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PRATIQUE CLINIQUE
Importance
de la démarche
diagnostique
dans le traitement
des douleurs oro-faciales*
J.N. GODEFROY
Ex Assistant Hospitalo-universitaire, Laboratoire de
Physiologie de la manducation de Paris 7
Y. BOUCHER
Maître de Conférences-Praticien hospitalier, Service
d’Odontologie de l’Hôtel Dieu, UFR d’Odontologie
et Laboratoire de Physiologie de la manducation
de Paris 7
Les douleurs orofaciales peuvent, à la suite d’un
examen clinique approfondi, être classées selon
leur mécanisme d’apparition.
La démarche proposée, appelée à évoluer avec
la progression des connaissances, permet au
clinicien de déboucher sur des stratégies théra-
peutiques plus efficaces.
(*) Voir 1ère partie dans l’ID n° 24 du 14 juin 2000
Les douleurs orofaciales sont parfois très difficiles à dia- Examen clinique
gnostiquer du fait du nombre important de structures Il doit être fait de façon rigoureuse, en examinant succes-
corporelles (cutanées, muqueuses, musculaires, viscé- sivement l’état général du patient, puis les conditions
rales, glandulaires, osseuses, dentaires, vasculaires, ner- locales (fig.2).
veuses…) présentes dans cette région. La richesse et la D’un point de vue général, sans réaliser un véritable exa-
complexité de l’innervation oro-faciale font que les dou- men neurologique dont nous n’avons pas la compétence,
leurs y sont fréquentes. Elles peuvent donner lieu à des il est utile d’évaluer certains paramètres comme la vision
manifestations très variées, allant du simple inconfort à ou l’audition. Certaines douleurs oro-faciales sont en effet
des douleurs intolérables. Elles peuvent s’exprimer diffé- d’origine oculaire ou auditive.
remment selon les individus. Elles peuvent être ressen- L’examen postural peut également fournir des indications
ties dans des zones différentes de la source du message utiles. Il faut en effet regarder l’équilibre des ceintures sca-
douloureux. pulaires et pelviennes dans le plan frontal, la position de
Pour établir un diagnostic précis, il est donc important la tête dans le plan saggital, afin d’évaluer d’éventuelles
d’adopter une méthodologie rigoureuse permettant contractions musculaires pouvant engendrer des douleurs
d’identifier l’origine des douleurs. Dans un article consa- référées. L’examen de la mobilité cervicale fournit des
cré au problèmes méthodologiques d’évaluation de la informations sur d’éventuels problèmes arthrosiques et
douleur, nous avions conclu à la nécessité de conduire incite la demande d’un bilan rhumatologique.
soigneusement la consultation, selon une méthodologie L’examen orofacial portera sur les structures buccales,
précise. L’objectif de cette consultation est capital. Il mais également sur les tissus péribuccaux et la musculatu-
s’agit d’établir la localisation et la structure d’origine de re faciale. L’aspect des dents et des muqueuses, la présen-
la douleur afin de la comprendre, de la classer dans une ce de lésions apparentes ou de modifications de colora-
catégorie, et de définir ainsi la pathologie. Cet article tion orientent le plus souvent vers une pathologie dentai-
reprend dans une large mesure l’attitude proposée par re. Sachant que les douleurs orofaciales les plus fré-
Okeson (1995). Le lecteur peut se référer utilement à quentes sont d’origine dentaire et parodontale, il est sage
cette source pour des informations plus approfondies. d’exclure ces causes avant de rechercher une autre origi-
Des tableaux récapitulatifs recensant les points impor- ne. La percussion des dents, la palpation des tissus muco-
tants sont proposés de façon à guider le praticien dans gingivaux, d’éventuelles indurations sont autant de ren-
sa démarche. seignements précieux pour l’élaboration du diagnostic.
Les douleurs d’origine musculaire arrivent en deuxième
Localisation de la douleur
Démarche diagnostique
et identification de son origine
Plainte principale
Evaluation de la douleur • localisation • facteurs aggravants
La douleur doit être localisée et décrite le plus précisé- ou modifiants
ment possible au cours d’un interrogatoire minutieux et • déclenchement
- facteurs associés - modalité physique
bien conduit. Elle doit être décrite d’un point de vue qua-
- progression - fonction ou para
litatif et quantitatif, en utilisant les outils d’évaluation. La
fonction
date de son apparition, les circonstances de son déclen-
• caractéristiques - sommeil
chement, ses caractéristiques, les facteurs aggravants
- intensité - médications
et/ou les facteurs modifiants ainsi que les traitements - qualité - stress
antérieurs doivent être notés (fig.1). Les relations de la - décours temporel • traitements antérieurs
plainte principale avec d’autres plaintes doivent égale- fréquence, durée • relations avec d’autres
ment être recherchées. plaintes
Toutes ces informations doivent être consignées sur la fiche du - symptômes associés
patient. Après l’interrogatoire, la situation doit déjà être clari- - paroxysmes ?
fiée : en effet, les indications fournies par le patient suffisent
parfois à établir un diagnostic que les examens cliniques et
complémentaires vont seulement confirmer. C’est seulement Fig. 1 - Description schématique de la démarche à suivre pour
après cette étape que l’examen clinique doit être conduit. identifier la plainte principale
Fig. 3 - Description schématique des éléments principaux Fig. 4 - Eléments permettant de reconnaître une douleur
permettant d’identifier les douleurs chroniques secondaire (référée) par rapport à une douleur primaire
les grandes catégories de douleur et les mécanismes opé- d’ores et déjà l’intégrer à notre démarche diagnostique. Les
rant pour produire ces différentes douleurs (fig. 7). auteurs rappellent également que la douleur ne survient
Essentiellement fondée sur les avancées récentes en neu- pas indépendamment dans le cerveau et que la contribu-
rophysiologie, cette démarche est intéressante dans la tion des facteurs psychiques à la perception de la douleur
mesure où elle permet au clinicien confronté à la douleur
doit faire partie intégrante d’une classification basée sur le
de poser les questions suivantes : les afférences primaires
mécanisme. La classification proposée est donc appelée à
sont-elles sensibilisées ? Y a-t-il des décharges neuronales
aberrantes dans le neurone sensitif primaire ? Y a-t-il une évoluer avec la progression des connaissances.
participation sympathique ? Y a–t-il une sensibilisation du
système nerveux central ou une désinhibition ? (voir
article suivant). La réponse à ces questions doit permettre
de déboucher sur des stratégies thérapeutiques plus effi- Ce qu’il faut retenir
caces. Pour traiter les douleurs neuropathiques par • L’interrogatoire est essentiel. Il doit permettre
exemple, il faut utiliser des thérapeutiques combinées, en de préciser les caractéristiques de la douleur
bloquant les activités neuronales ectopiques avec des blo- • L’examen clinique complète l’interrogatoire
quants calciques, la sensibilisation centrale avec des blo- • L’arbre diagnostique permet de s’orienter parmi
quants des récepteurs aux acides aminés excitateurs de les différentes catégories de douleurs. Une clas-
type NMDA, augmenter les contrôles inhibiteurs avec des sification des douleurs basée sur le mécanisme
antagonistes 2 et la composante sympathique avec des mis en œuvre a été proposée pour pallier les
antagonistes adrénergiques, selon les mécanismes opéra- limites des classifications basées sur l’anatomie
tionnels dans le syndrome considéré. et l’origine de la douleur
Cette base de travail paraît prometteuse et nous pouvons
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