiant h ≥ -1 et x ≥-n, on dispose des relations ϕ(h) = 1 +
n+1 - (1 + h) n ≥ 0 [il est clair que ϕʹ(h) a le signe de h
1 + - et que ϕ admet sur [-1, +∞[ un minimum égal à ϕ
= 0].
n ≤ n+1 puis, pour n
On en déduit l’inégalité 1 + 1 + > |x|, les encadrements

n, fille de la méthode d’Euler, majorée et croissante (au moins à partir d’un certain rang), admet
Pour tout x R, la suite 1+
donc une limite notée e(x). Notons que e (0) = 1 et que (1 + h)e(x) ≤ e(x + h).
Soit |h| < 1. En changeant (x,h) en (x+h,-h), on a pour n > -x-h les inégalités

qui montrent que la fonction e résout le problème.

Remarques En résultent les relations e(x + y) = e(x)e(y), e(x)e(-x) = 1, e (x) > 0, e(x) ≥ 1 + x, e(x) → +∞ avec x, e(x) ≥ 1 + x +
pour x ≥ 0, → +∞ avec x, e(x) - 1 ~ x en 0, e(r) = er où e = e(1) et r Q etc. On peut aussi montrer que e(x) est également la
-n etc. Bien entendu, la fonction e ainsi définie n’est autre que la fonction exponentielle. Il
limite de la suite décroissante 1 -
est facile ensuite d’en déduire une construction de la fonction logarithme, et de retrouver le contenu d’un cours classique
d’analyse.

NB. L’inégalité de départ s’écrit aussi (1 + t)n+1 ≥ 1 + (n + 1)t pour


Annexe C : une loi binomiale fort bienvenue

Pour montrer que la variable aléatoire Xn définie au 4) suit la loi binomiale (N,pn), il suffit d’identifier de façon précise chaque dé
(chaque urne, chaque noyau...). S’intéressant alors au sort de l’un d’entre eux, on voit immédiatement que la probabilité pour qu’il soit
encore présent au n-ième top vaut pn . Cela fait pour tous les dés, il ne reste plus qu’à dénombrer toutes les possibilités pour que k
exactement parmi les N du départ aient survécu, soit (N k) , pour tomber pile sur la loi binomiale de paramètres N et pn. Voici une
autre démonstration calculatoire (plus lourde) par récurrence sur n. Tout est clair pour n = 0 puisqu’alors X0 prend la valeur N avec la
probabilité 1 et les autres avec la valeur 0. Supposons donc le résultat acquis pour n - 1 ≥ 0, notons q = 1 - p et fixons un entier k entre
0 et N. Il vient la suite d’égalités

puisque ( N h ) (h k) = (N k) (N-k h-k) et pn-1q = pn-1 - pn. On pourra remarquer que même la démonstration par récurrence est facile à
suivre, la vraie difficulté résidant en la découverte de la forme de la proposition à vérifier ! Heureusement, le raisonnement heuristique
du 4) aide beaucoup l’intuition dans cette tâche. Pour sa part, la preuve directe – due à notre ami Jean Moussa – est presque évidente,
mais demande d’avoir correctement deviné la grande simplicité qui se cachait derrière l’apparente complexité du mécanisme étudié.

NB. Le contenu des deux annexes B et C est essentiellement repris du cours de Terminale S (Vuibert, 2002) rédigé par André Warusfel, Paul
Attali, Michel Collet, Christian Gautier et Serge Nicolas, volumes 2 et 4.

Annexe D : le programme Mathematica

Voici les commandes de Mathematica qui ont engendré la figure de l’article :

< <Statistics‘DiscreteDistributions‘
f[t_,k_] := PDF[BinomialDistribution[30, (1 - t/180)ˆ30],k]
a = SurfaceGraphics[Table[f[t, k], {t, 1, 20}, {k, 0, 30}]
Show[a, Boxed -> False, Axes -> True, PlotRange -> {0, 0.8},
AspectRatio -> 1.3, AxesLabel -> {k, t, Proba}]

Sans charger de package spécialisé, on aurait également pu définir f[t,k] de manière directe, par la suite récursive des instructions :

p[t_] :=(1-t/180)ˆ30
f[t_,0] :=(1-p[t])ˆ30
f[t_,k_] :=f[t,k-1]*(-1+31/k)/(-1+1/p[t])

Les lecteurs désireux de travailler sous Maple pourront enrichir de leurs propres options le noyau suivant :

f :=(k,t)->stats[statevalf,pf,binomiald[30,
evalf((1-t/180)ˆ30)]](k-1) :
plots[matrixplot](linalg[matrix](31,20,f),orientation=[-60,20]) ;

Des figures analogues, un peu moins élégantes, peuvent être obtenues grâce aux logiciels Derive 5, Excel ou MathCad.

Annexe E : une autre approche

Rappelons ici brièvement l’approche privilégiée présentée dans les documents d’accompagnement communs aux programmes
scientifiques de Teminale S. Il s’agit ici d’une démarche que l’on pourrait qualifier d’axiomatique, car elle repose sur une unique
proposition (résultant évidemment de nombreuses expériences du type de celles qui sont décrites plus haut).

Postulat On admet que, pour toute substance radioactive donnée, il existe une fonction π : R + ]0, 1] telle que la probabilité qu’un
atome a de cette substance ne soit pas désintégré à l’instant t0 + t, sachant qu’il ne l’était pas à l’instant t, est égale à π(t) et ne dépend donc
pas du réel positif t0 .

Cette proposition traduit simplement que les atomes sont deux à deux indiscernables quant au mode de leur désintégration aléatoire,
qu’ils n’ont pas de “mémoire” et qu’ils n’interagissent pas les uns sur les autres lorsqu’ils sont en groupe.

Elle implique évidemment la relation générale π(t + tʹ) = π(t)π(tʹ) pour tout couple (t,tʹ) de réels positifs. Un raisonnement classique
implique l’égalité π(kt) = π(t) k, d’abord pour tout entier naturel k, puis pour tout rationnel positif ou nul. En particulier, notant ω =
π(1) ]0,1], il vient π(r) = ωr pour tout rationnel positif r.
La relation fonctionnelle ci-dessus implique la monotonie de la fonction π (dont les valeurs sont inférieures à 1), ce qui, joint à la
densité des rationnels parmi les réels, montre alors que cette relation reste vraie pour tout r réel positif.

Si l’on observe simultanément une famille (a1,a2,…,aN) de N atomes de la même substance non encore désintégrés à l’instant t0 = 0, le
nombre de noyaux non encore désintégrés à l’instant t ≥ 0 parmi les N définit une variable aléatoire V = V 1 + V 2 + … + V N où V i est la
variable aléatoire de Bernoulli prenant la valeur 1 si ai est encore en vie et 0 sinon.

L’espérance mathématique de V i est égale à π(t) d’après la définition de cette fonction. Il en résulte que celle de V vaut Nπ(t) = Nωt ; de
plus les variables V i sont indépendantes par le postulat et leur somme V suit bien la loi binomiale N,ωt . Il ne reste plus qu’à poser ω
= e-λ pour retrouver les notations précédentes.

A priori λ est positif ou nul puisque 0 < ω ≤ 1. Mais le cas λ = 0, équivalent à π = 1, est évidemment à exclure si les noyaux ont une
probabilité non nulle d’être désintégrés.

Postface Cet article a été rendu possible grâce aux idées percutantes de Jean-Marie Parisi, professeur au lycée Loritz de Nancy, et à la
fructueuse collaboration “matheux”-“physicien” que nous avons connue à l’occasion de l’élaboration d’un cours satisfaisant les deux types
d’exigences, ainsi bien entendu qu’aux excellentes habitudes de confrontation scientifique prises pendant quinze années de travail amical
commun avec l’inspecteur général Jean-Pierre Sarmant.

On lira avec intérêt plusieurs notes de H. Gié et H. Le Bail d’une part, A. Briguet et M. Dellagi d’autre part, dans les numéros 627
(octobre 1980) et 605 (mai 1978) du Bulletin de l’Union des Physiciens, débusquées après l’écriture de cet article, qui contiennent des
points de vue intéressants souvent proches de son contenu. Signalons encore un texte plus ancien, Binomial aspects of radioactivity, de
Lawrence Ruby (American Journal of Physics, Vol. 45, No. 4, avril 1977, pages 380-1, qui utilise des mathématiques plus techniques sans
véritable nécessité, et faisant même allusion à la tranformation de Laplace. Enfin le livre fondamental est bien entendu Radiations from
radioactive substances de Rutherford, Chadwick et Ellis (Cambridge University Press, 1920, en particulier page 172). Ω
[Table des matières]
[Table des matières]

Note de cours : invariance par extension du corps


de base
par Yves Duval
Professeur au lycée Louis-le-Grand

Ré SUM é. On montre que certaines propriétés comme le rang, la dimension de l’espace des solutions d’un système linéaire, le polynôme minimal d’une matrice,
sont invariantes par extension du corps de base. On en déduit quelques résultats sur la dimension du commutant d’une matrice et la similitude de deux
matrices

MOTS-CL é S : algèbre linéaire, rang, extensions de corps, systèmes linéaires, matrices semblables, commutant

1.Présentation

Certains objets définis à partir d’un corps K conservent une signification si l’on remplace le corps de base K par une extension L : c’est
par exemple le cas des polynômes à coefficients dans K, puisque K [X] est un sous-anneau de L[X], ou encore des matrices à
coefficients dans K.

Certaines propriétés sont alors invariantes par extension du corps de base ; par exemple, si P et Q sont dans K [X], leur PGCD est le
même que l’on se place dans K[X] ou dans L[X], puisque celui-ci se calcule au moyen de l’algorithme d’Euclide, lequel n’est pas modifié
lorque l’on passe de Kà L.

Au contraire, certaines propriétés dépendent du corps de base : si P K[X], il arrive fréquemment - et même, pourrait-on dire, de
manière essentielle- que P possède une racine dans L alors qu’il n’en possède pas dans K ; c’est là le principe même de la théorie des
extensions de corps.

On se propose dans cette note d’étudier quelques propriétés invariantes par extension du corps de base.

Dans le suite de ce texte, K est un corps et L est une extension de K ; en d’autres termes, L est un corps et K est un sous-corps de L.

2.Invariance du rang

Commençons par quelques remarques relatives à l’invariance du rang par extension du corps de base.

Proposition 1 Soit n et p dans N* et A Mn,p(K). Le rang de A est le même que l’on se place dans Mn,p (K) ou dans Mn,p(L).

Preuve Posons r = rg K(A). Soit P (resp. Q) dans GLn(K) (resp. GLp(K)) tels que A = P Q-1. Comme GLn(K) ⊂ GLn(L), on a rg L(A) =
r.

Donnons la version vectorielle de cette proposition.

Proposition 2 Soit X1,…,Xp Kn. Le rang de la famille de vecteurs (X1,…,Xp) est le même dans le K -espace vectoriel Kn ou dans le L-espace
vectoriel Ln.

Preuve On considère la matrice A = [X1,…,Xp] dont les vecteurs colonnes sont les Xi et on applique la proposition 1.

3.Systèmes linéaires

Etudions maintenant l’effet de l’extension du corps de base sur un système linéaire.

Proposition 3 Soit A Mn,p(K) et B Mn,1(K). On considère le système linéaire (Σ) AX = B. On note SK (resp. SL) l’ensemble de ses
solutions dans Kp (resp. Lp).

(i) L’ensemble SK est non vide si et seulement si SL est non vide.

(ii) Si SK est non vide, la dimension du K-espace affine SK est égale à la dimension du L-espace affine SL.

(iii) On suppose que le système est homogène (soit B = 0). Alors toute K-base de SK est une L-base de SL .

Preuve (i) Notons [A,B] la matrice de Mn,p+1(K) obtenue en adjoignant à A une (p + 1)-ième colonne égale à B. On a

(ii) Si SK ≠ ∅, on a dimKSK = p - rg K(A) = p - rg L(A) = dimLSL


(iii) Supposons B = 0 et soit d = dimKSK = dimLSL. Soit (X1,…,Xd) une K-base de SK. D’après la proposition 2, (X1,…,Xd) une famille libre
du L-espace vectoriel Lp, c’est donc une L-base de SL .

4.Polynôme minimal

Etablissons maintenant l’invariance du polynôme minimal par extension du corps de base.

Proposition 4 Soit A Mn(K). Le polynôme minimal unitaire de A est le même que l’on se place dans la K-algèbre Mn(K) ou dans la L-
algèbre Mn(L).

Preuve Notons μK (resp. μL) le polynôme minimal unitaire de A lorsque le corps de base est K (resp.L). On a deg μK = rg K({Ak | 0 ≤ k ≤
n- 1}). Identifions Mn(K) à Kn . La proposition 2 montre alors que rg K({Ak | 0 ≤ k ≤ n - 1}) = rg L({Ak | 0 ≤ k ≤ n - 1}) et donc degμK = deg
2

μL. Cependant, μL divise μK ; comme μK et μL sont unitaires, on a bien μK = μL .

5.Commutant

Lemme 1 Soient C,D Mn(K). Notons ΓK(C,D) = {M Mn(K) | CM = MD} et définissons de façon analogue ΓL(C,D). Si est une K-base de
ΓK(C,D), c’est aussi une L-base de ΓL (C, D) et en particulier dimKΓK(C,D) = dimLΓL(C,D).

2 2
Preuve Identifions Mn(K) à Kn . L’espace ΓK(C,D) s’identifie à l’ensemble des solutions dans Kn d’un système linéaire (Σ) AX = 0 où A
2
Mn2(K). L’espace ΓL(C,D) s’identifiant à l’ensemble des solutions de (Σ) dans Ln , il suffit d’appliquer le résultat (iii) de la proposition 3.

Notation : Pour A Mn(K), on note CK(A) le commutant de A, soit

En faisant C = D dans le lemme on obtient la proposition suivante :

Proposition 5 Soit A Mn(K). La dimension de CK(A) est invariante par extension du corps de base, autrement dit dimKCK(A) =
dimLCL(A).

Voici une application de la proposition 5 :

Proposition 6 Soit K un sous-corps de C et A Mn(K). On a dimKCK(A) ≥ n.

Preuve La proposition 5 nous permet de supposer que K = C. Trigonalisons alors A : A = PTP-1 , P GLn(C) et T Tn(C), espace des
matrices triangulaires supérieures de Mn (C ). On a facilement CC(A) = PCC(T)P-1, d’où dimCCC(A) = dimCCC(T).

Etudions alors tout particulièrement CC(T) ∩ Tn(C). Le système linéaire (Σ) TM = MT où l’inconnue M est dans Tn(C) possède n2
équations (chacune correspondant à un coefficient d’une matrice de Mn (C ) et inconnues (correspondant aux coefficients
de M qui sont au-dessus de la diagonale).

Les équations correspondant aux coefficients situés strictement en dessous de la diagonale sont triviales puisque le produit de deux
matrices triangulaires supérieures est triangulaire supérieur.

Les équations correspondant aux coefficients diagonaux sont elles aussi triviales, puisque, si M et T sont deux matrices triangulaires
supérieures, on a pour i = 1,…,n, (MT)ii = Mii Tii = TiiMii = (TM)ii. Finalement, (Σ) est équivalent à un système de équations et
inconnues.

L’espace des solutions, CC(T) ∩ Tn(C), vérifie donc

et donc dim C CC(T) ≥ n, soit encore dimCCC(A) ≥ n

Remarque 1 : la proposition 6 reste vraie sur un corps quelconque. Pour le prouver, on a seulement besoin de savoir qu’il existe une
extension L de K dans laquelle le polynôme caractéristique de A est scindé. La matrice A est alors trigonalisable dans Mn(L) et la preuve
donnée pour la proposition 6 fonctionne.

6.Similitude des matrices

Nous prouvons pour terminer l’invariance de la relation être semblable par extension du corps de base, avec toutefois une restriction
importante puisque les corps considérés devront être infinis.

Proposition 7 Soit K un corps infini et L une extension de K. Soit C,D Mn(K) semblables dans Mn(L), c’est-à-dire qu’il existe P GLn(L)
telle que C = PDP-1. Alors C et D sont semblables dans Mn(K) : il existe Q GLn(K) telle que C = QDQ-1.

Preuve On reprend les notations du lemme. On récrit la relation C = PDP-1 sous la forme linéaire CP = PD. Soit (Q1,…,Qd) une K-base
de ΓK(C,D). Comme (Q1,…,Qd) est une L-base de ΓL (C, D) (cf. lemme 1), soit (t1,…,td) Ld tel que P = t1Q1 + + tdQd.

Définissons le polynôme

Comme Π(t1 , … , td) = det(P)≠0, on a Π≠0. Le corps K étant infini, il est alors classique qu’existent τ1 , … , τd K tels que Π(τ1,…,τd)≠0.
Posons Q = τ1Q1 + + τdQd. On a det Q = Π(τ1,…,τd)≠0 et donc Q GLn(K). Cependant CQ = QD, et donc C = QDQ-1 .

Remarque 2 : ce dernier résultat reste vrai si le corps est fini. Cependant, je ne sais pas le prouver sans recourir à la théorie dite,
justement, des invariants de similitude. Ω
[Table des matières]
[Table des matières]

Le théorème de Bézout
et le résultant de deux polynômes

par Michel Waldschmidt


Président de la Société Mathématique de France
Université Pierre et Marice Curie (Paris VI)
miw@math.jussieu.fr

Ré SUM é. Étude des intersections de courbes algébriques planes dans un plan projectif.

MOTS-CL é S : Courbes algébriques planes, théorème de Bézout, résultant, multiplicité d’un point sur une courbe projective plane.

1.Introduction

Soient K un corps algébriquement clos, F1 et F2 deux polynômes homogènes de K[T,X,Y ] de degrés d1 , d2 respectivement, sans facteur
irréductible commun dans cet anneau factoriel. Nous allons voir que les deux courbes projectives planes C1 = Z(F1) et C2 = Z(F2) n’ont
qu’un nombre fini de points communs, disons P1,…,Pk, et que k ≤ d1d2. Nous définirons ensuite la multiplicité d’intersection
m(Pi;C1,C2) de C1 et C2 au point Pi (1 ≤ i ≤ k), et nous montrerons

Enfin nous définirons la multiplicité m(P,C) d’un point P sur une courbe plane C, et nous montrerons

Le cas le plus simple est l’intersection d’une courbe affine plane C1 ⊂ A2(K) d’équation F(X, Y ) = 0, où F K[X,Y ] a un degré total d1,
avec une courbe affine plane C2 dont l’équation a la forme Y = Q(X), où Q K[X] est de degré d2. On trouve les coordonnées des points
d’intersection en substituant Q(X) à Y dans l’équation de C1 et en résolvant F X,Q(X) = 0. Ce cas très simple permet déjà de traiter
l’intersection d’une courbe plane quelconque avec une droite ou avec une conique (on peut écrire une conique comme réunion d’au
plus deux arcs d’équation Y = Q(X) avec Q de degré 2). Cet exemple montre la nécessité de se placer dans l’espace projectif, et sur un
corps algébriquement clos, pour espérer obtenir une égalité dans le théorème de Bézout. Le rôle du résultant est d’éliminer la variable Y
, même quand l’équation de C2 n’est pas de la forme Y = Q(X).

2.Première forme du théorème de Bézout : k ≤ d1 d2

Nous allons montrer que deux courbes projectives planes C1, C2, de degrés d1, d2, sans composantes communes, n’ont qu’un nombre
fini de points d’intersection, et que ce nombre est majoré par le produit d1d2. La démonstration utilisera le résultant de deux
polynômes.

2.1.Résultant de deux polynômes en une variable

Soit A un anneau commutatif unitaire. On désigne par S l’anneau A[X] des polynômes en une variable à coefficients dans A, et, pour d
entier ≥ 0, on note Sd le A-module des polynômes de degré ≤ d. Ainsi Sd est libre sur A, de rang d + 1, une base étant donnée par Xi, (0 ≤
i ≤ d).

Soient P et Q deux polynômes de S de degrés p et q avec, par exemple, p ≤ q :

Le morphisme de A-modules

a pour matrice, dans les bases citées,


Les q premières colonnes sont les composantes, dans la base (1,X,…,Xp+q-1), de P,XP,…,Xq-1P , tandis que les p dernières sont les
composantes, dans la même base, de Q,XQ,…,Xp-1Q. La diagonale principale est (a0,…,a0,bq,…,bq).

Définition 1 Le déterminant de cette matrice est appelé le résultant de P et Q. On le note Res(P, Q). Le résultant universel est le résultant
des deux polynômes

dans l’anneau Apq = Z[U0,U1,…,Up,V 0,V 1,…,V q] des polynômes à coefficients dans Z en p + q + 2 indéterminées. On obtient le résultant
de P et Q par spécialisation, c’est-à-dire comme image par l’homomorphisme de Apq dans A qui envoie Ui sur ai et V j sur bj.

L’écriture du résultant sous forme de déterminant donne facilement

Propriété 1 Le résultant universel est un polynôme en U0,U1,…,Up,V 0,V 1,…,V q homogène de degré q en U0,U1,…,Up, et homogène de
degré p en V 0,V 1,…,V q.

On obtient aussi facilement

Propriété 2 Il existe deux polynômes U et V dans S, de degré < p et < q respectivement, tels que le résultant R = Res(P,Q) de P et Q
s’écrive R = UP + V Q.

On en déduit que si P et Q ont un zéro commun (dans A, ou dans un corps contenant A), alors Res(P, Q) = 0. Nous allons voir la
réciproque. Nous aurons besoin du résultat suivant

Propriété 3 Soient A0 un anneau, A = A0[Y 1,…,Y n] l’anneau des polynômes en n indéterminées à coefficients dans A0, et P , Q des
polynômes de A0[Y 0,…,Y n ], homogènes de degrés p et q respectivement. On considère P et Q comme des éléments de A[Y 0], et l’on note R
= ResY 0(P,Q) A leur résultant (par rapport à la variable Y 0). Alors R est homogène de degré pq en Y 1,…,Y n.

Démonstration. Écrivons

avec ai et bj homogènes de degré p-i et q -j respectivement dans A. Soit R(Y 1,…,Y n) A le résultant. On a

On multiplie la première colonne par Tq, la deuxième par Tq-1, . . . , puis la colonne commençant par Tq b0 par Tp , la suivante par Tp-1, . .
. On a ainsi multiplié le déterminant par Tr avec

Dans la i-ème ligne, (1 ≤ i ≤ p + q), on peut mettre en facteur Tp+q+1-i, et l’on trouve

avec s = ∑ i, donc

ce qui donne le résultat voulu.

Voici l’une des propriétés fondamentales du résultant.

Proposition 1 Si

alors
Démonstration. Par spécialisation on peut supposer que A est l’anneau des polynômes à coefficients dans Z en les variables ap,bq,α1,
…,αp,β1,…,βq. Dans cet anneau factoriel, βj -αi est un élément irréductible, qui divise R = Res(P,Q) (car si l’on spécialise en βj = αi, alors
le résultant est nul). On remarque alors que

est homogène de degré q en les coefficients de P , et de degré p en les coefficients de Q. Il en résulte que cet élément est de la forme
cR, avec c Z. Le coefficient du monôme a b (α1…αp)q étant (-1)pq comme dans le résultant, on obtient l’égalité annoncée.

Corollaire 1 Soit K un corps contenant A dans lequel P et Q se décomposent en facteurs de degrés 1. Alors le résultant Res(P,Q) est nul si
et seulement si P et Q ont un zéro commun dans K. En particulier, si l’anneau A est factoriel, alors Res(P,Q) = 0 si et seulement si P et Q
ont un facteur irréductible commun.

2.2.Application aux courbes

Voici une première forme (faible) du théorème de Bézout. On travaille sur un corps K quelconque.

Théorème 1 Soient F et G deux formes (polynômes homogènes) de K[T,X,Y ], de degrés d1 et d2 respectivement, sans facteur irréductible
commun. Alors l’ensemble des (t : x : y) P2(K) tels que F(t,x,y) = G(t,x,y) = 0 est fini, avec au plus d1d2 éléments.

Démonstration. Le principe de la démonstration est le suivant : on prend k points (distincts) communs aux deux courbes Z(F) et Z(G),
disons Pi = (ti : xi : yi), (1 ≤ i ≤ k). On choisit des coordonnées homogènes de telle sorte que (0 : 0 : 1) ne soit pas l’un des Pi , ce
qui permet de définir la projection π(Pi) = (ti : xi) P1 des Pi, et l’on demande en plus que ces projections soient deux à deux
distinctes. On prend ensuite le résultant de F et G par rapport à Y ; c’est un polynôme non nul, homogène en T, X de degré d1d2, qui
s’annule en chaque π(Pi). D’où la majoration annoncée k ≤ d1 d2 .

Précisons comment se fait le choix des coordonnées homogènes. On considère les droites joignant les points Pi . Comme on peut
agrandir le corps K sans affaiblir l’énoncé, on peut choisir un point P0 en dehors de la réunion de ces droites. On prend un repère
projectif tel que ce point ait pour coordonnées projectives (0 : 0 : 1). Le fait que P0,Pi,Pj ne soient pas alignés pour i≠ j signifie
précisément que les deux points (ti : xi) et (tj : xj) de P1 sont distincts.

Exercices.

Soient C1 , …,Cs des courbes affines planes de degré d, sur un corps K algébriquement clos. On suppose que le sous-ensemble C1
∩ ∩ Cs de A2(K) est fini. Montrer que cet ensemble a au plus d2 éléments.
Soient F1 , …,Fs des polynômes de K[X,Y ], dont le degré en X est ≤ L, et le degré en Y est ≤ M. On note Ci la courbe affine Z(Fi), (i
= 1,…,s), et l’on suppose que C1 ∩ ∩Cs est fini. Soient (x1,y1),…,(xk,yk) des points distincts de C1∩ ∩Cs, avec x1 , … , xk deux à
deux distincts. Montrer que l’on a k ≤ 2LM.

3.Multiplicité d’intersection de deux courbes planes

Le théorème précédent donne seulement une inégalité : k ≤ d1d2. La raison est claire : on a utilisé le fait qu’un polynôme en une
variable de degré d a au plus d racines dans un corps K. Pour obtenir une égalité, il faut d’une part supposer le corps algébriquement
clos, et d’autre part compter les racines avec multiplicités. Cela va nous fournir l’une des définitions possibles de la multiplicité
d’intersection de deux courbes en un point.

3.1.Définition de m(P; C1 , C2 )

Soient C1 et C2 deux courbes sans composante commune sur un corps algébriquement clos, et P un point d’intersection de C1 et C2.
On définit un entier m(P;C1,C2), qui est la multiplicité d’intersection de C1 et C2 au point P . Comme la définition est locale, on
travaille dans le plan affine. On choisit des coordonnées (c’est là toute la difficulté : vérifier que la définition ne dépend pas de ce
choix), de telle sorte que P = (0,0) ; on écrit les équations des deux courbes F(X, Y ) = 0 et G(X,Y ) = 0, on désigne par R(X) le résultant
par rapport à Y de F et G, et l’on considère l’ordre du zéro de R au point 0. Appelons-le m. Il est facile de voir que, dès que
l’intersection comporte plus d’un point, m dépend du choix des coordonnées affines. Par définition, m(P; C1 , C2 ) sera le minimum
de ces valeurs de m pour tous les choix de coordonnées affines avec P = (0, 0).

Montrons déjà que l’entier m est invariant quand on effectue un changement de coordonnées de la forme
avec λ K. Pour cela considérons le polynôme

Montrons qu’il ne dépend pas de λ11. Cela résulte aussi de la proposition de la section 2 . Pour cela écrivons-le

avec ci K[ X], et cN≠0. Par hypothèse les deux polynômes F et G sont sans facteur irréductible commun, donc

n’est pas nul. Soit α K tel que c0(α)cN(α)≠0. Si l’on avait N > 0, on pourrait trouver une racine λ0 au polynôme R(λ,α) (le corps K est
algébriquement clos). Alors les deux polynômes F(α, λ0 α + Y ) et G(α,λ0α + Y ) ont un résultant nul, donc une racine commune,
disons Y = β, ce qui entraîne que F(α,Y ) et G(α,Y ) ont aussi une racine commune, à savoir λ0α + β. Cela contredit le choix de α avec
R(0,α) = c0(α)≠0.

Il reste à voir l’effet d’un changement de variables de la forme

On définit maintenant

C’est encore un polynôme en μ et X ; écrivons-le sous la forme

avec m ≤ N et Am≠0. Alors pour tous les μ pour lesquels Am(μ)≠0, l’ordre de R(μ,X) au point X = 0 est égal à m, et pour les autres μ
l’ordre en question est plus grand. Donc cet entier m n’est autre que m(P; C1,C2).

3.2.Le théorème de Bézout (forme définitive)

Théorème 2 Soient C1 et C2 deux courbes projectives planes, sur un corps algébriquement clos, de degrés d1 et d2 respectivement, sans
composantes communes Soient P1,…,Pk leurs points d’intersection. Alors

Démonstration. On reprend la démonstration du théorème 1. On sait que les points d’intersection sont en nombre fini (par le
théorème 1). On choisit un système de coordonnées projectives du plan dans lequel ces points ont des coordonnées (ti : xi : yi)
avec ti≠0, et ont des projections π(Pi) = (ti : xi) P1, (1 ≤ i ≤ k), deux-à-deux distinctes. Ces points Pi sont donc dans le
complémentaire de l’hyperplan ti = 0 que l’on munit de sa structure de plan affine A2(K). Soient F(X,Y ) = 0 et G(X,Y ) = 0 les équations
correspondantes des courbes affines C1∩ A2(K) et C2∩ A2(K). Notons mi la multiplicité du point xi ⁄ti comme zéro du résultant R(X)
=ResY (F,G). Ce résultant R est un polynôme en X de degré d1 d2 , et ses racines sont x1⁄t1,…,xk⁄tk, avec les multiplicités m1,…,mk. Donc

Rappelons que mi dépend du choix des coordonnées, que mi ≥ m(Pi;C1,C2), et que l’égalité a lieu pour presque tout choix des
coordonnées ; plus précisément, pour tout choix “générique” de coordonnées, (c’est-à-dire sur un ouvert de Zariski), on a mi =
m(Pi;C1,C2), ce qui donne le résultat annoncé. On obtient de plus mi = m(Pi;C1,C2) pour tout choix de coordonnées dans lesquels les xi
⁄ti sont deux à deux distincts.

4.Multiplicité d’un point sur une hypersurface

Soit C une hypersurface projective dans Pn(K), et P un point de C. On va définir la multiplicité m(P, C) de P sur C. On choisit un
hyperplan projectif ne contenant pas P , puis un repère affine du complémentaire An(K) de cet hyperplan dans lequel P a pour
coordonnées (0,…,0). On écrit l’équation de C ∩ An(K) sous la forme F(X1,…,Xn) = 0, avec F K[X1,…,Xn]. On écrit alors F comme
somme de polynômes homogènes

avec m ≤ d, Fi de degré i (m ≤ i ≤ d) et Fm≠0. Comme F(0) = 0, on a m ≥ 1. Cet entier m ne dépend pas du choix des coordonnées
choisies ; on le note m(P,C). Le point P est dit simple (ou régulier) sur C si m = 1 ; dans ce cas F1(X1,…,Xn) = 0 est l’équation d’un
hyperplan affine, appelé hyperplan tangent à C au point P .

Proposition 2 Soient C1 et C2 deux courbes projectives planes sans composante commune, et soit P C1 ∩ C2. Alors

Démonstration. Il s’agit de vérifier que si F et G sont deux éléments de K[X,Y ], s’écrivant sous la forme
avec Fi et Gj homogènes de degrés i et j respectivement, et r ≤ d1, s ≤ d2, alors leur résultant R(X) =ResY (F, G) a un zéro à l’origine
d’ordre au moins rs. On reprend un argument déjà utilisé dans la section 2 : on écrit

et le résultant s’écrit

On multiplie la première colonne par Xs, la deuxième par Xs-1, . . . , puis la colonne commençant par g0 Xs par Xr , la suivante par Xr-1, . .
. On a ainsi multiplié le résultant par une puissance de X, avec l’exposant

Dans la i-ième ligne, (1 ≤ i ≤ r + s), on peut mettre en facteur Xr+s+1-i, donc la multiplicité du zéro à l’origine de R est au moins

Remerciements : Je remercie vivement Marc Chardin pour ses précieux conseils lors de la rédaction de ce texte, et André Warusfel et Yves
Duval pour leur travail lors de la publication.

5.Références

S. Lang. Algebra ; third ed., Addison Wesley, 1993.

Voir Chap. IV, §8, p. 200-204 pour la définition et les propriétés de base du résultant ; voir aussi Chap. IX, §3 et §4.

P. Samuel. Géométrie projective ; PUF, 1986.

Voir Chap. I, §C, p. 26-29 pour la notion de multiplicité d’un point sur une hypersurface.

R.J. Walker. Algebraic curves ; Springer Verlag, 1978.

Voir Chap. I, §9 et §10 pour le résultant, Chap. III, §2 pour la multiplicité d’un point sur une courbe, et Chap. III, §3 pour une
forme du théorème de Bézout (tenant compte du produit des multiplicités des points sur chaque courbe). Voir aussi Chap. IV,
§5 pour des compléments.

G and M Orzech. Plane algebraic curves ; Marcel Dekker, 1981.

Voir Chap. 18, p. 174-178, où la multiplicité d’intersection est définie en termes des anneaux locaux des courbes au point
considéré.

R. Hartshorne. Algebraic geometry ; Springer Verlag, Graduate Texts 52 1977.

Pour tout savoir sur le sujet !

Ω
[Table des matières]
[Table des matières]

Approximation par des polynômes à coefficients


dans Z
par Hervé Pépin et Nicolas Tosel
Ré SUM é. Le but essentiel de cet article est de décrire les fonctions qui sont limites uniformes sur un segment de Rde polynômes à coefficients entiers ; on démontre
au passage une généralisation du théorème de Stone-Weierstrass aux anneaux séparants de fonctions continues.

MOTS-CL é S : approximation par des polynômes à coefficients dans Z, théorème de Stone-Weierstrass

1.Introduction et notations

Dans tout ce texte K est un espace topologique compact et C(K) est l’algèbre des fonctions continues de K dans R ; la norme uniforme
sur K est notée ||||K. Par ailleurs, a et b sont deux réels tels que a < b et S désigne le segment [a,b]. On identifie un élément de R [X] et
la fonction qu’il induit sur S. Pour p dans R[X], on note ZS(p) l’ensemble des racines de p appartenant à S et le polynôme de Z[X]
dont les coefficients sont les parties entières de ceux de p. Soit B(S) l’ensemble (éventuellement vide) des p de Z[X] \ {0} tels que ||p||S <
1, et J(S) l’intersection des ZS(p) pour p parcourant B(S). Pour n N * , on désigne par n l’espace affine des polynômes unitaires de
degré n de R[X].

Le théorème de Weierstrass dit que R[X] est dense dans (C(S),||||S) ; il en va donc de même de A[X] pour tout sous-anneau A dense dans
R. Il est moins facile de décrire l’adhérence Z[X]S de Z[X] dans (C(S),||||S). Une première contrainte à laquelle doivent satisfaire les
éléments de Z[X]Sest de prendre aux éventuels points entiers de S des valeurs entières ; ce n’est en général pas la seule. Le but de ce
texte est de présenter quelques résultats relatifs à ce problème obtenus dans les années cinquante par Fekete d’une part, Hewitt et
Zuckermann de l’autre. Les sources utilisées sont les articles [1] et [3], la monographie [2], entièrement consacrée à ce sujet et dans
laquelle on pourra trouver de nombreux résultats complémentaires, ainsi que le livre [5] qui pour l’essentiel reprend [3] ; les méthodes
employées, un peu plus abstraites que celles des références susmentionnées, permettent de simplifier certaines démonstrations. Le
prérequis est réduit aux résultats de base concernant les fonctions continues sur un compact : théorème de Stone-Weierstrass,
structure des idéaux fermés de l’algèbre C(K) ([4]).

Le paragraphe 2 prouve un premier résultat très simple, qui règle le cas où S = [-α,α] avec 0 < α < 1. Dans le paragraphe 3 on établit un
théorème général du type Stone-Weierstrass décrivant l’adhérence d’un anneau séparant de fonctions continues sur un compact. Cet
énoncé met en évidence une certaine dichotomie : si B(S) est vide, Z[X] est discret dans (C(S),||||S) alors que dans le cas contraire Z[X]S
est défini par des conditions d’interpolation aux points de l’ensemble fini J(S). Le paragraphe 4 traduit alors la condition B(S) = ∅à
l’aide de la longueur de S tandis que le paragraphe 5 conclut par une description algébrique de J(S). Pour la commodité du lecteur un
appendice rappelle enfin la preuve du théorème de structure des idéaux fermés de C(K).

2.Un cas particulier

On va ici démontrer le :

Lemme 1 Supposons que S = [-α,α] avec 0 < α < 1. Une fonction f de C(S) est dans Z[X]Ssi et seulement si f(0) est entier.

Preuve. Il est clair, si f Z[X]S, que f(0) Z. Soit inversement f dans C(S) telle que f(0) Z . Pour prouver que f Z[X]S on peut, quitte à
remplacer f par f - f(0), supposer f(0) = 0. Si k est un entier impair ≥ 3, on voit alors aisément que f est adhérente dans (C(S), || ||S ) à
XkR[Xk] (il suffit d’approcher uniformément x f(x1⁄k) sur [-α1⁄k , α1⁄k ] par des polynômes nuls en 0). Par ailleurs, si p est dans XkR[Xk],
on vérifie l’inégalité :

Vu que |α| < 1, on a donc :

quand k → +∞, ce qui permet facilement de conclure.

Voici, sous forme d’une série d’exercices, quelques variantes appartenant au folklore.

Exercice 1 A l’aide du lemme 1 décrire les segments S tels que Z[X]S = C(S).

Exercice 2 On suppose 0 < a < b < 1 et on pose S = [a,b].

a) Montrer, si x S et k N* :
b) En déduire que la fonction constante égale à 1/2 est dans Z[X]S, puis que Z[X]S = C(S).

Exercice 3 On suppose 0 < a < b < 1. Retrouver le b) de l’exercice 2 en considérant les itérées de f : x 2x(1 - x).

Exercice 4 Soit f dans C([0,1]). La suite des polynômes de Bernstein de f est définie par :

On rappelle que (bn(f)) converge uniformément vers f sur [0,1].

a) On suppose que (f(0),f(1)) Z2. Si n N*, soit :

Montrer que : ||bn(f) - b (f)||[0,1] ≤ 1⁄n, et en déduire que f appartient à Z[X][0,1].

b) Décrire Z [X] [0,1].

Exercice 5 Pour n dans N*, soit :

a) Etablir : ∀n N*, an Z[X].

b) Soit r dans N * . En considérant X(X2 - 1)anr, montrer que :

c) Montrer que Z [X][-1,1] contient tous les p de R[X] tels que :


p(0) = p(1) = p(-1) = 0.

d) Décrire Z [X] [-1,1].

e) Retrouver à l’aide de d) les résultats du lemme 1 et de l’exercice 4.

3.Adhérence d’un anneau séparant de fonctions continues

Commençons par quelques rappels. Un sous-ensemble non vide de C(K) est dit séparant si et seulement si :

Le théorème de Stone-Weierstrass dit qu’une sous-algèbre de C(K) est dense (pour ||||K) si et seulement si elle est séparante. On en
trouvera la preuve dans de nombreux ouvrages, par exemple dans [4] ; l’exposé donné par Stone dans [6] est plus difficilement
accessible mais présente - outre son intérêt historique - l’avantage d’être illustré de nombreuses applications.

L’objet principal de ce paragraphe est de généraliser le théorème de Stone-Weierstrass en décrivant l’adhérence d’un sous-anneau
séparant de C(K). On utilisera le résultat classique suivant :

Si I est un idéal de C(K), si Z(I) est l’ensemble des zéros communs aux éléments de I, l’adhérence de I dans (C(K),||||K) est constituée des
fonctions de C(K) qui s’annulent sur Z(I).

Il s’agit d’une conséquence immédiate de la description des idéaux fermés de C(K), cf par exemple [4] ou l’appendice à la fin du texte.

Voici le résultat.

Théorème 1 Soit A un sous-anneau séparant de C(K). On note B(A) l’ensemble

i) Si B(A) = ∅, A est discret (donc fermé) dans (C(K),||||K).

ii) Si B(A)≠ ∅ et si J(A) est l’ensemble des zéros communs aux éléments de B(A), l’adhérence de A dans (C(K),||||K) est constituée des
fonctions f de C(K) telles qu’existe a dans A vérifiant f|J(A) = a|J(A).

iii) Soit, si L est un fermé de K, A|L = {a|L, a A}. Alors J(A) est le plus grand fermé L de K tel que A|L soit un sous-anneau discret de
(C(L),||||L).

(On peut évidemment éviter de séparer les cas dans i) et ii) en convenant que J(A) = K si B(A) = ∅.)
Preuve de i) et de l’implication triviale de ii). Soit (an)n≥0 une suite d’éléments de A convergeant uniformément vers f sur K. Il existe
alors N tel que :

Pour n ≥ N, an - aN est alors dans B(A) et s’annule donc sur J(A). Il s’ensuit que f|J(A) = aN |J(A).

Preuve de l’implication non banale de ii). Soit f dans C(K) coïncidant sur J(A) avec l’élément a de A. On veut montrer que f est dans .
Quitte à remplacer f par f -a, on suppose que f s’annule sur J(A). On argumente alors comme suit.

a) Soit I l’idéal de C(K) engendré par B(A), de sorte que Z(I) = J(A). Le résultat sur les idéaux de C(K) rappelé ci-dessus montre que f est
dans . Reste donc à établir : ⊂ ou encore I ⊂ .

b) Les éléments de I s’écrivent :

où r N * , les bi (resp. les gi) sont dans B(A) (resp. C(K)). Par ailleurs, le théorème de Stone-Weierstrass assure que la sous-algèbre A ⊗
R de C(K) engendrée par A est dense dans (C(K), || ||K ). Approchant chaque gi par des éléments de A ⊗ R, on est ramené à montrer
que, pour b dans B(A) et f dans A ⊗ R, bf est dans .

c) Les éléments de A ⊗ R sont les combinaisons linéaires réelles de ceux de A. On est en fin de compte conduit à prouver que si λ est
dans R et b dans B(A), λb est dans . On utilise alors le lemme 1 avec S = [-||b||K,||b||K] et f(x) = λx pour obtenir l’appartenance de λb à
Z[b]. Ceci achève la preuve.

Preuve de iii). On utilise une conséquence immédiate de i) et ii) : l’anneau A est discret dans (C(K), || ||K ) si et seulement si B(A) est
vide ; et donc AL est discret dans (C(L),||||L) si et seulement si la seule fonction a de A|L telle que ||a||L < 1 est la fonction nulle.A partir
de cette remarque, on procède de la façon suivante.

a) Soit d’abord L un fermé de K tel que A|L soit discret dans (C(L),||||L). Si a est dans B(A), ||a||L ≤ ||a||K < 1 et donc a|L = 0. Ainsi L ⊂
J(A).

b) Montrons maintenant que A|J(A) est discret. Soit f dans A|J(A) telle que ||f||J(A) < 1 et g dans A telle que g|J(A) = f. On définit h dans
C(K) par :

La fonction h est dans A d’après ii) et ||f||K = ||f||A. Si (hn) est une suite d’éléments de A qui converge uniformément vers h sur K,
l’argument employé dans la preuve de i) montre, pour n assez grand, que hn |J(A) = h|J(A). Comme ||hn||K →||h||K, pour n assez grand
||hn||K < 1 et donc hn |J(A) = 0. Ainsi h|J(A) = g|J(A) = f est nulle.

Exercice 6 Montrer l’équivalence entre :

i) A est dense dans (C(K),||||K),

ii) J(A) est vide,

iii) il existe b dans B(A) tel que b > 0.

Dans les paragraphes suivants, on n’étudiera que le cas où K = S. Si B(S) n’est pas vide, J(S) est alors un ensemble fini de réels
algébriques (en fait d’entiers algébriques, cf théorème 3), et on constate bien la dichotomie annoncée dans l’introdution.

Exercice 7 A l’aide des exercices du paragraphe 1, décrire J(S) si S = [-α,α] avec 0 < α < 1, S = [0,1] et S = [-1,1].

Exercice 8 Déterminer les segments S tels que J(S) soit vide.

Exercice 9 Ici S = [- , ].

a) Si f est dans C(S), écrire le polynôme interpolateur de f en 0, ±1, ± .

b) Montrer que J(S) = {0,±1,± } et en déduire Z[X]S

Nous terminons ce paragraphe par un résultat inutile pour la suite du texte mais qui a l’intérêt de ramener l’étude des sous-anneaux
fermés de C(K) à celle de ses sous-anneaux discrets. Pour le formuler, notons (K) (resp. (K)) l’ensemble des sous-anneaux fermés
(resp. discrets) séparants de C(K) et Δ(K) la réunion des (L) où L décrit l’ensemble des fermés de K. Si D est dans (L) où L est un
fermé de K, soit DK = {f C(K), f|L D}. Puisque toute fonction de C(L) s’étend en une fonction de C(K) (théorème de Tietze-Urysohn),
on vérifie que DK est un sous-anneau fermé séparant de C(K), que J(DK) = L, que (DK)|L = D. La partie iii) du théorème 1 montre
réciproquement que si A est dans (K), alors A|J(A) est dans (J(A)) et (A|J(A) )K = A. On a ainsi établi le :

Théorème 2 Les applications

sont deux bijections réciproques.

4.Condition de non vacuité de B(S)

Le but de ce paragraphe est de prouver le :

Théorème 3 i) Si b - a ≥ 4, B(S) est vide.

ii) Si b - a < 4, B(S) contient au moins un polynôme unitaire de sorte que J(S) est un ensemble fini d’entiers algébriques.

La démonstration du théorème repose sur le :

Lemme 2 Pour n N* :

Preuve. On démontre d’abord le résultat pour S = [-1,1]. Dans ce cas, soit Tn le nième polynôme de Tchébycheff défini par :

Il est classique que le terme de plus haut degré de Tn est 2n-1Xn. D’autre part, si on pose xk,n = cos (kπ⁄n) pour 0 ≤ k ≤ n, la suite
(xk,n)0≤k≤n est strictement décroissante et Tn (xk,n ) = (-1)k. On en déduit déjà que le polynôme Tn⁄2n-1 est dans n et vérifie ||Tn ⁄2
n-1
||S ≤
n-1
1⁄2 , ce qui prouve :

Si cette inégalité n’était pas une égalité, il existerait p dans n tel que :
||p||[-1,1] < 1⁄2n-1. Posant q = p - Tn⁄2n-1, q appartiendrait à Rn-1[X] et vérifierait q(xk,n ) = p(xk,n ) - (-1)k⁄2n-1, d’où (-1)k-1q(xk,n) > 0 pour
tout k de {0, ,n}. Appliquant le théorème des valeurs intermédiaires sur chaque [xk,n,xk+1,n], on obtiendrait n zéros de q, ce qui
fournirait q = 0, p = Tn⁄2n-1, et la contradiction ||p||[-1,1] = 1⁄2n-1.

Si S = [a, b], on observe que pour tout p de n le polynôme q défini par :

est dans n et vérifie : q([-1,1]) = p([a,b]). Le résultat suit.

Preuve de la partie i) du théorème 3. Supposons b - a ≥ 4. Si p est dans Z[X] \{0}, p s’écrit cq avec c Z * et q unitaire. Par suite ||p||S =
|c|×||q||S ≥||q||S ≥ 2 d’après le lemme 2.

Preuve de la partie ii) du théorème 3. Posons q = (b - a)⁄4, de sorte que q ]0,1[ et que l’on dispose, grâce au lemme 2, d’une suite (qn)n≥1
de polynômes telle que :

Fixons n0 tel que 2qn0⁄(1 - q) < 1⁄4 et observons que l’on peut, si n > n0, choisir (ai,n )n0 ≤i≤n-1 dans [0,1[n-n0 de sorte que, si :

les coefficients de rn d’indices ≥ n0 + 1 dans la base canonique de R[X] soient entiers. Le polynôme rn est unitaire de degré n, tel que :

Soit ɛn = rn - ; ɛn est dans Rn0[x] et, puisque les coefficients de ɛn sont dans [0,1[, la suite (ɛn) est bornée dans (R n0 [X],||||S). Il en résulte
que l’on peut trouver m1 et m2 tels que m1 > m2 > n0 et ||ɛm1 - ɛm2 ||S ≤ 1⁄2. Mais alors :
Le polynôme - est unitaire de degré m1 à coefficients entiers.

Exercice 10 Les notations sont celles de la partie 3 mis à part que K est un compact non vide de R . On pose, si n N* :

a) Si (n, m) (N *)2, comparer ( dn(K))n( dm(K))m et ( dn+m(K))m+n.

b) En déduire que ( dn(K))n≥1 tend vers sa borne inférieure d(K).

c) Montrer que B(K) est vide si et seulement si d(K) ≥ 1.

(On peut établir que d(K) est le diamètre transfini de la partie K.)

Exercice 11 Pour n dans N*, soit :

où Tn+1 est le (n + 1) ième polynôme de Tchebycheff.

a) Montrer, si p est dans Rn-1[X], que :

b) Montrer :

c) Décrire l’adhérence de Z[X] dans Lp(S) (pour la norme ||||p) si 1 ≤ p < +∞.

5.Description de J(S)

Notons J0 (S) l’ensemble des entiers algébriques dont tous les conjugués appartiennent à S. On achève ici l’étude de Z[X]S en
démontrant le :

Théorème 4 Supposons b - a < 4. Alors : J(S) = J0(S).

Preuve de l’inclusion de J0(S) dans J(S). Soient x dans J0(S), x = x1,x2, ,xr ses conjugués, de sorte que le polynôme minimal de x sur Q
est :

et qu’il appartient à Z[X]. Par hypothèse, les xi sont dans S. Soient maintenant q dans B(S) et

Les coefficients de g sont des polynômes symétriques à coefficients dans Z en x1, ,xr et sont donc entiers grâce au théorème de
structure des polynômes symétriques. De plus, le terme constant de g est :

qui est de module < 1. Il s’ensuit que l’un au moins des q(xi) est nul. Mais comme x1, ,xr sont Q-conjugués, tous les q(xi) sont nuls, en
particulier q(x). On a ainsi établi que x est dans J(S).

Preuve de l’inclusion de J(S) dans J0(S). Grâce au théorème 3, J(S) est fini. Notons x1,…,xr ses éléments. Prouver que J(S) est contenu
dans J0(S) revient à prouver que ∏ (X - xi) est dans Z [X]. Nous allons interpréter ce polynôme comme polynôme caractéristique d’un
endomorphisme de Rr stabilisant un certain réseau, ce qui impliquera le résultat. On pose

C’est un sous-groupe de (Rr,+) qui engendre vectoriellement Rr car les xi sont deux à deux distincts. Le iii) du théorème 1 entraîne que
Z[X]|{x1, ,xr} est un sous-anneau discret de C({x1, ,xr}), donc que R est discret dans Rr. Il s’ensuit que R est un réseau de Rr. Mais R est
trivialement stable par l’endomorphisme u de Rr défini par :
ce qui achève la démonstration.

Exercice 12 Soient x1, ,xr des réels deux à deux distincts. A quelle condition :

est-il dense dans Rr ?

On termine en formulant différemment le résultat obtenu.

Théorème 5 Supposons b - a < 4. Alors, si f est dans C(S), f appartient à Z[X]S si et seulement si son interpolateur de Lagrange de f aux
points de J0(S) appartient à Z[X].

Preuve. Seule une implication mérite une démonstration. Pour l’établir, soient p dans Z[X] coïncidant avec f sur J0(S), l l’interpolateur
de Lagrange aux points de J0(S), Π le produit des polynômes minimaux (distincts) des éléments de J0(S). Le polynôme Π est unitaire de
degré égal à |J0 (S)| et appartient à Z[X]. Effectuons la division euclidienne de p par Π : p = qΠ + r. Les polynômes q et r sont dans Z[X]
(car Π est unitaire), le degré de r est majoré par |J0(S)|- 1, et r|J0(S) = l|J0(S). Par unicité l = r et donc l est dans Z[X].

Exercice 13 Pour n N*, soit En l’ensemble des entiers algébriques (complexes) de degré ≤ n dont tous les conjugués sont de module 1.

a) Montrer, si x En, que x2 En.

b) Montrer que En est fini.

c) En déduire que les entiers algébriques dont tous les conjugués sont de module 1 sont les racines de l’unité.

d) Déduire de c) que les réels entiers algébriques dont tous les conjugués sont dans [-2,2] sont les 2 cos (πr) pour r Q.

e) Si r est dans Q , déterminer le degré sur Q et les conjugués de 2cos(πr).

f) Décrire explicitement J0(S) si - 2 < a < b < 2.

Exercice 14 Reprendre les preuves des théorèmes précédents en remplaçant le segment S par un compact K de R, la condition b - a < 4
par d(K) < 1 (cf exercice 10) et énoncer les résultats obtenus.

6.Appendice : idéaux fermés de C(K)

Les notations sont celles du paragraphe 3. On note K l’ensemble des fermés de K et K l’ensemble des idéaux fermés de (C(K),||||K).
Nous reproduisons la preuve de [4] du résultat classique suivant :

Théorème 6 L’application qui à un élément I de K associe l’élément de Z(I) de (K) est une bijection de K sur K ; la réciproque est
l’application qui à l’élément F de K associe IF = {f C(K), f|K = 0}.

Preuve. Il est clair, si F K, que I F K et F ⊂ Z(I F). Pour établir l’inclusion réciproque, il suffit de noter que si x est dans K \ F , il
existe f dans I F telle que f(x) = 1 (on peut prendre :

où d est la distance donnant la topologie de K, dans le cas où K est métrisable ; dans le cas général, on utilise le théorème de Tietze-
Urysohn).

Soient maintenant I un idéal fermé de (C(K),||||K), f dans C(K) s’annulant sur Z(I), ɛ > 0, U = {x K, |f(x)| < ɛ} et F = K \U. Puisque F
est contenu dans K \Z(I), il existe, si x F , gx dans I tel que gx(x)≠0. Cette fonction gx ne s’annule pas sur un voisinage ouvert Ux de x
dans K, et du recouvrement de F par les Ux on peut extraire un sous-recouvrement fini Ux1,…,Uxr. Posons alors :

la fonction g est dans I, à valeurs dans R+ et strictement positive sur F ; la fonction g|F a donc un minimum a > 0.

Soient alors, pour n dans N* :


gn est dans I donc fgn aussi et :

est majorée par ɛ sur U et par

sur F. Pour n assez grand, on a par suite ||fgn -f||K ≤ ɛ ce qui montre que f est adhérente à I, donc appartient à I puisque I est fermé.

Exercice 15 Décrire les idéaux maximaux de C(K). (On montrera qu’un tel idéal est fermé.)

Exercice 16 Décrire les automorphismes de l’algèbre C(K). (On pourra utiliser l’exercice précédent.)

Références

[1] BERGER Laurent, L’approximation par des polynômes à coefficients entiers, Gazette des Mathématiciens no 84, 2000,
[2] FERGUSON LeBaron O, Approximation by Polynomials with Integral Coefficients, American Mathematical Society,
[3] HEWITT Edwin, ZUCKERMAN Herberts S., Approximation by Polynomials with integral coefficients, a reformulation of the Stone-
Weierstrass theorem, Duke Math. J. 26, 1959,
[4] LANG Serge, Real and Functional Analysis, Springer Verlag,
[5] LORENTZ George. G, GOLITSCHEK Manfred von, MAKOVOZ Youri, Constructive Approximation : Advanced Problems, Springer
Verlag,
[6] STONE Marshall H, A Generalized Weierstrass Approximation theorem, Studies in Modern Analysis, vol. 1.
Ω
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Quelques dénombrements dans les groupes finis


par Richard Antetomaso
professeur au Lycée Saint-Louis

Ré SUM é. À l’aide de la fonction de Möbius et d’une action de groupe, on montre très simplement un cas particulier d’un théorème de Frobenius et on l’applique à
l’étude des entiers n tels que tout groupe de cardinal n est cyclique

MOTS-CL é S : Groupes cycliques, action de groupe, indicatrice d’Euler, fonction de Möbius, théorème de Frobenius

1. Quelques faits

1.1. Indicatrice d’Euler

On rappelle que, pour n ≥ 1, ϕ(n) désigne le nombre des entiers k {1,…,n} premiers avec n. C’est aussi le nombre des éléments
inversibles (pour ×) de l’anneau (Z⁄nZ,+,×), ou encore le nombre des éléments a du groupe (Z⁄nZ,+) tels que le sous-groupe {ka ⁄ k Z}
engendré par a soit égal à Z ⁄nZ (i.e. a est « générateur » de (Z⁄nZ,+)), ou enfin le nombre des éléments de (Z ⁄nZ , +) d’ordre
exactement n.

Comme tout groupe cyclique de cardinal n ≥ 2 est isomorphe à (Z⁄nZ,+), un tel groupe contient exactement ϕ(n) éléments d’ordre n
i.e. exactement ϕ(n) « générateurs ».

En outre, si n se décompose en facteurs premiers sous la forme n = p …p (avec ∀i,ri ≥ 1), on a

1.2. Fonction de Möbius et formule d’inversion

Soit μ la fonction de Möbius définie sur N* par

On note div (n) l’ensemble des diviseurs de n N* ; en particulier div(n) contient 1 et n. L’indice d|nsera mis pour d div(n).

Propriétés

a) Pour tout n ≥ 2, on a ∑ d|nμ(d) = 0.


b) Soit N ≥ 2 et (ak)k|N, (bk)k|N deux familles de réels. On a l’équivalence

c) Plus généralement pour deux suites quelconques (an) et (bn) de réels on a l’équivalence

Preuves a) Soit n = p …p la décomposition en facteurs premiers de n. Il y a exactement 2s diviseurs d de n tels que μ(d) ⁄= 0 : ce sont
les p …p où ɛi = 0,1. On a donc

Comme on a s ≥ 1, on peut écrire

b) Supposons ∀n div(N),an = ∑ d|nbd. Alors pour n = 1, a1 = b1 et, pour n div(N),n ≥ 2,

Or ∑ d|(n⁄e)μ(d) = 0 sauf si n⁄e = 1 donc on a ∑ d|nμ(n⁄d)ad = bn.

Inversement, si ∀n div(N),bn = ∑ d|nμ(n⁄d)ad alors b1 = a1 et, pour


n div (N), n ≥ 2, on a
En posant f = e⁄d dans la dernière somme on a

ce qui donne ∑ e|nbe = an.

c) Il suffit de reprendre la démonstration ci-dessus dans ce contexte.

2. Une action de groupe

Soit (Γ, *) un groupe fini de cardinal N de neutre noté 1.

Pour n N * , on considère l’ensemble

Si G (grande lettre) est un élément de An, on notera gk (petite lettre) ses « coordonnées » de sorte que G = (g1,…,gn). Plus généralement,
on prolonge la notation gk à k Z par n-périodicité.

On note F la permutation de An définie par F(G) = (gi+1)i=1,…,n.

On notera que F(G) est bien dans An car, pour G An, on a

Comme Fn = Id, on peut définir une action du groupe cyclique Cn = (Z⁄nZ,+) sur An par

L’orbite de G = (g1,…,gn) pour cette action est constituée des éléments

qui ne sont pas forcément distincts.

3. Un cas particulier d’un théorème de Frobenius

Proposition On suppose que n divise N et que n est sans facteur carré. Alors le cardinal de {g Γ ⁄ gn = 1} est multiple de n.

Remarques

1) Le résultat ci-dessus est vrai sans la restriction « n est sans facteur carré » : c’est un théorème de Frobenius. Le cas général est
beaucoup plus difficile que ce cas particulier.

2) On déduit aisément de cette proposition le théorème de Cauchy selon lequel tout groupe fini de cardinal multiple d’un nombre
premier p possède au moins un élément d’ordre p ; la preuve qui suit est d’ailleurs une adaptation de la preuve classique du théorème
de Cauchy.

Preuve Soit fk le nombre de solutions dans Γ de gk = 1.

Avec les notations précédentes considérons, pour d diviseur de n, les ensembles

Ainsi pour tout diviseur d de n on a la partition Xd = ⋃ e|dY e et donc les relations

Par ailleurs il est clair que Xd est constitué des n-uplets de la forme

tels que (g1 *, … * gd)n⁄d = 1.

On a donc card Xd = Nd-1fn⁄d (g1,…,gd-1 sont quelconques et gd = (g1 *…*gd-1)-1h avec hn⁄d = 1). En particulier N divise cardXd pour d ⁄= 1
et en regardant modulo N les égalités (2) on a

Pour conclure, les G Y n ont tous des orbites de même cardinal n sous l’action de F donc cardY n est multiple de n et, du fait que
μ(n) = ±1 (car n est sans facteur carré) n divise fn .
4. Une application

Proposition Tout groupe G de cardinal N tel que ϕ(N) est premier avec N est cyclique

Remarque On peut montrer que la propriété ci-dessus est caractéristique des entiers N tels que tout groupe de cardinal N est cyclique.

Preuve La formule donnant ϕ(N) (cf. 1.1) montre que N est sans facteur carré i.e. N = p1…pr où les pi sont premiers distincts.

Pour d diviseur de N, le nombre des éléments de G qui sont d’ordre exactement d est multiple de ϕ(d). En effet, la relation définie sur
G par g gʹ si, et seulement si, g et gʹ engendrent le même groupe (cyclique) est d’équivalence. Comme un groupe cyclique d’ordre d
possède ϕ(d) générateurs, les classes sont toutes de même cardinal ϕ(d). On en déduit que le nombre des éléments d’ordre d est
multiple de ϕ(d). On le notera ϕ(d)ad.

Par ailleurs la proposition précédente montre que le nombre de solutions de gd = 1 est de la forme dbd . On va prouver que, pour tout d
diviseur de N, bd = 1.

On a déjà b1 = bN = 1 car G a N éléments. Raisonnons par l’absurde et considérons le plus grand diviseur D de N tel que bD > 1. On
peut supposer D = p1…ps avec 0 < s < r.

Comme g G vérifie gd = 1 si, et seulement si, l’ordre de g divise d on a pour tout diviseur d de N

Soit p = pi l’un des facteurs premiers de N⁄D. On sait que si p divise e, ϕ(p) = p- 1 divise ϕ(e) donc, en utilisant bDp = 1, modulo ϕ(p) on
a

Or on a aussi DbD = ∑ e|Dϕ(e)ae donc, modulo ϕ(p) = p- 1, DbD ≡ Dp ≡ D ; comme N est premier avec ϕ(p) on a bD ≡ 1. Par ailleurs DbD <
DpbDp = Dp car G contient des éléments d’ordre p (le nombre des solutions de gp = 1 est multiple de p donc il y a des solutions non
triviales) donc on a bD < p ce qui impose bD = 1 et contredit l’hypothèse bD > 1.

Ainsi on a, pour tout diviseur d de N, d = ∑ e|dϕ(e)ae ce qui donne

donc aN = 1 et G contient des éléments d’ordre N : il est cyclique ! Ω


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Mathématiques I (énoncé)
Filière MP

6976Équation intégrale, existence et unicité d’une solution. Dans un


cas particulier, étude asymptotique de la solution.
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Mathématiques I (corrigé)
Filière MP

6976Équation intégrale, existence et unicité d’une solution. Dans un


cas particulier, étude asymptotique de la solution.

Bernard Randé

Comité de rédaction de la RMS 1 1. Corrigé reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Cassini.

Première partie

1. Soit t ≥ 1. L’application τ k(t,τ)u(τ)⁄τ2 est continue sur [t,+∞[. De plus, |f(τ)| ≤ ∥k∥∥u∥⁄τ2 sur ce même intervalle. Donc f(τ) = O 1⁄τ2 ,
et par conséquent f est intégrable sur [t, +∞[.

Effectuons dans l’intégrale le changement de variable τ = tz. On obtient

L’application (t, z) k(t,tz)u(tz)1⁄tz2 est continue sur [1,+∞[ et l’on dispose de la condition de domination

où l’application dominante, indépendante de t, est intégrable sur [1,+∞[.

Un théorème du cours entraîne que t ∫ k(t,tz)u(tz)d z⁄tz2 est elle-même continue. Il en résulte que t ∫ k(t,τ)u(τ)d τ⁄τ2 est
continue sur [1,+∞[.

2. Par linéarité de l’intégration et bilinéarité du produit dans C, A est clairement linéaire. De plus, pour tout t ≥ 1,

d’après la majoration de 1.

Par conséquent, ∥A(u)∥≤∥k∥∥u∥, ce qui entraîne la majoration ∥A∥≤∥k∥.

3. Montrons par récurrence la majoration proposée, avec K = ∥k∥. Pour n = 0, elle est évidente. Supposons-la vraie pour n.

Comme An+1 (u)(t) = ∫ k(t,τ)An(u)(τ)d τ⁄τ2, on a

La dernière intégrale écrite vaut 1⁄(n + 1)tn+1, ce qui donne le résultat escompté.

4. La majoration obtenue dans la question 3 montre que ∥An(u)∥≤ Kn∥u∥⁄n!, puis que ∥An ∥ ≤ Kn ⁄n! . La série de terme général ∥An∥ est
donc convergente.

Mais E est un Banach pour la norme uniforme, donc (E) en est aussi un pour la norme subordonnée à la norme uniforme. Il en
résulte que la série de terme général An, qui est absolument convergente, est convergente dans (E).

Partons de l’égalité

D’une part, An+1 → 0. D’autre part, le produit est continu dans l’algèbre (E). Par passage à la limite, il vient

5. L’équation donnée s’écrit encore


soit (IE - A)(u) = u0. D’après la question 4, I E -A est inversible à droite dans (E), d’inverse à droite ∑ Ak .

Cet endomorphisme commute avec IE - A, comme on le voit en écrivant les sommes partielles : c’en est donc l’inverse. Par conséquent,
puisque u0 E, l’équation admet l’unique solution (I E - A)-1 (u0 ).

Deuxième partie

6. Par développement de sin(t - τ), l’application continue u vérifie l’égalité

Supposons que u est de classe k. Chacune des applications τ cosτ u(τ)⁄τ2, τ sinτ u(τ)⁄τ2 est alors aussi de classe k. Par conséquent,
l’intégrale dépendant de la borne est de classe k+1. Comme u0 est de classe k+1, u est de classe k+1. On a montré par récurrence que u

est de classe , et que

7. Nous avons déjà calculé uʹ. Par la même méthode, le calcul de

conduit à l’égalité

ce qui est l’équation différentielle (2) proposée.

8. Soit a et b deux complexes tels que au+ + bu- = 0. En reportant dans (1), il vient

Cela entraîne que a = b = 0, par une évaluation en π et en 2π. Par conséquent, (u+,u-) est une famille libre de l’espace des solutions de
l’équation (2), qui est linéaire, homogène et à coefficients continus.

C’en est donc une base.

Troisième partie

9.a) Une intégration par parties conduit à

Donc

Par conséquent, ∫ eiτ⁄τm d τ = O(1⁄tm).

9.b) Exprimant le sinus à l’aide de l’exponentielle, il vient

On obtient la relation

Par récurrence,
Reportons dans l’expression de φn(t). Il vient

Finalement,

9.c) D’après 9.a, l’égalité du 9.b se récrit

Ainsi, αn,j = 1⁄(n + 1)!(n + j - 1)!⁄(2i)j.

10.a) On a l’égalité e-itu(t) = 1 + λ∫ sin(t - τ)u(τ)d τ⁄τ2.

Mais ∫ sin(t - τ)u(τ)d τ⁄τ2 ≤∫ d τ⁄τ2 = 1⁄t. Par conséquent, e-itu(t) = 1 + O(1⁄t).

10.b) On raisonne donc par récurrence à partir de l’ordre 0.

Supposons que

De (1), il découle alors

soit encore

avec

Écrivons les égalités (3) sous la forme

Reportant dans l’expression de e-itu(t), nous obtenons

ce qui nous montre l’existence du développement asymptotique et, par unicité, nous fournit l’expression de γn+1 suivante :

10.c) Remplaçons dans l’expression de γn+1 fournie en 10.b les αp,q par leur valeur obtenue en 9.c. Il vient

Mettons à part le terme d’indice n de la somme. On obtient

L’égalité (5), appliquée à n - 1, fournit


ce qui conduit finalement à

et au résultat.

10.d) Nous avons vu que γ0 = 1. Il en résulte que, si λ n’est pas de la forme - m(m + 1), avec m N , γn ne s’annule pas et que γn+1⁄γn →∞.
Dans ce cas, le rayon de convergence cherché est 0.

Si au contraire λ = -m(m + 1), la suite (γn) est nulle à partir de l’indice m + 1, et le rayon de convergence cherché est ∞.
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Mathématiques II (énoncé)
Filière MP

6977Trigonalisation simultanée d’endomorphismes unipotents. Algèbres irréductibles d’endomorphismes.


Notations. On désignera par K le corps des réels ou celui des complexes ; pour tout entier n ≥ 1, on note M(n, K) l’espace des matrices
à n lignes et n colonnes à coefficients dans K et on l’identifie à l’espace des endomorphismes de Kn. On note SO(n, R) le sous-
ensemble des matrices orthogonales de déterminant 1.

La lettre E désignera toujours un K-espace vectoriel de dimension n ≥ 1 ; L(E) désignera l’ensemble des endomorphismes de E et
GL(E)désignera celui des endomorphismes inversibles. On dit qu’une partie F de E est laissée stable par un endomorphisme T si l’on
a T(F) ⊂ F.

On appelle commutant d’une partie X d’une algèbre Y l’ensemble des éléments de Y qui commutent à tous les éléments de X.

Première partie

1. Soit A une matrice de M(n, R), diagonale avec coefficients diagonaux a1,a2,…,an ; on suppose qu’il existe deux indices i et j tels que
ai≠aj. Vérifier que si une matrice B commute à A, on a bi,j = 0.

2. Trouver le commutant de SO(2, R) dans M(2, R).

3. a) Montrer que, si n ≥ 3, le commutant de SO(n, R) dans M(n, R) est formé des matrices diagonales.

b) Déterminer ce commutant.

Deuxième partie

Une partie W de L(E) est dite irréductible si {0} et E sont les seuls sous-espaces vectoriels de E laissés stables par tous les éléments de
W .

4. Vérifier que, si E = Rn, n ≥ 2, SO(n, R) est irréductible.

5. Vérifier que si deux éléments A et B de L(E) commutent, tout sous-espace propre de l’un d’eux est laissé stable par l’autre.

6. Montrer que, si K = C, le commutant d’une partie irréductible de L(E) est réduit aux multiples scalaires de l’endomorphisme
identité, idE.

7. Ce résultat subsiste-t-il lorsque K = R ?

Troisième partie

Un élément A de L(E) est dit unipotent si A-idE est nilpotent (c’est-à-dire s’il existe un entier k > 0 tel que (A-idE)k = 0).

On se propose de démontrer que, si K = C et si G est un sous-groupe de GL(E) formé d’éléments unipotents, E admet une base dans
laquelle tous les éléments de G sont représentés par des matrices triangulaires supérieures avec coefficients diagonaux égaux à 1.

8. Montrer que tout élément unipotent A est inversible et déterminer la somme ∑ n≥0(idE -A)n.

9. Traiter le cas où n=2 et G est l’ensemble des puissances d’un élément g. Est-il nécessaire de supposer K = C ?

On suppose maintenant n ≥ 1. On rappelle que K = C.

10. Vérifier que le sous-espace vectoriel W de L(E) engendré par G est une sous-algèbre de L(E).

11. Calculer Tr(g-idE), Trg, Tr (g-idE)gʹ pour g,gʹ G.

12. Supposant en outre G irréductible, montrer que G = {I} et préciser la valeur de n.

On pourra utiliser le résultat suivant, qui sera démontré dans la quatrième partie : si K = C et si W est une sous-algèbre de L(E),
irréductible et contenant idE, alors W = L(E).

13. Ne supposant plus G irréductible, démontrer l’existence d’un vecteur non nul x de E tel que g(x) = x pour tout g G.

14. Conclure.

Quatrième partie

Le but de cette partie est de démontrer le résultat admis à la question 12. Procédant par l’absurde, on suppose W≠ L(E).
On fixe une base de E et on identifie les éléments de L(E) avec leurs matrices représentatives dans cette base. Pour tout i
= 1,2,..,n, on désigne par :
- V i l’ensemble des matrices A telles que ak,l = 0 si l ⁄= i ;
- Li l’application de E dans V i définie par Li(x) k,l = δi,lxk ;
- Pi l’application de L(E) dans V i définie par Pi(A) k,l = δi,lAk,i.
Enfin on note Φ l’application linéaire de L(E) dans L L(E) définie par Φ(A)(B) = A ∘ B.

15. Démontrer les assertions suivantes :

a) V i est invariant par tous les Φ(A), A L(E), et Φ(A) Li(x) = Li A(x) .

b) Φ(A) ∘ Pi = Pi ∘ Φ(A).

c) W ∩ V i est nul ou égal à V i.

16. Construire un sous-espace vectoriel Wʹ de L(E), supplémentaire de W et laissé stable par tous les Φ(A), A L(E).

On note π le projecteur de L(E) sur W parallèlement à Wʹ ; pour i,j = 1,…,n, on pose Ai,j = L ∘ Pj ∘ π ∘ Li L(E).

17. Montrer que Ai,j est un multiple scalaire de idE, que l’on notera αi,jidE.

18. Vérifier les égalités suivantes :

a) π(idE ) = idE ;

b) ∑ Li(ei) = idE ;

c) Pi (idE ) = Li (ei).

19. Déterminer αi,j.

20. Conclure.
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Mathématiques II (corrigé)
Filière MP

6977Trigonalisation simultanée d’endomorphismes unipotents. Algèbres irréductibles d’endomorphismes.


Solution d’Alain Tissier
Comité de rédaction de la RMS

1. Le coefficient d’indices (i,j) de AB (resp. BA) est aibi,j (resp. bi,jaj). Leur égalité entraîne donc bi,j = 0 puisque ai≠aj.

2. Posons J = . Les éléments de SO(2, R) sont les cosθI + sinθJ, où θ parcourt R.

Soit A une matrice de M(2, R). Si A est dans C SO(2, R) , A commute avec J. Inversement si A commute avec J, alors A commute avec
les cosθI + sinθJ, et A est dans C SO(2, R) .

Donc C SO(2, R) = C(J).

D’abord C(J) inclut vect(I,J) qui est l’ensemble des matrices où a et b sont réels.

On peut effectuer un traitement direct pour la réciproque.

Posons A = . On a AJ = et JA = , donc α = δ et β = -γ, et A est bien du type précédent.

Ainsi C SO(2, R) est l’ensemble des matrices où a et b sont réels.

3. a) SO(n, R ) contient en particulier les matrices diagonales dont les éléments diagonaux valent 1 ou - 1 avec un nombre pair de “ - 1”.
Notons en particulier Di,j la matrice diagonale n’ayant que des “1” sur la diagonale sauf aux emplacements i et j où ce sont des - 1 (i et
j étant distincts). Si A = 1≤i,j≤n commute avec Di,j, alors ai,k = 0 pour tout k ⁄ {i, j}, d’après 1). Comme pour tout i et tout k≠i il
existe j ⁄ {i,k}, on voit que A est diagonale.

b) SO(n, R ) contient aussi les matrices de transposition avec changement de signe. Ce sont les matrices Ti,j (i≠ j) dont tout élément
(k,l) vaut δk,l sauf : 0 en (i,i) ou (j,j), 1 en (i,j) et - 1 en (j, i).

Une matrice diagonale D ne peut commuter avec Ti,j que si ses éléments (i,i) et (j,j) sont égaux. C’est vrai pour tout i, j et D est
scalaire.

Les matrices scalaires sont dans C(X) pour tout X. Donc C SO(n, R) est l’ensemble des matrices scalaires.

4. Montrons un résultat préliminaire. Soit a et b des vecteurs distincts non nuls de même norme ; alors il existe f SO(n, R) telle que
f(a) = b. En effet, P étant un plan vectoriel contenant a et b, il existe une rotation ρ de ce plan envoyant a sur b ; on complète la
définition de f par orthogonalité et linéarité : f(x) = ρ(x) si x P ; f(x) = x pour x P∘ . On définit ainsi f SO(n, R) avec f(a) = b.

Soit F un sous-espace vectoriel de E laissé stable par SO(n, R). Supposons un instant F≠{0} et F≠ E. Alors F contient un vecteur
unitaire a et E \ F contient un vecteur unitaire b. Il existe f SO(n, R ) telle que f(a) = b, donc f(F) ⁄⊂ F . Contradiction. Ainsi SO(n, R)
est irréductible.

5. Soit x un vecteur propre de A pour la valeur propre λ. On a A(Bx) = B(Ax) = λ(Bx). On montre ainsi que Ker(A - λI) est laissé stable
par B.

6. Soit X la partie irréductible en question. Une matrice A non scalaire possède un espace propre F autre que {0} et E. Cet espace F est
laissé stable par X. Contradiction. Donc C(X) est l’ensemble des matrices scalaires.

7. NON. Voir le 2) et X = SO(2, R).

8. On a : A = I - N, où N est nilpotente, Nk = 0. Comme 1 est seule valeur propre de A, A est inversible. On a ∑ (I - A)i = ∑ Ni = A-1
(car A∑ Ni = I - Nk = I).

9. Le corps de base peut être quelconque, et la dimension n aussi.

Pour tout endomorphisme nilpotent ν, il existe une base où la matrice N de ν est triangulaire supérieure stricte. En effet, un
polynôme annulateur de ν est scindé et 0 est sa seule valeur propre.

Donc, pour g0 , il existe une base où la matrice, I + N, est triangulaire supérieure unité.
Les matrices triangulaires supérieures unité forment un sous-groupe de GL(n,K).

Dès lors, dans la même base, toute puissance g (k Z) de g0 a pour matrice la matrice triangulaire supérieure unité (I + N)k.

10. Par construction W est un sous-espace vectoriel de L(E) contenant I. Il possède un système générateur, G, stable par produit, il est
lui-même stable par produit, et il est une sous-algèbre de L(E).

11. Comme g - I est nilpotent, Tr(g - I) = 0. On en déduit Trg = TrI = n. Puis Tr (g - I)gʹ = Tr(ggʹ)- Trgʹ = n - n = 0 car ggʹ est dans G.

12. Notons W l’algèbre vect(G).

D’après la définition, si X est une partie irréductible de L(E) et Y ⊃ X alors Y est irréductible. Donc ici W est irréductible et W = L(E).

Supposons un instant G≠{I}. Soit g≠I, g G. Notons U l’ensemble des f de L(E) telles que Tr (g - I)f = 0.

La forme bilinéaire symétrique (u,v) Tr uv est non dégénérée ; on le voit bien d’après l’expression Tr AB = ∑ ∑ ai,jbj,i, pour deux
matrices A et B.

Comme g - I≠ 0, la forme linéaire f Tr (g -I)f n’est pas nulle. Donc U est un hyperplan. De plus G ⊂ U et par linéarité W ⊂ U. C’est
contradictoire.

Ayant prouvé que G = {I}, on voit que n = 1 car tout sous-espace vectoriel de E est stable par I.

13. On procède par récurrence forte sur la dimension n de E.

Pour n = 1, c’est vrai.

Supposons n > 1 et le résultat acquis dès que dim E < n. Comme G n’est pas irréductible, il existe un sous-espace vectoriel F de E
autre que {0} et E, qui est laissé stable par G. Notons, pour tout g de G, gF l’élément de L(F) induit par g dans F . L’application g gF est
un morphisme de groupes de GL(E) dans GL(F), d’image notée GF. Donc GF est un sous-groupe de GL(F) dont tout élément demeure
unipotent (la propriété (g -I)k = 0 se transmet à gF). Si dim F = 1, alors la propriété à prouver est vraie dans F . Sinon GF n’est pas
irréductible d’après 12) et la propriété est vraie dans F par hypothèse de récurrence. Il existe bien x non nul, x F , tel que gF (x) = x
pour g G. Bien entendu, c’est dire que g(x) = x pour tout g de G.

14. Récurrence sur dim E. Il n’y a rien à prouver pour n = 1. On suppose n > 1 et le résultat vrai pour n - 1.

Il existe e1 E, e1 ⁄= 0, tel que g(e1) = e1 pour tout g G.

Soit F un supplémentaire dans E de vect(e1). Soit une base de F . La matrice de g dans est M(g) =
, où L(g) est une ligne et P(g) une matrice carrée d’ordre n - 1. Cette matrice P(g) est inversible (d’après le principe des blocs). On a
M(ggʹ) = M(g)M(gʹ) = . Ainsi P(ggʹ) = P(g)P(gʹ). L’application P est un morphisme de G sur un sous-groupe de GLn-1(C).

Ces matrices représentent dans un sous-groupe GF d’éléments gF de GL(F). Par blocs, (M(g) - I)k = . De
l’unipotence de g vient celle de M(g), puis de P(g), puis de gF. Donc GF vérifie dans F les hypothèses sur G dans E. Par hypothèse de
récurrence, il existe une base de F où les matrices des gF sont triangulaires supérieures unité. On a g(ei) = gF(ei) + cie1,
pour i > 1, avec un certain ci complexe.

Donc, dans , les matrices des g sont triangulaires supérieures unité.

15. a) Notons B = une matrice de M(n, C) considérée comme n-uplet de ses colonnes. Pour toute matrice A M(n, C),
on a AB = .

En particulier ALi(x) = A(0,…,0,x,0,…,0) = (0,…,0,Ax,0,…,0) (seule la i-ième colonne est non nulle) et c’est dire que ALi(x) = Li(Ax). Mais
Li(x) parcourt V i quand x parcourt E, on voit que Φ(A) stabilise V i.

b) Pi (B) = (Bi est à la i-ième place).

APi (B) = = Pi(AB). Donc Φ(A) ∘ Pi = Pi ∘ Φ(A).

c) Posons W ∩ V i = H.

Comme Li est un isomorphisme de E sur V i, on peut poser F = L (H).

Soit B H ; si A W , alors AB W car W est stable pour le produit et AB V i car V i est stable par les Φ(A) ; donc AB H. On a
montré que Φ(A) stabilise H pour tout A W.

On a pour tout x de F : Ax = L ALi(x) , élément de F car ALi(x) est dans H. Donc F est stable par W et F = {0} ou E. C’est dire que H =
{0} ou V i.

16. Pour toute partie S de [[1,n]], posons V S = ∑ i SV i. Un tel sous-espace est stable par tout Φ(A).

On va chercher S telle que V S soit supplémentaire de W .

On construit S par récurrence. Supposons trouvés i1,i2,…,ir distincts tels que, posant Sr = , V Sr a une intersection nulle
avec W (c’est fait pour r = 0).

Posons Wr = W + V Sr.

Si Wr = E, tout est fini.

Sinon, on observe que pour tous A W et B Wr, AB Wr. On reprend la preuve de 15c.

Soit i tel que V i ⁄⊂ Wr (il en existe un car la somme des V i est E).

Posons U = Wr ∩ V i ; U est laissé stable par les Φ(A) où A parcourt W .

C’est suffisant pour terminer comme dans 15c) et affirmer : U = {0} ou V i. Comme V i ⁄⊂ Wr , c’est que U = {0}. Posons i = ir+1, Sr+1 =
. On a Wr+1 = (W ⊕ V Sr) ⊕ V ir+1 = W ⊕ (V Sr ⊕ V ir+1) = W ⊕ V Sr+1. La transmission de la récurrence est faite.

Il existe r tel que V Sr = L(E) (puisque la dimension augmente de n à chaque étape). Alors S = Sr .

17. Ai,j est un élément de L(E). Posons Cj = L ∘ Pj. On voit que Cj(M) n’est autre que la j-ième colonne de M. On a, pour toutes A, B
dans L(E), Cj(AB) = ACj(B).

On exploitera la propriété suivante.

Soit B dans W, M dans L(E) ; posons M = H + N, où H W , N Wʹ ; on a BM = BH + BN ; mais BH W (W est une algèbre) et BN


Wʹ (Wʹ est Φ(B)-stable), donc, vu que H = π(M) et BH = π(BM), on a prouvé : π(BM) = Bπ(M).

Autrement dit, pour B dans W , Φ(B) et π commutent.

Soit x un vecteur de E, B un élément de W .

On a successivement :

Li (Bx) = BLi (x) ;

π Li(Bx) = π BLi(x) = B π(Li(x) ;

Cj π Li(Bx) = Cj B π(Li(x) = BCj π Li(x) .

C’est dire que BAi,j(x) = Ai,j(Bx) pour tout x de E.

Puis : BAi,j = Ai,jB pour toute B de W .

Donc Ai,j est dans le commutant de W . Le corps de base est C. Avec 6), Ai,j = αi,j id, pour un certain complexe αi,j.

18. On a π(I) = I, car I W .

Li (ei ) est la matrice ei,i de la base canonique de n(C) ; donc ∑ Li(ei) = ∑ ei,i = I.

Enfin Pi (I) = ei,i = Li(ei).

19. On calcule les Ai,j(ei) grâce à leur somme.

On a : π(I) = I = ∑ π Li(ei) .

Donc : Cj (I) = ej = ∑ Cj π Li(ei) = ∑ Ai,j(ei) = ∑ αi,jei.

Il en résulte : αi,j = δi,j.

Autrement dit la matrice est I.

20. Soit x dans E. Pour tous i, j, la j-ième colonne de π Li(x) est 0 si i≠j et x si i = j. Donc π Li(x) = Li(x), pour tout i et tout x.

Soit M L(E) ; on a : M = ∑ Li Ci(M) , puis π(M) = ∑ π Li Ci(M) = ∑ Li Ci(M) = M.

Ainsi π = IdL(E) et W = L(E).


[Table des matières]
[Table des matières]

Questions & réponses


Questions

Les questions

Réponses

R451:

R453:

[Table des matières]


[Table des matières]

TS
Du côté des élèves
de Terminale S
Problème

Si x est un nombre réel, E(x) est sa partie entière, c’est-à-dire le plus grand entier n Z vérifiant n ≤ x.
Si x + n’est pas entier, sa partie entière est appelée entier le plus proche de x.

1. Justifier l’expression : entier le plus proche.

2. Soit n un entier naturel. Démontrer les égalités

3. On note a(n) le nombre de couples (m1,m2) d’entiers vérifiant les relations

Ainsi 0 = 0 + 0 et 5 = 0 + 5 = 1 + 4 = 2 + 3, d’où a(0) = 1 et a(5) = 3.

On note A(n) = a(0) + a(1) + … + a(n).

a) Calculer A(5).

b) Déterminer a(n) à l’aide de la fonction partie entière (on pourra distinguer entre les valeurs paires et impaires de n).

c) Calculer A(15).

4. Étude de A(n).

a) Montrer que, pour n pair, on dispose de l’égalité A(n) = + n + 1.

b) Déterminer une formule analogue pour n impair.

c) Prouver que A(n) est la partie entière et l’entier le plus proche de 2.

5. On note b(n) le nombre de triplets (m1,m2,m3) d’entiers vérifiant les relations

On note B(n) = b(0) + b(1) + … + b(n).

a) Déterminer b(n) pour n ≤ 5.

b) Montrer que b(n) - a(n) est nul pour n < 3 et égal à b(n - 3) sinon.

c) Montrer que, si n est congru à 0 modulo 6 [c’est-à-dire s’il est multiple de 6], alors b(n) = ⋅

d) Établir des formules analogues pour les cas où le reste de n dans la division par 6 vaut 1, 2, 3, 4 ou 5.

6. Étude de b(n).

a) Montrer que b(n) est l’entier le plus proche de ⋅

b) Déterminer les entiers h tels que b(n) = E .

7. Montrer que B(n) est l’entier le plus proche de ⋅

Thèmes de recherche

2.1. Premier sujet

1. Pour tout entier k > 0 on note fk(n) le nombre de listes (m1,m2,…,mk) d’entiers vérifiant les relations

Calculer pour k ≥ 2 la quantité fk(n) -fk-1(n) en fonction de fk(n-k) selon que n < k ou n ≥ k.

2. Montrer que les relations trouvées permettent, en sens inverse, de définir une fonction f0 qui étend leur portée au cas k = 1.
3. En déduire un algorithme permettant de calculer fk(n).
4. Appliquer cet algorithme au calcul des fk(n) pour 0 ≤ k ≤ 15 et n ≤ 15 et tester les résultats précédents.

2.2. Second sujet

1. On note c(n) le nombres de quadruplets (m1,m2,m3,m4) d’entiers vérifiant les relations

Montrer que c(n) est l’entier le plus proche de si n est pair, et de sinon.

2. En déduire que la suite de terme général c(n) est strictement croissante.


3. Retrouver directement ce résultat.

Questions proposées aux élèves de Terminale S

1. On dispose de six couleurs. Combien de prototypes de cubes colorés peut-on réaliser, sachant que chaque face est revêtue d’une
couleur différente ?
2. Appelons puissance tout entier naturel n tel qu’il existe un couple (a,b) d’entiers supérieurs ou égaux à 2 vérifiant l’égalité n = ab.
Montrer que le produit de trois entiers consécutifs ne peut être une puissance.
3. Calculer l’aire d’un trapèze en fonction des longueurs a et b de ses bases et des longueurs c et d de ses côtés obliques. Que
retrouve-t-on si a = 0 ?
4. Déterminer les fonctions réelles deux fois dérivables d’une variable réelle vérifiant l’égalité f(b) - f(a) = fʹʹ pour
tout couple (a,b) de réels (on pourra montrer que g = fʹ est solution de l’équation différentielle xgʹ(x) = g(x) que l’on résoudra).

[Table des matières]


[Table des matières]

Bibliographie
LIVRES PARUS

Algèbre linéaire

Henri Roudier

Cours et exercices de Capes et d’agrégation, deuxième édition, Vuibert, 52 euros, 688 pages.

Une introduction à la géométrie projective

Daniel Lehman

Ellipses, 12,5 euros, 115 pages.

Fonctions holomorphes, équations différentielles

Claude Wagschal

Hermann, 40 euros, 460 pages.

Le défi de Hilbert

Jérémy J. Gray

Un siècle de mathématiques, Dunod, 29 euros, 338 pages.

Maths de MPSI

Emmanuel Goldsztejn

Exercices avec indications, Ellipses, 21,5 euros, 304 pages.

Algèbre linéaire

Jean-Charles Savioz

Cours et exercices, premier cycle et licence de mathématiques, Vuibert, 30 euros, 368 pages.

Cours d’analyse fonctionnelle et complexe

Yves Caumel

Cépaduès-Éditions, 24 euros, 240 pages.

LIVRES COMMENTéS

Éléments de théorie des automates

Jacques Sakarovitch

Vuibert, 60 euros, 832 pages.

Critique

Le travail de Jacques Sakarovitch, directeur de recherche au CNRS et membre du laboratoire de traitement et communication de
l’information de l’ENST, est une sorte de totalisation de la théorie des automates vue comme machinerie informatique, mais aussi
comme lieu privilégié de rencontre entre différents champs disciplinaires : langages, combinatoire des mots, suites automatiques, etc.
Cet ouvrage pourra intéresser les étudiants des classes préparatoires de la filière informatique, mais aussi et surtout leurs professeurs
qui trouveront là une sorte de dictionnaire, ou plutôt d’encyclopédie, sur le sujet.

Petit guide de calcul différentiel

François Rouvière

À l’usage de la licence et de l’agrégation, Éditions Cassini, 28 euros, 436 pages.

Critique

À la suite d’un succès mérité, l’ouvrage de François Rouvière connaît une deuxième édition augmentée de quelques figures et
exercices. Le ton simple et pédagogique de l’auteur fait merveille dans un sujet qui a une propension naturelle à prendre une tournure
ardue. Chaque chapitre est composé d’une introduction, d’un panorama du cours qui synthétise les résultats essentiels et d’une
longue série d’exercices raisonnés, commentés et corrigés. Il s’agit donc d’une mise en œuvre de l’apprentissage par les exercices,
procédé hautement recommandable. Peut-être pourra-t-on reprocher aux premiers chapitres d’ouvrir de trop nombreuses directions
(systèmes dynamiques, exponentielle, convexité), mais ce défaut sera considéré par beaucoup comme une stimulation nécessaire.
Niels Henrik Abel et son époque

Arid Stubhaug

Springer-Verlag, 56 euros, 480 pages.

Critique

L’année 2002 a été celle du bicentenaire de la naissance d’Abel. Cette commémoration a vu en particulier la création du prix Abel, qui
distinguera tous les ans un mathématicien jugé important. C’est à Jean-Pierre Serre qu’est revenue la distinction inaugurale. Bien
d’autres événements ont accompagné cette commémoration, parmi lesquels la publication d’une biographie du grand mathématicien
norvégien, dont nous pouvons disposer en français grâce à une traduction (depuis l’anglais) de Patricia Chwat et de Nicolas Puech.
L’École Nationale Supérieure des Télécommunications a organisé en octobre, conjointement avec l’ambassade de Norvège et les
éditions Springer-Verlag, une exposition consacrée à Abel, présentant en particulier un certain nombre de documents originaux. C’est
l’académicien Pierre Cartier qui a présenté l’exposition, lors d’une conférence où il a esquissé une généalogie mathématique du plus
connu des scientifiques norvégiens.

Le travail d’Arild Stubhaug est à la fois un recensement biographique, dans la tradition anglo-saxonne, et un parcours européen en
compagnie d’Abel. Au-delà de l’œuvre mathématique d’Abel, d’ailleurs bien connue en France depuis la traduction magistrale qui en a
été faite voici plus d’un siècle, il est intéressant de contempler la vie intellectuelle et scientifique des années 1820 qui est peut-être l’un
des traits marquants de l’européanité à cette époque.

LIVRES ANALYSéS

L’essentiel en théorie des probabilités

Jean Jacod et Philip Protter

Éditions Cassini, 25 euros, 262 pages.

Critique

Voici un livre que les mathématiciens encore réfractaires aux probabilités auront quelques raisons d’ouvrir ! Sur un sujet dont
l’importance n’est plus à souligner, deux probabilistes d’envergure ont décidé d’écrire un ouvrage à la fois d’initiation et de synthèse.
Le plan du livre devrait rassurer ceux que rebute une présentation par trop éloignée du langage de la rue. Après une introduction assez
bien venue, quelques chapitres sont consacrés aux probabilités finies et dénombrables. On ne devrait jamais sous-estimer
l’importance des chapitres d’initiation, les plus difficiles certainement à écrire : l’auteur, d’une part, est bien naturellement impatient
d’aborder les sujets le plus ardus, et d’autre part se trouve d’autant plus éloigné des préoccupations et des motivations des débutants
qu’il a plus avancé dans l’approfondissement de sa discipline. Jean Jacod et Philip Protter ont remarquablement su franchir ce délicat
obstacle, pour conduire tout doucement le lecteur vers les probabilités continues. Là encore, l’approche s’effectue en douceur, et ce
n’est qu’au tiers du livre qu’apparaît véritablement la mesure de Lebesgue. À partir de ce moment, les outils classiques sont présentés
très clairement, et l’on aborde les problèmes plus profonds de convergence et des théorèmes-limite. Le dernier quart de l’ouvrage est
consacré aux martingales, qui n’appartiennent pas franchement au sujet, mais dont l’étude se situe sur le seuil des phénomènes
stochastiques. Ces derniers sont actuellement l’objet d’études poussées et devraient représenter une part croissante de la recherche en
matière de phénomènes aléatoires.

Il est bon de noter que la mesure de Lebesgue, utilisée d’ailleurs assez tardivement, est construite entièrement, et avec le minimum
d’efforts, à l’aide de sa fonction de répartition. Quant aux espaces de Hilbert, dont la théorie est en réalité très simple, ils font l’objet
d’un chapitre séparé. Ces petits gestes à l’égard du lecteur, joints à une agréable présentation, à des exercices nombreux et intelligents,
et à une progression impeccable, contribuent à rendre l’usage de ce livre plaisant et très efficace. Les candidats aux concours de
recrutement pourront y trouver de nombreuses illustrations pour leurs exposés. Les enseignants, les étudiants de licence ou de
maîtrise, les élèves ingénieurs devraient y trouver aisément les informations qu’ils recherchent.
[Table des matières]
1. Médaille Fields 1954, Prix Abel 2003.
[Questions-Reponses]

Q479. Soit un entier h ≥-1.

On pose S(h) = ∑ ⋅

a) Calculer S(h) pour tout h.

b) Etudier un équivalent de S(h) quand h tend vers + ∞. (J. Hardouin)


2
Q480. Soit un entier n > 0. Pour toute A n(C), on note E(A) l’ensemble des couples (B, C) n (C ) tels que BC = A.

a) Montrer que E(A) est connexe par arcs.

b) Que se passe-t-il si le corps de base est R ? (Y. Duval)

Q481. Quels sont les espaces métriques sur lesquels toute application continue est uniformément continue ? (B. Randé)

Q482. Étudier l’intervalle de définition et compléter l’étude qualitative des solutions de = e-tx . (H. Pépin)

Q483. Soient des réels distincts p ≥ 1 et q ≥ 1 et des entiers n ≥ 2 et m > n.

Dans le problème ENS Paris-Lyon-Cachan MP 2002, on montre qu’il n’existe pas d’isométrie vectorielle de sur .

On demande ici s’il existe une isométrie vectorielle de sur un sous-espace vectoriel normé de . (H. Pépin)

Q484. Réf : RMS 02-03 n∘ 2. Exercices n∘ 45 et 46.

Soit p un nombre premier. Soit un nombre rationnel x = , avec a entier, b entier non multiple de p et c un entier.

On note x ≡ c mod pr (r entier > 0) la relation : a ≡ bc mod pr.

a) Dans l’exercice 45, on montre que, si p ≥ 5, alors ∑ ≡ 0 mod p2. Étudier l’entier a, fonction de p, tel que ∑ ≡ ap2 mod p3.

b) Dans l’exercice 46, on montre que, si p ≥ 3, alors ∑ (p i) (p+i i ) ≡ 1 + 2p mod p2. Étudier l’entier b, fonction de p, tel que ∑ (p i)
(p+i i ) ≡ 1 + 2p + bp2 mod p3. (A. Tissier)

Q485. Réf : conférence ”le calcul des serpents”, de VI Arnold, publiée dans ”Leçons de mathématiques d’aujourd’ hui”, éditions Cassini.

Soit un entier n > 0. Existe-t-il un polynôme unitaire de degré n+1, qui possède n extrémums locaux en les points distincts x1,x2,…,xn,
classés dans l’ordre croissant, tels que les valeurs y1 , y2 , … , yn en ces points soient rangés dans un ordre donné à l’avance, compatible
avec les inégalités : yn < yn-1, yn-1 > yn-2, yn-2 < yn-3, etc ... (M. Serris)

Q486. Soit f une fonction dérivable de R dans R. On suppose que l’ensemble des réels x tels que fʹ (x) > 0 est dense dans R. La fonction
f est-elle strictement croissante ? (F. Charles)
[Questions-Reponses]
[Questions-Reponses]

R451. On pose f(x) = ∫ sinxtdt.

a) Donner, pour tout entier naturel n, un développement asymptotique de f en +∞ :

Peut-on relier ce développement à une série entière ?

b) Donner un développement asymptotique de f en - 1.

Peut-on relier ce développement à une série entière ? (B. Boulehjoul)

Réponse de A. Tissier

Le a) est résolu par la méthode de Laplace et le b) par une méthode basée sur une intégration terme à terme.

On a besoin de certains résultats préliminaires.

Etude d’une fonction

Étudions la fonction ϕ : x ⋅ Elle est définie sur R car ϕ = θ- , où θ est une fonction positive sur R ne s’annulant jamais. La
fonction θ est développable en série entière avec un rayon de convergence infini, donc ∞.Montrons un peu plus.

Proposition 1 Toutes les dérivées de ϕ sont bornées sur [0,∞[.

Preuve. Il suffit de prouver qu’elles sont bornées sur [1,∞[.

On a ϕʹ = ωϕ, où ω est la fonction x . Commençons par la fonction ω. On a ω = avec α(x) = x-1 et β(x) =
⋅ La fonction α a toutes ses dérivées bornées sur [1, ∞[. Montrons par récurrence sur n que, pour tout n, existe un polynôme
Pn de valuation nulle tel que β(n) = Pn ∘ β ; c’est vrai pour n = 0 avec P0 = X ; si c’est vrai pour n, alors c’est vrai pour n + 1 avec Pn+1 =
Pn. Comme β([1,∞[) = [β(1),1[, on montre ainsi que toutes les dérivées de β sont bornées. Il en résulte que toutes les dérivées
de ω sont bornées. On a, pour tout n, ϕ(n+1) = ∑ (n k) ω(n-k)ϕ(k). Une récurrence facile prouve que toutes les dérivées de ϕ sont
bornées.

Proposition 2 La fonction ϕ est développable en série entière, avec un rayon de convergence égal à 2π.

Preuve. De grands classiques sont utilisés ici. On ne détaille pas les preuves.

La fonction ω, définie ci-dessus, est développable en série entière, avec un rayon de convergence égal à 2π.

Pour obtenir ce résultat, on développe en série de Fourier la fonction de période 1 valant ext pour tout t ]0, 1[. On en déduit
l’expression de ω : ω(x) = - -∑ ⋅ On peut ensuite justifier le développement en série entière terme à terme :

La fonction ζ tend vers 1 en +∞, ce qui permet d’affirmer que le rayon de convergence vaut 2π.

La Proposition 3 ci-après montre que ϕ est développable en série entière, ϕ(x) = ∑ anxn, cette identité étant valable sur l’intervalle
réel ] - 2π,2π[. Le rayon de convergence R est donc au moins égal à 2π.

On montre pour finir que R = 2π. Pour cela on met en évidence, après prolongement sur C, la singularité en 2iπ. Supposons un instant
R > 2π. Posons S(z) = ∑ anzn pour z complexe, |z| < R et U(z) = = ∑ pour tout z complexe. On a S(x)2U(x) = 1
pour tout x réel, |x| < 2π. On en déduit que le produit des trois séries entières S, S et U est formellement égal à la série entière 1. Donc
pour tout z complexe, |z| < R, on a S(z)2U(z) = 1 et en particulier 0 = 1 pour z = 2iπ. Contradiction...

Proposition 3 Soit u une fonction développable en série entière sur ]-R,R[ (avec 0 < R ≤ +∞). Soit v une solution non nulle de vʹ = uv.
Alors v est développable en série entière sur ] - R, R[.

Preuve. Notons u(x) = ∑ cnxn le développement de u.

On veut justifier pour v un développement v(x) = ∑ bnxn où les bn vérifient forcément (n + 1)bn+1 = ∑ cn-kbk, b0 = v(0)≠0. Notons
Rʹ le rayon de convergence de cette dernière série entière. Soit r > 0, r < R. La série de terme général n
r converge. Posons A = ∑
rn. Introduisons la suite : Bn = max0≤k≤n rk. La formule ci-dessus montre que rn+1 ≤ ∑ rn-k ≤ ⋅ Soit n0
entier tel que ≤ 1. On voit que pour n ≥ n0, rn+1 ≤ Bn, puis Bn = Bn0. On prouve ainsi que la suite rn est majorée. Le
lemme d’Abel montre que Rʹ≥ r. Donc Rʹ≥ R, car c’était vrai pour tout r < R.

Posons S(x) = ∑ bnxn pour |x| < R. Grâce à la relation de récurrence : Sʹ(x) = U(x)S(x), où U(x) = ∑ cnxn = u(x). Comme S(0) = v(0),
on a S = v sur ] -R,R[ et c’est la fin de la démonstration.

Résolution de a)

On note toujours ∑ anxn la série de Taylor de ϕ.

La dérivée (n + 1)-ième de ϕ étant bornée, on a, pour une certaine constante αn

pour tout x ≥ 0.

On effectue dans l’intégrale proposée le changement de variable : t = Arcsine- , ce qui donne

On en déduit ≤ αnIn+1(x), où I k(x) = ∫ e- uk- du = Γ(k+ )2k+ x-k- ⋅

Il en résulte le développement asymptotique :

où bk = Γ(k + )2k+ ak. La suite est définie plus haut, par récurrence. On n’en dira pas plus sur la définition des bk.

Pour compléter le tableau, la série entière ∑ bnxn a un rayon de convergence nul, si bien que x f(x) n’est pas développable en
série entière. En effet, on peut choisir r > 0 tel que la suite n’est pas bornée, et il en résulte que pour tout ɛ > 0 la suite
n’est pas bornée (Γ(k + ) est infiniment grand devant toute suite géométrique).

Résolution de b)

Posons ici g(y) = ∫ sin-1+yt(1 - cost)dt. On a f(-1 + y) = g(y) + ⋅

Écrivons : g(y) = ∫ tan eyln sin tdt. On a g(y) = ∫ ∑ hn(t)dt, où

L’intégration terme à terme se justifie. Posons en effet I n = ∫ dt ; on a de toutes façons (que les deux membres soient finis ou
non) : ∑ I n = ∫ ∑ dt ; cette dernière intégrale est

intégrale bien définie pour |y| < 2.

Il en résulte que g(y) = ∑ dnyn pour |y| < 2, où dn = ∫ tan (lnsint)ndt. Et :

[Questions-Reponses]
[Questions-Reponses]

R453. Soit E un ensemble totalement ordonné, V = un vecteur d’éléments distincts de E. On met en œuvre la méthode
de tri rapide pour ordonner les éléments de V .

On prélève l’élément a1 ; on reconstitue le vecteur V 1 = des ai qui sont inférieurs à a1 et le vecteur V 2 =


des autres ai, ces deux vecteurs étant laissés dans l’ordre initial.

Il reste à trier les deux vecteurs V 1 et V 2 par la même méthode et à intercaler a1 entre ces deux vecteurs.

Le coût de la méthode est défini ici par le nombre de comparaisons faites pour trier V . De toutes façons, n - 1 comparaisons sont
nécessaires pour décomposer V en V 1 et V 2 .

Ce coût est une variable aléatoire dont on demande espérance et variance. (A. Tissier)

Réponse de l’auteur

Posons hn = 1 + + … + (avec h0 = 0), λn = 1 + + … + ⋅

L’espérance est 2 (n + 1)hn - 4n. La variance est n(7n + 13) - 4(n + 1)2λn - 2(n + 1)hn.

Notons Xn la variable aléatoire qui est le coût du tri rapide d’un vecteur d’ordre n et p(n,k) la probabilité pour que Xn = k.
L’événement : “le coût du tri de V est k” est impossible si k ≤ n- 2 et sinon il se décompose en les événements disjoints “le coût du tri
de V 1 est j et le coût du tri de V 2 est k - n + 1 -j”, pour j = 0,1,…,k -n + 1. La probabilité pour que les tailles de V 1 et V 2 soient m et n
- m - 1 est puisqu’il y a équiprobalité des positions de a1 dans le vecteur final.

On a donc :

Notons fn la fonction génératrice de Xn : fn(x) = ∑ p(n,k)xk.

On a facilement : f0(x) = 1 ; f1(x) = 1 ; f2(x) = x ; 3f3(x) = x2 + 2x3.

La formule (1) se traduit ainsi pour les fonctions génératrices :

Notons an l’espérance de Xn et bn sa variance. On sait que an = f (1) et que bn = f (1) + f (1) - f (1) 2 = cn + an - a , avec cn = f (1).

On a : a0 = 0 ; a1 = 0 ; a2 = 1 ; a3 = ; c0 = 0 ; c1 = 0 ; c2 = 0 ; c3 = ; b0 = 0 ; b1 = 0 ; b2 = 0 et b3 = ⋅

On dérive deux fois (2) et l’on donne la valeur numérique x = 1 [on a bien sûr fm(1) = 1] :

Introduisons à présent les séries formelles A(z) = ∑ anzn et C(z) = ∑ cnzn. Sans se préoccuper de leur convergence, on traduit par
des opérations formelles les relations (3) et (4).
La première donne :

La deuxième donne :

Posons L(z) = ∑ . C’est la série formelle de somme - ln(1 - x) pour x réel, - 1 < x < 1. La résolution de (5) se fait facilement :

donc :

On en déduit
C’est le premier résultat indiqué ci-dessus.

Reportons (7) dans (6).

On réécrit (8) :

On intègre par parties :

et on trouve (après quelques manipulations) :

avec :

Posons P(z) = ∑ pnzn ; Q(z) = ∑ qnzn ; R(z) = ∑ rnzn.

On trouve pn = n(3n + 1).

On a (1 + z)(1 - z)-3 = ∑ (n + 1)2zn, puis :

On a ∑ = ∑ + = ⋅ Donc L(z)2 = ∑ z2.

Enfin :

On a :

puis :

Calculons : h = ∑ + 2∑ ∑ = λn + 2∑ ⋅

Donc : rn = 4 (n + 1)2h - 4(n + 1)2λn - 12n(n + 1)hn + n(14n + 10).

Ainsi : cn = 4 (n + 1)2h - 4(n + 1)2λn - 4(n + 1)(4n + 1)hn + n(23n + 17).

Enfin :

donc :
[Questions-Reponses]

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