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Préface
PRÉFACE 9
Albina du Boisrouvray,
présidente-fondatrice
de l’Association François-Xavier Bagnoud
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Alain Bercovitz
Introduction
INTRODUCTION 13
Camille Baussant-Crenn
Définition
En français, les mots « deuil » et « douleur » sont issus du
verbe latin dolere (souffrir).
Un seul terme désigne dans la langue française plusieurs
aspects du deuil. Ainsi, le deuil nomme à la fois « la mort d’un
être cher » et l’affliction profonde causée par cette irréversible
disparition ; il désigne d’autre part les manifestations exté-
rieures, les rituels consécutifs à un décès de même qu’une
période, « temps durant lequel on porte le deuil ». Enfin, il
représente le processus psychologique évolutif consécutif à la
perte ou « travail de deuil ». Par extension, on applique ce terme
à toute perte ou frustration : « faire son deuil » (Dictionnaire
Robert).
La langue anglaise est plus riche. Trois substantifs s’appli-
quent au mot « deuil » : bereavement (il s’agit de la perte elle-
Le deuil différé
Le refus de la réalité de la perte persiste dans le temps et
diffère l’installation de la dépression. La personne en deuil
esquive toute question à ce sujet et poursuit une activité
intense ; les actions quotidiennes du défunt sont entretenues,
ses objets préférés sont conservés dans la maison. La méca-
nique du rituel entretient le déni de la mort. Les rituels enva-
hissent progressivement l’endeuillé. La dépression retardée
surgira inévitablement lors d’un événement réactivant le trau-
matisme de la perte ou à la suite d’une élaboration personnelle
dégageant l’accès du travail de deuil et relâchant les tensions.
Le deuil inhibé
Dans ce cas, l’endeuillé ne réfute pas la réalité de la perte,
mais il refuse les affects qui y sont associés. Les perturbations
émotionnelles sont au second plan, dissimulées derrière une
symptomatologie somatique. Le deuil inhibé serait un deuil dif-
féré dont les défenses beaucoup moins efficaces se manifeste-
raient dans le corps (Bacqué et Hanus, 2000). Les enfants en
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Le deuil chronique
La tristesse et les symptômes dépressifs ne s’amenuisent
pas. Les idées du registre de la dépression sont courantes : la
culpabilité, les reproches envers soi-même, le chagrin impor-
tant, le retrait, la détresse, l’omniprésence du défunt dans les
pensées du sujet. Il peut s’agir d’un deuil ne s’inscrivant pas sur
la certitude de la mort (défunt présumé, disparu, absence de
cadavre visible) ; le deuil ne peut alors pas s’élaborer faute de
réalité suffisante de la mort. Selon Bacqué et Hanus (2000), une
forte ambivalence est souvent à l’origine de ces deuils chro-
niques.
Bases conceptuelles
et modèles théoriques du deuil
Deux écoles de pensée ont inspiré les travaux sur le deuil.
D’une part, la psychiatrie descriptive, qui retrouve dans les
phénomènes de deuil les symptômes et les syndromes tradi-
tionnels de sa clinique. Elle utilise aujourd’hui les classifica-
tions admises pour la recherche (DSM-III et IV de l’APA et CIM de
l’OMS) et leurs critères diagnostiques opérationnalisés ainsi que
les échelles d’évaluation de la psychopathologie quantitative.
D’autre part, la psychopathologie psychanalytique, qui se réfère
aux modèles et aux interprétations de Freud et de ses disciples,
à la recherche des mécanismes psychodynamiques, du sens et
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La théorie de l’attachement
Les associations
Les associations d’endeuillés sont des lieux où ceux qui ont
été touchés par un drame similaire se rencontrent et proposent
leur temps et leur énergie pour aider ceux qui pourraient se
trouver ultérieurement dans les mêmes conditions. Leur rôle
est d’offrir, dans un premier temps, une écoute empathique à
l’égard de nouveaux endeuillés. Cependant, selon Broca (1997),
« les personnes, dans la plupart des cas non formées ou non pro-
fessionnelles de l’écoute, peuvent être mises en difficulté tran-
sitoire car elles ne peuvent pas toujours juguler les réactions
des endeuillés parfois très envahissantes ». La souffrance expri-
mée par les nouveaux venus peut réactiver leur propre deuil et
ainsi les déstabiliser.
Néanmoins, leur action est considérable car elle donne la
possibilité à chaque endeuillé de pouvoir se comparer à des
familles qui ont souffert dans des conditions analogues. Ce sou-
tien moral constitue une aide que les professionnels ne peuvent
pas fournir.
De nombreux endeuillés ne souhaitent pas rencontrer ces
personnes car l’évocation de souvenirs se révèle souvent dou-
loureuse. Le fait de rencontrer d’autres personnes endeuillées
peut inquiéter et inciter à s’en éloigner.
Il existe par ailleurs des associations composées de profes-
sionnels (psychologues, animateurs, assistantes sociales) et de
bénévoles d’accompagnement qui proposent des entretiens indi-
viduels et des groupes d’entraide ou de parole. Les groupes
fermés sont souvent constitués en fonction de caractéristiques
communes aux endeuillés (des parents qui ont perdu un enfant
du même âge, des adolescents ou des enfants en deuil, des
conjoints). Selon les associations (en fonction de leur modèle
théorique et de leurs moyens financiers), les groupes se dérou-
lent soit sur une année, à raison d’une rencontre mensuelle, soit
sur quelques mois.
Un accompagnement est en outre proposé par des béné-
voles, formés au soutien et bénéficiant de supervision. Ils
offrent une écoute, en direct ou au téléphone. Plus récemment,
une équipe de bénévoles se déplaçant au domicile de la per-
sonne en deuil a été mise en place par le Centre François-Xavier
Bagnoud et la Maison Médicale Jeanne Garnier.
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L’accompagnement individuel
Ces institutions proposent des groupes mais aussi des
entretiens individuels réalisés par des professionnels (psycho-
logues, assistantes sociales) ou par des bénévoles. Ces entre-
tiens sont conduits en face à face ou par téléphone. Il peut s’agir
de rendez-vous ponctuels ou réguliers.
D’autres aides thérapeutiques existent, telles que la relaxa-
tion ou la sophrologie. Dans certaines situations, le recours à
des thérapies médicamenteuses se révèle nécessaire.
Selon Bacqué et Hanus (2000), il est indispensable de
rendre la société plus consciente des difficultés du deuil.
Cependant, le cadre institutionnel ou associatif n’est pas
une réponse exclusive et n’intervient pas seul. Le travail de
deuil s’effectue aussi sans le recours nécessaire à ce cadre et des
familles inventent de façon spontanée des rituels de commémo-
ration. Que la personne en deuil ne demeure pas seule et se
sente accompagnée est essentiel ; qu’elle rencontre autour d’elle
« générosité, lucidité, tendresse ; que soient prévus le cas
échéant des jeux de rites et de symboles. Il n’est de guérison
qu’à ce prix » (Thomas, 1993).
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Agnès Deroual
L’accompagnement
du deuil par les soignants
Annick Ernoult
Le groupe d’entraide
Il existe depuis une vingtaine d’années au Canada et dans
les pays anglo-saxons.
« Un groupe d’entraide rassemble des personnes traversant
les mêmes difficultés pertes ou séparations [la mort d’un
proche, le chômage, le divorce, la maladie] qui désirent en
parler et croient en la complicité et la confiance générée par le
fait de vivre une expérience similaire ainsi qu’en l’aide mutuelle
qu’elles peuvent s’apporter dans la reconstruction de leur vie »
(Ernoult-Delcourt et Davous, 2001, p. 13). Ensemble, les parti-
cipants à ces groupes évoquent leur souffrance, réapprennent à
parler naturellement de la personne décédée et échangent sur
leurs façons de gérer le traumatisme.
Au départ, ces groupes étaient animés uniquement par des
personnes en deuil bénévoles. En les développant en France, il
nous a semblé intéressant d’en adapter les modalités d’anima-
tion. La coanimation psychologue/endeuillé est apparue comme
une bonne façon de faciliter le transfert des membres du groupe
tout en sécurisant leurs échanges. La présence de la personne
en deuil donne le sentiment d’être compris et permet de
construire sur la confiance ainsi générée naturellement, répon-
dant au sentiment d’incompréhension des endeuillés et à leur
désir de rencontrer des pairs : « Personne ne peut me com-
prendre ! » ; « je veux rencontrer des gens qui vivent ce que je
suis en train de vivre. » Celle du psychologue rassure sur la nor-
malité du vécu du deuil et de son évolution.
La fonction sociale
« L’enjeu social du groupe d’entraide est évident. Ses prin-
cipaux objectifs sont de rompre l’isolement social, de lutter
contre le silence qu’engendre la solitude et de permettre une
première restauration du lien social qui peut aider à la recons-
truction de soi » (Ernoult-Delcourt et Davous, 2001, p. 13).
L’irruption de la mort dans une vie surprend toujours et
elle peut plonger les personnes qu’elle frappe dans un senti-
ment de passivité. L’événement est subi plus qu’agi. Le fait de
s’inscrire dans un groupe d’entraide et de prendre la parole
devant ce groupe permet à la personne en deuil de se situer à
nouveau en actrice de son histoire.
Cette fonction sociale du groupe s’articule autour de deux
pôles : les similitudes et les différences.
La fonction thérapeutique
Si le but premier du groupe d’entraide n’est pas de faire un tra-
vail psychologique, il s’avère que le fait de libérer les émotions, de
les nommer et parfois de les analyser ensemble, le fait aussi d’être
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La fonction symbolique
L’appartenance à un groupe social s’exprime par des sym-
boles : l’habillement, la nourriture, les signes distinctifs… Le
groupe d’entraide aussi. Nous savons que la possibilité d’accé-
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Apports du bénévolat
Conclusion
François Dill
« Je voudrais
un psy qui parle ! »
Chantal Haussaire-Niquet
Le suivi de deuil
lors d’un décès périnatal
L’expérience du père
plus isolés, plus incompris que les mères. Cela est bien sûr en
partie lié à l’expression du deuil au masculin de manière géné-
rale et aux injonctions de la société à l’encontre de la manifes-
tation du chagrin chez un homme, mais cela tient également
plus spécifiquement aux relations particulières qu’il est pos-
sible à un homme d’avoir avec son enfant en période périnatale.
Les pères, en effet, ne disposent pas pleinement de la liberté
d’accéder à leur bébé à leur guise au cours de la grossesse ; la
relation à leur enfant dépend essentiellement de la place que
veulent bien à cet égard leur laisser les mères. Dans la succes-
sion des enveloppes humaines qui entourent le bébé, la mère
précède le père et conditionne de ce fait la relation père-fœtus.
La discrétion souvent induite des pères, sinon leur silence
quant à leur douleur, pourrait conduire à les oublier davantage
encore que les mères dans ce deuil autour de la naissance. Il est
donc d’autant plus important qu’après un tel bouleversement, si
difficile à dire pour eux à plus d’un titre, ils puissent individua-
liser et nommer leur souffrance d’homme face à cette mort afin
de se reconnaître effectivement père à part entière face à la
perte de leur bébé. La rencontre avec la mort au lieu de la vie
attendue au moment de la naissance ou avant celle-ci offre
paradoxalement au père l’opportunité d’une rencontre avec son
enfant « d’égal à égal » avec la mère, dans toute l’intensité dra-
matique de l’événement. L’enjeu pour lui est de ne pas se lais-
ser glisser dans une quelconque forme de retrait qui finisse par
l’exclure lui-même de l’intérieur de son propre deuil.
Il importe donc ici de travailler selon l’axe de la reconnais-
sance paternelle en favorisant :
– le positionnement du père en tant que personne endeuillée au
même titre que la mère ;
– l’expression des spécificités émotionnelles paternelles ;
– l’installation du sentiment d’être écouté, soutenu et respecté
dans la formulation de ses différences ;
– la reconnaissance et l’autorisation pour lui-même de sa propre
souffrance ;
– la formulation de ce en quoi il se sent mis à mal dans ce non-
aboutissement de la vie ;
– l’appropriation pleine et entière de sa place de père auprès de
l’enfant décédé.
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Conclusion
Aider à mettre un nom, une existence, une trace, un souve-
nir, presque un sourire de l’avoir retrouvé ; alors un bébé se des-
sine, prend forme, fait corps, jaillit et finalement pousse un cri !
Non pas celui de la vie attendue mais peut-être celui de
l’amour ; non pas davantage celui de la joie d’un regard plein de
promesses mais peut-être celui de l’être jeté malgré la mort
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L’accueil téléphonique
L’ACCUEIL TÉLÉPHONIQUE 91
L’ACCUEIL TÉLÉPHONIQUE 93
Camille Baussant-Crenn
Accompagner le deuil :
quelles pratiques
pour quels accompagnants ?
Le présent article est issu d’un travail portant sur les pra-
tiques de professionnels – psychologues, assistante sociale, ani-
matrice – et de bénévoles qui font de l’accompagnement de
deuil. Le but de cette recherche était d’éclairer la façon de
conceptualiser et de traiter le suivi de personnes en deuil par
des praticiens de l’accompagnement, dans les situations de
deuils « simples » comme dans celles où le travail de deuil est
gelé ou entravé. Il s’agissait de recueillir et de clarifier les
points suivants : quelle visée se donnent les praticiens du point
de vue de l’accompagnement ? Formulent-ils un diagnostic en
fonction de chaque situation de deuil ? Sur quelles bases théo-
riques s’appuient-ils ? Quelle pratique mettent-ils en œuvre ?
La démarche retenue a été celle d’une enquête par entre-
tiens semi-directifs (enregistrés, transcrits puis analysés). Le
texte qui suit présente les données recueillies (auprès de sept
psychologues, une assistante sociale, une animatrice et trois
bénévoles), ainsi que leur interprétation.
1. Toutes les phrases en italique sont des propos extraits des entre-
tiens.
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Bibliographie