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Rues et places Rue Daunou (Bd des Capucines-

av. de l'Opéra).
figurant
Rue Jean-Mermoz (Rond-Point-
sur le plan des-Champs-Elysées-rue du
Fg-Saint-Honoré).
Rive droite :
Rue du Colisée (Champs-
Palais Royal, Théâtre-Français, Élysées-rue du Fg-Saint-
Magasins du Louvre, Honoré).
rue Saint-Honoré, rue de Rue de Ponthieu (av. Matignon-
Richelieu, rue de Rivoli, place rue de Berry).
Vendôme, rue de la Paix, avenue Rue Vivienne (bd Montmartre-
de l'Opéra, boulevard des rue des Petits-Champs).
Italiens, boulevard Haussmann, Rue de Grammont (bd des
rue Lafayette, rue Lafitte, Plan de P a r i s
Italiens-rue du 4 Septembre).
place de la Madeleine, rue Royale, Rue Louis-le-Grand (av. de
rue des Capucines, rue Tronchet, Les pages degarde de cet ouvrage vous proposent l'Opéra-bd des Italiens).
rue des Petits-Champs, avenue un plan de Paris très particulier où Rue Taibout (bd Haussmann-
des Champs-Élysées, rue de Chateaudun).
rue du Faubourg-Saint-Honoré,
les points verts et les points bleus marquent
Rue de la Grange-Batelière
avenue Matignon, l'emplacement des rues mentionnées dans le texte,
(rue du Fg-Montmartre-rue
rue Saint-Denis, rue respectivement pour les boutiques de modistes Drouot qui prolonge la rue
Montmartre, rue du Temple, et pour lesfournisseurs. de Richelieu).
rue Rambuteau,
avenue Daumesnil. Rue de la Michodière (bd des
D'après le Plan monumental de Paris, Italiens-rue du 4 Septembre).
éd. Garnier, début du XX' siècle
Rive gauche : Rue d'Antin (rue des Petits-
Rue du Bac, rue de Sèvres, Champs-rue du 4 Septembre).
rue de Rennes, rue de l'Odéon. Rue Favart (Opéra-Comique-
bd des Italiens).
Rue de Cléry (rue Montmartre-
bd Bonne-Nouvelle).
Rue d'Aboukir (rue Montmartre-
Rues ne f i g u r a n t bd Bonne-Nouvelle).
pas sur le plan, Rue du Caire (rue Saint-Denis-
leurs t e n a n t s rue d'Aboukir).
et a b o u t i s s a n t s Rue de la Ferronnerie
(bd Sébastopol-rue des Halles).
Rive droite : Rue Mesley (bd Sébastopol-
rue du Temple).
Rue de l'Echelle
Rue de la Tour-d'Auvergne
(av. de l'Opéra-rue de Rivoli).
(rue des Martyrs-rue
Rue Saint-Nicaise
de Rochechouart).
(rue de Rivoli-rue Saint-Honoré,
Rue des Rosiers (prolongement
niveau Tuileries, n'existe plus). de la rue Sainte-Croix-de-la-
Rue Cambon (rue de Rivoli-
Bretonnerie).
boulevard de la Madeleine).
Rue Neuve-des-Mathurins L'avenue Victor-Emmanuel III,
(actuelle rue Auber, bd des est devenue avenue
@ 2000 Éditions Charles Massin,
Capucines, bd Haussmann). Franklin-Roosevelt vers 1945.
Rue du Marché-Saint-Honoré 16-18 rue de l'Amiral-Mouchez,
Rive gauche :
(perpendiculaire à la rue Saint- 75686 Paris Cedex 14. Tél. : 0 1 4 5 65 48 48.
Honoré, entre place Vendôme Rue Saint-Sulpice
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction
et Saint-Roch). (rue Bonaparte-rue de l'Odéon).
réservés pour tous pays. Rue du Vieux-Colombier
Rue du Cirque (Champs-Élysées-
rue du Faubourg-Saint-Honoré). ISBN : 2-7072-0410-2 (rue Bonaparte-rue de Sèvres).
M O D E S D E P A R I S

Histoire
du

C h a p e a u

f é m t ..n t n

Nicole LE MAUX

massrn
Avant-propos

«Modes»... plus personne, aujourd'hui, ou presque, ne connaît ce


terme dans l'acception qui a été la sienne tout au long du XIXe siècle et
pendant la première moitié du XXesiècle. On peut lire, dans le Littré de
1880 : «Aujourd'hui modes ne se dit plus guère que des chapeaux et des
coiffures. Une marchande de modes est unefaiseuse de chapeaux». Les
dictionnaires actuels ignorent le terme, ou, au mieux, le placent dans les
mots vieillis. La confusion entre modiste et chapelier est courante aujour-
d'hui; ce sont pourtant deux métiers différents : le (ou la) modiste crée
des modèles uniques, alors que le chapelierfabrique les matières premières,
produit ou vend des chapeaux en série.
Il ne s'agit pas d'une question purement lexicale.
À l'enseigne de «Modes », pendant plus d'un siècle et demi, boutiques
et salons ont coiffé lesfemmes defeutre et depaille, defleurs et de plumes,
en leur apportant, de surcroît, rêve etfantaisie. Avec le mot «modes»,
c'est un artisanat, un art, qui s'effaçait du paysage urbain, et particu-
lièrement, parisien.
De tous les accessoires du costume, le chapeau est celui qui se prête
le plus à l'expression de la personnalité dans son originalité, sa sponta-
néité. Accessible à toutes lesfemmes, il est celui qui a sociologiquement
joué le plus grand rôle : que defolies a-t-il suscitées !
Le bouleversement des années z960 et les nouvelles idées de liberté
vestimentaire ont précipité la défaveur du chapeau : un à un, salons et
boutiques de mode ontfermé leur porte, reléguant la plupart des modistes
à l'arrière-plan du théâtre de la Mode —éviction d'autant plus cruelle
qu'elle succédait à une période de création brillante et deprospérité inouïe.
Heureusement, l'histoire de la mode est cyclique, et le potentiel créa-
tif demeure, le talent s'obstine. On voit aujourd'hui s'épanouir de nouveau
ces «modes» et modistes dont la créativité ne s'est jamais tarie.
Accessoire de tous les rêves d'élégance, le chapeau a encore, n'en doutons
pas, un bel avenir.
Avant-propos 7
Inventaire : les chapeaux de Colette 10

Première partie
•* ■ ,, s . t
t...-' /' ^ i
Les temps héroïques 1780-1790 : Rose Bertin
et la «révolution des marchandes de modes» 12
Le Directoire et l'Empire 1790-1815 :
le chapeau à brides ou capote 15
La Restauration et le début du règne
de Louis-Philippe 1815-1840 18
Le style second Empire 1840-1870.
Le chapeau de visites : la capote ou petit chapeau
fermé à brides 20
1870-1889 : période transitoire où règne
le petit chapeau 28
1890-1899 : fin de siècle 33
1900- 1 913 3 : La Belle Époque,
les beaux jours du grand chapeau 35
Le chapeau «de toujours aller» de 1890 à 191 3 41
1913-1939 : la modernité 42
Les années de guerre 1939-1945 48
Laprès-guerre, jusqu'en 1958 50
Déclin et renaissance : 1958-1999 52

D e u x i c in e p a r t i e

Le rôle social du chapeau 56


La modiste, personnage ambigu 58
Le chapeau et les convenances 62
Le chapeau et la vie mondaine 71
La rivalité entre coiffeurs et modistes 79

T r o i s i è èi-n e p a r t i e

Le métier de modiste : un art éclos à Paris 82


La modiste dans son atelier 94
Paris et ses boutiques de modistes,
prestige des adresses, commerce, publicité,
l'histoire d'un marketing 100
Les fournisseurs 109
Conclusion 138

( / t, ( , ^,
La confection amateur 140
Les chapeaux d'enfants 149
Lexique 151
Dans les romans de Colette, qui se situent
au début du XXe siècle, nombre de chapeaux
sont évoqués avec une précision qui fait
de ces lignes un document au même titre
qu'un dessin de mode ♦♦
< 2 é &

c  a ^ i e a M O }

de y p o l e ^ f e
P r e m i è r e p a r t i e

odchénuviN
apotelasnutcaei

Les t e m p s h é r o ï q u e s

Rose B e r t i n et la « r é v o l u t i o n
des marchandes de modes »

Les élégances des grandes dames du XVIIIe siècle étaient


Rose Bertin entre les mains des « marchandes de modes » qui, entre autres
et l'événement prometteur colifichets, confectionnaient des coiffures de lingerie, de
dentelle, ornées de plumes et de rubans. Le peintre François
Quand le cortège royal s'avance Boucher en a laissé une délicieuse image... Parmi ces faiseuses,
dans la capitale, que le pavé étincelle l'une d'elles se signala, vers 1780, par son inventivité talen-
sous lefer des coursiers que monte tueuse qui révolutionna l'art de la coiffure féminine.
une noble élite deguerriers,
Pour que cette alchimie d'où jaillit une mode révolution-
que tout le monde est auxfenêtres, naire aboutisse, il faut que soient réunies certaines condi-
que tous les regards plongent aufond tions : un talent exceptionnel, une clientèle prestigieuse, un
du char étincelant, la reine, événement.
en passant, lève lesyeux et honore
d'un sourire la marchande de modes. Le talent s'appelle Rose, Rose Bertin, marchande de modes
qui règne sur une trentaine d'ouvrières dans son atelier du
Sa rivale en sèche dejalousie,
Grand Mogol, rue Saint-Honoré, parmi les plumes, les fleurs,
murmure de ses succès, cherche à les
les rubans et les gazes.
rabaisser... Mais la reine est
l'arbitre des modes; son goûtfait loi, La cliente de choix, c'est Marie-Antoinette qui règne sur
et la loi est toujours gracieuse. les grandes dames à Versailles, dans l'élégance et le raffine-
ment.
Sébastien Mercier,
Tableau de Paris, 1782. Lévénement est fortuit : le cortège royal passe, un jour,
rue Saint-Honoré, Rose et son armée d'ouvrières l'observent
depuis le balcon du Grand Mogol. Lincroyable se produit :
Marie-Antoinette adresse un geste protecteur à Rose.

La fortune de Rose est faite, le chapeau féminin va désor-


mais, et pour deux siècles, jouer un rôle éminent dans les
modes et l'élégance féminines.
Qu'en était-il de la coiffure des femmes avant la naissance
du chapeau de mode ?
Précisons que le chapeau existait, le chapeau masculin que
les femmes empruntaient : tricorne, mousquetaire à grand
bord relevé, à plume vaporeuse sur le côté, toque ornée
d'une plume et d'une agrafe de joaillerie appelée
« enseigne », béret à la Henri IV orné d'un panache
blanc ; traditionnel chapeau de paille, enfin, le
chapeau-bergère, pour protéger du soleil.
Il n'était pas question pour les femmes de
sortir « en cheveux » et elles arboraient toutes
sortes de bonnets de lingerie, plus ou moins
luxueux, coiffures souples de gaze, linon,
taffetas, plus ou moins ornées de plumes
Tricorne masculin, et de fleurs, de dentelles et de rubans,
XVIII' siècle :feutre noir frangé œ u v r e s d e l i n g è r e s , c o i f f e u r s , et
de petites plumes blanches.
marchandes de modes. Sous le règne de
D'après la Mode illustrée, 1898.
M a r i e - A n t o i n e t t e , ces « p o u f s » volumineux et extravagants
se voulaient de surcroît p o r t e u r s de messages ; ils célébraient
diverses circonstances : Rose Bertin elle-même imagina le
« p o u f à l ' i n o c u l a t i o n » lorsque le roi se fit vacciner contre la
variole, en 1 7 7 4 ; on fit aussi des poufs « à la Belle Poule» en
l ' h o n n e u r de la frégate qui s'était illustrée lors d ' u n c o m b a t
naval, en 1 7 7 8 (voir Troisième partie) ; des p o u f s « a u parc
anglais » d o n t Sébastien Mercier d o n n e une description tein-
tée d'ironie.

Un précieux témoignage

On a raffolé surtout des bonnets au parc anglais; on a vu sur la tête desfemmes


des moulins à vent, des bosquets, des ruisseaux, des moutons, des bergers et des
bergères, un chasseur dans un taillis. Mais comme ces coiffures ne pouvaient
plus entrer dans un vis-à-vis (voiture), on a créé le ressort qui les élève et les
abaisse...
Indépendamment desfaux cheveux, il entre dans cette coiffure un coussin énorme,
gonflé de crin, une forêt d'épingles longues de sept à huit pouces, et dont les
pointes aiguës reposent sur la peau. Une quantité de poudre et de pommade,
qui admettent dans leur composition des aromates, et qui contractent bientôt
de l'âcreté, irritent les nerfs. La transpiration insensible de la tête est arrêtée, Écho ludique du pouf
et elle ne saurait l'être dans cette partie du corps sans le plus grand danger. «au parc anglais» de 1780 :
Si un fardeau tombait sur cette belle tête, elle risquerait d'être criblée et percée «les Moulins », création Jacques
Pinturier pour le Prix de Diane
par tous ces dards d'acier dont elle est hérissée. Hermès, 7997.
Structure de métal gainé
Sébastien Mercier, Tableau de Paris, 1782.
de velours, ailes de bois peint,
mobiles.
Croquis J. Pinturier.
Il fallut faire du c h e m i n p o u r aboutir au chapeau féminin
de mode, au sens m o d e r n e et strict, celui d ' u n accessoire de
la parure, c o n f e c t i o n n é dans les m a t é r i a u x les p l u s divers,
assorti au costume, variant selon les saisons et les tendances,
et p r é s e n t a n t une h a r m o n i e de bon aloi dans l ' o r n e m e n t a t i o n
ou, parfois, l'extravagance étudiée.

Rose Bertin fournit, l'hiver 1779, « u n chapeau à grande


forme de paille blanche relevée, bordé de ruban noisette, u n
t o u r et un n œ u d de m ê m e n o i s e t t e moucheté, u n panache de
sept belles p l u m e s blanches, de l'aigrette fine au milieu. »
(Langlade, op. cit.). Peut-être est-ce là le premier vrai chapeau
de m o d i s t e : nouveauté de la forme, utilisation de la paille en
hiver, o r n e m e n t s de plumes sur la paille, et sobriété relative.
C e t t e description p o u r r a i t être celle d ' u n chapeau de 1 9 0 0 . . .

À cette même époque, des chapeaux «à la H e n r i I V » rappe-


laient la Renaissance et cette vogue dura plusieurs années. Il
s'agissait de « p e t i t s chapeaux en velours relevés sur le devant
avec u n e ganse en d i a m a n t ou en perle, s u r m o n t é s de plumes
blanches» (Langlade, op. cit

U n p e u p l u s tard, en 1 7 8 4 , R o s e p r o p o s a i t « u n p e t i t
chapeau de bohémien, troussé dans une perfection rare, sur
u n m o d è l e d o n n é par une jeune dame de ce pays, d o n t t o u t
Paris raffolait. Le chapeau avait une aigrette et de la passe-
m e n t e r i e c o m m e le S t e i n k e r q u e de nos pères ; il avait une
t o u r n u r e t o u t à fait particulière et originale. » Le Steinkerque
e s t v r a i s e m b l a b l e m e n t le t r i c o r n e , a p p a r u à la f i n d u
XVIIe siècle, et qui d o i t ici son n o m à la bataille de 1692.

U n e des plus fameuses créations de Rose fut le « chapeau


Lamballe» : « Un tableau des galeries de Versailles peut donner
une idée de ce q u ' é t a i t la m o d e à cette époque. Il représente
Mme de Lamballe, une des clientes attitrées de Rose Bertin... :
la coiffure de Mme de Lamballe dans ce tableau se compose
d ' u n chapeau de paille recouvert de gaze blanche et orné d'une
c o u r o n n e de fl e u r s f o r m é e de r o s e s , de m y o s o t i s et de
j a s m i n . . . » (Langlade, op. cit.).

Le n o m de «chapeau Lamballe» a été donné, vers 1865, à de


petits chapeaux plats bordés de grelots de cristal, et vers 1900,
à de grandes capelines rondes, ornées de fleurs, de voile et,
Chapeau à calotte haute, long
voile dega^e, 20 octobre 1787, parfois de grelots de cristal. La variété dans les créations, dans
l ' i n s p i r a t i o n (qui puise ses sources dans l'histoire, et dans
l'exotisme), la perfection de l'exécution, la qualité des matières
p r e m i è r e s (la p a i l l e u t i l i s é e e s t « f i n e » , le f e u t r e est d u
« castor ») f o n t de Rose Bertin la grande modiste, la première.
Une mode est née. Et, au début du Xixe siècle la
«marchande de modes» deviendra la «modiste», spécialisée
dans la confection des chapeaux uniquement.
Les tendances se succèdent, éternels caprices de la mode :
de 1780 à 1785, l'adoption de coiffures basses consécutive
à une chute de cheveux de la reine, amène la vogue de chapeaux
de paille à calotte basse, à larges bords ornés de rubans rayés
« à la Malborough ». En 1787, les calottes remontent et pren-
nent la forme d'un haut cylindre pour le chapeau de campagne,
en paille d'Italie, orné de coques de ruban de soie, ainsi que
pour le chapeau «à la Tarare », surmonté de cinq grosses plumes
blanches, « à la Théodore », en gaze blanche et satin bleu ciel,
«à la Gainsborough », en feutre orné d'un grand panache sur
le bord relevé.
Le « chapeau-bonnette » en étoffe unie, à passe immense,
orné de deux gros nœuds se porte sur un bonnet de lingerie ;
le « casque à la Bellone » présente une calotte souple géante,
en satin bleu par exemple, et une visière de satin jaune, et
Chapeau à la Malborough,
s'orne de cinq plumes, et quelles plumes ! entouré d'un ruban large,
Le chapeau résista aux bouleversements révolutionnaires rayé noir et de couleur.
Galerie des modes
et prit des formes de plus en plus variées, qu'arboraient les
et costumesfrançais, 1782,
bourgeoises, les femmes du peuple restant fidèles au bonnet. John Grand-Carteret,
Les modèles révolutionnaires ont un charme provocateur, Les élégances de la toilette.
Chapeau «à la triomphe », de plantés au sommet de la tête, la calotte haute, en
taffetas blanc, follettes blanches; tronc de cône étroit, garnis de plumes élancées, de
avec aigrette de plumes grises ; rubans et de cocardes, comme ce chapeau « à la jardi-
banderole de reines-marguerites ; nière » avec ruban bleu ciel et cocarde surmontée de
sous le chapeau, bonnet de linon.
Journal de la Mode et follettes (plumes) blanches.
du goût, octobre 1791, Il y avait eu le pouf « à la Victoire » : il y aurait
J. Grand-Carteret, op. cit. le chapeau « à la Triomphe », de taffetas blanc, orné
de follettes blanches avec aigrette de plumes grises
et banderole de reines-marguerites, par exemple !

Le D i r e c t o i r e
et l ' E m p i r e
Chapeau de paille d'Italie,
Le chapeau à brides ou capote ruban en coques et brides
Au lendemain de la Révolution française, la mode s'ins- de soie rayée mauve et jaune,
pire de l'Antiquité et les cheveux se portent très courts. Cela vers 1785 - iy88.
favorise dès le Directoire la vogue de petites formes très
emboîtantes et à brides : le «chapeau-casque» à visière, orné
de plumes, auquel on donne les noms les plus fantaisistes,
«à la Vénus», «à l'esclavage», «à la créole», ou encore «au
zéphir », peut-être à cause de sa plume blanche en saule
pleureur; le «chapeau au ballon », en paille jaune et étoffe
rose, qui se distingue par sa calotte sphérique, la « cornette »
bonnet rond à brides en forme de jugulaire, la toque, sans
bord, la capote qui avance légèrement au-dessus du front, le
turban drapé de forme ronde.
De toutes ces coiffures, la gamme est finalement
très variée : en 1799, une nouvelle forme, «le chapeau-
courrier », à visière agrandie, annonce le «chapeau-
jockey» immortalisé sur la tête de la Merveilleuse de
Carle Vernet.

Une rivalité oppose, la même année, sur toques et


turbans, les aigrettes verticales, ou «esprits» et les
plumes tombantes : une nouvelle tendance fait bien-
tôt disparaître les deux.
À partir de 1804, et jusqu'en 1807, les formes
horizontales dominent. On fait des capotes baleinées
qui engloutissent le visage : ce sont les « invisibles »
qui f o n t la joie des humoristes. C e p e n d a n t les
chapeaux du premier Empire sont très variés : petites
formes très emboîtantes à bords retroussés devant,
«casques antiques », toques très rondes avec ou sans
brides, et chapeaux-turbans dits « Terre d'Égypte» ou
« à la Mameluck » avec grand voile tombant, dont le
nom est lié à l'actualité et au goût de l'exotisme suscité
par la campagne d'Égypte. Puis, les calottes s'élèvent
et deviennent très hautes en 1814, tantôt cylindriques,
tantôt tronconiques à la façon du shako militaire ; les
passes sont courtes ou allongées, parfois larges et
rabattues sur les joues «à la Paméla» ; ce «chapeau à
la Paméla» réapparaîtra vers 1845, sensiblement
modifié.
Chapeau au ballon, orné d'un Pour la confection de toutes ces coiffures, on utilise des
«esprit» d'après Racinet.
étoffes de soie souvent coulissées : le velours épinglé ou plein,
la peluche (ou pluche), la gaze, le gros de Naples, le taffetas,
le reps, le crêpe, la percale, dans des couleurs pâles — rose,
bleu, vert d'eau —ou très vives, rouge cerise par exemple —,
ainsi que la paille d'Italie et le feutre. Les capotes à fond
d'étoffe et passe de paille ne sont pas rares. Plumes, fleurs, Chapeau à la Paméla : les roses
du chapeau sont roses et thé.
rubans, parfois une queue d ' h e r m i n e , c o n s t i t u e n t
Costume parisien, 1814,
l'ornementation.
J. Grand-Carteret, op. cit.
Il convient d'ajouter à ces gracieuses formes l'austère
chapeau «à la Prussienne », sorte de haut-de-forme garni d'une
aigrette en plumes de coq, et le chapeau «à la Russe », toque
ronde et plate. Tous deux traduisent une influence militaire,
vers 1814.

La mode n'oublie pas l'histoire.


Les invisibles
Le Bon genre, 1806,
document musée de la Mode et du textile. Paris.

Chapeaux de paillefoncée avecfleurs aux couleurs Chapeaux à calotte ronde


vives, et rubans de même. Costume parisien, et petits bords retroussés.
1814, J. Grand-Carteret, op. cit. Mode, 180g, Gravure d'époque.
La Restauration et le début
du règne de Louis-Philippe

Les chapeaux de l'époque de la Restauration, et jusqu'en


1840, se caractérisent par un volume accru, plus de hardiesse
et de fantaisie dans les proportions et l'ornementation.
Dans un premier temps, dès 1815, la passe des capotes
s'évase raisonnablement autour du visage pour laisser place
Chapeau de crêpe orné d'une
couronne de rubans découpés. aux cheveux plus longs et bouclés. Les brides s'imposent sauf
Le Costume parisien, 1821. pour quelques toques et chapeaux ronds à bord relevé sur le
côté et ornés d'une plume d'autruche touffue.
La capote suscite pourtant encore bien des critiques et
soupçons, si l'on en croit ces quelques lignes de la revue Le
Bon Genre : « Les capotes ont évidemment été inventées par
des coquettes peu jolies qui ont voulu exciter la
curiosité des hommes et leur tenir une
m y s t i f i c a t i o n t o u t e p r ê t e ; ou p a r de
jolies a m o u r e u s e s q u i o n t v o u l u se
m é n a g e r des p r o m e n a d e s d i s c r è t e s ,
des tête à tête g a l a n t s . . . » P i t o n — Le
C o s t u m e civil en France d u XIIIe au
XVIIIe siècle. Flammarion.

1822 marque la disgrâce du chapeau


emboîtant, la capote. On lui préfère maintenant
un chapeau à bords ondulés, dont le volume s'ac-
croît peu à peu pour atteindre son envergure maximum
vers 1827 : calotte haute et cylindrique, larges bords lais-
sant apparaître les boucles de la coiffure, garniture de coques
de ruban, de branches où se perche un passereau, de fleurs, de
plumes en panaches, tout cela donne à la silhouette une allure
«enlevée» qu'accentue le port en biais du chapeau. Les
brides de ruban, souvent écossais, ne rabattent plus
la passe : elles flottent en pans continus ou divisés. Chapeau de gros de Naples, orné
de rubans de gaze et de satin.
Pourtant, certaines formes de la fin de la décen- Des magasins de la Belle
A n g l a i s e . R u e de l a P a i x n ° 2 0 .
nie, à passe en auréole, rabattue au bas des joues, annon-
Petit courrier des dames,
cent le retour de la capote. n° 499, vers 1827.
Parallèlement à ces formes classiques, le romantisme
insuffle à la mode son goût du passé et de l'exotisme, et
l'on voit des bérets é v o q u a n t la Renaissance, des « chapeaux
Chapeau de satin crème,
b é a r n a i s » au s o m p t u e u x p a n a c h e d ' a u t r u c h e b l a n c h e ,
à haute calotte cylindrique
H e n r i IV: François Ier, et des t u r b a n s o r i e n t a u x r i c h e m e n t
et large passe doublée de rubans
froncés pourpres. Brides de satin. drapés, aux c o u l e u r s vives — s o u v e n t œuvres de c o i f f e u r s
Fleurs pourpres, vers 1830. (voir Deuxièmepartie).
Leffet du mélodrame.
Louis Léopold Boilly, vers lôjo,
musée Lambinet Versailles. Un ornement particulier, en faveur pendant
On peut observer, à gauche, la Restauration, le « chef de pièce »
un chapeau à haute calotte
et large passe, à droite, On nommechefdepièce les marques spéciales que l'on metaux deux extrémités
une coiffure drapée, proche d'une pièce de marchandise tissée, blanchie, apprêtée, teinte ou imprimée. Une
du turban.
pièce sans ses chefs n'est plus unepièce entière. Dans lespièces de coton écru, de
toutgenre, on tisse, à une extrémité, une bandefine quiforme le chefintérieur :
la bande extérieure qui estlevrai chefdepièce, estbeaucoupplus large, quelquefois
unicolore, souvent multicolore. Cette bande constitue une véritable marque de
fabrique. Dans les tissus à teindre, laine, cachemire, croisés etc., le chefest brodé
soit en coton soit en unefibre autre que celle de la piècepour que la teinture ne
prenne que difficilement. Les tissus blancs ou apprêtés ont un chefimprimé ou
brodé, ou impriméet brodé. Certaines decesbroderiesfaites aufil d'or aupoint
dechaînette, commecelles desmadapolams, etc., coûtent, relativement à la valeur
de la marchandise, assezcher. On construit aussi des machines spéciales, au
moyendesquelles onpeut dorer ou argenter les chefsdepièce. Les tissus imprimés
ont, pour lafabrication et la vente, un chefimprimé attestant pour le vendeur
et l'acheteur la qualité de la marchandise, la provenance et la quantité spécifiée
par l'étiquette ou la vignette.
Dictionnaire de l'industrie et des arts industriels, 1883-
Au début du règne de Louis-Philippe, on rabat de nouveau
la passe baleinée et souvent de forme ovale dans des « capotes-
cabriolets » dont la calotte affecte la forme d'un tronc de cône
plutôt étroit : des fleurs dessous, des plumes ou des coques
de ruban dessus, constituent la garniture. Sur la nuque, prend
place un volant froncé, le bavolet, promis à un bel avenir.
Au printemps 1836, aux courses de Chantilly, on pouvait
observer, près des dandys du Jockey-Club, de jeunes visages
«s'encadrant dans des chapeaux de paille de riz ou d'Italie»,
et la revue élégante Le Bon Ton précise : «C'est la grande
mode, on n'en porte point d'autres, et certains valent 600 ou
800 francs. Les passes en sont évasées, doublées de soie ou
de crêpe de couleur... On pose sur le chapeau des plumes
longues et panachées : c'est ce qu'il y a de plus élégant pour
aller en voiture. Mais on y met encore des rubans, des oiseaux
de paradis, des marabouts, des fleurs, des feuillages et surtout
des épis de maïs. Et qu'on ne croie pas que ce riche épi charge
le moins du monde un chapeau de paille d'Italie : Mayer a
trouvé le moyen de reproduire le maïs avec autant de délica-
tesse que de légèreté ». In Les Dandys, J. Boulenger, Calman-
Capote-cabriolet à petite calotte
Lévy (voir Troisième partie). tronconique et passe rabattue.
Ainsi se confirme le retour du chapeau « fermé », de la véri- Dessin gouache,
Schiffer Habriel,
table capote qui s'impose dès 1840 et pour plus de vingt ans,
Lith. de Gihaut frères,
retour pompeusement annoncé par le Journal des Demoiselles : vers 1833.
«Une révolution se prépare sans doute dans nos modes, car
la passe des chapeaux, qui, formant une auréole, laissait place
Béret de velours orné d'aigrettes
et de chefs d'or. Des magasins pour les cheveux à l'anglaise ou les tresses à la reine Berthe,
de Mme Mure. Petit courrier eh bien, la passe des chapeaux se resserre maintenant au point
des dames, vers 1827. qu'il y reste à peine de la place pour la figure... »
Révolution qui amène des formes moins enlevées, plus
sages, plus bourgeoises qui caractérisent le style Louis-Philippe
dans l'ensemble du costume.

L e style second Empire.


Le chapeau de visites

La c a p o t e ou p e t i t c h a p e a u
fermé à brides

Vers 1840, la coiffure à la mode, chignon en arrière et


bandeaux ou boucles «à l'anglaise», est enfermée dans une
capote de dimensions relativement réduites, qui justifie l'em-
ploi du mot « bibi » par les chroniqueuses de l'époque.
Ainsi conçue, la capote constitue la coiffure de bon ton
qui garantit infailliblement le « cachet de comme il faut » cher
à la bourgeoise élégante, en crinoline volumineuse, jusque
dans les dernières années du second Empire.
Ce sont des modifications de détails, en particulier passe
plus ou moins inclinée, plus ou moins évasée, qui caractéri-
sent telle ou telle période.
Au début des années 1840, ces chapeaux à passe hori-
zontale, sont très longs sur les joues; ils se font en tissu
coulissé ou tendu sur fil de laiton, diverses soieries et gazes,
tulle, et paille; ils s'ornent de fleurs, de plumes-saules
tombantes ou de plumes vaporeuses, de choux de ruban placés
sur la passe que l'on recouvre souvent d'un voile de dentelle
blanc ou noir. Sur la nuque s'impose maintenant le bavolet.
Des brides de ruban, d'abord étroites, se nouent sous le
menton. Le Journal des Femmes, en 1847, cite la
modiste Marie Seguin qui présente dans sa boutique
des chapeaux «en paille imitant la dentelle... Capote de reps gris coulissé,
ornée d'un gros nœud de gaze
doublés de taffetas. Il y en a en noir et en blanc.
pékinée et de plumes d'autruche,
J'en ai vu d'autres en étoffe, de forme un peu vers iSjO.
évasée, avec des coulisses très petites, faites en
triangle. Quelques-uns étaient en tulle blanc.
Mme Seguin aura la première tous ces nouveaux
modèles ; cela lui assurera une vogue immense. »
Vers 1845, apparaît une variante dite «à la Paméla» :
la passe s'arrondit au bas des joues, s'évase pour laisser la
place aux touffes bouclées de cheveux, ou, à défaut, à des
nœuds de velours ou des fleurs, et continue derrière
pour remplacer le bavolet. Ce chapeau se fait surtout
en paille. Cette mode dure peu. Dès 1847, on considère
que les chapeaux à la Paméla sont démodés car trop courts
sur les joues (voir Annexes).
Émile Zola a été, semble-t-il,
Vers 1850, la passe s'évase légèrement et permet ainsi
sensible au charme discret
de disposer, en dessous, des garnitures de rubans ou de
du bavolet :
fleurs, ou un « tour de tête » constitué de coques de rubans,
Capote degaZ!froncée montée «La jolie Mme Bouchard l'écoutait,
sur une armature de laiton,
et parfois de blonde (dentelle de soie) ; les plumes sont
ornée d'un bouquet de myosotis. toujours placées dessus. Le bavolet devient alors plus impor- la tête basse, pelotonnée, montrant
Les boucles «anglaises» postiches, tant et les brides plus larges. son cou délicat sous le bavolet
fixées à l'intérieur, sont d'origine, de son chapeau rose... »
vers 1843. Cette tendance s'accentue à partir de 1854 : la passe, très
inclinée maintenant, dégage le front et le haut du crâne. Le Vers 1845, Zola,
Son excellence Eugène Rougon.
fond du chapeau est parfois escamoté, on parle de «fond
fuyant » ou constitué d'un morceau d'étoffe souvent plissé qui
surmonte le bavolet et forme un «fond mou » ; celui-ci recueille
les suffrages des spécialistes qui « savent leur donner la grâce
et les ornements nécessaires ». Le chapeau est dit «à la Marie
Stuart» lorsque la passe s'avance en pointe sur le front.
Capote de satin coulisségarnie Le m o u v e m e n t s'accélère de 1 8 6 2 à 1 8 6 4 : la passe s'élève Chapeau de velours épinglé blanc,
de ruban comète en velours noir àfond moufuyant, passe à la
alors fort au-dessus de la tête a b r i t a n t une garniture d ' a u t a n t
et de dentelle noire. Large bavolet. Marie Stuart, bordée de blonde;
Brides de satin, vers 1855. plus riche en fleurs, dentelles. Les brides s'élargissent encore, nœud de ruban de soie blanche,
le bavolet p r e n d une ampleur accrue. assorti aux brides, vers 1860.
Les « fonds mous » subsistent et les grands faiseurs riva-
lisent d'imagination pour les agrémenter.
Q u e l s étaient les matériaux utilisés p o u r confec-
t i o n n e r ces délicates coiffures ? D ' a b o r d la paille :
paille de riz, paille d'Italie, paille large dite « q u i n z e
b o u t s », paille lisse vendue au mètre, aussi souple
q u ' u n e étoffe, crin enfin. O n mélange ces matériaux
à t o u t e s sortes de tissus légers, crêpe, tulle, taffe-
tas o u velours, d o n t o n fait les f o n d s m o u s , les
brides ou les passes coulissées. O n fait aussi des
capotes t o u t en velours, velours épinglé, ou dans
des é t o f f e s p l u s légères g é n é r a l e m e n t coulissées,
taffetas, gros de Naples, gaze ou barège bouillonnées.
Ces chapeaux s'ornent de blonde (dentelle de soie), de
plumes, de fleurs de velours ou de mousseline : lilas,
roses, marguerites, boutons d'or, herbes, lierre, pensées et
violettes, placés sur la passe. Le bavolet s'assortit à la
garniture et aux brides.

Capote de paille cousue, garnie de ruban


de soie; le bavolet en soie écrue est bordé
d'un fin galon tressé de paille, vers 1854.
Barège, gros de Naples, velours é p i n g l e . . .

GaZ!, taffetas, velours sont des textiles aujourd'hui connus de tous sans pour
autant être couramment utilisés. Pendant le second Empire, ces tissus étaient
BARÈGE
les matières privilégiées dans les modes, mais souvent avec quelques variantes,
notamment dans la structure du tissage, ce qu'on appelle l'armure; ainsi la
gaze devenait barège, le taffetas, gros de Naples, reps, et le velours, velours
GAZE DROITE
épinglé, peluche (ou pluche). Voici quelques éclaircissements d'après le Traité
de la fabrication des étoffes de soie : des armuresfondamentales, de A. Dufour,
Profil Lyon, 1855,

La gaze et la barège

La gaze droite a pour caractéristique d'être transparente, effet qui s'obtient par
l'emploi d'une soie appropriée —soie grège ressortant de vers à soie de première
Face comparative race et defilature de premier ordre —qui donne un tissu extrêmement fin. GROS DE NAPLES
La barège est transparente comme la gaze mais le croisement desfils s'opère de
façon différente et donne lieu à des sinuosités égales defils de chaîne et de trame;
TAFFETAS
ainsi le long de l'étoffe se produit un effet de fils tressés. La barège est aussi Profil
transparente que la gaze mais plus solide.

Le taffetas, le gros de Naples, et le reps

Le taffetas est une étoffe de soie dont la chaîne est à fil simple et la trame à un
Chaîne
ou deux bouts; la surface du tissu est plane. On dit, pour exprimer la bonne Face comparative
qualité d'un taffetas qu'«ilfait bien la peau».
Le gros de Naples diffère du taffetas en ce que lesfils de chaîne sont doubles ou
triples, et lesfils de trame à trois ou quatre brins, donc les points de liages sont Schémas représentant,
face et profil, les étoffes citées.
plus saillants et des lignes transversales en relief apparaissent dans l'étoffe. Ce Traité de la fabrication
tissu est plus épais que le taffetas et son maniement est doux; il a un brillant des étoffes de soie.
que l'on nomme «brillant grené» et un éclat mat. A. Dufour, Lyon, 1855.
Proche du gros de Naples, le poult-de-soie présente une côteformée par la trame
de cinq à douze brins, appelée «gros-grain », et un éclat scintillant, Le poult-
de-soie estfréquemment utilisé à la même époque.
Le reps est une sorte de taffetas présentant defines côtes, à éclat miroitant ou
scintillant.
Chapeau de paille cousue orné 1865 est un tournant dans l'évolution de la capote : elle Chapeau de paille blanche,
de dentelle « Chantilly » noire, et dit «Lamhalle », orné tout
se réduit considérablement et perd progressivement son bavo-
defleurs. Le bavolet est remplacé autour de myosotis et degrelots
par une dentelle. Brides let, ce qui choque plus d'une journaliste de mode : «Le
de cristal; larges brides
de taffetas, vers 1865, chapeau, gémissent-elles, n'existe plus qu'à l'état de fanchon ; de taffetas, vers 1867-
sa forme est celle d'un triangle dont la pointe repose sur le
chignon attaché sur la nuque ; les dentelles, les fleurs, les
plumes même, tout se donne rendez-vous à cette place déser-
tée par le bavolet. »
1867 : le chapeau se réduit encore, et ne coiffe que le
sommet de la tête, même s'il conserve parfois un simulacre
de bavolet.

Ce chapeau fait en crin, paille ou tissu bouillonné, se garnit


avec raffinement d'agréments de paille, de grelots de cristal
et des ornements classiques dont dispose la modiste. C'est
le chapeau des «Femmes au jardin» de Monet, I867 (musée
d'Orsay).
Nouvel avatar de la capote dans les dernières années du
second Empire : elle s'amenuise en un petit plateau, placé au
Chapeau « capotefanchon» sommet de la tête et calé sur le chignon, bordé de dentelle et
en paille de riz écrue, bordé d'une
muni de brides, en tissu ou dentelle, souvent jointes par un
grecque de velours noir à motifs
d'acier; sur lefond nœud de nœud fixe. Cette capote tient plutôt du «chapeau rond» qui
taffetas rose à longs pans et rose prédominera désormais.
rose et avoine noire ; dessous,
mêmesfleurs. Mme Aubert,
6 rue Neuve-des-Mathurins,
Paris, Mode illustrée, 1863.
Transcription de la f a c t u r e
de modiste (1859) ci-contre.
Doit Madame Julien à Viale Sœurs
dessous de chapeau IF25
1 chapeau blanchi IF
dessous de chapeau 2F50
doublure de bavolet 40c
doublure de chapeau 75c
façon de chapeau 1F
forme et façon de chapeau 2F
dessous de chapeau IF75
pour quittance Viale Sœurs
total: IOF65
payé le 4 juillet 1859

Le velours, le velours épinglé et la peluche

Le velours est une étoffe dont la surface est recouverte d'un poil court et serré
qui cache plus ou moins complètement un tissu continu qui lui sert defond.
Lesfils de poil sont levés à l'aide d'une petite tringle defer ou de laiton, lesfils
defond restent baissés. Unefois la tringle retirée, les petites boucles restent : si
on coupe ces boucles, au sommet dufer, on obtient le velours ordinaire ou velours
coupé. Si on garde ces boucles, on obtient le velours frisé ou velours épinglé,
dont l'éclat est mi-scintillant.
La peluche ou pluche est une sorte de velours qui comporte sur le tissu un poil
relevé par unfer, coupé ou non coupé, mais cepoil, au lieu de se tenir dans une
position perpendiculaire à l'étoffe se couche sur la surface et lui donne un aspect
tout àfait distinct et très brillant, imitant la fourrure.

VELOURS COUPÉ

Chapeaux àfond de paille, Profil


ornés de dentelle. Laforme ovoïde du
chapeau sans brides, en haut à VELOURS FRISÉ RAS
droite, annonce les «chapeaux ronds»
typiques de 1869.
Mode illustrée, 1868.

Profil
Le c h a p e a u rond

Par opposition à la capote ou chapeau fermé qui encadre


le visage, on appelle « chapeau rond » le chapeau posé sur la
tête et sans brides.
La nouveauté des années 1868-1869, c'est justement le
petit « chapeau rond », de forme ovale, à calotte basse ;
ses dimensions sont approximativement de
22 cm en longueur et 18 en largeur ; il se fait
en paille, en tissu tendu sur sparterie, en
fourrure même, et se garnit de fleurs, de
valenciennes tuyautée, de ruban se
nouant et formant de longs pans à
l'arrière à la « s u i v e z - m o i , j e u n e
homme », comme dans l'aquarelle
de Boudin, « La D a m e en bleu »
(musée d'Orsay).
Ce chapeau se porte en avant sur le
front, calé derrière sur un lourd chignon, et
« coiffe surtout le front et le nez » proteste une
chroniqueuse de la Mode illustrée.
La Mode illustrée est alors, avec le Journal des Demoiselles,
l'évangile de la bourgeoise, qui s'en remet à sa rédactrice
pour juger du bon ton et de la distinction d'une tenue.
En 1864, un chapeau plat et ovoïde, à visière,
appelé parfois «casquette Windsor », assez peu gracieux,
fait une apparition qui suscite peu d'enthousiasme :
«Chapeau rond» en paille
cousue. La passe, très étroite est « Le nouveau chapeau ou casquette —j'ignore le nom qui
ornée d'une valenciennes tuyautée p e u t lui convenir — est b e a u c o u p plus large d u h a u t que de
et de fleurs de velours, 1869. la base et avance sur le devant ; q u a n t aux bords, très petits,
ils s o n t relevés sur les côtés, t o m b a n t presque devant sur le
f r o n t et en p o i n t e derrière la t ê t e ; c o m m e je vous le disais,
t o u t ridicule qu'il paraisse, je ne puis affirmer qu'il ne tiendra
pas u n jour sa place dans les succès de l'année et p e u t - ê t r e
m ê m e u n e place fort distinguée ». Mode illustrée, 1 8 6 4 . C e t t e
casquette apparaît rarement, si ce n'est dans quelques toilettes
d amazone.

O n p e u t m e n t i o n n e r ici, p o u r le soir, l'Opéra, le chapeau


dit « p e t i t - b o r d » , à très petite passe relevée, qui se pose au
s o m m e t de la tête ; le p e t i t - b o r d se fait en velours et dentelle
et se garnit de plumes. Sa vogue se situe au d é b u t des années
1 8 4 0 . Le s e c o n d E m p i r e lui préfère, p o u r de s e m b l a b l e s
occasions, des «coiffures», « p e t i t s nuages de dentelle ornés
de fleurs » et de chenille, auxquels on ne p e u t d o n n e r le n o m
de chapeaux.
Les g r a n d s c h a p e a u x

« Baptiste, où est Madame ?


—Là-bas, Monsieur sous son chapeau. »
Telle est la légende d'une caricature de 18 57 (in Les Mœurs
et la caricature en France, J. Grand-Carteret). Elle nous rappelle
que les grands chapeaux n'ont pas disparu de la garde-robe
féminine du second Empire.
La capeline de paille, le « chapeau bergère », hérité d'un
lointain passé, rajeuni au gré des modes, perdure pour la
promenade à la campagne. Le diamètre de sa passe peut
atteindre 40 cm.
Grand chapeau de dentelle define
paille, vers 1830-1860. Une variante consiste à le garnir d'une «jardinière» de
fleurs des champs sur les côtés. On utilise également des orne-
ments de paille ou de crin : cordelières, résilles, glands, franges,
qui excluent tout autre ornement.
Ce chapeau peut parfois être assez élégant pour être porté
ailleurs qu'aux champs, selon le discours même d'une chro-
niqueuse : ainsi du grand «Louis XIII », porté en avant, «contre
lequel on s'était généralement prononcé au commencement
de l'été mais qui cependant avait été adopté par les femmes
les plus élégantes et du meilleur goût, non à Paris mais à la
campagne et aux eaux ». Citons encore, pour le même
usage, le «chapeau-batelière», en paille guipure, cein-
turé de velours noir tombant en longs pans derrière.
Le chapeau de paille se fait parfois « demi-Paméla »,
alliant l'envergure de la capeline et le mouvement arrondi
de la passe rappelant le Paméla : celle-ci, baissée derrière
et devant, permet de placer des fleurs près de l'oreille. Chapeau de Nice.
Journal des Demoiselles,
En 1845, sous le nom de «chapeau de Nice », «le
1845.
seul qui abrite du soleil et pour lequel M. André Legras
a obtenu un brevet d'invention », le chapeau-bergère est
en cône évasé. L o r n e m e n t a t i o n est fort simple : le p a t r o n
d o n n é par le J o u r n a l des Demoiselles r e c o m m a n d e de le
border de velours noir, de l'orner de six petites croix
de velours pareil et de poser sous le fond un rond de
taffetas noir.
Au temps de l'impératrice Eugénie,
on préfère moins de rusticité : le
chapeau, dit «Impératrice», se fait
Calèche deflanelle noire, en paille fine, assez petit, à bords légèrement retournés, gansés
à passe très inclinée, doublée d'un petit rouleau de taffetas noir et parfois, d'une dentelle
de soie écossaise, larges brides
noire ; il s'orne, au milieu du devant, d'un petit nœud noir.
de ruban, vers 1864. Griffe :
Teisset Grasbaum & Fils, Pour le jardin, on porte des « calèches » d'étoffe baleinée,
Clermont-Ferrand. joli souvenir du XVIIIe siècle, qui perdurera jusqu'à la fin du
XIXe siècle; il s'agit d ' u n e capote assez volumineuse, à passe
horizontale, ou inclinée, suivant les mêmes tendances que
la capote, m u n i e d ' u n large bavolet, p o u r protéger le
cou. La percale, la batiste, le linon, unis ou à fleurs,
s o n t les matières privilégiées, l'été. Plus rare en
hiver, la calèche se fait en tissu noir, satin, flanelle,
doublé de satin clair ou d'étoffe écossaise.

Parmi les formes p l u t ô t grandes, le « chapeau


amazone » est destiné à la p r o m e n a d e à cheval o u à
la chasse : c'est le haut-de-forme ou un chapeau à
calotte haute et large bord plus ou moins retroussé sur les
côtés à la manière du bolivar. Pour gagner à ces formes mascu-
lines une coquetterie sobre mais féminine, on leur adjoint
une grande plume d'autruche dite «amazone», un voile ou
une draperie de tulle.
Ce haut-de-forme rivalise à son avantage aux yeux des
chroniqueuses de mode qui le jugent plus «distingué» avec
Chapeau amazone en velours le tricorne, souvenir de l'Ancien Régime.
noir orné d'un motif de strass.
lôjo-lèjo.

1870-1889 :
période transitoire
où règne le petit chapeau
La crinoline a vécu : elle est remplacée par u n e
tournure qui cantonne le volume à l'arrière, et la
jupe est devenue si étroite, le corsage si étriqué,
que la femme élégante, nous dit une chroni-
queuse, «doit mettre sa très petite capote et
sa voilette avant d'avoir mis son corsage ».
Le chapeau est maintenant ramassé, compact,
adapté aux coiffures à chignon haut ou au
contraire très bas sur la nuque. Lexiguïté est
de mise même dans les formes habituellement
grandes, le chapeau amazone, le chapeau de
promenade à la campagne. La calotte retrouve un
peu de hauteur et l'ensemble de la coiffure dispa-
raît souvent sous les fleurs, les fruits, les feuillages,
les plumes et les dentelles : « Les chapeaux ronds se divi-
sent en deux catégories : ceux qui se placent sur le front et
vont surtout bien aux figures étroites, et ceux qui se mettent
Niniche orné defleurs et de ruban
un peu en arrière. Ces derniers ont d'assez larges bords, sont de teinte claire. La forme de
souvent retroussés d'un côté et s'ornent de longues plumes. » panier renversé est évidente.
Journal des Demoiselles, 1877. Photographie ancienne, vers 1875.
La « Revue du grand monde », le Moniteur de la mode, résume
la situation avec humour :
U n e silhouette fin de siècle
« Ce qu'il y a de mieux porté, c'est un chignon d'un demi-
mètre de haut et un chapeau de 25 centimètres. Ce chapeau déjà démodée, celle de Mille Lenoir,
est une espèce de petite galette de dentelle, couronnée d'un dans Les Pincengrain
petit macaron en satin. C'est très joli et ça ne coûte pas plus de Marcel Jouhandeau... qui a
cher qu'un quartier de terre dans les Basses-Alpes. »
observé le chapeau d'un œil précis.
Les brides se font en faille, tulle, mais beaucoup de «Madame Lenoir apparaît sous
chapeaux sont sans brides ou munis de barbes de dentelle sa petite capote la plus touchante
flottantes.
de discrétion et de sottise aimable,
Parmi ces formes, la plus séduisante est sans doute le à brides de ruban de soie,
«nmiche», illustré par les peintres James Tissot et surtout une aigrette de jais piquée et
Édouard Manet qui en a laissé une inoubliable silhouette dans
breloquante dans un chou de gaze,
le tableau «Sur la plage», 1873, (musée d'Orsay) : en paille
Chapeau de paille anglaise bordée là-haut, pour auréole, avec trois
de dentelle noire. Nœud et pans
naturelle, le niniche prend la forme d'un panier ovoïde renversé
fraises bourgeoises, comme
de velours noir. Roses et myosotis. et se noue sur la nuque par un ruban de velours noir qui traverse
le dessus de la calotte : il est entouré d'un voile blanc. On retrouve en goguette près de l'oreille. »
Mode illustrée, 1874,
le même chapeau dans « En bateau», 1874, (MET - New York)
et, une interprétation plus sévère, en paille noire et ruban noir,
dans «Le Chemin de fer», 1873, (coll. part. New York).

Chapeaux de paille garnis


de ruban et defleurs. Le modèle
du centre est une capote àfond
chiffonné, en tissu, dentelle
et passe de paille.
Modes de Mme Léoplold,
160 rue du Temple, Paris.
Journal des Demoiselles,
1877.
Vers 1880, la capote adopte une forme de béguin
emboîtant le crâne et dégageant le chignon assez
bas, généralement sans bavolet.
Parallèlement, on porte un chapeau rond
à passe de largeur moyenne, souvent
ondulée ; le chapeau « Directoire » à
passe évasée, légèrement ondulée et
doublée de velours ou de tulle, ou le
« demi-Directoire » à fond plat et bord
évasé un peu large, relevé derrière. Ces
formes rappellent en effet un chapeau
de 1801 dit chapeau « à la Babet », à fond
plat, calotte mi-haute et bride traversant le
dessus de la calotte et rabattant une passe de
Chapeau en paille anglaise doublé
largeur moyenne sur les joues. Le demi-Directoire de surah mauve ; couronne de
de 1880 est porté sans bride. violettes et demi-couronne de
mêmesjleurs, derrière, sous la
A partir de 1885, le chapeau prend de la hauteur, passe. A gauche, bouquet de trois
tout en restant petit et étroit : les capotes s'ame- plumes mauves. Brides de surah
nuisent pour emboîter un chignon perché sur le mauve. Mode illustrée, 1880.
sommet du crâne ; elles reçoivent, juchés tout La forme de ce chapeau est proche
du « demi-Directoire ».
là-haut, les ornements les plus divers qui poin-
tent vers le ciel : aigrettes, plumes, fleurs, perles
et pastilles de jais,
herbes folles, et
« crêtes » de r u b a n

parfois d'un rouge


vif agressif Les brides
Capote-béguin de paille noire;
passe constituée d'une engrelure peuvent être larges ou étroites,
de paille à travers laquelle est parfois en jugulaire. Le plus
glissé un ruban de moire verte ; souvent, elles sont fixées vers
sur le côté, rose de velours, brides
de satin noir, vers 1880.
l'arrière du chapeau, non plus
sur les côtés. Le bavolet dispa-
raît complètement.
De 1885 à 1888, le chapeau
rond adopte une calotte haute,
tronconique, et des bords
étroits relevés d'un côté : c'est
une sorte de haut-de-forme qui
se fait en paille ou feutre, et
dont la vogue sera de courte
durée.
Capote garnie de dentelle plissée
et d'un bouquet defleurs. Le chapeau de jardin en
Mlle Boite, rue d'Alger, n° 3, paille rustique présente une
Paris. (Voir la même capote passe ovale, élargie au-dessus du
non garnie dans Annexes :
la confection amateur). front. Le niniche s'adapte et
Mode illustrée, 1888. voit sa calotte s'élever.
Capote de tulle noir
sur armature de laiton,
couverte de pensées ;
dessus, une crête de velours
mauve, brides de même
velours. 1885-1889.
Griffe Mme Bur, Dijon.

Chapeau rond en paille


cousue noire; passe doublée
de satin noirfroncé, et
bordée d'un liséré de perles
de jais. Garniture de raisin
or mat, etfeuilles,
vers 1880.

Capote de paille cousue


rougefoncé, garnie
d'une draperie de velours
de même teinte ; larges brides
de moire rougefoncé,
vers 1883-1889. Griffe
Maison Blayac, Toulouse.

Chapeau de jardin à haute


calotte tronconique, en grosse
paille, orné d'une draperie
de tissu orange, 1885-1889.
Le contour de la tête est au total, oblong, et contribue à Chapeau à calotte tronconique,
probablement enfeutre, garni de
alléger la silhouette devenue lourde avec la tournure proémi-
nente alors en faveur. plumes, qui compense la lourdeur
de la tournure particulièrement
Les modistes travaillent avec art diverses proéminente de cette époque,
1885-1889. Photographie
matières : paille nattée avec de la chenille, ancienne.
satin, velours, dentelles, étoffes fantaisie
tissées d'or, d'argent, feutre fin, peluche à long
poil ou à poil ras dite panne.
Le ruban est très utilisé en nœud, coquillé,
plissé, et le textile en est riche : raies ou Chapeau pour messe de mariage
carreaux de faille, de satin, dessins de cache- ou visites. La passeforme un
mire, baguettes de velours sur satin, fleurs diadème recouvert de deux rangs
brochées... defrange faite de perles blanches,
et surmonté d'une torsade en
Pour le soir, les capotes luxueuses sont étoffe de soie à dessins cachemire
chiffonnées dans le tulle, brodées de canne- doré surfond bleu paon. Cette
torsade se continue en larges
tille d'or ou d'argent, de perles, garnies de brides terminées par unefrange
choux de tulle illusion, de papillons, de libel- de perles. Lefond, ouvert, laisse
lules en filigrane d'or, en perles de jais ou voir les cheveux encadrés d'une
demi-couronne de roses très pâles
dorées, d'aigrettes de dentelle d'or, de poufs
avec touffes de trois plumes
de marabout frangés d'or (voir Troisièmepartie). ombrées, de teinte assortie
En somme le chapeau féminin fait honneur à celle de l'étoffe. Ces plumes,
posées à gauche, sont retenues
au style tapissier cher aux premières décen- par de grosses épingles dorées.
nies de la troisième République. Mode illustrée, 1880.
1890-1899 :
fin de siècle

La nouvelle tendance s'exprime de façon discrète : le


chapeau de bon ton, la capote destinée aux visites, prend la
forme d'un petit plateau « grand comme le creux de la main ».
Les brides ne s'imposent pas sauf «pour celles qui ont fran-
chi la trentaine », et se fixent toujours à l'arrière du chapeau,
au milieu, et non plus de chaque côté des joues.
Chaque saison apporte sa fantaisie : ainsi l'été
1890, c'est la grande vogue du noir et jaune,
plume noire et ruban jaune ou nœud de ruban
double face noir et jaune.
Les matériaux s'enrichissent : feutre
tressé, pailles de toutes teintes, grosses
mais légères, tressées avec de la soie, tissus
Modes de Mme Stuart.
coulissés tels que velours, taffetas, tresses et
26 Avenue de l'Opéra.
dentelle de crin dont on aime l'aspect glacé. Journal des Modistes, 1894.
Pour le soir, débauche de clinquant : fonds lamés, paille-
tés, cloutés d'or ou d'acier, brodés de perles, de jais, et ornés
de libellules ou de papillons tout en paillettes, d'ailes de tulle
Chapeau de velours noir orné
perlé ou pailleté. La chroniqueuse se félicite : « Les chapeaux de nœuds de ruban doubleface
de théâtre sont de petites merveilles : toques mousseuses jaune et noir, 1890.
en tulle orné de marabout, turbans à la juive rehaussés de
paillettes, capelines et capotes, tous ces genres coiffent
à ravir... » et p e r m e t t e n t à t o u t spectateur de voir
ce qui se passe sur la scène... p o u r l'heure !

1895-1896 : nouvelle étape, sinon «révo-


Capote de dentelle de paille
lution », dans le domaine des chapeaux qui voit la
et velours noirfixés sur armature
de métal : garniture dejleurs, capote détrônée, évincée de l'éminente et respectable
brides de velours noir, vers 1890. place qu'elle occupait depuis un demi-siècle, et son
nom usurpé par des formes jugées bien audacieuses
par les revues de mode convenables, la Mode illus-
trée, par exemple : «Jamais, croyons-nous, la révolu-
tion qui s'est opérée dans les modes depuis deux ou trois
ans n'avait été aussi appréciable que cette année... O n désigne
sous le n o m de capote des toques en paille, d o n t les bords
assez bas et assez détachés de la calotte se façonnent à volonté ;
r e n t r a n t ici sous un n œ u d ou une t o u f f e de fleurs, se relevant
derrière très haut sur le chignon, p o u r laisser place à un cache-
peigne de fleurs... une autre forme, classée aussi dans le
genre capote, consiste en un petit carré, soit en paille soit
en tulle pailleté, fendu devant et dont les quatre cornes
se relèvent. Un grand nœud fait uniquement de plumes
Les Élégantes, dessin
aux crayons de couleurs
de Raymond Renefer,
fin du XIXe siècle.

frisées, et très étendu en largeur, occupe tout le devant ; une


aigrette s'élève au milieu, sortant d'un gros cabochon de
perles et de strass.» 1896.
à
C'est dire que les «chapeaux ronds» sont de plus
en plus nombreux ; la tendance Louis XVI
se manifeste dans des chapeaux
à calottes élevées et b o r d s

ondulés, s'étalant en largeur,


et garnis de p l u m e s vapo-
reuses, ou bien dans des formes « à la
Watteau », à passe relevée derrière sur un
cache-peigne de plumes, rubans ou fleurs.
Certaines formes se relèvent crânement à
l'avant, découvrant le front, vers 1897, et voisi-
nent avec des « mousquetaires » de feutre à grands
bords relevés, avec des « bergères » enrubannées de
Chapeau constitué d'un fond
tulle, des marquis et des canotiers féminisés par une de tulle surmonté de six ailes
garniture qui reste sobre. de gaze pailletée noire, montées
Les bonnes modistes ont l'art de nouer les larges surfil de laiton. Fleurs de satin
écru, vers 1895.
rubans en taffetas imprimés de bouquets
« Pompadour », écossais, pékinés à mille raies,
glacés, et de former des nœuds «Trianon» compo-
sés de quatre coques géantes.
Chapeau Watteau en paille Les fleurs abondent : muguet, hortensias bleus,
blanche et noire, garni de nœuds
de ruban de satin noir; roses... On fait des chapeaux tout en fleurs : violettes, prime-
derrière, la passe se relève sur vères, ou constitués d'une seule fleur géante : pavot, pensée.
un cache-peigne garni d'une rose
Même diversité pour les plumes, plumes frisées, plumes
de velours et soie, 1895-1900.
couteaux, oiseaux de paradis, panaches à la « Lebrun ».
Chapeau de grosse paille jaune.
La calotte en paille anglaise très
fine contraste avec la passe de
grosses tresses cousues à la main.
Fleur géante en soie sur la calotte,
et nœuds de tulle illusion.
Derrière, sous la passe échancrée,
fleur de soie jaune. Haute Mode.
Griffe : Marie Waudras, 19 rue
de la Paix, Paris, 1893-1900.

1900-1913 :
La Belle Époque,
les beaux jours du grand chapeau

Un souffle d'épopée parcourt l'histoire du chapeau fémi-


nin pendant toute cette période : la coiffure floue et bouf-
fante, surmontée d'un chignon souvent postiche qui fait masse,
permet de camper sur la tête des formes de plus en plus volu-
mineuses.
1900-1907

L E x p o s i t i o n universelle de 1 9 0 0 d o n n e le t o n : sur des


cheveux crêpés «à petites ondes fines et m o u s s e u s e s » avec
parfois rouleaux et boucles postiches s'installent les « g r a n d s
chapeaux à larges bords dégageant le front ». Lenvergure de
ces chapeaux p e u t a t t e i n d r e 45 cm. La p l u p a r t des autres
formes sont relevées également. Cela d o n n e le champ libre à
t o u t e s les variétés de chapeaux : tricornes, marquis, bicornes,
mousquetaires...
Facture de modiste 1904.

Chapeau de paille noir


à calotte haute ceinturée
d'un ruban de velours
bleu marine et dejleurs
de soie jaunes, vers igoj.
Le «plateau», agrandi, garde une faveur
persistante. Son architecture est particulière : sa calotte,
basse, semble enfoncée dans la passe pour former, en dessous
de celle-ci un rebord qui la soulève et sur lequel se pose une
� garniture importante : torsade de tulle, plume couteau ou
amazone (plume d autruche) vaporeuse,
oiseau entier, fleurs. Le «Watteau», large béret
posé sur une barrette très élevée à l'arrière qui
accueille la garniture dite «cache-peigne », est
une variante de ce «plateau ». Le plateau peut
également s'avancer au-dessus du front en
visière et s'abaisser derrière. « Souvent aussi,
la passe, large, ondule tout autour en formant
des godets réguliers ou se dresse sur la gauche
comme un grand revers ; à moins que les deux
Chapeau de paille et crin c ô t é s n e s ' e n r o u l e n t é t r o i t e m e n t e n « o u b l i e »,

à large passe relevée derrière


à la verticale, telle un
formant une pointe avancée au milieu par
«rempart». Cache-peigne devant ; ou encore que la passe ne se relève
de nœuds de velours marron ; complètement tout autour comme le bord
mêmegarniture sur la calotte, d'une corbeille, masquant le fond large et plat
vers 19o5.
qui disparaît derrière ce rempart. » Mode
illustrée, 1905.

Ajoutons à
cela des toques
dites « boléro » si
elles sont rondes,
et « Santos D u m o n t » si elles Charlotte de broderie anglaise
s'allongent en pointe devant ; des bordée de valenciennes, ceinturée
d'une draperie de soie vert vif,
« torpilleurs » —étroites coiffures très
vers 1907,
relevées sur le côté —; des « charlottes » de
broderie anglaise sur armature de métal ; enfin, les
«picture hats» à calotte haute dits Gainsborough,
Winterhalter, Vigée-Lebrun, Nattier. En 1904-
1905, les formes plates à calotte très basse,
véritables galettes, prévalent. Cécrivain P-J. Toulet
Plateau en dentelle } en donne une vivante image : « Chapeautez-vous,
de paille, à calotte basse madame. Mon Dieu, qu'il est plat, votre galurin.
rentrée dans la passe
On dirait une assiette à dessert... tout autour, il y
soulevée, sur la gauche,
sur une garniture en a un rang de pensées... D'ailleurs, j'aimais mieux ce
cache-peigne dejleurs mauve. lampion (tricorne) vert et or qui couronnait l'an
Dessus, nœud de ruban dernier les ondes de votre chevelure. » Mon amie
de soie écrue; 1902-1905. , Nane, 1905.
19 0 7 - 19 13

Le chapeau accroît encore son volume et va ranimer la


vieille querelle suscitée quelques années plus tôt à propos des
spectacles, (voir Deuxième partie).
La silhouette de la femme est comparée à un champignon
géant : chapeau de grande envergure et jupe serrée du bas,
« entravée » (voir gravure page ci-contre).
Pourtant, en 1907, on ne croyait pas à la vogue
des immenses chapeaux : «Passe courte devant,
bord plus long derrière, ailes très élargies, calotte
ronde et lourde, voilà la caractéristique des
chapeaux actuels. Je crois que leur succès sera
court et que d'ici peu, nous reviendrons aux petits
chapeaux », prédisait une journaliste peu inspirée !
Petit Écho de la mode, 1907.

La forme nouvelle se présente comme une


immense cloche posée à plat sur la tête, les bords
inclinés tout autour de la tête; certaines passes,
de forme ovale, sont plus étroites sur les côtés.
La calotte est parfois confectionnée dans un tissu
léger, gaze, mousseline, alors que le bord est en
paille : le chapeau rappelle les vastes coiffures de
Rose Bertin. Les ornements de fleurs, de plumes,
de draperies, de nœuds sont également marqués
par ce gigantisme.
En 1909, la calotte perd de la hauteur et
s'élargit si bien qu'une double calotte, l'une
adaptée à la tête, l'autre plus large, est
indispensable. Dans les modèles luxueux, la modiste place un
Chapeau de tresses de pailles bouillonné de mousseline entre les deux, et double la passe
diverses, à double calotte,
garniture constituée
d'un plissé fin de mousseline claire, bordé de valenciennes.
d'une draperie de soie et defruits En 1912, la calotte est moins large mais la passe devient
de même soie confectionnés tombante, le chapeau reste aussi volumineux.
par la modiste. Mme Fernande,
Haute Mode, 14 rue Quelques calottes présentent un «fond béret », très large,
Damremont, Paris, vers 19/0. souple et plat, comme un béret.
Lenvergure de tous ces chapeaux oscille entre 40 et 50 cm.
Intérieur du chapeau précédent : Un chapeau de paille ovale de 1910, de forme semblable à
entre les deux calottes, celui de 1869, présente comparativement des dimensions
une draperie de mousseline gigantesques : 45 cm de largeur et 52 de longueur (contre
marron ; à l'intérieur, coiffe
18 x 2 2 )
blanche : on aperçoit la griffe
dorée de la modiste. La passe Le noir est en grande faveur aussi bien pour le feutre que
est doublée de mousseline
pour la paille et le tissu tendu, pour les plumes que pour
blanche à petits plis, et bordée les fleurs.
de valenciennes.
Chapeau de velours noir à double
calotte particulièrement large.
Garniture de ruban damassé
mordoré et bleu. Griffe :
Mme Fernande, Haute Mode,
Jupes étroites,
14 rue Damremont, Paris,
chapeaux gigantesques,
vers 19/0.
La M o d e , 1911.

Chapeau àfond béret, en velours,


ceinturé d'une guirlande defleurs
en r u b a n rococo, v e r s 1 9 1 2 .

Chapeau de tresse de paille


montée sur laiton, garni
d'une bande de soie plissée cerise
et de cerisesfaites en même soie
p a r l a m o d i s t e , v e r s 1912.
La nouveauté, c'est l'usage démesuré du ruban : « Il faut
5 mètres de taffetas ou de faille pour garnir la plus petite
forme ; il faut presque le double pour les immenses chapeaux
qui font florès cette saison. Avec ce ruban, on utilise soit la
disposition en nœud alsacien à larges coques soit la disposi-
tion en guirlande. »
Les matières évoluent : le feutre se fait pelucheux ou taupé,
ourson ou flamand, ou «mélusine» à longs poils lustrés.
Lastrakan blanc, la peau de chevreau se garnissent de noir :
le mélange noir et blanc est fort en vogue. Association aussi
de matières que tout oppose, leur texture, leur
densité, leur contact : guipure d'Irlande ou de Venise,
gaze chenillée, dentelle de Chantilly se mêlent à la
paille, au velours, à la fourrure.
Parmi les pailles merveilleusement
travaillées, une nouveauté : le tagal, fait
de chanvre travaillé et tressé, à l'aspect
mat habillé. De nouvelles pailles fines
comme de la soie servent à broder des
fonds de chapeaux : il s'agit d'une soie
artificielle brillante fabriquée à partir
d'écorce avec laquelle on fait de petits lacets que
Chapeau de velours noir
l'on travaille en fleurettes, feuilles, picots, somptueusement garni de plumes
festons, engrelures à jours ; les tresses sont joli- d'autruches nouées brin à brin,
ment baptisées « tresse-bigoudi », « tresse- defaçon à «tomber»
harmonieusement tout autour
mouche », «tresse-omnibus».
de la calotte. Griffe : Haute
Des plumes luxueuses, lophophore, faisan Mode, Juliette Le Vaillant,
doré, héron, goura, paradis, accroissent consi- boulevard de la Madeleine, Paris,
v e r s 1912.
dérablement le prix d'un chapeau : « La splen-
deur de certaines plumes donne un tel prix au
chapeau qu'il suffirait à faire vivre pendant un
mois une honnête famille ! » se récrie une jour-
naliste. Les oiseaux entiers se posent sur le fond
du chapeau, bien à plat, ailes ouvertes : émou-
chets, mouettes, perruches vertes, chouettes (voir
Chapeau à calotte entourée
d'un renard blanc entier. Deuxièmepartie).
Les Modes, 1908. Dans le domaine végétal : feuillages teintés, en velours,
en satin, houx, gui; fruits : glands, marrons, raisins et baies
de toutes sortes ; toute la flore est accueillie autour de la
calotte, mais les préférées sont les fleurs noires : roses et iris.
On aime ce qui est anti-naturel et «une grande modiste se
fait un succès avec des roses noires au cœur rose et au feuillage
nacré. » Petit Écho de la mode, 1907. Lhiver privilégie les matières
duveteuses : peluche, velours, tissu feutré, molleton, four-
rure. On n'hésite pas à poser un renard entier autour de la
calotte d'un chapeau. De volumineuses toques s'ornent d'ai-
grettes colonel et de fourrure.
Petit Écho de la Mode —1902 :
L e c h a p e a u «de toujours aller» tenues de «voyage en chemin de
de 1 8 9 0 à 1913 fer». La figurine de gauche en
manteau est coiffée d'un chapeau
«Mercure», canotier rond,
ceinturé de velours noir et garni
de deux ailes. La figurine de
Pour les circonstances où la commodité est un impératif, droite, en collet de lainage, porte
le chapeau reste raisonnable de dimensions et d'ornementation. une toque «Santos Dumont»
en paille garnie d'une cocarde
C'est le cas des chapeaux pour le voyage, le sport. de ruban.
Les formes s o n t clas-

siques — canotiers, ama-


zones, chapeaux mous,
bretons et m a t h u r i n s qui
s o n t des chapeaux à
c a l o t t e et b o r d s r o n d s ,
m a r q u i s et t r i c o r n e s —
m a i s elles s u b i s s e n t de

légères m o d i f i c a t i o n s en
fonction des tendances de

la m o d e en v i g u e u r , et
a u s s i de l ' é v o l u t i o n d u

m o d e de vie, l'expansion
des activités sportives, en
particulier.

Pour l'automobile,
l'indispensable voile
p r o t è g e le v i s a g e . Le
chapeau amazone, haut de
forme, voit sa h a u t e u r se
réduire, vers 1910. Il est
concurrencé par la « cape »
ou chapeau melon.

Ces chapeaux sont


c o n f e c t i o n n é s en feutre,
paille, et sobrement garnis
de r u b a n c e i n t u r a n t la
c a l o t t e , avec u n n œ u d
plat ; la fantaisie se loge
d a n s le t e x t i l e u t i l i s é :

pois, écossais, o u dans la


finesse de la paille.

Pour le voyage, on aime la garniture qui vaut au chapeau


le nom de «Mercure », c'est-à-dire deux ailes déployées.
1913-1939 :
la modernité

19 1 3 - 1 9 2 0

Après les folies du début du siècle, la tendance est à la


Petit Écho de la Mode - igi3 : simplification à laquelle la pratique du sport commence à
chapeau en velours, fond souple, accoutumer; la guerre et ses restrictions, l'évolution du mode
bords tendus, aigrette blanche. de vie et de la société accélèrent le processus en chassant
Chapeau très enlevé à gauche,
l'excès d'ornements, mais pas l'ornement, en réduisant le
bords en velours noir, fond en
satin, aigrette noire. volume des chapeaux. Les formes sont variées, atypiques mais
Petit chapeau en velours à fond
cachent le front.
mou orné d'une bande étroite en
Ce sont des toques hautes, ou parfois très basses,
fourrure. Aigrette fantaisie
retenue par un nœud de moire. surmontées d'une aigrette géante, des capelines à calotte
souple, des chapeaux ovoïdes, Niniche de paille : la calotte,
des chapeaux à passe très relevée presque plate, est traversée
d'un ruban qui va former
de côté, des bicornes, des
un gros nœud derrière,
tricornes... Le niniche est de sous la passe très relevée.
retour, mais, dans le goût de Petit Écho de la Mode, 1914.
l'époque, sa calotte est plus basse,
sa passe plus large et plus évasée
et il est porté basculé vers l'avant
si bien que la passe, soulevée
derrière, laisse place à une
garniture en cache-peigne.
Le turban, qui avait subi une
longue éclipse pendant la
deuxième moitié du XIXe siècle,
connaît un regain de faveur,
depuis 1909, sous la double
influence de la vogue orientaliste
suscitée par Paul Poiret et du
goût historicisant pour le
Directoire et l'Empire.
Ces chapeaux se font en soie
tendue, velours, ratine, en paille,
tagal, crin, et toile cirée ou peau
souple qui sont des nouveautés.
Ils se bordent de galons de
velours ou de paille. C'est
l'harmonie de la courbe ou du
drapé qui fera l'élégance du chapeau et révélera le cachet d une Chapeau à bord très relevé,
bonne maison : la modiste voit son savoir-faire et son doigté en moire tendue sur sparterie,
à bordure de paillettes. Griffe :
devenir le point capital de la création. Anna Ruffié, Toulouse, vers 1913.
Gazette du bon Ton, igi3 : Limportance de la garniture est réduite : les préférences
influence du Directoire et du
vont aux sobres aigrettes de brins ténus disposés en couronne,
premier Empire, dans ces petites
formes rondes bien et s u r t o u t à l'aigrette « colonel », droite,
emboîtantes surmontées r a i d e , q u i se c o m p o s e de p l u s i e u r s
d'«esprits» : toque noire de d i z a i n e s de b r i n s et p e u t a t t e i n d r e
panne frappée, garnie par devant
3 5 cm de hauteur, et un grand prix ! Les
d'une touffe de poil de skungs.
Turban d'or, aigrette blanche. rubans font de grands n œ u d s papillons
Bonnet de soie jaune, bordé de sur le devant. D ' u n e manière générale,
plumes de cygne et muni d'une on aime ce qui accentue l'aspect verti-
aigrette verte. cal.

Les c h a p e a u x de t h é â t r e , n a g u è r e
o b j e t s de q u e r e l l e , s o n t de p e t i t s
béguins de gaze lamée, des bandeaux de
t u l l e p i q u é s d ' a i g r e t t e s o u de pierre-
r i e s . . . p l u t ô t des c o i f f u r e s q u e d e s
chapeaux ! (Voir Deuxième partie).

Chapeau à haute calotte de satin


gris, passe de largeur moyenne
1920-1930 couverte de trois bandes de tulle
festonné. Griffe : Adèle Faget,
Toulouse, vers tçij.
Après la guerre se dégage nettement un nouveau style de
chapeau à la faveur des nouvelles coiffures à cheveux courts.
La calotte, devenue oblongue, cache de plus en plus le front,
la tête s'y enfonce jusqu'aux sourcils. Les deux coiffures
typiques de ces années sont la capeline et la cloche qui pren-
nent une allure bien particulière.
La plus grande sobriété est de mise pour la cloche qui n'a
rien à voir avec la cloche éteignoir des années 1910. Elle
emboîte le crâne. La plus élégante peut être un feutre jarreté
de ruban d'ottoman à noeud plat. Ces rubans sont
souvent plissés, coquillés, nattés, ou travaillés en
cocarde que l'on pose sur des formes de velours,
de soie, de paille, de feutre.
Au cours de la décennie, la cloche subit
quelques modifications dans sa ligne : la calotte,
d'abord arrondie et molle, souvent plus basse
derrière, devient plus rigide et plus ronde ; vers
1927, elle présente une arête vive. Les bords,
d'abord étroits, deviennent peu à peu inexis-
tants, donnant à la cloche une allure de casque
à la fin de la décennie.
Jamais, dans les chroniques de mode, les références
à la simplicité d ' u n e forme n ' o n t été aussi fréquentes : cela
reflète le t o u r n a n t que vient de p r e n d r e le chapeau dans sa
carrière. « Simple, seyant, pratique, trotteur,» f o n t partie d u
nouveau lexique des modes.
Petit Écho de la Mode, 1925 :
Talien (en bas, à gauche) : Le chapeau habillé par excellence est la capeline : sa parti-
chapeau Directoire en crin rose cularité est la forme ovale de sa passe qui se présente en largeur
drapé de velours aventurine et qui parfois est inexistante à l'arrière, o u échancrée, ou dissy-
faisant des ailes aiguës
m é t r i q u e . La calotte, d ' a b o r d souple et basse, devient plus
sur le bord.
Eugénie : chapeau Empire en r o n d e et plus haute, très e m b o î t a n t e et presque tubulaire,
feutre blanc décoré d'un ottoman suivant en cela l'évolution de la cloche.
vert Empire. Des boucles d'or
M o i n s classiques, d'autres formes r o m p e n t l ' u n i f o r m i t é
fixent les rubans à leur extrémité. Cloche de velours tendu
et les m o d i s t e s manifestent leur virtuosité dans l'agencement
sur sparterie, garniture de ruban
des drapés et des coques de ruban, dans des toques et bérets d'ottoman formant cocarde
haute-mode. Loriginalité du turban est de se draper sur le côté, vers 1927-1928.
en largeur.
Plus sobres, tiares, tricornes et marquis n'en sont
pas moins élégants. Linfluence du Directoire et de
l'Empire se manifeste ça et là dans de petits casques
et des chapeaux à grande visière.
Les coloris sont raffinés : blond, amarante,
rouille, gris, tête de nègre, taupe, chatoient dans des
matières en vogue, ottoman, velours frisson, paille
légère, ruban, cordonnet de feutre, galon, peau métal-
lisée...
Le goût du luisant, du miroitant se manifeste
dans des incrustations de toile cirée, des broderies,
des motifs d'acier, de strass, mais aussi dans des
matières : galalithe, cellophane.
Les plumes sont apprêtées au goût du jour : l'au-
truche est rasée, glycérinée, défrisée, se dispose en
Cloche de paille fine bleue et grise. pouf ou en piquet retombant sur l'épaule ; on fait des nœuds, Tiare. Gouache originale,
1925. des cocardes en plumes collées très aplaties, très brillantes. vers 1925. DR.
« Casque »
de paille
bicolore,
vers 1928.

Art, Goût, Beauté —


Noël 1922, Tricorne,
bonnichon et toque : les
fantaisies qui rompent avec
l'omniprésence des cloches.
Les calottes, assez basses
quoique cachant lefront,
sont caractéristiques
du début de la décennie.

Capeline de satin gris


métallisé, avec incrustation
de dentelle métallisée.
Plume d'autruche de même
ton, vers 1922-1 925.

Chapeau de mariée en forme


de tiare. Jeanne Lanvin.
22 faubourg Saint-Honoré,
Paris. DR. Gouache de Jeanne
Lanvin. Patrimoine Lanvin,
1924.
Les années trente

La cloche s'est tellement rétrécie qu'elle dégage le front


et la naissance des cheveux maintenus ondulés.
C'est, de 1930 à 1933, une sorte de casque étroit dont la
passe couvre la nuque ou une joue, ou les deux : élégance
sobre, lignes épurées. Des formes plus grandes, dissymé-
triques, cachent l'œil.
À partir de 1934, les petites formes se compliquent, se
chiffonnent au sommet de la tête, présentent des arêtes tous
azimuts évoquant le béret, la casquette, le bonnet pointu, la
barrette d'ecclésiastique, la toque de groom, le postillon à
Cloche defeutre bleu marine boucle, la calotte d'enfant de chœur.
à côtes marquées par une ganse Gouache de Jeanne Lanvin, 1936.
d'ottoman blanc. Un ruban À partir de 1937, une tendance à des formes plus élevées DR, patrimoine Lanvin.
d'ottoman blancfrangé tombe se confirme, soit que les lignes du chapeau soient verticales,
sur le côté. 1930-1931. dans des passes relevées parfois en auréole, dans des calottes
tronconiques ou des toques très hautes, soit que le chapeau,
miniaturisé, se porte incliné au sommet du front laissant toute
liberté aux cheveux relevés sur la nuque ; il est alors parfois
doté d'une garniture en cache-peigne rappelant les plateaux
de 1900.
Capeline de paille bicolore à passe
Les canotiers, quelque peu délaissés dans les années vingt, dissymétrique, ornée defleurs
retrouvent une nouvelle faveur et s'adaptent : la calotte d'abord de velours. Griffe : Gabrielle
Casque de paille bicolore, Nicolas, 344 rue Saint-Honoré
basse, prend de la hauteur à la fin de la décennie.
1930-1931. Paris, 1930.
Toque de paille
fine chiffonnée
sur le dessus
et ornée de deux Créations

fleurs de velours, de chapeaux


noire et blanche. — Revue
Voilette chenillée, professionnelle,
vers 1934-1936. Été 1933.

Forme inspirée de
l'époque 1900 : plateau
defeutre bleu marine,
garni d'un bouquet de
fleurs de couleurs vives,
et basculé en avant sur
un cache peigne de
Toque defeutre marine, ruban bleu marine.
vers 1937-;1938. l93&~1939-
Les feutres et les pailles se modèlent, se drapent, se sculp-
tent, se nervurent. Lornementation est sobre : boutons, rubans
de gros-grain, ruban ciré, glands de passementerie, motifs de
galalithe et plumes glacées.
Pour tenues habillées, on
recourt à la capeline qui
conserve un classi-
cisme remanié :
c a l o t t e basse,
arrondie ou en
léger tronc de
^ cône, passe plate.
Mais fleurs, tulles et
dentelles participent à l'orne-
mentation, à la manière des modes
de la Belle Époque

Capeline de paille picot, à calotte


légèrement tronconique, ceinturée
de tulle rose et bleu tombant
derrière en deux pans. Sur la
passe, gerbe defleurs, vers 1934-
mi-

Les a n n é e s de g u e r r e
Feutre garni de deux plumes
couteaux, 1939-1940.
Rigueur, austérité, le chapeau s'accommode magnifique-
ment de toutes les restrictions et reste le support de la fantai-
sie et de l'imagination... voire de la provocation.
Jusqu'en 1941, le chapeau miniature se perche encore sur
le front, se fait «boîte à pilule» ou «chapeau de singe ». Il
est bientôt abandonné au profit de formes plus volumineuses
tantôt verticales, tantôt horizontales : le chapeau à passe en
auréole est basculé vers l'arrière ; les plateaux sur cache-peigne
évoquent 1900, les capelines et canotiers se caractérisent par
leur volume et l'épaisseur des bords, souvent doubles, retour-
nés, arrondis en bourrelet. D'immenses bérets dont le coif-
fant est tout en profil découvrent tout un côté de la cheve-
lure. Quelques capotes-cabriolets rappellent la Restauration.
Enfin, le turban, plat sur la nuque, élégamment torsadé,
Béret defeutre garni d'une drapé, se fait de plus en plus haut sur le front, et s'adjoint Chapeau à passe defeutre
draperie de mousseline vermillon, en auréole et calotte de taffetas
parfois une passe en auréole; confectionné dans du jersey, écossais. Haute Mode Sandrine,
,loi-iffe : Lola Mangin, 61 rue
de Sèvres, Paris, 1942-1944.
du taffetas, du velours, il connaît un large succès : il fait 55 rue Lamarck, Paris,
partie, avec le sac à bandoulière, de l'équipement de la cycliste. 1942-1945.
Hardiesse des formes, hardiesse des coloris qui s'animent :
peu de noir, sinon égayé par un ornement de couleur vive, des
gris, des roses, des mordorés, des bleus marine, dans des
féutres souvent grossiers ! Les pailles fines en laize se travaillent
comme du tissu, le fin picot et le large paillasson se
tressent.

Cinfluence de la Belle É p o q u e s'exprime dans les


garnitures : oiseaux entiers, b o u q u e t s de fleurs, rubans
rayés ou écossais, voiles de tulle et voilettes parsemées
de pois, loin de surcharger le chapeau, lui donnent une grâce
et une légèreté inattendues.

Canotier de paille recouverte


de cellophane, à bord replié.
Garniture de coques de ruban
écossais et de petitesfleurs,
Capote —cabriolet en paille 1942-1945.
synthétique. Nady, Paris,
vers 1942.

Cloche de paille
tressée, drapée d'un
large ruban de satin
bicolore, vers 1943.

Chapeau de tissu léger à petits


carreaux noir et blajic,' O
parni
d'une voilette rouge disposée sur
un bouquet de petitesfleurs rouge
en grappe, vers l944.

Turban de jersey à passe Béret de feutre noir garni de


en auréole. Griffe : ruban de velours vert vif.
Jeannette Colombier, Paris, Griffe : Clarisse, place Í'Il.1Ôllli',
vers 1942. Paris, 1942-1944.
L ' a p r è s - g u e r r e ,

j u s q u ' e n 1 9 5 8

1946 salue une nouvelle ère, celle de l'harmonie des propor-


tions, pierre angulaire de l'élégance, garantie d'une création
artistique qui se veut commode. C'est une époque brillante
pour la haute mode parisienne dont les grandes « maisons »
Bourrelet de paille accompagné et les grands créateurs s'appellent Albouy, Gilbert Orcel, Rose
d'une calotteformée par Valois, Paulette, Rose Descat, Simone Cange, Claude Saint-
un pan de surah noué de piqué. Cyr, Jeannette Colombier, Marie Aubert, Agnès, les sœurs
Carnets de croquis, été 1947,
éd. Bell. DR. Legroux, Madame Suzy, Maud et Nano, Le Monnier, Lucienne
Rabaté pour Caroline Reboux et tant d'autres dont les revues
de luxe —Vogue, l'Officiel, DArt et la Mode —publient les modèles.
Une des innovations de 1946 est une sorte de chaperon,
rappelant le Moyen Âge, composé d'un bourrelet associé à un
pan d'étoffe retombant sur l'épaule, créations hiératiques de
Gilbert Orcel, Rose Valois ; la nuque est parfois voilée par
une longue résille ou par la passe, détachée de la calotte et
. retombant derrière la tête.
Haute toque defeutre, et nœud
Limmédiat après-guerre voit des formes traditionnelles — de mêmefeutre. Griffe :
relevés, toques et capelines —rajeunies avec brio par des drape- Thérèse Peter, 10 rue Royale,
Paris, vers 1947.
ries légères : coques géantes en faille, gros noeuds de ruban,
écharpes de mousseline ou de tulle chenillé... Les canotiers,
plus petits, sont ronds, très plats, à bords épais, parfois ondu-
Capeline à calotte formée lés, parfois « cassés » ; bicornes et tricornes se font plus petits ;
d'un cotonnade drapée et passe de certaines formes asymétriques ne puisent leur fantaisie que
paille cannée. Carnets de croquis, dans le plissé en éventail sur un côté de la passe.
été 1950, éd. Bell. DR.
Lignes obliques, «toits de Paris », grandes capelines en
forme de cône très évasé ou à grande passe ovale, s'harmoni-
sent avec la silhouette «new look» de 1947 et ses jupes s 'éta-
lant en corolle. Les voilettes, de toutes couleurs, sont omni-
présentes et agencées de façon très variée, en nœud, bride
jugulaire, cage... (voir Troisième partie).
La tendance à la sobriété du début des années 1950 suscite
des formes d'une rare élégance et plutôt petites qui siéent à Feutre taupé. La passe,
la «jolie Madame» : bonnets ronds ou pointus, bonnets dissymétrique, prend la forme
d'un pétale géant d'un côté,
«cache-oreille» créés par Christian Dior, ornés d'un bijou;
vers 1947.
toques posées sur une cagoule de jersey, «toques-champi-
gnons » à fond bombé et passe recourbée tout autour de la
tête, souvent en plumes, petites cloches à passe ondulée, à
bords bombés, tambourins, formes évidées, diadèmes,
tricornes, bérets posés sur la tête horizontalement, capelines
Chapeau defeutre drapé d'un
coté, été 1947, Carnets de à passe ovale écourtée à l'arrière ; pour le soir, calottes et calots
croquis, éd. Bell. DR. cloutés de pierreries.
Chapeau de paille noire à passe Canotier à bord cassé, paille
plissée d'un côté. Petit nœud garnie defeutre. vers 1948-1930.
de rayonne jaune, vers 1947.

Petite cloche de paille


exotique, à calotte ceinturée Capeline «new look », à passe de paille picot
de soie pourpre, passe et calotteformée de deux rubans de velours noir
échancrée derrière. Bouquet de formant un nœud sur la passe. Griffe : Mme Suzy,
violettes. Griffe : Madeleine 5 rue de la Paix, Paris, vers 1947 ■
Thureau, 47 rue Lafayette,
vers 1955,
Remplaçant de plus en plus souvent la couronne de fleurs,
le chapeau de tulle a investi la tenue de mariée, rappel du voile
traditionnel en même temps que modernité de la forme.
Ce qui avait résisté à la guerre ne résiste pas au moder-
nisme et au nouveau mode de vie : l'aspect fastueux des
modèles, leur sophistication raffinée, s'atténuent au fil des
années, le genre trotteur se répand. On porte du matin au
soir des formes identiques dans lesquelles le fonctionnel appa-
raît jusque dans les noms des modèles : «en-cas», bérets,
Chapeau de mariée en tulle
calots, casques, «abris», «mouchoirs»... Seule change la
tendu surfil de métal,
matière dans laquelle ils sont réalisés : feutre, mélusine, flanelle, garniture d'aigrette, vers 1950.
jersey, tweed, étoffes souples assorties au manteau, fourrure,
paille.
Les calottes prennent de la hauteur, après 1955. Lornement
se résume à un petit nœud plat de gros-grain, un bouton, une
Croquis de Jacques Pinturier, boucle d'argent, une échancrure ; perles, fleurs, plumes et
pour Gilbert Orcel, 1953. voilettes subsistent pour le chapeau habillé.

D é c l i n e t r e n a i s s a n c e :

1 9 5 8 - 1 9 9 9

Dès 1958, la vogue des coiffures vaporeuses menace


le chapeau. La revue Actualité couture, Hiver 1959,
signale un tournant dans l'évolution des formes : le
volume est plus respectueux de la coiffure, notamment Tambourin de tissu rayé
avec des « calottes nettement plus hautes... des et velours noir, orné de deux
pommes. Griffe : Simone Cange,
bonnets et turbans à la ligne étirée en hauteur» mais 61 av. Franklin-Roosevelt,
aussi « de petites coiffures —toquets et calots — vers 1930.
complétant les robes de cocktail», comme ce «calot
minuscule en velours noir, des pétales gansés formant
le bord », création de Rose Valois, ou celui de Jean
Barthet : « Un ruban de satin noir se noue devant sur
ce calot noir en velours. »
Menace plus grave, peut-être, la vogue du foulard
—et du célèbre «carré» d'Hermès -, qui fait fureur
auprès des jeunes filles et contraint les modistes à
innover —ce qu'elles font avec talent : « Les modistes
ont tout mis en œuvre pour captiver et séduire leurs
clientes et tout spécialement les jeunes filles. Pour
Chapeau « trottcltr>J : canotier celles-ci, les plus grands de nos créateurs ont mis au point
de paille picot marine et tissu marine
i'i pois, vraisemblablement assorti
des coiffures de souple jersey qui remplaceront
à lil robe c'Il (Ill chemisier. Griffe : avantageusement le foulard qui n'a sévi que trop longtemps... : Toque champignon, enfeutre
Lewis, 422 rue Saint-Honoré, de petits casques de feutre à jugulaire, des cloches et des flamand, garni d'une aigrette,
Pans, vers K)jy bonnets juvéniles à souhait. » op. cit. vers tçjO.
Les années soixante sont celles du triomphe des coiffures
gonflantes auxquelles s'adaptent des formes parfois habi-
tuelles mais alourdies, à calotte non seulement haute mais
large, sans garnitures : tambourins, casques à calotte ronde
rigide, bonnets en pain de sucre, cloches à calotte haute et
bord cloché, chapeaux-boules, toques cylindriques et hautes
en tissu assorti au vêtement, qu'il soit de lainage ou de soie,
en paille, en feutre, toques cache-chignon relativement volu-
mineuses, parfois drapées ou torsadées.
Pourtant, un regard jeté sur une revue de mode des dernières
années de la décennie permet de constater que la toilette, fût-
elle haute-couture, peut se passer de chapeau. Certes, celui-ci
ne disparaît pas du théâtre de la mode, mais il n'y joue plus
qu'un second rôle : chapeau de cérémonie, chapeau pour les
courses à l'hippodrome, couvre-chef porté à seule fin de se proté-
ger du froid ou du soleil, œuvre de chapelier plus que de modiste. Cloche defeutre flamand ceinturé
Les grandes « maisons » sont cruellement touchées, les d'ottoman. Griffe : Rose Valois,
18 rue Royale, Paris,
boutiques de modes se raréfient : c'est dans le sillage de la
vers 1960-1963.
haute-couture que les grandes modistes vont œuvrer, chez
Lanvin, Dior, Cardin, Givenchy...
Le flambeau de la haute mode subsiste entre les mains de
Jean Barthet qui coiffe d'illustres héroïnes de films : on se
souvient de la capeline rouge portée par Catherine Deneuve,
Turban drapé de trois jerseys, dans «les Demoiselles de Rochefort », et de la fabuleuse
brun, grège et orange. La forme casquette de feutre portée par Mireille Darc, dans « les
étirée est typique de l'époque. Barbouzes»... et c'est en 1968 que Jacques Pinturier ouvre
Griffe : Cécile Billard.
D'après un croquis paru dans
son atelier-salon au 10 rue Cambon —adresse prédestinée.
Actualité couture, hiver, 1939. Jacques Pinturier comprend très vite qu'en 1968, les filles
veulent être « autrement faites que leur mère » comme le disait
Montesquieu au XVIIIe siècle, à propos des poufs, notam-
ment... cela donne les «4 barres de Rhodoïd» d'une stupé-
fiante simplicité et cela explique la fidélité d'une clientèle
prestigieuse.
Aujourd'hui, un nouvel engouement se dessine : d'origi-
nales créations, capelines, toques et bibis revus dans un esprit
moderne fleurissent dans les vitrines parisiennes de la nouvelle
génération : celles de Marie Mercié, qui ne manque pas d'hu-
mour —naguère, une jarre de paille cousue, posée sur une
toque de même paille, transformait la parisienne en toilette,
en porteuse d'eau ! —ou de Philippe Model dont les créations
sont une invitation à la fête : une palette de couleurs riches,
parfois violentes mais harmonieusement mariées —le rose
profond d'une calotte avec le jaune citron d'un bord !
D 'ailleurs, les dessins au trait ondoyant du créateur ne sont-
ils pas, déjà, une invitation à la valse de la Belle Époque... «Les quatre barres» en Rhodoïd,
avec un brin de nostalgie, peut-être ? création deJacques Pinturier,
Et puis, il y a Jean-Charles Brosseau, Olivier Chanan... 10 rue Cambon, 1968.
Capelines de paille. Griffe :
Philippe Model, 33 rue du
Marché-Saint-Honoré, Paris.

Capeline : aquarelle
de Philippe Model, 1999.
Des formes sobres ou audacieuses, selon leur
destination et le goût de la cliente, toujours jeunes
et d'un coiffant irréprochable, s'élaborent dans
l'atelier de Jacques Pinturier; formé chez Gilbert
Orcel, son oncle, le modiste perpétue la tradition
de la haute mode parisienne, et la hisse au niveau
d'un art dont l'objet est éphémère, certes, mais qui
évolue sans cesse au gré des influences culturelles
fécondées par la rencontre, à Paris, d'une
femme venue d'ailleurs et qui deviendra une
«parisienne». Pour le modiste, ceci explique
le mystère et la pérennité des « modes »
parisiennes.
Depuis 1983, le chapeau a «son» Chapeau de canevas peint
musée, celui de Chazelles sur Lyon, qui assure avec et recouvert d'un tulle doré.
Le nœud marine est également
beaucoup de dynamisme une triple mission :
en canevas. Griffe :Jacques
sauvegarder le patrimoine des « modes », promouvoir Pinturier, 1997,
la création contemporaine et assurer une pédagogie,
sous forme de stages de formation professionnelle
et d'animations avec les scolaires ( voir page 155,
pour plus de renseignements).
Casquette defil de métal gainé
de velours noir. Fleurs de paille.
Jacques Pinturier,
10 rue Cambon, 1986.

Croquis du chapeau «Punk »,


réalisé en paille sculptée
sur moule original.
Jacques Pinturier, 1983.
D e u x i è m e partie

Le chapeau dans la vie

Le r ô l e s o c i a l du c h a p e a u

Limportance du chapeau sur le plan social s'est imposée


dès 1789 : les aristocrates, les bourgeoises ont peu à peu
délaissé le bonnet, du moins à l'extérieur, pour se parer du
chapeau. Seules les femmes du peuple conservaient le bonnet :
« Laissez le bonnet du hameau pour le joli chapeau Deville »
chantait-on pendant le Directoire.
Le chapeau révèle non seulement le goût mais aussi le
niveau social voire culturel. Lécrivain Paul de Kock, vers 1850,
témoigne à la fois de l'ambiguïté du personnage de la modiste,
objet de dédain et de séduction, et du rôle socialement valo-
risant du chapeau : «Il est des convenances que je ne veux pas
braver. Elle a un tablier et un bonnet, cela me gêne beaucoup.
Certainement, je ne fais pas plus de cas d'une marchande de
modes que d'une fleuriste, mais Agathe est mise en dame, et
je puis lui donner le bras : un châle et un chapeau changent
considérablement une femme... » Mon voisin Raymond.
Le peintre Maurice Delondre en donne une charmante
illustration dans son tableau intitulé «Dans l'omnibus »,
1890 : l'œil est irrésistiblement attiré par la coiffure des trois
La Parisienne. femmes qui signale leur position sociale. À côté de la paysanne
Gravure de Charlet, vers igio. aux mains nues, coiffée d'un bonnet, l'élégante aux longs
DR. gants noirs porte une capote nouée sous le menton ; en face
d'elle, une bourgeoise, aux longs gants clairs, assise près d 'un
carton à chapeaux, porte un petit chapeau rond fleuri.
Le chapeau peut aussi signaler la provinciale à Paris : rien
n'est plus désastreux et le Guide du conducteurparisien, en 1830,
insistait auprès des provinciales en visite à Paris : « Qu'elles
ne s'avisent pas de vouloir conserver les chapeaux mal faits
ou les robes mal taillées de la province : ce serait se donner
un ridicule affreux... il est presque ridicule de garder à Paris
un chapeau et des souliers venus de province. »
En 1902, la Mode illustrée souligne, parmi les judicieux
conseils dont elle abreuve ses lectrices, celui-ci : « Si la ques-
tion du chapeau n'est en aucun temps négligeable, elle prend,
avec le mois qui commence, une extrême importance. C est
maintenant en effet, que s'ouvre l'ère des visites, des mati-
nées de tout genre, des ventes et fêtes de charité. C'est main-
tenant aussi que nous entrons dans la période brillante des
concerts et de la saison théâtrale : autant de circonstances où
le chapeau est appelé à jouer un rôle capital dans la toilette, Dans l'omnibus, 1890,
Maurice Delondre.
à laquelle il peut et il doit fournir un précieux contingent
- Musée Carnavalet, Paris.
d'élégance. Il faut donc que vous sachiez, Mesdames, ce qui
se porte actuellement, et que vous soyez au courant des
nouveautés qui ont surgi depuis peu. »

Simone de Beauvoir, dans Les Mémoires d'une jeunefille rangée,


témoigne qu'en 1920 «une jeune fille bien vêtue mais qui ne
portait pas de chapeau : à l'époque, c'était tout à fait incor-
rect... »

On n'imagine pas, dans un roman contemporain, un détail


tel que celui que donne François Mauriac, dans Thérèse
Desqueyroux, en 1927 : «Anne de la Trave avait un manteau
de petit gris, un chapeau de feutre sans ruban ni cocarde,
«mais, disait Mme de la Trave, il coûte plus cher sans la
moindre fourniture, que nos chapeaux d'autrefois avec leurs
plumes et leurs aigrettes. C'est vrai que le feutre est de toute
beauté. Il vient de chez Lailhaca, mais c'est le modèle de
Reboux. »

«En 1968, la fonction sociale du chapeau s'estompe; le


chapeau devient un objet de rêve, de fête», explique le modiste
Jacques Pinturier —rôle nouveau, séduisant, mais réducteur,
sauf si l'on considère que «mode» et art se rejoignent.
L'Allée des acacias au bois
de Boulogne, vers lçiO)
Roger de la Fresnaye.
Musée Carnavalet, Paris.

La modiste, personnage ambigu

Le personnage de la modiste dans la société s'est longtemps


caractérisé par une ambiguïté qu'exprime clairement Marcel
Proust dans La Prisonnière : «Je ne pouvais plus mépriser les
modistes puisqu'Elstir m'avait dit que le geste délicat par
lequel elles donnent un dernier chiffonnement, une suprême
caresse aux nœuds ou aux plumes d'un chapeau terminé,
l'intéressait autant à rendre que celui des jockeys. » On retrouve
ce « geste délicat » dans les tableaux de Toulouse-Lautrec, « La
Modiste », et de Degas, dont le regard empreint de tendresse
admirative éclaire des œuvres intitulées « Chez la modiste »
ou « La Modiste » : « Loin d'ironiser sur la coquetterie
féminine, (Degas) célèbre au contraire comme un rituel la
confection et le choix d'un chapeau... Latmosphère feutrée
de la boutique où les clientes attendent en papotant. » Degas,
Pierre Cabane, ed. du Chêne, 1993.
Professionnellement, la modiste suscite donc l'admiration :
elle est en effet considérée comme la première dans «l'échelle
La modiste. Mode illustrée,
sociale des travailleuses. La raison de cette supériorité
i&go.
est dans le choix, la délicatesse, l'élégance et le goût que
déploie la modiste. Cela explique pourquoi les modes
françaises ont toujours été vivement recherchées par les
nations étrangères... » Dictionnaire de l'industrie et des arts
industriels, 18 8 3-
La (ou le) modiste bénéficie, durant ce que l'on peut appe-
ler l'âge d'or du chapeau, 1850 -1950, d'une faveur sans
mélange auprès de la clientèle élégante. Mainte bourgeoise
était prête à risquer la paix de son ménage, mainte courtisane
prête à ruiner son protecteur, pour les créations
d'une modiste; les dessins humoristiques à ce
sujet abondent et, si l'on en croit Colette «la
carrosserie automobile prenait humblement
conseil du grand modiste et se réglait sur la
hauteur des chapeaux. Je vois encore la Mercédès
bleue de Mme Otéro, boîte à aigrettes et à plumes
d'autruche, limousine si étroite et si haute qu'elle
versait mollement aux virages. » MesApprentissages.
Dès 1780, la marchande de modes a une
influence considérable sinon redoutable sur la
vie quotidienne : « Les marchandes de modes ont
couvert de leurs industrieux chiffons la France
entière et les nations voisines. Tout ce qui
concerne la parure a été adopté avec une espèce
de fureur par toutes
les femmes de l'Europe.
C'est une contrefaçon
universelle ; mais ces
robes, ces garnitures,
ces rubans, ces gazes,
ces bonnets, ces plu-
mes, ces blondes, ces Gouache originale. Braun,
chapeaux font aujourd'hui que vers 1895, DR.
quinze cent mille demoiselles nubiles
ne se marieront pas.
Tout mari a peur de la marchande
de modes, et ne l'envisage qu'avec
effroi. Le célibataire, dès qu'il voit
ces coiffures, ces ajustements, ces
panaches dont les femmes sont
idolâtres, réfléchit, calcule et reste
garçon. Mais les demoiselles vous
Dessin humoristique. diront qu'elles aiment autant des poufs et des bonnets histo-
Almanach Vermot, 1914.
Avec l'aimable autorisation riés que des maris. Soit. » Tableau de Paris. Les marchands de mode,
Sébastien Mercier.
des publications G. Ventillard.

Le chapeau n'est pas un accessoire mais une pièce éminente


de la toilette ; sa forme, sa dimension, son ornementation
traduisent un goût, un savoir-faire, un art, celui du ou de la
modiste, en même temps que la personnalité des deux prota-
gonistes, le créateur et la cliente.
Ceci demeure vrai à notre époque, m ê m e si le chapeau a
p e r d u son rôle é m i n e n t : p o u r Jacques Pinturier, créer u n
chapeau c'est « comme par magie, révéler l'image d ' u n visage...
il s'agit q u ' u n e simple idée d ' u n créateur p e r m e t t e la nais-
sance ou la renaissance d ' u n e p e r s o n n a l i t é . . . »

U n e « r é c l a m e » de p r o d u i t de beauté, en 1 9 0 4 , m o n t r e
c o m b i e n le p e r s o n n a g e de la m o d i s t e est à la fois u n type
social bien circonscrit et une silhouette familière et caracté-

ristique du Paris de l'élégance, que chacun reconnaît. Point


n'est besoin de la n o m m e r ! « Elle ira p l u t ô t à pied et gardera
ses frais d ' o m n i b u s p o u r se p a r f u m e r à l ' e a u de C o l o g n e
primiale. » Petit Écho de la Mode.

Un personnagefamilier
dans les rues de Paris à la Belle
Époque : la modiste. Petit Écho
de la Mode, 1904.

Extrait du «Mémoire des fournitures


faites à S.M. la reine Marie-Antoinette par Mlle Bertin »,
pour 1791 :
27 février 1791 : un chapeau coiffé de paille jaune très fine, garni en satin
blanc sur laforme etformant turban, uneplume plate bleue autour de laforme,
un panache de deux plumes bleues de côté 72 livres (1)
4 août ljgt : un chapeau de paille jaune trèsfine, garni avec beaucoup de
ruban de taffetas bleu, le même à nouer sous le menton 48 livres
6 septembre 1791 : un chapeau bonnette de linon batiste bordé d'une très haute (1) À la même époque la valeur
moyenne d'une ga rd e-robe,
dentelle de fil, hauteur d'un tiers, un fichu d'organdi très fin drapé
pour une famille noble est de
dessus 280 livres
6 000 livres, et pour une famille
Un chapeau de paille blanche 66 livres bourgeoise, d'environ 600 livres ;
pour une famille de salarié,
Un chapeau de castor anglais chocolat 66 livres 115 livres (moyennes calculées
Le total desfournitures, pour l'année 1791, comprenant étoffes, robes et sur des garde-robes reconstituées
ajustements s'élevait à 36 000 livres» « complètes ») ; vers 1780, trente
à quarante livres équivalent à plus
La Marchande demodesdeMarie-Antoinette, RoseBertin, Langlade. de 20 journées de travail. D'après
La culture des apparences, Daniel
Roche, 1989, Fayard.
Une vision originale,
et quelque peu hargneuse,
celle de Jean Lorrain,
vers 1900 :

Une femme par jour. Une complicité, celle du ou de


[incohérente la modiste et de sa cliente, saisie
par Jacques Pinturier en ityjO.
L'incohérente de demain est une
des plus sérieuses et des plus Considérée dans sa vie privée, la r é p u t a t i o n de la m o d i s t e
mathématiquesfemmes d'ordre a longtemps été moins flatteuse : sympathique et légère, c'était
et de tête des maisons de mode du M i m i Pinson, regardée avec indulgence, condescendance, o u

boulevard... mannequin autrefois sévérité. Pour S. Mercier ce s o n t les risques d u métier, p o u r


l'ouvrière de mode, en t o u t cas : «Assises dans un comptoir,
chez Perdi, puis essayeuse chez Worth,
à la file l' u n e de l'autre, vous les voyez à travers les vitres.
et, enfin, aujourd'hui, première
Elles a r r a n g e n t ces p o m p o n s , ces c o l i f i c h e t s , ces g a l a n t s
che,,_. .. Mademoiselle la première
trophées que la m o d e enfante et varie. Vous les regardez libre-
adore la piaffe, lefalbala,
ment, elles vous regardent de même.
l'extravagance dans le costume,
Ces boutiques se trouvent dans toutes les r u e s . . . Ces filles
le chatoyant des satins et des moires,
enchaînées au comptoir, l'aiguille à la main, j e t t e n t inces-
l'enveloppement des rubans,
s a m m e n t l'œil dans la rue. Aucun passant ne leur échappe. La
l'ébouriffé des dentelles
place du comptoir, voisine de la rue, est t o u j o u r s recherchée
et des plumes ; modiste jusque
c o m m e la plus favorable, parce que les brigades d ' h o m m e s
dans les moelles, c'est la femme qui passent, offrent t o u j o u r s le coup d ' œ i l d ' u n hommage.
des déguisements.
La fille se réjouit de t o u s les regards q u ' o n lui lance, et
s'imagine voir a u t a n t d ' a m a n t s . . . » (op.

R é t i f de la Bretonne assure que les marchandes de m o d e


« ne souffrent pas plus de libertines chez elles que les autres
maîtresses des professions exercées par les femmes » et que
les « m o d e u s e s » s o n t jalousées à cause de leur plus grande
élégance, en particulier par les couturières qui les jalousent
et les accusent de « coudre avec des épingles » (Légendes et curio-
sités des métiers, 1 8 9 5 ) .
Les enseignes d u XVIIIe siècle s o n t d'ailleurs parlantes :
Au n œ u d galant, Au t r a i t galant, A la corbeille galante, le
Bouquet galant, A la pelisse galante et Aux trois pucelles...
Le XIXe et le xxe siècles o n t fini par a d o p t e r la f o r m u l e la
plus sobre et la plus noble : MODES,
strictement réservée à la profession de modiste.
[usage de ce terme dans cette acception est à
peu près oublié aujourd'hui.
Aussi, dans un petit ouvrage intitulé Conseils
U n intéressant témoignage d'une maîtresse de pension de peut-on lire au
chapitre : Danger de différents états,
D'où donc se décochèrent,
premièrement de l'état de modiste :
non loin de là, les Traits-Galants
de Mme Buffault ? Lesflèches de son carquois, sans « Dans cet état, plus que dans tout autre,
être celles de l'Amour, visaient au cœur et ne on est exposé à rencontrer des compagnies
faisaient souvent que le piquer au jeu. Le magasin pleines de l'esprit du monde, uniquement
de Mmc Buffault était un arsenal pour l'art de occupées à lui plaire, dont tous les entretiens
plaire, à l'usage de son sexe ; mais une jeune roulent sur les modes et autres objets
apprentie de cette modiste ne suivit pas que ses dangereux. Mettez ces personnes au nombre
leçons et son exemple pour devenir la comtesse de celles que vous devez fuir comme des
Dubarry. Mine Buffault était dans les affaires au pestiférées. »
même temps que M. Liégeois, le plumassier,
En 1925, dans un journal humoristique,
et M. Tesnière, le mercier, tous deux établis même
rue, l'un à la Croix-de-Lorraine,
Gens qui rient, André Warnod donnait une vision
l'autre au Louis d'or. déjà nostalgique des Mimi Pinson des
«modes» :
Histoire de Paris, rue par rue, «Au Quartier latin, nous avons connu, il y
maison par maison, de Lefeuve, 1875.
avait des modistes. Elles allaient le moins
possible à leur boutique, elles n'ont pas dû
très bien finir. Il est vrai qu'on ne sait jamais...
Des modistes comme celles-là, y en a-t-il
encore ? Peut-être bien. Mais les dactylos ont
plus de tenue. Elles savent mieux où elles
veulent aller. Elles sont beaucoup moins romantiques et très
rarement bohèmes. Elles sont beaucoup plus 1925... »

Le c h a p e a u et les c o n v e n a n c e s

Le choix d'un chapeau exige de la réflexion et du discer-


nement : il doit, et les revues de mode le soulignent sans cesse,
convenir à la silhouette, au visage, à l'âge, au genre et à la
situation sociale de celle qui le porte.
Mais le chapeau doit surtout être adapté à la circonstance
pour laquelle il a été choisi : d'où ce «calendrier» extrait de
L'Evangile profane de la comtesse de Tamar : La Mode et l'Élégance, de
1906, Victor Havard & Cie, Éditeurs :
196 L'ÉVANGILE PROFANE.

S o u s l a C o u p o l e . — Chapeaux tranquilles quoique très


élégants.
D é j e u n e r s d ' a p p a r a t . — Chapeaux très élégants.
D é j e u n e r s d e d e m i - c é r é m o n i e . — Chapeaux plus
fantaisistes dans une note seyante.
D é j e u n e r s à l a c a m p a g n e . — Capelines de paille, cano-
tiers, toquets de garniture sobre, fleurie
plutôt qu'empanachée.
P a r t i e s d e c a m p a g n e . — Même note.

C h a p e a u x d u m a t i n . — Canotiers, feutres, toquets, cha-

(alendrier peaux amazone ; garnitures rubans, couteaux.


KTK : paille, paillasson, garnitures rubans,
fleurs.

A u V e r n i s s a g e . — Chapeaux très élégants selon la nou-


de5 Orrçe/nerçts de Õéte veauté.
C o n c o u r s h i p p i q u e . — Même note.
et du Çfyapeau G a r d e n - P a r t y . — Chapeaux très élégants, beaucoup de
Heurs, de plumes, grandes capelines, toquets.
P o l o . — Fantaisies légères..
L a w n - t e a n i s , c r o q u e t , f o o t - b a l l . — Canotiers ou
gainshorough de mousseline.
B i c y c l e t t e . — Canotiers ou toquets.
HEURES DE, JOUR
P a t i n a g e . — Toques de fourrures, chapeaux de feutre et
fourrure, de velours, etc.
V i s i t e s d e g r a n d e c é r é m o n i e . — HIVER. Chapeaux
selon la mode, très élégants, fourrure, plumes, L o n g c b a m p . — Chapeaux de grande élégance selon la mode
feutres, velours, etc., garnitures de fleurs, spéciale à cette solennité.
aigrette, etc. — ÉTÉ : Crins, pailles, mousse- A u t e u i l . — Même note.
line, garnitures selon la mode, peigues de tête
richement orfévrés art nouveau, perles ou C h a n t i l l y . — Beaucoup de pailles, capelines, toquets, de
pierres de couleur.' garniture sobre.
V i s i t e s , f i v e ; ' o ' e ) o e k , m a t i n é e . — Chapeaux plus Tenue d e c h e v a l . — Chapeau d'homme, melon, cano-
fantaisistes quoique dans-la même noie que tiers. Pour la chasse à courre - le lampion.
pour les grandes cérémonies.

CALENDRIER DES ORNEMENTS DE TÈTE. 197 198 L'ÉVANGILE PROFANR.

L E S GRANDS É V É N E M E N T S
HEURES DU SOIR

M a r i a g e c i v i l . — Chapeau très sobre.


G r a n d b a l . — Diadèmes, joaillerie, aigrettes, plumes, fleuri,
noeuds de velours ; mantille, capuchon pour M a r i a g e r e l i g i e u x . — Couronne d'oranger, de lis, de roses
s o r t i e . - - blanches, voile de tulle ou de point précieux
pour la mariée. Pour les femmes du cortège
Petite soirée, c o m é d i e , m u s i q u e . - Nœuds de élégant chapeau de gala selon la saison.
velours, peignes de tête, brillants, joaillerie,
etc., petits piquets de plumes, quelques fleurs B a p t ê m e s . — Élégants chapeaux et pour le dh)er coiffure de
natiimlles. soirée, fleurs, plumes, pierreries.

C o n c e r t s . — Chapeaux, coiffures, peu volumineux ou coiffure Première communion. — Élégant chapeau de note
en cheveux avec peignes riches, nœuds de sobre.
velours.

G r a n d s d î n e r s . — Pierreries, perles, peignes riches, fleurs,


plumes, aigrettes, fantaisies selon la nou-
veauté ; mantille, capuchon.

D î n e r s d e d e m i - c é r é m o n i e . — Comme pour les petites


soirées.

D î n e r a u r e s t a u r a n t . — Chapeau élégant de noto sobre.

O p é r a . — Diadèmes, pierreries, perles, plumes, neurs, peignes


riches, aigrettes, fantaisies; capuchon, man-
tille.

O p é r a - C o m i q u e . — Petits chapeaux, coiffures ou ornement


de tête de fantaisie, selon la solennité et la
plaee.

T h é â t r e - F r a n ç a i s . — Mème note.

O d é o n . — Petit chapeau.
Le c h a p e a u en v o y a g e

Encombrant, fragile, le chapeau est un


souci majeur pour la voyageuse, particuliè-
rement à partir de la fin du XIXe siècle,
lorsque les petites capotes cèdent la place
aux chapeaux ronds, de plus en plus volu-
mineux. Aussi boîtes, mallettes, malles à
chapeaux tiennent-elles une place impor-
tante parmi les bagages d'une élégante. Les
catalogues de grands magasins, ceux de
Manufrance, présentent, pendant
quelques décennies au tournant du siècle,
des modèles divers par leurs dimensions
adaptées aux modes, et par les matériaux.
De prestigieuses maisons, comme Old
England, et surtout Louis Vuitton,
proposent, quant à elles, des modèles
luxueux et judicieusement organisés.
Ces bagages de grande qualité
accompagnent souvent, dans les
réclames des années 1920-1930,
l'image de la riche voyageuse en auto-
mobile : la mallette à chapeaux met un point
Mallette à chapeaux, vers igoo. final à l'élégance et au bon ton de l'ensemble.
Au Printemps. On aperçoit, dans A la fin du XIXe et au début du xxe siècle, Manufrance
le couvercle, une capeline de paille
ornée de dentelle noire et propose des «malles à chapeaux en osier entièrement recou-
d'une draperie de gaze blanche vert d'une très forte toile moleskine noire, angles garnis de
de la Maison A. Boucicaut.
bandes de cuir, forte poignée en cuir sur le couvercle avec
À l'intérieur, posée sur un autre
chapeau, une charlotte de broderie
piqûres sellerie, intérieur complètement garni de forte toile
anglaise. Des liens maintiennent grise avec sangles pour chapeaux tout autour et un châssis à Voiture et cartons à chapeaux :
les chapeaux. fond plein. » (catalogue de 1899). le luxe 1920. Grand Guignol,
Plus de dix ans plus tard, en 1911, le même fournisseur 1926, DR.
propose à peu près le même modèle de malle, avec une
nouveauté : des « champignons » pour fixer les chapeaux. Pour
quatre chapeaux, les dimensions sont de 53/47/48 cm, et le
poids : 7,2 kg.
Un « modèle riche » est en «bois de
placage léger, recouvert de pégamoïd
imperméable, angles garnis cuir fort
à piqûres, poignée cuir, une serrure
et deux crochets cuivre, intérieur
doublé velours, champignons velours
pour fixer les chapeaux ». Dimen-
Boîte à chapeau de hêtre
sions 60/48/42, poids : 7 kg pour cintré, couvercle couvert de
4 chapeaux. moleskine, vers 1910.
U n autre modèle, moins luxueux, se fait « en bois recouvert
de toile marron indéchirable, angles renforcés de bandes de cuir,
forte poignée de cuir, serrure cuivre, avec bandes caoutchouc et
dispositif p o u r 5 chapeaux ». Poids : 6,3 kg p o u r 5 chapeaux.
M o i n s onéreuse, une mallette à chapeau « en bois blanc poli
très léger, couvercle avec poignée de métal, recouvert de moles-
La caisse à chapeaux kine noire, angles garnis fer verni noir, serrure, intérieur tapissé»
(poids : 4 à 6 kg selon les
Conseils de La Mode illustrée
dimensions), voisine avec la
du 23 juillet 1905 boîte à chapeau classique «de
sur « les bagages de vacances » forme ovale pour dames, en
hêtre poli et cintré, intérieur
On peut organiser une caisse
doublé papier, couvercle recou-
à chapeaux avec n'importe quelle
vert de moleskine noire imper-
grande boîte en bois suffisamment
méable, courroie à boucle pour
haute, en clouant tout autour,
la fermeture » poids : 2 kg.
à l'intérieur, un lien defil blanc
Le catalogue de 1927 offre
laissé assez vague entre chaque pointe moins de variété et moins de
très fine, et auquel on épingle luxe ; le chapeau est devenu plus
les chapeaux. sobre, plus sport, le bagage aussi,
Ce système se retrouve et la légèreté entre en ligne de
dans les cartons à chapeaux compte : si la « boîte à chapeau
des plus nouveaux qui se complètent de forme carrée, en fibrite
de pelotes de velours montées havane, grain long, encadrement
après un coulant de métal métallique, coins renforcés,
qui s'introduit dans une rainure serrure nickelée, poignée métal,
deux sangles intérieures, doublée
établie sur les parois de la boîte.
fantaisie » rappelle encore
Généralement, dans une caisse
l'avant-guerre, le deuxième
de dimension ordinaire, on met trois
modèle, plus moderne, est « une
ou quatre chapeaux accrochés aux
boîte à chapeaux, souple, moles-
pelotes, un ou deux autres à plat,
kine noire, poignée souple,
maintenus par une lanière permettant de la porter sous le
sefermant à l'aide d'une boucle. bras ou à la main. Imperméable,
Dans certains cartons à chapeaux légère, permet de transporter 2
très confortablement installés, ou 3 chapeaux. Poids : 700 g pour 3 ou 4 chapeaux ». Malle pour 6 chapeauxfaisant
on ajoute un premier compartiment La fermeture Éclair tout autour du couvercle se rencontre découvrir une cage et un châssis
enrubanné sur lesquels étaient
réservé aux voilettes et aux épingles fréquemment alors. fixés les chapeaux à l'aide
à longue tige. Le catalogue du Printemps, été 1928, présente un modèle d'épingles et de petits rubans.
Doc. patrimoine Louis Vuitton.
de «boîte à chapeaux en fibrille havane, poignée cuir, serrure,
rubans à l'intérieur» devenu classique; et, en 1939, le Bon
Marché propose une «boîte à chapeaux en fibrite grain galu-
chat » dans les modèles peu onéreux ; un autre modèle se décline
«en parchemin doublé toile» à 198 F et en «moleskine noire
souple» à 65 F. La légèreté est mise en évidence.
La mallette de bois, ronde, sertie de cuivre, n'a pas disparu
pour autant.
Les épingles à chapeaux
La disparition des brides et le volume croissant des
chapeaux ronds a nécessité l'utilisation d'épingles pour fixer
le chapeau.
Les épingles à chapeaux ont une histoire relativement
récente : c'est vers 1880 que leur fabrication se développe et
elles deviennent vite indispensables.
Le volume du chapeau augmentant,
elles se vendent même par paire. Les
épingles s'assortissent à chaque
chapeau de l'élégante : perle, tur-
quoise, or mat pour le chapeau de
ville ; diamants, perles fines et vieil
or ou vieil argent pour le chapeau
élégant. Mais, on trouve aussi l'amé-
thyste, la pierre « œil de chat » ou
« oeil de paon », le strass, selon la
nuance du chapeau.
Avec la pratique du sport et de la
bicyclette, l'épingle montre plus que
jamais son utilité sur le canotier, le
chapeau amazone ; elle est alors plus
simple : boule dorée ou oxydée,
bouton de vieil argent ou de vieil or.
En 1904, «il ne faut pas moins
de trois épingles pour assurer l'équi-
l i b r e p a r f a i t d u c h a p e a u m o d e r n e »,
les dimensions de la tige sont encore
raisonnables. On fait aussi la longue
épingle-broche que l'on fixe derrière
le chapeau pour bien appliquer celui-
ci sur les cheveux.
Les épingles à chapeaux alimen-
tent régulièrement les chroniques de
mode lorsque la dimension de leur
tige s'accroît jusqu'à mesurer 30
centimètres, et fait courir des risques
aux voyageurs des transports en
commun, notamment 1
En 1909, la revue Nos lectures met
en garde : « Les épingles à chapeaux
sont devenues un danger public et
Épingles à chapeaux enforme
de broches, Petit Écho je ne saurais trop vous r e c o m m a n d e r ou d a d o p t e r un certain
de la Mode, 1904. système très ingénieux, p e r m e t t a n t de fixer le chapeau sans
épingle, ou de vous m u n i r d ' u n p r o t è g e - p o i n t e . . .
Épingles à chapeaux sur leur
présentoir d'origine, vers igoo.

«Les journaux o n t écrit de si violents articles contre les


épingles à c h a p e a u x m e u r t r i è r e s q u ' i l est q u e s t i o n de les
s u p p r i m e r t o u t à fait et de les remplacer par des systèmes
assez c o m p l i q u é s mais pas du t o u t dangereux. Je vous en
signalerai deux de genre très différent. L u n est formé d ' u n e
sorte de spirale q u ' o n fixe aux deux côtés, droit et gauche, du
chapeau après la barrette, et q u ' o n visse dans les cheveux.
Lautre est un peigne à dents écartées qui se fixe également à
la barrette du chapeau et q u ' o n entre dans les cheveux à la
façon d ' u n peigne ordinaire...
« Les épingles à chapeaux (toujours munies de leur protège-
Épingles à chapeaux enforme pointe) s o n t de plus en plus volumineuses et f o r m e n t parfois
de broches. Métal doré et strass.
la seule garniture du c h a p e a u . . . »

Le deuil

La circonstance pour laquelle les règles du savoir-vivre ont


longtemps été pointilleuses, est celle du deuil.
Traditionnellement, le chapeau de deuil est une version
simplifiée et austère du chapeau à la mode du temps : capote
au XIXe siècle, puis toque, chapeau rond, cloche... Laustérité
vient des matériaux utilisés et d'abord du crêpe anglais, inévi-
table pour le grand deuil : il s'agit d'un crêpe gaufré et mat
tout à fait dans le ton de «l'uniforme de la douleur»; les
garnitures sont à éviter mais les modistes savent nuancer les
diktats du savoir-vivre : fruits et fleurs ne sont pas totale-
m e n t absents, mais leur m a t i t é garan-
t i t l ' a u s t é r i t é de b o n t o n ; p o u r les
r u b a n s , la Mode illustrée d e 1 8 9 5
c o n s e i l l e : « Les n œ u d s à é n o r m e s
envolées seront bannis, le n œ u d alsa-
c i e n de c r ê p e a n g l a i s s u f f i r a p o u r
garnir (le c h a p e a u ) . » Vers 1 8 9 0 , une
mode venue d'Angleterre se manifeste :
la p a s s e des c h a p e a u x de veuves se
borde d ' u n bandeau de crêpe blanc ; en
1 9 0 2 , l'usage s'en est r é p a n d u et la
c a p o t e de c r ê p e a n g l a i s « d ' a s p e c t
p r e s q u e m o n a s t i q u e accentué p a r le
b a n d e a u blanc est p a r t o u t a d o p t é e » .

Le g r a n d d e u i l s ' a c c o m p a g n e
t o u j o u r s d ' u n long voile de crêpe qui
couvre le visage, p e n d a n t les premières
semaines, et f l o t t e derrière, ensuite.
Chapeau de veuve, bordure
Le voile est u n é l é m e n t essentiel
de crêpe blanc tout autour
d u c h a p e a u de g r a n d d e u i l : p o u r de la passe. Long voile de crêpe
l ' é l é g a n c e et, s u r t o u t , pour les anglais, vers 1900.
convenances.
Pendant la Grande
Guerre, les revues
de m o d e s ' é t e n -
dent l o n g u e m e n t
Le Petit Journal, sur l'art d'agencer le voile : «Un voile
9 novembre 1902 : la Toussaint chic n'est ni froncé, ni plissé, ni drapé
dans les cimetières parisiens.
par des points. C'est une écharpe souple
dont toute la grâce vient : 1° de ses pro-
portions, 2° de la forme du chapeau et
du point précis où le voile est placé et
retenu sur cette forme, 3° de la tombée
du tissu... Un voile n'est joli que sur un
chapeau de forme symétrique, à bords
petits ou moyens s'il s'agit d'un chapeau
rond ; pour les grands deuils, on met
généralement un petit chapeau sans bord :
les trois formes qui ont remplacé la
capote, le chapeau fermé à brides d'an-
tan, sont la toque droite, le "pot de fleurs
renversé" (forme emboîtante tronconique
sans bord) et le "calot". Ces chapeaux
sont d'ailleurs à peu près importables
sans voile. » La Mode pratique, 1916.
La m i n u t i e dans la pose du voile perdure : « O n pose très
simplement les voiles en ce m o m e n t sur la calotte du chapeau
d ' o ù ils r e t o m b e n t très naturellement par derrière. Les voiles
s o n t cousus nets ou en dedans p o u r être retournés suivant la
façon d o n t on m e t t r a le voile, baissé sur le visage ou en arrière
c o m m e on le fait le plus souvent p u i s q u ' o n le pose ainsi au
b o u t de quelques j o u r s . . . Les p o i n t e s doivent être absolu-
m e n t égales en bas d u voile. C ' e s t pourquoi, il est nécessaire
de l'épingler sur le chapeau et de l'essayer avant de le coudre. »
Manuel de la Mode, 1 9 2 6 .

Quelle évocation poétique, d ' u n accessoire s o m m e


t o u t e sévère, que celle de François M a u r i a c !

«La province surveille ses veuves. Elle mesure le temps durant lequel
les veuves portent le «voile devant ». Elle juge le chagrin éprouvé à la
longueur du crêpe.
Malheur à celle qui, par un jour torride, souleva son voile pour respirer!
Elle a été vue, on va dire :
- En voilà une qui a été vite consolée...
- A-t-elle beaucoup souffert de la mort de son mari ?
Deuil et séduction
- J'en doute : ses robes ne seraient pas si bien coupées. Ses larmes n'enlèvent
Elle avait d'ailleurs religieusement pas son rouge. Vous n'avez pas vu son voile ? C'est une voilette; et pas même
porté le deuil rigoureux des veuves de crêpe : du tulle.
de millionnaires. Reconnaissons qu'il y avait de la beauté dans cet ensevelissement des veuves

Dix-huit mois de crêpes. Et c'est sous des crêpes et des châles. »


La Province.
son demi-deuil de jolie millionnaire,
violet pâle, héliotrope, et mauve
qu'elle est venue achever
cet été à Luchon. Le grand deuil terminé, les matières se diversifient avec un Chapeau de demi-deuil en tulle
souci d'élégance accru au fur et à mesure que le temps passe : noir sur armature de fil de laiton,
Une femme par jour. Fleur de luxe, dentelle noire dessus et violettes
Jean Lorrain. le jais, brillant, prend alors le relais des garnitures mates. Pour
au bord de la passe.
la forme proprement dite, le crêpe de soie, le crêpe Georgette,
Brides de velours noir, vers 1890.
la paille, le crin, le taffetas, rompent avec l'aspect triste du crêpe
anglais. La coquetterie, on le voit, est loin d'être absente, parti-
culièrement pendant le demi-deuil qui donne l'autorisation de
garnir le chapeau de fleurs, de plumes, de rubans dans tous les
tons du mauve et du violet.

Lévolution sociale va de pair avec l'évolution du savoir-faire


des modistes.

Pendant et après la Grande Guerre, le souci d'élégance et de


modernité est d'autant plus marqué que le deuil frappe toutes
les femmes ; le travail de la modiste évolue ; le chapeau de deuil
se veut moins coquet, moins garni, plus souple, plus sobre, t o u t
comme le chapeau au q u o t i d i e n :
« Les modistes renoncent, pour les chapeaux de crêpe, à
l'ancienne manière qui voulait que cette étoffe alors raide et
sans grâce, fût tendue et laitonnée de main de maître, c'est-
à-dire par la main d'une spécialiste, la « deuilliste », pour avoir,
du moins, la parfaite netteté d'apprêt qui était le chic essen-
tiel du chapeau de deuil. Depuis que, à la suite de l'intrusion
envahissante de la mousseline et du
voile de soie, toutes les étoffes, jusque
et y compris le crêpe, se sont assouplies
et allégées, on ne les travaille plus de la
même manière : entoilage, baleinage ont
disparu de nos robes comme la rigidité
de nos chapeaux. » Mode Pratique,
décembre 1917.
Dès la Belle Époque, pour le deuil,
les boutiques se spécialisent et les
enseignes sont éloquentes : Au Rameau,
15 rue du Vieux-Colombier, À la
Religieuse, 32 place de la Madeleine, puis
2 rue Tronchet, ou encore À l'Immortelle,
65 rue de Rivoli...
Dans les années 1920, «générale-
ment les maisons de mode achètent
leurs modèles de deuil tout faits, tant
Je vis une femme en noir,
il est vrai que ces sortes de chapeaux
en grand deuil, qui s'agenouillait
sont une spécialité. Les ouvrières en sur le tombeau voisin. Son voile
deuil possèdent, en effet, la netteté, le
de crêpe relevé laissait voir une jolie
fini, de ces apprêts et se jouent de leurs
tête blonde... Sa tête lentement
difficultés par l'habitude acquise.
Chapeaux de deuil dans Paris se pencha sur le marbre. Elle y posa
O n les fait, p o u r la première période, en crêpe anglais noir
Chapeaux, revue professionnelle, son front et son voile se répandant
i923. et blanc, puis en crêpe Georgette ou grenadine.
autour d'elle couvrit les angles blancs
À la fin d u deuil, on p e u t p o r t e r des chapeaux de crêpe de
de la sépulture aimée...
C h i n e ou de ruban, voire de taffetas, qui est très joli, plissé
(quelques heures plus tard)...
au fer ou coquillé p o u r les toques.
elle était en demi-deuil, charmante,
Pour les premiers temps, la p e t i t e t o q u e classique t e n d u e
fine et mince, dans une toilette grise
avec le d é p a s s a n t blanc sur les cheveux, avec o u sans jugu-
et fort simple. Elle avait évidemment
laire, est très bien portée, avec le grand voile de crêpe.
tenue de cimetière et tenue de ville.
O n la t e n d sur u n p e t i t calot de s p a r t e r i e . . . Puis viennent
Les tombales, Maupassant.
les cloches, les toques moins strictes, les canotiers, les bretons
qui p e u v e n t avoir un dessous de crêpe anglais o u de crêpe
Georgette b l a n c . . . » Manuel de la Mode, 1926.
P e n d a n t la D e u x i è m e G u e r r e m o n d i a l e , les m o d è l e s de
feutre c o r r e s p o n d e n t aux formes en faveur : bérets, relevés,
souvent en feutre, t u r b a n s de crêpe, de jersey; la garniture
sobre constituée de fleurs découpées dans le feutre, la voilette,
s o n t les o r n e m e n t s courants, passé le grand d e u i l . . .
Le c h a p e a u et la v i e m o n d a i n e

Permettant d'identifier, d'un coup d'œil, le goût de la femme


et son niveau social, de cerner certains aspects de sa person-
nalité, le chapeau devait jouer un rôle dans la vie mondaine.
Il n'est pas excessif de parler de phénomène de société : qu'il
s'agisse d'éducation, de loisir, de savoir-vivre, le chapeau est
présent dans toutes les manifestations de la vie sociale, pendant
plus d'un siècle et demi.

Chapeau et é d u c a t i o n
Dans la formation d'une femme d'intérieur, d'une maîtresse
de maison, les travaux d'aiguille ont une place importante :
au début du XXe siècle, savoir confectionner soi-même un
chapeau est un devoir.
Sous le titre «À quoi s'occupent nos jeunes filles?» le
mensuel Lecture pour tous, en 1906, évoque la formation de la
« modiste mondaine » :
«Mesdemoiselles, pour faire un joli chapeau, il faut être
de bonne humeur... C'est Mlle About qui donne ce conseil
aux jeunes filles venues pour apprendre chez elle les mystères
du métier de modiste... imaginez un salon inondé de lumière,
élégamment meublé : sur la longue table, rubans déroulés,
fleurs, plumes, pailles légères mettent la gaîté de leurs notes
claires et la variété de leurs nuances. Assises autour de la table,
les jeunes élèves s'appliquent à modeler, garnir, orner la forme
de feutre ou de paille. Mlle About va de l'une à l'autre, donne
une indication, remet en bonne voie un travail mal commencé.
En quelques heures, ce grand plateau blanc va devenir une
capeline Louis XVI ; ce feutre rouge, une toque croquée avec
un tapet de velours. On apprend vite ce que l'on apprend avec
plaisir : deux saisons, un hiver et un été, suffisent à former
la parfaite modiste mondaine. »

Chapeau et loisirs
Les loisirs, citadins ou campagnards, sont l'occasion de
porter un chapeau approprié.
Les concours d'élégance ont été pendant des décennies la
manifestation mondaine par excellence, dans laquelle le
chapeau jouait un rôle éminent.
Les journaux se faisaient l'écho de ces événements souvent
très parisiens : « Un loisir mondain se pratiquant en plein air
et consistant en jeux très variés aussi bien qu'inoffensifs est
le «gymkhana», nom exotique d'une chose bien parisienne et
moderne.
Les journaux se faisaient l'écho de ces événements souvent
très parisiens : «Un loisir mondain se pratiquant en plein
air et consistant en jeux très variés aussi bien qu'inoffen-
sifs est le «gymkhana», nom exotique d'une chose
bien parisienne et moderne.
Parmi les diverses courses auxquelles les
participantes doivent se soumettre, entre la
course aux grenouilles et la course
à la c u i l l è r e à œ u f s o u aux
animaux, voici la " c o u r s e
aux chapeaux" : les voitures
s o n t rangées à l'endroit du
départ. Chaque dame reçoit un
chapeau et un voile qu'elle doit
mettre ; cette opération effectuée, elle
donne elle-même le signal du départ au chauffeur. C'est
Canotier semblable à ceux naturellement la dame qui aura mis le moins de temps à poser
despromeneuses en montagne : son chapeau selon les règles de l'art qui arrivera la première au
forme ronde, haute calotte,
nœud de ruban, vers 1895-1998. poteau.» Je sais tout, août 1905.
Vers 1900, également, avait lieu une rencontre originale et
plus modeste : «Le grand concours annuel d'ombrelles et de
chapeaux garnis de fleurs naturelles, sur la plage de Pontaillac. »
La promenade dominicale, les activités sportives, et même
les «bains de mer» étaient, souvent, l'occasion d'exhiber le
nouveau chapeau, que ce soit en famille, entre amies. L'heure du bain au bord
Pour les citadines, c'était plutôt le restaurant, l'hippodrome, de la mer, E. Due^ 1892,
le théâtre. musée des Beaux-Arts, Rouen.

Aux bains de mer

Sur l'arrière de la plage, toutes sortes de chaises et pliants du bord de mer


supportaient les parents de ces enfants, coiffés de chapeaux de paille,
qui s'amusaient devant eux dans le sable. Les hommes arboraient
des pantalons blancs, qui, à nosyeux d'aujourd'hui, feraient l'effet
de s'être comiquement rétrécis au lavage;
les dames portaient, cette saison-là, de légères jaquettes à revers de soie,
des chapeaux à grosses calottes et larges bords, des voilettes blanches
épaisses et brodées, des corsages au devant garni de ruches, des ruches
à leur poignets, des ruches à leurs ombrelles...
VladimirNabokov, Autres rivages, 1909, Gallimard.
Promenade en montagne :
les promeneuses sont coiffées
d'un canotier rond, vers 1898,
photographie ancienne.

Colette, vers 1895, évoque ainsi Un dimanche à la campagne, en 1898 : Chouette!


Mme Armand de Caillavet :
«Sa mante de zibeline s'achevait La mode des chouettes dans l'ornement du chapeau dura
enfraise de dentelle, un oiseau plusieurs années, comme en témoigne Colette dans une savou-
reuse anecdote, mais aussi la Mode illustrée :
de Minerve qui lui ressemblait,
la coiffait, ailes ouvertes. » «Quatre ménagess'étaient donnérendez:vous, ily a quelquesjours, pour aller
Mes Apprentissages faire une visite dans un château des bords de la Loire, et ilfallait prendre le
chemin defer pour s'y rendre.
Elle renchérit malicieusement et
Lepremier couple monte dans un compartiment, lajeunefemme avait comme
spirituellement, dans ce portrait pris garniture une chouette à son chapeau, la seconde quiy prendplace avait aussi
sur le vif, de 1901 : «Embobelinée une chouette et lorsque le wagonfut au complet, il y avait quatre chapeaux
d'une zibeline attardée sous quoi ornés chacun de l'oiseau de nuit. C'est dire que les chouettes sont à la mode.
elle transpire, Mme Barmann Une des dames raconta que celle qu'elleportait avait ététuée chezelle, préparée
est coiffée d'une chouette éployée. à la ville voisine; c'était elle-même qui l'avait disposée sur son chapeau de
Chouette dessus, chouette dessous. » campagne.
Claudine à Paris. « Chouette dessus... » —
C'est une idée que bien des lectrices pourront mettre à profit, car, cet oiseau Le Journal des modistes,
n'est pas rare, et son plumage avec sa variété infinie dejaune, depuis le plus revue professionnelle, 1894.
clairjusqu'au plusfoncé, est véritablement trèsjoli.»
D'après la Mode illustrée.
C h a p e a u et t h é â t r e

C'est une série à multiples épisodes que l'histoire du


chapeau féminin au théâtre.
Déjà, vers 178o, Sébastien Mercier évoque les incidents,
courtoisement résolus : « Il n'y a pas longtemps que, les hautes
coiffures, les plumes, panaches, etc. étaient sur toutes les têtes
de femmes. Et au spectacle, une rangée de femmes, placées à
l'orchestre, bouchait la vue à tout un parterre ; la même chose
à l'amphithéâtre et dans les loges. C'était un vrai désespoir
pour les spectateurs : on murmurait tout haut ; mais les
femmes en riaient, et la politesse parisienne se contentait de
Chapeau de théâtre. Griffe : gronder, mais n'allait point au-delà.
Mme Bault, rue de lAve-Maria
Paris, vers 1890. Il n'y eut qu'un seul homme, Suisse de nation et fort impa-
tienté, qui, tirant une longue paire de ciseaux, fit
mine, dans une loge de vouloir couper l'excédent
qui l'empêchait de voir ; alors, pour s'y soustraire,
la dame fut obligée de se mettre derrière et de
laisser passer à sa place l'homme qui y consentit
très bien. » Tableau de Paris, Hauteur des panaches.
Peu à peu, la courtoisie Ancien Régime laisse
place à l'aigreur.
1898 : le volume des chapeaux augmente régu-
lièrement et suscite de houleux débats lors des
représentations théâtrales : nombre de specta-
teurs sont en effet gênés par les grandes ailes
emplumées ou fleuries qu'arborent les dames. Les
revues abordent le sujet pour exhorter ces
dernières à plus de sagesse ; l'argumentation est
parfois insidieuse, comme dans le Petit Écho de la
Mode :
« N'est-il pas possible de supprimer au théâtre
ces immenses chapeaux couverts de plumes,
surchargés d'ornements, qui font le désespoir des
personnes placées derrière vous ? Et comme ce
sont le plus souvent les messieurs qui occupent
le fond de la loge, leurs réclamations me semblent
fort légitimes... Mesdames auriez-vous peur de
montrer vos visages ? Ce sont les femmes laides
qui mettent ces désagréables abat-jour qui abritent leur visage ;
ce sont les femmes jolies et jeunes qui arborent fièrement le
petit toquet ou le nœud de velours hardiment relevé, décou-
vrant le front, les yeux, les cheveux drus et bien plantés... »
[apaisement n'est pas immédiat, mais, en 1905, le Petit
Écho de la Mode se réjouit : « La question semble résolue... Le
grand chapeau du soir est remplacé par le «petit chapeau»
fait d'un rien, d'une fleur, d'une torsade, d'une aigrette... »
Les grandes dames s'impliquent : la Ligue du Petit Chapeau
fondée par la comtesse de Greffulhe, exhorte les modistes à faire
de petits chapeaux pour le théâtre. On miniaturise les bicornes,
les tricornes, les toquets et les marquis. Les Ligueuses en
confectionnent d'ailleurs elles-mêmes !
Tout irait pour le mieux grâce à l'esprit d'à-propos et à
l'habileté des modistes, mais toutes les femmes n'acceptent pas
de se passer du grand chapeau, en particulier dans les salles
populaires.
1906 : les réclamations et les incidents
se multiplient. Sous le titre « Votre
chapeau, Mesdames, s'il vous plaît», un
long article est publié dans le mensuel
Lectures pour tous, résultat d'une
enquête auprès des directeurs de salles
au sujet des mesures à prendre, article
n'espérant rien moins que le
«rétablissement de la paix».
Le public, invité à se prononcer par
référendum, grâce à des urnes installées
dans une douzaine de théâtres, par l'Écho
de Paris, condamne le chapeau au théâtre
à une écrasante majorité. Pour les
directeurs de salle, le problème n'est pas
simple. Dans les salles prestigieuses,
Opéra, Opéra-Comique, Théâtre-
Français, peu de difficultés : les clientes,
en effet, sont en général en tenue de
soirée, robe décolletée et sans chapeau.
Les obstacles sont tout autres dans
les autres théâtres. On y vient en tenue
de ville et la toilette s'accompagne d'un
chapeau, parfois acquis à grands frais,
p o u r l ' o c c a s i o n : il n ' e s t pas q u e s t i o n de l'ôter. Q u a n t à Soirée parisienne, Almanach
Vermot, 1926. Avec l'aimable
l'interdiction, en bonne et due forme, elle fait hésiter plus d ' u n
autorisation des publications
directeur, craignant de perdre la clientèle. G. Ventillard.
Mme Sarah Bernarht, directrice, inscrit sur les billets : « Les
dames en chapeaux ne sont pas admises à l'orchestre ».
Mme Réjane, dans son théâtre, a pu faire installer des vestiaires
agréables, réglant ainsi élégamment le problème, mais cela n'est
pas toujours possible. Les directeurs, donc, temporisent —
comptant sans doute sur les caprices de la mode qui proscrira
peut-être demain les grands chapeaux en faveur aujourd'hui ; de
fait, ils refusent d'user du stratagème évoqué plus haut et qui
s était pratiqué pendant la Restauration ; une affiche apposée à
l'entrée du théâtre stipulait : « Les jolies femmes sont priées de
déposer leur chapeau au vestiaire, les autres peuvent le garder. »
Côté scène, le chapeau a également une existence mouve-
mentée, grâce à Eugène Labiche qui, en 18 5 1, noue une
intrigue autour d'une capote : Le chapeau de paille d) Italie. On
y retrouve la modiste, un personnage traditionnel.

Acte II, s c è n e s 1 et 6 ( e x t r a i t s ) FADINARD

— C h u t ! . . . P a s d e b r u i t . . . je v o u s e x p l i q u e r a i ç a . . . j ' a r r i v e
Le théâtre représente un salon de modiste. À gauche, un comptoir parallèle à la cloi-
de Saumur.
son latérale. Au-dessus, sur une étagère, une de ces têtes en carton dont se servent
les modistes. Une capote defemme est placée sur cette tête. On ne voit pas un seul CLARA

article de modes dans cette pièce, excepté la tête en carton. C'est un salon de modiste, — D e p u i s six m o i s ?
les magasins sont censés être à côté. FADINARD

— O u i , j'ai m a n q u é la d i l i g e n c e . . .
CLARA, la modiste, parlant à la cantonade
CLARA
— Dépêchez-vous, M e s d e m o i s e l l e s ! . . . cette c o m m a n d e est
très p r e s s é e . . . M . Tardiveau n'est pas encore a r r i v é ! . . . Je n'ai — Q u a n d je p e n s e q u e c e t ê t r e - l à a v a i t p r o m i s d e m ' é p o u -
ser !...
jamais vu de t e n e u r de livres aussi l a m b i n . . .
M o n s i e u r Tardiveau, j'ai une course à vous donner, vous allez FADINARD, à p a r t

c o u r i r . . . rue R a m b u t e a u chez le p a s s e m e n t i e r . . . — C o m m e ça se t r o u v e ! ( H a u t ) M a i s je t e le p r o m e t s
TARDIVEAU toujours...
CLARA
—C ' e s t q u e . . .
CLARA — O h ! d ' a b o r d , si v o u s e n é p o u s i e z u n e a u t r e . . . je f e r a i s u n
éclat.
— Vous rapporterez des écharpes t r i c o l o r e s . . .
TARDIVEAU FADINARD

— Des écharpes t r i c o l o r e s ? . . . — O h ! O h ! qu'elle est bête !... moi, é p o u s e r une autre

CLARA f e m m e ! . . . m a i s la p r e u v e , c ' e s t q u e je t e d o n n e m a p r a t i q u e . . .
(changeant de ton) A h ! j'ai b e s o i n d ' u n c h a p e a u d e p a i l l e d ' I t a l i e . . .
— C ' e s t p o u r ce maire de province, vous savez...
t o u t d e s u i t e . . . avec d e s c o q u e l i c o t s .
CLARA, seule
CLARA
—M e s ouvrières s o n t à l ' o u v r a g e . . . t o u t va b i e n . . . C ' e s t une
— O u i , c ' e s t ça, p o u r u n e a u t r e f e m m e !
b o n n e idée que j'ai eue de m ' é t a b l i r . . . Il n'y a que quatre mois
FADINARD
et déjà les pratiques arrivent... Ah! c'est que je ne suis pas une
modiste comme les autres, moi !... Je suis sage, je n 'ai pas d 'amou- — O h ! O h ! qu'elle est b ê t e !... u n c h a p e a u de paille p o u r . . .

r e u x . . . p o u r le m o m e n t . (On entend un bruit de voiture.) Q u ' e s t - c e n o n , c ' e s t p o u r u n c a p i t a i n e d e d r a g o n s . . . q u i v e u t faire d e s t r a i t s


à son colonel.
que c'est que cela?
CLARA
FA D IN ART), entrant vivement
—Madame, il me faut un chapeau de paille, vite, t o u t de suite, — H u m ! C e n ' e s t p a s b i e n s û r ! . . . m a i s je v o u s p a r d o n n e à
une condition.
dépêchez-vous !
CLARA FADINARD

— U n chapeau d e . . . ? (Apercevant Fadinard.) A h ! m o n Dieu. —Je l'accepte, d é p ê c h o n s - n o u s !


CLARA
FADINARD, à part
— Bigre! C l a r a . . . une a n c i e n n e ! . . . et m a noce qui est à la — C ' e s t q u e v o u s d î n e r e z avec m o i .
FADINARD
p o r t e ! (Haut, tout en se dirigeant vers la porte.) Vous n ' e n t e n e z
pas ?... très b i e n . . . je reviendrai... — Parbleu !

CLARA, l'arrêtant CLARA


- A h ! vous voilà... et d ' o ù venez-vous ? — V o u s m e c o n d u i r e z ce s o i r à l ' A m b i g u .
Loge d'avant-scène.
Aquarelle, Gavarni, 1833,
éd. Floury., 1924. L'élégante
porte un immense béret bleu
orné de chaque côté de plumes
blanches vaporeuses.
Derrière elle, le spectateur
est debout... DR.

FADINARD FADINARD, à p a r t

—Ah ! c'est une bonne idée !... voilà une bonne idée !... J'ai — Sapristi ! m e voilà bien !
justement ma soirée libre... Je me disais comme ça : «Mon Dieu !
CLARA
qu'est-ce que je vais donc faire de ma soirée ? » Voyons les
chapeaux ! - S i v o u s v o u l e z a t t e n d r e q u i n z e j o u r s , je v o u s e n f e r a i v e n i r
un de Florence.
CLARA
FADINARD
—C'est ici mon salon... venez dans mon magasin et ne faites
pas l'œil à mes ouvrières... — Q u i n z e jours !... petite bûche !

CLARA
Voici votre échantillon... je n'ai rien de pareil à ça.
FADINARD —Je n ' e n c o n n a i s q u ' u n s e m b l a b l e à Paris.

—Comment ! FADINARD, vivement

CLARA —Je l ' a c h è t e !

CLARA
—C est une paille très fine qui n'est pas dans le commerce...
Oh ! vous n'en trouverez nulle part, allez ! (Elle lui rend lefragment — O u i , m a i s il n ' e s t p a s à v e n d r e . . . J e l'ai m o n t é , il y a h u i t
de chapeau.) j o u r s , p o u r M a d a m e la b a r o n n e d e C h a m p i g n y . . .
La s o l u t i o n est t o u j o u r s entre les m a i n s des m o d i s t e s .
Soupçonnées d'abord de favoriser les grandes formes par souci
de lucre, elles s o n t consultées et se déclarent prêtes à orner
les têtes de petits choux de tulle où se b l o t t i t un oiselet, ou
de petits chapeaux t o u t en fleurs : le luxe des matériaux et la
délicatesse de l'exécution garantiront le prix élevé de l'article !

Dès 1912, la presse se félicite avec optimisme : « O n croyait


q u e les f e m m e s ne p o u v a i e n t p o r t e r au t h é â t r e q u e d e s
chapeaux immenses. On les leur
a interdits : aussitôt, elles se sont
accommodées d'une petite coiffe,
elles s'y sont trouvées char-
mantes. » Que sont ces coiffes ?
D es bonnets du soir, béguins
aériens en gaze lamée d'argent,
des bandeaux brodés d'or, mêlés
au tulle ou à la mousseline, ou
piqués d'aigrettes éclatantes
jaillissant d'un cabochon de pier-
rerie. Ainsi, la querelle s'apaise
dans le scintillant !

T o u c h a n t e anecdote
que celle racontée par
Marcel Jouhandeau,
et si p e u m o n d a i n e !

Andrée faisait de si jolis chapeaux, et dans


les circonstances exceptionnelles, coiffait ma
mère comme une princesse; je revois la petite
capote qu'elle lui avait composéepour lejour
de ma première communion : un fond de
violettes de parme entouré de volants de tulle
blanc et mauve trèsflou... Je n'ai pas oublié
Toquets de théâtre non plus cette sorte de béguin Directoire en velours vert avec des incrustations de
de Mme Desbruères, dentelle noire et des brides que ma mère portait (elle ne le mit que ce soir-la) le
217 rue Saint-Honoré, Paris. soir mémorable d'une représentation de l'Aiglon où ellefut malade... La pauvre,
Le Petit Écho de la Mode,
1905. d'ailleurs, sentit si cruellement que ce luxe n'était ni de sa condition ni selon son
cœur que, dès qu'elle se vit ainsi parée (elle devait penser déguisée) au milieu de
sa ville qui ne pouvait pas ne pas la trouver belle, mais s'étonnait, elle ne songea
plus qu'à rentrer chez elle et, avant la fin du premier acte... elle s'enfuit...
L'ouvreuse nous prévint à l'entracte etje me souviens qu'au retour, après minuit,
nous l'avons retrouvée qui nous attendait, assise dans la rue, devant la porte des
Kraquelin, qui lui tenaient compagnie, son chapeau sur lesgenoux.
Chaminadour.
La rivalité entre coiffeurs
et modistes

La rivalité e n t r e c o i f f e u r s et m o d i s t e s e s t u n e

l o n g u e h i s t o i r e , q u i a c o m m e n c é avec la v o g u e d e s
cheveux frisés en c o q u e s s u r m o n t é s d ' é l é g a n t s b o n n e t s
v e r s 1 7 8 0 . C e s m é t i e r s n e se s p é c i a l i s e n t v r a i m e n t
q u ' a u d é b u t d u XIXe s i è c l e . J u s q u e - l à , c o i f f e u r s ,
m a r c h a n d e s de m o d e s , m o d i s t e s et m ê m e lingères
p a r t i c i p e n t à la p a r u r e d e t ê t e : le c o i f f e u r n e laisse
p a s d e v o i r d a n s la m a r c h a n d e d e m o d e s u n e c o n c u r -
r e n t e e t i n v e r s e m e n t ; d ' a i l l e u r s , les d é f i n i t i o n s d u
D i c t i o n n a i r e de l ' I n d u s t r i e et des arts industriels,

1 8 8 3 , n e l a i s s e n t p a s d ' ê t r e é q u i v o q u e s ; le c o i f f e u r
e s t « celui q u i f a i t m é t i e r d e c o i f f e r e t d ' a c c o m m o d e r
les c h e v e u x » et la m o d i s t e celle « q u i c o n f e c t i o n n e
d e s o b j e t s d e s t i n é s à la c o i f f u r e d e s f e m m e s » .

L é o n a r d , M a r t i n e t , D u p a i n r i v a l i s a i e n t avec R o s e
B e r t i n , a u p r è s d e M a r i e - A n t o i n e t t e p o u r la c r é a t i o n
des poufs.

Leroy, ancien coiffeur, devint modiste de la cour


impériale, et, pendant la Restauration, M. Narcisse,
rue Neuve des Mathurins, et le célèbre Croizat, rue
de l'Odéon, drapaient bonnets et turbans. Croizat,
particulièrement entreprenant, fonda une académie de coif- Coiffure composée de barege
fure. Croizat savait aussi faire sa publicité ; son annonce dans et de rubans de gaze
par M. Croizat, rue de l'Odéon,
le Guide et Conducteur parisien de 1830, précise «Ferdinand Petit Courrier des Dames,
Croizat, cours de coiffure démontrée. » Avec un opportu- vers 1824.
nisme et un sens de l'événement remarquables, il imposa sa
mode en 1827 : l'arrivée de la première girafe au Jardin des
Plantes, lui inspira des coiffures à coques en hauteur, dites
«à la girafe », dans lesquelles il s'illustra. Ces coiffures exigè-
rent des chapeaux de forme haute.
Avec la souveraineté du chapeau fermé, la capote, les
modistes l'emportent, de 1840 à 1868, date à laquelle, la
disparition du bavolet et les dimensions exiguës du chapeau
redonnent vitalité à l'art d'accommoder les cheveux, ce qui
n'est pas du goût des chroniqueuses : « Le sort actuel du
chapeau proprement dit est prévu depuis longtemps ; les
chignons lui ont fait une guerre désastreuse... le chignon
toléré sur le cou s'est élevé graduellement et a fait supprimer
la passe après le bavolet ; continuant sa marche ascendante, il
s'est venu placer sur le sommet de la tête, et du haut de cette
position inexpugnable, il a fait la loi, même à la passe qu'il
réduit à son expression la plus exiguë... Les coiffeurs l'em-
portent sur les modistes... » Mode illustrée, 1868.
Ainsi conclut cette nouvelle Cassandre dans une prémo-
nition qui se concrétisera près d'un siècle plus tard ! En atten-
dant, la modiste l'emporte pour le jour, et le coiffeur, pour
le soir.

Les publicités du début du xxe siècle cultivent l'ambi-


guïté, à la faveur des postiches, très en vogue, et qui sont des
pièces rapportées, comme le matériau textile. En 1909, une
annonce dans Fémina, pour le Palais de la coiffure de Decoux,
est ainsi rédigée : «Toutes les élégantes ont adopté le calot
et le turban. Quel succès pour Decoux ! » et trois illustrations
montrent la « coiffure exécutée à l'aide du calot, du turban et
du pouf mode » —coiffure tout en cheveux, bien sûr, l'époque
où un coiffeur façonnait un turban d'étoffe est révolue.
Une revue spécialisée, La Coiffure de Paris, en 1913,
présente trois coiffures surmontées d'une plume qui s'élance
vers le ciel, dont la silhouette est exactement celle des chapeaux
alors en vogue.
Hiver 1936 : le coiffeur Antoine, dans sa brochure de luxe,
Antoine Document, fait une place non négligeable aux
chapeaux et l'article conclut : « On nous avait dit que les
femmes renonçaient aux chapeaux... C'est donc par une réac-
tion toute féminine que nous assistons à ce débordement de
coiffures de tous styles, de toutes les couleurs et de toutes
dimensions... » et dans une illustration, l'art du coiffeur et
celui de la modiste sont intimement associés pour « cette

Sébastien Mercier consacre un chapitre


à l'un de ces coiffeurs vedettes de la fin du XVIIIe siècle :

«Qui connaît le sieur Dupain, qui vient d'afficher partout, l'art varié des
coiffures ? Qui l'a lu ? Moi seul, peut-être. Il célèbre avec enthousiasme cet
Trois coiffures de M. Lassalette, ornement léger qui garnit la tête et accompagne lefront de l'homme, et comme
surmontées d'une plume. ilfaut idolâtrer son talent pour le pousser loin, il s'extasie devant l'art qui a
La coiffure de Paris, 1913. coupé, papilloté, tordu, crêpé, façonné, arrangé, pommadé, frisé et poudré de
deux ou trois centsfaçons différentes les cheveux soumis ou rebelles d'un galant
homme ou d'une joliefemme... Les coiffeurs avaient mis à leur porte engros
caractère, "Académie de coiffure", M. d'Angiviller a trouvé que c'était profaner
le mot "académie", et l'on a défendu à tous les coiffeurs de se servir de ce mot
respectable et sacré; car il faut dire qu'à Paris les prohibitions bigarres sont
éternelles. Il s'agit toujours d'une défense et jamais d'une permission.»
Op. cit. Coiffeurs.
perruque de fleurs —de Lucienne, chez Reboux —qui fait Ci-dessus:
merveille avec la coiffure d'Antoine » : coiffure ? chapeau ? il le chapeau en bourreletformant
diadème s'adapte à la perfection
s'agit d'une coiffure à cheveux courts parsemée de fleurs et à la coiffure, la voilette parachève
il est difficile de démêler la part de l'intervention respective l'harmonie de la ligne. Un grand
des deux créateurs. coiffeur a d'ailleurs réalisé, à la
même époque, de telles coiffures
Cette collaboration s'est estompée, au profit des modistes,
en remplaçant le chapeau
avec la guerre et la vogue des turbans à la fois pratiques et par une tresse de raphia...
économiques. Ce n'est qu'en 1946 que sera célébrée une et en ajoutant une voilette !
« entente cordiale » : coiffeurs et modistes rivalisent de savoir- Dessin de Jeanne Lanvin,
Plaire, 1946, DR.
faire, dans la paix, et les créations sont, des deux côtés, extra-
ordinairement belles.
Cheveux courts et petits chapeaux aboutirent à une produc-
tion brillante dans les années 1950. La vogue des coiffures
gonflantes, dès 1960, donne l'avantage aux coiffeurs, mais
d'autres facteurs interviennent pour mettre en péril la tran-
quille prospérité des modistes et des «modes».
Troisième partie

L e métier

Le m é t i e r de m o d i s t e ,
un art éclos à Paris

Les p r e m i è r e s m o d i s t e s
Rose Bertin et ses semblables étaient des marchandes de
mode, rattachées depuis 1776 aux plumassiers et fleuristes,
ce qui leur donnait le droit de fabriquer, garnir et vendre tout
ce qui concernait ces métiers, tout en continuant d'exercer
leur précédente activité : confectionner et vendre garnitures
de robes, bonnets et toute parure de tête.
Le terme de modiste, attesté au XVIIe siècle au sens de
«qui affecte de suivre la mode », s'appliquait dès la fin du
XVIIIe siècle —en 1798 dans le Journal des Dames et des modes —
à tous ceux qui s'occupaient de la parure féminine, et aux
coiffeurs ; il n'est porté dans le Dictionnaire de l'Académie
qu'en 183 5, au sens précis de «faiseuse de chapeaux de
femmes ».
Les témoignages écrits et picturaux ne laissent aucun doute
sur le prestige lié au travail des modes, « art chéri, art triom-
phant qui dans ce siècle a reçu des honneurs, des distinc-
tions... » selon Sébastien Mercier, Tableaux de Paris —Marchandes
de modes, VI, 86.
Léon Gozlan, au XIXe siècle, cité dans Les Magasins de
nouveautés, de Paul Jarry, élève la création d'un chapeau au
niveau d'un art : «Une modiste véritable, ce n'est pas une
ouvrière qui fabrique des broderies à la journée; c'est une
artiste qui ne travaille qu'à son temps. Une modiste c'est un
poète. Il y a le chapeau de commande, celui qui se fait pour
les pratiques. Ce chapeau-là, pour le bien exécuter, il ne s'agit
que de l'assortir convenablement au caractère et aux habi-
tudes physionomiques de la femme qui doit le porter... Mais
il y a le chapeau improvisé, celui que dicte la fantaisie, celui
qui ne doit et ne peut coiffer qu'une tête ; que l'artiste n'a vu
jamais mais qu'il a rêvé. Ah ! ce chapeau-là, c'est bien le chapeau
d'inspiration, le chapeau lyrique. »
Un très petit ouvrage de 1 8 3 0, fort édifiant, intitulé : Les
Institutrices réunies ou Dialogue sur les arts et les métiers, par
Mlle Elisa***, éclairait là-dessus les jeunes filles : «Où brille
principalement l'art de la marchande de modes, c'est dans la
manière d'arranger avec grâce et élégance, sur un bonnet ou
un chapeau, ces gazes, ces rubans ou ces fleurs artificielles qui
Les I n s t i t u t r i c e s réunies —
Illustration pour le chapitre :
Les Marchandes de modes,
Locard et Davi, Libraires,
Paris, 1825.

La marchande de modes Rose Bertin a apporté un talent si inventif


à la création des coiffures qu'elle peut être considérée comme la
première modiste, au sens moderne du terme.
Sébastien Mercier se livre à un véritable « scoop » avant la lettre
lorsqu'il évoque l'éclosion de ce talent et dresse un portrait pris
sur le vif de la première «modiste» dans son travail de création et
d'innovation, annonçant ainsi « en direct » la naissance d'un nouveau
métier, d'un nouvel art de la mode :
«La rivalité entre deux marchandes de modes a éclaté dernièrement, comme
entre deuxgrands poètes. Mais l'on a reconnu que legénie ne dépendait pas des
longues étudesfaites chez Mlle Alexandre, ou chez M. Beaulard.
Une petite marchande de modes de l'humble quai de Gesvres, bravant toutes
les poétiques antécédentes, rejetant les documents des vieilles boutiques, s'élance,
prend un coup d'œil supérieur, renverse tout l'édifice de la science de ses rivales.
Ellefait la révolution, son génie brillant domine, et la voilà admise auprès du
trône.» Op. cit.
doivent en faire les o r n e m e n t s . Cela d e m a n d e beaucoup de
goût et s u r t o u t u n tact fin qui n'est pas donné à t o u t le monde.
Il faut assortir le t o u t à la figure de la personne à laquelle le
b o n n e t ou le chapeau est destiné et le m e t t r e en h a r m o n i e
avec la manière d o n t ses cheveux s o n t disposés sur la tête,
soit en tresses, soit en anneaux, soit en t i r e - b o u c h o n s . . . »

C o n f e c t i o n n e r la forme d u chapeau n'est pas forcément,


s a u f dans la h a u t e mode, le travail le plus i m p o r t a n t de la
m o d i s t e ; celle-ci achète parfois la forme t o u t e faite (voir Les
fournisseurs, Troisième partie), mais t o u t son art se manifestera
dans la garniture :
« Le rotin, le l a i t o n et la baleine d e s t i n é s à f o r m e r et à
soutenir la carcasse des chapeaux s o n t faits ordinairement par
des fabricants spéciaux; les m o d i s t e s p r o p r e m e n t dites ajus-
t e n t et a s s o r t i s s e n t les étoffes, les fleurs, les p l u m e s , les
b l o n d e s et les dentelles. D a n s cette i n d u s t r i e o ù le succès

d é p e n d du renouvellement continuel de la forme et des orne-


m e n t s des chapeaux, l'ouvrière se livre à ses propres inspira-
tions et la m o d e naît de la manière d o n t elle interprète, suivant
son goût, les idées qui lui s o n t exprimées par la clientèle.
Louvrière, en effet, invente, modifie, améliore en faisant
les essais sur elle-même, et l'œuvre terminée c o n s t i t u e une
m o d e nouvelle, originale, qui se p r o d u i t alors au bois, au
théâtre et dans les endroits o ù les m o d e s trouvent habituel-

lement leur consécration. Le cachet particulier des chapeaux


français et s u r t o u t parisiens leur assure une supériorité recon-
nue, consacrée dans le m o n d e entier. » Dictionnaire de l'indus-
trie et des arts industriels, 188 3.

La h a u t e m o d e

H a u t e m o d e est synonyme d'innovation, de création et de


cachet parisien. Le p o u r q u o i de la réussite est indéfinissable,
selon Jane Blanchot, p r é s i d e n t e de la C h a m b r e syndicale de
la M o d e de Paris, en 1 9 5 5 : «Il suffit souvent d ' u n rien et
c'est en ce rien subtil presqu'insaisissable, en ce rien fait d'es-
p r i t et d ' i n t u i t i o n que consiste l'art véritable de la m o d i s t e
parisienne ». La h a u t e m o d e est née sous le second Empire
grâce à Caroline Reboux qui en fut l'initiatrice, comme W o r t h
f u t l ' i n i t i a t e u r de la h a u t e c o u t u r e . C o m m e R o s e Bertin,
C a r o l i n e R e b o u x e u t la c h a n c e d'avoir, p o u r clientes, de
g r a n d e s d a m e s et la p r e m i è r e d ' e n t r e elles, l ' i m p é r a t r i c e
Eugénie. Son art et sa n o t o r i é t é se sont perpétués alors même
qu'elle eut disparu et cédé sa « m a i s o n » à un digne succes-
seur, Lucienne Rabaté.
Une page d'annonce
pour modistes, dans
Le prestige de Caroline Reboux le Bottin mondain, en 1955.
suscite de légères tricheries : Avec l'aimable autorisation
de la société du Bottin mondain.
«Regarde vite, voilà la Rose-Chou. Son chapeau est raté !
Le chapitre des chapeaux tient une place considérable dans l'existence de ma
belle-sœur. D'ailleurs, c'est vrai, le chapeau de la Rose-Chou, (une belle et
fraîche créature, un peu trop épanouie, qui n'a pas, commedit Claudine, inventé
le volant enforme), le chapeau de la Rose-Chou est raté.
Marthefrétille dejoie.
—Elle veut nousfaire croire qu'elle se ruine en Reboux. La Chassenet, ma
meilleure amie, m'a raconté que la Rose-Chou découd tous lesfonds de chapeaux
chics de sa belle-mère, pour les coller aux siens. »
C l a u d i n e e n m é n a g e , Colette, 1902.
La haute mode a connu
un siècle d'or. Les grandes
«maisons» sont devenues,
jusqu'en 1950, de véritables
« empires », au prestige
universel.
La hiérarchie s'est long-
temps maintenue dans les
ateliers des grandes
« maisons » de mode et, en
1938, elle est encore scru-
puleusement respectée
comme en témoigne une
revue de l'époque : Nouveautés.
« Les grades féminins,
dans un atelier de mode,
débutent par les apprenties
de première, seconde et troi-
sième année. Puis viennent
Carton à chapeau et chapeau les petites apprêteuses, les moyennes apprêteuses et enfin les
en diadème de paille couverte premières apprêteuses, (chargées des apprêts c'est-à-dire, ici, des
defleurs, Paillette, Paris,
vers 195°.
différentes façons de recouvrir une forme), elles-mêmes diri-
gées par une première d'atelier. Pas de favoritisme, il faut gagner
ses galons à la faveur de son travail. »
Au sommet la patronne,
la « directrice » dont la noto-
riété s'étale dans des revues
prestigieuses : Vogue, L'Officiel,
Fémina, ou très spécialisées :
La Modiste parisienne, Les
Chapeaux élégants, L'Avenir de
la mode, Paris Chapeaux...
C'est à travers ces revues que
la simple modiste, la modiste
provinciale, connaîtront les
nouvelles tendances et s'en
inspireront.
Ces dernières publica-
tions ont depuis longtemps
disparu.
La division du travail
n'existe plus dans les petites
entreprises d'aujourd'hui;
après des études dans le lycée
Carton à chapeau et chapeau professionnel, l'apprentie doit avoir très tôt la responsabilité
defleurs, Rose Valois, Paris, d'une création : une petite coiffure qu'elle réalise de A jusqu'à
vers 1950. Z sous la dictée d'une ouvrière confirmée.
La comtesse de Gencé, vers 1900, évoque l'art de la grande modiste
parisienne, en même temps que les inconvénients, pour l'ouvrière,
de la division du travail au sein de
ces entreprises : «Le chapeau
d'aujourd'hui, c'est le disque, avec un relief
plus ou moins tourmenté. C'est surtout le
prétexte à combiner, entremêler, enlacer le
velours, la soie, les fleurs, les rubans, les
dentelles et lesfourrures. Ses dimensions
sont relativementfixes et l'art de la modiste
consiste à diriger le mouvement général de
la coiffure et à associer les nuances en
appropriant les garnitures.
C'est en cela que la modiste parisienne a
conquis, par son goût, par la grâce de ses
juxtapositions et aussi par leur bon ton,
les suffrages de l'univers entier et la recon-
naissance de toutes les femmes. Les noms
de Carlier, de Lewis et de Marescot sont
prononcés avec admiration aux quatre
coins du monde.
C'est dans l'atelier de ces artistes de la
mode que nous avons étudié et noté tous
les détails de la profession, en commençant
par le plus élémentaire apprentissage, pour
nous élever progressivement aux travaux
les plus honorés dans la hiérarchie des tra-
vailleuses du chapeau... Beaucoup de
jeunes filles bien élevées, intelligentes, adroites, sont placées par leurs parents
Revue professionnelle :
chez la modiste en qualité de petites mains. Là, elles apprennent une spécialité Paris Chapeaux, 1923.
en peu de temps. Machinalement, elles exécutent toute la journée une besogne
restreinte... Les jeunes ouvrières, victimes de la nécessité où se trouvent les
industriels de diviser le travail, sont maintenues dans une ignorance presque
totale du métier. L'une passera des années àfaire des cercles de laiton. L'autre
frisera des plumes et préparera des fleurs. Combien dans l'atelier sauront
exécuter le chapeau en entier ? »
Pourfaire soi-même ses chapeaux.
Josette D e s n u e s a un passé professionnel
qui ne s'oublie pas

Ancienne « première » de la célèbre Paulette, chez qui elle


est entrée en 1 9 4 7 c o m m e apprentie, parmi les 125 «filles»
de la prestigieuse « m a i s o n » , Josette D e s n u e s raconte.

Comme toute apprentie de l'époque, ellefut d'abord, pendant deux ans, ce qu'on
appelait alors un «lapin de couloir», c'est-à-dire qu'elle restait debout tout le
jour à la disposition des ouvrières pour des besognes subalternes. La seconde
étape de ce parcours constitue un pas significatif vers le métier de modiste :
l'apprentie s'assoit et aide la modiste dans son travail enfonction de son talent.
Les étapes àfranchir ensuite pour arriver au sommet sont alors rigoureusement
observées : petite apprêteuse, moyenne apprêteuse, première apprêteuse et première
apprêteuse qualifiée, c'est-à-dire «première».

La p e r s o n n a l i t é m ê m e de la g r a n d e m o d i s t e p a r i s i e n n e
était l ' o b j e t d'articles élogieux, p e n d a n t la seconde guerre
mondiale, n o t a m m e n t . Marie-Claire du 13 octobre 1939, dans
un long article i n t i t u l é : « E t malgré t o u t , la m o d e c o n t i n u e
et les g r a n d e s m o d i s t e s p o u r s u i v e n t c o u r a g e u s e m e n t leur
t â c h e . . . », rendait un hommage appuyé aux modistes, modèles
à l'appui : chapeau-résille de Mme Suzy, t u r b a n de jersey de
Rose Valois, p e t i t e t o q u e recouverte de fin jersey de laine
d'Agnès, t o q u e de feutre bordée d ' u n e b a n d e de jersey, de
Legroux Sœurs. Les nouvelles tendances de cette période de
pénurie s o n t là !
Les créateurs de ces nouvelles f o r m e s s o n t également :
G a b r i e l l e , J a n e t t e C o l o m b i e r , G i l b e r t O r c e l , S y g u r . . . et
A l b o u y . . . vedettes a u j o u r d ' h u i oubliées!
S a u f l'une d'elles : « U n e nouvelle modiste, qui a une belle
et longue barbe blanche, Van D o n g e n , le peintre célèbre, joue
m a i n t e n a n t avec les couleurs des rubans et des plumes. Il s'est
installé rue D a u n o u , au coin de la rue de la Paix. Ses clientes
seront b r u n e s avec des yeux sertis de noir et seront coiffées
de laque. » Marie-Claire Ier juin 1 9 4 2 .
U n des rôles de la grande modiste est de lancer, avec succès,
des m o d e s : p e n d a n t l ' O c c u p a t i o n , Paulette lance le t u r b a n
qui se révèle vite indispensable p o u r aller à bicyclette !

M a i s son rôle le plus p r o m e t t e u r est d'innover, parfois


avec des ressources réduites. Le meilleur exemple en est, sans
doute, celui d'Albouy qui brave la pénurie, pendant le deuxième
c o n f l i t mondial, avec ses chapeaux en papier journal : u n e
double page est consacrée à un modèle expliqué, dans Marie-
La Parisienne
de Montmartre, igii,
Van Dongen,
musée André-Malraux,
Le Havre.

Claire du 16 août 1941, alors que l'Art et la Mode, également


en août 1941, donne l'illustration d'un canotier de la plus
grande élégance, ainsi que d'un plateau d'allure 1900 —formes
alors en faveur.
Les modèles haute mode sont uniques, originaux, faits sur
mesure, dans des matières traditionnelles de grande qualité
ou dans des matières tout à fait inédites.
Quelques exemples, dans la forme : le drapé d'un turban
de Rose Valois, le large ruban d'un canotier de Claude Saint-
Cyr, le travail du velours dans une toque de Jean Barthet, le
demi-chapeau de plumes de Caroline Reboux, le travail de la Reconstitution du chapeau
en papier journal,
calotte dans une capeline new-look de Mme Suzy (voir Première
d'après Albouy, 1941.
partie), la ligne oblique « toits de Paris » de Maud Roser.
Dans les matériaux : le plastic rouge du calot de Mme Suzy,
les copeaux de bois de son canotier, le choix de l'étoffe dans
la capeline de Marthe, l'incrustation du velours noir dans la
toile bleu pâle du chapeau d'Anny et Suzy.
Tous ces modèles se situent dans les fastueuses années des
«modes», entre 1930 et 1950.
On peut remonter le temps, avec cette toque de
Turban de jersey Rose Valois, Michniewicz-Tuvée, modiste de la place Vendôme, vers 1895,
vers 1942. dans laquelle le travail de la plume est tout à fait original :
les petites plumes d'autruche sont retournées sur elles-mêmes
en boucles qui couvrent la toque.
I. Canotier de paille orné d'un 3. Capeline «lignes obliques»
gros nœud en satin parme Claude Marthe, vers 1947-1950.
Saint-Cyr, vers 1948-1950. 4. Demi-chapeau de plumes
minoches et aigrettes.
2. Toque de velours Jean Barthet, Lucienne Rabaté pour
vers 1950. Caroline Reboux, vers 1950.
Calot de plastic rouge, bordé
d'un galon de passementerie noir,
Madame Suzy, vers 1938-1939.

I. Canotier de copeaux de bois, 2. Toque de plumes d'autruche


Madame Suzy, vers 1941-1930. retournées, fixées sur armature
3. Toque de toile à incrustations de laiton etfond de tulle. Nœud
de velours, Anny et Suzy, de velours rose.
vers 1950, Micbniewic^Tuvée, vers 1895.
Page ci-contre

1. «Les cubes» —chapeau réalisé


en toile de peintre sur un moule
obtenu en ajoutant et non
en retranchant ; ce modèle dénote
l'influence du cubisme et de
l'abstrait. Jacques Pinturier,
été 1983.
2. «Pliage» :géométrie sur
canevas, interprétation moderne
Feutre «trou-trou»,
du marquis, avec la passe
Jacques Pinturier, 1990. cassée en deux, à droite,
Jacques Pinturier, 1999.
Tout près de nous, Jacques Pinturier réinvente une forme 3. Croquis de la capeline
traditionnelle, avec « trou-trou », version couture féminine du «Chantilly ») canevas marine
et bleu, pois defeutre marine.
chapeau mou ; avec son serre-tête « tiare » de velours noir, Prix de Diane 1995,
simple jusqu'à l'austérité, et si harmonieusement profilé ! A Jacques Pinturier.
côté de ces formes classiques, le modiste crée des modèles où 4. Chapeau «Kandinsky »,
dominent la fantaisie et l'originalité, ce qui ne les empêche Jacques Pinturier, 1986,
pas d'être incroyablement seyants, et, pour des occasions (Exposition : Japonisme et mode,
musée du costume,
exceptionnelles, comme le Prix de Diane, des formes plus
Palais Galliéra, 1997).
audacieuses, voire d'une excentricité maîtrisée (voir page 13,
Illustration Les Moulins).
Quant aux matières, la variété et l'imprévu les caractéri-
sent : en 1968, le modiste innove avec le Rhodoïd; plus tard,
c'est le jean, le canevas, la toile de peintre qui sont détour-
nés de leur destination; en 1986, l'utilisation d'un fil de métal
rigide employé nu ou gainé de velours a permis la création de
formes abstraites, dont le fameux chapeau « Kandinsky ».
Créateur et ouvrier de lui-même, Jacques Pinturier est à
la fois graphiste, coloriste, et sculpte lui-même ses moulages
de bois ou de métal.
La m o d i s t e d a n s son a t e l i e r

Les o u t i l s

Les souvenirs d'une grande dame, en 1782, nous font


imaginer Rose Bertin régnant sur « des damas, des dauphines,
des satins brochés, des brocarts et des dentelles... » La réalité
de l'atelier du ou de la modiste moderne est plus sobre : fers
à repasser, jeannette, petit fer polonais, «que la modiste passe
sous la forme en la soutenant d'une main avec un tampon de
chiffon que l'on maintient sous l'endroit où
l'on repasse» (Manuel de la Mode, 1926), fer à
coques, « fer en forme de boule appelé coq qui
donne très bien l'arrondi aux roulés et aux
relevés de la sparterie » (Op. cit.)
Le conformateur sert à mesurer l'entrée
d'un chapeau et, éventuellement, à l'étirer et
à l'adapter à la tête de la cliente, dans le cas
d'un chapeau de série ou déjà fait ; on doit
alors humecter l'entrée de tête, à l'intérieur.
C e t i n s t r u m e n t , de bois et de cuivre, ne
m a n q u e pas de beauté.
Pour réaliser ses modèles à main
levée, la modiste utilise une
marotte, composée d'un pied en
bois et d'une tête recouverte de toile
ce qui permet de fixer des épingles.
On faisait autrefois de charmantes
marottes de carton peint figurant un visage. Conformateur.

Les moules en bois, les types, p o u r les calottes, et


les plots p o u r les bords du chapeau, p e r m e t t e n t d 'éti-
rer les cônes de feutre o u de paille. P o u r a u g m e n t e r le
t o u r d e t ê t e d ' u n m o u l e , la m o d i s t e u t i l i s e d e s
manchons de tricot qu'elle superpose sur le moule.
Bouilloire, pattemouille fournissent l'indis-
pensable vapeur qui permet de modeler tous les
matériaux : feutre, paille, étoffes, fleurs, p l u m e s . . .
Le laiton, sous forme de fil entouré de soie ou
de coton, sert à consolider les moules de sparterie,
à réaliser les f o r m e s sur lesquelles sera t e n d u le
tissu : les fils de laiton sont crochetés à l'aide d une

«pince à m o d e » en acier, à b o u t fin et allongé, ou


n o u é s à l'aide d ' u n fil solide et b r i l l a n t le « fil à
Marotte de carton boulli mode ». «Dans les grandes maisons de modes, les
peint, vers igoo. formes se font souvent nouées au lieu d'être crochetées, cela
fait des bords très unis, aucun crochet de laiton ne pointe. »
Manuel de la Mode, 1926.
Différents modèles
de types et de plots.
Doc. aimablementfourni
par le musée du Chapeau
de Chazelles-sur-Lyon.

Le point de mode,
le crochet modiste.
Pour faire
soi-même
ses chapeaux.
Comtesse de Gencé.
Bibliothèque des
ouvrages pratiques,
vers tçoo.
En plus de ces instruments spécifiques, la modiste utilise
l'attirail de la couturière : épingles, toutes petites épingles
pour les tissus fragiles —velours, soie —dites « camions »,
aiguilles, fil à coudre, ciseaux... Outre le point de bouton-
nière ou point de mode, elle utilise un point très rapproché,
presque invisible appelé « bagage » pour achever un tendu qui
ne tombe pas bien, dans les creux par exemple, et le point
arrière pour les coutures. Les chapeaux terminés sont expo-
sés sur des pieds de bois tourné de différentes hauteurs.

Les m a t é r i a u x

La m o d i s t e travaille t o u t e s sortes de maté-

riaux d o n t les classiques feutre et paille ; mais


elle é p a n o u i t ses talents et sa personnalité dans
les formes de t i s s u ; la diversité est infinie, de
m ê m e que les possibilités d ' a g e n c e m e n t ; t o u t e
l'imagination créatrice de la faiseuse p e u t s'ex-
p r i m e r dans u n drapé !
Le fondement d ' u n chapeau, c'est son moule :
la m o d i s t e le fabrique (en laiton ou en sparte-
rie) t o u t à fait personnalisés.

Le l a i t o n
Capeline de mousselinefleurie
Le fil de laiton, gainé de fil de coton, existe en 13 gros- entièrement drapée sur une cage
seurs, qui assurent une rigidité plus ou m o i n s grande. Les de laiton, vers 1948-1950.
formes de laiton p e r m e t t e n t de tendre, draper, froncer, chif-
f o n n e r t o u t e s sortes de tissu, d u tulle au velours,
a i n s i q u e de la p a i l l e o u d u f e u t r e . La
modiste prépare une « cage » de laiton, sorte
de carcasse destinée à fixer la forme. Cette cage
comprend les deux parties du chapeau : la calotte, fond
et flancs, et la passe; éventuellement, vers 1 9 0 0 , la barrette.
La m ê m e f o r m e p e r m e t t a i t , en variant l ' a g e n c e m e n t d u
tissu et des garnitures, de créer des chapeaux fort différents :
c'était le cas des capotes du XIXe siècle, des grands plateaux
et des toques de la Belle Époque, t o u t particulièrement. Lart
Chapeau dont la calotte estfaite de la grande m o d i s t e se manifestait dans cet agencement.
de mousseline tendue sur laiton
À p a r t i r de 1 9 2 0 , les calottes t e n d u e s sur une structure
et la passe de paille picot.
de laiton se raréfient ; le laiton reste utilisé p o u r tendre de la
Griffe : Apolline, rue de Rennes,
Paris, en lettres d'or sur coiffe sparterie afin d ' e n faire des moules, et aussi p o u r renforcer la
de soie, vers 190g. base de la calotte et le bord extérieur de la passe ; il est toujours
indispensable p o u r tendre ou draper des tissus légers c o m m e
le tulle o u la mousseline, dans des chapeaux très habillés.

Dès 1 9 3 0 , les m o d i s t e s préfèrent travailler directement la


matière, paille, feutre, p o u r les formes sobres, modelées et
peu ornées désormais en faveur. E n quelque sorte la m o d i s t e -
sculpteur remplace la m o d i s t e garnisseuse.
En haut : chapeau de tresse de En bas : armature du même
paille monté sur armature de chapeau vue de l'intérieur.
Cages de laitons. Grand Album laiton gainé defil blanc,
du chapeau, 1909. vers 1902. On voit ici une
marotte à pied de bois et tête
recouverte de toile.
La sparterie
Les modistes ont recours à des formes ou à des moules
ou types de sparterie qu'elles fabriquent elles-mêmes en s'ai-
dant du laiton pour les consolider. «Peu de personnes se
rendent comptent de l'importance que l'on accorde
dans la belle mode aux formes de laiton ou de spar-
terie, à leur netteté, à leur coiffant... sur une belle
forme bien faite la paille, le ruban ou les tendus vont
se coudre et se disposer beaucoup mieux »
(op. nf.).
Lesformes de sparterie
La sparterie est un tissu de fibre végé-
tale, doublé de mousseline de coton apprê-
tée, ou de singalette qui est une gaze
apprêtée, souple ou demi-souple ; cette
sparterie naturelle peut être remplacée par
une sparterie synthétique, faite de lamelles
de papier, avec une face en singalette.
Aujourd'hui, les modistes utilisent, à la
place de sparterie, devenue rare, une toile
apprêtée très rigide qu'elles moulent sur
une forme en bois ; une fois mouillée, cette
toile devient très molle, et en séchant, fait des formes
Forme de singalette apprêtée
très résistantes ; le tissu est ensuite tendu par-dessus. sur laquelle sont collées
concentriquement des minoches,
Lintérêt de la sparterie véritable est qu'elle peut
vers i960.
Formes de sparterie très bien se former dans l'espace : humidifiée côté paille, elle
sur lesquelles viendra se tendre est travaillée à main levée ou, au besoin, à l'aide d'une forme
et se coller l'étoffe, vers 1950. simple en bois. C'est là le vrai travail de la modiste. Travaillée
en biais, la sparterie peut se plier au fer pour introduire quelque
fantaisie dans la forme.
S'il s'agit d'une forme relevée il faut mettre le côté coton
dessous, le tissu tendu par la suite sera plus uni.
Une fois sèche, la forme durcie se détache du moule
éventuellement utilisé, et peut être laitonnée à l 'en-
trée de tête et au bord de la passe, par un point de
boutonnière très serré.
La sparterie est plus solide quand, avant de la
faire sécher, on l'enduit de colle de pâte (à base de
farine ou d'amidon).
Elle doit de toutes façons être apprêtée, côté
paille, avant que le tissu ne soit tendu ou drapé.
On peut aussi mouler des formes en mousse-
line à patron légèrement mouillée, en singalette
doublée ou triplée, travaillée dans le biais pour les calottes Forme d'une passe en toile de jute.
rondes, et en gros tulle raide de coton que l'on enduit de verni
quand il est encore mouillé et qui se solidifie ensuite. Le tulle
de coton, existant en toutes teintes, permet de tendre des
tissus transparents de teinte assortie. La modiste peut encore
utiliser la toile de jute, doublée ou non de singalette.

Les moules ou types de sparterie


Avec la sparterie très fortement apprêtée
et consolidée par des pattes laitonnées, la
modiste peut fabriquer elle-même des
moules, les types, qui permettront de
mouler en nombre un même modèle.
« Dans les grands ateliers de modes, on
tend jusqu'à 80 et 100 formes dans le cou-
rant d'une saison sur le même modèle quand
il a du succès et se vend bien. » (op. cit.).
Toque de velours travaillé
avec art, vers 1914.
rétoffe
La modiste, sur la forme ainsi préparée,
exerce sa virtuosité, son imagination, son
talent en la garnissant d'étoffe : celle-ci peut
être tendue, parfaitement, bien sûr ; elle peut
aussi être froncée, plissée, drapée, coulissée.
Tous les tissus se prêtent à cet usage : velours,
soie, jersey, mousseline... Le velours, tout
particulièrement, est susceptible d'être
travaillé avec art, de se sculpter véritablement,
entre des mains expertes et très habiles ! De
plus, le velours est l'étoffe qui supporte le
mieux la gutta, la colle qui est employée à
coller les tendus sur la sparterie : la forme,
seule, est enduite peu à peu de colle avec un
pinceau ou un tampon de mousseline raide.
Le patron de velours, exactement taillé est
posé dessus en chassant à mesure les fronces
et plis qui peuvent se former, avec une brosse
en chiendent. On procède de même avec le
taffetas, le satin et autres tissus, mais il faut
d abord coller ou coudre auparavant une
mousseline sur la forme.
Chapeau de velours travaillé. Les matériaux o n t évolué et ne s o n t plus spécifiquement
Griffe : Haute Mode, Maryse, é t u d i é s p o u r les « m o d e s » , il f a u t s ' a d a p t e r : le « v e l o u r s
rue Saintonge, Paris, vers 29JO.
m o d e », par exemple, n'existe plus. Ce velours se faisait en lés
de 45 cm de large; il se « c o q u a i t » joliment, c'est-à-dire se
travaillait au « c o q » , a u t r e m e n t d i t au « f e r à coque », p e t i t
œ u f de fer fixé au b o u t d ' u n e tige, qui p e r m e t de détendre
l ' é t o f f e dans le biais. A u j o u r d ' h u i , il f a u t se c o n t e n t e r d u
velours ordinaire.
P a r i s et ses b o u t i q u e s de m o d i s t e s ,
p r e s t i g e des a d r e s s e s ,
commerce, publicité,
l'histoire d'un marketing

« Il y a partout des marchandes de modes,


il n'y a de modistes qu'à Paris. » (Paul Jarry, op. cit.)

[histoire des modes de Paris est aussi celle des rues, de


Une boutique de marchande leur physionomie. Le cœur, la source de la vitalité de ces
de modes, pendant le Directoire : modes, c'est l'actuelle place André-Malraux, près du Palais-
à gauche, une merveilleuse Royal, du Louvre, du Théâtre-Français : de là, rayonnent l'ave-
s'admire dans le miroir en
essayant un casque à visière nue de l'Opéra, la rue de Richelieu, vers les Grands Boulevards,
orné d'une plume tombante, la rue Saint-Honoré vers les Champs-Elysées ; là, les plus
pendant que la modiste l'observe prestigieuses griffes ont établi leurs salons et boutiques.
et s'apprête à lui proposer
uneforme proche de l'invisible. A l'époque de Louis XVI, le commerce de luxe s'épa-
Sur la console, à gauche, nouissait sous les arcades du Palais Royal et le long de la rue
un chapeau «au ballon»;
Saint-Honoré jusqu'à la rue Saint-Denis : c'est là, rue Saint-
au fond, à droite, à contre-jour,
se devine la silhouette d'un Honoré, qu'était installée l'employeuse de Rose Bertin,
chapeau jockey à grande visière. Mlle Pagelle, à l'enseigne du Trait galant et, plus tard, Rose à
Illustration de Lecture pour l'enseigne du Grand Mogol. Chapeau jockey
tous, 1899-1900. à grande visière, d'après Racinet.
Un salon de modiste vers 1925 :
cloches et capelines à calotte
Le « G r a n d M o g o l »
profonde.
«La maison de Rose Bertin était située rue Saint-Honoré, entre la rue
Champfleuri et la rue du Chantre, qui ont l'une et l'autre disparu et qui
aboutissaient toutes deux en face du pâté de maisons qui se trouvent entre la
rue Croix-des-Petits-Cbamps et la rue des Bons-Enfants dont les noms n'ont
pas été changés, c'est-à-dire que le magasin de la modiste était à peu près à
l'emplacement où se trouve actuellement la porte des Magasins du Louvre, dite
porte Saint-Honoré. » (C'est-à-dire à l'emplacement actuel du Louvre des
Antiquaires.) Langlade, op. cit.

L'auteur précise que, en Rose «avait abandonné la rue Saint-Honoré


pour venir habiter... dans une maison de la rue de Richelieu (qui) se trouvait
à l'emplacement de celle qui porte actuellement le numéro 10».
À une époque où les immeubles n'étaient pas numérotés,
les enseignes avaient de l'importance ; du reste, plus que des
numéros, elles laissaient présager un accueil agréable, Au
Dauphin, chez Mlle Dubois, Au Bouquet galant, chez Briand, À
la Corbeille galante, chez Lemaire, Aux Trois Sultanes, chez
Mme Gely, À la Pelisse galante, chez Léonard ; non loin de là, Au
Nœud galant, rue de l'Échelle-Saint-Honoré chez
Mme Régnaud ; à deux pas, Au Magnifique, rue de Cléry,
chez Mlle Quentin, À l'Écharpe d'or, rue de la Ferronnerie,
chez Mlle Frédin ; plus loin, rue Saint-Denis, Aux Trois
Pucelles, chez Mlle Prévoteau, sans oublier Mlle Alexandre,
rue de la Monnaie qu'a évoquée M. S. Mercier (p. 83).
La rivalité était vive, le sens de la publicité aussi : la
comtesse de Tamar rapporte, dans son Évangile profane
qu'une amusante gravure de mode de 1780, invitait la
clientèle « à se fournir chez Mlle Quentin, rue de Cléry,
où l'on trouve des chapeaux poufs en trophées mili-
taires, dont les timbales et les étendards posés en avant
sont d'un effet très agréable ».
À quoi Mlle Frédin, modiste à l'enseigne de l'Écharpe
d'or, riposte : «Voir, rue de la Ferronnerie, des chapeaux
ornés d'un vaisseau avec tous ses agrés et apparaux,
ayant ses canons et ses batteries. »
Pour Rose, le redoutable concurrent était Beaulard,
installé rue Saint-Nicaise, entre la rue Saint-Honoré et
la rue de Rivoli, et jouissant d'une faveur certaine dans
l'entourage de Marie-Antoinette ; il était peu amène
pour celle qui, disait-il, « se donnait des airs de duchesse
et n'était pas même une bourgeoise ». Il y avait aussi
Mme Eloffe, fournisseur de la reine et de la Cour, qui
se disait «marchande de modes de la Reine à Versailles ».
Après la Révolution, les boutiques de luxe se disper-
sent entre le Louvre et les boulevards.

La coiffure à la Belle Poule, Le chapeau s'est bel et bien imposé, il a déjà une histoire
vers ljj8. et sa première publicité, parue dans Le Journal des Dames et des
Modes de 1799, et célébrant la nouvelle parure désormais instal-
lée dans toute garde-robe respectable :
« Femmes qui savez vous parer
Des dons que vous fit la nature,
Vous ne devez pas négliger
Ceux que l'art vous procure ;
Si vous trouvez dans un chapeau
Le goût, l'agréable et l'utile,
Laissez le bonnet du hameau,
Pour le joli chapeau Deville. »
La Vie parisienne sous la Révolution et le Directoire,
Henri d'Alméras, 1909.
Le chapeau Deville, du nom de la modiste qui le créa en
1799, était le chapeau turc, sorte de turban orange (Costume
parisien).
Les modistes du monde élégant étaient l'objet d'éloges
sans mélange : Mlle Despeaux, ce « Michel-Ange des
marchandes de modes », Mlle Cafaxe, qui succéda à Rose
Bertin, rue Saint-Honoré, Mlle Gaussec dont les chapeaux
étaient qualifiés de «célestes», Mlle Bertrand et le modiste
Saulgeot, le célèbre Leroy, ancien coiffeur devenu modiste
de la cour impériale «inimitable, disait-on, en 181 I, pour les
chapeaux alors que la Despeaux l'était pour l'invention des
bonnets » (op. cit.).
La rue Saint-Honoré et les rues voisines deviennent les
hauts-lieux des «Modes », en particulier la rue de la Paix où
les numéros 2, 12, 15, 21, 26 correspondent à des boutiques
de modistes, auxquelles s'adjoint, le n° 20, Les Magasins de la
Belle Anglaise (voir ill. Première partie).

Au 34 rue de Rivoli, Mme Minette, modiste, s'enorgueillit


d'être la lingère de S.A.R. la duchesse de Berry. Citons encore
les rues de Vivienne, Richelieu, du Marché-Saint-Honoré,
des Petits-Champs, de Grammont, la Galerie d'Orléans.

Sous Louis-Philippe, les boulevards sont «le nouveau


haut lieu de l'élégance parisienne» suscitant l'admiration de
Balzac : « Quel attrait, quelle atmosphère capiteuse pétillent
entre la rue Taitbout et la rue de Richelieu... Toute la haute
et fine marchandise de Paris est là... Le boulevard est le
paradis des femmes élégantes. » Catalogue de l'exposition «Les
Grands Boulevards», musée Carnavalet 1985.

Les modistes de renom dominent dans les Ier, 2e et


9e arrondissements : Mme Galy, 74 rue de Richelieu,
Alexandrine, 1 rue Lafitte, Mme Bidault, 3 rue Choiseul,
Mme Guichard, 9 rue Lafitte, et la maison Barenne et Cie, place
Vendôme, si chère au «journal du grand monde », le Moniteur
de la mode, Mme Lepetit, 30 rue Grange-Batelière, Lemonnier-
Pelvey, 348 rue Saint-Honoré, Mme Elie, 27 rue Louis-le-
Grand, Mme Lucy-Hocquet, 28 rue de la Paix, qui semble avoir
été la première à utiliser une griffe : Au bonheur des Dames.
Magdelain, 82 rue Montmartre, dans un almanach de 1844,
définit ainsi son commerce : «Assortiment de chapeaux et
capotes de toutes nuances, de 5 à 10 francs, comm. et
export. »

Déjà se dessine le mouvement qui déplaça, à la fin du


second Empire, le centre de l'élégance du boulevard des
Italiens vers l'Opéra.
Ayant lu le dernier Journal des Demoiselles qui l'éclairait sur
les dernières tendances, l'élégante du second Empire, pouvait,
parcourant un périmètre assez restreint entre l'Opéra, les
boulevards et la rue de Rivoli, faire son choix chez MmeMorison,
rue de la Michaudière, chez Mme Payan, rue Vivienne, chez
Marie Aubert, rue Neuve-des-Mathurins (actuellement rues
Gluck et Auber) ou chez Mme Séguin, rue des Capucines ; cette
dernière s'était illustrée, dès 1847, par l'invention du chapeau
mécanique à ressorts que l'on
pouvait ranger dans un petit carton
de 13 pouces de hauteur, avec deux
autres semblables, pour voyager
« chapeau du matin, demi-négligé,
et enfin celui de grande toilette ».
Les revues de mode font alors
leur travail de publicité et de défense
des droits de la modiste avec
vigueur ; le Journal des Femmes aver-
tit : « Son brevet (de Mme Séguin)
est sa propriété exclusive, et tout
chapeau ne portant pas le cachet de
sa maison sera une contrefaçon
imparfaite de son œuvre...»
Notre élégante pouvait aussi
admirer, chez Durocher, ce « fond
mou » de « tulle léger sur lequel était
appliqué un quadrillé, formé de
rouleaux de taffetas, et (traversé)
d'une bride de taffetas bleu Louise »,
ou, chez Mme Richebraque, rue
Feydeau, cet autre « sur le milieu
duquel était placée une bride de
taffetas bleu ciel retenant quatre
coques de ruban ».
Mais surtout, cette élégante,
f o r t u n é e de surcroît, se devait de se
La modiste Mme Séguin
rendre dans les salons de la Maison Cagelin, première maison
montrant à une cliente le chapeau
mécanique de son invention, de confection de Paris, au 8 3 de la rue de Richelieu, où débuta
Journal des Femmes, 1846. le couturier Charles Worth. Là, étaient exposés les chapeaux
de MmesBricard et Calmann de la même rue de Richelieu, n° 38,
ou ceux d'Alexandrine de la rue d'Antin, n° 14.
Elle pouvait également, pour le soir, faire draper sur sa
tête même, par Mme Virot « un chapeau, un rêve : un voile
blanc noué autour du chignon, une rose rouge, une douzaine
d'épingles... On prétend que Mme Virot fabrique aussi les
chapeaux de l'impératrice sur sa tête, Lecture pour tous, 1901-
1902, La Journée d'une élégante sous le second Empire).
Mais l'adresse la plus prestigieuse était celle de Caroline
Reboux, rue de la Paix... d o n t le n o m et le renom s o n t entrés
dans l'histoire, et dans la littérature : Jean Lorrain, le dandy
écrivain de la Belle Époque, évoque «l'inévitable madame E . .
p u b l i c i t é m o n d a i n e a t t i f é e p a r D o u c e t et c o i f f é e p a r
R e b o u x . . . » Une femme par jour.

N o t r e élégante, u n p e u plus tard, pouvait se rendre 4 rue


Favart, chez Mlle Tarot, qui, en 1877, «rempla-
çait, pour les chapeaux habillés, les brides de
taffetas par de longues barbes en tulle de
Malines entourées de petite blonde (dentelle
de soie) » ou chez MmeAubert, 9 rue Lafayette,
chez Mme Bisterweld, rue du Faubourg-Saint-
Honoré, ou bien traverser la Seine pour se
coiffer chez Mlle de la Torchère, rue du Vieux-
Colombier, puis rue de Rennes, rue du Bac...
Modistes inventifs Les rues de Paris regorgent de modistes, de la
au sens pratique aiguisé : rue du Temple au faubourg Saint-Honoré, de
Marie Séguin et son chapeau la rue de la Tour-d'Auvergne à la rue du Bac,
à ressort... cent vingt ans
pour n'évoquer que le cœur de Paris et les réfé-
plus tard, J. Pinturier
rences de l'inévitable Mode illustrée.
et son chapeau articulable pour
éviter le carton à chapeau, 1968 La publicité est omniprésente. La revue
(voir Première partie). Mame, dans sa chronique de la mode, en 1898,
invite ses lectrices à «l'exposition de Girot
qui montre les plus jolis modèles de Paris pour
la saison prochaine et la demi-saison... Quant
aux chapeaux, depuis 9,90 francs jusqu'à
300 francs, il y a bien des genres, bien des
modèles différents. Si l'on peut s'adresser à
Girot, 19 bd Haussmann, on est sauvé; car,
avec le goût qui fait sa réputation, elle vous
fixe t o u t de suite dans votre choix ». O n retrouve cette adresse Une page du Journal
dans la Mode illustrée d u d é b u t d u XXe siècle. des Modistes, pour les Modes
de Mme Girot, 1894.

La rive gauche ne jouit pas du prestige de la rive droite,


en matière de modes. C o l e t t e n o u s le confirme, en 1901 :

« Claudine joue à la dame. Claudine se commande robe sur robe et tourmente


la vieille et surannée Poullanx, couturière, ainsi que Mme Abraham Lévi,
modiste. Mon oncle m'a affirmé qu'à Paris toutes les modistes étaient juives.
Celle-ci, quoique de la rive gauche, montre une vivacité degoût asse^précieuse ;
et puis, ça l'amuse de coiffer ma figure pointue à cheveux bouffants. »

Claudine à Paris, 1901.


1900 : l'avenue de l'Opéra et l'axe Opéra-rue de la Paix et
place Vendôme, brillent de tout l'éclat des modes inaugurées
par l'Exposition universelle.
Les revues de mode élégantes illustrent les créations des
grandes « maisons » : Marescot Sœurs, 29 avenue de l'Opéra,
Georgette, 1 rue de la Paix, Alphonsine, au n° 15, Pouyanne, au
n° 4 de la même rue, Marie Waudras, n° 19, Caroline Reboux au
n° 23, et la Maison Virot, autre adresse prestigieuse de la rue
de la Paix, depuis le second Empire :
« Selon le témoignage d'Alphonsine, la
« grande » Virot a été celle qui a réformé
les modes, qui a repoussé les ridicules
petits chapeaux d'autrefois et a apporté
dans les modes un idéal nouveau de gran-
deur et de goût artistique. » Dictionnaire
de la mode ; Lenthéric, 245 rue Saint-
Honoré ; Heitz:Boyer, 218 place
Vendôme, Michniewicz:Tuvée, au n° 2 5 ; et,
rue Royale, Esther Meyer, au n° 6, Suzanne
Talbot, au n° 14, Lewis au n° 16-18,
Mme Blondel au n° 24 ; Jeanne Lanvin, 22
rue du Faubourg-Saint-Honoré, et bien-
tôt, à partir de 1919, Gabrielle Chanel, 31
rue Cambon...
Les modistes font leur publicité dans
de petites annonces de mensuels :
«N'achetez jamais de chapeau sans avoir
été rendre visite à MmeJourde, 4 rue de la
Michodière, qui vous montrera des
modèles tout à fait nouveaux créés avec
un art délicat et sûr dont la véritable
élégance n'a d'égale que la modicité du
prix; depuis 25 F.» Je sais tout 1905, ou
dans les chroniques de mode : «Ces jours
Une page de Paris chapeaux derniers, il y avait foule chez Mme Louise Moret, 1 0 2 rue de
pour la Maison Lewis, 1924. Richelieu, p o u r l'exposition de ses chapeaux, tous marqués au
coin de l'élégance p a r i s i e n n e . » Revue Mame, 1 9 0 0 . À c e t t e
époque le salaire journalier d ' u n ouvrier boulanger était de 8 F.

L a n n o n c e p e u t être plus détaillée et décrire un o u deux


chapeaux p o u r finir par un bilan : «A partir de 25 F, Mmes Lardet,
2 4 8 rue S a i n t - H o n o r é , près de la place d u Théâtre-Français,
p r é s e n t e n t à leurs clientes des chapeaux d ' u n e valeur s 'éche-
l o n n a n t jusqu'à 1 0 0 F, suivant les fournitures et par consé-
q u e n t , r é p o n d a n t aux divers b e s o i n s d'élégance f é m i n i n e .
N o u s ne saurions trop conseiller à nos lectrices de se recom-
m a n d e r d u journal et de se faire envoyer le catalogue où elles
trouveront u n choix considérable de ravissants modèles. »
Lentre-deux-guerres voit s'installer dans la coiffure fémi-
nine une sobriété d'une élégance parfaite : les grandes maisons
font florès et leur publicité, dans les revues, souligne, en même
temps que l'esthétique nouvelle, la maîtrise des matériaux de
base, en particulier la virtuosité dans le travail du feutre : ce
n'est plus la garniture qui fait le chic du chapeau.
De grands illustrateurs sont conviés à représenter les plus
beaux modèles, dans les revues prestigieuses. Fémina de
mars 1922, consacre plusieurs pages illustrées
en couleur à la présentation des modèles des
plus grandes modistes : Maria Guy, 8 place
Vendôme, Suzanne Talbot, 14 rue Royale, Lewis,
au n° 16-18, etc. Vogue de mars 1930 illustre
d'un dessin de Paul Valentin une cloche de
Rose Descat aux lignes épurées.
Les journaux les plus éloignés des modes
donnent, du chapeau féminin, une image tout
à fait valorisante : Le Merle, hebdomadaire sati-
rique, inscrit en légende d'une photo de Gaby
Mono, en 1928 : «La célèbre directrice de la
grande maison de modes de la place Vendôme
(n° 16) qui porte son nom. Il est parfaitement
inutile, évidemment, de demander à qui l'on
doit la composition du ravissant chapeau porté
par Mme Gaby Mono. »
Les réclames sont plus détaillées parfois :
descriptif de deux chapeaux, illustration photo-
graphique et commentaire prolixe : « Claire
Merey —Maison Lydia Successeur. Modes.
Faubourg Saint-Honoré (angle rue Royale) :
« Premier froid », toque de feutre drapé rose, garni nœud Une page de la revue
velours ruban mordoré ; « Chérubin », béret de feutre rose professionnelle Le Chapeau
pastel. Petite passe de gros-grain rose dégradé et nœuds de élégant, pour Legroux Sœurs,
gros-grain rose. » m8-

Mme Marguerite a réuni autour d'elle une foule de jeunes


talents, et a repris la direction de la Maison Claire Merey. Les
créations que nous avons admirées depuis le remaniement de
l'affaire portent toutes les marques d'un goût sûr, d'une inspi-
ration bien parisienne.» Grand Guignol, 1927.
En 1936, la revue spécialisée Chapeaux-Modes rassemble
dans ses pages illustrées par Gruau une vingtaine de modistes
«haute mode» dont les boutiques se situent dans un péri-
mètre limité par la rue Royale, la rue de la Paix, la rue Daunou
et la rue Saint-Honoré; parmi celles-ci : Agnès, Jane Blanchot,
Lewis, Legroux Sœurs, Louise Bourbon, Gaby Mono, et Rose Valois,
Le Monnier, Claude Saint-Cyr dont la notoriété s'épanouira
pendant la seconde guerre.
[irrésistible extension vers l'ouest de Paris se poursuit
pendant la Deuxième Guerre mondiale et dans les années
cinquante.

D a n s la r u b r i q u e « l e s C a r n e t s d e la P a r i s i e n n e » ,

Marie Claire de juin 1942 inscrit, après le couturier Jacques Fath :

—«Jeannette Colombier. Modiste. Ex-directrice de Marie-Alphonsine. Travaille —Gilbert Orcel, modiste. Très habile de ses doigts. D'abord pianiste, a d'abord
dans un magasin décoré par Bérard. 4 av. Matignon. coiffé des amies pour s'amuser. Continue sans rire, 5) rue du Cirque.
—Gabrielle, modiste. Autre élève de Lewis. Coiffe toutes celles qui voudraient être
—Paulette, modiste. 1er accessit à l'école Lewis. Collectionne les oiseaux deporcelaine,
vedettes... 5 bis, rue du Cirque.
n'en met pas sur ses chapeaux. 62 avenue Victor-Emmanuel (devenue avenue Franklin-
—Van Dongen, modiste. A d'abord peint lesfemmes, maintenant il les coiffe. Angle
Roosevelt).
rue Daunou, rue de la Paix. »

Le faubourg Saint-Honoré conduit en effet dans le péri-


mètre d'or de la haute couture dont le Rond-Point des
Champs-Élysées est le centre. Là, sont installées maintenant
les «maisons » Caroline Reboux, 9 av. Matignon, bientôt Suzanne
Talbot, au n° 8, Jean Barthet au n° 35, Agnès aux Champs-Élysées,
Albouy, 49 rue du Colisée, Jane, 5 rue Jean-Mermoz, Simone
Cange, 6l av. Franklin-Roosevelt, Paulette, au n° 63 de la même
rue, Maud Roser, qui a créé pour Christian Dior à l'époque du
new-look, et Svend qui a créé pour Jacques Fath et Jacques
Heim, 50 Rue de Ponthieu...
Voici Maud et Nana, 107, fg Saint-Honoré, Georgette de Trèze,
au n° 69, Jane Blanchot au n° II, Agnès au n° 83, Le Monnier
(madame), au n° 2 3 ; Rose Valois, 18 rue Royale, Thérèse Peter,
au n° 10, Marie Aubert, au n° 20, Rose Descat, au n° 23 ; MmeSuzy,
5 rue de la Paix, Marthe au n° 12 ; Legroux Sœurs, 4 rue Cambon.
Une telle profusion de talents donne une nuance drama-
tique au déclin des années soixante, désertion forcée et
amère... En parlant de la rue Cambon, J. Pinturier, dans son
salon du n° 10, s'exclame, d'un ton révolté : «Il y en a eu
dix ! »
Aujourd'hui de jolies vitrines, disséminées dans le centre
de Paris, prouvent que le savoir-faire des modistes demeure
vivace : les fraîches vitrines de Marie Mercié, rue Saint-Sulpice,
de Philippe Model, rue du Marché-Saint-Honoré, où s'expose
une cohorte de capelines ornées dans un esprit contempo-
rain, tantôt sobre, tantôt exubérant, de Jean-Charles Brosseau,
au viaduc des Arts, avenue Dausmenil, d'Olivier Chanan, rue
des Rosiers... Les Grands Magasins étendent leur rayon
« modes » grâce à des chapeaux fournis par des chapeliers mais
aussi par des modistes.
Les fournisseurs

Les enseignes
La recherche des boutiques de modistes a conduit clientes
et promeneuses le long des rues prestigieuses du centre de
Paris, dans un itinéraire ponctué sans doute de nombreux
arrêts devant des vitrines si poétiques !
Mais le rêve est suscité par le produit fini : le chapeau.
Que se passe-t-il avant sa création ?
C'est un autre itinéraire, différent mais tout proche, qu'em-
prunte cette fois la modiste elle-même, en quête de fourni-
tures. Dans un périmètre restreint du 2e arrondissement, se
sont longtemps concentrés des fournisseurs dont le nombre
et la variété suggèrent de multiples savoir-faire autour du
chapeau : les rues d'Aboukir, du Caire, Rambuteau, Louis-le-
Grand, Saint-Denis, plus loin, vers le Marais, la rue Mesley...
Là s est épanouie, jusqu'en 1960, une incroyable activité
commerciale ne vivant que par les « modes » ; les rues four-
millaient d'ateliers et de manufactures, de boutiques de four-
nitures de matières premières ou accessoires pour modes...
sans compter les boutiques de modistes. Un regard jeté sur
un almanach montre l'extrême diversité des métiers, des
enseignes méconnues ou oubliées parfois en l'an 2000, mais
très explicites. Carte professionnelle de modiste.
1 8 4 4 *Almanach

L'almanach de Paris de 1844 note les Marchandes de modes, au nombre approximatif Plumassier fleuriste
de 4 0 0 — dont 60 dans le 1er arrondissement et i j o dans le 21 — dans l'ensemble Fleurs en papyrus et autres étoffes
des arrondissements, apportant éventuellement quelques précisions : Fleurs en tout genre, fait la coiffure et la garniture de robe et de bonnet
Plumes de parure
M o d e s et nouveautés
Spécialité pour la violette
Grand choix de modes à très bas prix, expédition pour la France et l'étranger
Fleurs et fruits
Modes et chapeaux de paille
Lingerie, nouveautés et chapeaux de paille Chenille et nouveautés

Assortiment de chapeaux et capotes de toutes nuances Applications de Bruxelles) tulle, blondes et dentelles
Dépôts de modes de plusieurs grandes maisons de Paris
Étoffes et apprêts pour fleurs (23) :
et, sous la r u b r i q u e F o u r n i t u r e s d e m o d e s : Étoffes, boutons, feuillages et apprêts
Têtes Fabrique de boutons de pâte pour fleurs
Fabrique de calottes Mousseline, chiffons, jaconas, percales, velours
Fabrique de calottes de linon pour modes Feuillages pour fleurs et rouge végétal
Ressorts de bonnets et chapeaux de dames

Paille affilée, sparterie, calottes en linon et tulle, cartons et laiton et toute la fourniture Apprêteurs d'étoffes
de modes
Blanchisseuse et apprêteuse de blondes et dentelles
Assortiment de chapeaux de toutes nuances, de5 à 10 francs, comm. et export. Gauffreuse à la mécanique pour nouveautés

S ' a j o u t e n t à cela, m a j o r i t a i r e m e n t d a n s le 2e a r r o n d i s s e m e n t ( r u e
Apprêteurs en chapellerie
d u Caire, rue S a i n t - D e n i s . . . ) u n e foule de commerces liés aux m o d e s :
Pour homme et pourfemmes, soit cousus soit d'Italie et ramaille (sic) les chapeaux
Fleuristes et plumassiers (environ 2 0 0 ) : Chapeaux de paille, remmaillage de chapeaux d'Italie

Dépôt général de plumes brutes d'autruches et autres Apprête, blanchit et teint en noir les chapeaux de paille et les remet à la mode

fleurs fines Fabrique de chapeaux de paille, de teinture fait tout ce qui concerne son état

Fantaisies en plumes Apprêteur de chapeaux de paille

Plumes et coiffures en argent


Apprêts pour fleurs
Fabrique de bouquets de fleurs d'oranger, fleurs de fantaisie et naturelles
Fabrique et magasin de fleurs fines naturelles et fantaisie, parures de mariées Mousseline, velours et autres tissus pour fleurs

Oiseaux de paradis, plumes blanches et autres pour plumassiers, fleuristes


Fabrique de chapeaux de paille,
Carpentier & Cie) 1833) Paris.

Facture d'un dépôt de paille


à Marseille, 1850 :
peu productrice mais très
marchande, la Francefait,
à partir des traités commerciaux
de 1860, un commerce important
de chapeaux de paille avec
toutes les parties du monde.
Les fournisseurs, au début du xxe siècle, époque glorieuse
pour le chapeau, se sont multipliés. En voici un aperçu pour les
1er et 2e arrondissements de Paris, d'après l'Almanach de 1908.
La multiplicité des raisons sociales traduit la diversité des arti-
sanats concernés, polyvalence des uns, spécialisation des autres.

1908 : Almanach

La comparaison avec le document de 1844 Les o r n e m e n t s de v é g é t a u x


est révélatrice de l'évolution. - feuillagiste
- fleurs effeuillages pour fleurs
Le commerce des chapeaux : chapellerie et modes
—modes - feuillages et fruits

—modiste - fabrique de fleurs, piquets et montures


- fleurs noires, feuillages, fruits et épis
—modespour deuil
— étoffes pour fleurs et feuillages
—modes engros
—modespour enfants Les o r n e m e n t s d e m e r c e r i e
—modes àfaçon — rubans, soieries, velours, mousselines, broderies, tulles et dentelles,
- fabricant de chapeaux nouveautés exclusives pour modes
—chapeaux et tresses depaille (M. X deFlorence :paille d)Italie) —passementerie pour chapellerie
- fabricant de chapeaux depaille et defeutre (pour modes) — modes et mercerie
- fabrique de chapeaux mi-confectionnés haute mode — rubans, velours, soieries, tulles et voilettes
—représentant en chapellerie - fabrique d'ornements pour modes et broderies

Les matières premières


Aspects techniques
- fournitures pour modes
—teinturerie et blanchissage de tresses
—tresses de paille et cloches defeutre
de paille et de chapeaux de panama
—tresses de crin et soie pour modes
—teinture etfrisure de plumes
—coiffes et crêpes pour chapeaux
—apprêts, fleurs etfeuillages
—peluches pour chapeaux
- foumitures et apprêts pourfleurs
Les ornements de plumes —apprêteur de chapeaux pour modes
—plumassier —laiton pour modes
—monteuse d'oiseaux pour parures Oiseau monté pour modes. —carcasses pour chapeaux
- formier
- fabrique déformés pour chapeaux
de mode
- fabrique de laiton, chenilles etfantaisies Coiffe de soie d'une capote,
gravée et dorée, 1885-1889.
Les ornements de bijouterie
- fabricant d'épingles à chapeaux
- fabricant de perles de jais, acier pour modes
- fabrique de broderie, dentelles, et tulle perlé

Les arts graphiques


—dessinateurs et éditeurs de modes
Oiseaux pour modes non montés. —graveur et doreur pour chapellerie
Publicité pour la fabrique de chapeaux
Chaumond & Cie) Paris, dans la revue
professionnelle Le Caprice, 1885.
Les matières p r e m i è r e s
La modiste a recours au chapelier fabricant pour se fournir
en matières premières. Elle s'approvisionne en cônes de feutre
ou de paille, ou même en chapeaux déjà formés mécaniquement
sur des moules en aluminium, ou manuellement sur des
moules en bois, façonnés par le formier. Les possibilités
offertes aux modistes étaient nombreuses à l'époque glorieuse
du chapeau, mais la grande modiste travaillait le plus possible
à la main, à toutes les étapes de la création, pour aboutir à
des pièces uniques.

La paille
Ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que le chapeau de paille
a trouvé sa place dans le costume de ville. Sa carrière a ensuite
été constamment brillante et on a appelé chapeau de paille
toutes sortes de chapeaux dont le type le plus anciennement
connu était confectionné avec des tiges de graminées, mais
qui pouvaient aussi bien être tissés dans les matières les plus
diverses : plantes exotiques, bambou, joncs, roseau, pelures
de plumes, éclisses de baleine, etc., jusqu'au papier.
La fabrication des chapeaux de paille, quelle
Tresses de paille picot que soit la localisation de la matière première,
en écheveaux. comprend :
1. la préparation de la matière première;
2. la fabrication c'est-à-dire la confection du
tissu ;
3. le finissage : blanchiment (lavage), teinture,
apprêt, mise en forme, repassage ;
4. garniture: : fleurs, rubans...
La paille se vend couramment sous trois
formes : tresses en écheveaux, cônes tressés d'une seule pièce, Grosses tresses de paille
et tissu. et paillasson.

Cependant, la modiste du XIXe et du début du XXe siècle


pouvait crocheter de la dentelle de paille avec des brins isolés
très fins, et, ponctuellement, on procédait aussi à la confection
de chapeaux de paille par nouage du brin (voir encadré p. 121).

Les tresses

La m o d i s t e a c h è t e les t r e s s e s de p a i l l e n a t u r e l l e o u
synthétique, en écheveaux de différentes couleurs et grosseurs.
Elle coud ces tresses entièrement elle-même p o u r leur d o n n e r
la f o r m e choisie ; elle p e u t aussi acquérir, chez le fabricant,
des c ô n e s déjà f o r m é s d o n t les tresses s o n t c o u s u e s à la
m a c h i n e à p o i n t s q u a s i m e n t invisibles ; les e n s e i g n e s des
b o u t i q u e s r e n s e i g n e n t c l a i r e m e n t s u r ces f o u r n i s s e u r s :
« Chapeaux de tresses de paille » par exemple.
La variété des pailles tressées est grande, mais la majorité
des tresses servant à la confection des chapeaux est consti-
tuée de paille de graminées. Le tressage est fait manuelle-
ment, en utilisant un nombre variable de brins : on dit que
la tresse est à 4 bouts, 7 bouts, I I b o u t s . . .

La tresse considérée autrefois c o m m e la plus belle et qui


convenait le mieux aux chapeaux habillés est la paille anglaise
ou paille picot appréciée p o u r sa finesse, sa solidité et parce
qu'elle se teignait facilement en gardant son brillant ; la paille
belge, dite liseré belge, très brillante, dure, eut son heure de
gloire au XIXe siècle, ainsi que la paille suisse d o n t on faisait
n o n s e u l e m e n t des tresses, mais des o b j e t s de g a r n i t u r e ,
c o r d o n n e t s de paille, fleurs, n œ u d s , et bordures, véritables
passementeries faites au métier o ù t o u t e s sortes de matières
se combinaient à la paille ; la paille de riz, en vogue au milieu
d u XIXe siècle, a r a p i d e m e n t été remplacée par la tresse de
Carpi, qui est une paille de bois : « O n a décoré du n o m de
paille de riz des filaments de copeaux de bois tressés. Le bois
employé est une espèce de saule. » Dictionnaire de l'industrie et
des arts industriels, 188 3 ; le tagal, a p p a r u en 1 9 0 0 , fait de
chanvre travaillé et tressé, d o n n e un aspect m a t habillé, c'est
une paille fine, c o m m e le picot, et « on o b t i e n t dans cette
paille des blancs purs qui s u p p o r t e n t le voisinage des robes Schéma montrant
de lingerie ». Manuel de la Mode, 1 9 2 6 ; le yedda, paille souple le «remmaillage» de la paille
et légère, facile à travailler, se vend en tressages fins ou gros, d'Italie, d'après le Dictionnaire
de l'industrie et des arts
larges o u étroits ; il p r e n d aussi très bien les nuances déli-
industriels, 1883.
cates ; le paillasson, « chic p o u r les chapeaux du matin, les
grosses t o q u e s et les chapeaux de s p o r t » (op. cit.) est u n e
grosse tresse d'aspect r u s t i q u e p r é s e n t a n t une face m a t e et
une brillante, que l'on travaille une fois amollie dans un chif-
f o n h u m i d e ; le paillasson c o n n a î t u n e grande faveur, vers
1 9 5 8 - 1 9 6 0 , n o t a m m e n t p o u r les chapeaux-boules.

Vers 1870, la tresse de Chine est venue concurrencer, grâce


à son prix attrayant, les pailles européennes.

Ces tresses se c o u s e n t par s u p e r p o s i t i o n soit à la main,


soit à la machine et d o n n e n t les chapeaux de paille cousue.

Le chapeau de paille d'Italie, si fameux, est aussi un chapeau


fait de tresses mais son originalité vient de la façon d o n t
celles-ci s o n t réunies.

La paille d'Italie est une paille de blé de Toscane à 13 bouts,


qui se distingue par ses tresses « remmaillées » ; en effet, par
son m o d e de tressage, c e t t e tresse p e u t s ' e n g r e n e r par les
lisières. Au lieu de se coudre par superposition, elle se c o u d
par «remmaillage» : les boucles de la lisière d ' u n e tresse se
logent entre deux boucles de l'autre et r é c i p r o q u e m e n t ; on
passe l'aiguille dans une maille de lisière de l'une et de l'autre
tresse que l 'on réunit ainsi. Le fil courant à l'intérieur
n'est pas visible aussi a-t-on l'impression d'un chapeau
Stendhal raconte dans Rome, fait d'une seule pièce, n'était la légère épaisseur produite
Naples et Florence, vers 1830 : par le fil à la jonction des lisières remmaillées. Le chapeau
«Les Volterriens (habitants de paille d'Italie a longtemps été, dans la garde-robe fémi-
de Volterra, en Toscane) accusent nine, un «meuble» dont on pouvait difficilement se passer
M. Lullin —voyageurgenevois, et qui méritait quelques lignes dans le très sérieux
auteur de Lettres —de s'être trompé Dictionnaire de l'industrie et des arts industriels, déjà cité : «Les
de plusieurs millions seulement, chapeaux de paille d'Italie, un peu délaissés vers 1880, à cause
en essayant d'évaluer l'exportation de la multitude d'autres sortes de chapeaux de paille nouveaux,
des chapeaux de paille
étaient un objet de fond dans le costume d'une élégante. On
l'achetait en cornet, avec la forme d'un cône tronqué, puis il
que l'on fabrique en Toscane. »
était mis à la forme du jour et garni. Mais avec la mode des
chapeaux exigus, la garniture couvre tout, le cornet d'Italie
disparaît. La beauté du chapeau lui-même est devenue sans
importance, il n'est qu'une carcasse à laquelle on ne demande
que de supporter tout ce qu'on veut poser en objets de toute
nature. Tel chapeau de quarante sous reçoit une garniture de
150 F!» Chapeau de paille de papier
entourée de cellophane.
Les marchands de tresses de paille d'Italie annoncent clai- Griffe : Paulette Perroux,
rement —et fièrement —leur origine : «M. X, de Florence... » Toulon, vers 1942.

(voir Lesfournisseurs, Troisième partie). La paille d'Italie est chère


et, aujourd'hui, rare.
S'ajoutent à toutes ces pailles, les copeaux de bois, le raphia
qui p e r m e t des réalisations originales, n o t a m m e n t des brode-
ries (voir annexes), les pailles f a n t a i s i e :
tresses de soie, parfois mêlées de chenille,
de cordonnet, qui n ' o n t de paille que l'ap-
pellation; vers 1920, les pailles synthétiques,
de gélatine, de cellophane, de papier.
Le crin naturel léger, brillant, nacré, déli-
cat à travailler à cause de sa transparence qui
t r a h i t le m o i n d r e d é f a u t , d o n n a i t d e s
chapeaux très raffinés. A u j o u r d ' h u i le crin
synthétique, en rubans de diverses couleurs,
s'utilise s u r t o u t p o u r des garnitures.
Les tresses de paille peuvent se coudre
sur de la sparterie, du tulle de c o t o n moulé ;
Chapeau de tresses de paille, j u s q u e vers 1 9 2 0 , o n cousait la paille sur
monté surfil de laiton et orné
une forme de laiton : ce procédé qui donnait
de broderies de raphia.
des formes lourdes, a été délaissé, en m ê m e
Griffe : Mme Rosa Coutureau,
Vichy, v e r s 1 9 0 2 . temps qu'une nouvelle conception du
chapeau voyait le jour.
Tresses de crin naturel,
Pour obtenir un chapeau souple, la modiste a la possibi- aspect nacré, capeline, igoo.
lité de coudre la paille en prenant appui sur un type en laiton
qui sera retiré ensuite. Le bas de la calotte et le bord de la
passe peuvent rester laitonnés.
La calotte se coud en escargot, à la main, d'abord sans
moule, en commençant par le sommet : la difficulté est de
faire un rond bien plat, donc de donner de l'ampleur «non
en fronçant mais en poussant la paille avec le doigt sous
l ' a i g u i l l e . » Manuel de la Mode, 1 9 2 6 . C e t t e
o p é r a t i o n t e r m i n é e , la m o d i s t e c o n t i n u e en
utilisant le moule. U n repassage avec un linge
humide permet une bonne finition ; vient ensuite
le séchage et le démoulage.

Pour la passe, les tresses se c o u s e n t au p o i n t


arrière en t o u r n a n t avec u n e r é g u l a r i t é
minutieuse. Pour les passes d o n t le bord est plus
large d'un côté que de l'autre, la modiste
procède à l'opération de « renfilage » :
«Ne vous occupez, dans ce cas, que
du côté étroit. Cousez comme à
l'ordinaire et lorsque vous serez arrivé à
placer la dernière paille sur le côté étroit,
cessez de suivre les contours des cercles déjà formés Passe de tresses de paille
«renfilées». Coiffe de soie
pour n'observer que celui du tour de tête, et arrêtez blanche. Griffe en lettres d'or
la paille. sur rectangle de soie noire :
Vous fermez ce dernier cercle en biaisant l'extrémité Marie Waudras, 19 rue
de la Paix, 1893-1900.
de la paille coupée à l'endroit de la fermeture, ce qui
vous permet, en même temps, de dissimuler à l'envers
la solution de continuité des brins de paille.
Il vous reste à combler le vide qui se trouve sur
le côté le plus large de la passe : vous y parviendrez
facilement en glissant à chaque extrémité des pailles
repliées que vous coudrez exactement comme les
rangs de paille. Cette dernière opération s'appelle
«le renfilage ». Pourfaire soi-même ses chapeaux. Comtesse
Chapeaux de crin synthétique, de Gencé, vers 1900.
aspect luisant, vers i960.
Reste à passer, au pinceau, un apprêt pour donner de la
tenue, et, éventuellement, un vernis pour faire briller ; laisser
sécher loin du feu. Il faut ensuite garnir, puis poser la coiffe
de soie à l'intérieur du chapeau, éventuellement la griffe.
Depuis la fin des années 1920, la coiffe a été délaissée
et la griffe posée sur l'entrée du chapeau, derrière. Schéma montrant le «renfilage»
des tresses de paille d'après
La modiste a la possibilité d'acheter, chez le manufacturier, la comtesse de Gencé, op. cit.
ou par l'intermédiaire d'un représentant, surtout en province,
des cônes de tresses de paille préalablement cousues à la
machine, qu'elle formera sur un moule en bois. Elle termine
par un repassage avec un linge humide, suivi du séchage et de
la pose de l 'apprêt. Parfois les calottes sont formées et le cône
prend le nom de capeline.
La modiste peut enfin acquérir des chapeaux déjà formés,
mi-confectionnés où il reste peu à faire au gré de la cliente.
Ces chapeaux sont moins souples et moins personnalisés
que les chapeaux de tresses cousues par la modiste ; ils peuvent
difficilement porter le label « Haute Mode » en dépit de l'en-
seigne « fabrique de chapeaux mi-confectionnés Haute
Mode » !

Les cônes

La m o d i s t e p e u t s ' a p p r o v i s i o n n e r c h e z le f a b r i c a n t
chapelier, en cônes tressés, o n p o u r r a i t dire nattés, d ' u n e
seule pièce avec des pailles aux brins
suffisamment longs ; le travail de tressage se
fait manuellement, toujours à partir du
sommet. La beauté du travail dépend de la
régularité des croisements ou tours, de leur
tissu serré et aussi du choix minutieux de la
matière première. Chapeaux mi-confectionnés
en diverses pailles.
Il s'agit de pailles exotiques, telles que le Les deux chapeaux du milieu
panama, venant d'Equateur, d'un tissu ferme sont en «bordures» de paille,
et régulier, à la souplesse légendaire ; le c'est-à-dire en galon fantaisie.
Mode illustrée, 1888.
latanier, feuille de latanier ou palmier de
Cuba ; le bambou de Manille, le rotin de
Java, le yoko de Chine issu d'un jonc... Le
cône de paille est utilisé surtout pour des
chapeaux sport, les chapeaux «chapelier»
jusque dans les années 1920; ensuite, il
acquiert ses lettres de noblesse auprès des
modistes et des élégantes : le goût de la
Chapeau de paille noire à passe
bordée d'un galon de dentelle
sobriété, du naturel, de la souplesse dans les formes prévaut
de paille, petit bouquet violet. et les modistes modèlent le cône de paille comme elles le
Le chapeau a été l'objet font pour le cône de feutre.
d'un début de garniture;
il doit encore recevoir
une draperie ou un ruban
autour de la calotte, et,
à l'intérieur, la coiffe, vers 1888.

Motif de paille de parabuntal


sculptée et peinte, fixé sur un
serre-tête en guise de cache-
chignon, Jacques Pinturier, 1983.
Atelier de Philippe Model.
Diverses matières ont été ponctuellement tressées en À côté de modèles uniques,
chapeaux d'un seule pièce : éclisses de baleine, pelures de le modiste réalise des chapeaux
plumes, coton apprêté et laminé en brins plats, osier, chanvre en série : voici des cônes de paille
de Manille... ayant déjà subi une première
transformation dans son atelier.
Actuellement, les cônes les plus courants sont faits en
parasisal, fibre issue d'un agave, paille la plus belle parmi les
moins chères, tissée à la machine.
Le parabuntal est d'une qualité supérieure : d'un tissu
serré, fait à la main, à partir de fibres de buntal, il vient d'Asie,
d 'Équateur. Les ouvrières travaillent les mains dans l'eau pour
éviter que la paille ne casse. C'est une paille fine, susceptible
d'offrir une gamme variée de couleurs.Parmi les pailles synthé-
tiques, le «visca», paille en viscose, brillante mais fragile,
tissée à la machine, a le mérite d'être peu chère : le cône de
visca coûte à peu près 5 fois moins cher que celui de para-
buntal.
Ces cônes de paille, dits capelines lorsque la calotte est
formée, se travaillent et se forment mouillés puis séchés sur
le moule. Une fois moulés, il faut repasser, poser l'apprêt, et
garnir selon la demande. « Toutes les pailles exotiques sont à
Chapeau boule en paillasson, la mode et font de jolis chapeaux. Le bankock, le panama, le
vers 1960-1965. timbo, le manille... sont tressés d'une seule pièce. Il y en a
d'extrême finesse qui coûtent encore fort cher. Elles arrivent
en France en cloches molles et informes. Elles ont besoin
d être apprêtées, teintes et formées par des spécialistes avant
d'être livrées aux modistes qui, à leur tour, leur feront subir
des transformations.» Manuel de la Mode, 1926.
Bandes de sisal multicolore Les apprêts se font avec la colle, la gélatine, la gomme, les Dentelle de paille noire montée
pourgarnitures, Artnuptia. résines, les vernis... sur laiton, agrémentée de motifs
de paille naturelle entremêlés
de perles dejais, vers 1895.
Le tissu de paille
La paille se vend aussi au mètre, en laize, et se travaille comme
une étoffe : naturelle, c'est une fibre végétale, le sisal, dont on
peut faire des formes drapées, chiffonnées, toques ou turbans,
mais aussi des garnitures, nœuds, torsades... Synthétique, c'est
de la viscose, moins onéreuse.
Nous avons vu que la sparterie est un tissu de paille très
utilisé par les modistes comme base pour tendre les étoffes.
Enfin de jolies garnitures et ornements, des «agréments»
selon le joli mot du XVIIIe siècle, se font en paille fine : cordon-
net, fleurs, broderies, passementerie, galons, rosaces et même
voilettes.

Agréments de paille sur la passe


de velours marron de ce chapeau,
vers 1942-1944.
La paille nouée

Le nouage de la paille est un procédé qui a permis de réaliser des chapeaux de


diversesformes, mais qui est resté très circonscrit dans l'espace et dans le temps.
Cependant, ce tissage ne manque pas d'attrait.
«On se sert d'uneforme en bois : au centre de ce qui sera lefond du chapeau,
onfixe une rosette degrosfils ouficelles qui rayonnent de là régulièrement et
en tous sens, deux par deux. Un brin de paille en tuyau, bien dépouillé de sa
gaine et de ses nœuds, est plié autour de cette rosette et maintenu au moyen
d'une ligature à la rencontre de chaque paire deficelles; la brisureforme angle
et permet ainsi de tourner en rond, quoiqu'avec des lignes droites brisées, et à
former une pièce de plus en plus grande à mesure que les tuyaux de paille
s'ajoutent et sejuxtaposent. Ilfaut avoir soin, à mesure que le travail s'étend,
d'ajouter aussi de nouvellesficelles entre les premières, pour éviter que par
l'écartement progressif des liens, l'ouvrage ne perde sa solidité. On est arrivé
à desproduitsfort jolis par ceprocédé, soit en variant les couleurs de la paille,
teinte au préalable, soit en pliant diversement la paille entre deux ligatures
pourformer desjours, desfestons.
Cettefabrication est connue dans la Haute-Saône, aux environs de Saint-
Loup. Ces produits étaient de mode vers lôjo pour les chapeaux d'hommes et
les bourrelets d'enfants. Il y a peu d'années, le canton d'Argovie (Suisse) afait
defort jolis chapeauxpour dames ou enfantspar le mêmeprocédé. Cette industrie
n'a jamais acquis d'importance sérieuse. »
Dictionnaire de l'industrie et des arts industriels, 1883.

Intérieur du canotier
Canotier de paille nouée,
de paille nouée. vers 1900.
Cônes defeutre. Artnuptia.

Le feutre
[hiver, le chapeau de feutre règne en maître. Et la modiste
retourne chez le chapelier fabricant. A l'enseigne de « feutre
mérinos », il lui vendra des cônes ou des capelines (si la passe
est déjà ébauchée) de feutre de laine, de qualité médiocre; à
l'enseigne «cloches de feutre », il s'agira, vraisemblablement
de feutre de poil, de lièvre ou de lapin, de plus ou moins belle
qualité : parmi les plus belles, citons le « taupé » à l'aspect du
velours, le «flamand» à long poil imitant la fourrure, la «mélu-
sine » à longs poils soyeux.
Les teintes du feutre sont variées, en général unies, mais
parfois à motifs, par exemple de cachemire.
La modiste travaille le cône de feutre au moule en bois
fabriqué par le « formier » ; ce moule peut être dessiné, voire
sculpté, par la modiste elle-même, en particulier dans la haute
mode.
Tambourin defeutre à motif Le cône doit être préparé la veille c'est-à-dire mis dans un
de cachemire, vers igjo. torchon mouillé. Puis, il est « tiré » sur le moule, modelé au
gré de l'inspiration : le feutre apparaît là comme un matériau
susceptible d'une malléabilité étonnante. La calotte, une fois
taillée, est serrée avec un fil tout autour du moule ; la passe
est ensuite préparée sur le plot ou à main levée et cousue à la
calotte.
Tout ce travail se fait avec l'aide de la vapeur, obtenue avec
un fer à repasser, une patte mouille... [apprêt nécessaire, Calotte defeutre qui a été tirée
léger, se passe à la fin, sur l'envers, au pinceau. sur le moule de bois acheté
chez le «formier».
Jusque vers 1920, les chapeaux de feutre étaient souvent
fixés sur du laiton : ce procédé a été abandonné, les chapeaux
y ont gagné en souplesse, en légèreté.
Le feutre est modelé, sculpté, travaillé en drapés, en lanières.
Un motif de gros-grain, une nervure peut aboutir au chapeau
le plus élégant. C'est une question de mode, mais aussi de
savoir-faire, de goût, de talent de la part de la modiste.
Chapeau de lanières defeutre Comme pour la paille, la modiste peut acheter des chapeaux Chapeau de lanières defeutre
en croisillons. Jeanne Lanvin, de feutre formés ou mi-confectionnés. tressé mêlées à du cordonnet,
vers 1930. vers 1890-1893.
Le chapelier peut aboutir au produit fini. C'est le «chapeau-
chapelier» (fabriqué en série, moulé en atelier de transfor-
mation par un ouvrier alors que la garniture, très simple, est
posée par une ouvrière) que les femmes n'ont trouvé, pendant
longtemps, que dans des magasins pour hommes : chapeau
mou pour la chasse ou la promenade à la campagne, haut-de-
forme, cape ou melon. Lintervention de la modiste a permis
de personnaliser ce « feutre sport » qui a triom-
phé dans les années trente.
Chapeaux defeutre
Le t r a v a i l d e c r é a t i o n r e l e v a n t d u mi-confectionnés. Le chapeau
d o m a i n e artistique est le propre du ou n° 8 estfait de lanières defeutre
de la modiste. tressé. Mode illustrée, 1895.

Cloche de lanières defeutre


travaillées en spirale. Caroline
Reboux) vers 1 9 Z J - 1 9 2 8 .
Les g a r n i t u r e s

Apprêter un chapeau, c'est en déterminer le coiffant, en


recouvrir la forme, de feutre, de paille, d'étoffe, ou autres
matériaux : dans un atelier, l'apprêteuse, sur les indications
de la première d'atelier, procède à ce travail. Pour la garniture,
c'est la première elle-même qui intervient : c'est elle qui dispose
et fixe les drapés, les nœuds, les fleurs et les plumes. C'est
une tâche délicate dans laquelle s'exprime tout le goût, l'ha-
bileté, le talent de la modiste.

Fleurs et plumes
Fleurs et plumes ont été, jusqu'en 1920, les ornements
privilégiés du chapeau, augmentant considérablement le prix
de celui-ci. Les besoins en fleurs et en plumes étaient saison-
niers : les fleurs ornant les chapeaux d'été se fabriquaient en
hiver et au printemps ; les plumes, parure d'hiver par excel-
lence, se fabriquaient en été. Ce phénomène explique en partie
que de nombreuses boutiques arborent l'enseigne « Fleurs et
Plumes ».

Lesfleurs
Les fleurs, accompagnées ou non de feuilles, constituent
la plus fraîche des garnitures, mais aussi la plus susceptible
de susciter des excès de mauvais goût. Colette nous en donne
un témoignage, évoquant «la grande Anaïs qui n'était jamais
contente quand sa tête ne chavirait pas sous trois kilogrammes
de roses... » alors que Marcel Proust admire la sobre élégance
. de Mme Swann «coiffée... d'un petit chapeau que dépassait
une seule fleur d'iris toute droite... ».

Plusieurs possibilités s'offrent à la modiste : le «fleuriste »,


le « feuillagiste » ou « verdurier », peuvent lui fournir toutes
sortes de fleurs artificielles, de soie, de velours, des feuilles,
des herbes qui peuvent être montées par le fleuriste en gerbe,
en piquet, en guirlande, dite «jardinière» lorsque les fleurs
sont multicolores, en bouquet. La production est de belle
qualité.
C'est un artisanat ancien que celui des fleurs artificielles,
mais c'est seulement à partir du XVIIIe siècle que la repro-
duction fidèle s'épanouit : un «Sieur Seguin », botaniste à
ses heures, et artiste aussi, s'attacha à imiter les fleurs natu-
relles ; il utilisait de la gaze, du taffetas, du parchemin, du
papier, de la coque de ver à soie et une teinture appropriée.
Après une éclipse pendant la Révolution, la fabrication
des fleurs connaît un nouvel essor.
Plumes et f l e u r s en 1 9 0 0

« Les fleurs artificielles, les plumes et les fantaisies diverses tionnée au talent de l'ouvrière. Le salaire ordinaire à Paris est de
pour la décoration des chapeaux de femme, sont une des branches 4 F par jour ; mais il est des ouvrières qui n'arrivent pas à dépas-
les plus i m p o r t a n t e s de l'industrie française et particulièrement ser 3 F. Tandis que d'autres gagnent jusqu'à 8 F pendant la saison.
de l'industrie parisienne. Agilité, adresse, goût, sentiment artistique, sont des qualités
O n ne trouve pas moins de soixante-cinq mille fleuristes en indispensables à la fleuriste et peuvent lui obtenir de très beaux
France d o n t vingt mille en province et q u a r a n t e - c i n q mille à salaires pour un travail qui, tout en étant assujettissant et parfois
Paris, sans tenir compte de toutes malsain à cause de la mauvaise instal-
les jeunes filles des ateliers des lation des ateliers, n'a rien de pénible
maisons religieuses qui ne tombent par lui-même.
pas sous le coup de la statistique. M a l h e u r e u s e m e n t , il ne faudrait
[apprentissage de la fleuriste se pas en conclure qu'il y a une mine
fait à l'atelier ou dans les écoles d ' o r dans le m é t i e r de fleuriste. Il
professionnelles. Pour réussir dans f a u t c o m p t e r avec les f l u c t u a t i o n s
ce métier, il faut l'adresse et le goût de la m o d e et avec le chômage forcé.
naturels à la Française ainsi que l'in- La saison o ù se fabrique la fleur
tense amour de la parisienne pour à Paris c o m m e n c e en n o v e m b r e et
la fleur naturelle. La «midinette»
finit en mai. Le reste du temps, un
qui, achetant deux sous de frites très petit nombre d'ouvrières
pour son déjeuner, dépense en même employées toute l'année suffit à
temps deux sous pour quelques assurer une fabrication très
roses, un brin de m u g u e t , une réduite...
branche de lilas ou la botte odorante
La plupart des sérieuses ouvrières
de giroflées ou d'œillets est une fleu-
fleuristes, p o u r parer à ce chômage
riste toute désignée. Capote garnie defleurs, vers 1880.
r é g u l i e r , se p r é c a u t i o n n e n t d ' u n
Les ouvrières en fleurs se divi-
a u t r e m é t i e r et s o n t é g a l e m e n t
sent en général en «rosières», en ouvrières de la « p e t i t e fleur» expertes au façonnage de la plume et de la fantaisie pour modes,
et d u « naturel ». Très souvent, du reste, elles exécutent tous les
dont le travail, à l'inverse de celui des fleurs, s'accomplit pendant
genres, ainsi que d u feuillage, d u montage, de la d i s p o s i t i o n en les mois d'été, afin d'assurer la vente de l'hiver.
piquets, touffes, guirlandes selon la mode. Ce n'est guère que
Suivant que les élégantes chargent leurs coiffures de luxu-
dans l'article c o m m u n et très bon marché que l'ouvrière se spécia-
riants bouquets, ou les proscrivent pour les remplacer par du
lise et ne p r o d u i t éternellement q u ' u n e m ê m e sorte de fleur.
tulle et des rubans, l'industrie des fleurs est prospère ou misé-
Avec un peu de mousseline, de colle, de peinture, des brins rable, enrichit ou ruine des milliers de jeunes filles et de femmes. »
de fil de fer et de caoutchouc, ces artisanes, v r a i m e n t artistes
nées, font des merveilles de grâce, de beauté et de vérité.

Le travail se fait à domicile, ou plus souvent à l'atelier, toujours La Femme dans la nature, dans les mœurs, dans la légende, dans la société.
aux pièces, sauf pour les apprenties, et la rémunération est propor- TomeIV,maison d'édition Bong &Cie, 1900.
Il y avait à Paris, vers 1840, 143 fabricants de fleurs et 16
marchands d'apprêts : ceux-ci faisaient les calices, les pistils,
les bourgeons, les étamines qu'ils vendaient aux fleuristes qui
les assemblaient et qui soudaient les divers feuillages et herbes
que leur vendaient les « verduriers ». Les ouvrières fleuristes
exécutaient le travail à l'aide d'outils spéciaux : pinces ou
brucelles pour saisir les parties de la fleur, boules de bois ou
fer pour « bouler » c'est-à-dire rendre concaves ou convexes
les pétales, découpoir ou emporte-pièce, gaufroir ou
fer à frapper les feuilles pour leur donner une appa-
rence naturelle. La fabrication comprenait quatre
opérations principales : découpage, gaufrage, colo-
riage et montage.
La division du travail accélère la produc-
tion par la fabrication séparée des diverses
parties de la fleur, pistil, étamine, boutons,
asse mblage, montage, teinture ; par les
matières utilisées : nansouk, jaconas, mousse-
line, crêpe, satin, chenille, velours, peluche, mais
aussi grâce aux matières récemment découvertes : les
matières plastiques, gutta-percha, Celluloïd ainsi que
t o i l e cirée, m i c a , p e a u ; la n o u v e l l e t e c h n o l o g i e , les p r o c é d é s
Chapeau à calotte couverte m é c a n i q u e s p o u r le d é c o u p a g e e t le m o n t a g e , p e r m e t t e n t u n e
defruits de verre etfleurs de soie.
p l u s g r a n d e p r o d u c t i v i t é d a n s la f a b r i c a t i o n d e s f l e u r s e t d e s
Passe de paille. Griffe :
Christian Dior, vers 1958. fruits. Les cerises, p a r exemple, s o n t i n t é r i e u r e m e n t f o r m é e s
d ' u n m o u l e de c o t o n recouvert d ' u n e légère c o u c h e gélatinée.
D a n s le p a s s é , le c o t o n é t a i t m o u l é à la b o u c h e , ce q u i p r é s e n -
tait de graves i n c o n v é n i e n t s p o u r l'ouvrière mais aussi p o u r

Fleurs de toile cirée,


Celluloïd, crin
synthétique,
Z930-7940.
Diadème defleurs collées le coût de la production. Le moule actionné mécaniquement Calotte de lilas montée sur laiton
sur une forme de sparterie, igjo. et passe de satin violet, vers i go8.
imaginé par la suite, permit de produire cent fruits lorsqu'une
ouvrière en aurait formé douze.
La modiste peut choisir une solution plus personnelle en
confectionnant elle-même les fleurs et feuilles avec des maté-
riaux fournis par le marchand « d'étoffe et apprêts p o u r
fleurs» qui, outre l'apprêt, vend calices, pistils,

étamines et bourgeons. Le tissu, trempé dans


une s o l u t i o n d'apprêt, est séché puis repassé
et découpé; il est ensuite h u m e c t é et gaufré
à l'aide d ' u n m o u l e en b r o n z e chauffé. D e

n o m b r e u x tissus se p r ê t e n t à ce procédé qui


laisse t o u t e l a t i t u d e à l ' i m a g i n a t i o n de la
modiste.

Les fleurs stylisées peuvent être découpées


dans d u feutre, dans du velours raidi d'apprêt.
Les fleurs peuvent enfin être confection-
nées par un savant pliage d ' é t o f f e selon le
savoir-faire et l'inspiration de la modiste.
C est parfois la calotte ou le chapeau entier qui est consti- Cloche ornée defleurs stylisées
tué de fleurs : fleurs de velours, de soie —lilas, violettes, découpées dans du feutre et
pensées —, fleurs stylisées, fleurs découpées dans le feutre... du velours apprêté, vers içzj.

Les fruits sont une garniture plus rare mais cerises, fraises,
baies diverses, raisins, en noir, rouge vif, doré... ont été utili-
sés à toutes les époques, mêlés ou non à des fleurs... Ces
fruits peuvent être en soie, en velours, en matière synthétique,
et également en verre, mais la fragilité en raréfie l'emploi.
Les plumes
Si les fleurs constituent la garniture la plus fraîche, les
plumes constituent la plus riche et la plus onéreuse.
C'est au XVIIIe siècle, époque de splendeur de la plumas-
serie, que les «plumassiers —panachiers —boutiquiers et enjo-
liveurs » furent réunis aux « faiseurs de mode » qui avaient le
privilège de fabriquer les fleurs artificielles, et prirent la quali-
fication de «plumassiers-fleuristes ». Les plumassiers pari-
siens excellaient à teindre les plumes et à leur donner des
nuances en rapport avec la couleur des rubans et des étoffes.
Ils savaient aussi leur donner une tournure élégante.
Lautruche est la plume véritablement royale, longue,
brillante, vaporeuse, et c'est Marie-Antoinette qui la mit à la
mode sous deux formes principales : la plume unique
« amazone », longue, et le panache formé de trois plumes
Chapeau-perruque de plumes montées sur fil de fer. Sa vogue s'effaça provisoirement à la
montées sur un tullefort Restauration au profit de l'oiseau de paradis.
mais souple.
Au gré des modes, ailes, plumes «couteaux», fantaisies de
plumes, cocardes en plumes collées, aplaties et brillantes,
bandeaux, motifs divers de toutes couleurs, oiseaux entiers,
plumes «saules» et «pleureuses», tombantes, ornèrent toques
et chapeaux. Les plumassiers montaient eux-mêmes les « tours
de crosses », les piquets, les poufs vaporeux, les
aigrettes...
La plume devenue alors l'indispensable
ornement du chapeau féminin, la chasse
aux aigrettes se développa impitoyable-
ment : palmipèdes du Nord : mouettes,
pingouins, canards, oies, cygnes ;
oiseaux d'autres latitudes : lopho-
phores, perruches de l'Inde, paon de
Chine, paradis de Nouvelle-Guinée,
Cloche constituée de tiges
de plumes, vers 1925. hérons-crosses, hérons-aigrettes, mara-
bouts, lophorines au plumage velouté
dits « oiseaux de velours » et, plus
communs, faisans, geais, pintades, coqs.
Lautruche d'Afrique et d'Asie occi-
dentale conserva toujours sa faveur : elle
permettait beaucoup de fantaisie, se travaillait afin de présen-
ter divers aspects : frisée ou défrisée, glycérinée, rasée. Oiseau de paradis dans son étui.

Le paradis était d'un prix particulièrement élevé : on fit


des imitations avec le plumage d'oie ; les fabricants de fleurs
artificielles traitèrent et apprêtèrent même certaines herbes
de Russie de telle sorte qu'elles ressemblaient, au sortir de la
fabrique à des plumes de paradis, souples, fines, soyeuses...
à des prix plus abordables.
Car la question du prix a toujours été au
premier plan pour la majorité des acheteuses,
les belles plumes demeurent un luxe, les prix
indiqués dans les catalogues des grands maga-
sins sont significatifs : vers 1920, il est
courant de trouver des chapeaux à 25 ou 40 F
alors qu'une plume d'autruche seule coûte
entre 10 et 39 F, un tour de crosse 139 F et
un paradis entier entre 390 et 590 F (la
Samaritaine 192 1). Laigrette «colonel» si
appréciée vers 1915-1920 coûte 50 F pour
50 brins aux Magasins du Louvre, en 1919.
On fait, heureusement, des « fantaisies de
plumes » moins dispendieuses. A la même
époque, la femme peut pour moins de 5 F
orner son chapeau d'une « fantaisie de héron
avec tête factice» ou d'une «fantaisie d'aile
avec tête de faisan » ou encore d'une « fantai-
sie papillon en merle du Gabon et lopho-
phore ». Mais le moindre brin de paradis fera
monter le prix et une «fantaisie de 6 brins
Aigrettes «colonel », 60 brins, de paradis choisis, motifs petites ailes en noir et naturel »
hauteur: 30 cm. coûtera plus de 10 F.
Que le pouf de plumes se dresse ou glisse sur l'épaule, que
l'aigrette pointe haut vers le ciel, que l'oiseau soit perché au
creux de la calotte ou à son sommet, la réussite dépendra plus
encore de la modiste que du prix de la plume.
La pose en est délicate pour parvenir à l'élégance ; en outre,
le ridicule d'une aile ou d'un oiseau instable sur son étrange
perchoir n'échappera à personne !
Un savoir-faire aussi subtil préside à la confection de
chapeaux entiers, de toques surtout, en petites plumes lissées
ou en «minoches», de chapeaux construits en tiges de plumes,
tout en transparence, et même de chapeaux-perruques. Tambourin de plumes :
petits «couteaux» sur la calotte,
La fourrure minoches sur le bord, vers 195°.
La fourrure est difficile à travailler et à assembler ; certaines
formes se prêtent plus aisément à ce travail, c'est le cas de la
toque, la forme la plus courante, qui adopte l'allure des
chapeaux en vogue au fil des saisons : volumineuse en 1910,
très «entrante» dans les années 1920, réduite en 1950.
La cage de laiton recouverte de tulle de coton qui soute-
nait le pelage, comme les autres matériaux, au XIXe siècle,
disparaît au début du XXe. Les formes se fixent sur des tulles
raides, de la mousseline à patron ou de la sparterie ultra souple.
Lintérieur est doublé de taffetas, de satin, de velours. «J'ai
vu des chapeaux de petit gris doublés de velours chiffon cerise
d'une grande allure ; des grands tendus de velours noir ornés
d hermine et de singe blanc ou noir qui était vraiment très
en faveur ces temps-ci... » Manuel de la Mode, 1926.
Ragondin, loutre, taupe, zibeline... et aussi, moins
onéreuses, fourrures d'imitation, lapin qui dans les années
1920 se teint et permet de jolis modèles. Les années 1950 -
I960 ont mis à la mode le bonnet dont la forme convient
parfaitement à la fourrure : loutre, léopard, kalgan bordé de
vison sont les pelages préférés de la Haute Mode.
Les garnitures de fourrure sont privilégiées l'hiver, en
bandes, en pompons, réchauffant la toque de velours... Vers
1910, c'est un renard entier qui ceinture la calotte des grandes
capelines : cette somptueuse garniture n'était pas à la portée
de toutes les bourses et c'est la revue chic Les Modes qui en
donne un beau modèle.
Les rubans
Clochefaite de rubans de soie Matière première ou garniture, le ruban est un matériau
disposés concentriquement, précieux pour la modiste.
vers 1925.
Matière première, le ruban est utilisé pour confectionner
des formes : il est alors tendu, selon le dessin original de la
modiste, sur de la mousseline raide. Les cloches 1925 se
prêtaient particulièrement à l'emploi du ruban tantôt en bandes
horizontales, tantôt en bandes rayonnant à partir du sommet.
Le gros-grain par sa raideur est le plus indiqué, mais faille et
taffetas permettent aussi d'élégantes réalisations.
Parfois, seule la calotte est constituée d'un large ruban de
soie et s accompagne d'une passe de feutre ou de paille, dans Cloche de ruban de gros-grain
les années 1940 notamment. travaillé concentriquement
s i m u l a n t d e s écailles, v e r s 1 9 2 5 .

Du rôle du ruban dans les événements révolutionnaires


de 1789, d'après un témoignage de l'époque.
La lettre, datée du 4 août 1789, d'un négociant de Saint-
Étienne dont le sens de l'opportunité en matière de commerce
prend, avec le recul, une saveur particulière. On pense à Rose
Bertin ruinée, réduite à vendre ces cocardes, au lendemain de
la Révolution.
On peut lire au début de cette missive :
«J'ai pris la liberté de vous faire adresser par Monsieur Augustin
Cloche de paille métallisée garnie de Rouen un petit caisson de rubansforts que j'y avais pour mon compte
de rubans, vers igzô-igz'j. de l'ancien fonds de mon père, comme je présume qu'il y a des couleurs
propres pour cocarde, je crois que c'est le moment de s'en défaire, je vous
prie, Monsieur, de vouloir bien me rendre ce service de les vendre, je vous
laisse entièrement maître des prix... »
Béret de paille picot avecfine Grand Album du chapeau 1909
bride jugulaire de taffetas noir toque de skungs ornée d'une grosse
Haute Mode, Anny, Paris, cocarde en velours et chapeau
vers 1930. Autre rôle classique du ruban : les brides, qui caractéri- relevé de mélusine blanche orné
d'un hibou.
sent le chapeau fermé ou capote pendant plus d'un siècle. Les
brides sont généralement séparées et se nouent sous le menton,
mais vers 1827 elles tombent librement, parfois sans être
coupées.
Les brides de ruban disparaissent lorsque triomphe défi-
nitivement le chapeau rond, à la fin du XIXe siècle, mais, avec
nostalgie quelques modistes les ressuscitent le temps d'une
saison : les grandes capelines de paille d'Italie de 1913 ou
1925 se parent de brides de velours noir... et de rares modèles
des années cinquante ou soixante s'accompagnent d'une bride
fine de taffetas ou de velours.

C'est dans la garniture que le ruban resplendit : il permet


une grande variété d'agencements.
La vogue des cocardes est sans doute née lors de la
Révolution française : en 1790, la cocarde en ruban bleu ciel
du «chapeau à la jardinière» est surmontée de follettes (plumes
hautes) blanches, et est fixée sur le devant de la haute calotte
cylindrique...
Vers 1907-1912, le gigantisme s'im-
pose dans les modes : les r u b a n s
connaissent un « succès prodigieux ; le
métrage que réclame cette garniture est
important.
Le r u b a n ceinture la calotte en
formant crêtes et volutes ; il est aussi
agencé en cocardes géantes faites de
rubans plutôt étroits froncés concen-
triquement ou de multiples et volumi-
neuses boucles de taffetas, de satin. Il
est également plissé, drapé.
Pliage d'un ruban de gros-grain,
Le ruban de gros-grain, étroit, permet Mode pratique, 1925.
de savants pliages dont les modistes des
années vingt usent largement et habile-
ment : le motif en cocarde, plate et de
dimension réduite, se pose sur le côté
des cloches ; il est parfois remplacé par
une bande entourant la calotte, dans
laquelle s'entremêlent deux ou trois
rubans de couleurs identiques ou diffé-
rentes. La simplicité de cette garniture
convient parfaitement à la sobriété des
formes de cette époque et se retrouve
dans les années 1938-1941.
Capote de dentelle noire garnie Les coloris et les motifs imprimés des rubans de soie sont
d'un ruban broché rose, coulissant
infinis, mais les plus répandus, outre l'uni, sont les rubans
à travers des anneaux de perles
de jais, etformant, devant, rayés et les écossais. Le ruban rayé connaît une particulière
une crête enrichie d'aigrettes faveur vers 1780, dans le fameux « chapeau à la Tarare»
de jais, vers 1885. qui porte le nom d'un opéra, le ruban rayé rouge et
blanc est disposé en guirlande autour de la calotte
et retombe sur la passe ; à la même époque, les
modistes agencent, sur le côté de la calotte haute
et cylindrique des chapeaux de paille d'Italie,
de multiples coques rayées, en mauve et vert
tilleul, par exemple.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale,
c est l'écossais qui domine, en coques sages,
juxtaposées, tout autour de la calotte, ou en -
nœuds exubérants pointant vers le ciel : c'est Chapeau de paille
une garniture bon marché qui s'accommode des marine et blanche, garni
restrictions. d ' u n n œ u d tricolore, vers 1 9 4 2 -
1944.
Aujourd'hui, le ruban de tulle blanc, permet la créa-
tion de chapeaux de mariée, mouvants, vaporeux :
le voile est ainsi superflu, sans que la rituelle distri-
bution de morceaux de tulle à la fin de la cérémo-
nie, soit sacrifiée.
Capote de satin froncé écru, garni Chapeau de ruban de tulle pour
de valenciennes, de coques de mariée. Création Monique
ruban bleu marine et de chenille Germain, été 1999.
bleu pâle à droite, vers 1880. D entelle, broderie, passementerie, perles
La dentelle est largement utilisée sous forme de laize
tendue sur laiton, au tournant du siècle, et, dans les années
1850-1880, sous forme de petit volant froncé, en Valenciennes
notamment, parfois en spirale, couvrant toute la capote dite
«lingerie ». Ruban ou fleurs de velours sont l'ornement privi-
légié de ces chapeaux.
La dentelle de Chantilly, noire, fournit également un maté-
riau très en vogue à la fin du XIXe siècle sous forme de volant
froncé mêlé à du ruban de couleur, ou, plus récemment, se
tend sur transparent, alliant luxe et sobriété.
Dans les années 1920-19 30, peu favorables aux garnitures
exubérantes, les chapeaux se brodent et les revues de mode
donnent fréquemment les explications pour personnaliser
ainsi une cloche, une capeline, un béret de satin ou de velours
(voir Annexe).
La passementerie constitue, à toutes les époques, un orne-
Dentelle noire couvrant
ment discret : franges, pompons... mais les années 1890-
un chapeau de satin rose.
1900 accordent une faveur particulière à la broderie de canne- Griffe : Caroline Reboux, 23 Rue
tille, qui est une passementerie très fine or ou argent. de la Paix. Paris, vers 1950.
Lornement le plus précieux, destiné aux
coiffures du soir surtout, est la perle ou la
pierrerie : à l'époque de Marie-Antoinette,
des aigrettes d'or et de diamants
ornaient les coiffures ; plus tard, de
belles i m i t a t i o n s de perles fines
o u de t u r q u o i s e , de p i e r r e s d e
c o u l e u r s , p e r m e t t e n t de couvrir,
m ê l é e s à de la c a n n e t i l l e d ' o r o u
Tricorne de velours gris à calotte
faite de ruban d'ottoman d'argent, un fond ou une calotte de
de soie se terminant enfranges, chapeau de théâtre à la fin du siècle... Par la
vers 1925.
suite, le strass en constellation sur velours
sombre ou en motif, les paillettes,
introduisent un clinquant de bon aloi sur le
chapeau habillé...
Mais t o u t au long d u XIXe siècle, c'est le jais qui domine, Capote pour le soir : tulle doré
Capote de tulle doré tendu et brodé de cannetille d'or, perles
en fines perles minuscules rebrodant le tulle o u la dentelle,
sur armature de laiton, et brodé et turquoise, garniture de tulle
defines perles de jais, aigrettes, en m o t i f s plus o u m o i n s gros, enrichissant les chapeaux de illusion bouillonné.
brides de velours noirfixées velours, de crin, de t a f f e t a s . . . le jais est u n des seuls luxes Griffe : Michniewic,z: Tuvée) place
derrière, vers 1890. autorisés de l'après grand deuil. Vendôme, Paris. 1885-1888.
Voilette de tulle à applications de V o i l e s et v o i l e t t e s Voilette de tulle point d'esprit
dentelle, vers igoo. masquant le visage. On aperçoit
Luxe accessible, le voile de dentelle blanche ou noire consti- le «tour de tête» defleurs sous la
tue une garniture qui recouvre la passe du chapeau à l'époque passe élevée, vers 1863-1964-
de la Restauration, et tombe négligemment sans masquer le
visage.
Le second Empire en revanche emprisonne le visage dans
le tulle bordé de dentelle sur trois côtés ; ces dentelles sont
parfois ornées de perles de jais, de cristal, de franges de
chenille, de grelots, dont le poids sert à plaquer sur le visage
ce que l'on appelle le «voile-masque». Un pince-voilette,
cordon élastique muni d'un crochet à chaque extrémité et au
milieu, sert à fixer le voile sur le chapeau.
Un peu plus tard, les « voilettes » sont courtes et adaptées
à la forme du chapeau et se font en toutes nuances. Certaines
ont une bordure de dentelle ou une engrelure dans laquelle
on passe un ruban de velours pour former un nœud au-dessus
ou au-dessous du visage ; d'autres encore se résument à une
sorte de mantille nouée sous le menton et faisant office de
brides.

En fin de siècle, les voilettes sont indispensables alors que


la vie au grand air et le sport se développent : les femmes
veulent conserver « leur teint de neige » et pour cela voilent
leur visage de tulle uni ou chenille, ou bordé d'application de
dentelle au dessin parfois surchargé. Les grands magasins
vendent des voilettes «impératrice» en tulle point d'esprit
de couleur avec bord de Chantilly, qui retombent en écharpe
ou en barbes ; cette voilette est parfois remplacée par une
écharpe de mousseline nouée sous le menton.
Pour l'automobile cette écharpe s'impose pour garantir le
visage de l'inévitable poussière : elle est en mousseline de soie
Émile Zola —second Empire : unie ou semée de pois «confetti» veloutés ou satinés, et est
appelée « gaze automobile ». Voile de tulle brodé.
« Un matin, vers onze heures,
Clorinde vint chez Rougon) Un conseil du Petit Écho de la Mode, en 1909 :
rue Marbeuf Elle rentrait... «Je ne saurais trop conseiller à mes lectrices d'éviter les
Elle portait très crânement, voilettes bon marché qui se froissent et se fripent si vite.
sur ses cheveux roulés, son chapeau Mieux vaut ne pas porter de voilette du tout. Beaucoup de
femmes ont la fâcheuse coutume de laisser leur voilette à leur
d'homme autour duquel une gaze
mettait un nuage bleuâtre, chapeau. Le résultat est qu'elles retrouvent leur voilette toute
tout poudré d'or du soleil... »
froissée, formant sur le visage des plis horizontaux du plus
disgracieux effet.
Son Excellence Eugène Rougon.
La voilette, après chaque sortie, doit être enlevée du
chapeau, détirée avec précaution et pliée soigneusement. Ainsi
on la retrouve intacte et comme neuve.
Bande de tulle picoté en visière
Même, les femmes élégantes font installer dans leur cabi- sur le bord du devant.
net de toilette une planchette hérissée de clous à têtes rondes.
Sur cette planchette, on place les voilettes. Les voilettes ainsi
entretenues ont une durée beaucoup plus longue. »
Les années folles introduisent beaucoup de fantaisie dans
le port des voilettes : celles-ci se font à réseaux, avec haute
bordure chenillée ou à ramages, cachant le visage, mais ceci
n'est pas nouveau. Ce qui l'est davantage c'est la disposition
en loup, en visière fixée sur le bord du chapeau, en écharpes
Voilettes d'après longues tombant sur le côté ou se drapant sous le menton.
la Mode illustrée, 1923 :
Le voile peut se limiter à deux pans de tulle flottant sous la
passe à la manière des anciennes barbes.
Dans les années trente et après la Deuxième Guerre, la Chutes de tulle brodé.
voilette est un très léger réseau, parfois seul ornement du
chapeau habillé et se plaçant de toutes les manières au gré de
l'imagination des modistes : en nœud, en jugulaire, en écharpe
s enroulant autour du cou... La grande vogue, en 1950, est
aux «voilettes posées en «cage», en masque d'escrimeur ou
en loup vénitien. Certaines, plaquées sur le front, donnent un
effet de grillage. Elles sont légères, garnies de pastilles, de
boules de velours, de chenille.» Marie France, 14 août 1950.
Les teintes en sont très variées.
Lorsqu'elle n'est pas une garniture, la voilette est parfois
la matière première du chapeau entier, ou seulement du fond Écharpe de tulle brodé passant
Voilette courte. sous le menton.
du petit toquet des années 1950-1960.
Toute de légèreté et de charme, la voilette a particulièrement
inspiré les écrivains, à différentes époques :

Époque Louis-Philippe
«Je vous ai bien reconnue quand vous passiez l'autre soir dans la rue, pied
rapide etfinement chaussé, aidant d'une main gantée le vent à soulever les
volants de votre robe nouvelle, un peu pour ne point la salir beaucoup pour
laisser voir vosjupons brodés et vos bas transparents. Vous avie^un chapeau
d'un style merveilleux, et vous paraissiez même plongée dans une profonde
perplexité à propos du voile en riche dentelle quiflottait sur ce riche chapeau.
Casque de fine voilette de Lyon Embarras bien grave, en effet ! car il s'agissait de savoir lequel valait le mieux
noire, garnie de biais d'organdi et était le plus profitable à votre coquetterie, de porter ce voile baissé ou relevé.
blanc créé par Gilbert Orcel
en 1963, paru dans Vogue. En le portant baissé, vous risquiez de n'être pas reconnue par ceux de vos amis
Croquis deJacques Pinturier. que vous auriezjpu rencontrer, et qui, certes, auraient passé dixfois près de vous
sans se douter que cette opulente enveloppe cachait mademoiselle Mimi. D'un
a u t r e côté, en p o r t a n t ce voile relevé, c'était lui q u i r i s q u a i t de ne p a s être vu,

et alors, à quoi bon l'avoir ? Vous ave^spirituellement tranché la difficulté, en


baissant et en relevant tour à tour de dix pas en dix pas, ce merveilleux tissu,
tramé sans doute dans ces contrées d'arachnides qu'on appelle les Flandres, et
qui, à lui tout seul, a coûtéplus cher que toute votre anciennegarde-robe... »
Henri Murger, Scènes de la vie de Bohème.

S e c o n d Empire

« Toutes les têtes defemmes sont à demi masquées par un petit voile de dentelle Voiletteformant écharpe, carnets
noire, étroit comme un loup, etfinissant au sourire qu'il semble chatouiller, en
de croquis, éd. Bell, été 1948, DR.

laissant le haut du visage dans une pénombre mystérieuse. »

E. etJ. De Goncourt, Journal, 1831-1863.

«Mme Bourjot avait relevé et rejeté sur son chapeau son double voile de dentelle. »

Renée Mauperin

1900

Lotte «venait parfois chez nous, très dame, en veste d'astrakan, un gros bouquet
de parme à la ceinture, et la voilette chenillée tendue sur son nez de pékinois. »
Colette, Mes Apprentissages.
Conclusion
Lâge d'or du chapeau féminin, couvrant plus d'un siècle Plus distanciée, la publicité d'après la Seconde Guerre
et demi, montre la place privilégiée de cet élément de la accentue la sobriété dans l'esthétique et le langage. Aux n o m
toilette féminine. et p r é n o m de la faiseuse, accompagnés de l'indispensable
Si cette histoire est attachante c'est qu'elle est aussi celle adresse, s'ajoute simplement : «Modes». U n m o t qui demeure
d'une connivence, d'une complicité entre un artisan de l'élé- encore magique, p o u r quelque t e m p s . . .
gance et la femme... Complicité qui s'est assez brutalement Plus rarement, la « réclame » t r a d u i t une insistance parti-
abolie dans les années soixante, avec l'évolution des modes culière, qui semble vouloir instaurer de nouveaux liens entre
et des mœurs dans leur ensemble. clientes et m o d i s t e , c o m m e dans celle-ci, p o u r la m o d i s t e
Un regard comparatif sur la publicité relative aux «modes » C l a u d e S a i n t - C y r : « S e s chapeaux p r ê t s à p o r t e r i r o n t à
est à cet égard édifiant : on peut y lire toutes car leur tour de tête est élastique.
l'évolution du statut de la modiste et de Ils vont du béret de toile au béret de
ses rapports avec le public. On a vu que tulle en passant par les canotiers pareille-
les joutes publicitaires entre modistes, au ment calculés. » Le message est illustré
XVIIIe siècle, pouvaient être redoutables, de trois bérets et d'un canotier, Jardin
et Beaulard, évoqué par S. Mercier dans des Modes, juin 1950.
son « scoop » sur Rose Bertin (voir plus Poussée à l'extrême, la sobriété
haut) ne se privait pas de dénigrer sa rivale. conduit la publicité à un message froid,
Les « réclames » du XIXe siècle, plus objectif, qui s'impose à une clientèle
amènes, évoquaient la compétence et le anonyme, à tout public ; c'est celui du
goût de Mme X avec un certain lyrisme : chapeau de feutre, fait en série, du
« Pour les chapeaux, on peut s'adresser en «chapeau chapelier », rival maintenant
toute confiance à l'aimable directrice de heureux, auprès des femmes, du chapeau
la maison de modes X... », Revue Mame, de modiste : « Feutrix —Ses formes
1897; elles suscitaient une sorte d'inti- modes —Ses feutres —Roger frères —
mité : « Mme Séguin, l'inventeur du 149, rue Montmartre, Paris (2e) »
chapeau à ressort, est amie du progrès, on Tenez-vous le pour dit ! La part du rêve
le voit, et nous lui devons vraiment de la est singulièrement réduite ! La modiste
reconnaissance », Journal des Femmes, 1847. Bague de tête géante en grillage cuivré n'est plus un personnage familier et
serti de velours turquoise. complice.
Ce sont des images publicitaires sobres et
j . Pinturier, janvier 2 0 0 0
résolument modernistes, bientôt «Art Mais son art ne m e u r t pas, même s'il
déco », qui leur succèdent, après la Première Guerre mondiale. subit les aléas que l'histoire inflige à toute création humaine.
La grande modiste des années 1920 associe son n o m et la pres- Les modes, la haute mode et les modistes continuent d'exis-
tigieuse adresse de sa maison à une photographie ou un dessin ter avec un talent et une créativité dont la vigueur ne demande
soulignant l'élégance pure de ses créations, et la situant au qu à s épanouir.
sommet. À cette époque, le chapeau stylisé ou même le carton Et c'est un bonheur pour les inconditionnels d'une
à chapeau seul sont fréquemment associés à une publicité p o u r élégance et d'une netteté parfaites, ou pour ceux qui veulent
p r o d u i t s de luxe, accessibles à une m i n o r i t é de privilégiées, introduire une fantaisie de bon aloi dans leur apparence, ou
tels que parfums, voitures, voyages : autant de signes d'élé- encore pour les amateurs des arts de la mode et du costume,
gance, de raffinement et d'art de vivre, qui suscitent le rêve. d'assister à un renouveau dans la création modiste.
Annexes

La confection amateur

Les c h a p e a u x d ' e n f a n t s

Lexique
L a confection amateur

Le coût d'un chapeau, la nécessité d'en changer


fréquemment, l'impression de facilité donnée par les chapeaux
les plus réussis a suscité, à toutes les époques, le désir de
«garnir et confectionner soi-même un joli chapeau », formule
qui sert d'intitulé à nombre d'articles.
Les revues de mode viennent au secours de l'apprentie
modiste, non sans avertir fermement que l'on ne s'improvise
pas modiste : «Toutes les femmes ne viennent pas au monde
avec le don d'exécuter un très joli chapeau. On a aujourd'hui
des facilités extrêmes avec le nouveau genre de fabrication
qui consiste à préparer, assembler, quelquefois garnir, des
formes auxquelles il reste peu à faire... On vend des formes
toutes prêtes à recevoir l'ornement ; on trouve même des
formes recouvertes de broderie découpée de tous les genres,
des formes tout en treillis d'or et de jais. A l'intérieur, on
place une coiffe ; à l'extérieur, un bouquet de plumes ou de
fleurs mélangé d'un peu de dentelle suffit quelquefois pour
l'achever.» Mode illustrée, 1888.
Toute la difficulté est là : « quelquefois » l'ouvrage est
réussi; s'il ne l'est pas, c'est le désastre c'est-à-dire le
ridicule, qui ne pardonne pas dans le
domaine des «modes». Or, il faut
à peu près huit ans pour devenir
une modiste valable, selon les
professionnels eux-mêmes.
En outre, la rubrique « secrets
professionnels» fréquente dans les
Chapeau à la Paméla, en paille. revues de mode au XIXe et au début du XXe siècle
On voit la passe de paille
se continuer à l'arrière, est fort précieuse, car, grâce aux schémas et aux
en l'absence de bavolet. explications, elle permet de mieux connaître la
Journal des Femmes, 1847, structure précise d'un chapeau, souvent masquée
par la garniture.
Vers 1840, le Journal des Demoiselles publiait
des patrons de chapeaux permettant de voir
clairement la différence entre la capote courante
et le chapeau à la Paméla : la lisibilité du croquis
est efficace.
La confection entière d'une capote ou d'un
chapeau ayant pour base une carcasse de laiton
ou de tulle raide est régulièrement expliquée
croquis à l'appui, à la fin du XIXe et au début du xxe siècle : Chapeau de velours vert bronze.
comment, pour une capote, garnir avec de la tresse de crin Mode illustrée, 1880.
Patrons de chapeaux montrant
la différence entre la capote
et le chapeau à la Paméla,
sous le second Empire. Les deux
chapeaux sont taillés dans une
laiZ! de sparterie que l'on double
de velours. Pour le premier, on
donne aux deux côtés de la passe
uneforme très allongée grâce
à un fil de laiton qui la soutient,
defaçon à les rapprocher
des joues. Le bavolet n'est pas
représenté mais sefait en velours.
Journal des Demoiselles,
1840. Le second est un
«Paméla» : sa passe s'écartera
des joues, s'abaissera sur lefront
et se continuera derrière
pour remplacer le bavolet.
Journal des demoiselles,
1845.

ornée de broderie de paille, de paillettes, et l'orner pour


finir d'une aigrette, de roses ? comment confectionner
une capote de velours ? Voici : « On prépare la forme en
tulle raide que l ' o n b o r d e de l a i t o n ; o n garnit le b o r d de
devant avec u n biais de velours plissé de 7 cm de largeur, le
côté de derrière avec u n bais plat. L i n t é r i e u r est d o u b l é de
satin. A l'extérieur, une bande de velours de 4 cm de large,
coupée en biais, se rattache au biais plissé et cache en m ê m e Capote non garnie, déformé
pointue, faite en tulle noir, tendu
t e m p s le b o r d de la calotte brodée de perles faite en chenille
surfil de laiton et brodé avec des
et satin tissés ensemble. Le chapeau est b o r d é d ' u n e frange perles noires de différentes espèces
de perles de 5 cm de largeur se c o n t i n u a n t sur les brides en et de petites plaques de jais.
tulle brodé de chenille et de perles, ayant 10 cm de largeur, On entoure la capote d'une petite
cordelière en perles.
2 1 0 cm de l o n g u e u r et se c o n t i n u a n t sur la calotte. Sur le
(Voir la capote garnie par
côté, touffe de fleurs et de feuillage en velours o m b r é et trois une modiste en première partie.)
plumes. » Mode illustrée, 1 8 8 0 . Mode illustrée, 1888.
Pour un grand chapeau comment
apprêter et garnir une forme de tulle
laitonnée avec de la gaze, du tulle chenillé,
de la dentelle... ?

Quel est le secret pour faire d'une banale


forme en paille « le plateau » en vogue
entre 1902 et 1905 ? Figures à l'appui est
expliquée la manière de rentrer la calotte
dans la passe dans un mouvement
caractéristique, d'agencer la barrette
destinée à soutenir l'inévitable
garniture en cache-peigne et de
maintenir le chapeau d'aplomb :
« Le chapeau de la fig. 1 est en
paille très légère, orné d'une couronne
de roses avec feuillage et piquet de
roses posé à gauche sur la chevelure.
La forme que représente la fig. 2 est
faite d ' u n g r a n d p l a t e a u , tel que n o u s le
trouvons en magasin au prix le plus modeste.
P o u r o b t e n i r la f o r m e m o u v e m e n t é e

indiquée par les croquis 3 et 4, vus de face


et de dos, il est nécessaire de faire des plis,
des pinces, des tuyaux, de retourner la passe
s u r la c a l o t t e , de la m a i n t e n i r p a r d e s
é p i n g l e s . . . par le seul t â t o n n e m e n t jusqu'à
ce q u ' o n ait o b t e n u la f o r m e désirée. O n
r e m p l a c e alors les é p i n g l e s p a r de l o n g s
points très solides, en nouant les deux bouts du fil. Avant de
procéder à la garniture, on pose la coiffe. Celle-ci est faite
d'une bande de soie, de la largeur de la calotte et plus haute.
Le bord supérieur est formé d'un ourlet
resserré par un ruban, que l'on noue sur un
rond de soie qui recouvre le fond. Le bord
inférieur est cousu à l'intérieur du chapeau,
et à l'envers, tout autour de la calotte. À
gauche, on pose une petite barrette en gros
tulle, en soie ou en velours tendu sur fil de
laiton, dont la longueur est égale à la moitié,
moins 2 cm du tour de tête, d'une hauteur
de 3 cm au milieu et finissant en pointe aux
deux extrémités, fig. 5 et 6. Cette barrette est cousue sur le
bord de la calotte par des points solides, fig. 7 ; elle est destinée
à supporter les fleurs.
1à 7 - Schémas montrant la
façon de confectionner un plateau, Certaines personnes particulièrement habiles pourront
en 1 9 0 2 - 1 9 0 5 . faire la forme elles-mêmes. Elles ont la possibilité d'acheter
a u m è t r e l a t r e s s e d e p a i l l e : il e n f a u t 12 mètres ; on passe u n

laiton ou coulisse, dans la paille a u c ô t é q u i d o i t être cousu,

pour donner du soutien à la f o r m e . O n coud cette paille en

rond en petits points dessus, à grands points dessous, jusqu'à

c e q u ' o n a i t o b t e n u l a g r a n d e u r d u p l a t e a u . » M o d e illustrée, 1 9 0 2 .

U n a u t r e m o d è l e p r o c h e d e celui-ci, e n 1 9 0 5 , m o n t r e la b a r r e t t e

d e s t i n é e à s o u t e n i r la g a r n i t u r e e n c a c h e - p e i g n e , p o s é e à l'arrière

(voirPremièrepartie).
Les grands magasins, comme le Bon Marché, proposent des
formes à garnir entièrement ou des formes «mi-confectionnées »
dont il suffira de parachever l'ornement à l'aide de plumes et
de fleurs prêtes à agrafer. Piquets de fleurs ou de plumes, poufs
de plumes vaporeuses, brins de paradis, aigrettes, motifs divers,
oiseaux de fantaisie sont proposés à des prix abordables.
Après 1914, le chapeau, moins structuré, volontiers souple,
souvent sans garniture, est plus difficile à confectionner par
des mains inexpertes, ou du moins plus difficile à réussir.
Aussi, les revues de mode insistent-elles sur le fait que le
plus difficile est, pour une modiste amateur, de réaliser le
chapeau, non pas de l'imaginer. «Contrairement à la robe, le
chapeau ne peut se faire par tâtonnements et essayages
successifs : il nécessite de la spontanéité, du brio, une heureuse
improvisation donc un goût sûr. Le conseil de base est de
fabriquer le chapeau dans un premier temps, entièrement dans
de vieilles étoffes et de vieilles garnitures, une sorte de répétition,
après quoi il sera possible de se lancer dans la confection du
vrai chapeau. La forme peut s'acheter chez un formier : elle
sera assez ordinaire et passe-partout, en sparterie ; ou bien elle
peut s'acquérir chez une modiste : elle sera faite à la main, par
conséquent plus enlevée et plus à la mode du jour; elle sera
alors en paille ou en tissu. Cette forme doit être choisie en
harmonie avec la silhouette, la forme du visage, le genre de vie.
Une fois la forme choisie, le délicat problème de la garniture
se pose : il sera bon d'observer d'élégants chapeaux dans les
vitrines de la rue Royale ou de la rue de la Paix avant d'acheter
chez un spécialiste de fleurs ou de plumes, ou dans un magasin
de nouveautés, la garniture adéquate qu'il conviendra de disposer,
elle aussi, en fonction des critères vus plus haut. N'importe
quel nœud, n'importe quelle plume ne convient pas à n'importe
quel visage ni à n'importe quelle circonstance.Les grands
magasins vendent au rayon nouveautés quantité de formes de
paille et de divers tissus, à garnir soi-même, ainsi que fleurs et
plumes prêtes à agrafer.» La Mode pratique, 1915. Les grands
magasins vendent au rayon nouveautés quantité de forme de
paille et divers tissus, à garnir soi-même, ainsi que fleurs et
plumes prêtes à agrafer. » La Modepratique, 1915.
À partir des années 1920, la conception nouvelle du
chapeau est celle d'une femme moderne : peu de garnitures,
importance primordiale du « coiffant » naturel (si opposé au
cache-peigne de 1900) : cela justifie des rubriques telles que
«une idée par quinzaine» de La Modefrançaise, où l'accent est
mis sur l ' é c o n o m i e d o m e s t i q u e : « Les chapeaux de
paille a t t e i g n e n t , cette année, des prix inabordables
q u a n d on recherche u n e paille de belle qualité. Or,
mieux vaut u n chapeau t e n d u que l'on p e u t faire soi-
même à p e u de frais q u ' u n chapeau de paille de qualité
médiocre. Celui d o n t nous vous offrons a u j o u r d ' h u i le
modèle sera délicieux en organdi, en crêpe de Chine,
en crêpe Georgette. Grâce à votre patron, vous p o u r -
rez l ' e x é c u t e r v o u s - m ê m e sans p e i n e . . . C e chapeau
c o m p r e n d trois parties : la passe, le t o u r de tête, le
fond. Couper un ovale en sparterie p o u r la passe ; border
d ' u n laiton ; tailler dans le milieu de la passe u n ovale
qui f o r m e r a l'entrée de la tête ; tailler des crans desti-
nés à fixer le t o u r de la tête. Celui-ci est formé d ' u n e
b a n d e d r o i t e b o r d é e en h a u t et en bas d ' u n l a i t o n .

C o u p e r le tissu en double suivant la forme de la passe ;


tendre d ' a b o r d le dessus du chapeau puis le dessous.

Le f o n d reste s o u p l e ; tailler le t i s s u l é g è r e m e n t
ovale, froncer à la base. Il se fixera a u t o u r de la tête par
des p o i n t s mode. N o u s d o n n o n s le p a t r o n de la spar-
terie, on devra couper le tissu en t e n a n t c o m p t e des
rentrés.

Vous le garnirez en arrière d ' u n e fantaisie en vogue


en ce m o m e n t : la s i l h o u e t t e d ' u n oiseau. Vous décou-

perez la s i l h o u e t t e dans d u velours et vous laitonnerez


d é l i c a t e m e n t les bords. C ' e s t là une garniture ayant de
l'élégance, de l ' o r i g i n a l i t é et de la n o u v e a u t é . . . » et
p o u r celles qui h é s i t e n t à d é c o u p e r d u velours, des
hirondelles découpées dans d u feutre noir et munies
d ' u n bec rouge en peau, s o n t à leur d i s p o s i t i o n dans
les magasins.

La femme fait elle-même la forme en sparterie qui, mouillée


Illustration de La Mode et travaillée en biais, se m o d è l e au fer à repasser et se tend de
française pour la confection tissu. U n e cocarde de gros-grain ou un p o u f de plumes suffit
de la capeline, 1926. à le garnir. Autre possibilité, la laize de paille : «Avec de la
paille au mètre, il est facile de façonner soi-même les formes
des chapeaux : paillasson, fantaisie, crin, paille c o u s u e . . . » La
facilité est d'ailleurs t o u t e relative et mieux vaut être habile
de ses mains !

Cloches et capelines d o m i n e n t les années 1920, mais, nous


l'avons vu, le b é r e t et la t o q u e r o m p e n t l ' u n i f o r m i t é : les
Aux deux passages - Lyon, été 1922 (catalogue).

Les magasins du Louvre - 1917 (catalogue de jouets).


grandes faiseuses les drapent à merveille et à grand prix ! Le
Manuel de la Mode, petit ouvrage professionnel à la portée de
toutes, donne le secret de sa fabrication en soulignant les
difficultés qu'elle recèle à cause de l'allure souple qu'il faut
donner et qui est difficile à obtenir : « Le béret se double de
mousseline à patron quand il est souple. Souvent ce sont deux
grands ronds de 35 à 40 cm que l'on assemble par une couture
au bord, puis on découpe une entrée de tête dans un de ces
deux ronds et par cette ouverture, on les retourne à l'endroit
pour les monter sur un biais de sparterie qui sera l'entrée de
tête ou sur une calotte de mousseline plissée ou de sparterie
souple. En montant le béret, on drape et forme des plis. Ces
bérets se font en drap, velours ou satin. Ils sont souvent
brodés. On en fait aussi en paille. Si on veut un béret irré-
gulier, il suffit de laisser un côté plus grand en poussant plus
loin le rond de l'entrée. Monté sur une cloche, le béret est
très coiffant quoique peut-être d'allure un peu moins jeune.
Le béret à visière fait un charmant chapeau d'auto.
Les toques : tout le chic des toques est dans la façon dont
elles sont apprêtées ou drapées. On les monte sur une bonne
forme coiffante, en sparterie souple, en tulle ou en mousse-
line raide. »
Toujours à cette époque d'après la Grande Guerre, la brode-
rie jouit d'une grande faveur pour les chapeaux; sans doute -
Béret et toque à confectionner, le goût de l'orientalisme et de ses couleurs vives en est-il la
Le Manuel de la Mode, 1926.
cause : en effet, les broderies de soie multicolore apportent
au chapeau un aspect chatoyant. Sur un fond de velours, de
satin ou de lainage, des mains habiles peuvent exécuter des
broderies de fleurs selon les dessins proposés. Le travail se
fait en soie ou en laine; le graphisme est représentatif des
tendances artistiques de l'époque.
Vers 1925, on fait des chapeaux de raphia. Le Manuel de la
Mode précise : « Les chapeaux de raphia en général se vendent
tout confectionnés, comme ils sont toujours originaux, d'un
joli travail et d ' u n coloris amusant, ils se v e n d e n t très
cher. C ' e s t p o u r q u o i , j'ai p e n s é que mes lectrices
seraient bien aise de savoir les faire c o m p l è t e m e n t
en se servant d ' u n gros tulle de coton. Les appren-
ties m o d i s t e s m ' e n s a u r o n t p e u t - ê t r e a u t a n t de gré

^ que les personnes qui feront ce travail comme un


amusant ouvrage de dame. Vous pourrez broder au point
lancé comme vous feriez avec du lacet d'amusants petits
chapeaux de toile cirée ou de tissu ou « un bonnet d'auto en
Chapeau de velours noir soutaché rabane brodé de raphia multicolore ». Il importe surtout de
de galon d'argent et brodé devant
bien combiner les tons qu'ils faut choisir très vifs. Les brins
et derrière, defleurs de soie
multicolores, à cœur de pierres de raphia, teints ou naturels fournissent une matière souple,
de couleurs, vers tgzo. solide, dont l'aspect rustique et estival est fort apprécié. Les
bandeaux de raphia s'épanouissent sur les chapeaux de paille.
Ces motifs brodés s'exécutent le plus souvent sur un fond de
tulle. Pour les bandeaux de chapeaux dont le tulle s'aperçoit
en transparence, on choisit un tulle noir en fin réseau, un tulle
de coton solide qu'on peut laitonner à volonté. Le raphia se
trouve en toutes teintes par écheveaux d'importance diverse. »
Les toutes jeunes filles portent des bonnets entièrement
confectionnés en raphia brodé sur tulle de coton ; les points
utilisés sont le point lancé pour le fond et, pour les motifs,
le point plat vertical et horizontal, le point de grain, le point
de languette ou point de feston très lâche ; il s'agit générale-
ment de motifs floraux dans le goût stylisé de l'époque.
Les petites formes chiffonnées des années 1930 ne se
prêtent pas aisément à la confection amateur, pas plus que
les classiques feutres d'allure masculine, mais les chroni-
queuses, astucieuses, suggèrent des arrangements faciles et
économiques, par exemple «baisser la calotte et modeler les
bords » d'un feutre de l'année précédente ; après quoi « mettre
une jarretière faite d'un écheveau de laine », ou «un ruban de
ciré noir... fermé... de deux gros boutons de corozo rouges
liés d'un lacet de cuir rouge », ou « d'une tresse de galon bleu
terminée par un bouton bleu cerclé d'acier », est un jeu d'en-
fant. Petit Écho de la Mode, septembre 193 5-
La guerre a fait de la confection amateur une obligation,
pour beaucoup de femmes. Sous le titre : «Savez-vous d une
paille faire un chapeau?» Marie Claire d'avril 1939 propose
une création ou une rénovation personnelle à la femme
soucieuse d'élégance malgré tout, sous forme d'un nœud
papillon de piqué, d'un nœud de dentelle ou de gros-grain,
d'une tresse de tulle ceinturant la calotte d'un canotier Ci-contre et ci-dessus : motifs de
broderie pour chapeaux, M o d e
acheté non garni : le savoir-faire modiste est ici réduit.
Pratique, 1922.
En 1944, les travaux proposés reflètent l'évolution du
mode de vie autant que de la mode : il s'agit autant d'un
«ouvrage» qui permettra de réaliser une coiffure passe-partout
que de la confection d'un chapeau élégant : par exemple une
coiffure au crochet « en chenille noire ou marron, ce béret très
coiffant qui sera parfait pour la ville, et cette résille, tout
indiquée pour le matin ou le sport ». Modes et Travaux,
janvier 1944.

Chapeau de raphia au point


lancé sur fond de tulle
ou de singalette. La Broderie
illustrée, Z929, DR.
Comment garnir un chapeau defeutre...
Petit Écho de la Mode, 193J, DR.
L
chaepsneaufdtx'

À l'époque de Rose Bertin les fillettes n'avaient pas de


chapeau particulier mais, en bas âge, portaient un bourrelet.
Cette coiffure chargée de prémunir le crâne contre les chocs
a été immortalisée par le peintre J. S. Chardin, notamment
dans le Bénédicité (musée du Louvre).
Tout au long du XIXe siècle la coiffure des toutes
jeunes filles est semblable à celle de leur mère : capote
à large passe évasée dans les années 1820, plus étroite
pendant le second Empire, suivant la silhouette des
chapeaux de dame, grand chapeau rond aussi; capote
de forme béguin à la fin du siècle, chapeau rond, sans
oublier le chapeau à calotte tronconique de 1885-1889.
Le début du XXe siècle amène sur les jeunes têtes les grands
plateaux à la mode, tout aussi fleuris que ceux des mères, ainsi
que les charlottes de broderie anglaise ornées de ruban.
Cependant, les plus jeunes portent des capotes à calotte large,
plutôt carrée, montées sur une carcasse de laiton; l'étoffe,
satin, soie, velours, est froncée, drapée ; des bouillonnés,
d e s c h o u x et d e s v o l a n t s r e n d e n t ces c o i f f u r e s

v o l u m i n e u s e s ; on leur a d j o i n t u n bavolet et de larges


brides. Certaines de ces capotes se f o n t en paille souple,
ajourée, festonnée, en crin. Les fillettes p o r t e n t aussi une

Bourrelet d'enfant
en paille nouée, nœud
plat de velours, fin XIXe-début
JeXe siècle.

«Ote ta petite capote Nina» :


une page de lecture en 1916,
Librairie Armand Colin, D.R.
sorte de capuchon de broderie anglaise, tendu sur fil de métal,
et garni de volants, la capeline.
Les toutes petites filles se coiffent de béguins
de satin, de flanelle, auréolés d'un volant de
broderie.
À partir de 1914, les filles portent comme les
mères des chapeaux enfoncés sur le front, de forme
souple, à petite passe. Plus tard, vers 1920, elles
adoptent la cloche de feutre ou de velours coulissé,
de taffetas, de paille. De petites cloches de tissu
coulissé engloutissent le visage des toutes petites
filles, on donne à ces coiffures le nom de «kiss not».
Dans les années 1 9 3 0, le bob, à calotte ronde
et petit bord retourné, souvent assorti au vête-
ment, le breton à calotte ronde et passe ronde
légèrement relevée tout autour sont les chapeaux
préférés. Ces chapeaux sont parfois munis d'une
petite bride jugulaire.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, enfin,
les chapeaux des petites filles imitent ceux des
femmes : calottes rondes ou en cône tronqué,
surmontées d'un bord qui auréole le visage ; une
bride étroite strictement utilitaire maintient le
Capeline de broderie anglaise, chapeau.
vers 1900.
Après la guerre, seuls le chapeau de paille, l'été, et le bob
de toile, à la plage, sont portés pour leur rôle utilitaire.

«Breton» en paille
vernie bordeaux.
vers 1930-1940.

Chapeau à passe relevée en suède


beige. Griffe Haute Mode Jeanne-
Draguignan, vers /940.

Cloche de soie bleu pâle, vers 1925.


L e x i q u e

Aigrette : ornement de plumes fines et m e n t c o m m e c o i f f u r e d u soir, sans lorsque celle-ci se réduit à un toquet, 1900, le canotier est considéré comme
rigides se dressant le plus souvent en b r i d e s , vers 1 9 5 0 . pour, finalement, être supplantée par le une coiffure « de négligé » pour le sport,
hauteur sur le chapeau. Durant le chapeau rond ou ouvert. Cependant, les le voyage, la promenade. Les modistes
B é r e t : c o i f f u r e de f e u t r e , p l a t e , s a n s
Directoire on les appelait aussi brides resurgissent çà et là, selon le en ont peu à peu donné d'infinies inter-
c a l o t t e m a r q u é e , r o n d e et souple, q u e
« esprits ». Au début du xxe siècle, les caprice d'une mode, le temps d'une sai- prétations, jouant sur les dimensions,
les m o d e s f é m i n i n e s o n t e m p r u n t é e aux la forme ovale ou ronde, les matériaux :
aigrettes «colonel» étaient en grande son, accompagnant le chapeau de paille ;
Basques et aux Béarnais ; le béret a été elles sont alors en velours noir. le canotier tendu de dentelle de 1900,
faveur, leur hauteur pouvait égaler
interprété, selon les tendances en vogue, le canotier tendu de soie de 1950 en
30 cm; leur prix, plus élevé souvent que dans divers matériaux et diverses d i m e n -
celui du chapeau proprement dit, était sont des versions habillées. Une curieuse
s i o n s . Le p l u s r e m a r q u a b l e est, s a n s Cache-peigne : garniture de fleurs,
fonction du nombre de brins qui pou- interprétation de 1950 est le canotier
d o u t e , le g r a n d b é r e t des a n n é e s 1 9 4 0 - plumes ou ruban, posée sous la passe du «à bord cassé ».
vait aller jusqu'à 50 ou 60.
1 9 4 5 , p o r t é v e r t i c a l e m e n t et de c ô t é , chapeau, soit derrière, soit de côté, et
Amazone : longue plume frisée d'au- t o u t en profil. Le béret, f o r m e i n t e m - fixée sur la barrette. Cette garniture Cape : terme utilisé pour désigner le
truche, garnissant souvent le chapeau p o r e l l e et à c o n n o t a t i o n p a y s a n n e , caractéristique du chapeau de la Belle chapeau melon masculin, emprunté par
d'amazone. Voir : « chapeau amazone ». échappe aux caprices de la m o d e et est Époque cachait les épingles et le peigne les femmes, vers 1910, comme chapeau
encore a c t u e l l e m e n t largement apprécié.
d'amazone.
qui soutenaient le chignon. Vers 1938-
1939, les formes inclinées imitant ces
Bergère : voir « c h a p e a u - b e r g è r e ». Capeline : au XIXe siècle et au début du
Barbes : brides de dentelle remplaçant «plateaux», quoique moins grandes, ont xxe, capuchon en tissu de soie, mous-
les brides de rubans dans les capotes Bibi : n o m d o n n é aux p e t i t s chapeaux. ressuscité la garniture en cache-peigne seline, batiste, percale, coulissé généra-
habillées, les coiffures du soir. * pour un bref laps de temps.
Le t e r m e apparaît vers 18 3 1, l o r s q u e les lement sur armature de métal, utilisé
Barrette : bande de tulle raide fixée sur grandes f o r m e s R e s t a u r a t i o n voient leur comme sortie de bal ou coiffure de jar-
Calèche : au XVIIIe siècle, coiffure
une armature de fil de laiton, incurvée, volume diminuer. Il resurgit c h a q u e fois din. Le second Empire donnait parfois
d'étoffe en forme de large capuchon,
q u e les p e t i t s c h a p e a u x s o n t à la m o d e : fixée sur armature de baleine, d'osier, à cette forme l'ancien nom de « calèche ».
qui s'adaptait à la base de la calotte du
grand plateau, entre 1895 et 1905, 1 9 3 9 - 1 9 4 1 , 1 9 5 0 . . . p a r exemple. En 1900, cette forme est destinée aux
pouvant s abaisser ou se lever. Limmense
approximativement. La barrette per- calèche abritant les «poufs » de l'époque fillettes pour la ville.
B i c o r n e : c h a p e a u p r é s e n t a n t u n e passe
mettait de surélever le chapeau, derrière pliée de façon à p r é s e n t e r u n e p o i n t e de
de Marie-Antoinette est devenue, sous Par la suite, ce mot désigne un grand
ou de côté, tout en le stabilisant : il le second Empire, plus modeste de pro- chapeau à larges bords, en vogue dès le
c h a q u e côté de la calotte. Il s'agit d ' u n
emboîtait ainsi quelque peu le crâne ; la portions, et constitue une coiffure de début du xxe siècle, avec une connota-
e m p r u n t à certains uniformes, interprété
barrette pouvait recevoir la garniture en p a r les m o d i s t e s q u i le f é m i n i s e n t avec jardin confectionnée en batiste, en toile, tion particulière d'élégance. La capeline
cache-peigne, fleurs, plumes, coques de t o u s les m o y e n s de leur art : matières, ou bien une coiffure pour le soir, en satin se fait en toutes matières : paille, feutre,
ruban. C'est sur la barrette que se d i m e n s i o n s , o r n e m e n t , n o t a m m e n t vers souvent noir, ouatée, et doublée souvent tissu tendu, et se garnit de fleurs, den-
fixaient les épingles destinées à mainte- 1920. de couleur claire. Dès cette époque, le telle, plumes, voilette, ruban... Une
nir le chapeau sur la tête. terme, considéré comme vieilli, est rem- forme particulière est celle des années
Le nom de barrette est parfois donné à B r e t o n : chapeau à calotte demi-sphé- placé par celui de « capeline ». 1920 : la passe est alors ovale et se pré-
r i q u e et b o r d s r o n d s relevés t o u t a u t o u r sente en largeur, ou bien elle est dissy-
des petites toques des années 1930, pré-
Calotte : partie du chapeau emboîtant
sentant une ou deux arêtes vives. de la calotte. Ce c h a p e a u a d ' a b o r d été métrique. En 1947, le new-look donne
réservé aux e n f a n t s , vers 1 9 0 0 . Les le crâne composée du fond et des flancs ;
à la capeline une ligne oblique à partir
Bavolet : morceau d'étoffe froncée ou elle peut être constituée d'un seul mor- du sommet de la calotte.
« m o d e s » l ' o n t p a r la s u i t e a d a p t é à la
plissée, couvrant la nuque que l'on fixait, coiffure féminine, en a p p o r t a n t quelques
ceau. Certains chapeaux, notamment
La capeline demeure aujourd'hui le cha-
vers 1840 et jusqu'à 1865, à l'arrière de fantaisies : calotte r o n d e ou plate, b o r d s
vers 1950, réduits à cette seule partie,
peau de cérémonie par excellence.
la capote. Le bavolet est une caractéris- p l u s o u m o i n s larges ; les d i m e n s i o n s
étaient appelés tout simplement calotte.
tique de la capote, par opposition au C a p o t e : chapeau dit « fermé » qui
o n t é g a l e m e n t varié, de m ê m e q u e la Cannetille : galon de passementerie emboîte la tête et est muni de brides se
chapeau qui n'en comporte pas. p o s i t i o n plus ou m o i n s inclinée sur la métallique, or ou argent, utilisé pour
Labandon du bavolet, dès 1865, révo- nouant sous le menton. La capote a vu
tête. P l u t ô t p e t i t et e m b o î t a n t le crâne broder les chapeaux habillés, notamment
à la fin du XIXe siècle. le jour pendant le Directoire et a été le
lutionna l'allure de la capote et annonça h o r i z o n t a l e m e n t , vers 1 9 3 0 , le b r e t o n
son déclin. chapeau privilégié, le chapeau conve-
se présente, en 1 9 6 0 , c o m m e u n e vaste
Canotier : chapeau emprunté aux cano- na ble, « de vis i te», d u r a n t t o u t le
auréole a u t o u r d u visage.
Béguin : petit chapeau d'enfant com- tiers, à la fin du XIXe siècle, vers 1874. XIXe siècle. Sa forme a évolué présen-
posé essentiellement d'une calotte Brides : r u b a n s d e s t i n é s à se n o u e r sous À l'origine, le canotier, en paille, pré- tant une passe tantôt évasée, tantôt hori-
emboîtant le crâne et muni de fines le m e n t o n ; les brides s o n t u n e des carac- sente une calotte plate ovale et un bord zontale, plus ou moins grande ; la pré-
brides. Le béguin se trouve dans les téristiques d u chapeau fermé o u capote ; plat. Sa calotte est ceinturée d'un gros- sence du bavolet est une caractéristique
modes féminines vers 1880 et notam- elles d i s p a r a i s s e n t p r e s q u e t o t a l e m e n t grain noir. Très apprécié des cyclistes en de la capote de 1827 à 1865. À la fin
du siècle la capote est réduite à un petit ou moins large. Pendant la Restauration, capote à la fin du XIXe siècle ; il est graveur pour modes inscrit le nom et
plateau très orné et bientôt, vers 1895, la calotte assez haute et la passe plutôt d'abord considéré comme une forme l'adresse de la ou du modiste, générale-
elle est supplantée, chez les élégantes, large et retournée évoquent le bolivar ; hardie, peu « convenable » pour les ment en lettres d'or. C'est la griffe,
par le «chapeau rond». En 1900, seules le second Empire adopte des dimensions dames, mais il s'impose bientôt, sauf laquelle à partir de 1930 devient un petit
les « dames d'un certain âge » portent la harmonieuses, plutôt réduites ; dans les pour les dames âgées qui portent encore rectangle de soie, cousu sur le gros-grain
capote, plate, un peu lourde et le plus années 1880-1890, le chapeau-amazone le chapeau fermé pendant la première qui borde l'entrée de tête. Les modistes
souvent en noir, en violet. voit sa calotte s'élever modérément et décennie du xxe siècle. actuels en ont varié la présentation, sim-
son bord étroit se retourner : le chapeau- plifiant parfois à l'extrême, en apposant
Capote-cabriolet : au XVIIIe siècle, coif- Charlotte : chapeau inspiré des coiffures
amazone est au total petit. La calotte leur signature, au stylo, à l'intérieur de
fure d'étoffe coulissée sur fil de métal, portées par Charlotte Corday, à l'époque
s'élève assez spectaculairement au début la calotte. La coiffe est complétée par
s'élevant au-dessus du front à la manière de la Révolution française, caractérisé
du XXe siècle tandis que la passe reste une bande de même étoffe qui double
de la capote d'une voiture, et munie de par une calotte large et souple resserrée
étroite. Le chapeau-amazone se fait les flancs de la calotte : cette bande, cou-
brides. Pendant la première moitié du par un lien d'où s'échappe un volant
généralement en feutre, mais il peut sue d'un côté à l'entrée de tête, se fronce
XIXe siècle, les revues de mode donnent double ou triple, froncé ou plissé, tout sur l'autre côté à l'aide d'une coulisse
aussi être en paille, toujours dans des autour de la tête. Les charlottes connais-
le nom de capotes-cabriolets ou de cha- teintes sombres, noir, bleu marine. Le dans laquelle passe un petit ruban de
peaux-cabriolets à des capotes à passe sent une grande faveur dans les années
chapeau-amazone peut aussi être un cha- soie. Cette façon de doubler l'intérieur
évasée au-dessus du front, en étoffe ou 1900, pour les jeunes filles ou les jeunes
peau melon appelé cape. femmes, l'été. Ces formes sont confec- du chapeau est caractéristique du
en paille. Au début du XXe siècle,
XIXe siècle, lequel, en matière de mode,
quelques capotes-cabriolets apparais- tionnées dans des étoffes légères —tulle,
Chapeau-bergère (ou bergère) : chapeau se prolonge jusqu'en 1914. Mais dans
sent très ponctuellement dans les modes. dentelle, broderie anglaise —fixées, tout
les années 1920, de nombreuses calottes
à large bord, en paille, d'origine rurale, en restant souples, sur une armature de
Dans les années 1942-1946, quelques sont encore doublées ainsi.
seul chapeau véritablement féminin métal ; le lien ceinturant la calotte peut
grandes modistes ont ressuscité cette
avant 1780. Les modistes l'ont, au cours
forme avec brio dans des modèles assez être un ruban, une draperie, formant un Couteau (ou plume-couteau) : par
volumineux. des temps, rendu plus coquet par l'ad- chou de chaque côté. opposition aux petites minoches et aux
jonction d'ornements, tels que fleurs des plumes frisées vaporeuses comme l'ama-
Chenille : article de mercerie très uti-
Capote-fanchon : voir « Fanchon ». champs, rubans. zone, la plume-couteau est une longue
lisé dans les modes : il s'agit d'un fil
Casquette : coiffure à l'origine mascu- Chapeau mou : chapeau masculin en plume rigide provenant de la queue ou
duveteux, évoquant le velours, plus ou
feutre adopté par les femmes pour la des ailes de certains grands oiseaux
line, composée d'une calotte et d une moins gros. Les modistes réalisent, en
visière. La première apparition de la cas- chasse, l'excursion : sa petite calotte chenille, des broderies, des ornements comme le faisan. Cette plume, d'aspect
quette dans les modes se situe vers «fendue» (c'est-à-dire creusée) et son austère, convient aux chapeaux tout-
de chapeaux, et même des capotes tout
1864 : c'est la casquette Windsor lourde bord légèrement retourné sur les côtés, entières au crochet. Très utilisée à la fin aller, aux chapeaux de voyage, comme
ornement.
et peu appréciée. À la fin du XIXe et au en font un chapeau facile à porter avec du XIXe siècle, la chenille réapparaît pen-
début du XXe siècle, la casquette est une tenue sport, vers 1900. dant la guerre de 1939-1945, pour cro-
réservée au sport : cyclistes et automo- cheter les résilles alors à la mode.
Chapeau à la Paméla : chapeau en vogue Diadème : chapeau en forme de demi-
bilistes apprécient la visière qui protège
pendant le premier Empire, à haute Cloche : ce terme désigne les chapeaux cercle, souvent tout en plumes ou tout
le teint. C'est surtout à partir de 1930
calotte cylindrique et large bord rabattu à bords tombant tout autour de la tête. en fleurs, très en faveur vers 1950, alors
que les modistes ont donné à la cas-
sur les joues par un ruban partant de la En 1907, ce sont de volumineux cha- qu'on aime les formes évidées...
quette une allure féminine suivant les
calotte. Vers 1845, on appelle chapeau peaux que l'on baptise parfois ironi-
tendances en vogue : les calottes pren-
à la Paméla ou simplement Paméla, une quement «cloches-éteignoirs ». Mais ce
nent des formes variées, rondes, tron-
capote dont la passe horizontale s'ar- sont les années folles qui donnent à la Fanchon : fichu triangulaire que les
coniques et s'adjoignent des visières éga-
rondit au bas des joues en s évasant pour cloche son allure moderne, grâce aux femmes posaient sur la tête, pointe der-
lement variées quant à leur forme et leur
laisser la place à des boucles de cheveux, cheveux courts : calotte très emboîtante rière. Une petite fanchon de tulle ou de
dimension : rondes, carrées, oblongues.
Vers 1938-1939 les formes sont très à des fleurs, et continue derrière, plus enfoncée jusqu'aux sourcils, et bord dentelle remplace le bavolet lorsque
étroite et retournée sur la calotte, rem- étroit, retourné ou non; de 1920 à celui-ci est délaissé, vers 1865. À par-
enlevées, très féminines. La garniture de
plaçant le bavolet. 1930, la cloche devient de plus en plus tir de cette date, les capotes se rédui-
la casquette est toujours très sobre : ner-
Sous le second Empire, le demi-Paméla étroite et, en 1928, elle n'est autre qu'un sent et adoptent une forme triangulaire
vure dans le feutre, plume-couteau. Dans
est un grand chapeau rond dont la passe casque dépourvu de tout bord. À partir qui leur fait attribuer le nom de capote-
les années 1950-1960 la casquette fanchon.
baissée devant et derrière présente un de 1932, la cloche, moins sévère, assou-
reprend son allure tout-aller, s'assortit
mouvement arrondi de chaque côté, per- plit ses bords. Après une longue éclipse,
aux vêtements : elle se fait en jean, par Feutre : matériau privilégié pour la
mettant de disposer des fleurs dessous, la cloche fait un retour remarqué dans
exemple. confection des chapeaux d'hiver, fabri-
au niveau de l'oreille. les années soixante, sa calotte est moins
Chapeau-amazone (ou amazone) : cha- qué à partir de laine, pour les qualités
étroite, à fond rond ou plat, ses bords,
peau destiné à la promenade à cheval. La Chapeau rond : chapeau posé sur la tête, médiocres, et surtout de poil pour les
assez larges, parfois bombés.
forme classique est le haut-de-forme dit aussi chapeau ouvert, par opposition bonnes qualités : poil de lapin, de lièvre,
masculin. Sa calotte est plus ou moins au chapeau fermé ou capote, très emboî- Coiffe : carré de soie placé sur le fond, de castor, de taupe. On distingue le
haute selon les époques, sa passe plus tant. Le chapeau rond triomphe de la à l'intérieur du chapeau, et sur lequel le feutre ras, le feutre taupé à l'aspect
velouté, l'ourson ou flamand à poils dès le XVIIe siècle, le mousquetaire est Relevé : chapeau à passe se relevant ver- pour ses dimensions notamment.
soyeux, et le feutre mélusine à longs adopté par les dames pour la chasse, et, ticalement sur un côté ou devant, en Réduite au XIXe siècle, elle s'agrandit
poils soyeux. au XIXe siècle, peut constituer un cha- faveur vers 1940. ensuite, vers 1900. Un modèle typique
peau de ville. de 1902 est la toque de forme aérody-
Fond : partie de la calotte qui constitue Résille : filet à mailles assez larges, en
namique, dite «Santos Dumont », ainsi
le sommet du chapeau. Il peut être rigide, cordonnet, chenille, paille, rassemblant
mou, évidé. Le « fond béret » est un fond que la toque «boléro» plate et ronde.
Paméla : voir « chapeau à la Paméla ». les cheveux longs. La résille peut s'adap-
en étoffe souple drapée ou froncée. ter à l'arrière d'une toque. Elle est en Tricorne : chapeau porté par les hommes
Paillasson : grosse paille légère, brillante faveur dans les années 1940. aux XVIIe et XVIIIe siècles, et par les
d'un côté, mate de l'autre, que l'on tresse
femmes, au XVIIIe, pour la chasse. Le tri-
Haut-de-forme : chapeau à l'origine pour confectionner les chapeaux.
corne présente un bord retroussé formant
masculin, à calotte cylindrique plus ou Shako : chapeau emprunté au costume
Passe : bord du chapeau entourant la trois cornes le plus souvent équidistantes ;
moins haute et bord étroit retourné sur militaire, à calotte tronconique et petit
calotte ; selon les modes, la passe est sous Louis XV, le tricorne est devenu tout
les côtés ; il est utilisé, comme coiffure bord en visière, en vogue pendant le pre-
plus ou moins large et de forme ronde, petit et porte le nom de «lampion». Dès
féminine, pour les tenues d'amazone. mier Empire. Il est généralement orné
ovale, dissymétrique, évasée, horizon- le second Empire, le tricorne «garde fran-
tale ou verticale ; elle est absente dans d'une plume. çaise» est adopté par certaines femmes,
Jugulaire : se dit d'une bride fixe d'un la toque. On dit aussi les « ailes » du cha- Sparterie : tissage de fibre végétale, jugées alors hardies, pour la promenade à
côté et s'attachant de l'autre par un bou- peau. lamelles de bois, dont un côté est encollé cheval : les chroniques lui préfèrent le
ton, par opposition aux brides se nouant Petit-bord : chapeau rond à passe se rele- de mousseline de coton, ou de singalette, haut-de-forme plus « distingué ».
sous le menton et dont les pans retom- vant d 'un côté, en vogue vers 1840, pour qui est une étamine de coton apprêtée; Néanmoins, la vogue du tricorne s'accroît,
bent devant. le soir; le petit-bord se fait en velours, la sparterie, vendue en lés de 90 sur parallèlement à celle du «marquis », et les
dentelle, et se garnit de belles plumes, 100 cm, est utilisée comme base pour les modistes en font un chapeau de ville ou
de perles, de passementerie d'or. chapeaux tendus d'étoffe ; la sparterie du soir, selon qu'il est confectionné en
Marquis : chapeau proche du tricorne, humidifiée côté paille se moule aisément. feutre, en paille, ou en soie, tulle, dentelle
Picot : fin galon de paille fine, dite aussi
mais d'une géométrie moins rigoureuse, La sparterie de bonne qualité était utili- d'or... et garni de cocardes, de ruban, de
dont les bords se retroussent et se cas- « paille anglaise », qui sert à faire des
sée pour la confection de chapeaux cou- cabochon de perles, d'aigrettes...
chapeaux de paille cousue à la machine
sent en une corne plus ou moins mar- rants, mais elle présente l'inconvénient
dans des couleurs variées. Turban : chapeau constitué d'une dra-
quée, qui suffit à donner à l'ensemble d'être cassante. Cette sparterie naturelle
perie plus ou moins savante, exécutée
de la passe une forme triangulaire. À la Piquet : touffe de plumes verticales est, de plus en plus, remplacée par une dans une étoffe souple, d'inspiration
fin du XIXe siècle le marquis connaît une ornant les chapeaux, les coiffures du soir. sparterie synthétique faite de lamelles de
orientale. Il est particulièrement en
grande vogue pour le voyage, les tenues papier, et doublée de singalette.
P l a t e a u : chapeau de f o r m e plate faveur à l'époque de la campagne
de ville simples ; il se fait en feutre,
accueillant diverses garnitures. Dès Suivez-moi jeune-homme : longs rubans d'Égypte, pendant le premier Empire,
paille, tissu tendu et se garnit sobrement
1870, la capote emboîtante se trans- de velours noir tombant dans le dos ; le puis sous la Restauration, par suite du
de plumes, ruban, cocardes. Peu à peu
sa faveur s'accroît et les modistes l'in- forme en un petit plateau ; celui-ci res- terme est emprunté aux couturières par goût romantique pour l'exotisme, et
tera exigu jusqu'à la fin du siècle. En comme coiffure du soir au début du
terprètent dans des versions habillées les modistes à la fin du second Empire
1900, le plateau s'agrandit pour deve- pour désigner les rubans ornant les XXe siècle. Pendant la Deuxième Guerre
qui en font un chapeau de visite conve-
nir un grand chapeau habillé, s'inclinant petites formes ovales alors en vogue. mondiale, le turban est adopté pour des
nable, orné de draperies, «d'aigrettes
de côté ou vers le front, en prenant appui raisons pratiques : il protège parfaite-
majestueuses» ; pour le théâtre, le petit
sur la barrette ornée d'un cache-peigne. ment la chevelure pour aller à bicyclette ;
marquis est confectionné dans de la den-
Tambourin : toque basse, ronde ou ovale, il se fait de préférence en jersey.
telle, du tulle pailleté. À partir de 1908, Postillon : chapeau à calotte cylindrique à la mode vers 1950.
son volume s'accroît, comme celui de ou tronconique, assez haute, et bords
tous les chapeaux à la mode, pour rede- étroits retroussés sur les côtés ; il est Tiare : bonnet ou serre-tête présentant
ceinturé d 'un ruban de velours ou de Watteau : chapeau à large calotte plate
venir de dimensions raisonnables pen- un mouvement en pointe au-dessus du
dant la Première Guerre et les années et passe très relevée à l'arrière, sur une
gros-grain noir, orné d'une boucle au front, inspiré par les riches coiffures des
folles. Dans les années trente, le mar- souverains orientaux. La tiare est inter- garniture en cache-peigne. C'est un cha-
milieu du devant ; cet ornement est par-
peau habillé qui s'orne de draperies,
quis se fait tout petit, rappelant l'époque fois remplacé par un motif de plume, de prétée dans des matières riches, velours,
fleurs, plumes, perles de jais, rubans...
Louis Xy puis, à la fin de la décennie, fleurs, ou un nœud. satin, parfois ornée de pierreries, de bro-
deries, entre 1920 et 1950. Le Watteau se pose, à la fin du XIXe et
il se perche sur le haut du front. Après
Pouf : volumineux bonnet posé sur une au début du xxe siècle, sur les coiffures
une éclipse pendant la Seconde Guerre
coiffure non moins volumineuse, au Toque : chapeau sans bord, posé au som- vaporeuses, dans une position inclinée.
qui privilégie les vastes bérets, le mar-
temps de Marie-Antoinette. met de la tête. La toque existait pour les Il ne résiste pas à la vogue des chapeaux
quis réapparaît dans des modèles sobres hommes dès la Renaissance et les dames
Le pouf de plumes est une garniture en plus emboîtants et plus faciles à porter,
et «trotteurs » dans les années cinquante.
forme de touffe vaporeuse. l'empruntaient. Mais les modes fémi- à partir de 1914, même si quelques
Mousquetaire : grand chapeau de feutre nines ne l'ont adoptée qu'à la fin du réminiscences du Watteau apparaissent,
relevé d'un côté et orné de grandes XIXe siècle, lors du déclin de la capote. en 1938-1941, dans de petits plateaux
plumes amazones ; porté par les hommes La toque suit les tendances de la mode, en équilibre sur le front.
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C O M T E S S E DE G E N C É , P o u r f a i r e soi-même ses chapeaux, b i b l i o -


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Flammarion, 1990.
J. LAVER, Histoire de la mode et du costume, éd. T h a m e s & H u d s o n ,
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éd. S y r o s , 1 9 9 3 .

E. BOLOMIER, MUSÉE DU CHAPEAU, Le Chapeau, g r a n d art et


savoir-faire, éd. S o m o g y , 1 9 9 6 .

R I T A - C A R O L E DEDEYAN, Costumes de l'Antiquité à la naissance


de la haute couture, éd. M a s s i n , 1 9 9 0 .

Catalogues d'exposition

Palais Galliéra, musée du C o s t u m e de la Ville de Paris :


Chapeaux (1750-1960), 1 9 8 0
Modes et Révolution, 1 9 8 9
Femmes fin de siècle, 1 9 9 0
Japonisme et mode, 1 9 9 7

Catalogue du musée du C h a p e a u :
La chapellerie à Chamelles-sur-Lyon

Renseignements pratiques
sur l e m u s é e du C h a p e a u

16, route de Saint-Galmier, 42140 Chazelles-sur-Lyon


Site internet : www.museeduchapeau.com
Tél. 0 4 7 7 9423 0 4 7 7 5 4 2 7 7 5

Le musée est agréé en tant que Centre de formation profes-


sionnelle et organise, à ce titre, des stages périodiques.
Le club « C h a p e a u p a s s i o n », sous l'égide d u m u s é e ,

regroupe professionnels et collectionneurs de divers pays.

Stage defeutrage traditionnel


au musée du Chapeau
de Chazelles-sur-Lyon.
Mes plus vifs remerciements vont à :
—Jacques Pinturier, modiste membre de la Chambre syndicale de la Couture
parisienne, qui m'a généreusement ouvert son atelier-salon et ses archives.
—Philippe Model, modiste et créateur d'accessoires de mode.
—Monique Germain, créatrice de coiffures et de robes de mariées.
—Josette Desnues, modiste à l'enseigne de Tête à tête
—Maison Lanvin et Odile Fraigneau
—Maison Louis Vuitton et Mme Clémenceau
—Artnuptia
—Musée du chapeau de Chazelles-sur-Lyon, Eliane Bolomier son
conservateur, et Gilles Roze.
—Musée Malraux, Le Havre.
—Musée de Rouen.
—Musée Carnavalet, Paris.
—Société du Bottin Mondain.
—Publications Georges Ventillard.
Et,
à Claude, mon mari, sans qui ni la collection ni le livre
n'auraient vu le jour.
ILLUSTRATIONS
Sauf indications contraires, les illustrations —photos
et documents —proviennent de la collection de l'auteur.
Avec l'aimable autorisation du Musée Carnavalet, Paris :
p. 57 •"Dans l'omnibus, 1890, Maurice Delondre
p. 58 : L'allée des aciacÍas au bois de Boulogne, vers 19 10,
Roger de la Fresnaye.

CONCEPTION ET MISE EN PAGE


Atelier Gérard Finel et Associés

PHOTOGRAVURE
R.VB. Éditions

Malgré le soin apporté à sa réalisation, cet ouvrage peut comporter


des erreurs ou des omissions dont l'éditeur ne saurait être tenu
pour responsable. Nous remercions nos lecteurs de bien vouloir
nous faire part de leurs remarques éventuelles.

Imprimé en France par I.M.E. 25110 Baume-les-Dames


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