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RANDRIAMAHAZAKA CMT 12 (A)

Zo

Devoir n°15 : Les banques

1) Quelles sont les principales réglementations bancaires post-crise?

Dès 2010, une série de réformes prudentielles ont été engagées concernant le ratio de
capitalisation des banques, les ratios de liquidité et des surcharges en capital pour les banques
internationales considérées comme systémiques. Cet ensemble de mesures est connu sous le nom
de Bâle III. La réglementation nouvelle des banques de la zone euro a été conçue pour rendre les
banques moins risquées, protéger les déposants, éviter que les banques doivent être soutenues par
les Etats. D’autres initiatives ont été prises visant également à promouvoir la stabilité financière.

Parmi les principales réglementations bancaires post-crise on trouve en premier lieu celle
concernant le capital réglementaire. En effet, un objectif essentiel de la réglementation des fonds
propres est de renforcer la capacité d’absorption des pertes et de garantir la pérennité des
établissements. La crise financière et bancaire a montré que les contraintes réglementaires en
capital des banques étaient très insuffisantes puisque nombre d’États ont dû recapitaliser leurs
banques, les nationaliser et/ou garantir les créances interbancaires au plus fort de la crise. Ainsi,
la réforme du ratio de capital des banques était donc un chantier absolument prioritaire. Le
passage de Bâle II à Bâle III a relevé le niveau de capital requis, en renforçant qualitativement la
définition des fonds propres, c’est-à-dire en se centrant sur les actions ordinaires (numérateur du
ratio), en augmentant les pondérations applicables au trading book (dénominateur du ratio) en
ajoutant un ratio de levier sans pondération en complément du ratio pondéré par les risques. Tout
cela constitue une avancée indéniable.
Ensuite, en complément du ratio de solvabilité, un ratio de levier, rapportant les fonds propres à
un dénominateur constitué du total de bilan et d’éléments de hors-bilan, est intégré au pilier 1 à
compter du 1er janvier 2018. Ce ratio de levier agit sur la structure du passif et vise à limiter un
financement excessif par la dette. Ce ratio de levier minimum est fixé à 3 %. La principale
justification théorique du ratio de levier réside dans les lacunes du ratio pondéré par les risques,
qui ne permet pas d’écarter une sous-évaluation de certains risques au sein du dénominateur.
L’avantage informationnel dont les banques disposent sur le régulateur peut les inciter à sous-
estimer leurs risques réglementaires afin d’économiser des fonds propres. Le ratio de levier est
donc un instrument pour limiter les prises de risque excessives et contrecarrer les incitations
perverses générées par la responsabilité limitée des actionnaires.
Bâle III contrairement à Bâle II ne se cantonne pas au ratio de solvabilité. Il traite aussi de la
réglementation de la liquidité. La réglementation de la liquidité des banques est aussi importante
que la réglementation de leur capital. Des années 1990 à la crise de 2007-2008, les banques ont à
la fois réduit le montant des actifs liquides qu’elles détenaient à l’actif et accru la part de leur
financement de marché à court, voire à très court terme. La crise a commencé en août 2007 par
une crise de liquidité sur les marchés interbancaires. Ce renversement des conditions de marché a
illustré comment la liquidité peut rapidement « s’évaporer » et comment l’illiquidité peut
s’installer pour une longue période de temps alors même que les banques centrales inondent les
marchés de liquidité. Ces ratios règlementaires nouveaux des banques de la zone euro réduisent
la capacité des banques à prêter.
Au-delà des accords de Bâle III, la réglementation bancaire s’est enrichie sur le plan des
procédures et instruments de redressement et de résolution bancaire. C’est de la volonté d’éviter
à l’avenir que les États (et donc les contribuables) aient les mains liées et qu’ils soient contraints
de renflouer les banques que sont nées les propositions de bail-in – renflouement interne – par
opposition au bail-out – renflouement par l’État. Le bail-in fait en effet partie de l’arsenal de
mesures visant à maîtriser le problème des banques systémiques. En Europe, les mécanismes de
bail-in ont été introduits dans le cadre de l’Union bancaire qui se subdivise en trois volets : le
Mécanisme de supervision unique pour les banques systémiques sous les auspices de la BCE, le
Mécanisme de résolution unique et l’Assurance-dépôts européenne. L’objectif est de faire
disparaître l’incitation à la prise de risque qui était générée pour les banques de la zone euro par
le bail-out (par l’assurance du sauvetage par les Etats).

En conclusion, les banques aujourd’hui doivent détenir davantage de fonds propres et détenir
davantage d’actifs liquides, en particulier des titres publics. Pour exemple, en 2008 en zone euro,
l’encours de dette publique détenus par les banques (en % du PIB valeur) était de 13% tandis
qu’en 2017 il était de16,5%. Enfin, les banques ont dû passer du bail-out (sauvetage des banques
par les Etats) au bail-in (pertes pour les actionnaires, restructuration des dettes obligataires).

2) Que penser de la règlementation financière en Europe depuis la crise des subprimes ?

Il est certain que les nouvelles règlementations des banques européennes les ont rendues plus
sûres, plus résistantes aux chocs. Si l’on regarde les chiffres correspondant aux banques de la
zone euro, on constate que leurs réserves de liquidité (liquidités pures, titres publics) ont
augmenté. Leurs fonds propres sont passés de 15% du PIB de la zone euro en 2007 à 23% en
2018. Le ratio règlementaire des fonds propres « durs » (du vrai capital) est passé de 7,2% (des
actifs à couvrir) en 2008 à 13,5% en 2016. De plus, la taille des banques de la zone euro a
diminué, de 275% du PIB en 2012 à 235% du PIB en 2018, avec une baisse importante de
l’encours de crédit bancaire. Enfin, l’origine des revenus des banques a changé : on observe une
baisse considérable de la part des revenus qui vient de la banque d’investissement et une hausse
du poids de ceux qui viennent de la banque de détail et de la gestion d’actifs.
Cependant, le bilan est mitigé et il est possible d’émettre une série de réserves concernant ces
réglementations.

Tout d’abord, rappelons que les banques européennes sont soumises à des ratios règlementaires
plus stricts ou nouveaux .
Ces ratios règlementaires nouveaux des banques de la zone euro réduisent la capacité des
banques à prêter. Il n’est donc pas étonnant d’observer dans la zone euro le début de la
désintermédiation du financement des entreprises, celles-ci se finançant davantage en obligations
et moins en crédit bancaire. Le poids du financement des entreprises sur les marchés financiers a
augmenté, le poids de leur financement par le crédit bancaire a reculé. L’encours de crédit aux
entreprises de la zone euro est passé de 2008 à aujourd’hui de 96 à 89% du PIB de la zone euro,
l’encours d’obligations des entreprises de 6 à 12% du PIB. Il est possible de critiquer cette
évolution en mettant en avant le fait que les épargnants de base, dans la zone euro, ont une
préférence forte pour les actifs sans risque et ne souhaitent pas détenir davantage d’actifs risqués.
Lorsque l’incertitude s’accroît, ou que l’activité ralentit, les épargnants et les investisseurs
institutionnels se reportent donc rapidement vers les actifs sans risque, et les primes de risque sur
les actions et les obligations des entreprises s’ouvrent rapidement et fortement, ce qu’on observe
bien dans la période récente. Ceci rend extrêmement chères les émissions des entreprises sur les
marchés financiers, et en réalité coupe l’accès des entreprises aux marchés financiers dans les
périodes de difficultés économiques ou d’aversion pour le risque forte.

La seconde interrogation concernant la règlementation financière récente en Europe porte sur la


sévérité de la règlementation des banques. Les banques européennes sont confrontées à un besoin
de fonds propres beaucoup plus élevé qui doit couvrir une partie plus importante des actifs
(pondérés par les risques) et du total du bilan des banques, qui doit pouvoir absorber des chocs
catastrophiques. De plus le bail-out a été interdit et remplacé par le bail-in. Le coût des
ressources des banques (de la dette obligataire des banques) a donc augmenté, et en conséquence
les banques ont accru les primes, les marges de taux d’intérêt, qu’elles exigent sur les crédit : la
compétitivité des banques pour financer l’économique a diminué, d’où le recours accru aux
financements sur les marchés vu plus haut, le coût de financement de l’économie a augmenté, ce
qui est évidemment une mauvaise nouvelle.
Concernant le passage du bail-out au bail-in, l’objectif est de faire disparaître l’incitation à la
prise de risque qui était générée pour les banques de la zone euro par le bail-out (par l’assurance
du sauvetage par les Etats). Mais le passage au bail-in a rendu beaucoup plus risqué les titres
émis par les banques. En cas de ralentissement économique ou de simple hausse de l’incertitude,
les investisseurs sont incités à vendre ces titres, d’où la forte hausse des primes de risque sur les
actifs financiers qui financent les banques comme on l’a vu dans la période récente: actions,
dettes subordonnées et senior et même les covered bonds. Ceci fait apparaître un comportement
très procyclique des banques : en cas de freinage de l’activité, de hausse des incertitudes, le coût
des ressources des banques s’accroît fortement, d’où inévitablement une contraction de l’offre de
crédit bancaire qui renforce le ralentissement cyclique.

Une autre critique relative aux nouvelles règlementations financières est qu’elles ne se sont pas
suffisamment intéressées aux non-banques (au « shadow banking »), ce qui regroupe les sociétés
d’assurance, les fonds d’investissement de tous types, les fonds de pension. Si la taille des
banques a reculé depuis la crise, celle des non-banques, a beaucoup augmenté. Elles détiennent
davantage d’actions, d’obligations des Etats, et d’obligations des entreprises, elles commencent
même à faire du crédit ou à racheter des crédits aux banques. Cette évolution pose deux
problèmes importants : d’une part, les règlementations des banques et les non-banques sont
différentes, ce qui crée des arbitrages règlementaires alors que les uns et les autres financent
l’économie ; d’autre part, ces règlementations peuvent être contradictoires. Les banques
réduisent leurs prêts aux entreprises, la règlementation des assureurs en Europe, limite leur
capacité à déterminer des dettes d’entreprises ou des actions. Enfin, les non banques présentent
souvent un fort risque de liquidité.

Il est aussi possible de mentionner le problème sérieux de l'incompatibilité entre elles des
règlementations financières. En effet, certaines composantes des nouvelles règlementations des
intermédiaires financiers sont incompatibles entre elles, ce qui, on va le voir, peut poser plusieurs
problèmes de financement de l'économie.
Il s'agit de la contradiction entre Bâle 3 et Solvabilité 2 et de la possible séparation de la banque
de détail et de la banque de financement et d'investissement et de Bâle 3.
Premièrement, le Bâle 3 génère des crédits aux entreprises qui sont ensuite structurés et vendus
aux investisseurs institutionnels. Mais en même temps Solvabilité 2 réduit fortement la capacité
des assureurs européens à acheter des titres des entreprises.Ensuite, la séparation de la banque de
détail et de la banque de financement et d'investissement conduit à la fabrication de banques
d'investissement sans dépôts, financées uniquement par des ressources empruntées. Mais le ratio
de liquidité de Bâle 3 rend impossible l'existence de ce type de banques, qui, de plus, sont
extrêmement dangereuses, on l'a vu à de multiples reprises.
Enfin, nous pouvons conclure ce bilan en mentionnant le fait que la réglementation des banques
de la zone euro corresponde en fait à deux visions idéologiques contradictoires. En premier lieu,
le passage du bail-out au bail-in relève d’une idéologie complètement libérale: le bail-in doit
contraindre les actionnaires, les prêteurs, les déposants à surveiller étroitement les banques, à les
empêcher de prendre des risques inutiles. Il y a donc responsabilisation des prêteurs qui
discipline les banques.
Toutefois, la multiplication des ratios (de fonds propres, de levier d’endettement, de ressources
stables, de liquidité) des stress-tests qui s’appliquent aux banques relève au contraire d’une
idéologie complètement dirigiste : sans cet interventionnisme massif du régulateur, on pense que
les banques prendraient trop de risques.
Ainsi, Il serait sans doute préférable de choisir une idéologie (libérale ou dirigiste) et d’appliquer
la réglementation qui correspond à cette idéologie, mais pas les deux réglementations
correspondant aux deux idéologies.

3) Les motifs traditionnels de l’existence des banques sont-ils toujours présents aujourd’hui
?

Les banques commerciales accomplissent plusieurs fonctions clés dans notre économie. Il existe
plusieurs motifs traditionnels de leur existence. Tout d’abord, elles sont au cœur du système de
paiements – la tuyauterie qui sous-tend les transactions financières. Parce qu’il facilite l’échange
décentralisé, ce système est indispensable au fonctionnement d’une économie de marché.
Les banques assument une deuxième fonction importante, soit celle de transformer les échéances
des actifs et des passifs. Elles acceptent des passifs à court terme, normalement sous forme de
dépôts, et les convertissent en actifs à long terme, comme des prêts hypothécaires ou des prêts
consentis à des entreprises. Les ménages et les entreprises peuvent donc faire le contraire, c’est-
à-dire détenir des actifs à court terme et des passifs à long terme. Ils peuvent donc plus
facilement planifier pour l’avenir et gérer les risques associés aux incertitudes entourant leurs
liquidités. De plus, les banques fournissent de la liquidité à leurs clients en leur donnant un accès
rapide à ces mêmes actifs à court terme. De fait, en effectuant des opérations assorties d’une
vaste gamme d’échéances, les banques permettent un arbitrage favorisant une efficience accrue
des marchés financiers.
Les banques assument un troisième rôle essentiel d’intermédiation du crédit, selon lequel elles
dirigent les fonds des épargnants vers les investisseurs. Elles permettent ainsi aux épargnants de
diversifier leurs risques et à nous tous de lisser notre consommation dans le temps. Les jeunes
familles peuvent emprunter en vue de l’achat d’une maison, les étudiants universitaires peuvent
payer leurs droits de scolarité, les citoyens peuvent placer leurs économies dans des comptes à
faible risque portant intérêt en vue de leur retraite et les entreprises peuvent financer leurs fonds
de roulement et leurs investissements.
De plus, la théorie économique nous apprend que l’existence des banques est aussi due à
l’information qu’elles accumulent sur les emprunteurs et qui leur permet de prêter plus
efficacement que les épargnants individuels ou les investisseurs.
L’information sur les emprunteurs est moins couteuse quand elle est recherchée par les banques,
puisqu’elles l’obtiennent pour chaque emprunteur pour le compte de tous les épargnants
individuels, qui devraient tous, individuellement, rechercher cette information s’il n’y avait pas
de banques. On s’attend donc à ce que les banques prêtent plus efficacement aux emprunteurs
que les épargnants individuels ou les investisseurs.
Pourtant, on a observé de très nombreuses situations où les banques ont exagérément prêté à
certaines catégories d’emprunteurs et ont été ensuite confrontées à des défauts très nombreux
parmi ces emprunteurs. Ceci s’est vu au Japon, à la fin des années 1980, la période d’expansion
très forte du crédit (1987-1990), mais aussi aux Etats-Unis et en Europe, à la fin des années 1990
: avec le financement par les banques des acquisitions réalisées à des prix excessifs, en
particulier dans les nouvelles technologies. Enfin, cela a notamment pu être observé dans la
période récente, aux Etats-Unis avec les crédits hypothécaires subprime.
L’existence des banques est aussi justifiée par leur capacité supérieure à diversifier les risques,
toujours par rapport aux épargnants de base et aux investisseurs.
Mais, si cet argument est valable pour les risques microéconomiques, il ne l’est pas pour les
risques macroéconomiques. Les banques, à des degrés divers selon les pays, ont concentré les
crédits sur des emprunteurs présentant les mêmes risques macroéconomiques.
Un autre motif traditionnel de leur existence relève de la possibilité qu’elles ont, en jouant sur la
loi des grands nombres, d’investir dans des actifs illiquides (des actifs à long terme), alors que
les épargnants de base et les investisseurs sont soumis à des contraintes qui leur imposent
d’investir dans des actifs liquides (à court terme). Le rôle des banques est donc de transformer
une partie de leurs ressources liquides en emplois illiquides. Mais ceci fait courir un risque de
course aux dépôts (bank run) : si les déposants retirent leur argent, les banques n’ont pas assez de
ressources liquides pour couvrir les retraits. Il faut donc associer au rôle de transformation des
banques une garantie publique sur les dépôts (l’assurance des dépôts). Mais, si cette garantie
existe, on doit observer le rôle de transformation de liquidité des banques.
Cependant : La tendance a donc été le développement du refinancement des actifs illiquides
détenus par les banques (crédits à long terme) par l’émission d’autres actifs illiquides (une partie
au moins des ABS), ce qui ne correspond pas au rôle normal de transformation des banques de
ressources liquides en actifs illiquides.

4) Quel rôle pour les banques après la crise ?

Avant la crise financière de 2007, les banques avaient un rôle de titrisation. S’était développé un
modèle de fonctionnement banques assez cohérent : une partie croissante des crédits distribués
était titrisée, et vendue sous forme d’actifs financiers aux investisseurs. Les banques avaient
aussi souvent utilisé une forte transformation ; avec des ressources à court terme finançant des
emplois à long terme et des ressources à long terme réduites.
Dans ce modèle, le rôle des banques d’investissement était assez clair : il consistait à transformer
les crédits en actifs financiers attrayants pour les investisseurs.
Mais la crise de 2007 – 2008 a montré que la recommandation du modèle "originate and
distribute" était en réalité basée sur une série d’erreurs d’analyse et d’oublis.
Au total, on peut attendre après une crise financière un nouveau fonctionnement des banques et
de la finance avec des caractéristiques différentes. Tout d’abord, on peut attendre une titrisation
se limitant à la confection d’actifs structurés simples et suffisamment standardisés pour qu’ils
puissent s’échanger sur des marchés organisés qui conservent leur liquidité en toutes
circonstances. De plus, il faut s’attendre à une augmentation importante du coût des crédits
bancaires, avec une double prime de risque s’appliquant aux banques et aux crédits. Cela
implique un freinage de l’économie et une substitution de financements de marché aux
financements bancaires pour les emprunteurs ayant accès aux marchés (grandes entreprises…).
Ensuite, il y aura un besoin accru des banques en ressources à long terme et en capital, d’où un
rôle différent pour les banques d’investissement. Il faut aussi espérer une évaluation plus fiable
du niveau de risque des emprunteurs. Enfin, la crise engendrera le danger d’un effet encore plus
procyclique des règles prudentielles de Bâle II puisque les banques garderont davantage de
créances risquées dans leurs bilans.

Si certains ont envisagé la disparition des banques d'investissement après la crise, il est certain
que toutes les activités qui consistaient, soit à détenir des actifs financiers financés par la dette,
soit à vendre aux investisseurs des actifs avec des leviers d'endettement importants, sont
compromises en raison de la hausse sans doute durable des primes de risque et du coût de la
dette.
Mais l'intervention des banques d'investissements sera encore nécessaire dans de nombreuses
situations. Elles serviront à transformer de l'épargne, qui sera probablement davantage que dans
le passé investie en actifs sans risque, en financement des entreprises, qui sera probablement
davantage que dans le passé réalisé en fonds propres, en capital. Elles auront aussi pour rôle de
réduire l'exposition des banques commerciales au risque de défaut. Même si la titrisation est au
cœur de la crise financière actuelle, on ne peut pas imaginer que le secteur bancaire, comme dans
le passé, conserve dans ses livres l'essentiel du risque de défaut. De plus, elles devront
transporter l'épargne (en particulier en actions) abondante des pays où elle est abondante (Asie,
exportateurs de pétrole) vers les pays où elle est insuffisante (Europe, Etats-Unis). Il s'agit alors
de transformer la nature de l'épargne et des actifs financiers, plus de financer des actifs avec des
ressources à court terme, même si les dépôts bancaires remplacent pour cela les financements de
marché.

Concernant les bilans des banques, avant la crise, ils sont assez clair. On peut observer une
augmentation rapide de la taille des bilans des banques, hausse du levier d’endettement, une
taille importante des financements de marché par rapport aux dépôts en raison de la croissance
rapide des crédits etc…
Toutefois, après la crise, ces évolutions peuvent se révéler dangereuses. En effet, le risque lié aux
activités de marché est plus élevé que celui qui est anticipé, d’où les pertes subies par les
banques. La dépendance vis-à-vis du financement sur les marchés financiers a conduit à une
crise de liquidité. La rentabilité des banques était assurée avant la crise par les activités de
marché et la vente de services financiers, la rentabilité de l’intermédiation (du crédit) était
devenue faible. Enfin, les banques doivent accroître la rentabilité de l’intermédiation, donc
accroissent les marges sur les crédits.
On pourrait donc s’attendre, après la crise, à l’inversion de ces tendances. Il y aurait donc une
réduction de la prise de risque dans les activités de marché, de la dépendance vis-à-vis des
financements de marché, ainsi qu’une hausse de la rentabilité de l’intermédiation, donc hausse
des marges sur les crédits. Ainsi, certaines de ces évolutions seraient très dommageables pour les
économies.
Afin d’éviter que l’évolution des banques après la crise ne soit trop défavorable à l’économie, il
faut donc adopter plusieurs mesures. Pour empêcher que la taille des encours de crédit ne
diminue et que les banques ne transforment plus l’épargne liquide en placements à long terme,
on peut penser à capitaliser davantage les banques de manière à ce que la baisse du levier
d’endettement se fasse par la hausse du capital et pas par la baisse du total de bilan. De plus, il
est possible de réduire le risque bancaire pour réduire le risque de « fermeture » des
financements sur les marchés financiers. Cela explique des garanties publiques permanentes sur
les passifs des banques, au-delà des dépôts, pour éviter les autres formes de « bank run » (sur la
dette interbancaire…), recapitalisation des banques et une réduction du risque dans les activités
de marché . Cela expliquerait aussi un développement de formes sécurisées de financement,
comme les covered bonds, qu’on pourrait étendre à d’autres crédits que les crédits immobiliers
ou aux collectivités locales.

5) Banques ou marchés financiers, quel est le mieux pour financer l’économie?

Depuis la crise de 2008-2009, on assiste à une désintermédiation progressive du financement des


entreprises dans la zone euro : le poids du crédit bancaire recule et le poids des obligations
augmente dans le financement de ces entreprises. Ceci est dû essentiellement aux nouvelles
régulations des banques européennes, qui leur imposent de réduire les crédits qu’elles conservent
dans leur bilan pour réduire leur consommation en capital. Il est possible de mettre en évidence à
la fois des effets favorables et des risques liés à cette évolution.

Tout d’abord, la désintermédiation du financement des entreprises de la zone euro peut avoir
deux effets favorables.
Elle réduit le risque de crise bancaire. Avec un financement désintermédié, le risque d’entreprise
est porté directement par les épargnants qui détiennent les actifs financiers émis par les
entreprises. Dans un financement intermédié, les banques ont un passif sans risque (les dépôts) et
un actif risqué (les crédits), et il faut qu’elles puissent absorber le risque d’entreprise tout en
conservant un passif sans risque ; elles le font avec leur capacité d’absorption des chocs (fonds
propres, détention d’actifs sans risque) mais, dans les récessions, cette capacité est insuffisante et
il y a risque de faillites bancaires La désintermédiation du financement des entreprises réduit
donc la partie du risque qui est portée par les banques, ce que les régulateurs des banques
peuvent souhaiter.
Par ailleurs, on pense usuellement que la politique monétaire est plus efficace dans une économie
où les financements sont désintermédiés. En effet, les prix des actifs financiers (spreads de
crédit, cours boursiers) réagissent plus fortement aux variations de la politique monétaire que les
taux d’intérêt des crédits bancaires
Toutefois, cette évolution peut se révéler compliquée pour les petites et moyennes entreprises. La
conséquence la plus négative du passage à un financement désintermédié des entreprises est le
choc que ce passage entraînerait pour les petites et moyennes entreprises. Celles- ci ont des
relations de long terme avec leur banque, mais, si elles se financent sur les marchés financiers,
elles sont confrontées au fait que ceux-ci peuvent se fermer pendant de longues périodes de
temps. L’observation des spreads de crédit montre que le marché des obligations d’entreprises a
été fermé en réalité de 2008 à 2012 et de 2015 à 2016. Il faudrait donc, si leur financement est
désintermédié, que les petites et moyennes entreprises puissent se passer de financement pendant
des périodes longues.
De plus, un autre effet défavorable à cette évolution est que le marché des obligations des
entreprises se ferme lorsque l’aversion pour le risque augmente. Ceci s’observe à nouveau aux
Etats-Unis dans la période récente. La hausse de l’aversion pour le risque conduit à l’ouverture
des spreads de crédit, celle-ci-reflétant le recul de la demande pour les obligations d’entreprise.
On voit alors le recul des émissions d’obligations d’entreprises, qui coupe le financement des
entreprises, et est une évolution très procyclique qui aggrave le recul de la croissance. Ainsi, il
faut réaliser qu’un financement des entreprises sur les marchés financiers peut-être extrêmement
procyclique.

Il faut rajouter que l’on pourra se passer des banques et désintermédier complètement le
financement de l’économie si les épargnants de base acceptent une épargne illiquide et risquée ;
et si l’information pour les épargnants devient aussi disponible en ce qui concerne les petites
entreprises, par exemple sur des plateformes où ces petites entreprises déposent leurs demandes
de crédit.

Enfin, nous pouvons citer quelques arguments théoriques pour ou contre la désintermédiation des
financements.
Les personnes contre cette évolution mettent en avant le fait qu’avec la désintermédiation, le
risque est porté directement par les investisseurs finaux (ménages en particulier). Au contraire,
avec le financement bancaire, les banques absorbent les risques dans leurs fonds propres, ce qui
protège les investisseurs finaux. La contrepartie de cet avantage est le risque de crise de liquidité
des banques, de « bank run ». De plus, Les banques diversifient les risques entre tous les
emprunteurs, ce qui permet de prêter davantage, alors que les investisseurs finaux ont une
capacité à diversifier les risques plus faible. Ceci peut être rapproché du fait que l’endettement
(désintermédié) des entreprises américaines est plus faible que celui (intermédié) des entreprises
de la zone euro. On peut aussi penser que les banques ont une information supérieure sur les
emprunteurs à celle des investisseurs finaux, en particulier parce qu’elles suivent les emprunteurs
continuellement dans le temps. On voit d’ailleurs des taux de défaut plus bas dans la zone euro.
Cependant, l’intermédiation bancaire peut aussi être critiquée. D’abord, les banques sont
critiquées pour maintenir anormalement les financements aux emprunteurs en difficulté, ce qui
est inefficace. La littérature sur les « zombie firms » montre clairement ce comportement des
banques. Ensuite, l’intermédiation bancaire est critiquée pour ne pas faire apparaître de
concurrence pour la collecte de l’épargne. Les banques ne donnant pas beaucoup d’information
sur les caractéristiques des emprunteurs qu’elles financent ou sur leurs méthodes de décision, il
n’y a pas de concurrence entre banques pour la collecte des dépôts.

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