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MAX H

08/04/14
DROIT PUBLIC : LE MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC : OBLIGATION OU PRÉTEXTE ?

L’adage « Ubi societas ibi jus » affirme, de manière intemporelle, que dans chaque société il
y a du droit. En élargissant cette pensée, il est clairement visible que l’homme dans le passé,
soumettait déjà la vie en société à des règles. Certes, ces règles diffèrent de celles que l’on trouve
aujourd’hui ; effectivement un conflit entre deux hommes trouvaient souvent une issue brutale,
voire sanguinaire (le prix du sang : wergeld) ; mais cela prouve bien que pour encadrer les libertés
de chacun, des règles communes furent insaturées. C’est l’essence même de la vie en société.
Actuellement, ces règles régissant la vie en société, ces règles atténuant certaines libertés
individuelles pour mieux protéger les libertés communes, s’appréhendent comme étant la notion
même d’ordre public. L’ordre public en droit public français, peut se définir par trois principes : la
sécurité publique, la tranquillité et la salubrité publique. C’est en préservant ces trois critères
généraux que l’ordre public sera maintenu.
Cependant, le maintien de l’ordre public est une prérogative de puissance publique, l’Etat
peut donc tout mettre en œuvre pour le préserver. Dès lors qu’il justifiera telle ou telle mesure
comme intrinsèquement lié au maintien de l’ordre public, cela pourra devenir un possible prétexte
à une plus grande domination étatique, à une censure grandissante de l’Etat envers sa population.
Mais alors, le maintien de l’ordre public se trouve-t-il être une réelle obligation de l’Etat, ou
n’est-ce qu’un simple prétexte à l’élargissement de sa domination, de sa puissance ?
Il convient alors de s’attacher à décrire ici, d’une part la notion contemporaine d’ordre
public et la mise en œuvre de ce dernier (I) ; puis, d’autre part, le nécessaire maintien de celui-ci
(II).

I) La notion contemporaine d’ordre public et la mise en œuvre de son maintien

L’ordre public fut soumis à quelques évolutions, notamment du fait de la jurisprudence abondante
en cette matière (I). En vue du maintien de ce dernier, deux services de polices se distinguent en
France (B).

A) Les généralités de la notion d’ordre public

Comme précédemment expliquée, la notion d’ordre public entend la préservation de la


sécurité publique, de la salubrité publique, et de la tranquillité publique. Le maintien de l’ordre
public sous-entend donc la protection de ces éléments, et ce, dans un but de garantir les libertés
individuelles de chacun.
Cette prérogative d’ordre public dans une ville est confiée au maire. Ce dernier dispose donc
de pouvoirs de police. Ainsi, en vue de maintenir l’ordre public dans sa ville, il a la possibilité de
prendre des mesures interdisant telle activité nuisant, selon lui, à l’ordre public. Cependant, il se

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trouve que parfois, certaines de ces mesures se trouvent être bien trop liberticides. C’est ainsi
qu’en 2008, la Cour administrative d’appel de Douai a annulé un arrêté pris par la commune de
Boulogne Sur Mer. En l’espèce, ledit arrêté interdisait la mendicité dans l’enceinte du centre-ville,
or le maire, sur motif de tranquillité public, été désireux de faire cesser ceci.
Il est donc clairement visible qu’un contrôle des mesures prises est nécessaire. De plus,
l’évolution de la notion même d’ordre public consacre une nouvelle caractéristique, que René
Chapus qualifie de « moralité ». Vient donc s’ajouter, à nos trois précédents critères, une
composante immatérielle. Pour exemple, en 1995 la commune de Morsang-Sur-Orge prend un
arrêté interdisant un spectacle de lancer de nain (à bien entendre comme la personne humaine
atteinte de nanisme) sur le territoire de son ressort. Arrêté jugé valable par le Conseil d’Etat, au
motif que la dignité humaine est, certes un critère immatériel, mais nécessairement préservable
au vue du maintien de l’ordre public.
Cependant, il convient de distinguer deux possibilités de maintien de l’ordre public. En effet,
deux services de polices en ont la charge.

B) Deux types de police administrative au service de l’ordre public

En effet, le maintien de l’ordre public est une mission effectuée par deux types de services : la
police judiciaire, et la police administrative.
La police administrative a cependant une tache distinguable de celle de la police judiciaire. En
effet, la première revient à un contrôle de l’administration et de ses activités. Le maire ou le préfet
détiennent ces pouvoirs de polices administratives. En revanche, la police judiciaire développe une
optique plutôt répressive. Elle veille à l’application, au mot, de la loi pénale par les citoyens de
l’Etat. C’est elle qui aura pour mission de faire respecter les, si critiquées, limitations de vitesses ;
elle devra également sanctionner toute personne étant infracteur ; de même qu’elle devra
protéger les citoyens en cas de danger imminent. La distinction fondamentale réside en ce que la
police administrative ne réprime pas, elle agit a priori, c’est un devoir, une mission de prévention.
C’est d’ailleurs en ce devoir de prévention qu’un maire peut interdire des spectacles sur le
territoire de sa commune ; et ce dans le but d’éviter les troubles à l’ordre public (confirmation
d’une mission a priori et non a posteriori). L’exemple de l’arrêt dit de Morsang-Sur-Orge peut être
re-cité ; mais également, l’arrêt, rendu en 1959, « Société des Films Lutetia ». En l’espèce, un
maire voulait faire interdire la projection du film « Le feu dans la peau » qu’il jugeait comme allant
provoquer un trouble à l’ordre public dans sa ville de Nice (Provence Alpes Côte d’Azur). Ce
dernier a cependant obtenu le visa de projection émanant du Ministère de la Culture, posant alors
un litige. Le Palais Royal tranche alors en faveur de la Ville de Nice, et ce dans ce même but de
maintien de l’ordre public.
Cependant, ce contrôle permanent, mais souvent sujet aux critiques et débats, peut s’avérer
être un trait dangereux.

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II) Un maintien nécessaire, mais dangereux

Il apparait évident que dans un Etat de droit, Etat rédacteur de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC, 1789, énonçant tout un ensemble de droit naturels
individuels et les conditions de leur mise en œuvre), le maintien de l’ordre public est nécessaire,
voire même obligatoire (A). Tout en restant, in fine, une notion ambiguë et parfois dangereuse en
son application (B).

A) Le nécessaire maintien de l’ordre public

Il est normal, et légitime, que pour garantir une vie en société des plus normales et
respectables, il faut que celle-ci soit réglementée. Pour une plus grande liberté générale, il faut
parfois restreindre les libertés individuelles. Rousseau parlait au XVIIIe siècle de la nécessité d’un
« contrat social » (Du contrat social ou Principes du droit politique, Jean-Jacques Rousseau, 1762)
pour vire en communauté ; un contrat passé entre les citoyens et l’Etat.
C’est donc en contrôlant l’ordre public, en le maitrisant que l’homme trouve sa plus grande
liberté ; en effet, aux termes de l’article 4 de la DDHC « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce
qui ne nuit pas à autrui ». Ce qui impliquerait en droit administratif français : «la liberté de dire ou
de faire ce qui n'est pas contraire à l'ordre public ou à la morale publique ». Les mesures de police
administrative ou judiciaire seraient donc justifiées par ces divers préceptes. Cependant, comme le
souligne le Commissaire de Gouvernement Corneille pour l’arrêt Baldy (CE, 10 Aout 1917) : « la
liberté est la règle, les mesures de police l’exception ». Les mesures de police ne doivent être
prises qu’en dernier recours, s’il est possible d’agir différemment, alors la mesure de police n’a pas
lieu d’être. Ce principe est affirmé par l’arrêt Benjamin de 1933 (CE, 19 Mai 1933) mais aussi par
l’arrêt dit « Soupe au Cochon » de 2007.
Le maintien de l’ordre public apparait donc comme obligatoire dans un Etat de droit, même si
les mesures de police ne doivent être qu’un dernier recours et non u moyen de coercition
permanent. La dangerosité du maintien de l’ordre public transparait quelque fois, et c’est en ça
que la notion même pourra évoluer.

B) La dangerosité du maintien de l’ordre public

Le maintien de l’ordre public peut parfois alimenter ou faire naître des conflits nationaux. C’est
par exemple le cas d’une affaire devenue trop politique en 2013.
En l’espèce, le comédien Dieudonné Mbala Mbala donne fréquemment des représentations.
Cependant, après de probables injures et provocations antisémites et xénophobes (notamment la

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mise en lumière du geste de la « quenelle »), un préfet décide l’interdiction de son spectacle.


Sommes toutes, ce conflit se résumerait, a priori comme étant identique à celui issu de l’arrêt
Société des films Lutetia. Ce qui ne fut pas le cas.
Le problème étant ici l’ampleur de l’affaire. En effet, le ministre de l’intérieur (à cette époque,
M. Manuel Valls) s’en étant mêlé, les médias en firent un sujet prioritaire. En effet, ledit ministre
avait fait circuler une ordonnance demandant la non tenue des divers spectacles de Dieudonné.
Cette politisation et médiatisation trop rapide de l’affaire firent apparaitre de nombreuses
vagues de contestations. Ce qui aurait pu avoir pour conséquence un trouble à l’ordre public
probablement supérieur à celui provoqué par la tenue d’un spectacle de l’artiste. Cependant, il
apparait évident de reconnaitre que des possibles injures antisémites durant un spectacle ne
peuvent être admise ; ce qui justifie la colère de la Ligue des Droits de l’Homme et celle du
Ministère de l’intérieur.
Apparait donc ici une des limites de l’obligation de maintenir l’ordre public. En plus de pouvoir
se révéler dangereux pour les citoyens s’il est trop coercitif, le contrôle de celui-ci peut avoir un
effet inverse, il peut provoquer des tensions au lieu de les éviter. Tensions, qu’elles soient
politiques, culturelles ou religieuses, qui pourraient avoir de grave conséquences quant à la
stabilité politique et quant à la notion même d’ordre public.

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