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1
PRELIMINAIRES.
Le mariage est un phénomène naturel qui n’échappe à la vie de personne. On est membre
d’une famille, donc issu d’une union matrimoniale.
Le mariage, dans un sens général, est l’union légitime de l’homme et de la femme pour former
une communauté corporelle et spirituelle durable2.
Le mariage chrétien en effet est un sacrement dans lequel deux personnes nubiles de sexe
différent s’unissent en vue de PROCREER et d’ELEVER une postérité, pour former, par un
consentement mutuel, une communauté de vie sans partage, et reçoivent la grâce pour remplir les
devoirs particuliers à leur état3.
« Par le sacrement du mariage, les époux se préparent au salut en vivant l’amour qui est la base
de ce sacrement, l’amour qu’ils se manifestent entre eux (horizontal), et l’amour à Dieu
(vertical). L’amour qui conduit au sacrement du mariage n’est pas seulement amour naturel, mais
un signe de foi. Au nom de cette foi, les époux sont appelés à transcender l’aspect matériel (ou
sociologique) du mariage, pour tendre vers Dieu qui est immatériel »4.
Le mariage n’est pas une institution humaine, mais divine. Pour nous en convaincre, nous ferons
un recours régulier à l’Ecriture Sainte et aux données théologiques. Grace à celles-ci, nous
démontrerons la sacramentalité du mariage qui est un mystère du salut. Appartenant à un milieu
culturel précis, nous ferons un survol sur le mariage traditionnel Africain. Ce survol nous
permettra de faire un petit rapport entre le culturel et le religieux.
2
I.1. L’EVOLUTION DU MARIAGE DANS L’ANCIEN TESTAMENT
Abraham et Isaac n’ont qu’une épouse en titre. Dans le code de Hammourabi (vers 1700), un
homme ne peut prendre une seconde femme que si la première est stérile. L’homme perd ce droit
si celle-ci lui fournit une esclave concubine, enfin de s’assurer une descendance légale (Gn 16, 1-
2) ; le mari garde le droit de prendre une seconde concubine (Gn 25, 1-5 ; Gn 22, 20-24).
Au stade suivant, Jacob a deux épouses qui lui fournissent chacune une concubine pour accroitre
leur postérité (Gn 29, 15 ; 30, 24) et Esau a même trois épouses (Gn 26, 34 ; 28, 9). Ces
dispositions du droit s’expliquent par l’importance reconnue à la fécondité de la femme et à la
descendance en ligne masculine, pour assurer la perpétuité de la race et la transmission de
l’héritage.
La coutume du lévirat pourvoit au cas extrême ou un homme est mort sans descendance… C’est
un devoir sacré pour ses frères et ses parents proches de lui en susciter une (Gn 38, 6-10), d’où la
polygynie. De cette pratique résident quelques difficultés : Gn 16, 3-6 ; 21, 8-14 ; Mais le bien de
la race est plus important que ces inconvénients mineures. Dans l’éthique sexuelle, épouse et
concubine ont des droits et des devoirs déterminés, mais l’homme garde une grande liberté
d’action. Seul l’homme prend l’initiative en matière de mariage : la femme fait l’objet d’un
contrat entre son futur mari et son père ou son successeur (Gn 24, 58). Le mari porte le titre
significatif de Ba’al (propriétaire).
Les diverses codifications du droit mosaïque partent de ce droit coutumier pour l’adapter aux
besoins d’une société en voie d’évolution. Trois points peuvent être relevés ici :
Les deux listes d’interdits recueillis par le Lévitique 18, 6-23 et 20, 9-21 (contre inceste et
adultère) reflètent la situation du droit religieux vers la fin de la monarchie. On constate de
nombreuses interdictions ayant trait à l’inceste ; dans une société où l’endogamie reste un idéal
traditionnel, il s’agit de protéger la parenté la plus proche. Le droit a évolué dans un sens
restrictif : tandis que le père de Moise avait épousé sa tante (Ex 6, 20) et Abraham sa sœur de
père (Gn 20,12) ; maintenant il se sera honteux pour un homme de découvrir la nudité de sa
mère, de sa sœur, sa fille, sa tante, sa belle-fille, deux sœurs à la fois…
I.1.2.b) La polygynie
3
La législation écrite est peu explicite. Le code de l’alliance (Ex 21, 7-8) ne traite que du cas de la
fille vendue comme servante par son père, afin de fixer ses droits et les conditions de son rachat.
Au temps des juges, un simple propriétaire pouvait en avoir deux (1Sam, 1, 2) ou plusieurs au
temps des Rois; on voit s’accroitre le harem royal, soit pour assurer la puissance de la maison du
roi (2 R 10), soit pour satisfaire ses plaisirs (1 R 11, 2-3). Dans ce contexte, le problème des
époux étrangères peut se poser avec acuité, sur un plan spécifiquement religieux: on le constate
dans le cas de Salomon (1 R 11, 5-8) et dans celui d’Achab (1 R 18, 4 ; 19, 14). C’est dans cette
perspective que le Deutéronome, tout en avalisant la bigamie simultanée (Dt 21, 15-17) et
l’union avec les femmes capturées lors d’une guerre (Dt 21, 10-14), réagit fortement contre la
polygamie royale (Dt 17, 17).
En fait, il est certain que des facteurs économiques restreignaient une pratique de ce genre à un
petit nombre d’homme : riches et hauts placés. La polygynie contribuait à accuser la différence
entre les classes sociales en un temps ou Amos s’en prenait aux bourgeoisies de Samarie (Am 4,
1-3) et Isaïe à celle de Jérusalem (Is 3, 16-24). L’idéal de l’ancienne famille patriarcale était la
Progéniture.
I.1.2.c) Le divorce
Le Deutéronome n’en parle que (24, 1-4) pour interdire la reprise d’une épouse répudiée et
remariée, sans beaucoup préciser le motif qui pouvait le justifier. En générale, on peut dire qu’il
s’agit d’une régulation des coutumes orientales en vue d’une adaptation à l’organisation
économique et sociale de la famille juive et aux impératifs essentielles de la foi au Dieu Unique
dont Israël est le peuple particulier. La tradition de deux morales, différentes pour les homes et
les femmes, s’y maintient fortement. La notion d’adultère ne se comprend du côté de l’homme
que s’il l’aise les droits d’autrui ( Dt 22, 22 ; Lv 20, 10). La défense de l’institution est portée sur
un plan social plus que celui de la morale sexuelle. L’idée du mariage comme accord conclu
entre deux partenaires égaux sur la base de leur amour mutuel semble absente même si, en
pratique, l’amour pouvait jouer un rôle, notamment dans le petit peuple ou le mariage monogame
était prédominant.
Le récit « Yahviste » de la création (Gn 2) donne à l’acte créateur de Dieu une cadre
paradisiaque, qui lui permet d’esquisser une vue idéale du dessein de Dieu sur le genre humain.
L’auteur, bien qu’il écrivait dans un milieu où la polygamie, le concubinat, le divorce… sont
également admis, montre l’humanité appelée à l’existence sous la forme d’un couple (Gn 2, 18-
24). De ces passages, nous pouvons au moins retenir les points suivants :
4
- L’homme s’attache à sa femme = expression qui désigne l’affection familiale (Rt 1, 14 ;
2, 23) et l’amour sexuelle (Gn 34,3) ;
- Il quitte son père et sa mère = affirme l’autonomie du couple ;
- Sa femme et lui deviennent une seule chair = l’union charnelle est un signe d’union ou
l’être entier est engagé.
Chez l’historien sacerdotal (Gn 1, 27), l’aspect interpersonnel du rapport entre les sexes est
beaucoup moins marqué. Il est vu exclusivement sous l’angle de la fécondité, qui est le signe
essentiel de la bénédiction divine. La parole créatrice de Dieu féconde la valeur de l’amour
charnelle. Le texte rejoint par-là les préoccupations de l’ancien droit familial où la polygamie
était reconnue illicite. Toutefois, d’une part, le récit de la création n’y fait pas allusion ; d’autres
parts, dans le récit du déluge, Noé et ses fils n’auront qu’une épouse (Gn 6, 18), comme si la
polygamie s’était introduite plus tard, au cours d’un développement culturel grevé par le péché.
Plusieurs images vont exprimer l’Alliance entre Dieu et son peuple d’une façon plus nette :
Yahvé est comme un PERE qui aime et guide son enfant ( Os 11, 1-4) ; il est comme une MERE
qui jamais n’abandonne le fruit de son sein(Is 49, 14-16) ; il est comme un BERGER soucieux de
chaque brebis et prêt à tous les services ( Ez 34). Une des images les plus riches sera celle de
l’AMOUR CONJUGAL : Yahvé a choisi Israël comme son épouse.
C’est Dieu qui a voulu que les hommes vivent en couple (Gn 2, 18). A ce couple formé et
béni par lui, il recommande l’union définitive (Gn 2,). Dieu a donc ordonné au couple un amour
semblable au sein, c’est-à-dire un amour toujours fidèle, un amour qui est don de soi pour le bien
et l’épanouissement de l’autre. Cet idéal sur le couple n’a toujours pas trouvé d’écho positif dans
l’agir de l’homme. Dans un langage d’une part dur, et de l’autre prophétique et même poétique,
Dieu rappelle à son peuple les exigences de l’union matrimoniale. Dieu est lui-même dans ces
récits modèle de l’amour. Il se présente comme l’époux de son peuple. Dans une histoire très
mouvementée par l’infidélité de l’épouse (son peuple), Dieu (l’époux) manifeste toujours son
grand désir de revivre son amour… 5.
(1) OSEE
Le thème de « l’amour conjugal » prend son origine chez Osée, à partir de sa propre expérience
conjugale (Os 1 et 3), interprétée dans un long discours comme une véritable parabole en action
(Os 2, 4-25).
5
Cf. MAHOKA MOENGE MABAYA AUGUSTIN, Le mariage chrétien comme sacrament d’amour et expression
de foi chez le people Budza de l’Itimbiri (en RD Congo). Extrait de la dissertation doctorale en Théologie
dogmatique, UPU, Rome 2018, p. 58.
5
Le prophète Osée présente dans son récit une situation de déboires conjugaux. Il fait une
expérience douloureuse de mariage qu’il surmonte par un amour curieux et exemplaire. Osée a
épousé une femme qu’il aime et qui lui donne des enfants, mais qui le quitte pour se livrer dans
un temple de prostitution. Or, le prophète, sur ordre divin, persévère dans son amour ; il a
pardonné à l’adultère, l’a rachetée, la soumise à une purification ; puis il a repris avec elle la vie
conjugale…
C’est ainsi que Dieu se propose d’agir. L’Alliance ayant été brisée par les adultères d’Israël ( Os
2, 4), Dieu poursuit de son amour l’épouse infidèle : après une expérience de malheur qui lui fera
regretter sa vie de jadis(2, 9b), il la séduira, la conduira au désert et lui parlera au cœur (2, 8) ;
tout se terminera par des nouvelles fiançailles dans un climat de paradis retrouvé(2,21-22).
A travers cette tragique histoire d’amour on voit apparaitre une nouvelle dimension à l’intérieur
de l’amour conjugal lui-même, une personnalisation du lien entre l’homme et la femme qui
dépasse l’ancienne perspective de la fécondité et de la perpétuité familiale ; une alliance pour
révéler dans sa plénitude l’amour rédempteur de Dieu.
À partir d’OSEE, le symbole est repris dans plusieurs livres prophétiques qui présentent des
textes édifiants sur le couple, en particulier dans MALACHIE, les PROVERBES, les
SIRACIDES, TOBIE et les CANTIQUE DES CANTIQUES. Le résumé de ces différents textes
nous retrace le contenu de chaque livre en mettant en évidence la valeur de l’union conjugale, ses
exigences et surtout les éléments importants pour sauver ou maintenir cette union selon l’idéal de
l’initiateur.
(2) MALACHIE
Il rappelle l’exigence de la fidélité indissoluble, car pour lui elle fondée sur l’acte créateur :
homme et femme constituent un seul être.
(4) SIRACIDE
C’est dans le SIRACIDE que l’on trouve la peinture savoureuse de la bonne épouse et de la
femme méchante. Il faut donc se tenir à l’écart de tout le dérèglement passionnel. (23, 16-21).
(5) TOBIE
On peut dire que la théologie du couple est en quelque sorte condensée dans l’histoire de Tobie
et Sara car tout est religieux : leur rencontre est providentielle (6, 11-13). Tobie, par la clarté de
son amour, libère Sara du démon. Leur amour mutuel est chaste et sanctifié par la prière (8, 4-9).
Cet amour n’est pas recherche du plaisir (8, 7) mais mise en commun du meilleur d’eux-mêmes.
6
Cet amour enfin manifeste unité, fécondité, fidélité, indissolubilité, qui sont les marques mêmes
de l’amour de Dieu pour son peuple.
Ce qui est relaté comme vécu par TOBIE et SARA est exprimé poétiquement dans ce recueil de
poèmes d’amour, lié à la célébration des noces et qui peut être li dans deux perspectives : celle
de l’amour humain et celle des épousailles divines dont il est le symbole. Ce cantique, en effet,
chante l’amour sans drame, l’amour comme s’il était déjà sauvé, dans une exaltation très saine.
De plus, il introduit au dialogue mystique dans lequel s’exprime toute relation intime et
interpersonnelle avec Dieu. Le cantique ne sort pas du projet divin proposé par les prophètes, il
lui ajoute même une profondeur, à la fois humaine et théologique, qui prépare au vrai dialogue,
celui que le Fils de Dieu instaurera avec l’humanité à partir de son incarnation 6.
On peut se demander si la lecture de Gn 1-2 et des prophètes ne va pas exercer une influence sur
l’institution familiale. Effectivement, vers le temps où Néhémie et Esdras réagissent
vigoureusement contre le mariage des juifs avec des femmes étrangères (Néh 13, 23-28) ;
(Esdras 9, 1-14), Malachie, tout en appuyant cette exigence légale conforme au Dt (Mal 2, 10-
13), adopte une attitude nouvelle à l’égard du divorce : que l’homme ne soit pas perfide envers la
femme de sa jeunesse, car Yahvé hait la répudiation ( Mal 2, 14-16). Deux siècles plus tard, le
Siracide le conseillera encore formellement de répudier une épouse indocile (Sira 25, 26).
On note cependant chez les sages, à côté d’un éloge des bonnes épouses, avec une insistance très
significative sur la fidélité à l’épouse(Pr 5, 15 -19 ; Qo 9, 9), une mise en garde contre la licence
des mœurs et la fréquentation des femmes dévoyées( Pr 2, 16-19 ; 5, 1-23 ; Sira 26, 13-18), une
exaltation de la chasteté jusque dans le désirs et les regards(Job 3, 1. 7-12).
Dans tous ces textes, on ne rencontre une allusion à la polygynie. Job lui-même, dont la vie est
celui des anciens patriarches, n’a qu’une épouse ( Job 2, 9). Quant à Judith, elle conserve dans le
veuvage la fidélité à son mari défunt (8, 2-8, 16, 25).
Ce nouvel idéal du mariage trouve sa meilleure expression dans le livre de Tobie (plus au moins
2è S). Sa conception du mariage idéal, visiblement monogame, trouve un fondement dans les
récits de la création : Gn 1 et 2, 18 en Tobie 8, 6, dans la prière des jeunes époux au soir de leurs
noces. L’accent est mis à la fois sur la perpétuité de la famille, l’entraide mutuelle des époux,
et la chasteté dans l’usage du mariage.
I.1.4.c) Evolution des coutumes
6
. Cf. H. DENIS, Le mariage, un sacrement pour les croyants? Cerf, Paris, 1990. Cité par MAHOKA M.M.A.,
Op.cit. Rome 2018, p. 60.
7
Aux alentours de notre ère, Flavius Josèphe mentionne explicitement la
polygamie d’Hérode le Grand, et l’on voit Jean-Baptiste reprocher à Antipas d’avoir pris chez
lui la femme de son frère(Mc 6, 17). Ce comportement ne saurait être pris comme exemple d’un
foyer juif.
La littérature tannaite et les Evangiles supposent une société pratiquement monogame, car la
grande masse des gens vivaient dans des conditions qui excluaient la polygamie. Jésus lui-même
refuse le divorce.
Déjà dans l’A.T. ce texte est révolutionnaire du fait qu’il réagit contre des
situations existantes, comme polygamie, bigamie, concubinage, prostitution, l’infériorité de la
femme(Ex 20, 17), la répudiation, le divorce, etc. Pour retourner au mariage dans sa forme pure
tel qu’il est sorti de la main créatrice de Dieu et tel qu’il doit servir de modèle pour toute vie
conjugale.
Le 3è chapitre de la Genèse mentionne que dès le début le péché a troublé le couple, et même
que le péché était dû à un faux pas du premier couple. Et malgré tout, le mariage reste bon et
saint, un cadeau et une institution voulus par Dieu.
De ce texte vétérotestamentaire, écoutons les déclarations du N.T.
Selon la loi de Moïse, l’homme pouvait répudier sa femme, s’il trouve en elle quelque chose qui
lui fait honte. Au-delà de la controverse des pharisiens et même de la concession mosaïque, Jésus
se réfère au début, à l’idéal : Mt 19, 4-5. Jésus est formel : « Ils ne sont plus deux, mais une
seule chair ». Cette unité implique donc la monogamie et indissolubilité du lien matrimonial.
Jésus déclare clairement que dans sa nouvelle alliance, aucun pouvoir humain (y compris la loi
mosaïque ne peut séparer ce que Dieu a uni. L’unité et l’indissolubilité ne sont pas des
commandements imposés de l’extérieur, mais font partie intégrante de la communauté
conjugale, et au niveau créatrionnel, et du point de vue chrétien.
Quant à l’enseignement de Jésus sur le mariage, il ne fait pas de long discours innovateurs,
se référant à l’Evangile selon Mathieu, on écoute Jésus qui fait retourner les auditeurs à ce qui a
été dit par le Créateur et l’auteur du mariage. Jésus rappelle donc simplement: «Ils seront deux
en une seule chair (19, 5). Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas (19, 6). Vous donc
soyez parfait comme votre Père céleste est parfait (5, 48). Toute répudiation suivie d’un autre
8
mariage est donc adultère (5, 27 et 32)»7. La réponse de Jésus sur le mariage a illuminé toute sa
suite. Saint Paul y reviendra comme argument d’autorité, avant de se livrer à ses propres conseils
au sujet du mariage et virginité.
L’union matrimoniale est une loi de la création (cf. Gn 2, 24). Selon la pensée du Créateur,
quand l’homme et la femme s’unissent pour le mariage, il n’est plus question de la décision de
l’un ou de l’autre; et surtout pas de l’un contre l’autre, parce que tout est dominé par l’amour.
Selon la loi de Moise, l’homme pouvait répudier sa femme, s’il trouve en elle quelque chose qui
lui fait honte. Au-delà de la controverse des pharisiens et même de la concession mosaïque, Jésus
se réfère au début, à l’idéal: Mt 19, 4-6. Jésus est formel: «Ils ne sont plus deux, mais une seule
chair».
Nous ne laissons pas inaperçu le point souligné dans Mt 19, 9 où il dit: «Quiconque
répudie sa propre femme, si non en cas d’union illégitime, et en épouse une autre, commet
l’adultère». Alors que Jésus se montre ferme au sujet de la “non répudiationˮ, de l’indissolubilité
vu que les deux sont devenus une seule chair; cette déclaration ci haut, au vue de certaines
personnes, passe comme une exception, une possibilité pour se séparer. Non, Jésus ne se
contredit pas, il souligne encore là le respect et l’observance de la loi divine sur le mariage; il fait
allusion aux interdictions ou empêchements soulignés longuement dans le livre de Lévitique 18,
6-30; 20, 9-21 pour ne citer que ces références.
Ces textes reflètent la situation du droit religieux vers la fin de la monarchie. On constate
des nombreuses interdictions ayant trait à l’inceste. Dans une société où l’endogamie reste un
idéal traditionnel, il s’agit de protéger la parenté la plus proche. La législation écrite est explicite,
elle ne veut pas qu’on élève au rang du mariage des genres d’union qui transgressent l’harmonie
sociale (lévirat, sororat…) et même l’harmonie naturelle (zoophilie ou bestialité).
7
DENIS, Idem, 71.
9
Donc, Jésus, pour répondre au sujet du mariage, recours à l’origine, à la création; il
proclame l’illicéité du divorce se référant au projet même de Dieu. Il n’accuse pas Moise, mais
condamne le peuple qui faisait pression sur lui afin de décrocher l’autorisation de faire le divorce
selon leur propre désir, il dit: «Moise a écrit cela à cause de votre cœur endurci, au début il
n’était pas ainsi» (Mt 19, 8). Jésus répond avec autorité et par conséquent avec fermeté: «Moi je
vous dit… » (Mt 19, 9). Le “Moiˮ nous renvoi au “Je suisˮ qui est l’identité de Dieu. Non
seulement il parle comme l’envoyé de Dieu ou le Fils de Dieu, mais il se révèle comme “Je suisˮ
et tranche en ce titre la palabre. Il prononce trois affirmations:
- le mariage entre dans le dessein même de Dieu; d’où la référence au livre de la Genèse 1,
27 et 2, 24;
- la disposition mosaïque avait une valeur transitoire;
- le divorce avec passage à un autre noce est adultère (Mt 19, 11-12).
Revenons au texte de Mathieu 19, 9 et 5, 32; il semble une exception. Mais en réalité le
problème se pose sur la traduction du texte. Il y a des versions qui parlent de “l’union illégitimeˮ,
et d’autres par contre parlent du “concubinageˮ. Comme il faut le croire, chaque message
s’adresse à un peuple, à une époque, dans une langue, et l’herméneutique en dépend largement.
Beaucoup d’interprètes trouvent que la cause de séparation à laquelle on fait allusion ici c’est
l’adultère, qui au jugement de tous est une faute grave et une trahison dans l’amour conjugal.
Mais la communauté à laquelle s’adressait l’auteur sacré n’était pas sur le choc de
l’adultère. Le terme utilisé par l’auteur n’est pas “Moikeaˮ qui signifie “adultèreˮ, mais le terme
est “Porneaˮ qui signifie “union illégitimeˮ, déjà reprochée longuement dans le livre des
Lévitiques (18 et 20), qui corrigeait le droit coutumier de l’époque patriarcale. L’union illégitime
n’était possible que pour les païens, et le concubinage devrait être aboli. Ce qui sera aussi l’objet
des reproches que saint Paul adressera aux fidèles de Corinthe.
Saint Paul s’arrête plus longuement aux relations entre époux chrétiens. Il en parle dans un
contexte plus large d’ordre dogmatique.
Comme plusieurs prophètes, St Paul découvre dans le mariage idéal l’image de la nouvelle
Alliance. Le mariage idéal éclaire la relation entre le Christ et le nouveau peuple de Dieu,
l’Eglise ? Or, le lien entre le Christ et son Eglise est caractérisé par un mot : AMOUR(= agape).
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Le mariage du Christ avec l’Eglise est le prototype, le vrai mariage dont le mariage chrétien est
image et la réalisation : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ aime l’Eglise » (5, 25).
Donc, tout revient à aimer comme le Christ aime l’Eglise. Saint Paul répète l’exigence humaine
et ajoute que l’époux et l’épouse sont les premiers prochains. L’autre aspect n’est pas absent,
notamment la dimension humaine : « le mari doit aimer sa femme comme son propre corps »
(5, 28b). Donc l’amour de soi devient la mesure même de l’amour envers sa conjointe, qu’Adam
a appelé “l’os de mes osˮ (cf. Gn 2, 23).
Les apôtres continuent donc l’enseignement de leur maitre; ils continuent la doctrine de
Jésus. L’enseignement des apôtres sur le mariage est direct et présente la responsabilité de
chaque membre ainsi que les exigences qu’impose cette union. D’autres part, les textes
analogiques, parlant symboliquement du Christ comme époux et l’Eglise comme épouse,
présente au couple le modèle d’amour qu’ils doivent observer (cf. 2 Co 11, 2; Ep 5, 32; Ap 19, 7;
21, 9, etc.). Les écrits des apôtres reprennent les données de l’Ancien Testament sur la fidélité, la
décence, la maternité; faisant aussi remarqué le déséquilibre qui affecte la sexualité de
l’humanité pécheresse (cf. 1 Co 7, 1-15).
L’A.T. décrit explicitement la fécondité comme, ayant été confiée aux mariés par Dieu étant
bénie par lui : Gn 1, 27-28. L’A.T. glorifie l’enfant comme un don de Dieu, et la maternité est
considérée comme une bénédiction pour la femme. Le N.T. parle occasionnellement de la
fécondité : Jn 16, 21 ; 1tim 2, 15 et 5, 16 ; Tit 2, 4 ; Eph 6, 4 ; Col 3, 20.
Le soit disant silence sur la fécondité chez Jésus et les apôtres s’explique par le fait que le
peuple juif avait conservé une grande estime pour la transmission de la vie et ce point ne posait
presque pas de problème comme celui de l’unité et de l’indissolubilité.
I.2. 3. LA CONTINENCE
Les textes de Saint Paul : 1Cor 7, 1-10 et 7, 36-38 sont clairs : Paul préfère le célibat au
mariage. Il voudrait que tous les hommes soient comme lui, non-mariés ; mais tout le monde ne
reçoit pas le même don. En outre, l’état célibataire suppose une fermeté de cœur et une pleine
possession de sa volonté.
A l’époque de Paul et encore plus tard, on n’entrevoyait pas un lien interne entre l’amour
conjugal et l’étreinte charnelle, le désir de la nourriture et de la boisson doit être régulièrement
satisfait, quant aux pulsions sexuelles, l’homme garde une plus grande plasticité soit pour les
contrôler, soit pour les maitriser, soit pour les suivre.
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strictement exigé pour la procréation. La sexualité a une fonction biologique, et non la recherche
du plaisir(Hédonisme).
Paul reconnait la force du plaisir sexuel, mais il ne justifie nullement la débauche. Il indique
clairement que les rapports sexuels ont leur place seulement dans le mariage : « Que chaque
homme ait sa femme et que chaque femme ait son mari ». Toutefois, Paul met en garde contre
une trop longue continence. Il ose même affirmer que les fidèles doivent tenir compte de leur
propre faiblesse et qu’ils seront induits en tentation et chute, s’ils poussent la continence à
l’extrême.
Et l’apôtre d’y ajouter : c’est une concession, pas un ordre ? Celui qui se marie agit bien ; il fait
quelque chose qui est réellement permis, mais la permission n’est pas un commandement. Paul,
au contraire, préfère que tous soient comme lui : celui qui ne se marie pas, fait mieux s’il a reçu
ce don de Dieu.
Il est curieux que le N.T évoque la virginité ensemble avec le mariage. Jésus parle des
eunuques en vue du royaume de Dieu ( Mt 19, 12), et Paul dans sa réponse au sujet du mariage et
des rapports conjugaux, change spontanément vers le célibat pour ceux qui ont reçu le don de
Dieu, et qui veulent s’attachent au Seigneur sans partage( 1Cor 7, 35). Les réalités terrestres
restent bonnes, puis qu’elles appartiennent à la création de Dieu, mais leur valeur est
subordonnée aux exigences du royaume qui reste l’UNIQUE NECESSAIRE ( Mt 6, 33 ; 13, 44-
46 ; 18, 8-9).
Si le Christ vient choisir parmi ceux disciples des personnes qui optent pour un état de vie en
service direct pour le royaume, il confirme la transcendance absolue du royaume, du fait qu’ils
abandonnent, à cause de lui et de l’Evangile, maison et famille( Mc 10, 29 ; Lc 18, 29) ou même
qu’elles renoncent au mariage et à la fondation d’un foyer. Ceci nous paraît le sens chrétien de la
virginité. Donc si Jésus et saint Paul traitent en un trait du mariage et de la virginité, ils visent
leur complémentarité dans l’Eglise.
Le don du célibat à cause du royaume de Dieu a comme fonction de garder vivante la croissance
de la transcendance absolue du royaume de Dieu.
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se rassemble les idées qui ont beaucoup influencées l’enseignement sur le sacrement du mariage.
Cette influence est le résultat de ses multiples recherches et de ses interrogations en ce domaine.
Avant les IVè – Vè siècle, le mariage chrétien ne donne lieu à aucune célébration à l’Eglise.
Les chrétiens se plient normalement aux coutumes du mariage romain traditionnel… Ignace
d’Antioche estime qu’il convient aux hommes et aux femmes qui se marient de contracter leur
union avec l’avis de l’Evêque, afin que leur mariage se fasse selon le Seigneur. TERTULLIEN
parlera de son côté de cette union que l’Eglise ménage, que confirme l’offrande, que scelle la
bénédiction : les anges le proclament, le Père Céleste le ratifie. Mais le texte d’Ignace ne
concerne pas la célébration et celui de Tertullien évoque la sanctification du mariage par la vie
chrétienne.
Au VIè Siècle apparait le formulaire d’une messe ‘’pour l’époux’’ et d’une formule de
bénédiction. Au IXè siècle, les cérémonies civiles du mariage se rapprochent de l’édifice de
l’Eglise de telle sorte qu’à la longue, les usages populaires deviennent affaire de l’Eglise et
usage liturgique.
En l’an 1000, le mariage passe sous le pouvoir juridictionnel de l’Eglise. Augustin utilise le
terme sacramentum à propos du mariage, mais en un sens qui n’est pas encore celui du
septénaire… Il le fait à partir de la traduction latine de Eph 5, 32 : « ce mystère (sacramentum)
est grand : je déclare qu’il concerne le Christ et l’Eglise… »8
En citant le Concile de Trente, G. DUMEIGE cite la doctrine et le canon sur le mariage qui dit :
« Le lien perpétuel et indissoluble du mariage a été déclaré par le premier père du genre humain,
par une inspiration du Saint Esprit , quand il a dit : ‘’Voilà maintenant l’os de mes os et la chair
de ma chair(Gn 2, 23 ; Eph 5, 31 ‘’… Si quelqu’un dit que le mariage n’est pas vraiment à
proprement parler un des sept sacrements de la loi de l’Evangile, institué par le Christ notre
Seigneur, mais qu’il est une invention des hommesa dans l’Eglise et qu’il ne confère pas la
grâce, qu’il soit anathème »9
Le document conciliaire nous présente aussi un beau texte qui nous prouve que le mariage
trouve son fondement dans ‘action de Dieu lui-même, qui l’a voulu dès la création de ce monde.
Le texte tiré dans le document Gaudium et Spes s’articule comme suit : « la communauté
profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le
Créateur, elle est établie sur l’alliance des conjoints, c’est-à-dire sur leur consentement
personnel irrévocable. Une institution que la loi divine confirme naît ainsi, au regard même de
la société, de l’acte humain par lequel les époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré
échappa à la fantaisie de l’homme. Car Dieu lui-même est l’auteur du mariage qui possède en
propre des valeurs et des fins diverses… »10
Un peu plus récemment, à l’occasion du synode des Evêques d’Afrique et Madagascar, le pape
Jean Paul II saisi l’opportunité de publier l’Exhortation Apostolique Post-synodale, intitulée
Ecclesia in Africa. Dans cette exhortation, le Pape nous fait remonter à la Trinité et à la
8
B. SESBOUE & alii, Histoire des dogmes, t. III, Les signes du salut, Paris, Desclée, 1995.
9
G. DUMEIGE, Textes doctrinaux du Magistère de l’Eglise sur la foi catholique, Paris, Orante, 1993
10
VATICAN II, Les Seize document conciliaires, Gaudium et Spes, n°48,§ 1, 2èd. Revue et corrigée, Fides
Montréal et Paris, 1967.
13
communion entre les personnes de la Trinité comme une illustration de l’union conjugale, mais
aussi comme la source du mariage. Ecoutons donc le Pape : « Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, est
amour (cfr 1Jn 4, 8). La communion entre Dieu et les hommes trouve son accomplissement
définitif en Jésus Christ, l’époux qui aime et qui se donne comme Sauveur de l’humanité en se
l’unissant comme son corps. Il révèle la vérité originelle du Mariage, la vérité du commencement
et en libérant l’homme de la dureté du cœur, le rend capable de le réaliser entièrement. Cette
révélation parvient à la plénitude définitive dans le don d’amour que le Verbe de Dieu fait à
l’humanité en assumant la nature humaine et dans le sacrifice que Jésus Christ fait de lui-même
sur la croix pour son épouse, l’Eglise. Dans ce sacrifice se manifeste entièrement le dessein que
Dieu a imprimé dans l’humanité de l’homme et de la femme depuis la création (cfr Eph 5, 32-
33) ; le Mariage des baptisés devient ainsi le symbole réel de l’Alliance nouvelle et éternelle,
scellé dans le sang du Christ »11.
En effet, la joie de la famille qui est aussi la joie de l’Eglise, provient de l’amour vécu dans
la famille, cet amour qui devient comme une bonne nouvelle 12. Ce document récent touche
plusieurs questions à caractère doctrinal, moral, spirituel et pastoral 13. Le Pape montre que la
source de l’amour est la Parole de Dieu, qui doit alimenter les cœurs. C’est elle qui est la source
de la foi qui illumine l’amour. L’auteur écrit:
11
JEAN PAUL II, Ecclesia in Africa, Exhortation apostolique post-synodale, Libreria Editrice Vaticana, Vatican,
1995, n°83
12
Cf. FRANCOIS, Exhortation Apostolique post-Synodale sur l’amour dans la famille Amoris Laetitia, (19.03.2016),
AAS 108 (2016), 312-446, n. 1.
13
Cf. idem, n. 2.
14
jusqu’à la dernière page où apparaissent les noces de l’Epouse et de l’Agneau (Ap 21,
2.9)14.
C’est ainsi que nous soulignons que ce sont les deux (amour et foi) qui orientent vers le
sacrement. Toutefois, il y a des défis à relever dont seul Jésus sert d’exemple. Car sans amour, la
famille est impensable, elle serait même inexistante. Parler de la famille c’est parler de la
transmission de la vie, c’est parler de l’éducation15.
Ces deux propriétés sont si intimement liées et corrélatives, qu’il semble mieux de ne pas les
séparer. L’indissolubilité, en effet, n’est en réalité qu’un aspect de l’Unité ; c’est l’Unité
appliquée jusqu’à la mort.
Il semble que ces propriétés trouvent déjà leurs fondements dans la nature même du Mariage.
On invoque ainsi deux arguments naturels et rationnels.
Les besoins de l’éducation des enfants révèlent suffisamment le vœu naturel du mariage à être
monogame et indissoluble. L’Unité et l’indissolubilité en effet, sont des conditions
indispensables en vue d’une éducation saine et d’une communauté d’amour véritable entre
l’homme et la femme. Les conséquences néfastes de désunion et de divorce sur la croissance
normale et harmonieuse (au sens psycho-somatique) des enfants sont abondamment prouvées.
On cite le déséquilibre, les échecs, à l’école, des aventures sexuelles prématurées, fixations et
frustrations dans l’évolution de la maturation sexuelle et affective…
Le divorce brise en plus l’éducation des enfants issus de l’union des deux partenaires, car
c’est en vivant ensemble qu’ils assurent une bonne éducation à leurs enfants. L’Abbé Gaston
Courtois le prouve en disant:
14
FRANCOIS, Amoris Laetitia, op. cit., n. 8.
15
Cf. FRANCOIS, Amoris Laetitia, op. cit., chap. 3, 5 et 7.
16
GS n. 51.
15
Il y a une action commune irremplaçable du père et de la mère dans
l’éducation de leurs enfants. Il pourra y avoir des suppléances par d’admirables
dévouements. Quelles qu’en soient la valeur et la compétence, ils n’auront
qu’un rôle de suppléance, ils ne vaudront pas l’influence conjuguée d’un papa
et d’une maman pour celui qui est la chair de leur chair et en qui leur unité
s’incarne17.
Les enfants sont signes de bénédiction et font la joie du couple. Les enfants sont souvent
victimes des erreurs des parents. Nicole Fabre, à travers des analyses psychologiques précises et
des normes pédagogiques, énumère des points qui éclairent des nombreuses causes de la misère
des enfants, et invite les parents à s’engager pleinement pour aider les enfants à grandir et à se
développer de manière harmonieuse. Voici quelques erreurs des parents que Nicole Fabre nous
livre:
Si nous cherchons de faire un inventaire de ces diverses “erreurs des parentsˮ qui
risquent d’avoir conséquences nocives sur les fils, nous nous rendons immédiatement compte
que nous n’avons pas de difficultés pour l’énumération. Des parents nerveux, inquiets,
autoritaires, super-protecteurs, insouciants, instables, etc. Il est aussi très évident que tout ceci
risque de troubler ou agiter leurs enfants18.
Les parents séparés constatent aussitôt le penchant affectif des enfants. Chacun est plus
tourné vers le visage qu’il trouve affectif pour lui.
L’amour conjugal tend à l’union des corps et à une communauté illimitée qui ne peut être
comparée à aucune autre. Il touche à l’unicité de la personne. En d’autres mots, le “je t’aimeˮ
dans le mariage est absolu et ne peut s’accommoder d’aucune restriction sous peine de se
détruire : il implique une promesse d’éternité. L’amour authentique est un engagement
inconditionnel et définitif. Quiconque s’engage à fond ne peut pas s’engage à fond dans
plusieurs directions ou se réengager devant d’autres aussi longtemps que dure le premier
engagement valable.
Le compagnon qu’on trouve pour le mariage est un compagnon choisi délibérément, il est
de tous les jours, de tous les temps, de tous les lieux, c’est un compagnon d’éternité. Jean-Marie
Meyer dit: «Dans le contexte de l’amour conjugal, il faut envisager la toute première fécondité,
qui est d’épanouir l’autre, de le faire exister en plénitude. Les amoureux sont d’abord frappés par
une chose toute simple et qui résume tout: l’autre existe, on l’a rencontré» 19. Cette rencontre
devient une mission à accomplir, mission qui implique les propriétés essentielles qui sont unité et
17
COURTOIS, L’art d’élever les enfants aujourd’hui, op. cit., 13.
18
N. FABRE, L’educazione familiare e i suoi problemi. Analisi psicologiche. Orientamenti pedagogici, éd. F.
Cugnasco Gabrielli, Elle Di Ci, Torino 1970, 91.
16
indissolubilité. La fidélité est la condition recommandée pour sauver ces deux propriétés
indissociables, sans laquelle ces propriétés deviennent fragiles. «L’amour conjugal signifie
nécessairement fidélité au sens le plus dynamique de ce terme. Homme et femme s’unissent
comme époux en se promettant fidélité pour la vie devant Dieu et devant les hommes. Il faut que
les époux prennent conscience de cette vérité»20.
L’homme et la femme s’unissent dans le mariage qui est une mission et doivent s’engager
pour leur prospérité. Ils doivent compter sur Dieu et écarter la peur qui est une expression de
manque de confiance en soi-même, au conjoint, et même à Dieu. C’est l’expression de peu de foi
(cf. Mt 8, 26). Cette confiance, appuyé par la fidélité éloigne le divorce qui fait son irruption
dans cette union que Dieu a voulu indissoluble. «Puisqu’il s’agit de l’union la plus intime, par la
communauté de pensée, de volonté et d’amour, le mariage ne peut être qu’indissoluble. Cela
impose donc au couple une obligation morale très sérieuse de maintenir leur union, de la protéger
et d’empêcher qu’elle ne se brise»21.
Mt 10, 1-9 et Mc 10, 1-12 fournissent même une longue discussion entre les pharisiens et Jésus,
pour souligner l’indissolubilité absolue du mariage. Mt 5, 31-32 et Lc 16, 18 sont détachés, mais
ils contiennent la même doctrine. Ces quatre passages importants indiquent que le Christ s’est
opposé de façon énergétique à la répudiation.
19
J.M. MEYER, «La paternité responsable (2)», in Provie, 9ème Congrès international de la famille. La fécondité de
l’amour, éd. A. Le Mintier, Fayard, Paris 1987, 67-70, 67.
20
ANCIAUX, Le sacrement du mariage. Aux sources de la morale conjugale, Nauwelaerts, Louvain 1961, 59.
21
HAMEL, «L’indissolubilité», in Commission Theologique internationale, Problèmes doctrinaux du mariage
chrétien, éd. Ph. Delhaye et alii, Centre Cerfaux-Lefort, Louvain-La-Neuve 1979, 109.
17
L’unité entraine l’indissolubilité, et celle-ci est le résultat de la première. L’indissolubilité on
dirait, c’est l’unité vécue jusqu’au bout. Le Chanoine Nicolas Iung parle de la double fin du
mariage qui se prolonge par l’unité et l’indissolubilité qui est une conséquence logique en faveur
de l’amour entre les époux et l’éducation des enfants22. L’unité est une recommandation qui
remonte depuis l’institution du mariage. Au premier couple, l’initiateur du mariage avait déjà
ordonné cette valeur en disant: «L’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme,
et les deux deviendront une seule chair» (Gn 2, 24). A la question de savoir quelles sont les
qualités ou les propriétés du mariage, Giuseppe Rossino répond en disant qu’elles sont deux:
l’unité et l’indissolubilité23. Le concile Vatican II souligne cet aspect de l’union indissoluble dans
Gaudium et Spes au numéro 48, § 1.
«Il n’y a rien de nouveau sur la terre» disait l’ecclésiaste (cf. Qo 1, 9). Ce qui se fait a été
déjà fait, et ce qui a été fait se fait encore en nos jours. Notre époque n’est pas épargnée des
difficultés et des crises qui ont fragilisé le lien matrimonial au temps de Moise et de Jésus. On
observe et on assiste à des situations similaires; on en souffre et on en parle pour des éventuelles
solutions. La bestialité, l’homosexualité, la polygamie, le divorce, sont des différentes formes de
vie qui se vérifient dans l’histoire de l’homme. Mais jamais elles ont été déclarées dignes d’être
vécues dans la société. Elles sont toujours classées dans le rang de la faiblesse humaine. Ce sont
des particularités qui ne doivent pas primer sur le dessein de Dieu. «Le principe du divorce était
ancré dans les mœurs et la législation païenne. On conçoit dès lors la place que va occuper dans
la doctrine des Pères et l’enseignement de l’Eglise ancienne la question de l’indissolubilité du
mariage»24.
Vouloir vivre d’un lien conjugal, c’est se mettre “sous le même jougˮ ( con-jugium) et
conjuguer dès lors sa vie au pluriel dans l’exclusivité d’une relation homme-femme. La fidélité
nourrit ce lien et le fortifie. Comment la comprendre comme définitive, diachronique, créatrice,
22
Cf. N. IUNG, Evolution de l’indissolubilité. Remariage religieux des divorcés, P. Lethielleux, Paris 1975, 150.
23
Cf. G. ROSSINO, Nozze felici Catechismo per fidanzati e coniugati, Libreria Dottrina Cristiana, Torino 1963, 13.
24
P. ADNES, Le mariage, Desclée, Tournai 1963, 60.
18
lié au corps à corps de la vie quotidienne et intime? Jésus a une parole forte sur le lien
indissoluble des époux (Mt 19, 6). L’Eglise s’y est tenue depuis l’origine. Elle en a payé le prix.
Les débats qui surgissent aujourd’hui ne semblent pas mettre intentionnellement en doute la
valeur de l’indissolubilité d’une telle promesse, mais ils nous plongent parfois dans le doute, la
perplexité, l’hésitation face aux problèmes relationnels posés, aux impasses issues des échecs et
des péchés25.
La pointe dans l’enseignement et dans les actes de Jésus sur le mariage, est une invitation à
ne pas ignorer ou ne pas se séparer de l’idéal. L’idéal vient du Créateur, initiateur du mariage,
auquel toute concession humaine doit s’en référer pour se purifier. La révélation du mystère
caché de Dieu trouve dans le mariage sa figure symbolique. Et tout l’amour matrimonial doit s’y
réferer26. Pour mieux comprendre ce lien indissoluble, l’expression mieux placée est celle de
“l’alliance d’amourˮ comme le souligne Jean Philippe Revel. Il dit:
C’est pourquoi la Révélation biblique, pour donner son sens plénier à l’amour et
souligner son caractère irrévocable et définitif – qu’il s’agisse de l’amour entre Dieu et l’homme
ou de l’amour entre l’homme et la femme – parle d’alliance. Il s’agit d’un lien objectif, certes
fondé sur l’amour réciproque, mais dépassant le sentiment et ses variations subjectives, apte à
servir de référence au sein même de ses variations. La caractéristique fondamentale de l’alliance
est la fidélité […]. C’est pourquoi le mariage n’est pas seulement le sacrement de l’amour, mais
le sacrement de l’alliance d’amour27.
L’Ecriture Sainte nous montre que cette alliance est indissoluble 28. C’est l’image de
l’Eglise corps mystique du Christ qui illumine cette indissolubilité 29. C’est une alliance qui se
réfère à celle de Jésus, époux de l’Eglise (Eph 5), une alliance définitive. Quand les époux vivent
le mariage selon ce mystère, ils comprennent que ce lien doit être définitif.
25
A. MATTHEEUWS, «Indissolubilité: une fenêtre ouverte vers le ciel», in NRT 137 (2015), 406. Cette pensée est
abordée en d’autres termes par le même auteur dans une autre publication. Cf. A. MATTHEEUWS, «L’amour de Dieu
ne meurt jamais. La sainteté des divorcés remariés dans l’Eglise», in NRT 136 (2014), 423-444.
26
Cf. G. COLOMBO, I segni del servizi, il mistero ordinato e il matrimonio, Elle Di Ci, Torino 1991, 126.
27
REVEL, Traité des sacrements. VII. Le mariage, sacrement de l’amour, Cerf Paris, 2012, 476.
28
Cf. A. L. DESCAMPS, «Les textes évangéliques sur le mariage», in Revue théologique de Louvain 9 (1978), 259-
286.
29
FC n. 19.
19
La dissolubilité du mariage est une organisation sociale et non une loi divine 30. Jésus
répond en disant qu’à l’origine il n’en était pas ainsi, Dieu a créé l’homme et la femme et a
déclaré que les deux seront une seule chair (cf. Mt 19, 4-6). Cette réponse de Jésus aux
pharisiens est appelé “loi nouvelleˮ.
«Cette citation logique de Jésus est d’une grande importance dans notre interrogatoire:
“Ce que Dieu a uni, que personne ne sépare” (Mt 19, 6; Mc 10, 9)» 31. Cette réponse
de Jésus a paralysé les pharisiens et a perturbé les apôtres, qui tous ont senti la
grandeur et la valeur non seulement du mariage, mais aussi de l’unité dans le mariage
qui favorise l’indissolubilité. Dans sa première lettre aux Corinthiens (7, 10-11), Saint
Paul qui s’adresse aux baptisés mariés avant ou après le mariage déclare que l’union
matrimoniale est indissoluble32.
1Cor 7, 10-11 résume la pensée de Paul. Comme le Christ, Paul soutient à différents endroit
l’unité du mariage et l’image de l’amour du Christ pour son Eglise en Eph 5 sont incompatible
avec la polygamie ; la citation de Gn 2, 24 en Eph 5, 31 suppose encore une fois cette unité. Paul
condamne également l’adultère et l’impureté comme étant incompatible avec l’idéal chrétien :
cfr 1Cor 5, 9-10 : contre l’inconduite sexuelle et 1Cor 6, 9 contre l’adultère voir aussi 1Thes 4,
3-12.
Dans le verset 12-16, Paul donne son point de vue sur les mariages entre païens et chrétiens.
Ce n’est pas le chrétien qui est soumis, dans une union de ce genre aux puissances mauvaises du
monde ; au contraire, c’est lui qui sanctifie le partenaire païen en l’exposant au rayonnement de
l’amour de Dieu. En tout cas, le chrétien ne doit ni ne peut répudier le conjoint demeurer païen
(verset 12-13). Dans le cas où le non-croyant refuse devant les exigences de la vie chrétienne de
continuer la cohabitation et prend l’initiative de se réparer, l’apôtre estime qu’il n’y a aucune
obligation pour le conjoint chrétien à chercher en empêcher cette séparation. Cependant, la
rupture du lien est si nettement formulée que la partie chrétienne devrait se sentir entièrement
libre et de conclure une nouvelle union si elle le voulait. C’est ce qu’on appelle le privilège
Paulin.
I.4.2.a) La confiance
30
Cf. J. COTTIAUX, La sacralisation du mariage, de la Genèse aux incises matthéennes, Cerf, Paris 1982, 82.
31
Voici la version originale en anglais: «The Jesus’ logion just cited is of great importance in our examination:
“What, therefore, God has joined together, let not man put asunderˮ (Mt 19, 6; Mc 10, 9)». M.G. LAWLER,
«Divorce and remarriage: Catholic Options» in Marriage-Divorce-Remarriage. Challenges and Perspectives for
Christians, éd. R. Burggraeve et alii, Peeters, Leuven 2007, 107-123, 109.
32
Cf. C. JOURNET, Il matrimonio indissolubile, Paoline, Torino 1968, 10.
20
La confiance est donc une des propriétés pour un meilleur épanouissement dans le foyer. La
confiance « est une espérance ferme, c’est une assurance d’une personne qui se fie à quelqu’un
ou à quelque chose, la confiance est foi et sécurité »33 La confiance est une manifestation
d’amour, elle ne s’arrache pas, mais elle se mérite. Le manque de confiance entraine le manque
de sincérité entre les conjoints.
Au sujet de la confiance, Anselm Grun, parlant de l’engagement dans le mariage, nous fait
cette belle présentation que voici:
I.4.2.b) La fidélité
Ce mot est cher et indispensable dans toute le relation, tant horizontale que verticale. La
fidélité consiste à observer ou à réaliser les promesses. Là-dessus, le modèle même de la fidélité
est Dieu. L’infidélité est une trahison. La fidélité est une conséquence d’un amour vrai, un amour
bien reçu. Il est donc difficile de vivre la fidélité en dehors de l’amour. Dans le mariage, on ne
promet pas la fidélité, mais l’amour; et c’est cet amour qui entraine la procréation, la confiance,
la fidélité, pour ne citer que celles-là.
Nous estimons que, si la fidélité est toujours liée à l’amour dans les promesses entre les
époux, c’est parce qu’il est inconcevable d’imaginer une fidélité sans amour, ou un amour sans
fidélité; autrement c’est l’hypocrisie, c’est la trahison. Tout amour vrai engendre une fidélité, et
grâce à elle le lien matrimonial perdure35. Parlant des devoirs des époux entre eux, Giuseppe
Rossino dit: «Le premier est celui de la fidélité, c’est-à-dire de ne jamais trahir les affections
33
LE ROBERT MICRO, Dictionnaire du bon usage et des difficultés, orthographe et grammaire, Paris, 1995.
34
GRṺN, Le mariage, bénédiction pour la vie commune, éd. A. Lalucq, Mediaspaul, Montréal 2011, 7-8.
35
Cf. F-M. LUFULUABO, Mariage coutumier et mariage chrétien indissoluble, Saint Paul-Afrique, Kinshasa 1989,
47.
21
conjugales jurées devant l’altare. L’adultère qui est une trahison du droit conjugal […], est le
plus grand défaut contre la fidélité conjugale»36.
II.1. Préliminaires
On ne peut parler de sacrement que si l’acte puise sa source dans la Bible, trouvant en plus des
explications dans le domaine théologique. Il ne s’agit certainement pas de tous les actes, mais
ceux-là qui ont été déclarés par l’Eglise comme instituer par notre Seigneur Jésus Christ. Par-là,
nous trouvons que certains actes ont été élevés au rang des sacrements par l’Eglise qui s’est basé
sur les enseignements de Jésus. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont jamais existé, non, mais qu’ils
ont été vécu durant des siècles comme des faits sociaux ou simplement religieux, sans un cachet
spécial comme l’a fait Jésus dans le Nouveau Testament. Le spécialité, des pères de l’Eglise,
Maurice JOURJON le déclare « les sacrements sont nés avant terme ; entendez avant qu’il ait un
terme pour les désigner »37
L’Eglise enseigne et déclare que le mariage entre chrétien est vraiment et proprement un
sacrement de la loi nouvelle, institué par le Christ (Concile de Trente, Session 24, Canon 1, D.
971). Cependant, la prise de conscience de cette sacramentalité a été très lente et progressive, et
ce n’est qu’au 12è Siècle que le mariage a été placé dans le septénaire sacramental.
La question de la sacramentalité n’a pas beaucoup préoccupé les pères. Ils étaient préparés à
voir dans le mariage une chose sacrée par l’idée même que les anciens se faisaient du mariage.
Aussi dans l’Antiquité gréco-romaine, le mariage n’a jamais été considéré comme un acte
purement profane. Toutefois, on ne peut pas trouver chez les pères l’affirmation explicite que le
mariage est un sacrement au sens strict. C’est qu’on rencontre chez eux, ce sont de précieuses
indications qui orientent l’esprit et tendent à reconnaître en fait au mariage les propriétés nous
permettra aujourd’hui de dire que c’est un vrai sacrement.
36
Le texte en langue originale, l’italien: «Il primo è quello della fedeltà, cioè di non tradire mai gli affetti coniugali
giurati presso l’altare. L’adulterio, che è il tradimento del diritto coniugale […] è il piu grave delitto contro la fedeltà
coniugale» ROSSINO, Nozze felici. Catechismo per fidanzati e coniugati, op. cit., 48.
37
MAHOKA, M.M.A., O.c., 2018, 51.
22
On peut grouper ces indications des pères autour de quelques grandes idées fondamentales
fournies par l’Evangile et les écrits de saint Paul.
Les pères tiennent que le Christ a béni le mariage d’une manière spéciale, qu’il l’a sanctifié et
l’a élevé à une dignité qu’il n’avait pas auparavant. Ils en trouvent une preuve surtout dans le fait
que Jésus a voulu, dès le début de sa vie publique assister aux noces et y accomplir son premier
miracle. Les pères voient encore une autre preuve de la volonté de Jésus dans la restauration par
laquelle il rendu au mariage ses deux propriétés primitive : l’unité et l’indissolubilité.
Les pères ont cru et enseigné que la grâce est donnée aux époux, qu’elle fonde leur union et en
assure la fermeté, qu’elle est la réponse de Dieu à la confiance de ceux qui se marient en lui
c’est Dieu qui préside leur union, la bénie pour la rendre indissoluble, assure aux conjoints pour
l’avenir les grâces dont ils auront besoin pour rester fidèles. De la pensée des pères à la doctrine
des théologiens, il n’y a qu’un pas à faire : à savoir l’affirmation que la grâce de Dieu est
produite par le mariage lui-même, non seulement donné à son occasion. Origène enseigne que
c’est Dieu lui-même qui unit les deux époux et qu’à cause de cela la grâce de Dieu est en eux.
Le pape SIRICE parle du mariage comme fondé sur la grâce divine. Saint Ambroise rappelle aux
chrétiens mariés que l’infidélité des époux ne viole pas seulement la loi de Dieu, elle fait perdre
la grâce.
Ce symbolisme mystérieux a été souvent rappelé par les pères. C’est sans doute Saint Augustin
qui a d’avantage développé le caractère symbolique du mariage, et ses aperçus furent très
féconds pour le progrès de la doctrine de Saint sacrement.
Les pères nous montre en effet le mariage comme soumis à la surveillance de l’Eglise et
entouré par elle des cérémonies déterminées. Ignace d’Antioche déclare qu’il convient aux
hommes et aux femmes qui se marient de contracter leur union avec l’avis de l’évêque, afin que
le mariage se force selon le Seigneur et non selon la passion. Tout pour la gloire de Dieu. Ignace
exprime un désir ; il voudrait que cette pratique devint général.
23
Jusqu’au VIIè Siècle, on ne trouve nulle trace de mariage proprement ecclésiastique. Ce qui
revient constamment dans le texte, c’est que le mariage, une fois conclu, est sanctifié par la
prière du prêtre et par l’imposition du voile. Certains faisaient signés leur mariage civil par un
évêque ou un prêtre. Quoi qu’il en soit, à cette époque, se marier dans le Seigneur ne signifiait
rien d’autre qu’épouser un autre chrétien.
Mais l’Etat va se retirer du domaine du mariage. Ce fait trouve son origine dans la nouvelle
législation promulguée au cours de la première moitié du Vè Siècle. Le code Théodose déclare,
en effet, que dorénavant sera valide tout mariage contracté par le seul consentement mutuel des
conjoints, en présence de quelques amis qui serviront des témoins. Toutes les autres coutumes
qui accompagnaient le mariage peuvent être omises. Ce qui a donné, lieu plus tard à ce qu’on a
appelé le mariage clandestin. Il semble que cette nouvelle législation ait donnée à l’Eglise de
faire du mariage une affaire proprement ecclésiastique. Moins d’un siècle plus tard, en effet, le
Pape HORMIDAS publie un Décret déclara aucun croyant ne peut se marier en secret, mais doit,
après avoir reçu la bénédiction du prêtre, se marier publiquement dans le Seigneur. Le donné de
la foi atteint son plein développement : pour les baptisés, c’est le « OUI » réciproque des époux
qui constitue le mariage dans les Seigneur.
Dans la langue des pères, le terme « sacramentum » n’a pas le sens précis que lui a donné la
théologie. La signification était très élastique à cause des liens qui l’unissaient à la langue
juridique ou militaire et à la langue des mystères. Dans la période anténicéenne, il n’y a que
TERTULLIEN et LACTANCE qui aient appliqué au mariage le mot « Sacramentum ».
La pensée de TERTULLIEN sur le sacramentum ne dépasse pas celle de Saint Paul: ce mot
signifie que le mariage est un symbole (Eph 5, 32). Chez LACTANCE, le sens du mot
« sacramentum » désigne l’engagement sacré qui unit les époux et les oblige à se garder une
inviolable fidélité.
Chez AUGUSTIN, - Sacramentum signifie d’abord que le mariage est une image de l’union du
Christ avec son Eglise. Ce symbole sacré a été institué par Dieu au temps de la création, dans le
paradis, formellement dévoilé comme tel par le Christ aux noces de Cana.
C’est vers cette époque que la théologie sacramentaire commence à trouver ses formules.
Tous les théologiens et les canonistes du Moyen-âge sont d’accord pour ranger le
mariage au nombre des sacrements de l’Eglise. Au début, cependant, et durant assez
longtemps ,beaucoup paraissent avoir eu de la difficulté à reconnaitre que ce soit un
24
sacrement comme les autres sous le rapport de la collation de la grâce, si bien qu’on peut
dire que l’histoire du sacrement du mariage dans la théologie scolastique est tout celle de
sa lente admission à la dignité de signe véritablement efficace de la grâce.
L’Eglise est plusieurs fois intervenue dans la dogmatique et la morale du mariage. Le Concile de
LATRAN de 1139 excommunie ceux qui « condamnent le lien des noces légitimes » (D 367). Le
Catharisme est à nouveau anathématisé par le Concile de VERONE(1184), qui appelle le
mariage un sacrement de l’Eglise, et l’énumère comme tel avec le baptême, l’Eucharistie et la
pénitence ( D 402). C’est la première fois que le mariage est qualifié de sacrement dans un
document de l’Eglise.
Le Code de Droit Canon de 1917 consacre une partie importante quant à la législation du
mariage. Le canon 1100 confirme la légitimité des usages liturgiques locaux. C’est PAUL VI qui
se prononcera énergiquement en matière morale dans l’encyclique Humanae Vitae(1968) et qui
enrichit le rituel antérieur, répondant ainsi au vœu de la Constitution Sacrosanctum Concilium
de Vatican II.
Si le mariage est le dernier dans la liste des sacrements, c’est ne pas seulement pour un motif de
classement logique. C’est aussi pour une raison historique.
a) Il de foi que le sacrement sont été institués par le Jésus Christ. Il est pourtant que
l’Eucharistie a été vraiment inventée par lui… Les autres sacrements sont des rites
chrétiens, sont créés uniquement en vue de conférer la grâce du Christ. Ils sont dépourvu
de sens en dehors de leur caractère sacramentel ; il n’existe qu’en fonction de la vie
chrétienne, en fonction de l’insertion du chrétien dans le l’Eglise. Le mariage, au
contraire, est aussi ancien que l’humanité. Voir Gn 1, 27 ; 2, 18 ; Mt 19, 4-6.
b) Le christianisme a simplement purifiée le mariage en insistant sur la chasteté et la fidélité
conjugales. Le mariage est le seul des sacrements qui transforme en instrument d’action
divine une institution humaine. Aucune communauté autres que la communauté familiale
ne prend son départ dans un sacrement, même pas la vie religieuse.
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II.5.2. LE MARIAGE EST UN GRAND SACREMENT
La doctrine exprimée par le magistère ordinaire soutien que le sacrement du mariage est
confectionné par le consentement mutuelle que les époux expriment devant l’Eglise. De là , il
est clair que c’est le consentement parfait et mutuel qui donne naissance au mariage ; ce sont les
époux eux-mêmes qui, en se disant ( OUI) l’un à l’autre, s’administrent le sacrement. Ils sont
donc les ministres du sacrement. Cependant, le Christ reste le ministre principal du sacrement du
mariage.
Et le prêtre ? Le mariage n’est pas un acte privé ou l’affaire des époux, mais un évènement qui
concerne toute l’Eglise. Le prêtre intervient en témoin autorisé de l’Eglise.
Le mariage est une participation spéciale au mystère de la rédemption, comme union du Christ et
de son Eglise bien-aimée qu’il s’est acquise comme une épouse sainte. C’est lui qui se marie
dans le Seigneur, c’est-à-dire qui se marie comme croyant baptisé, participe d’une manière
particulière, adapté à sa nouvelle situation, au lien qui fait du Christ et de l’Eglise un seul corps.
Le mariage est signe efficace de la grâce, symbole créé d’une réalité transcendante, de l’union
mystérieuse du Christ et de l’Eglise. Dans le mariage, cette union mystérieuse est incarnée.
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II.5.5. Le mariage entre un baptisé et un infidèle est-il sacramentel ?
Il s’agit ici d’un mariage contracté avec dispense de disparité de culte. Avec dispense, un tel
mariage est valide et licite. Mais est-il sacramentel ? Evidemment, il ne peut l’être chez le non
chrétien. L’est-il chez le contractant baptisé? Les théologiens sont divisés sur les réponses à
faire.
a) Opinion affirmative : Elle a de nombreux tenants. Elle fait valoir les arguments suivants :
si le sacrement du mariage, comme le contrat, est unique, il y a néanmoins deux sujets ; dès lors,
le mariage peut être sacramentel chez l’un, tandis qu’il ne l’est pas chez l’autre. C’est le baptême
qui, dans le mariage de deux chrétiens, transfigure ipso facto, le contrat naturel en sacrement ; il
serait invraisemblable que le même baptême soit sans conséquence pour la partie chrétienne lors
d’un mariage « dispar ».
b) Opinion négative : semble être la plus commune. Elle estime que le sacrement de mariage
étant identique au contrat, lequel est essentiellement un et indivisible, il s’en suit nécessairement
qu’il est reçu par les deux époux ou ne l’est par aucun. Du reste, si ce mariage était sacramentel,
il jouirait chez le baptisé d’une indissolubilité plus parfaite et plus forte que chez le non baptisé.
Or, le mariage est essentiellement une relation d’égalité entre deux personnes, l’opinion négative
insiste : comment la partie non baptisée peut-elle représentée soit le Christ, soit l’Eglise,
puisqu’il s’agit de quelqu’un qui n’est incorporée par le baptême ni au Christ ni à l’Eglise. La
pratique du Saint Siège, en rompant le lien des mariages ainsi conclu en faveur de la foi
(privilège Paulin), semble avoir démontré qu’ils n’étaient pas vraiment des sacrements, donc
indissolubles.
38
Abbé MULAGO, V., Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Ed. St Paul, 1991, pp. 7-
27
Ainsi, la famille peut englober un grand nombre de personnes, une parenté nombreuse
s’étendant sur plusieurs générations.
La communauté familiale s’étend sur plusieurs échelons, en cercles concentriques
de plus en plus larges:
1. Le premier échelon se compose essentiellement d’un homme, de sa femme et de leurs
enfants non-mariés; ce que les sociologues nomment la famille nucléaire ou élémentaire.
En Afrique, ce type connait deux extensions: famille étendue et famille polynucléaire.
2. Le lignage est un groupe de consanguins dont le comput généalogique permet de
remonter à un ancêtre historique commun à toutes les personnes du groupe. Le chef de
lignage est un patriarche et non un souverain. Il agit paternellement, ses administrés ne
sont pas ses sujets mais ses fils; de plus, il s’entoure d’un conseil, qu’il préside et qui
compte tous les membres importants du lignage.
3. Le dernier échelon du groupement familial traditionnel africain est le CLAN.
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unissant deux familles, deux lignages, deux clans... La “dot” est le signe, le symbole et
aussi l’instrument juridique ett social de cette union. Elle est appelée “gage d’alliance”.
Le mariage africain est un processus dynamique et progressif et non un contrat conclu en
une fois pour toutes. Le premier stade est normalement constitué par les fiançailles et le
dernier par les formalités complémentaires. Le mariage procède par étapes et comporte à
chaque étape: des rites, des actions symboliques et des échanges de cadeaux entre deux
groupes. Le versement des gages d’alliance (dot) est un moment crucial et décisif dans le
processus du mariage.
Le mariage africain est une source de vie. Le mari y est considéré avant tout comme le
père (ou futur père), la femme comme la mère (ou future mère) de leurs enfants. L’aspect
père-mère prévaut sur l’aspect époux-épouse. C’est la fécondité qui fait les époux
pleinement époux.
Le mariage africain est dans l’ordre du sacré et du religieux. Il n’y a pas de mariage
profane ou laïc. Les rites des sacrifices aux mânes et les formules de bénédiction
employées fréquemment par les parents en sont un supplément de preuve.
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1. Il est d’abord une alliance entre deux familles (ou deux clans). Donc, une réalité sociale
et communautaire avant d'être personnelle.
2. Cette alliance est conclue par un double échange: la jeune fille (consentante: la coutume a
le moyen de s’en assurer) est accordée au jeune homme et à sa famille, et le jeune
homme, aidé par sa famille, offre aux parents de la jeune fille un don symbolique,
souvent important; dans chaque ethnie il est désigné par un terme technique, qu’il est
préférable d’appeler en français “gages d’allianceˮ, plutôt que “dotˮ.
3. La finis operis de cet échange est la continuation de la lignée du jeune homme. Par la
réception des gages d’alliance tous les enfants de l’épouse, considérés dès lors comme
légitimes, appartiennent à la famille de l’époux. Le mariage (in facto fieri) est donc le
transfert de la fécondité d’une jeune fille, en tant que génitrice, d'une famille à une autre
famille, au profit de cette dernière.
4. Ce transfert se réalise selon un processus dynamique, qui comporte une série d’étapes.
5. Ce mariage se situe naturellement dans l’ordre du sacré, du religieux.
6. Ce qui détermine le choix du conjoint, c’est l’appréciation des qualités considérées par la
coutume comme requises pour être un bon époux et une bonne épouse. L’amour entre
époux n’est pas requis avant, mais se développe souvent après le mariage.
7. Ce mariage (une fois achevées les étapes signalées plus haut) est en principe indissoluble:
l’échange des gages d’alliance en est la ferme garantie, et d’une certaine façon il est aussi
monogame en ce sens que la première épouse jouit d'un statut privilégié, jamais partagé
par d'éventuelles co-épouses39.
Nous référant aux sept caractéristiques du mariage coutumier présentées dans la partie
précédente, telles que résumées par Vincent Mulago, nous pouvons dire que le mariage
coutumier comme aussi le mariage religieux prépare l’homme à avoir un compagnon d’éternité,
avec qui il se lie pour la prospérité et pour l’éternité. Les choses étant telles, on peut alors
raisonner théologiquement de la façon suivante. Cette manière d’envisager l’union conjugale est
culturellement aussi valable que celles qui sont nées dans d’autres cultures. De plus, du point de
vue de la révélation biblique, aucune de ces sept caractéristiques 40 ne contredit directement la
volonté divine concernant le mariage; aucune n’est en soi immorale. Chaque caractéristique vise
à valoriser l’union conjugale.
CONCLUSION
Il est évident que nous n’avons pas épuisé les caractéristiques du mariage africain. Hélas, il n’y a
pas que du positif dans le mariage traditionnel africain. A côté de ces valeurs appréciables, nous
39
Cf. V. MULAGO KWA CIKALA, Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Saint Paul, Kinshasa 1981.
40
Cf. V. MULAGO GWA CIKALA MUSHARAMINA, Mariage traditionnel africain et mariage chrétien, Saint Paul,
Kinshasa 1981.
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trouvons quelques pierres d’achoppement. Mais ces points négatifs, loin d’être inhérents au
mariage bantu ou africain, nous semblent plutôt comme des concessions faites à la faiblesse de la
nature humaine. Le mariage coutumier est un mariage valide et n’attend que quelques
purifications pour atteindre l’idéal voulu par le créateur du couple humain.
Mais, confronter à la morale chrétienne, il se vérifie que certaines pratiques sont des
concessions liées à des fonctions traditionnelles du mariage. Notamment la possibilité du divorce
ou de la prise d’une autre femme en cas de stérilité. Mais la signification nouvelle apportée par la
foi chrétienne au mariage corrige ces défauts accidentels. D’ailleurs, la pratique de l’Eglise a
toujours respecté un tel mariage, considéré comme “légitimeˮ.
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