Vous êtes sur la page 1sur 4

GÉOPOLITIQUE

0123
22 | DIMANCHE 6 ­ LUNDI 7 MARS 2022

Russie­Occident
Vingt ans de
radicalisation de Poutine
Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine
a envisagé la voie du rapprochement avec
Washington, avant de se convaincre de la malignité
des Etats­Unis, qui œuvreraient à un affaiblissement
de la Russie. En retour, le maître du Kremlin a fait
le choix de la violence, du révisionnisme et du déni

washington ­ correspondant imposer à Moscou. La guerre au Kosovo et la


mort de Kadhafi en Libye – qui aurait profon­

E
n mars 1999, un avion fait demi­ dément marqué Poutine – en sont deux bor­
tour au­dessus de l’Atlantique, au nes. D’où un sentiment de trahison et un syn­
lieu d’atterrir comme prévu drome de la citadelle assiégée, alimentés par
à Washington. A son bord se l’extension de l’OTAN et les « révolutions de
trouve un homme exaspéré : le couleur » dans la périphérie russe, attribuées
premier ministre russe, Evgueni au bras long américain. Comme si les peuples
Primakov. Par téléphone satellite, il vient d’ap­ ne disposaient pas de leur propre autonomie
prendre de la bouche du vice­président améri­ et ne pouvaient être que le jouet de puissances
cain, Al Gore, que les Etats­Unis déclenchaient extérieures. La seconde conviction est l’affais­
une campagne de frappes aériennes, sous sement historique de la puissance américaine,
étendard de l’Organisation du traité de l’Atlan­ épuisée par ses divisions et par ses aventures
tique Nord (OTAN), en Serbie et au Kosovo. militaires au Moyen­Orient. La troisième con­
L’objectif – éviter des massacres contre la po­ viction, enfin, est déduite des précédentes.
pulation albanaise de la province – importe Dans ce nouveau monde éclaté du XXIe siècle,
plus que l’absence de résolution du Conseil de l’audace proactive, la force brute, le fait accom­ A l’intérieur, la Russie durcit ses traits. La
sécurité de l’ONU. La Russie de cette époque pli territorial offrent un avantage décisif, bien seconde guerre en Tchétchénie, commencée
est très affaiblie, à l’image de la santé de son supérieur aux sanctions en retour, au coût de à l’automne 1999, est une litanie de massa­
président, Boris Eltsine. L’été précédent, elle a ces opérations ou à l’opprobre suscité. L’usage cres et de crimes de guerre. Grozny est rasée.
connu un effondrement financier. Sa dette ex­ de la violence n’est plus seulement un moyen, Une prise d’otages à Moscou dans le Théâtre
térieure est vertigineuse. Elle ne pèse pas. Cet mais un but en soi, l’expression d’une capacité Doubrovka perpétrée par un commando is­
avion qui se détourne des côtes américaines de projection, d’une ambition. lamiste tchétchène, en octobre 2002,
est un coup d’éclat symbolique. Sur le plan intérieur, la violence sert à répri­ s’achève avec l’emploi d’un gaz mortel par les
Evgueni Primakov voit plus loin. Depuis mer toute contestation et à dissuader toute forces russes. Quelque cent trente otages pé­
plusieurs années, il a défini une doctrine qui coagulation des mécontentements. Il en va rissent avec les terroristes. Enfin, en octo­
portera son nom en politique étrangère : elle ainsi en Russie depuis vingt ans : la stabilité bre 2003, Mikhaïl Khodorkovski est arrêté. Le
vise à empêcher un monde unipolaire et une est la base du contrat social, et le chantage patron du groupe pétrolier Ioukos passera
extension de l’OTAN, en privilégiant, notam­ une garantie. Les élites gavées par la corrup­ dix ans en prison pour n’avoir pas compris
ment, un rapprochement avec la Chine. Il tion et les relations privilégiées sont som­ les nouvelles règles du jeu entre le pouvoir et
s’agit de relever la Russie. Académicien, mées d’être loyales, sous peine de déchéance. les oligarques imposées par Poutine. Quel­
orientaliste, Primakov est né à Kiev. Ancien Sur le plan extérieur, la violence permet ques semaines plus tard, c’est la « révolution
patron des services de renseignement exté­ d’avancer sur la mappemonde, d’affaiblir des roses » en Géorgie. Mikheïl Saakachvili,
rieurs, il ne conduira pas ce programme à l’adversaire. Ce système se nourrit de rivali­ jeune réformateur pro­occidental, devient
bien. En août, après l’intermède Sergueï tés, et peu importe qu’elles soient réelles ou président. L’idée d’une entreprise d’encercle­
Stepachine, c’est le patron du FSB, les services imaginaires. Le bien et le mal, la vérité et le ment et de déstabilisation occidentale s’ins­
intérieurs, qui lui succède. Vladimir Poutine mensonge, sont devenus, au fil des ans, des talle au Kremlin.
est un homme maigre au teint de craie, in­ catégories jugées surannées, oripeaux des La défiance contre les Etats­Unis est renfor­
connu du grand public. Un quatrième pre­ vulnérables, de ces démocraties libérales ab­ cée par la guerre d’Irak, engagée en mars 2003.
mier ministre en dix­sept mois, que per­ horrées. Une erreur d’appréciation énorme, George W. Bush et les néoconservateurs ont
sonne n’imagine durable. au vu de la mobilisation de l’Occident depuis bâti cette aventure militaire, si coûteuse en
le début de l’offensive russe en Ukraine. Cette vies et en fonds, si catastrophique pour les En haut : un convoi et perçu comme hostile à l’influence russe, qui
UNE ENTREPRISE DÉVASTATRICE erreur traduit moins l’existence d’un grand équilibres régionaux, sur la base de menson­ militaire photographié prend la tête de l’Etat. Il n’existe pas alors en
Pourtant, les événements s’accélèrent. Atten­ dessein à Moscou, d’un fantasme géopoliti­ ges d’Etat. L’invention d’armes de destruction en Ukraine par Ukraine de projet nettement articulé et popu­
tats contre des immeubles civils en Russie, dé­ que comme la reconstitution d’un empire massive supposément aux mains de Saddam un hélicoptère russe, laire d’ancrage à l’ouest.
but de la seconde guerre de Tchétchénie… Bo­ russe ou néosoviétique, que d’un appétit Hussein ne porte pas seulement atteinte à la le 3 mars. Les troupes A Washington, on considère encore Vladi­
ris Eltsine démissionne pour le Nouvel An et croissant, insatiable, à la fois opportuniste et crédibilité américaine, elle offre au Kremlin la de Moscou ont mir Poutine comme un partenaire, certes
cède la place à Poutine. Les débuts sont plutôt dogmatique, de revanche. certitude que les forts définissent leur vérité, envahi l’Ukraine difficile mais utile dans certains dossiers. En
constructifs. Les relations avec l’OTAN sont ré­ Tout commence par un rapprochement, au lieu de la respecter. Mais Poutine ne tire pas le 24 février. l’accueillant à la Maison Blanche en novem­
tablies. En juin 2001, le président George qu’on croit historique. encore toutes les conséquences de cette révé­ RUSSIAN DEFENSE MINISTRY PRESS bre 2005, George W. Bush déclare : « Je vous
W. Bush rencontre son homologue russe en Eté 2001. Vladimir Poutine est président de­ lation. L’heure est à la consolidation inté­ SERVICE/AP apprécie beaucoup, ainsi que votre compré­
Slovénie. Il le regarde dans le fond des yeux, et puis six mois. On apprend à le connaître. Lors rieure. Le pétrole et le gaz vont la faciliter. hension de cette guerre contre le terrorisme.
il dit y voir « son âme ». Une chance rare. d’une conférence de presse remarquée, il af­ Ci­dessus : Alexeï Nous comprenons aussi que nous devons
Vingt et un ans plus tard, fin février 2022, firme que la Russie « ne voit pas l’OTAN comme DÉNI, COMPLOT, REPLI Navalny, opposant œuvrer à arrêter la prolifération des armes
Vladimir Poutine rappelle à l’Europe ce qu’est une organisation hostile ». Poutine envisage En mars 2004, sept nouveaux pays intègrent à Vladimir Poutine, de destruction massive. » Les priorités sont
une guerre en son sein. L’armée russe suré­ même l’hypothèse d’une adhésion de son l’OTAN (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, durant son procès, claires. La Russie n’en fait pas partie, mais
quipée est le bras d’une mission : il s’agit de pays à l’Alliance, ou une participation active Roumanie, Slovaquie, Slovénie), confirmant à Moscou, peut contribuer.
détruire l’Ukraine comme réalité et projet, de aux délibérations. Il ajoute cependant, dans l’extension de l’Alliance atlantique vers l’est, le 20 février 2021. En octobre 2006, l’assassinat de la journa­
pulvériser ses rêves d’émancipation et de ren­ l’éventualité où l’OTAN tournerait le dos à cinq ans après l’adhésion de la Hongrie, de la KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP liste Anna Politkovskaïa à Moscou, puis l’em­
voyer l’Amérique à ses vertiges. Face à l’énor­ Moscou : « Nous continuerons à nous défier les Pologne et de la République tchèque. La voca­ poisonnement mortel au polonium, fin no­
mité de l’offensive, les explications s’entre­ uns des autres, même si je pense que chacun tion historique de l’organisation, assurant une vembre, à Londres, de l’ancien agent russe
choquent, témoignant avant tout de notre in­ comprend à présent que la Russie ne menace sécurité collective à ses membres, se double Alexandre Litvinenko envoient un message
capacité collective à trouver un sens à cette personne. » d’une sorte de visée politique, faite de démo­ en retour : celui d’une impunité de la violence
entreprise dévastatrice. Pourtant, l’histoire de Le 25 septembre 2001, Vladimir Poutine s’ex­ cratisation et d’ouverture. Le Kremlin est qui s’installe en Russie dans l’appareil répres­
ces vingt dernières années, dans les relations prime devant le Bundestag allemand. Deux se­ persuadé de l’existence d’une stratégie de sif. Vladimir Poutine affirme que la mort de Li­
bilatérales entre les Etats­Unis et la Russie, est maines ont passé depuis les attentats islamis­ conquête sournoise dans sa zone d’influence. tvinenko est utilisée comme une « provoca­
riche d’enseignements. Elle n’est pas un arriè­ tes contre le World Trade Center et le Penta­ Or, dans la psyché de l’élite au pouvoir, do­ tion politique par les Européens ». La rhétori­
re­plan, mais le socle même sur lequel gone, aux Etats­Unis. Le président russe a été mine encore l’idée d’un « rouski mir » – un que s’aiguise. Déni, complot, repli. La volonté
l’Ukraine est suppliciée. Elle raconte com­ le premier dirigeant étranger à appeler George monde russe – dont Moscou serait le centre de américaine de déployer des éléments de dé­
ment les incompréhensions ont nourri une W. Bush pour manifester sa solidarité. La Rus­ gravité. Dans cette vue sans frontières, les fense antiaérienne en Europe orientale – non
amertume, puis une hostilité. Comment Vla­ sie dessine un front commun, de la Tchétché­ Etats issus de la décomposition de l’URSS sont dirigés contre la Russie, officiellement – est
dimir Poutine, confronté à cinq présidents nie à Al­Qaida, contre les djihadistes. Elle joue jugés artificiels. Des cabanes en bois. perçue par le Kremlin comme un nouveau si­
américains, a conduit son pays à devenir un un rôle­clé dans la constitution d’une coali­ Les événements en Ukraine attisent cette in­ gne de duplicité. D’autant que ses proposi­
paria du monde. tion internationale. Devant les députés alle­ quiétude. En novembre 2004, la « révolution tions d’arrangements stratégiques bilatéraux
Le pouvoir russe s’est forgé plusieurs mands, Poutine se prétend de son époque : orange » précipite dans la rue une foule nom­ avec les Américains sont rejetées.
convictions, au fil de ces deux décennies. La « Nous ne nous sommes pas libérés de stéréoty­ breuse, protestant contre l’élection truquée de Fin 2007, la Russie suspend sa participation
première concerne l’hypocrisie de l’Occident, pes et de clichés issus de la guerre froide. Mais la Viktor Ianoukovitch. C’est Viktor Ioucht­ au traité sur les forces armées convention­
qui violerait les principes de droit qu’elle veut guerre froide est terminée. » chenko, empoisonné quelques mois plus tôt nelles en Europe (FCE). Elle considère les para­
0123
DIMANCHE 6 ­ LUNDI 7 MARS 2022 géopolitique | 23

Ci­dessus de gauche à droite :


Le 16 juin 2001, à Ljubljana en la secrétaire d’Etat adjointe
Slovénie : première rencontre américaine pour l’Europe, Victoria
entre le chef de l’Etat Nuland, distribue des gâteaux
américain George W. Bush aux manifestants pro­européens,
et Vladimir Poutine, devenu à Kiev, le 10 décembre 2013.
président de Russie un an ANDREW KRAVCHENKO/AFP
plus tôt. TIM SLOAN/AFP Le 6 mars 2009, la secrétaire d’Etat
américaine, Hillary Clinton, offre
au ministre russe des affaires
étrangères, Sergeï Lavrov, un
gadget : un bouton rouge destiné à
effectuer un « reset » des relations
bilatérales entre les deux pays.
FABRICE COFFRINI/AFP
« Non à la guerre », peut­on lire sur
l’affiche déposée par un homme ,
à Moscou le 27 février 2022, là où
l’opposant russe Boris Nemtsov
a été assassiné en 2015.
ALEXANDER NEMENOV/AFP

Ci­contre de haut en bas :


La Géorgie connaît sa « révolution
des roses » en novembre 2003.
SCOTT PETERSON/GETTY IMAGES
Le président américain, Donald
Trump, rencontre son homologue
russe, Vladimir Poutine, à Helsinki,
en Finlande, le 16 juillet 2018.
DOUG MILLS/NYT-REDUX-REA
Vladimir Poutine avec le président
américain Barack Obama,
au sommet du G20 à Hangzhou,
en Chine, le 5 septembre 2016.
ALEXEI DRUZHININ/AFP

En décembre 2011, de grandes manifesta­


tions ont lieu dans les villes russes contre les
fraudes constatées lors des élections législati­
ves. Le spectre des « révolutions de couleur »
laisse ses empreintes dans la neige mosco­
vite. Le pouvoir se crispe, la paranoïa s’accen­
tue. Vladimir Poutine accuse Mme Clinton
d’avoir « donné le signal » aux manifestants,
en parlant de fraudes. En mars, il redevient
président du pays. Avant son entrée en fonc­
tion, deux mois plus tard, la contestation
s’intensifie dans les grandes villes, surtout
dans la capitale. La main de l’Etat s’abat
comme jamais. Le régime vire vers la répres­
sion assumée. Le lien entre la politique étran­
gère, pleine d’amertume et d’esprit de revan­
che et la ligne intérieure autoritaire saute
aux yeux. Pourtant, les Occidentaux auront
longtemps le tort de les distinguer. De même
que le Kremlin rejette toute critique sur
les arrestations d’opposants, il dédouane et
couvre Bachar Al­Assad en Syrie. La Russie
mètres du texte comme dépassés, trop restric­ pas à un « droit de veto », Vladimir Poutine es­ cet impair protocolaire, la volonté de travailler n’accepte plus de normes communes. Pas
tifs, hérités de la guerre froide. Lors d’une in­ time néanmoins que la Russie défend légiti­ ensemble se concrétisera par la signature du question de permettre une répétition du sort
tervention à la conférence de Munich sur la sé­ mement ses « intérêts » en Ukraine, en raison traité New Start sur la réduction des armes réservé à Kadhafi.
curité, en février, Vladimir Poutine avait tenu de la vaste population russophone. Rouski stratégiques, en avril 2010. Le 20 août 2012, devant la presse, Barack
le discours le plus critique envers Washington mir… Il parle d’un « Etat très compliqué ». Quel­ Mais les « printemps arabes » vont à nou­ Obama qualifie l’usage d’armes chimiques
jamais prononcé depuis l’écroulement de ques semaines plus tard, il cède sa place au veau faire passer un frisson à Moscou, cette par le régime Assad contre sa propre popula­
l’URSS. Il dénonçait l’existence d’un « monde Kremlin à Dmitri Medvedev et devient son année­là. Des peuples se révoltent contre des tion de « ligne rouge », une expression que la
d’un seul maître », et son « hyper­usage de la premier ministre. L’espoir d’une ouverture en potentats, en faveur d’élections libres et de Maison Blanche assumera par la suite. Un an
force dans les relations internationales ». Russie s’esquisse. Il fera long feu. droits civiques pleins. En Syrie, la répression plus tard, l’usage de gaz sarin est confirmé
Début août, l’armée russe intervient en sou­ LE RENONCEMENT  s’abat sur les manifestants pacifiques. En par les services américains dans un massacre
LE TOURNANT GÉORGIEN tien des deux régions séparatistes d’Ossétie du DE BARACK OBAMA  Libye, la population de Benghazi est menacée à grande échelle, près de Damas. Pourtant, à
Les trois premiers mois de l’année 2008 vont Sud et d’Abkhazie, contre la Géorgie. Déjà, les par l’armée de Kadhafi. En mars 2011, à la la stupéfaction générale, Barack Obama re­
constituer un virage fondamental dans les re­ autorités russes prétendent qu’un « génocide » À UNE OPÉRATION  surprise générale, la Russie s’abstient au fuse de lancer une opération militaire en re­
lations entre les deux puissances. Le premier est commis contre les populations de ces ré­ Conseil de sécurité de l’ONU lors d’un vote sur présailles. Il accepte l’offre russe de s’occuper
événement est la proclamation d’indépen­ gions et instrumentalisent un principe validé EN SYRIE A FAIT  une résolution autorisant « toutes les mesures du retrait des stocks d’armes chimiques
dance du Kosovo, rejetée par Moscou. Il faut au Conseil de sécurité, celui de la « responsabi­ nécessaires » pour aider la population civile li­ du régime. Ce renoncement à une opération
relire attentivement les propos tenus alors par lité de protéger ». La guerre ne dure que quatre
L’EFFET D’UN  byenne. L’OTAN va prendre les rênes d’une extérieure jugée trop risquée a fait l’effet
Vladimir Poutine. Celui­ci dénonce un « terri­ jours. A son issue, après l’intervention en ur­ ABANDON DE POSTE  opération militaire. d’une reddition américaine, d’un abandon de
ble précédent qui va faire exploser de facto le gence de Nicolas Sarkozy comme médiateur, poste par le « gendarme du monde ». Moscou
système des relations internationales, non pas la Géorgie a perdu 20 % de son territoire. Mal­ PAR LE GENDARME  AVEU DE FAIBLESSE AMÉRICAIN y a vu un aveu de faiblesse et une ouverture à
pour des décennies mais des siècles ». Le prési­ gré le mauvais état de l’armée russe et la taille Pour Moscou, il s’agit d’un dépassement inac­ saisir. Comme si les plateaux de la balance se
dent russe ajoute : « En fin de compte, c’est un très modeste de l’adversaire, cette guerre rem­ DU MONDE.  ceptable de la résolution 1973. Poutine, pour­ rééquilibraient, enfin.
bâton à deux bouts, et le deuxième reviendra portée change la donne sur un plan psycholo­ MOSCOU Y A VU  tant simple premier ministre, se démarque de Lors de la conférence annuelle du Club
pour les frapper au visage. » Message aux diri­ gique et politique. La Russie n’est pas condam­ Medvedev et semble le critiquer en creux pour Valdaï – un forum sur la place de la Russie
geants occidentaux. Ces derniers mettent ça née à subir, à être sur la défensive. La trans­ UNE OUVERTURE  sa faible vigilance. « Tout cela me fait penser à dans le monde –, deux semaines plus tard,
sur le compte de l’hostilité traditionnelle de la gression devient un nectar. l’appel aux croisades à l’époque du Moyen Vladimir Poutine évoque ses propres « lignes
Russie à la guerre au Kosovo. Ils ont tort. Et L’élection de Barack Obama, aux Etats­Unis, À SAISIR Age », dit­il, visant les Etats­Unis, la Grande­ rouges » que sont « la souveraineté de la Rus­
commettent une autre erreur. fait croire à la possibilité d’un rapprochement. Bretagne et la France. La mort de Kadhafi sera sie, l’indépendance et l’intégrité territoriale ».
Vladimir Poutine est invité à Bucarest, début Washington émet l’idée d’un « reset », une re­ pour lui le symbole absolu de l’impunité occi­ Il affirme aussi que l’Union économique
avril, pour participer au conseil OTAN­Russie, lance des relations bilatérales. Moscou pro­ dentale, dont il dénoncera le rôle direct, en rai­ eurasienne, censée séduire les pays voisins,
après le sommet de l’Alliance. A cette occasion, pose de discuter de sécurité dans l’espace son de l’usage de drones contre le convoi du est une « priorité absolue ». La sphère d’in­
le communiqué final formule une promesse : européen. En mars 2009, la secrétaire d’Etat chef libyen. Cette intervention militaire de fluence russe doit être consolidée. Or,
la Géorgie et l’Ukraine sont vouées, un jour, à Hillary Clinton offre à son homologue Sergueï l’OTAN en Libye fera l’objet, comme la guerre l’Ukraine, conduite par le président Viktor Ia­
rejoindre l’OTAN. C’est un compromis vague Lavrov un petit cadeau : un bouton rouge por­ américaine en Irak, d’innombrables rappels noukovitch, compte signer un accord d’asso­
aux yeux des membres, une façon de reporter tant l’inscription « reset » en anglais et « pere­ par le dirigeant russe, au cours des années sui­
la question à plus tard, sans calendrier. Pour grouzka » en russe. Formidable lapsus du tra­ vantes, pour dévitaliser toutes les critiques à
Moscou, c’est une ligne rouge. Ne prétendant ducteur. Le mot veut dire « surcharge ». Malgré son endroit. lire la suite page 24
0123
24 | géopolitique DIMANCHE 6 ­ LUNDI 7 MARS 2022

suite de la page 23
Ci­contre : le 7 janvier 2020,
à Damas, en Syrie, Vladimir
ciation avec l’Union européenne, fin novem­ Poutine rencontre le président
bre 2013. Moscou exerce une énorme pres­ syrien, Bachar Al­Assad, à qui
sion sur le dirigeant, en recourant au chan­ il apporte un soutien militaire
tage au gaz, une pratique récurrente pendant depuis 2015. ALEXEI DRUZHININ/AP
ces années. Ianoukovitch fait volte­face. Fu­
reur de la partie pro­européenne de la so­ A gauche : une délégation des
ciété, qui sort une nouvelle fois dans la rue. La talibans se rend à Moscou, le
révolution de Maïdan, la place centrale de 20 octobre 2021, à l’invitation de
Kiev, commence. Elle va se conclure en fé­ la Russie, pour une rencontre
vrier 2014 par un bain de sang et la fuite du sur l’avenir de l’Afghanistan
président. Parmi les diplomates qui visitent après le retrait américain,
la place se trouve, notamment, Victoria Nu­ en août. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO/AP
land, la secrétaire d’Etat adjointe américaine.
Les photographes la saisissent lorsqu’elle dis­ Ci­dessous : à Bamako, au Mali,
tribue du pain aux manifestants. Une sorte le 19 février 2022, après
de métaphore, pour Moscou, du complot l’annonce par Emmanuel
américain, de sa volonté de détacher Macron quelques jours plus
l’Ukraine de la Russie, de la convertir. Le mot tôt du retrait des troupes
n’est pas usurpé, tant la dimension culturelle françaises, des manifestants
et religieuse importe. soutiennent l’arrivée de merce­
naires du Groupe Wagner, pro­
« RETOUR AU PORT NATAL » che du Kremlin. FLORENT VERGNES/AFP
La débâcle de Ianoukovitch, pour Poutine, est
une réplique, certes moins sanglante mais à
sa fenêtre, de la mort de Kadhafi. Un coup il­
légitime, fomenté de l’extérieur. Les manifes­
tants sont dépeints en nazis. Pas question de
subir. Prenant de court l’OTAN et les Etats­
Unis, la Russie s’empare facilement de la
Crimée, péninsule cédée à l’Ukraine sous
Khrouchtchev, peuplée majoritairement de
Russes. Les Jeux olympiques de Sotchi ont
pris fin. Près de 15 000 hommes sont dé­
ployés sans le revendiquer, et sans affron­
tements réels avec l’armée ukrainienne.
Moscou vient de piétiner le droit internatio­
nal et ses propres engagements vis­à­vis de
l’Ukraine, au regard du mémorandum de
Budapest (1994) : Kiev avait alors abandonné
son arsenal nucléaire en échange de garan­
ties sur sa sécurité. Dans la foulée, un référen­
dum est organisé, la Crimée annexée. Vladi­
mir Poutine se réjouit de son « retour au port
natal ». Une sorte d’euphorie, d’ivresse natio­
naliste, relayée par les médias d’Etat, s’em­
pare de la majorité des Russes. Une affaire
de fierté retrouvée.
Le président russe, lui, se montre très émo­ A la tribune des Nations unies, fin septem­ En juillet 2018, le procureur spécial Robert son déni provoquent une prise de cons­
tionnel dans ses remarques, au­delà de la bre 2015, Vladimir Poutine s’en prend, une Mueller accuse treize membres des services cience, à Paris et à Berlin, hélas bien tardive.
simple rhétorique de justification. Il exprime nouvelle fois, à « l’exportation des révolu­ de renseignement russes (GRU) du piratage Oui, le Kremlin est prêt à tout lancer, ou tout
tout son ressentiment contre l’Occident et tions ». « Au lieu du triomphe de la démocratie des serveurs démocrates. Quelques jours couvrir, si cela sert ses intérêts.
l’Amérique. « Ils nous ont trompés encore et et du progrès, on a eu la violence, la pauvreté et plus tard, Donald Trump et Vladimir Poutine La victoire de Joe Biden à l’élection présiden­
encore, ils ont pris des décisions dans notre le désastre social », prétend­il. Quelques jours se retrouvent à Helsinki, en tête à tête, sans tielle américaine replace, face à Moscou, un
dos », dit­il. Poutine cite notamment l’expan­ plus tard, la Russie s’engouffre dans le vide re­ témoins. Leur conférence de presse est lu­ interlocuteur démocrate classique, croyant
sion de l’OTAN vers l’est, qu’il juge contraire latif laissé par les Etats­Unis au Moyen­Orient. naire. Le président américain lâche alors, au dans les vertus du lien transatlantique. « Pou­
aux promesses orales faites à Mikhaïl Gorbat­ Elle accentue son opération de sauvetage du sujet des soupçons de ses propres services tine est­il un tueur ? », demande­t­on à l’élu, à
chev, et le déploiement d’infrastructures mi­ régime Assad en Syrie. Avec l’Iran et son sous­ sur les ingérences russes : « Le président Pou­ la télévision. « Oui, je le crois. » La rencontre
litaires aux frontières de son pays. Il rappelle, traitant, le Hezbollah libanais, la Russie em­ tine dit que ce n’est pas la Russie. Je ne vois entre les deux dirigeants à Genève, à la mi­
évidemment, le Kosovo et l’épisode libyen, et ploie ses capacités aériennes et des bombarde­ aucune raison pour laquelle ce serait elle. » juin, traduit néanmoins, croit­on alors, une
remonte l’histoire, siècle après siècle, appe­ ments indiscriminés – crimes de guerre avé­ Complaisance personnelle, incompréhen­ volonté pragmatique d’avancer ensemble sur
lant Kiev « la mère de toutes les villes russes ». rés, une nouvelle fois – pour favoriser la recon­ sion entre Etats. En parallèle se développent quelques sujets en commun.
Celui qui dénonçait les « croisades » de l’Occi­ quête. La lutte contre le terrorisme n’est qu’un une course aux armements et un délitement Le nouvel élu à Washington ne jouit d’aucun
dent semble s’en inspirer, par effet miroir. prétexte. Cette capacité de projection dans un de toute l’architecture des traités dans ce do­ état de grâce. L’assaut contre le Capitole par
Après la stupeur initiale, Américains et Euro­ conflit lointain n’est pas seulement le fait de POUTINE PENSE  maine. En 2019, avec un préavis de six mois, les partisans de Trump, en janvier 2021, puis le
péens réagissent. Mais ils ont subi toute la sé­ l’armée russe, mais aussi d’un groupe privé, lié EN TERMES  les Etats­Unis se retirent du traité sur les for­ retrait chaotique d’Afghanistan, en août, sont
quence et le rouleau compresseur de la désin­ au Kremlin : les mercenaires de Wagner. Ses ces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), deux reflets puissants des vulnérabilités amé­
formation russe, et laissent s’installer dans le métastases vont se répandre dans des pays CIVILISATIONNELS.  en raison des violations répétées de la Russie. ricaines. Bien reçues à Moscou, et non sans sa­
Donbass ukrainien un mouvement sépara­ africains, par la suite. Et puis, il y a le champ cy­ L’unilatéralisme de Donald Trump déroute tisfaction. Ces images ont confirmé la grille de
tiste instrumentalisé par Moscou. Les sanc­ ber, où la Russie avance masquée. IL CROIT À UNE  parfois Moscou, habitué à des présidents lecture géopolitique du Kremlin : la chute de
tions économiques décidées ne sont pas mas­ américains aux positions normées et prévisi­ l’Amérique offre des ouvertures aux puis­
sives et paraissent trop échelonnées. Elles ATTAQUES DE HACKEURS
DÉCRÉPITUDE  bles. On l’observe à nouveau avec le retrait sances audacieuses. L’absence d’interactions
s’intensifient en juillet, lorsqu’un Boeing de la En juin 2016, la campagne présidentielle bat INÉLUCTABLE DE  des Etats­Unis de l’accord sur le nucléaire ira­ directes entre dirigeants, en raison de la pan­
Malaysia Airlines est abattu par un missile tiré son plein aux Etats­Unis. On apprend alors nien, rare succès récent du multilatéralisme. démie de Covid­19, solidifie les certitudes
par les séparatistes. Joe Biden, alors vice­prési­ que les serveurs du Comité national démo­ L’OCCIDENT,  En juin 2019, Vladimir Poutine accorde un idéologiques. Face à une Amérique fracturée,
dent, en conservera un souvenir cuisant. Ces crate ont été piratés. Les soupçons se portent entretien au Financial Times. « La pensée libé­ affaiblie, dirigée par un président prévisible et
derniers mois, toute la stratégie de son admi­ sur des hackeurs russes. Le 22 juillet, trois SUR LE PLAN DE  rale est devenue obsolète », lance­t­il, ne bou­ âgé, l’appétit russe grandit, encore.
nistration face à la menace russe s’est bâtie en jours avant l’ouverture de la convention dé­ L’INFLUENCE ET  dant pas son plaisir. L’intervention militaire On a beaucoup prêté aux Russes une inventi­
opposition avec les choix faits sous Obama : mocrate qui désignera Hillary Clinton en Syrie est une réussite, opérationnelle et vité folle. Mais ce sont surtout les faiblesses
anticipation, dénonciation publique, sanc­ comme candidate, le site WikiLeaks publie DES VALEURS politique. L’Europe se débat avec les répliques européennes et américaines qui ont été crian­
tions à portée de main. près de 20 000 courriels internes. Ils mon­ de la crise des migrants et la montée des po­ tes, marquées par un refus d’affronter de face
Le 5 septembre 2014 sont signés les accords trent, notamment, que les cadres du parti ont pulismes. Les Etats­Unis sont devenus un les ambitions de Moscou. Quant à la propa­
de Minsk, visant à normaliser la situation voulu favoriser l’ancienne secrétaire d’Etat champ de bataille. Donald Trump néglige et gande, l’usage éhonté du mensonge et de la
dans le Donbass. La Russie a réussi à s’impo­ par rapport à Bernie Sanders. Au cours des humilie les alliés traditionnels de Washing­ manipulation, c’est le propre de tous les régi­
ser avec duplicité : fausse médiatrice, elle dé­ mois suivants, qui vont conduire à la victoire ton et apprécie la compagnie des autocrates. mes autoritaires et dictatoriaux, qui se nour­
ploie les séparatistes comme un marionnet­ de Donald Trump, la communauté du rensei­ Poutine pense en termes civilisationnels. Il rissent de l’adversité réelle ou inventée pour
tiste. L’Allemagne et la France vont s’em­ gnement acquiert la conviction que la Russie croit à une décrépitude inéluctable de l’Occi­ raffermir leurs fondations. De même, on a
ployer à la tirer par la manche, pour la a lancé une déstabilisation à fronts multiples dent, sur le plan de l’influence et des valeurs. beaucoup insisté sur l’arsenal balistique et nu­
convaincre de baisser l’intensité du conflit. pour que le milliardaire devienne président. cléaire dont dispose la Russie, il est vrai inquié­
Il fera 14 000 morts au total. La Russie ne lâ­ Il reste difficile, à ce jour, de mesurer avec « SUBIR, C’EST FAIBLIR » tant, à commencer par les missiles hypersoni­
chera rien. Le Donbass est un instrument de exactitude le rôle que Moscou a joué en Le conflit dans le Donbass ukrainien est à ques dernier cri. Mais l’opération en Ukraine
déstabilisation à long terme de l’Ukraine, faveur de Donald Trump, dont la victoire moitié gelé. Il peut être réchauffé, si néces­ laisse planer des doutes sur l’excellence de
conçu pour la priver de tout espoir de norma­ répond surtout à des ressorts sociaux et éco­ saire. La Russie estime que Kiev ne remplit pas cette armée, sur le plan organisationnel.
lisation. Paris et Berlin fermeront les yeux nomiques intérieurs. ses engagements, dans le cadre des accords Ces dernières années, c’est l’effacement de
sur cette évidence, faute d’autre solution. Ils En raison de la suspicion permanente qui de Minsk. Le sommet à Paris au « format Nor­ la distinction entre guerre et paix, la capacité
n’obtiendront pas grand­chose en échange. pèse sur le nouveau président dans ses rap­ mandie » réunissant Russie, Ukraine, Allema­ des Russes à s’engager dans les zones grises,
Fin février 2015, l’ancien vice­premier ports avec Moscou, rien de constructif ne gne et France, avec le nouveau président les interstices, qui ont longtemps déstabilisé
ministre Boris Nemtsov, qui préparait un rap­ se produit dans la relation bilatérale. Au Volodymyr Zelensky, en décembre 2019, ne les Occidentaux, perpétuellement sur la dé­
port sur l’implication russe dans le Donbass, contraire. Les listes des sanctions contre la donne lieu qu’à de petits gestes symboliques. fensive. Ce n’est plus le cas. Le front commun
est abattu à deux pas de la muraille du Russie – ses personnalités et ses entreprises – Sur le fond, Moscou voit plus grand, à l’échelle des Etats­Unis et des Européens face à la
Kremlin. En mars, la Russie suspend ses activi­ s’étoffent. En février 2018, dans sa revue de de l’histoire. Or, plus le temps passe, et plus guerre en Ukraine est d’une intensité, d’une
tés dans le cadre du traité sur les forces armées posture nucléaire, l’administration améri­ Kiev semble s’ancrer à l’ouest. Les Américains, vigueur sans précédent. Les sanctions qui
conventionnelles en Europe (FCE), qui avait caine note que « la Russie considère les Etats­ depuis 2014, ont lancé un vaste programme frappent Moscou, inédites. La Russie rêvait
été signé entre les membres de l’OTAN et ceux Unis et l’OTAN comme les principales mena­ d’assistance sécuritaire, au profit de ce pays. de revanche historique. Elle est seule, isolée,
du pacte de Varsovie, en 1990. Un nouveau pi­ ces pour ses ambitions géopolitiques contem­ « Subir, c’est faiblir. » Ainsi s’énonce le mantra menacée d’un effondrement économique. A
lier du contrôle des armements s’écroule. poraines ». Quelques semaines plus tard, à de la Russie poutinienne. sa tête se trouve un homme plein d’amer­
Mais l’Amérique a besoin de la Russie dans un Salisbury (Grande­Bretagne), l’ancien agent En août 2020, l’opposant russe Alexeï Na­ tume et de mots acides, dont la paranoïa ne
autre dossier multilatéral, les négociations sur double Sergueï Skripal est victime d’un valny est victime d’un empoisonnement semble plus être un exercice rhétorique. Un
le nucléaire iranien. Une priorité absolue pour empoisonnement avec un neurotoxique, avec un agent neurotoxique de type Novit­ homme de 69 ans qui avait promis à son peu­
l’administration Obama. Le Joint Comprehen­ le Novitchok. Le choc est puissant en Europe, chok. Un dramatique feuilleton commence ple la stabilité et la renaissance et lui offre
sive Plan of Action (JCPoA) est signé en juillet. le sentiment d’impunité habite les services alors autour de sa santé. Il finit par être éva­ aujourd’hui une guerre injustifiable. Elle res­
Moscou apprécie cette séparation des dos­ russes. Le déni de Moscou est total, tandis cué vers l’Allemagne. Non seulement Moscou semble à une bombe posée sous son propre
siers, qui vire parfois à la schizophrénie. Les que les expulsions de diplomates se multi­ nie la tentative d’assassinat, mais il s’enve­ fauteuil. On ignore la longueur de la mèche. 
Américains mettront du temps à l’intégrer. plient, de part et d’autre. loppe dans des mensonges épais. Le crime et piotr smolar

Vous aimerez peut-être aussi