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Chapitre 1 : Polynôme d’interpolation de Lagrange

& son utilisation

1.polynôme de Lagrange
2.calcul de dérivées : différences finies
3.calcul d’intégrales : quadrature d’interpolation
4.intégration temporelle d’EDO’s
Interpolation : qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?
Vous êtes astronome dans le 15ième siècle et vous étudiez le mouvement des étoiles à
l’aide d’un télescope. Chaque nuit pas forcément à la même heure vous mesurez la position
d’une même étoile de manière précise, ce qui vous donne un tableau de points de mesure

instant
position

Sous forme graphique

avec . A partir de ces mesures, on souhaite obtenir une idée de la position


de l’étoile f(x) à tout instant x. Selon la position de x, on parle de

Interpolation : Extrapolation :

Dans tous les cas, nous avons besoin de construire une fonction d’interpolation f(x)
Cette fonction d’interpolation n’est pas unique. On peut interpoler des données d’une
infinité de manières différentes, un exemple

fonction d’interpolation
fonction d’interpolation

Certains choix sont plus précis que d’autres ou plus facile à mettre en oeuvre.
Une fonction d’interpolation est toujours proposée comme une ‘décomposition’
sur une base connue de fonctions. Quelques exemples :

base Fourier

base polynomiale simple

base générale

Le but est toujours de calculer les coefficients d’expansion à l’aide des données dont
on dispose. Puis on reconstruit la fonction où on veut.
Une fonction d’interpolation ne sert pas juste à reconstruire la fonction entre des points
où on connait la valeur. On peut également l’utiliser afin de trouver une approximation
pour une dérivée

ou pour une intégrale

Ceci nous donne des formules très utiles, qui constituent le point de départ d’un très
grand nombre de méthodes numériques utilisées en physique pour résoudre des EDO,
EDP, équation intégrales ...

Dans ce cours, on se limitera à l’interpolation polynomiale de Lagrange et son utilisation.


1. Polynôme d’interpolation de Lagrange
1.1. Une formule assez intuitive

On dispose de (n+1) couples

Le polynôme d’interpolation de Lagrange est le polynôme unique d’ordre n, qui


passe exactement par ces (n+1) points

polynôme unique
d’ordre 4, passant
par les 5 points

Comment trouver les (n+1) coefficients ?


On peut définir un système linéaire, qui exprime que le polynôme passe effectivement
par les points

Comme les points sont différents, nous avons toujours ce qui implique
qu’il existe en effet une solution unique à ce problème

Trouver cette solution ne semble pas si facile que ça en pratique, mais Lagrange
remarque que le polynôme

a une propriété intéressante.


Ce polynôme

prend la valeur 1 dans le point , et zéro ailleurs, ou encore utilisant le


symbole de Kronecker delta.
En conséquence le polynôme d’interpolation de Lagrange ne peut être que

car en effet, on voit facilement que ce polynôme passe exactement par tous les points

Remarque : on comprend ici que les fonctions forment une


base alternative aux monômes . Les coefficients d’expansion , sont directement
les valeurs de la fonction sur les points ce qui est facile à retenir.
1.2. Quelques exemples simples

Le polynôme de Lagrange, passant par 2 points, est une droite

Le polynôme de Lagrange, passant par 3 points, est un parabole

Q : le polynôme de Lagrange
passant par 1 point ??
1.3 Estimation de l’erreur

Si on approche une fonction f(x) par un polynôme d’interpolation, on fera évidemment


des erreurs :

la vraie fonction
polynôme d’interpolation

On aimerait être capable d’estimer ces erreurs afin de mesurer la “qualité” de l’approxima-
tion polynomiale
Théorème (sans preuve)

Soit f(x) une fonction n+1 fois continûment dérivable sur l’intervalle [a,b] et n+1 points

où la fonction prends les valeurs


Si on note P (x) le polynôme d’interpolation passant par ces (n+1) points

alors l’erreur sera un polynôme d’ordre n+1

avec

Si f(x) est un polynôme l’erreur diminue en prenant plus de points


d’ordre alors et sera d’autant plus petite que
l’erreur s’annule car
x est proche d’un point d’interpolation
f ne varie pas trop brusquement
1.3 Estimation de l’erreur

Si on approche une fonction f(x) par un polynôme d’interpolation, on fera évidemment


des erreurs :

la vraie fonction
polynôme d’interpolation

On aimerait être capable d’estimer ces erreurs afin de mesurer la “qualité” de l’approxima-
tion polynomiale

Rq : l’erreur = 0, si on interpole
f(x) un polynôme d’ordre n à
Ce théorème permet de borner l’erreur comme l’aide de n+1 points.
Exemple interpolation Matlab & mot d’attention !

Interpolation d’un trajet de RER B connu (code interpol_rerb)

Méfiez-vous : augmenter l’ordre d’un polynôme n’augmente pas forcément la précision


de l’interpolation, bien au contraire. Mieux faut-il interpoler par morceaux
utilisant des polynômes de bas ordre.
2. Dérivation numérique par différences finies
2.1 Contexte simple
Vous êtes expérimentateur et vous mesurez la position d’un mobile au cours du temps
à des instants successifs

instant
position

Comment calculer la vitesse et l’accélération du mobile ?

instant
vitesse

accélération

On sait déjà qu’on peut approcher la fonction par un polynôme d’interpolation. Les
dérivées d’une fonction peuvent être approchées par les dérivées d’un polynôme
d’interpolation = > formules différences finies

Sera très utile dans le chapitre suivant


2.2 Différences finies suivant votre intuition

La dérivée d’une fonction f(x) par rapport à x est définie comme

On fait donc la différence entre une fonction en un point et en un point infiniment proche
et on divise par cette petite distance.

Pas besoin de chercher très loin : en enlevant la limite, on remplace une dérivée par
une différence finie

F = forward

On comprend intuitivement que plus que les soient rapprochés, plus que l’erreur
sera petite.
Est-ce la seule formule que l’on puisse imaginer ?
Non, aucune raison pour préférer une direction “forward’’ par rapport à “backward’’ .
On peut en effet définir la dérivée comme

ce qui mène par le même procédé à une formule alternative

B = backward

Cette formule ne semble pas mieux que la précédente (F). Même remarque sur
l’erreur d’ailleurs.

On peut encore aller plus loin


En effet, pourquoi ne pas prendre encore une autre formule comme définition de la dérivée

Cette formule peut alors mener à

C = centered

Visuellement on a l’impression de plus de précision, mais est-ce que c’est le cas ?

Que faire des dérivées d’ordre supérieur ?


Pour les dérivées d’ordre supérieur on peut procéder de la même manière
Par exemple, pour une dérivée d’ordre 2

peut mener à si pts. équidistants

par une application successive des formules B et F.


Mais on a du mal à estimer la précision de telles formules.

Peut-on proposer une procédure un peu + systématique ?


2.3 Systématique = en utilisant le polynôme de Lagrange

Pour obtenir une approximation différences finie des dérivées en un point

...

on fixe d’abord un ensemble d’indices autour de j

que l’on veut voir apparaitre


dans les formules différences
finies

Nous choisissons
ces points !

On calcule ensuite le polynôme de Lagrange passant par ces points

où on utilise les fonctions introduites dans la section 2


Construit sur (p+1) points, ce polynôme de Lagrange sera d’ordre p. On peut donc le
dériver p fois. En exprimant :

Bonne idée pour p > 2,3 ??


...
Dangereux, pense à
l’exemple RER B.

nous approchons les dérivées de la fonction par la dérivée d’un polynôme d’interpolation.

Cette procédure nous donne des formules d’approximation différences finies, qui auront
d’ailleurs toutes le même niveau de précision, en théorie.

Exercice : utilisant les indices calculer ces approximations diff. finies de


Solution générale

Cas particulier : maillage régulier

Remarque : il faut plus que 3 points pour des dérivées d’ordre sup.
2.4 Consistance & ordre des approximations

On comprend que nous avons de très nombreuses approximations différences finies


pour les dérivées. Soit des formules données

que l’on suppose obtenue en travaillant avec des pas d’espace constant

Q1. Est-ce que ces formules sont consistantes, c.a.d. qu’elles tendent bien
vers les bonnes dérivées dans la limite ?

Q2. Qu’elle est le degré de précision, l’ordre de ces formules ?

Pour répondre, une seule méthode : appliquer la formule sur une fonction continûment
différentiable et faire des développements limités autour d’un point choisi.

Quelques rappels sur les DL ?


Rappels sur les développements limités

Développement limité d’une fonction dans un voisinage de x

Parfois, nous avons envie de limiter un DL à un certain ordre. Par exemple :

où nous utilisons le symbole O. Ce symbole nous informe que les termes oubliés décroissent
au moins aussi rapide que la quantité spécifié. Nous avons donc :

avec A un nombre. Quelques règles de calcul :


Quelques exemples pour illustrer la notion de consistance et d’ordre

Formule forward (F)

On remplace par un DL autour de

Dans le coté droit de la formule

exact résidu

Dans la limite l’approximation tend vers la formule exacte, ce qui


démontre sa consistance. L’erreur, le résidu décroit comme avec p=1 ici

On dit que l’approximation est d’ordre 1


Formule centrée (C)

On remplace et par des DL autour de

ce qui donne

exact résidu

Dans la limite l’approximation tend encore vers la formule exacte, ce qui


démontre sa consistance. L’erreur, le résidu décroit comme avec p=2 ici

On dit que cette formule centrée est consistante et d’ordre 2.


Pour résumer : afin de tester la consistance et afin de trouver l’ordre d’approximation
d’une formule différence finie, il faut remplacer les termes par des DL autour du point
dans lequel on souhaite calculer la dérivée. Pour une formule différence finie de la forme

On remplace à droite

Si la formule est consistante, on trouvera après avoir collecté les différents termes

où le résidu doit aller vers 0, avec . On définit ordre comme l’exposant p

avec A une constante non-nulle, ce qui signifie que


Attention : si vous trouvez à l’issue de vos calculs que

résidu =

L’ordre peut être et on ne peut alors pas conclure. Il faudra alors recommencer et
inclure plus de termes dans les DL utilisés pour remplacer

Note : les formules différences construites sur le polynôme de Lagrange à (p+1) points,
sont d’ordre p, toujours. Testez-le en calculant l’ordre des formules différences finie

à l’aide de la procédure mentionnée.


3. Intégration numérique : quadrature d’interpolation
3.1 Principe générale

Graphiquement, on cherche par l’intégrale

à évaluer la superficie sous la courbe f(x).


3. Intégration numérique : quadrature d’interpolation
3.1 Principe générale

Graphiquement, on cherche par l’intégrale

à évaluer la superficie sous la courbe f(x).

Dans une formule de quadrature de d’interpolation on remplace la fonction


dans l’intégrandum par un polynôme d’interpolation de Lagrange

mènera à une formule


de la forme valeurs
cst nodales
Pour calculer les coefficients on rappelle que le polynôme d’interpolation de
Lagrange basé sur (n+1) points est

avec

et on remplace donc

Les coefficients de la formule de quadrature d’interpolation à (n+1) points sont donc

avec

Comme il s’agit d’intégrales de polynômes, ces coefficients ne sont pas très difficiles
à évaluer.
3.2 Quelques exemples
méthode du trapèze

Pour calculer l’intégrale, on remplace la fonction par le polynôme d’interpolation qui


passe par les deux points d’extrémité

On approche l’intégrale, l’aire


sous la courbe, par l’aire du
trapèze
méthode de Simpson

Pour calculer l’intégrale, on remplace la fonction par le polynôme d’interpolation qui


passe par les deux points d’extrémité et le point du milieu

donne

On approche l’intégrale, par


l’aire sous une parabole
3.3 Analyse d’erreur
On peut calculer l’erreur comme

Ici . Appliqué au deux exemples précédent

méthode du trapèze (2 points, n=1)

méthode de Simpson (3 points, n=2)

?
3.4 Méthodes composites
Sur des grands intervalles [a,b], on peut en principe appliquer la méthode avec des
polynômes d’interpolation d’ordre de plus en plus élevé (formules de Newton-Cotes)

Un seul polynôme
d’ordre n

Ceci n’est pas conseillé, les formules ne deviennent pas forcément plus précises.
En pratique, on utilise très souvent des méthodes composites. L’idée est ici de diviser
l’intervalle [a,b] en sous-intervalles où on interpole avec des polynômes de bas ordre.

Interpolation linéaire
par morceau

Méthode composite
des trapèzes
3.4 Méthodes composites
Sur des grands intervalles [a,b], on peut en principe appliquer la méthode avec des
polynômes d’interpolation d’ordre de plus en plus élevé (formules de Newton-Cotes)

Un seul polynôme
d’ordre n

Ceci n’est pas conseillé : les formules ne deviennent pas forcément plus précises.
En pratique, on utilise très souvent des méthodes composites. L’idée est ici de diviser
l’intervalle [a,b] en sous-intervalles où on interpole avec des polynômes de bas ordre.

Interpolation quadratique
par morceau

Méthode composite
de Simpson
Méthode composite du trapèze

On coupe l’intégrale en n termes où on


applique à chaque fois la méthode du trapèze

Souvent on prends les points équidistants entre a et b, pour


On note . La formule se simplifie alors à

-1

L’erreur commise sera bornée comme


Méthode composite de Simpson

On introduit de nouveau n+1 points dans l’intervalle [a,b].


L’intégrale ne sera divisé en seulement n/2 termes et n
doit donc être pair

Sur chacun des n/2 segments, on applique la méthode de Simpson. on fait donc une
interpolation, quadratique par morceau. Avec des points équidistants, ceci donne

soit ...
Méthode composite de Simpson

On introduit de nouveau n+1 points dans l’intervalle [a,b].


L’intégrale ne sera divisé en seulement n/2 termes et n
doit donc être pair

Sur chacun des n/2 segments, on applique la méthode de Simpson. on fait donc une
interpolation, quadratique par morceau. Avec des points équidistants, ceci donne

L’erreur sera alors bornée par


4. Intégration temporelle de systèmes d’EDO
4.1 Problème aux conditions initiales
On considère un système général de p équations différentielles ordinaires d’ordre 1 :

sous forme vectorielle

...
pentes à tout temps

On dispose de exactement p fonctions que l’on connait et on


cherche à identifier des solutions , , ... , qui passent par un état initial
bien spécifié

CI :
1 point sous forme vectorielle
de
...
départ

CI = condition initiale, différent d’une condition limite, par le fait qu’on impose des valeurs
à un seul “instant”.
Connaitre la solution sur tous les temps sera difficile et n’est pas nécessaire. En pratique,
il suffit de connaitre la solutions sur des temps discrets
notation

Le pas de temps peut être fixe ou variable. S’il est fixe, on le notera
L’idée générale d’une intégration temporelle numérique, peut être illustré comme
ci-dessous :

on calculera la solution donc pas par pas

selon des
méthodes
... + ou -
précises
4.2 Méthode intuitives

On adoptera la notation vectorielle

CI :

Pourquoi ne pas utiliser ce que nous connaissons sur l’approximation des dérivées

(formule F)

donne directement

On continue le long
de la tangente sur un
intervalle de temps

Méthode d’Euler
explicite

Explicite = connaissant l’état précédent, on calcule directement l’état suivant


Mais pourquoi préférer une formule “forward’’ par rapport à “backward”.

(formule B)

donne

ou encore

Comme f peut être une fonction compliquée, on ne résolve pas si facilement cette
équation “implicite”. (On peut utiliser la méthode de Newton...)

Méthode d’Euler
implicite

Implicite = connaissant l’état précédent, on ne peut pas directement calculer


l’état suivant. Plus difficile à utiliser, mais ça peut avoir un intérêt : la stabilité.
4.3 + Systématique = utilisant le polynôme de Lagrange

Notre problème d’EDO + CI

CI :

peut s’écrire sous forme intégrale

et on peut utiliser les règles de quadrature d’interpolation pour approcher les intégrales.

Dans les méthodes de Adams-Bashfort, on remplace par un polynôme de


Lagrange, qui interpole des points déjà connus, pour les temps
Ceci donne des formules explicites, dont la précision dépend du dégrée du polynôme.
Quelques exemples :
= polynôme de
Lagrange passant par

Euler explicite

Adams-Bashfort 1
Si on remplace

= polynôme de
Lagrange passant par

Un petit calcul

Adams-Bashfort 2

Pour calculer l’état en temps n+1, on utilise les deux précédents états n et n-1. Ces
méthodes sont plus précises et explicites. On peut continuer la même procédure pour
trouver des formules d’ordre plus élevé
Dans les méthodes de Adams-Moulton, on remplace par un polynôme de
Lagrange, qui interpole f pour les temps
Ceci donne des formules implicites, dont la précision dépend du dégrée du polynôme.
Quelques exemples :

= polynôme de
Lagrange passant par

Euler implicite

Adams-Moulton 1

= polynôme de
Lagrange passant par

Le calcul mène à
Adams-Moulton 2

Crank-Nicolson
Trapèzes ?
4.4 Autre méthode : Runge-Kutta

On peut encore construire d’autres formules, basées sur d’autres formules de


quadrature d’interpolation. Les méthodes de Runge-Kutta sont les plus souvent
utilisées en physique

RK2 : Runge-Kutta ordre 2 (point du milieu)

En deux pas

RK4 : Runge-Kutta ordre 4

On évalue successivement

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