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Gary Thomas

VOUS AVEZ DIT OUI À QUOI ?

ET SI DIEU AVAIT IMAGINÉ LE MARIAGE AUSSI POUR


VOUS RENDRE SAINT
Pour Lisa.
REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tous ceux qui, par leur témoignage, ont contribué à
la réalisation de ce livre. Certains, parmi vous, souhaitant garder l’anonymat,
il m’est impossible de vous remercier tous personnellement mais je vous suis
profondément reconnaissant.
Les éditions Zondervan m’ont été d’un grand secours lors de la
rédaction de cet ouvrage. John Sloan a fait un excellent travail en veillant au
respect du sujet et de la structure. Dirk Buursma s’est efforcé d’améliorer
mon style tout en respectant ma personnalité. John Topliff, directeur du
marketing, m’a lui aussi énormément encouragé.
J’aimerais aussi remercier mon agent, Scott Waxman, qui m’a présenté
aux éditions Zondervan ; Rob et Jill Takemura pour leur amitié, tant
matérielle que spirituelle ; le Dr Bob Stone, mon pasteur, dont les
encouragements et les enseignements ne cessent de m’inspirer et de me
lancer des défis ; Carolyn McCulley, de PDI*, dont j’ai vraiment apprécié les
références, les mises en relations et l’amitié ; Gene Breitenbach, pour sa
patience et ses conseils avisés envers un écrivain assez malhabile dans un
monde de plus en plus régi par l’Internet ; et mes enfants (Allison, Graham et
Kelsey), dont les rires, les câlins, les prières et les commentaires illuminent
ma vie (et aussi pour m’avoir permis de divertir les lecteurs par quelques
anecdotes les concernant).
Et pour terminer, je remercie la femme incomparable qui a, elle aussi,
contribué à la réalisation de ce livre. Je l’ai éprouvée, et j’ai été éprouvé par
elle ; j’ai péché envers elle et recherché son pardon ; avec elle, j’ai ri, pleuré,
prié et conçu des enfants. Lisa, je t’aime davantage chaque jour. Je ne peux
imaginer la vie sans toi. Merci de partager mon existence. Ta personnalité a
insufflé la joie dans notre vie de couple. Ta foi l’a sanctifiée. Tu es réellement
un trésor.

* NDT : association d’églises à présent appelée « Sovereign Grace


Ministries ».
TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE
REMERCIEMENTS
CHAPITRE 1
Le plus grand défi au monde
Un appel à la sainteté plus qu'au bonheur
CHAPITRE 2
Trouver Dieu dans son couple
Analogies du mariage et vérités bibliques
CHAPITRE 3
Apprendre à aimer
Comment le mariage nous apprend à aimer
CHAPITRE 4
L'honneur saint
Le mariage nous apprend à respecter les autres
CHAPITRE 5
L'étreinte de l'âme
Un mariage de qualité favorise une prière de qualité
CHAPITRE 6
La purification du mariage
Comment le mariage révèle notre péché
CHAPITRE 7
L'histoire sacrée
Construire la discipline spirituelle de la persévérance
CHAPITRE 8
Le combat sacré
Permettre aux difficultés de nous rendre plus forts
CHAPITRE 9
Tomber vers l'avant
Le mariage nous apprend à pardonner
CHAPITRE 10
Fais de moi un serviteur
Le mariage peut développer en nous un cœur de serviteur
CHAPITRE 11
Une sexualité sainte
Une sexualité qui favorise la croissance spirituelle et le développement du
caractère
CHAPITRE 12
La présence sacrée
Le mariage peut nous rendre plus conscient de la présence de Dieu
CHAPITRE 13
La mission sacrée
Le mariage au service de notre appel
ÉPILOGUE
Le couple saint
QUESTIONS
Pour discuter et réfléchir
NOTES
CHAPITRE 1
LE PLUS GRAND DÉFI AU MONDE
Un appel à la sainteté plus qu’au bonheur

Dans tous les cas, mariez-vous.


Si vous tombez sur une bonne épouse, vous serez
heureux.
Et si vous tombez sur une mauvaise, vous deviendrez
philosophe.
— SOCRATE
Comme tout ce qui n’est pas le produit involontaire d’une
émotion fugace, mais la création du temps et de la volonté,
tout mariage, qu’il soit ou non heureux, est infiniment plus
intéressant que n’importe quelle romance, fut-elle
passionnée.
— W. H. AUDEN

« Je vais disséquer ce corps ! » Les historiens ignorent qui fut le premier


médecin à aller au bout de cette idée. Une chose est sûre, cette pratique a
révolutionné la médecine. Le désir d’ouvrir un cadavre, d’en ôter la peau et le
scalp, d’en fendre les os, d’en prélever les organes pour les examiner et les
dessiner, tout cela représenta un premier pas décisif dans la découverte du
fonctionnement du corps humain.
Pendant des milliers d’années, les médecins s’étaient interrogés sur ce
qui se passait à l’intérieur d’un corps humain. Ils étaient cependant réticents,
voire horrifiés, à l’idée de découper un cadavre. Certains s’en abstenaient à
cause de leurs convictions religieuses, d’autres frissonnaient à la seule pensée
de devoir ouvrir une cage thoracique. Même si quelques courageux s’y
étaient risqués à l’occasion, les dissections ne devinrent courantes parmi les
médecins européens qu’à partir des xve et xvie siècles.
Dès que cette pratique
Ce livre montre comment mettre
devint une habitude, les
à profit défis, joies, difficultés et
conceptions erronées du
bons moments du mariage pour
passé s’écroulèrent les unes
nous rapprocher de Dieu et
après les autres. Au xvie développer notre caractère
siècle, André Vésale reçut spirituel.
l’autorisation de disposer
librement de tous les cadavres des criminels. Il put ainsi démentir
définitivement bon nombre d’hypothèses millénaires concernant l’anatomie
humaine. Les planches anatomiques de Vésale acquirent une valeur
inestimable ; elles n’auraient pourtant jamais existé si Vésale n’avait pas
d’abord été prêt à saisir son scalpel pour se mettre au travail.
Je désire faire de même dans cet ouvrage... par l’angle d’attaque
spirituel. Nous allons disséquer de nombreux mariages, les examiner de près,
en découvrir le fonctionnement. Nous en déduirons ensuite des implications
spirituelles et ferons ressortir de la matière à réflexion pour notre croissance.
Nous ne chercherons pas des réponses faciles du style « Mieux communiquer
en trois leçons » ou « Une relation amoureuse plus intense en six étapes ». En
effet, ce livre ne présente pas les clés d’un mariage plus heureux. Ce livre
montre comment mettre à profit les défis, les joies, les difficultés et les bons
moments du mariage pour nous rapprocher de Dieu et développer notre
caractère spirituel.
François de Sales était un écrivain chrétien du xviie siècle. Les gens lui
écrivaient souvent pour obtenir son opinion sur tel ou tel sujet car il avait la
réputation de donner de très bons conseils spirituels. Une femme lui fit part
un jour de sa détresse intérieure. Elle était déchirée entre son désir de se
marier et le célibat que lui recommandait un proche, sous prétexte qu’il serait
« plus saint » qu’elle s’occupe de son père jusqu’à la mort de ce dernier, et
fasse ensuite vœu de célibat devant Dieu.
De Sales rassura la
Et si Dieu avait créé le mariage
jeune femme éplorée en lui
pour nous rendre saints, plus
affirmant que, loin d’être un
que pour nous rendre heureux ?
compromis, le mariage serait
probablement le ministère le plus éprouvant dont elle pourrait se charger :
Le mariage demande plus de vertu et de constance que
toute autre situation, écrivit-il. C’est un exercice perpétuel
de mortification. [...] Malgré l’amertume de sa sève, ce
plant de thym vous permettra peut-être de produire le miel
d’une vie sanctifiée1.
Notez qu’il parle du caractère « amer » que revêt occasionnellement la
« sève » du mariage. Pour profiter spirituellement du mariage, nous devons
être honnêtes. Nous devons faire face à nos déceptions, à nos attitudes
déplorables et à notre égoïsme. Nous devons également abandonner
définitivement l’idée selon laquelle prier davantage ou apprendre quelques
principes de base pourrait suffire pour surmonter les difficultés du mariage.
La plupart d’entre nous avons découvert que ces « principes de base »
n’agissent qu’à un niveau superficiel. Pourquoi ? Parce qu’au-delà du désir
« d’améliorer » notre mariage, il existe une question plus profonde : et si le
projet de Dieu pour le mariage n’était pas qu’il soit « facile » ? Et si, allant
au-delà de notre désir de bonheur, de confort et d’épanouissement (qui nous
laisserait presque croire en un monde parfait), Dieu poursuivait un objectif
tout autre ?
Et si Dieu avait créé le mariage pour nous rendre saints, plus que pour
nous rendre heureux ? Et si, comme François de Sales le suggérait, nous
devions accepter la « sève amère » pour en extraire les ressources nécessaires
à la production du « miel d’une vie sanctifiée » ?

Le piège du romantisme
Cette perspective du mariage diffère radicalement de nos conceptions
habituelles. Nous ne pouvons toutefois pas oublier que ce concept « d’amour
romantique », tant exalté dans les films, la musique et les romans en tous
genres, était quasiment inconnu dans le passé. Il y a certes eu quelques
exceptions : le Cantique des cantiques, par exemple. Mais de manière
générale, l’idée que la passion, l’épanouissement personnel et l’ardeur
faisaient nécessairement partie du mariage est apparue relativement
récemment dans l’Histoire, vers la fin du xie siècle2.
C. S. Lewis, dont le mariage avec une femme de santé fragile avait
étonné beaucoup de ses contemporains, faisait remarquer qu’un tel
changement drastique de la pensée ne se produisait que très rarement : « Il y a
peut-être trois ou quatre cas de ce genre mentionnés dans l’Histoire, mais je
veux bien croire qu’ils ont réellement existé, puisque l’un d’entre eux est
justement l’apparition de cette idée d’amour romantique3 ».
Cela ne signifie pas pour autant que le romantisme ou l’espoir d’une
relation plus romantique soient mauvais en soi. Les bons mariages s’efforcent
de préserver une part de romance. Malheureusement, bon nombre de nos
contemporains sont convaincus qu’un couple ne peut tenir dans le temps que
grâce à la romance et que les sentiments romantiques sont prioritaires au
moment du choix d’un conjoint. Cette idée a brisé bien des couples.
Les poètes romantiques du xviiie siècle, tels que Wordsworth, Coleridge
et Blake, ont grandement contribué à l’essor du romantisme. Puis Byron,
Shelley et Keats ont suivi. Ces poètes s’enflammaient en affirmant que se
marier sans « amour » était un crime contre nature. Pour eux, l’amour se
définissait essentiellement comme un ensemble de sentiments et d’émotions.
La vie de la plupart d’entre eux ne fut pourtant qu’une manifestation
déplorable d’irresponsabilité.
Au xxe siècle, Katherine Anne Porter s’exclamait :
L’amour romantique s’est, au cours des siècles, furtivement
glissé dans le lit conjugal. Il a ainsi transformé de manière
insensée les notions d’amour et de mariage. L’amour est
devenu un printemps éternel, le mariage une aventure
personnelle en quête de bonheur personnel.
La réalité de la condition humaine est ainsi faite que, selon Porter (et je
suis d’accord avec elle), nous devons « extirper des fragments de bonheur »
parmi les souffrances inévitables de la vie.
Vers 1940, Porter rédigea un mémoire surprenant de clairvoyance sur le
thème de la vie de couple. Elle lui donna comme titre L’ennemi nécessaire.
Elle y explorait avec soin les différentes dimensions du mariage. Elle y
rapporta ces quelques observations au sujet d’une jeune mariée :
Cette jeune femme moderne affronte le plus ancien et le
plus terrible dilemme du mariage. Elle est consternée,
horrifiée, pétrie de remords et de mauvais pressentiments
lorsqu’elle découvre peu à peu qu’elle est capable de haïr
ce mari qu’elle aime pourtant tendrement. Cette haine est
parfois aussi féroce et mystérieuse que celle qu’elle avait
souvent éprouvée durant son enfance à l’encontre de ses
parents et de ses frères et sœurs, qu’elle aimait pourtant
aussi tendrement.
Elle pensait avoir laissé tout cela derrière elle en
grandissant. Or, cette partie d’elle-même refait surface et
elle craint de ne pouvoir la contrôler. Elle va devoir, autant
que possible, cacher à son époux cet aspect de ses
sentiments qu’elle avait jadis caché à ses parents. Et ce,
pour la même raison inavouable et égoïste : s’assurer qu’il
ne cesse de l’aimer.
Par-dessus tout, elle veut qu’il soit absolument convaincu
qu’elle l’aime, car c’est l’entière vérité. Qu’importe que cela
paraisse déraisonnable et que ses propres sentiments les
trahissent parfois tous les deux. Elle dépend totalement de
son amour.
Porter avertit qu’en s’appuyant uniquement sur une vision romantique
du mariage, la jeune femme risque de perdre sa « tranquillité d’esprit. Elle
craint de causer la perte de son mariage parce que [...] par moments, elle
ressent une douloureuse hostilité envers son mari. Hostilité qu’elle est dans
l’incapacité d’admettre, car une telle démarche abîmerait sa vision de l’amour
idéal4 ».
L’amour romantique est dépourvu de toute élasticité. Il ne peut être étiré
sans voler immédiatement en éclats. L’amour mature, élément indispensable
d’un mariage de qualité, doit pouvoir s’étirer. Il permet ainsi de supporter les
émotions contradictoires de notre condition pécheresse. « Sa haine est tout
aussi réelle que son amour » dit Porter à propos de la jeune femme. C’est là la
réalité du cœur humain, le résultat inévitable de la décision de deux êtres
pécheurs de vivre ensemble, avec tous leurs défauts, pour le reste de leur
existence.
Le mariage fait appel à nos idéaux les plus élevés. En fait, il fait appel à
des idéaux quasiment inaccessibles. Nous souhaitons vivre d’une certaine
manière, mais le mariage nous ramène à la réalité quotidienne de deux êtres
humains pécheurs vivant dans un monde déchu. Nous aspirons à l’amour
mais, bien trop souvent, nous sombrons dans la haine.
Toute vision mature et
L’amour romantique est
spirituelle du mariage doit se
dépourvu de toute élasticité. Il
fonder sur un amour mature
ne peut être étiré sans voler
plutôt que sur le
immédiatement en éclats.
romantisme. Une telle
affirmation nous place immédiatement à contre-courant des aspirations
propres à notre société. Dans son célèbre ouvrage intitulé Tactique du Diable,
C. S. Lewis, par la bouche du démon Screwtape, ridiculise l’obsession de
notre société pour le romantisme :
Certains hommes qui n’ont pas le don de l’abstinence
sexuelle, pourront être découragés de chercher la solution
à leur situation dans le mariage parce qu’ils n’auront pas le
sentiment d’être tombés amoureux et que, grâce à nous,
l’idée de se marier pour tout autre motif leur semblera
toujours méprisable et cynique. Oui, c’est effectivement ce
qu’ils pensent. Ils estiment que le désir de s’associer à
quelqu’un en toute loyauté, afin de se soutenir
mutuellement, de rester chastes l’un et l’autre et
d’engendrer la vie a bien moins de valeur qu’une tempête
d’émotions5.
Pour ceux d’entre nous qui sommes mariés depuis un certain temps, les
montagnes russes romantiques du début de notre relation ont progressivement
laissé place à une autoroute de vallée : de longs tronçons bien plats,
agrémentés ici et là d’un petit pont. Lorsque ce type de changement survient,
les couples réagissent de différentes manières. Beaucoup cherchent à recréer
ailleurs une romance passionnée avec un nouveau partenaire. D’autres
déclenchent une sorte de guérilla urbaine au sein de leur mariage, un jeu de
pouvoir entre « bourreau » et « victime ». Dans ce jeu cruel, chaque conjoint
rend l’autre responsable de sa propre insatisfaction ou de son manque de
plaisir. Certains couples décident de simplement « vivre ensemble ». D’autres
encore choisissent de poursuivre une réalité plus profonde, une vérité
spirituelle cachée dans l’intimité forcée de leur mariage.
Nous pouvons soit fuir
Toute vision mature et spirituelle
les défis de la vie de couple,
du mariage doit se fonder sur un
soit les reconnaître comme
amour mature plutôt que sur le
donnée intégrée à tout
romantisme.
mariage, et y faire face. Si
chaque mariage rencontre les mêmes défis, nous pouvons supposer que Dieu
visait par le mariage un objectif qui transcende quelque chose d’aussi
illusoire que la recherche du bonheur.
C’est le but et la raison d’être de ce livre : comment parvenir, au travers
des défis du mariage, à mieux connaître Dieu, à mieux le comprendre et à
apprendre à l’aimer davantage ?
De nombreux couples mariés ont accepté de nous ouvrir leur vie afin
d’apporter leur contribution à ce livre. Il est donc de mon devoir de permettre
que mon propre mariage soit le premier à être disséqué.

Des fiançailles inattendues


Lisa et moi, nous nous sommes souvent demandé ce qui se serait passé
si elle avait dit Oui.
Au cours d’un après-midi libre, lors d’un camp du GBU*, j’ai demandé
à Lisa de nous rejoindre pour une partie de frisbee : « Non, répondit-elle, je
crois que je préfère aller me promener ».
Elle était rentrée depuis peu d’un séjour missionnaire au Mexique. Ce
camp GBU était censé relancer notre relation. Nous nous connaissions depuis
le collège, et sortions ensemble depuis environ un an. Les choses devenaient
sérieuses. Sans en parler à Lisa, j’avais demandé à mon meilleur ami, Pierre,
de commencer à prier pour que je sache si je devais la demander en mariage.
Et sans que je le sache, Lisa et sa mère avaient passé l’après-midi du samedi
précédent à regarder les robes de mariée, « juste au cas où » Lisa en aurait
besoin un jour.
Quelque peu frustré que Lisa ne se montre pas plus coopérative, je lui
avais dit :
— D’accord, alors je ne jouerai pas au frisbee non plus.
— Tu peux y jouer, m’avait répondu Lisa. Cela ne me dérange pas de
marcher seule.
— Non, je t’accompagne !
Nous ne savions pas ni l’un ni l’autre à quel point cette décision allait
changer le cours de nos vies.
Nous avons bavardé une petite heure, tout en marchant le long de la
rivière qui serpentait au milieu d’une magnifique vallée, proche du Parc
national du Glacier. J’ai brusquement arrêté mes ricochets sur la rivière pour
dire à Lisa : « Je veux t’épouser ».
Lisa en est restée bouche bée.
— C’est une demande en mariage que tu me fais là ? s’exclama-t-elle,
étonnée.
Je hochai la tête, aussi stupéfait qu’elle. Lisa s’approcha de moi et me
prit dans ses bras.
— C’est ton accord que tu me donnes là ? lui demandai-je, et Lisa fit
signe que oui.
— Eh bien, ajouta-t-elle après un moment, imagine ce qui se serait
passé si j’avais accepté de jouer au frisbee avec toi !
Nous avons bien ri, et avons expérimenté ensemble, dans les minutes qui
suivirent, un des moments les plus intenses en émotions que nous n’avions
jamais connu. Nos âmes fusionnaient d’une manière étrange, presque
mystique. Quelque chose se déroulait en nous, autour de nous et au travers de
nous. Quelque chose qui surpassait toute connexion physique. C’était plus
profond, plus intense et plus étonnant que tout ce que nous avions vécu
jusque-là.
Comme tout couple de fiancés, nous avons passé les neuf mois suivants
à élaborer des projets. Nous avons parlé missions, familles, école biblique,
comment servir Dieu, etc. C’était une période intense, au cours de laquelle
nous faisions régulièrement cette prière : « Seigneur, quel que soit l’endroit
où tu veux nous emmener, quel que soit le travail que tu veux que nous
fassions, nous t’appartenons ».
Comme nous n’avions jamais couché ensemble avant notre nuit de
noces, notre lune de miel fut une expérience inoubliable. Mais, sitôt celle-ci
achevée, la réalité s’imposa à nous comme un épais brouillard.
Je projetais d’économiser de l’argent pour entrer dans une faculté de
théologie. Nous avons donc passé nos premiers mois dans une toute petite
maison, mise gracieusement à notre disposition par une famille d’amis. Deux
jours après notre retour, j’ai repris le travail. Lisa se retrouva seule dans un
petit village perdu au milieu de nulle part, et elle se mit à pleurer.
Comme il faisait beau, elle m’appela au travail et me demanda si je
pouvais rentrer de bonne heure pour que nous allions nous promener au bord
du lac. Je crus qu’elle avait perdu la tête :
— Je ne peux pas quitter le bureau simplement parce qu’il fait beau !
protestai-je. De plus, je viens à peine de recommencer !
— Mais pourquoi nous être mariés si je te vois maintenant moins
souvent que lorsque nous étions fiancés ? se lamenta-t-elle.
C’est vrai, quel était l’intérêt de se marier ?
Avançons maintenant
À quel moment de notre
de dix ans dans le temps.
mariage nos « Seigneur, utilise-
Nous habitons désormais un
nous pour changer le monde ! »
appartement au nord de la
se sont-ils transformés en « On
Virginie. Nous avons trois
regarde quoi ce soir :
enfants en bas âge, dont
Schwarzenegger ou Julia
deux encore dans les
Roberts ? »
couches. Je travaille pour
une œuvre chrétienne, et nous parvenons à peine à joindre les deux bouts.
Nous sommes sur le point d’entamer notre rituel du vendredi soir (lessive et
location d’une vidéo) :
— Quel genre de film aimerais-tu regarder ? demandé-je à Lisa en
prenant mes clés et en me dirigeant vers la porte de sortie.
— Eh bien, pourquoi pas une comédie romantique ? me répond-elle.
Je fais une grimace. Les trois derniers films étaient déjà des comédies
romantiques. Si je dois à nouveau regarder deux individus incroyablement
beaux se rencontrer dans les circonstances les plus improbables, tomber
amoureux, se disputer, puis passer les soixante minutes suivantes à se
réconcilier, j’en serai malade.
Je soupire en me retournant vers Lisa : « Je suis désolé, mais c’est
impossible. Il faut que je voie au moins un bâtiment exploser et une voiture
voler en éclats. Si je peux aussi trouver quelque chose qui ajoute à cela un
brin de romance, je le louerai ».
Je me dirigeai vers la porte, tout en me posant la question : À quel
moment de notre vie commune nos « Seigneur, utilise-nous pour changer le
monde ! » se sont-ils transformés en « On regarde quoi ce soir : Arnold
Schwarzenegger ou Julia Roberts ? » Je ne me souvenais pas quand nous
avions bifurqué dans cette nouvelle direction, mais le constat était clair : il
s’était passé quelque chose.
Je gardais en moi de vibrants souvenirs : notre soirée de fiançailles, la
joie de notre découverte mutuelle durant la lune de miel, les formulaires de
candidature pour la mission, l’arrivée de notre premier enfant, etc. Dix ans
plus tard, nous en étions réduits à passer nos vendredis soir devant la télé, à
regarder d’autres gens tomber amoureux, conformément à l’intrigue d’un
scénario hollywoodien.
Ce soir-là, je n’avais aucune réponse à proposer, mais l’examen honnête de
ma situation m’a secoué. C’était quoi, finalement, cette chose qu’on appelait
un « mariage » ? Comment en étais-je arrivé là ? N’y avait-il pas d’autres
raisons d’être au mariage que ce que nous vivions ?

« C’est une excellente chose qu’un homme se passe de femme »


Je suis devenu chrétien très jeune. En fait, je me souviens à peine d’une
période sans la présence ou l’action de Dieu dans ma vie. De ce fait, j’ai été
très tôt captivé par Jésus.
Toutefois, Jésus n’était pas le seul à m’attirer : le pouvoir d’attraction
des filles était aussi très fort. Déjà à l’école maternelle, j’étais sérieusement
tombé amoureux d’une fille aux cheveux bruns ! J’avais onze ans quand j’ai
commencé à me promener main dans la main avec une fille. Tina et moi
faisions le tour de la piste de patins à roulettes en rougissant, tandis qu’une
chanson des Carpenters illustrait à merveille ce que nous vivions à cet instant
précis : I’m on top of the world [Je suis au sommet du monde] !
En grandissant, j’étais parfois gêné par ce double mouvement
contradictoire : Jésus d’un côté, les filles de l’autre. L’homme que j’admirais
le plus, auquel je désirais ressembler et que je voulais servir fidèlement était
resté... célibataire.
Il y a toujours eu, dans l’Histoire, une tradition de célibat, des moines et
des religieuses qui exprimaient ainsi leur attachement à Dieu en mettant
délibérément de côté le mariage et les relations sexuelles. Une partie de moi
aurait bien voulu en faire autant : je voulais appartenir entièrement à Jésus-
Christ. Durant mes années de fac, je me suis battu avec ces paroles de
l’apôtre Paul : « C’est une excellente chose [...] qu’un homme se passe de
femme » (1 Corinthiens 7 : 1 – Semeur6).
À travers toute l’histoire chrétienne, de manière officielle ou parfois plus
sous-entendue, les croyants mariés ont souvent été considérés comme des
« chrétiens de second ordre ». Des chrétiens qui compromettaient leur
intégrité ou trop faibles pour contenir leurs pulsions sexuelles. Augustin
s’estimait indulgent lorsqu’il écrivait, à propos de l’intention de procréer, que
« les rapports sexuels au sein du mariage contribuent à transformer la
convoitise sexuelle en quelque chose de bien7 ». La Parole de Dieu est digne
de confiance, elle est même infaillible, mais l’histoire du christianisme, elle,
ne l’est pas. Elle est pleine de préjugés sans fondement.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que Pierre, le « premier pape », était bel
et bien marié (comment Jésus aurait-il pu guérir sa belle-mère ?), mais la
Bible décrit aussi de jeunes veuves du Ier siècle qui faisaient déjà vœu de
célibat (1 Timothée 5 : 9-12). Vers l’an 110 apr. J.-C., des célibataires
faisaient des vœux qui s’inspiraient directement des vœux du mariage. Cette
pratique adopta peu à peu un caractère plus officiel de sorte que, vers le IIIe
siècle, il était courant de faire vœu de célibat pour la vie entière. À partir du
ive siècle, une célébration liturgique spécifique était réservée à de tels vœux8.
Le christianisme puise ses origines dans le judaïsme où le mariage était
assimilé à un devoir religieux (un rabbin prétendait qu’un homme non marié
n’était pas encore tout à fait un homme9). Mais rapidement, dans les siècles
qui suivirent, l’option du mariage pour les croyants est devenue une idée
périphérique dans tous les ouvrages de « théologie spirituelle » (ces ouvrages
dans lesquels l’on étudie comment grandir spirituellement, comment prier et
comment s’approcher de Dieu). La plupart des classiques de la littérature
chrétienne ont été rédigés par des moines et des religieuses pour des moines
et des religieuses. Les mariés pouvaient, au mieux, tenter faiblement d’imiter
la recherche de Dieu de ces célibataires. L’idée de vouloir rechercher Dieu au
travers du mariage n’était pas réellement prise au sérieux. Au contraire,
l’accent était particulièrement mis sur la recherche de Dieu en dépit du
mariage.
J’avais apporté avec moi certaines de ces conceptions dans mon couple
mais, bien vite, j’ai découvert une tout autre réalité. Mon frère m’avait posé
quelques questions sur le mariage. Après quelques instants de réflexion, je lui
ai répondu : « Si tu veux être libre pour suivre Jésus, une chose est sûre :
reste célibataire. Être marié prend énormément de ton temps. Mais si tu veux
ressembler davantage à Jésus, je ne connais pas de meilleur moyen que le
mariage. Il t’obligera à regarder en face certaines questions de caractère
auxquelles tu n’aurais jamais été confronté autrement ».
La vie de famille n’est clairement pas une échappatoire. Après quelques
années de mariage, vous vous rendez rapidement compte que cette emphase
sur l’option du célibat est plutôt exagérée. Globalement, le côté sexuel de la
vie d’un couple marié ne représente qu’une petite fraction de son temps. Dans
mon cercle d’amis, j’ai été le premier à me marier et je me souviens que l’un
d’entre eux m’a demandé si, désormais, il avait encore le droit de passer chez
moi sans prévenir : « Oh, tu sais, lui ai-je répondu d’un air très sérieux, tu
devrais toujours d’abord me passer un petit coup de fil. Un couple marié
passe toute sa journée à se balader tout nu dans la maison ».
Pendant quelques secondes, il m’a cru !
Le travail de transformation profonde au sein du couple est le résultat
d’un engagement à plein temps, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est le
creuset dans lequel nous sommes malaxés et façonnés afin que notre
caractère ressemble de plus en plus à celui de Jésus. Au lieu d’avoir à se lever
à trois heures du matin pour la prière monastique, la question devient : « Qui
se lèvera en pleine nuit pour changer les couches du bébé ? »
Le mariage appelle à une vie radicalement nouvelle et altruiste. Cette
idée m’a frappé comme une évidence il y a quelques années de cela. Lisa et
les enfants étaient alors en voyage et j’avais dû rester travailler à la maison.
Autant que je m’en souvienne, c’était mon premier samedi libre. Jusque-là,
chaque samedi matin, je discutais avec Lisa des projets familiaux pour la
journée. Et ce jour-là, j’étais soudain à peine capable de formuler cette simple
question : Qu’ai-je envie de faire, moi ? Je me l’étais pourtant posée presque
tous les samedis matin avant d’être marié.
Toute situation qui m’amène à faire face à mon égoïsme est porteuse
d’une valeur spirituelle extrêmement importante. J’ai lentement commencé à
comprendre que la raison d’être du mariage n’était peut-être pas tant le
bonheur que la sainteté.
Je ne prétends pas que Dieu soit contre le bonheur, ou que le bonheur et
la sainteté s’excluent mutuellement. Mais en examinant le mariage au travers
du filtre de la sainteté, je l’ai découvert sous un angle entièrement nouveau.

« Cependant, pour éviter toute immoralité [...] »


Je trouve fascinant que, juste après avoir affirmé « c’est une excellente
chose qu’un homme se passe de femme », Paul poursuive en disant :
« Cependant, pour éviter toute immoralité, il est préférable que chaque
homme ait sa femme et que chaque femme ait son mari » (1 Corinthiens 7 : 2
– Semeur).
Dans l’original, ce passage fait clairement référence aux relations
sexuelles. Même si certaines versions de la Bible atténuent la force des
paroles de Paul, toute exégèse sérieuse indique qu’il s’agit bien ici de
sexualité. Je propose toutefois d’élargir ce principe pour exposer la vérité en
allant au-delà du simple contexte sexuel. Puisque l’immoralité nous habite
tous (non seulement l’immoralité sexuelle, mais aussi l’égoïsme, la colère, le
désir de contrôler et même la haine), nous devons développer une relation au
sein de laquelle nous pourrons travailler ces questions à la lumière de ce que
notre couple nous révélera sur notre manière d’agir et sur nos attitudes.
Le mariage m’a obligé à reconnaître et à affronter la grande part
d’immaturité qui m’habitait. J’ai dû, pour cela, changer l’idée que je m’en
faisais.
En effet, si la raison d’être de la vie de couple était simplement de
donner du plaisir et de rendre « heureux », je devrais envisager de m’engager
dans un « nouveau » mariage tous les deux ou trois ans. Mais si je désirais
sincèrement voir Dieu me transformer en profondeur, je devrais concentrer
mon attention sur mon changement, plutôt que sur les changements qui
devraient s’opérer chez mon épouse. En poussant le raisonnement, je pourrais
même me dire que plus ma femme s’avérerait difficile à vivre, plus j’aurais
d’opportunités de grandir ! L’exercice physique doit être assez intensif pour
tester les capacités du cœur face à l’effort. De même, « l’exercice
relationnel » a parfois besoin d’un peu de stress pour tester le cœur.
Je ne me suis pas
Toute situation qui me fait
concentré sur les
affronter mon égoïsme porte en
changements qui devaient
soi une valeur spirituelle
s’opérer en moi afin de vivre
extrêmement importante.
un mariage libre de toute
tension, être plus heureux ou même plus satisfait de mon couple. Non, j’ai
choisi de croire que le mariage me donnerait de nombreuses occasions de
prendre conscience que ma raison d’être sur la terre, mon objectif dans la vie
et mon épanouissement, je ne les trouverai qu’en Dieu. Lisa ne peut pas me
rendre réellement heureux. Dans le sens le plus profond du terme. Bien sûr,
nous passons d’excellents moments ensemble et elle est une épouse
extraordinaire, au-delà de toutes mes attentes. Ces moments précieux,
cependant, sont éclaboussés (et parfois presque noyés) par les contraintes et
les difficultés, par les défis des factures à payer à temps, ceux de l’éducation
des enfants, par la nécessité de gagner sa vie et d’entretenir sa maison.
En réalité, je suis désormais en quête d’un épanouissement plus serein,
d’une raison d’être plus profonde et de l’objectif à atteindre par le biais de
cette relation intense à deux, pour la vie entière. Persuadé que ma raison
d’être découle de ma relation avec Dieu, je veux donc découvrir comment le
mariage peut me rapprocher de Dieu.
Pour chacun de nous, notre relation de couple au sein du mariage est un
événement temporaire au regard de l’éternité. Par contre, notre relation avec
Dieu, à Lisa et à moi, survivra à notre mariage. Un jour viendra où l’un de
nous précédera l’autre dans l’éternité. Le conjoint survivant se retrouvera
seul, séparé de l’autre, et peut-être même se remariera-t-il.
Pour le chrétien, le mariage n’est pas la dernière réalité mais bien
l’avant-dernière. Par conséquent, chacun de nous peut trouver plus de sens
dans une quête commune de Dieu, en reconnaissant que Dieu seul peut
combler le vide spirituel de notre âme. Nous pouvons nous efforcer de rendre
notre maison agréable et paisible ; nous pouvons explorer toutes les façons de
garder une vie sexuelle épanouie ; nous pouvons mettre en place des
changements superficiels qui nous donneront une apparence de respectabilité
et de savoir-vivre. Mais ce dont nous avons besoin plus que tout, c’est de
vivre dans l’intimité du Dieu qui nous a créés. Si cette relation-là est saine,
alors nous n’attendrons pas, comme une exigence légitime du mariage, que
l’autre vienne remplir notre vide spirituel.
Étant humain et faillible, je ne suis malheureusement pas en mesure
d’apprécier Lisa à sa juste valeur comme Dieu le fait. Je ne peux même pas
commencer à la comprendre comme elle rêve d’être comprise. Je
m’ennuierais rapidement si j’étais marié à quelqu’un comme moi. Je peux
donc parfaitement concevoir que Lisa puisse de temps en temps se lasser, ou
s’ennuyer avec moi. Mais Dieu prend plaisir en chacun de nous. Dieu est
conscient de nos excentricités. Il comprend nos bonnes intentions, même
lorsqu’elles sont masquées par un comportement incroyablement stupide.
Une chose est certaine : Lisa ne peut pas attendre de moi que je sois
Dieu pour elle. Et même lorsque je m’efforce de l’aimer comme Dieu seul
peut l’aimer, j’échoue systématiquement à chaque fois. Je fais de mon mieux,
mais je ne suis jamais à la hauteur.

Chercher l’amour aux mauvais endroits


Rappelons-nous combien il est ridicule de rechercher chez les autres ce
que Dieu seul peut nous donner. Nos amis ont un fils, Nolan. Lorsqu’il avait
quatre ans, me voyant porter de lourdes caisses, il me demanda un jour, en
toute candeur : « Gary, qui est le plus costaud ? Toi ou Dieu ? »
Son père se mit à rire (un peu trop fort à mon goût). Bien sûr, nous,
adultes, savons qu’il est absurde de comparer notre force physique à celle de
Dieu. Mais combien « d’adultes » parmi nous n’ont-ils pas posé (peut-être
inconsciemment) ce type de question à leur conjoint : « Est-ce toi qui seras la
source de mon épanouissement, ou est-ce que ce sera Dieu ? » Bizarrement,
cette question, que nous trouvons risible quand il s’agit de la force physique,
ne nous semble pas aussi absurde. C’est pourtant ce qu’elle est !
Je suis persuadé qu’une
Nous avons besoin de l’intimité
grande part de notre
du Dieu qui nous a créés. Si
insatisfaction dans le couple
cette relation-là est saine, nous
vient de ce que nous en
n’attendrons pas que l’autre
attendons trop. Mon
remplisse notre vide spirituel.
ordinateur est plutôt
dépassé : je sais donc parfaitement qu’il n’est pas en mesure d’accomplir
certaines tâches. Il n’a pas assez de mémoire, son processeur n’est pas assez
rapide ou récent pour faire tourner certains logiciels, etc. Ce n’est pas que je
possède un mauvais ordinateur. C’est simplement que je ne peux pas attendre
de lui plus qu’il n’est en mesure de donner.
De la même manière, certains, parmi nous, attendent souvent trop du
mariage. Nous voulons que la plus grande partie de notre épanouissement
provienne de notre relation avec notre conjoint : c’est trop demander. Oui,
bien entendu, il y aura des moments de bonheur, de beauté, et une impression
globale d’épanouissement, cela ne fait aucun doute. Mais ma femme ne peut
pas être Dieu, alors que moi, j’ai été créé avec un esprit qui soupire après
Dieu. Tout ce qui n’atteint pas la plénitude de Dieu laisse un sentiment
d’inaccompli.
Ce livre met le doigt sur un objectif situé au-delà du mariage. La
croissance spirituelle en est le thème principal ; le mariage n’en est que le
contexte. Les célibataires mettent à profit l’abstinence et les ermites
l’isolement. Nous pouvons nous servir du mariage pour atteindre le même
objectif : grandir dans le service, l’obéissance, le caractère, la recherche et
l’amour de Dieu.
Vous avez certainement déjà réalisé que votre mariage avait un objectif
qui dépassait votre bonheur. La « sainteté » n’est peut-être pas le premier mot
qui vous est venu à l’esprit en y pensant, mais vous avez compris qu’une
vérité transcendait les romances superficielles que notre culture met si
souvent en avant. Nous allons donc disséquer de nombreux mariages. Nous
allons découvrir là où les engagements se frottent à la réalité, trouver où se
cachent les attitudes destructives, faire face à nos faiblesses et à nos péchés,
et apprendre comment grandir à travers tout cela.
L’objectif principal de ce livre n’est pas de vous faire aimer votre
conjoint davantage, même si je suppose que cela arrivera en cours de route. Il
est de vous donner les outils pour que votre amour pour Dieu grandisse et que
vous reflétiez toujours plus l’image de son Fils. À terme, vous développerez
une appréciation toute nouvelle pour celui ou celle qui voyage à vos côtés.

* NDT : groupe biblique universitaire.


CHAPITRE 2
TROUVER DIEU DANS SON COUPLE
Analogies du mariage et vérités bibliques

Le mariage est le révélateur impitoyable, le puissant


projecteur braqué sur les plus sombres recoins de la nature
humaine.
— KATHERINE ANNE PORTER

Chaque année, je participe à un week-end de retraite avec neuf de mes


anciens camarades de fac. Il y a plusieurs années, l’un d’entre eux me prit à
part. Il envisageait de rentrer chez lui pour la soirée. Lui et son épouse
espéraient pouvoir concevoir un bébé ce soir-là car, d’après les calculs de sa
femme, « c’était le bon moment ».
— Vas-y, rentre chez toi, le pressai-je. Tu peux être de retour pour le
petit-déjeuner.
— Je ne sais pas..., hésitait-il.
— Vas-y, insistai-je, tandis qu’un autre ami acquiesçait lui aussi.
Il finit par se décider et rentra chez lui. Cette nuit-là, un enfant fut
conçu.
Aujourd’hui, en regardant cet enfant, je souris. Je me demande s’il se
rend compte combien il est passé tout près de ne jamais exister (et combien il
me doit énormément !) Dans la vie, peu de chose donne davantage le vertige
que cette coopération entre Dieu et l’être humain pour que vienne au monde
un nouvel être. Si mon ami et sa femme avaient attendu le mois suivant, ils
auraient peut-être eu une fille, ou un garçon plus petit, ou beaucoup plus
brun. C’est impressionnant !
Collaborer ainsi avec Dieu pour qu’un enfant prenne vie est un aspect de
l’expérience conjugale qui devrait revêtir une importance toute particulière
chez les chrétiens. Les difficultés à concevoir occasionnent d’énormes
souffrances chez de nombreux couples. Le côté créateur de Dieu est essentiel
à son autorité, à son identité et à sa raison d’être. En réalité, la Bible s’articule
autour du fait que Dieu est le Créateur. La première chose que nous enseigne
la Genèse à son sujet est qu’il a créé les cieux et la terre (Genèse 1 : 1). Le
Nouveau Testament s’achève avec le Dieu Créateur des nouveaux cieux et de
la nouvelle terre. Lorsque Dieu dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles »
(Apocalypse 21 : 5), il parle au présent car il s’agit d’un processus continu.
Dieu va d’éternité en éternité en créant sans cesse.
C’est l’une des nombreuses analogies qui attachent les différents aspects
du mariage à notre compréhension de Dieu. Un fil conducteur majeur traverse
la Parole de Dieu : la relation de Dieu avec son peuple est constamment
comparée à l’institution humaine du mariage. Dans ce chapitre, nous allons
étudier comment ces analogies variées utilisent l’expérience du mariage pour
nous enseigner des vérités essentielles au sujet de la nature de Dieu. À travers
l’expérience du mariage, nous pouvons redécouvrir Dieu tout à nouveau.

Une divine romance


Osée nous révèle une réalité tout à fait surprenante : Dieu pose sur son
peuple le même regard que celui d’un mari sur sa femme :
Il arrivera en ce temps-là, l’Éternel le déclare, que tu me
diras : « Mon époux » et tu ne m’appelleras plus : « Mon
Baal (mon maître) ». [...] Puis, pour toujours, je te fiancerai
à moi.
OSÉE 2 : 18, 21 – SEMEUR.
Réfléchissez un instant à la différence entre les notions de « mari » et de
« maître », et à tout ce que ces termes évoquent pour vous. Dieu désire que
cette relation entre le divin et l’humain soit un lien d’obéissance fondée sur
l’amour et l’intimité, et non sur la crainte, une relation de loyauté et non une
adhésion aveugle à des « principes ». La passion qu’éprouve un mari à
l’égard de sa femme n’existe pas dans une relation de maître à esclave.
Comment considérez-vous Dieu : comme un maître ou comme un mari ?
Ésaïe utilise l’image de la relation amoureuse pour illustrer comment
Dieu trouve tout son plaisir dans son peuple : « Comme la fiancée fait la joie
de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu » (Ésaïe 62 : 5). Nous vivons
dans un monde où la plupart des gens sont tout simplement trop affairés ou
préoccupés pour se rendre compte que nous existons. Mais Dieu trouve son
plaisir en nous. Son cœur surnaturel bat plus vite en pensant à nous.
Jésus lui-même s’est parfois servi du mariage comme image, en se
comparant à « l’époux » (Matthieu 9 : 15) et en annonçant que le royaume
des cieux était semblable à un festin de noces (Matthieu 22 : 1-14). Cette
même image est utilisée jusqu’à l’apogée de l’Histoire, lorsque le livre de
l’Apocalypse évoque les « noces de l’Agneau », pour lesquelles « son épouse
s’est préparée » (Apocalypse 19 : 7).
La faillite de la fidélité spirituelle est souvent comparée à l’échec de la
fidélité conjugale. Jérémie compare l’idolâtrie à l’adultère : « J’ai répudié
Israël l’infidèle et je lui ai donné sa lettre de divorce à cause de tous les
adultères qu’elle avait commis » (Jérémie 3 : 8 – Semeur). Jésus utilise la
même image, en parlant d’une génération « adultère » (Marc 8 : 38). Dans ce
contexte, il ne s’attaque pas aux faiblesses sexuelles humaines :
il pleure sur une nation spirituellement infidèle qui a trahi son mariage
avec Dieu.
À travers toute l’histoire du christianisme, les similitudes existantes
entre l’union du mariage et les divers mystères de la foi impliquant également
une union, ont toujours été examinées de près : au-delà de la Trinité, les
caractères divins et humains se sont fusionnés dans la personne de Jésus-
Christ ; lors du partage du repas du Seigneur, le pain et le vin symbolisent le
corps et le sang du Christ ; Christ est uni à son Église ; etc.
Si je m’applique à méditer ces analogies, ce n’est pas pour jouer
habilement avec les mots. Les chrétiens qui cherchent à gagner une
perspective spirituelle de leur mariage puiseront dans ces comparaisons les
ingrédients nécessaires à une réflexion profonde et sérieuse. Dieu s’est
incarné afin que nous puissions le connaître. Parallèlement, Dieu n’a pas créé
le mariage simplement pour nous donner un moyen agréable de repeupler la
terre et de faire bénéficier l’humanité d’une stabilité sociale. Il a instauré le
mariage comme un repère de plus dans nos vies, un repère qui dirigerait nos
regards vers son existence éternelle et spirituelle.
Nous sommes des êtres à la compréhension limitée, qui avons besoin de
recourir à la puissance du symbolisme. À partir de la simple relation existante
entre un homme et une femme, le symbole du mariage permet d’appréhender
une dimension spirituelle presque illimitée. Mais pour cela, nous devons nous
servir de notre mariage pour partir à la découverte de Dieu. Si nous laissons
les manquements de notre conjoint accaparer notre esprit, nous passerons à
côté des mystères divins du mariage et de tout ce que Dieu souhaite nous
enseigner par ce biais.
Dans la section suivante, nous mettrons l’accent sur une analogie en
particulier. Nous démontrerons ainsi que ces images peuvent rapprocher
notre mariage de notre foi et nous rappeler sa raison d’être. Si les chapitres
suivant sont d’ordre plus « pratique », il est toutefois essentiel de commencer
par étudier la doctrine à la base du mariage chrétien et de comprendre ce qui
rend le mariage chrétien si différent de celui des non-croyants. Cette
différence est illustrée par l’excellente analogie du mariage de Christ avec
son Église.

Réconciliation
Une ancienne histoire rabbinique raconte comment aurait été choisi
l’emplacement pour la construction du temple de Jérusalem. Deux frères
travaillaient ensemble dans le même champ et au même moulin. Chaque soir,
ils se partageaient le grain produit et emportaient chez eux leur part.
L’un des frères était
Il a instauré le mariage comme
célibataire, l’autre était
un repère de plus dans nos
marié et père d’une famille
vies, un repère qui dirigerait nos
nombreuse. Le frère
regards vers son existence
célibataire décida que son
éternelle et spirituelle.
frère marié et toute sa
grande famille avaient assurément besoin de plus de grains que lui. Aussi, la
nuit, se glissait-il discrètement dans le grenier de son frère pour y verser une
portion de grain supplémentaire. Le frère marié, de son côté, réalisait que son
frère n’avait pas d’enfant pour prendre soin de lui dans ses vieux jours.
Inquiet pour l’avenir de son frère, il se levait donc chaque nuit pour aller
verser secrètement un peu de son grain dans le grenier de son frère.
Une nuit, ils se rencontrèrent à mi-chemin, entre leurs deux greniers, et
brusquement chacun comprit ce que faisait l’autre. Ils tombèrent dans les bras
l’un de l’autre. La suite de l’histoire veut que, voyant cela, Dieu s’exclama :
« Voici un lieu saint, un endroit où règne l’amour ; c’est ici que sera érigé
mon temple ». Le lieu saint est l’endroit où Dieu est révélé à son peuple,
« l’endroit où les humains se découvrent mutuellement dans l’amour1 ».
Le mariage peut devenir ce lieu saint, le cœur d’une relation qui
proclame l’amour de Dieu au monde. Mais les penseurs chrétiens n’ont pas
toujours choisi de considérer le mariage sous cet angle. Les « Pères » de
l’Église sont restés plutôt ambigus sur le statut inférieur du mariage. Malgré
cela, ils ont tout de même reconnu que l’analogie de la réconciliation était
bien le but ultime du mariage et que l’union de Christ avec son Église
indiquait le chemin à suivre. Paul développe le sujet dans sa lettre aux
Éphésiens (5 : 22-33).
Le moine Augustin (354-430), l’un de ces premiers penseurs, laissait
entendre que trois bénédictions découlaient du mariage : les enfants, la foi (la
fidélité) et le sacrement. De ces trois bienfaits, le sacrement était de loin le
plus important à ses yeux. Un mariage peut effectivement exister sans qu’il y
ait de descendance ou sans foi. Il est par contre impossible de rester marié
sans indissolubilité (le cœur de la notion de sacrement). Aussi longtemps
qu’un couple reste marié, les conjoints continuent à illustrer, bien
qu’imparfaitement, l’engagement existant entre Christ et son Église. Ainsi, le
simple fait de « tenir bon » devient d’une importance capitale.
Des siècles après Augustin, les réformateurs anglicans ont proposé trois
« causes » en réponse à ces trois bénédictions. Un ancien livre de prière de
1549 suggère trois objectifs au mariage : la procréation, un remède contre les
péchés sexuels, et une source de soutien mutuel2. Ce dernier élément a
malheureusement remplacé l’aspect sacramentel du mariage (le mariage
comme image vivante de la relation entre Christ et son Église) au profit d’une
notion beaucoup plus terre à terre : le confort relationnel.
Il est indispensable de savoir pourquoi nous sommes mariés et pourquoi
nous devrions le rester. C. J. Mahaney, pasteur et conférencier, a brillamment
abordé cette question de la manière suivante : envisageons-nous le mariage
sous l’angle théocentrique (centré sur Dieu) ou anthropocentrique (centré sur
l’homme)3 ? Centré sur l’homme, notre mariage subsistera aussi longtemps
que nos besoins terrestres, nos désirs et nos attentes seront comblés. Centré
sur Dieu, notre mariage sera protégé, parce qu’il rend gloire à Dieu et indique
au monde pécheur qu’il existe un Créateur source de réconciliation.
Le mariage peut s’envisager comme une source de confort mutuel. Mais
nous devrions plutôt le voir comme une illustration de la plus grande
nouvelle jamais apportée aux hommes : il existe une relation divine entre
Dieu et son peuple. Le parallèle est clair en Éphésiens. Vous avez
probablement déjà lu ou entendu ces paroles des dizaines, sinon des centaines
de fois :
Quant à vous, maris, que chacun de vous aime sa femme
comme le Christ a aimé l’Église : il a donné sa vie pour elle
afin de la rendre digne de Dieu après l’avoir purifiée par sa
Parole, comme par le bain nuptial. Il a ainsi voulu se
présenter cette Église à lui-même, rayonnante de beauté,
sans tache ni ride ni aucun défaut, mais digne de Dieu et
irréprochable.
ÉPHÉSIENS 5:25-27 – SEMEUR.
Bien que je me situe théologiquement côté protestant, je dois dire à mes
frères anglicans du xvie siècle qu’il est tout de même regrettable qu’une chose
aussi profonde que l’analogie de Christ et son Église ait été réduite à vivre le
mariage uniquement comme moyen de peupler notre monde, d’éviter les
péchés sexuels et de résoudre nos problèmes de solitude.
L’Ancien et le Nouveau Testament placent l’analogie du mariage au
centre de leur message : union entre Dieu et Israël d’une part (dans l’Ancien
Testament), et, d’autre part, union entre Christ et son Église (dans le Nouveau
Testament). Comprendre la profondeur de ces analogies est essentiel si nous
voulons découvrir le fondement sur lequel tout véritable mariage chrétien doit
se construire. Si je comprends que le premier objectif du mariage est de
représenter l’amour de Dieu pour son Église, je vivrai cette relation et j’en
prendrai soin avec une motivation entièrement renouvelée. C’est de ce type
de motivation dont parle Paul lorsqu’il affirme : « Notre ambition est de
plaire au Seigneur » (2 Corinthiens 5 : 9 – Semeur).

Comment rendre Dieu heureux ?


Paul répond à beaucoup de nos questions lorsqu’il clame : « Notre
ambition est de plaire au Seigneur ». Si, dans la rue, vous interrogiez une
dizaine de personnes sur l’objectif de leur vie sur terre, vous obtiendrez une
grande variété de réponses.
Pour le chrétien, Paul ne pourrait être plus clair : sa « passion dévorante,
la force qui motive chacun de ses actes4 » est d’être agréable à Dieu. Mais il
ne se limite pas à engager sa propre personne en disant que plaire à Dieu est
son « ambition passionnée ». Il suppose que cela sera aussi une réalité pour
ses lecteurs : « Notre ambition est de plaire au Seigneur ».
Ce qui motive chacun de nos actes devient également le moteur de
chacune de nos décisions. Et Paul est très clair. La première question que
nous devrions nous poser avant de nous engager dans quoi que ce soit est :
« Est-ce que cela sera agréable à Jésus-Christ ? »
Avant de penser bonheur, sexe, bébé, partenariat, soutien mutuel, etc., le
premier objectif du mariage est bien celui d’être agréable à Dieu. C’est un
grand défi, car il s’agit de vivre d’une manière qui ne soit en rien centrée sur
soi. Au lieu de nous demander : « Qu’est-ce qui me rendra heureux ? », ce
sera : « Qu’est-ce qui rendra Dieu heureux ? » Et comme pour s’assurer que
ses lecteurs ont bien saisi cette vérité, Paul renchérit, quelques versets plus
loin : « Que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui
qui est mort à leur place et ressuscité pour eux » (2 Corinthiens 5 : 15 –
Semeur).
En tant que chrétien, je n’ai pas d’autre choix. Nous devons à Jésus-
Christ une vie consacrée et passionnée. Jésus doit devenir le moteur de ma
vie. Pour se faire, je dois mourir à mes propres désirs, jour après jour. Je dois
crucifier l’envie d’évaluer constamment chaque acte et chaque décision sur la
base de ce qui est avant tout profitable pour moi. L’expression de Paul à ce
sujet est très forte : « Nous portons toujours avec nous dans notre corps la
mort de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste dans notre corps » (2
Corinthiens 4 : 10).
Tout comme Jésus est
Le premier objectif du mariage
allé à la croix, je dois y aller
est d’être agréable à Dieu.
aussi, en considérant que je
porte en tout temps « la mort de Jésus » en moi. Ainsi, sa vie nouvelle, ses
motivations, ses objectifs, ses préférences, auront la priorité dans tout ce que
j’entreprends.
Cette réalité m’incite à porter sur mon conjoint un regard différent, un
regard chrétien : « Ainsi, désormais, nous ne considérons plus personne d’une
manière purement humaine. » (2 Corinthiens 5 : 16 – Semeur). La raison en
est claire : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les
choses anciennes sont passées ; voici : toutes choses sont devenues
nouvelles » (5 : 17). Dans cette nouvelle identité, un nouveau ministère est
offert à chaque chrétien, indissociable de la personne même de Jésus-Christ :
« Tout cela est l’œuvre de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ
et qui nous a confié le ministère de la réconciliation » (5 : 18 – Semeur).
Réfléchissez un
Ma vie doit étayer le ministère
instant : la réconciliation est
de réconciliation de l’Évangile,
l’essence même de l’œuvre
surtout dans mon couple.
de Christ, qui nous ramène à
Dieu. Nous devons y répondre en devenant à notre tour des réconciliateurs.
C. K. Barrett définit la réconciliation comme l’action de « mettre fin à une
relation d’inimitié et de la remplacer par une relation fondée sur la paix et la
bienveillance5 ».
Paul nous invite clairement à proclamer ce message de salut. Mais nous
ne pouvons annoncer en bonne conscience la fin « d’une relation d’inimitié »
et l’avènement de « la paix et de la bienveillance » si nos mariages sont
entachés d’animosité, de conflits et de divorces. Tout, dans ma vie, doit
étayer ce ministère de la réconciliation par l’Évangile. Cet engagement se
manifeste avant tout par la réconciliation au sein de mes relations
personnelles. Et en particulier dans mon couple.
Si mon mariage contredit mon message, je sabote l’objectif même de ma
vie : être agréable à Christ et exercer fidèlement le ministère de réconciliation
en annonçant avec enthousiasme que nous pouvons être réconciliés avec Dieu
grâce à Jésus-Christ. Si le « moteur de ma vie » est celui que préconise
l’apôtre Paul, alors je m’appliquerai à bâtir un mariage qui mettra en valeur
ce ministère de réconciliation. En vivant le pardon, le don de soi, l’amour et
le sacrifice, mon mariage incarnera cette vérité et lui donnera chair.
Je refuse de dire au monde, par mes actions, que j’ai cessé d’aimer ma
femme et que je n’ai plus envie d’être à son service. Je refuse de leur montrer
que j’ai failli à ma parole et violé la promesse faite à mon épouse des années
en arrière. Malheureusement, c’est bien le message que de nombreux
chrétiens proclament autour d’eux. Selon une enquête menée par l’institut
Barna, le taux de divorce chez les chrétiens se disant « nés de nouveau » est
plus élevé encore que chez les non-croyants6. Nous ne pouvons pas annoncer
un message que nous n’avons pas d’abord appris à vivre nous-mêmes.
Comment puis-je convaincre mes enfants de la fiabilité des promesses
de réconciliation de Dieu si mes propres promesses n’ont aucune valeur ? Ils
y croiront peut-être malgré moi, mais j’aurai installé sur leur chemin un
barrage au message de l’Évangile plutôt qu’un marchepied.
La plupart des divorces signifient qu’au moins une des parties, sinon les
deux, a cessé de mettre l’Évangile à la première place dans sa vie. Le principe
de base énoncé par l’apôtre Paul (« Mon ambition est de plaire au Seigneur »)
n’est plus le moteur de leur vie. En effet, l’enseignement de la Bible est clair
sur ce sujet : « Je hais le divorce, déclare l’Éternel » (Malachie 2 : 16 –
Semeur). Si l’objectif d’un couple est d’être agréable à Dieu, il ne cherchera
pas à divorcer.
Je sais qu’il existe quelques situations exceptionnelles. Paul autorise le
divorce lorsque l’autre conjoint n’est pas chrétien et qu’il abandonne celui
qui croit. Jésus considère que l’adultère peut devenir un motif de divorce.
Des exceptions sont bien sûr envisageables, sous forme de séparation par
exemple, lorsque l’un des parents constitue un danger pour les enfants. Mais
la plupart des divorces entre chrétiens n’ont pas lieu dans un tel contexte
d’exception. Ils sont bien plus souvent dus à un abandon des vraies priorités
de la vie.
Je suis déterminé à préserver mon mariage, mais pas pour être heureux
(même si je crois que je le serai), ou pour que mes enfants grandissent dans
un foyer stable (même si c’est bien mon désir), ou encore parce que le fait
d’obliger mon épouse à devoir « repartir de zéro » me ferait de la peine (cela
m’at-tristerait effectivement). La raison principale pour laquelle je veux tout
mettre en œuvre pour préserver mon mariage, c’est parce que c’est mon
devoir en tant que chrétien. Si toute ma vie est bâtie sur l’annonce du
message de Dieu au monde, je ne veux rien faire qui puisse déprécier ce
message. Et comment pourrais-je prêcher la réconciliation tout en contribuant
moi-même à la division ?
Cette analogie de la réconciliation offre plus qu’un simple objectif au
mariage : elle nous aide à vivre cet objectif, même quand la foudre s’abat.

Quand la foudre s’abat


J’ai trouvé fascinant de pouvoir me tenir un jour au pied d’un arbre
vieux de sept cents ans.
— Que se passait-il par ici lorsque cet arbre commençait à pousser ? me
demanda ma fille lors d’une randonnée dans un Parc national.
— Oh, pas grand-chose, lui répondis-je, en réalisant que cet arbre avait
déjà presque deux cents ans à la naissance de Martin Luther.
Les arbres vivent très vieux ici, parce que les forêts de l’État de
Washington sont si humides que la foudre n’y déclenche que très rarement un
incendie. Alors qu’un feu se déclare tous les cinquante ou soixante ans dans
les forêts traditionnelles, les incendies ne détruisent les forêts de cet état que
tous les deux cents ans. La foudre s’y abat aussi souvent qu’ailleurs, mais les
conséquences sont moins dévastatrices. Les arbres disposent ainsi de bien
plus de temps pour s’enraciner et grandir.
Cela illustre bien un mariage fondé sur le ministère de la réconciliation.
La foudre s’abat aussi sur les mariages chrétiens solides : tentations
sexuelles, problèmes de communication, insatisfactions diverses, attentes non
comblées, etc. Mais si ces mariages ont été copieusement arrosés par un
engagement déterminé à vivre pour plaire avant tout à Dieu, les conditions ne
seront pas réunies pour que cette foudre soit à l’origine d’un incendie
dévastateur.
Par contre, si mon bonheur est l’unique objectif de mon mariage, et qu’il
vienne à se flétrir pour une raison ou une autre, la moindre petite étincelle
suffira à embraser toute la forêt de ma relation. Mais si mon objectif est de
proclamer et de vivre le ministère de réconciliation selon Dieu, ma
persévérance sera à l’épreuve du feu.
En pratiquant la discipline spirituelle du mariage, je décide de placer ma
relation avec Dieu à la première place. Le simple fait de tenir bon est déjà en
soi une victoire remarquable. Dans une forêt remplie d’arbres, le fait d’avoir
survécu sept cents ans impose le respect. D’un point de vue purement
esthétique, rien ne différenciait ce vieil arbre des autres. De l’endroit où nous
nous tenions, nous ne pouvions voir qu’un tronc imposant et bien droit,
couvert de toiles d’araignées. Nous marchions dans une forêt remplie
d’arbres, mais l’Office des forêts n’avait planté un panneau que devant cet
arbre, et pour une seule raison : il avait derrière lui sept siècles d’existence.
Il avait tenu bon, et ce
Dans une société où les
simple fait forçait
relations se brisent à une
l’admiration.
cadence effrayante, les
Dans une société où les
chrétiens peuvent attirer
relations se brisent à une
l’attention simplement en restant
cadence effrayante, les
mariés.
chrétiens peuvent attirer
l’attention simplement en restant mariés. Et si quelqu’un nous demande quel
est notre secret, nous pouvons parler du message de réconciliation de Dieu et
lancer cette invitation : « Voulez-vous en savoir plus à propos de cette Bonne
Nouvelle ? »
En ce sens, nos mariages offrent une tribune pour évangéliser. Ils sont
susceptibles d’amener les gens à réfléchir sur une vérité qui pointe en
direction de l’éternité. En travaillant pour que nos mariages résistent à
l’épreuve du temps, nous
érigeons un monument dédié au principe et à la pratique de la
réconciliation.
Il y a des années, Paul Simon a écrit les paroles d’une chanson à succès :
Fifty ways to leave your lover [Cinquante manières de quitter celui que vous
aimez]. Un chrétien n’a besoin que d’une seule raison pour demeurer avec
celui ou celle qu’il aime : l’analogie de Christ et de son Église.
CHAPITRE 3
APPRENDRE À AIMER
Comment le mariage nous apprend à aimer

Le mariage exige un engagement radical à aimer notre


conjoint tel qu’il est, tout en désirant profondément qu’il
devienne ce qu’il n’est pas encore. Chaque mariage tend à
rehausser la gloire des conjoints ou à la flétrir.
— DAN ALLENDER ET TREMPER LONGMAN III
Si vous traitez un homme comme il est, il restera ce qu’il
est. Mais si vous le traitez comme s’il était ce qu’il devrait
être et pourrait être, alors il deviendra cet homme plus
grand et meilleur.
— JOHAN WOLFGANG VON GOETHE

Si vous étiez un homme, un croyant, de l’époque de Moïse et Josué,


votre devoir serait de combattre. Quand les Israélites entrèrent sur la Terre
promise, ils furent parfois repris à cause de leur lâcheté, de leur paresse et de
leur refus de se battre : « Jusques à quand négligerez-vous de prendre
possession du pays que l’Éternel, le Dieu de vos pères, vous a donné ? »
(Josué 18 : 3).
« Partez au combat ! » fut pendant longtemps le cri de ralliement de
Dieu. Jésus est ensuite venu lancer un nouveau défi, nettement plus difficile.
À l’homme qui lui a demandé quel était le plus grand des commandements,
Jésus en a donné deux (Matthieu 22 : 34-40). Aimer Dieu de tout son cœur,
de toute ton âme, de toute sa force et de toute sa pensée ne suffit pas : pour
être vraiment agréable à Dieu, vous devez aimer votre prochain.
Le mariage, c’est comme une salle de sport : nous y travaillons pour
nous renforcer. Renforcer notre capacité à ressentir et à exprimer l’amour de
Dieu. Pour cela, nous devons prendre conscience que l’amour humain et
l’amour divin ne sont pas deux océans distincts, mais plutôt un seul plan
d’eau alimenté par de nombreux affluents. Nous démontrons notre amour
pour Dieu en partie au travers de l’amour que nous manifestons envers notre
conjoint.
Nous ne pouvons
Aimer Dieu ne suffit pas : pour
jamais aimer quelqu’un « à
lui être vraiment agréable, vous
l’excès ». Par contre, il
devez aimer votre prochain.
arrive fréquemment que
nous n’aimions pas Dieu suffisamment. Mais ce n’est pas en réduisant notre
amour envers les humains que nous développerons dans nos cœurs une
réponse appropriée à l’amour de Dieu.
Le mariage instaure un climat dans lequel l’amour est soumis aux plus
grandes tensions. Le problème est que l’amour doit être appris. Katherine
Anne Porter écrit : « L’amour doit être appris, encore et toujours, sans cesse.
La haine ne nécessite aucune instruction, elle attend simplement d’être
provoquée1 ».
L’amour n’est pas la réponse qui jaillit spontanément de notre cœur. Le
début d’une relation peut engendrer un vif sentiment amoureux, de
l’engouement pour quelqu’un, mais la haine est toujours prête à fuser
naturellement. L’amour chrétien doit donc être recherché, ardemment désiré
et mis en pratique.
Ce principe est particulièrement mal perçu dans notre société. Les
hommes qui abandonnent leur femme au profit d’une autre profèrent souvent
une des remarques les plus cruelles que j’aie jamais entendue : « La vérité,
c’est que je ne t’ai jamais aimée ». En d’autres termes, c’est une façon
d’attaquer son épouse en lui disant : « La vérité, c’est que je ne t’ai jamais
trouvée digne d’être aimée ». Replacée dans un contexte chrétien, cette
phrase est en réalité autoaccusatrice. C’est la confession de l’échec cuisant
d’un homme qui n’a pas réussi à vivre sa foi. S’il n’a pas aimé sa femme, il
en est seul responsable. Jésus nous appelle à aimer même ceux qui n’inspirent
pas l’amour, même nos ennemis ! Alors, un homme qui ose dire « Je ne t’ai
jamais aimée » est en train de dire, en substance : « Je ne me suis jamais
comporté comme un chrétien ».
Quand nous aimons
L’amour chrétien doit être
comme nous devons aimer,
recherché, ardemment désiré et
nous faisons plaisir à Dieu,
mis en pratique.
et cela se comprend
facilement. Si quelqu’un veut me faire plaisir, il suffit qu’il témoigne de
l’affection à mes enfants. Chaque chrétien est un enfant de Dieu ; en nous
aimant les uns les autres, nous procurons énormément de satisfaction à notre
Père céleste.
Je suis un habitué des bibliothèques. Si vous les fréquentez aussi, vous
savez qu’elles servent souvent de refuge aux sans-abri lorsqu’il fait froid. Un
jour que je me dirigeais vers le coin des ordinateurs, l’odeur de l’un d’entre
eux me sembla quasiment insupportable. J’aperçus un homme penché sur une
des tables. Ses guenilles et ses cheveux en bataille laissaient deviner qu’il
s’agissait d’un SDF. Des hommes et des femmes ont consacré leur vie à
travailler avec ces personnes. La plupart des grandes villes possèdent des
abris pour les accueillir.
Parfois, les gens que je
Un homme qui ose dire « Je ne
rencontre me disent combien
t’ai jamais aimée » dit en
Dieu m’a utilisé pour
substance : « Je ne me suis
influencer leur vie, mais je
jamais comporté en chrétien ».
ne peux que secouer la tête
quand je pense à ceux qui travaillent dans ces abris et maisons d’accueil.
Comme il est facile d’être utilisé par Dieu quand il s’agit de rester
confortablement assis chez soi devant votre ordinateur à faire quelque chose
que vous aimez faire ! Comment oserais-je parler de sacrifices alors que je
bénéficie de chambres d’hôtel confortables et de trajets en avion lors de mes
déplacements !
L’amour chrétien se manifeste dans l’amour de ceux qui sont les plus
difficiles à aimer. L’auteur Philip Yancey écrit : « De tout temps, les
chrétiens ont choisi d’aimer les êtres les moins “évolués” selon le système
darwinien2 ». Cette attitude répond à l’appel de Jésus de ne pas inviter nos
amis lors d’un banquet, car ils risqueraient de nous rendre l’invitation. Au
contraire, Jésus préconise d’inviter les boiteux, les paralytiques, les pauvres
et les aveugles, tous ceux qui ne pourraient pas nous inviter en retour (Luc
14).
Voilà pourquoi il est si difficile de répondre à l’appel de Jésus d’aimer
notre prochain. D’une certaine façon, c’est très facile d’aimer Dieu. Il ne sent
pas mauvais, il n’a pas mauvaise haleine, il ne rend pas le mal pour le bien, il
ne fait pas de commentaires désobligeants. Vu sous cet angle, aimer Dieu
semble facile. Mais Jésus veut nous placer dans une situation moins
confortable lorsqu’il établit un lien direct entre notre amour pour Dieu et
notre amour pour les autres.
Dans le contexte du mariage, nous n’avons absolument aucune excuse.
Dieu nous laisse choisir la personne que nous allons aimer. Puisque nous
avons cette possibilité, mais qu’ensuite nous trouvons difficile de mettre
l’amour en pratique, quel prétexte invoquerons-nous pour expliquer que nous
avons cessé d’aimer ? Dieu ne nous oblige pas à nous marier, il nous en offre
l’opportunité. Dès que nous nous engageons dans une relation conjugale,
nous ne pouvons plus aimer Dieu sans aimer aussi notre conjoint.
Le divorce est l’expression de notre incapacité à garder le
commandement de Jésus. C’est baisser les bras face à l’appel de Jésus. Si
nous sommes incapables d’aimer notre conjoint, comment pourrions-nous
aimer le sans-abri de la bibliothèque, le drogué ou l’alcoolique ? Notre
conjoint est peut-être parfois difficile à aimer, mais c’est bien là l’objectif du
mariage : nous apprendre à aimer.
Permettez à votre mariage d’étirer votre amour, d’agrandir votre
capacité à aimer. En d’autres termes, permettez à votre vie de couple de vous
apprendre à vous comporter en chrétien. Considérez votre mariage comme un
terrain d’entraînement sur lequel vous apprenez à accepter l’autre et à le
servir. Et, je vous en prie, ne limitez pas cet « amour » aux choses
« spirituelles » telles que la prière, l’enseignement ou l’exhortation.
Expérimenter l’amour consiste à faire ses délices l’un de l’autre, de multiples
manières, toutes bien « terre à terre ». Nous découvrirons dans la section
suivante qu’il s’agit aussi d’une vérité biblique.

Un bonheur saint
En Israël, les jeunes hommes étaient tous appelés à servir Dieu en
combattant lors des guerres. Dieu établit toutefois une exception, que l’on
peut trouver cachée au fin fond du livre de Deutéronome : « Lorsqu’un
homme sera nouvellement marié, il ne partira pas à l’armée, et on ne lui
imposera aucune charge ; il sera exempté pour raison de famille pendant un
an et il réjouira la femme qu’il aura prise » (Deutéronome 24 : 5).
Pendant toutes mes années d’études théologiques, je n’ai accordé que
peu d’attention à cette idée. Dieu souhaiterait-il vraiment que je consacre
davantage de temps à ma femme afin de la rendre heureuse ? Elle était
toujours à mes côtés dans mes projets d’évangélisation, quand j’étudiais les
Écritures, quand je formais de jeunes croyants, et dans toutes les autres
« tâches du ministère ». L’idée même que mon service pour Dieu puisse ainsi
passer par le bonheur de ma femme me semblait extraordinaire. Cela signifie-
il alors que je suis en situation d’échec vis-à-vis de Dieu lorsque ma femme
est malheureuse ?
Deutéronome 24 : 5 ne s’applique qu’à la première année de mariage,
c’est vrai. Mais nous pouvons clairement en déduire que chaque conjoint est
censé réfléchir au bonheur de l’autre et se réjouir de cette vérité : je fais
plaisir à Dieu quand je travaille au bonheur de mon conjoint. Très
concrètement, un mari qui délibérément cherche des façons de faire sourire sa
femme régulièrement est en train de servir Dieu. Une femme qui prépare avec
soin des moments intimes inoubliables pour son mari sert Dieu. Un mari qui
fait des sacrifices afin d’offrir à sa femme des moments de détente dont elle a
besoin prouve son amour pour Dieu.
Quand Jésus a dit
Je fais plaisir à Dieu quand je
« Aime le Seigneur ton Dieu
travaille au bonheur de mon
[...] aime ton prochain », il a
conjoint.
ouvert de nouvelles
perspectives à l’amour et démoli les murs qui nous tenaient captifs. Il a fait
de l’amour divin et de la foi des réalités aux dimensions inimaginables.
Cette parole est prophétique pour notre époque. Chaque année, une
quantité impressionnante de livres sort en librairie avec le seul but de nous
apprendre à prendre soin de nous-mêmes. Avec l’accentuation de la fracture
sociale, une quasi-obsession s’installe : se rechercher soi-même, savoir se
protéger et se dépasser. Cet accent mis sur la satisfaction de nos désirs
personnels frise parfois le ridicule, comme le montre le titre de ce livre que
j’ai aperçu en librairie : Le sexe en solitaire : la joie de s’aimer soi-même.
Alors que notre société excelle dans l’art de prendre soin de soi-même, il
semble que nous ayons perdu l’art de prendre soin des autres. Le mot
« sacrifice » a désormais une connotation si négative que les gens craignent
davantage de devenir « codépendants » qu’égoïstes.
Et pourtant, plusieurs déclarations dans l’Écriture se résument ainsi :
« Rends ta femme heureuse. Sacrifie-toi quotidiennement. Tu ne trouveras ta
vie qu’en la perdant d’abord ».
Brice Bobbink exerçait un ministère pastoral sur les campus. C’était un
excellent orateur et il avait de nombreuses opportunités de « servir Dieu » par
son don d’enseignement. Il décida un jour de prendre très au sérieux les
avertissements des Écritures au sujet de l’amour. Il s’était marié tardivement,
et son mariage avec Amandine avait radicalement transformé sa vie. Elle
avait déjà deux enfants d’un précédent mariage, mais tous deux priaient que
Dieu leur donne la joie d’en avoir un ensemble.
Qu’est-ce que cela pourrait bien vouloir dire, pour moi, dans ma
situation, que « d’aimer ma femme » ? se demanda Brice. Dans sa prière,
Brice s’engagea vis-à-vis de Dieu de la sorte : si Amandine attendait un
nouvel enfant, il s’engageait à n’accepter aucune nouvelle invitation à aller
prêcher à l’étranger pendant un an, à l’exception des déplacements habituels
de son poste actuel. Peu après, Amandine donna naissance à leur premier fils,
Valentin.
Quelques mois plus tard, Brice reçut une proposition très avantageuse
pour aller prêcher à Singapour. Étudiant en histoire, il aimait beaucoup
voyager. Se rendre en Extrême-Orient et enseigner des chrétiens d’une autre
culture ? C’était la chance de sa vie ! Enthousiaste, il rapporta la nouvelle à
Amandine mais, au cours de la conversation, il se souvint de son engagement
et s’exclama :
— Non ! Je ne peux pas y aller.
Amandine tenta de libérer Brice de sa promesse :
— Tout ira bien pour moi, chéri, ne t’inquiète pas.
Brice aurait aisément pu invoquer des prétextes très spirituels. « J’aurais
certainement pu me justifier en invoquant la noble cause de l’annonce de la
Parole au monde, admit-il. Mais si prêcher la Parole dans une autre culture
avait vraiment été ma passion, j’aurais pu, depuis un certain temps déjà,
déménager là-bas en emmenant ma femme et mes enfants ».
Certains diront peut-être qu’il a raté une occasion de plaire à Dieu en
apportant son message à une autre nation. Mais Brice avait compris qu’il
pouvait plaire à Dieu en aimant sa femme pendant cette période de vie où elle
avait tout particulièrement besoin d’aide et d’attention. Ainsi, rester à la
maison et veiller soigneusement sur son épouse, cela devenait un « service
chrétien » aussi important que celui de tout quitter pour aller annoncer
l’Évangile lorsqu’il était encore célibataire.
« C’eut été de ma part une véritable imposture si j’avais manqué à mon
devoir d’aimer ma femme et mes enfants sous prétexte que je devais aller
aimer d’autres personnes » insista Brice.

John Barger : apprendre à aimer


Le 12 décembre 1987, le Dr John Barger prononça un discours
mémorable au cours d’une rencontre destinée aux hommes. Dans son
témoignage, il décrivit son parcours de mari dominateur à mari serviteur. Le
cœur de son message n’était cependant pas simplement que les maris peuvent
mieux faire. Ça, nous le savons tous. Ce qui m’a le plus marqué dans son
discours, c’est qu’il insistait sur le fait qu’en apprenant à mieux aimer sa
femme, il avait commencé à comprendre comment mieux aimer son Dieu.
Permettez-moi de partager avec vous un extrait de l’histoire du Dr
Barger. Son discours commençait par une confession à propos de l’attitude de
beaucoup d’hommes vis-à-vis des femmes :
Il est facile de mépriser les femmes, et c’est ce que font
beaucoup d’hommes. Nous estimons qu’elles sont faibles,
faciles à intimider, esclaves des corvées liées à leur rôle de
mère, émotives, dépourvues de logique et souvent
mesquines. Ou alors, nous les voyons comme des
tentatrices ; guidés par nos désirs, nous les idolâtrons et
les exposons dans les magazines, tout en les méprisant et
en les haïssant pour le pouvoir sexuel dominateur qu’elles
exercent sur nous. Le mépris que nous, hommes,
éprouvons envers les femmes rejaillit sur chaque domaine
de notre vie : dans nos relations avec nos mères, nos
petites amies, nos secrétaires, nos épouses, nos enfants,
l’Église, et même Dieu.
Je ne parle pas simplement ici de votre mépris des
femmes : je parle aussi du mien. Les membres de ma
famille ont grandi dans la rue pendant la Dépression, et
n’ont pas tardé à être remplis de la violence et du mépris
qui caractérisent tant de gens se retrouvant dans ces
circonstances si désastreuses : l’abus de boisson, le
regard constant sur les femmes comme objets sexuels ou
comme servantes, etc. En conséquence, j’ai fièrement
dirigé ma famille d’une main de fer pendant de nombreuses
années, et j’ai régné sur ma femme Suzanne et nos sept
enfants en justifiant mes privilèges et mon autorité à coups
de citations bibliques. Après tout, l’Écriture ordonne
explicitement aux femmes d’obéir à leur mari !
Ces années de domination remplirent ma femme et mes
enfants de ressentiment et de crainte à mon égard ; ils
préféraient toutefois ne pas m’affronter, à cause de la
colère qui pourrait en découler. [...] J’ai monté contre moi
Suzanne et les enfants, et j’ai perdu leur amour. La maison
n’était un endroit agréable ni pour eux ni pour moi. S’il n’y
avait pas eu les enfants, Suzanne m’aurait quitté dès 1983.
C’est alors qu’une succession d’événements tragiques se
produisit, et qu’une profonde transformation de ma vie
morale, psychologique et spirituelle débuta3.
Le premier de ces « événements tragiques » fut l’accouchement difficile
de la femme du Dr Barger. Le placenta de Suzanne s’était détaché et avait
provoqué une hémorragie. Le bébé était mort-né. Le Dr Barger nous expliqua
ce qui se passa ensuite :
À deux heures du matin, dans la salle d’accouchement
austère de l’hôpital, je tenais dans ma main gauche le petit
corps sans vie de mon fils, et je constatais sa mort avec
incrédulité. [...] J’avais le pouvoir de rendre la vie [de ma
famille] encore pire qu’elle ne l’était, en laissant la colère
monter en moi à cause de la mort de mon bébé et du
manque d’amour de ma femme, ou je pouvais leur rendre
la vie meilleure en apprenant à les aimer comme il se doit.
Je devais faire un choix. Et ce choix très clair se présenta à
moi en un instant, alors que je regardais ce petit enfant
mort-né, sans défense, blotti dans ma main. À cet instant
critique, par la grâce de Dieu, je choisis de suivre le chemin
difficile, sans éclat et décourageant, le chemin qui
consistait à essayer d’être bon.
Je n’ai pas le temps de vous raconter en détail toutes les
épreuves que nous avons dû endurer au cours des quatre
années suivantes : les enfants malades, la mort brutale de
ma mère, la perte de mon emploi d’enseignant, trois
fausses couches supplémentaires et enfin, une détresse
secrète qui nous transperça tous deux au plus profond de
notre être.
Au milieu de tous ces tourments, je découvris que la seule
manière d’apprendre à aimer et de cesser d’être une
source de souffrance pour ceux qui m’entouraient, était de
souffrir moi-même, de supporter, et de faire tous mes
efforts, à chaque instant, afin de faire taire ma colère, mon
ressentiment, mon mépris, ma jalousie, mes mauvais
désirs, mon orgueil et mes nombreux autres vices.
J’ai commencé à contrôler mes paroles.
J’ai commencé à reconnaître mes erreurs et à présenter
mes excuses.
J’ai arrêté de me défendre lorsque j’étais jugé trop
sévèrement, car ce qui compte vraiment, ce n’est pas
d’avoir raison (ou d’être bien vu) mais d’aimer.
Comme j’avais été mon propre centre d’intérêt pendant
déjà bien trop longtemps, je parlais peu de mes luttes et de
mes peines ; je m’efforçais de connaître celles qu’éprouvait
Suzanne, et de l’aider à porter sa charge.
Et honnêtement, dès que j’ai commencé à écouter
Suzanne, dès que je me suis réellement mis à l’entendre
quand elle commença à s’ouvrir, je fus très surpris de
découvrir combien ses blessures et ses douleurs étaient
nombreuses et profondes... La plupart de ces douleurs
n’étaient pas uniques à Suzanne. Il s’agissait de
souffrances connues de toutes les femmes : les
souffrances provenant de la physiologie spécifique des
femmes et de leur rôle de mère, responsables de multiples
devoirs et responsabilités, qui les laissent presque
totalement dépendantes des hommes quant à leur bien-
être matériel et leur soutien spirituel ; les souffrances
provenant du fait qu’elles aiment intensément leur mari et
leurs enfants, sans pouvoir les protéger du mal ; les
souffrances provenant du fait que, dans notre société,
même les femmes les plus modestes sont régulièrement la
cible de regards chargés de désir, de remarques
désobligeantes et d’avances de la part des hommes ; les
souffrances provenant du fait que, dans notre société, les
femmes sont généralement considérées comme étant
stupides, frivoles et superficielles, et que beaucoup ne leur
accordent que peu de valeur et ne leur manifestent que
peu de respect.
Les femmes souffrent de ces blessures bien plus souvent
et plus intensément que ne l’imaginent la plupart des
hommes. Et, à moins que nous leur posions la question,
elles ne nous parlent que rarement de ces souffrances,
peut-être parce que nous, les hommes, qualifions bien
souvent leurs troubles d’insignifiants et elles-mêmes de
créatures faibles et pleurnichardes...
Les hommes sont-ils en mesure de retirer ce glaive de
souffrance qui transperce le cœur de chaque femme ? Je
ne le pense pas. Leurs problèmes sont rarement de ceux
qui ont une solution, car ils forment la trame même de leur
existence au quotidien.
Un de mes amis, confronté à l’issue d’une longue journée
de travail aux plaintes de sa femme à propos du bruit, des
soucis et des tâches ménagères interminables, lui rétorqua
agacé : « Et alors ? Tu veux que je reste à la maison pour
m’occuper de toutes ces tâches ménagères pendant que
toi tu vas au bureau à ma place ? » Vous comprenez son
point de vue : il était incapable de résoudre les problèmes
de sa femme. Qu’attendait-elle de lui ?
Je vais vous le dire : elle voulait qu’il l’écoute, la
comprenne et compatisse. Elle voulait qu’il lui dise que,
quels que soient ses problèmes, sa fatigue, ou ses
cheveux ébouriffés, il l’aimait ; qu’il lui dise que sa
souffrance l’attristait et que, si cela avait été possible, il
aurait trouvé des solutions.
Le Dr Barger fit de sérieux efforts afin de renouveler son amour pour sa
femme et tout mettre en œuvre pour essayer de la comprendre. Ses efforts
portèrent leurs fruits. Après trois années « d’écoute patiente, de progression
dans la confiance », et « littéralement des centaines d’heures passées à
discuter », enfin, la colère de Suzanne se dissipa peu à peu et son cynisme
laissa place à « la douceur et la gentillesse ».
Dans ce mariage ainsi restauré, une tendresse inhabituelle fit son
apparition. John et Suzanne pensèrent alors être sur le point de « connaître un
long et heureux mariage », quand l’épreuve frappa à nouveau : on
diagnostiqua un cancer en phase terminale chez Suzanne.
Une bataille de huit mois s’ensuivit, au cours de laquelle le Dr Barger fut
mis au défi d’exprimer son amour renouvelé de façon bien réelle. S’occuper
d’une personne très malade est une tâche extrêmement difficile mais John,
comme il le dit, vit là l’occasion de « montrer à Suzanne à quel point je
l’aimais ».
Malgré les excellents soins qui lui furent prodigués, le cancer gagna le
combat, et Suzanne mourut. Elle s’éteignit, entourée de sa famille et de ses
meilleurs amis, sa main dans celle de son époux bien-aimé.
Le Dr Barger se remémora leur vie ensemble avec des sentiments doux-
amers. Le côté amer était contenu par la renaissance récente de leur amour :
maintenant qu’ils étaient devenus les meilleurs amis du monde, maintenant
qu’il avait découvert la satisfaction profonde qu’il y a à aimer plutôt qu’à
dominer, il avait dû faire ses adieux. Mais la douceur provenait du souvenir
de leur amour hors du commun. Il avait eu la chance de vivre ce que
beaucoup recherchent désespérément mais sans jamais le trouver : une
relation vraie et profonde entre deux âmes connectées.
Plongé dans ses réflexions, le Dr Barger nous expliqua de quelle manière
cette expérience avec sa femme marqua sa relation avec Dieu :
Réfléchissez aux qualités que je vous ai conseillé de
cultiver en vue d’une relation profonde avec votre femme :
la patience, l’écoute, l’humilité, le service et un amour
tendre et fidèle. J’espère que vous ne me considérerez pas
comme un hérétique si j’affirme que, dans sa façon
d’interagir avec nous, Dieu se comporte souvent comme
une femme.
Les femmes sont capables d’accomplir des exploits
magnifiques, témoignant d’une puissance telle qu’elles
nous remplissent, nous les hommes, d’un profond respect,
quand ce n’est pas de la frayeur ou des tremblements. Et
pourtant, lorsqu’elles aiment, elles le font en douceur ;
quand elles parlent, elles murmurent, et nous devons
prêter une oreille attentive pour entendre leurs mots
d’amour et les connaître.
Dieu n’agit-il pas aussi de même ? Il intervient souvent
dans nos vies d’une façon si douce qu’il passe inaperçu si
nous négligeons de nous arrêter pour être attentifs, si nous
ne nous efforçons pas constamment d’entendre ces
chuchotements d’amour divin. Les qualités nécessaires
pour aimer véritablement une femme et ressentir en retour
son amour sont l’écoute, la patience, l’humilité, le service et
l’amour fidèle. Ce sont précisément ces mêmes vertus qui
sont nécessaires pour aimer Dieu et nous savoir aimés de
Dieu. De même que nous ne pouvons traiter les femmes
avec arrogance si nous désirons les connaître et établir
une relation plus intime avec elles, nous ne pouvons pas
non plus être arrogants envers Dieu si nous souhaitons le
connaître intimement.
Nous ne pouvons pas exiger l'amour d'une femme ou
l'amour de Dieu. Nous devons attendre. Le cœur d'une
femme s'émeut de découvrir notre faiblesse quand nous
l'admettons humblement. De même, le cœur de Dieu
s'émeut et se remplit de tendresse et de grâce lorsqu'il voit
notre faiblesse et que nous l'admettons avec humilité.
Bien que cette histoire soit d’abord destinée aux hommes, je devine que
le même principe s’applique aux femmes. Cet homme extrêmement difficile à
aimer pourrait bien être votre porte d’accès vers l’apprentissage de l’amour
de Dieu. C’est une vérité biblique. Jean, le disciple bien-aimé, l’a affirmé
sans réserve : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est
un menteur, car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu
qu’il ne voit pas. Et nous avons de lui ce commandement : Que celui qui
aime Dieu aime aussi son frère » (1 Jean 4 : 20-21).
Je sais, cette personne
La distance à franchir pour
vous paraît tellement
qu’un homme aime une femme,
différente de vous. C’est
ou inversement, est bien moins
pourquoi cela vous semble si
grande que celle à franchir pour
difficile de l’aimer. Vous
aimer Dieu.
n’êtes jamais sur la même
longueur d’onde. Lorsque vous êtes convaincu(e) qu’il faut absolument voir
les choses sous un certain angle, elle arrive avec une perspective tout autre.
Et vous vous demandez : Mais comment puis-je aimer quelqu’un de si
différent de moi ?
Mais essayez d’être honnête et posez-vous également cette question :
Comment est-ce possible pour moi d’aimer Dieu ? Il est Esprit, alors que
nous sommes prisonniers de notre corps de chair. Il est éternel, alors que nous
sommes asservis au temps qui passe. Il est infiniment saint, parfait et sans
péché, alors que vous et moi sommes pétris dans le péché.
La distance à franchir pour qu’un homme aime une femme, ou
inversement, est bien moins grande que celle que nous devons franchir pour
aimer Dieu.
L’idée du mariage va
La beauté du christianisme
encore plus loin que cela : il
réside dans l’apprentissage de
nous invite à aller au-delà de
l’amour, et peu de chose dans
notre petite personne pour
la vie ne le met à plus rude
apprendre à aimer celui qui
épreuve que le mariage.
est « différent ». Vivre des
vies si imbriquées les unes dans les autres (vivre à côté l’un de l’autre, dormir
dans la même chambre, et même partager de temps à autre nos corps), cela
nous oblige à respecter et à apprécier quelqu’un de radicalement différent.
Nous avons besoin d’être encouragés à aller au-delà de notre personne
car, en vérité, nous sommes incomplets. Dieu nous a créés afin que nous
trouvions notre épanouissement en lui, lui qui est totalement autre. Le
mariage montre que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes. Il nous
appelle à faire de la place pour l’autre, mais également à trouver en lui la joie,
le bonheur, et même une profonde satisfaction.
Il n’y a rien à apprendre lorsqu’un mari domine sa femme. Il n’y a pas
d’exemple de vie à imiter quand une femme manipule son mari. Mais
l’amour perce les secrets spirituels de l’univers. L’amour ouvre l’accès à
l’éternité et fait rejaillir sur nous ses bienfaits.
Être chrétien signifie croire certaines choses, c’est clair. Mais la
caractéristique première, la marque de fabrique et la grandeur du
christianisme ne se résument pas à la simple énumération d’un ensemble de
vérités intellectuelles. La beauté du christianisme réside dans l’apprentissage
de l’amour, et peu de chose dans la vie ne le met à plus rude épreuve que le
mariage.
C’est difficile d’aimer son conjoint. C’est vrai. Mais si vous désirez
réellement aimer Dieu, jetez un coup d’œil, maintenant, à l’anneau que vous
portez à votre main gauche. Décidez de réfléchir tout à nouveau à ce qu’il
représente, et engagez-vous à aimer passionnément, à la folie, avec
persévérance, la personne en chair et en os qui a glissé cet anneau à votre
doigt.
Décider de vivre de la sorte pourrait bien être un des choix de vie les
plus spirituels qui soit !
CHAPITRE 4
L'HONNEUR SAINT
Le mariage nous apprend à respecter les autres

Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains parmi


nous ont les yeux tournés vers les étoiles.
— OSCAR WILDE
Nous ne devons jamais être naïfs au point de croire que le
mariage soit un havre de paix loin des conséquences de la
Chute...
Les combats les plus terribles de la vie auront lieu au sein
même de la relation prioritairement affectée par la Chute :
le mariage.
— DAN ALLENDER ET TREMPER LONGMAN III

— Je travaille toute la journée, se lamentait Brian. Quand je rentre à la


maison, j’aide à préparer le repas, je joue avec les enfants, je fais la vaisselle,
je mets les enfants au lit, et. il est vite 21 h 30, et je suis épuisé !
— Que fait donc ta femme pendant tout ce temps ? lui demandai-je.
— Elle est sur Internet : elle passe tout son temps à chatter dans des
groupes de discussions.
— Vraiment ?
— Eh oui. Chaque jour, elle utilise l’ordinateur pour « communiquer »
avec les gens. Elle « communique » plus avec eux qu’avec moi ou les
enfants. C’est révoltant.
Quelques heures plus tard, Brian était occupé à changer les couches de
son nouveau-né quand Karen me prit à témoin à propos de leur mariage.
D’après elle, Brian le détruisait en s’enfonçant dans les dettes, il ne prenait
jamais de temps avec les enfants, il ne jouait pas son rôle de chef spirituel et
n’aidait jamais dans les tâches de la maison.
Ma femme n’en revenait pas. Elle connaissait Brian depuis le lycée et ne
l’avait jamais imaginé autrement qu’en bon père de famille, impliqué dans
l’éducation de ses enfants et plutôt économe. Voir un même mariage résumé
de deux manières si diamétralement opposées était stupéfiant. Pendant tout le
reste de la journée, Brian et Karen s’adressèrent mutuellement des remarques
acerbes. Au lieu d’être des alliés, ils étaient devenus des adversaires, et
l’atmosphère était constamment pesante autour d’eux.
On jouait un jour
Le mariage chrétien est un
ensemble aux cartes et
appel à concentrer nos efforts
j’avais une très bonne main.
sur le respect aux autres.
Brian, par contre, se trouvait
en mauvaise posture. « Vas-y, Gary, écrase-le ! » s’était écriée Karen. Il ne
s’agissait pas là d’une taquinerie affectueuse, mais bien d’une jubilation
malsaine devant l’échec d’un ennemi.
En repensant à cette journée, je me souviens d’une lettre de François de
Sales, écrivain du xviie siècle et auteur d’une Introduction à la vie dévote. Sa
remarque était directe et pertinente : « Ayez du mépris pour le mépris ».
Brian et Karen éprouvaient tellement de mépris l’un envers l’autre qu’ils
passaient leur temps à ruminer leurs défauts respectifs. L’un d’eux, au moins
(ou plus probablement les deux), mentait au sujet de ce qui se passait
réellement à la maison, ou sinon avait une vision plutôt déformée de l’état de
leur mariage.
Ce chapitre traite de la discipline du respect, en particulier envers votre
conjoint. Très peu de chrétiens considèrent malheureusement que témoigner
du respect relève d’un ordre ou d’une discipline spirituelle. Notre obsession
est que nous soyons respectés, mais nous réfléchissons rarement à notre
propre obligation de respecter ceux qui nous entourent.
La Bible est riche en enseignements à ce sujet. Nous avons l’ordre de
respecter nos parents (Lévitique 19 : 3), les personnes âgées (Lévitique 19 :
32), Dieu (Malachie 1 : 6), notre conjoint (Éphésiens 5 : 33 ; 1 Pierre 3 : 7).
En fait, nous devons manifester du respect envers tout le monde : « Honorez
tout le monde », recommandait vivement Pierre, disciple dévoué de Jésus (1
Pierre 2 : 17).
Nous avons tous en nous un désir viscéral d’être respectés. Quand ce
désir est contrarié, nous avons tendance à glisser dans une réponse
autodestructrice. Au lieu de nous appliquer à mener une vie qui suscitera le
respect de ceux qui nous entourent, nous nous acharnons à détruire notre
conjoint. Nous tentons ainsi désespérément de nous persuader que son
manque de respect à notre égard est dépourvu de sens. Spirituellement, cela
se transforme en un cercle vicieux et destructeur dont il devient extrêmement
difficile de sortir.
Dieu a une solution. Et si nous l’adoptons, elle révolutionnera nos
relations. La plupart des gens luttent pour se faire respecter des autres. Le
mariage chrétien est un appel à concentrer tous nos efforts sur le respect
accordé aux autres. Nous sommes censés leur accorder ce respect même
lorsque nous devenons conscients de tous leurs défauts de caractère. Nous
sommes appelés à aller au-delà de nos limites et à découvrir comment nous
pouvons apprendre à respecter cette personne qui nous est devenue si
familière. Dans cette démarche, il est vivement recommandé d’avoir « du
mépris pour le mépris ».

La rivière explorée
Je garde des souvenirs très clairs de notre première semaine de mariage.
Notamment, la découverte, dans notre trousse de toilette, d’un instrument
métallique étrange, ressemblant à des ciseaux mais se terminant par une
mâchoire.
— Qu’est-ce c’est que cela ? demandai-je à ma femme.
— Cela sert à recourber mes cils, répondit-elle, faisant allusion à une
pratique courante des années quatre-vingt.
— Tu fais réellement ça à tes cils ?
— Mais bien sûr !
Je n’en revenais pas. Personne ne m’avait jamais parlé d’une chose
pareille. Et il ne m’était jamais venu à l’idée que des cils raides puissent
témoigner d’un manque d’hygiène.
— Mais alors, demandai-je, quand des femmes en croisent une autre au
centre commercial, est-ce qu’elles s’exclament : « Regarde-la donc : elle ose
se promener en public alors qu’elle a oublié de se recourber les cils ! » ?
— Arrête de dire des bêtises, rétorqua ma femme en m’arrachant
l’instrument des mains.
Les débuts d’un mariage sont parfois plein de surprises de ce genre.
Vous croyez que tout le monde range sa poubelle sous le côté gauche de
l’évier de la cuisine... Puis vous découvrez soudain que la famille de votre
femme la range dans le hall d’entrée.
— Mais ça ne se met pas là ! protestez-vous.
— Pourquoi pas ? s’interroge la jeune mariée.
— Parce que ma maman ne l’a jamais rangée là !
Il m’a fallu des années pour accepter que Lisa range certains
médicaments dans le placard à épices. Je trouve totalement absurde de
stocker le bicarbonate à côté du sel et de la vanille. Mais il en est ainsi dans
sa famille.
Avec le temps, ces petites bizarreries n’ont plus de secret pour vous.
C’est alors que le mépris peut trouver une place dans votre relation.
Mark Twain a souvent parlé de ses explorations du Mississippi, cette
rivière qu’il affectionnait tant. Il s’était imprégné de chaque détour, de
chaque coude et de chaque méandre. Il avait tellement navigué sur ses eaux
avec extase et passion qu’il fut très déçu de constater, un beau matin, que le
Mississippi avait perdu beaucoup de son charme. Les mystères de ce cours
d’eau si impressionnant s’étaient tous évaporés avec le temps. C’était comme
s’il avait épuisé ses réserves d’amour pour sa rivière.
Chaque mariage passe par cette phase. Le ravissement de l’amour laisse
la place à une routine prévisible. Le mystère est remplacé par une familiarité
presque comique : l’épouse sait exactement comment son mari va s’asseoir
sur le canapé ; le mari sait exactement comment sa femme va répondre au
téléphone.
Pour l’anniversaire de son mari, la femme d’un de nos amis décida
d’acheter quelques clubs de golf. Elle s’adressa ainsi au gérant du magasin :
— Voici de quoi acheter un ensemble de clubs. Mon mari et moi
viendrons ici demain soir. Il jettera un coup d’œil aux clubs, viendra m’en
parler, retournera les voir et touchera ceux qui lui conviennent le mieux. À ce
moment, j’aimerais que vous alliez vers lui et que vous lui disiez : « Votre
femme est passée hier et a déjà réglé la note pour ces articles que vous venez
de choisir. Bon anniversaire ! »
Le vendeur, surpris et
Le ravissement de l’amour fait
quelque peu méfiant, accepta
place à une routine prévisible.
néanmoins de jouer le jeu.
Le lendemain, notre amie emmena son mari dîner au restaurant jouxtant le
magasin d’articles de golf. En sortant, le mari, comme prévu, se dirigea vers
le magasin et demanda à son épouse :
— Ça t’ennuie si on jette un coup d’œil ?
— Pas du tout, répondit sa femme.
Il parcourut plusieurs fois le magasin et fixa son choix sur deux lots de
clubs. Il retourna auprès de son épouse pour lui en parler, revint vers les clubs
et toucha le lot qui lui paraissait le meilleur. Le gérant s’approcha et donna,
comme convenu, son petit speech.
Quand l’amour atteint un tel degré de familiarité, risque-t-on « d’épuiser
nos réserves d’amour » envers notre vis-à-vis ?
Robert et Elizabeth Browning étaient deux grands poètes du xixe siècle à
qui nous devons une réplique souvent citée et plus souvent encore parodiée :
« Comment est-ce que je t’aime ? Laisse-moi en compter les mille et une
manières ». On raconte qu’ils ne se seraient jamais vus entièrement nus l’un
l’autre. La passion qu’ils ont éprouvée l’un pour l’autre tout au long de leur
vie est légendaire. Est-ce possible que le mystère entretenu sur leur corps ait
contribué à entretenir leur passion avec une telle intensité dans le temps ?
Il nous est souvent bien
Cette incapacité à témoigner du
difficile de continuer à
respect relève plus de
respecter notre conjoint
l’immaturité spirituelle que d’une
lorsque celui-ci et ses
évolution inévitable du mariage.
faiblesses nous deviennent
plus familiers. Or, cette incapacité à témoigner du respect relève davantage
d’une immaturité spirituelle que de l’évolution inévitable du mariage. Paul a
écrit plusieurs lettres aux chrétiens de l’église de Corinthe. Selon lui, bon
nombre de ces chrétiens étaient querelleurs (1 Corinthiens 1 : 11), simples et
ignorants (1 : 26), charnels (3 : 1-3), égocentriques et prétentieux (4 : 18) : un
homme couchait même avec la femme de son père (5 : 1), et certains parmi
eux étaient cupides au point de porter en justice leurs frères croyants (6 : 1).
Malgré tout cela, Paul les honorait en disant : « Je rends continuellement
grâces à Dieu à votre sujet » (1 : 4). Il les connaissait suffisamment bien pour
être au courant de tous leurs défauts, mais il n’en continuait pas moins à être
reconnaissant pour eux. Pourquoi ? La réponse se trouve dans la suite de sa
phrase : « Je rends continuellement grâces à Dieu à votre sujet pour la grâce
de Dieu qui vous a été accordée en Christ-Jésus » (v. 4).
C. J. Mahaney explique ceci : quand nous passons du temps à chercher
en nos frères pécheurs des « manifestations de la grâce » plutôt que leurs
fautes, nous parvenons à éprouver de la reconnaissance pour eux. Si à cause
de mon attitude envers elle, ma femme est davantage consciente de ses
manquements que de ses progrès dans la sanctification, je ne suis alors qu’un
mari légaliste. Je ne vaux pas mieux qu’un pharisien.
Témoigner du respect
Témoigner du respect est un
est un devoir, pas une
devoir, pas une faveur.
faveur. C’est une preuve de
maturité qui découle d’une réelle compréhension de ce qu’est la grâce de
Dieu.

Affronter nos préjugés


Un soir, à peine avais-je passé la porte que Lisa me tendit le téléphone :
« Viviane est en train de “péter un plomb”, et Manu a besoin de te parler ».
Je pris le téléphone et découvris rapidement que Viviane et Manu
traversaient effectivement un moment difficile.
— Viviane prétend que je la rabaisse, dit Manu d’un ton assez
sarcastique. Elle trouve que je ne la respecte pas et que je la dénigre.
— Vraiment ? répondis-je.
— Oui. Et maintenant, elle voudrait que j’aille voir son conseiller, mais
ça ne me tente franchement pas.
— Pourquoi ?
— Eh bien, le conseiller de Viviane est une femme et je ne suis pas
certain de. de pouvoir lui faire confiance.
— Donc, si je comprends bien, Viviane pense que tu ne la respectes pas
en tant que femme. Toi tu penses que c’est faux, mais tu ne veux pas aller
voir son conseiller parce que c’est une femme, et que tu n’es pas sûr de
pouvoir lui faire confiance ?
Il y eut un long silence.
Je savais qu’un jour ou l’autre, ce problème surgirait. Dès ma première
rencontre avec Viviane, je savais pourquoi Manu l’avait choisie. Il avait été
élevé dans un contexte très « machiste », et il recherchait une femme
correspondant à ses critères. Nous avions déjà discuté ensemble des filles
avec lesquelles il était sorti. Aucune d’entre elles n’aurait osé s’opposer à lui,
lui tenir tête ou le défier de quelque manière que ce soit. Il était sorti avec des
filles qui avaient probablement toutes été intimidées par leur père, et qui
n’avaient aucun problème pour devenir de jolies épouses, minces, blondes de
préférence, accrochées au bras droit de leur mari, sachant sourire, faire la
conversation, rire, faire l’amour et élever les enfants.
Viviane souhaitait vivre
L’égoïsme ou la paresse
une vraie relation. Elle avait
empêchent de chercher à
grandi et ne supportait plus
connaître suffisamment son
de n’être qu’une potiche
conjoint pour comprendre à quel
dans la maison : Manu était
point il est différent de soi.
donc en crise. Mais
contrairement à ce que Manu avait pensé au départ, ce n’était pas une crise
parce que Viviane « pétait un plomb ». C’était la crise d’un Manu obligé
d’affronter ses préjugés envers les femmes en général, et envers Viviane en
particulier.
Jésus a délibérément mis en lumière des attitudes similaires cachées
chez ses disciples. Il s’est ouvertement opposé aux traditions rabbiniques en
parlant à la femme qui se trouvait près du puits (Jean 4). Se retrouver seul à
seul avec une femme était déjà impensable pour un rabbi, mais parler
théologie à une femme était purement et simplement inimaginable ! On
raconte qu’un rabbin à qui on suggérait d’enseigner aux femmes certaines
lois aurait répondu : « Si un homme transmet à sa fille une certaine
connaissance de la loi, c’est comme s’il lui enseignait la débauche1 ».
Pas étonnant alors que le texte de Jean 4 : 27 emploie des termes tels que
« étonnés » ou « surpris » pour décrire la réaction des disciples lorsqu’ils
découvrirent Jésus en pleine discussion avec la femme samaritaine près du
puits. Ces termes traduisent le verbe thaumazô utilisé par Jean dans le texte
original grec, mot porteur d’une notion d’incrédulité : « Comment est-ce
possible ? », « Je ne peux pas en croire mes yeux ! »
Leur stupéfaction s’explique sans aucun doute par le fait que les
disciples avaient toujours baigné dans une culture profondément misogyne.
Du temps de Jésus, les femmes de Palestine souffraient de nombreuses
formes de rejets : leur présence n’était pas prise en compte lorsque dix
personnes minimum devaient être présentes pour célébrer un service religieux
dans une synagogue ; leur témoignage n’avait aucune valeur aux yeux de la
loi ; on ne les considérait pas en mesure de recevoir de l’instruction (le
Talmud précise : « Il est préférable que les paroles de la Torah soient jetées
au feu plutôt que d’être enseignées à des femmes ») ; elles étaient souvent
tenues à l’écart du reste de la société et recluses dans leur maison. Ce mépris
des femmes est clairement illustré par une prière souvent récitée à travers
l’Histoire par les générations d’hommes Juifs : « Loué soit Dieu qui ne m’a
pas créé païen ; loué soit Dieu qui ne m’a pas créé femme ; loué soit Dieu qui
ne m’a pas créé ignorant ».
Par ses actions et ses déclarations courageuses, Jésus a contesté et défié
ces attitudes vis-à-vis des femmes. Il les a toujours estimées et intégrées à son
cercle rapproché d’amis intimes (cf. Luc 8 : 1-3). Il accordait de la valeur aux
femmes, et désirait qu’elles soient à ses côtés ; il n’y eut toutefois jamais un
seul murmure ou l’ombre d’un scandale car les actions de Jésus étaient
toujours pures et fondées sur un amour véritable.
Jusqu’à son mariage avec Viviane, mon ami Manu avait été totalement
incapable de faire face à ses attitudes misogynes. Il lui fallut entendre sa
propre femme lui dire : « Tu ne me respectes pas, parce que je suis une
femme ! » ; il lui fallut s’entendre lui-même dire : « C’est une femme, alors,
je ne suis pas certain de pouvoir lui faire confiance ! » pour commencer à
réaliser son attitude pécheresse.

La différence
La plupart des problèmes conjugaux ne sont pas les problèmes d’un
couple en particulier : Jim et Suzanne, Marc et Diane, ou Pierre et Constance.
Non, il s’agit de problèmes liés aux hommes et aux femmes. Notre égoïsme
ou notre paresse nous empêchent de chercher à connaître suffisamment notre
conjoint pour être en mesure de réaliser à quel point il est différent de nous.
J’ai dû apprendre cette leçon de la pire manière qui soit. Je vous
épargnerai les détails peu glorieux et vous laisserai simplement imaginer un
long voyage qui me fit traverser les États-Unis d’ouest en est : cinq heures de
voiture, quatre aéroports, trois locations de véhicules, deux voyageurs
exténués et un chauffeur de taxi complètement fou.
Je voyageais avec mon aînée, âgée de dix ans à l’époque, et j’avais
prévu de la déposer chez des amis en Virginie, avant de poursuivre ma route
vers Raleigh, en Caroline du Nord. Un des vols avait été annulé. Il était donc
plus de 23 heures quand j’ai déposé Allison. J’ai ensuite repris la route, mais,
aux environs d’une heure du matin, exténué, j’ai dû m’arrêter pour me
reposer quelques heures.
Je me levai tôt le lendemain matin, et je roulai jusqu’à Raleigh où j’étais
attendu comme orateur d’une grande conférence. Avant la rencontre, je
devais encore accorder une interview, envoyer quelques documents à un
éditeur qui les attendait, répondre à quelques coups de fil, etc., et réussir,
malgré tout, à trouver un peu de temps pour relire mes notes.
Moins d’une heure avant d’entrer dans la salle de conférence, je pris des
nouvelles de ma femme. Très rapidement, elle s’est mise à pleurer à cause
d’une histoire de logiciel informatique qui ne fonctionnait pas correctement ;
elle me demanda si nous pouvions envisager l’achat d’un nouvel ordinateur.
De mon côté, je m’efforçais de me préparer spirituellement pour mon
allocution. Après avoir vécu un voyage aussi éprouvant que celui que je
venais de vivre, j’estimais avoir besoin d’un peu de temps pour me
concentrer. Je ne supportais pas les pleurs de Lisa, tout particulièrement ce
jour-là. Je me disais : Mais pourquoi donc n’est-elle pas capable d’être un
peu plus forte quand je suis en déplacement ? Je me serais bien passé de ça.
Je tentai de prier malgré ma frustration mais l’énervement
m’envahissait : Super ! Voilà bien une magnifique disposition d’esprit avant
de parler à tous ces gens ! J’ai bien essayé de ne pas rendre ma femme
responsable de mon état mais sans succès. Je me répétais sans arrêt : « Un
gars qui voyage autant que moi a besoin de quelqu’un de fort à la maison ! »
Puis, je me repentais d’avoir eu de telles pensées avant de me les repasser
avec encore plus de vigueur.
Deux semaines plus tard, je lus un article intéressant dans le Washington
post magazine. Liza Mundy* racontait qu’elle avait fondu en larmes en
pleine réunion éditoriale, et qu’elle en avait été horrifiée. La combinaison de
la chaleur, d’un certain malaise et de sa fatigue (rien d’extraordinaire en soi)
lui avait soudain fait monter les larmes aux yeux :
Tout à coup, mon visage était devenu écarlate et mes yeux
se remplissaient de larmes, tandis que je multipliais les
efforts pour le cacher, en clignant désespérément des
yeux. Mais tout cela en vain, car, comme me l'a dit si bien
une de mes amies quelques jours plus tard : « Pendant
cette crise de larmes au bureau, tu ne pleurais plus à
cause de ce que les autres disaient ; tu pleurais à cause de
tes pleurs ».
Un peu plus loin dans l’article, je lus quelque chose qui me surprit :
Ce que je voulais leur dire, c'était : « Ne faites pas attention
à ces larmes ; elles ne signifient rien. Mon esprit est clair ;
cette conversation ne m'affecte pas autant qu'il y paraît. Je
suis simplement fatiguée, un peu stressée, et j'ai chaud ! »
Parce que je savais, comme la plupart des femmes le
savent, qu'il n'y a parfois pas beaucoup de différence entre
les larmes et la sueur.
En tant qu’homme, j’associe les larmes à la faiblesse, voire à
l’anéantissement. Il me faudrait passer par une crise majeure pour que je me
mette à pleurer au bureau. J’ai enfin compris que les larmes revêtent une
signification radicalement différente pour Lisa et pour moi. Je la vois en
larmes, et je me dis qu’elle est en train de s’effondrer. Elle pleure et, pour
elle, elle transpire.
Si, pour une raison ou pour une autre, Lisa et moi devions un jour nous
séparer, et que j’épousais une femme que je pense être plus « forte »
émotionnellement, il y a de bonnes chances que je me retrouve dans la même
situation. Ce qui me posait problème chez Lisa est peut-être un trait commun
à presque toutes les femmes. C’était bien un problème entre homme et
femme, pas un problème entre Gary et Lisa.
Quelques mois plus
J’ai besoin d’être brisé afin de
tard, un dimanche matin, je
pouvoir être transformé. Une
regardais Lisa essayer de
attitude de jugement ne me
refouler ses larmes. Notre
brise pas, au contraire.
plus jeune fille, Kelsey, avait
mis au lavage un chemisier qui avait des traces de paillettes, et la machine
n’avait pas réussi à les enlever. Elle ne pourrait donc pas porter ce chemisier
comme prévu pour le culte. Je voyais Lisa écarquiller ses yeux, comme je l’ai
vu faire bien des fois au cours de nos quatorze années de mariage : elle luttait
véritablement contre les larmes.
Moi, je me tenais à la porte et je me disais : Quelle idée de pleurer pour
ça ! Des traces de paillettes sur un chemisier ? La belle affaire !
Mais c’est alors que j’ai appliqué la discipline du respect : Gary, ça
suffit ! Les larmes ont une tout autre signification pour elle. Ne juge pas ta
femme.
Ce jour-là, je n’ai rien dit, ses larmes tarirent rapidement, et nous nous
rendîmes à l’église sans provoquer une crise.
Remarquez l’évolution : j’ai dû apprendre à mieux comprendre Lisa
avant de pouvoir réellement la respecter. Et j’ai dû la respecter avant de
pouvoir véritablement l’aimer. C’est un processus thérapeutique extrêmement
spirituel qui exige l’effacement de soi afin de pouvoir grandir dans mon
amour pour les autres. Charles Williams parle d’une « invasion mutuelle, qui
brise les deux moi, afin de pouvoir les transformer grâce à l’amour que
chacun d’entre eux reçoit2 ». J’ai besoin d’être brisé afin de pouvoir être
transformé. Une attitude de jugement ne me brise pas, au contraire elle me
remplit du sentiment de ma propre importance. Mais quand j’apprends à
accorder mon respect, j’en ressors transformé.

Égalité spirituelle
L’homme et la femme, entités morales, sont égaux devant Dieu. Cela ne
signifie pas qu’ils soient interchangeables, ou que leur rôle est, ou devrait
être, identique. Mais, comme le dit la Bible, cela veut dire que l’homme et la
femme sont créés à l’image de Dieu. L’enseignement de Genèse 1 : 27 est
confirmé par Paul dans le Nouveau Testament. Il affirme aux chrétiens de
Galatie qu’en Jésus-Christ, il n’y a plus « ni homme ni femme » (Galates 3 :
28).
Quand je me rends compte que ma femme a été créée à l’image de Dieu,
je ne peux pas simplement éviter de la rabaisser. Ma manière d’agir envers
elle doit être bien plus noble. Il est bien entendu tout à fait exclu que je
regarde Lisa de haut parce qu’elle est une femme et que je suis un homme,
mais, si je me retiens seulement de mépriser ma femme, je suis encore à des
lieues d’agir conformément à ce qu’elle mérite en tant qu’individu créé à
l’image de Dieu : elle mérite d’être honorée.
Un jour, notre famille visitait le Musée national d’art, à Washington, et
admirait plusieurs peintures de Rembrandt. Un de mes enfants, très touche-à-
tout, s’est approché de l’une d’entre elles. Avant que son doigt ne puisse
effleurer la toile, ma femme se précipita et attrapa la main de notre enfant.
« C’est un Rembrandt ! » murmura-t-elle d’un ton sec sous l’œil du gardien.
« Tu ne peux pas toucher à ça ! »
Ma femme a été « peinte » par Dieu lui-même ! Comment oserais-je lui
manquer de respect ? D’ailleurs, cela ne devrait-il pas me faire réfléchir avant
d’agir ? Après tout, elle est la fille du Créateur !
Honorer notre conjoint est difficile. Nous devons adopter des attitudes et
des manières d’agir qui dépassent de loin l’accord de principe qui consiste à
ne pas le déshonorer. Comme le disent Betsy et Gary Ricucci :
Honorer quelqu'un n'est pas passif mais actif. Nous
honorons nos femmes en leur témoignant notre estime et
notre respect : en leur faisant des éloges en public, en
vantant leurs dons, leurs talents et leurs réussites, et en
leur disant notre gratitude pour tout ce qu'elles font.
L’honneur non exprimé n’est pas de l'honneur3.
Concernant cette obligation spirituelle d’honorer ma femme, mon défi
majeur est de prendre du temps avec elle, sans me laisser distraire par un
emploi du temps très chargé. Je n’imagine pas une seconde la déshonorer
mais, sans y penser, j’oublie de m’appliquer activement à l’honorer.
C. J. Mahaney, cité précédemment, a appris à honorer sa femme d’une
manière presque instinctive. Ils venaient d’avoir leur premier enfant. La
plupart des parents se laissent alors facilement aller à « l’idolâtrie du premier-
né ». C. J. a prouvé sa maturité lorsque quelqu’un lui a dit un jour, en
admirant leur bébé : « Je parie qu’elle est la prunelle de tes yeux ». Il a
immédiatement montré sa femme du doigt en s’exclamant : « Oh non ! C’est
elle qui est la prunelle de mes yeux4 ».
Témoigner du respect à mon épouse relève d’une discipline tant
spirituelle que conjugale. En effet, j’ai découvert que plus j’honore ma
femme en particulier, plus j’honore les femmes en général. L’inverse est
aussi vrai. Celui qui lance comme ça, en passant, des remarques du style
« Bah, c’est bien les femmes ! » révèle par là qu’il est atteint d’une sérieuse
mala die spirituelle. Ce sont « des femmes » faites à l’image de Dieu. Se
laisser à de tels commentaires, c’est se risquer à critiquer celui qui a créé les
femmes précisément telles qu’elles sont.
En témoignant du respect à ceux qui nous entourent, nous recevons
lumière et vie au sein de nos existences. Cela nous amène aussi à respecter le
Dieu qui a créé chacun de nous et qui nous modèle selon son bon désir. Le
mariage donne quotidiennement l’occasion de progresser dans cette
discipline essentielle.
Voyons, par quelques exemples pratiques, comment nous pouvons
commencer à développer du mépris pour le mépris, dans toutes nos relations.
Développer du mépris pour le mépris

1. Adopter un double standard saint


Les premières années de mon mariage furent tristement consacrées à
faire le compte des qualités et des défauts que je décelais chez moi et chez ma
femme. Je réalise aujourd’hui que je m’attardais bien trop longuement sur
mes qualités et sur ses défauts. C’est alors que j’ai découvert un texte de John
Owen, l’un des plus grands érudits puritains au monde :
Seul l'individu qui comprend le mal de son propre cœur
peut devenir utile, productif et affermi dans sa foi et son
obéissance. Tous les autres ne font que se bercer
d'illusions. Par conséquent, ils offensent leur famille, leur
église et tout leur entourage. Dans leur orgueil et leur
jugement d'autrui, ils témoignent d'une grande
incohérence5.
J’ai réalisé que je me trompais sur ma propre droiture. Plutôt que de me
focaliser sur les points à améliorer chez mon épouse, j’aurais dû me mettre à
genoux et supplier Dieu de me changer. Cette pensée prit encore plus de
place dans ma vie lorsqu’un matin, au réveil, je lisais ma Bible et priais. Tout
à coup, une pensée m’a traversé l’esprit : « Est-ce que Lisa a l’impression
d’être mariée à Jésus ? »
J’ai failli éclater de rire, mais une autre pensée m’est alors
immédiatement venue à l’esprit. La Bible nous répète, à maintes reprises, que
notre devoir en tant que chrétiens, c’est de ressembler toujours plus à Jésus-
Christ. Avec le temps, ma femme aurait dû commencer à apercevoir en moi
ne fût-ce qu’un air de famille avec Jésus. J’ai alors compris à quel point
j’étais loin d’avoir vécu une transformation de vie dans l’intérêt de mon
épouse.
« Attends un instant ! » avait envie de s’écrier mon moi égoïste. « Et elle
alors ? » Et je me mis à penser à tout ce que ma femme aurait pu faire pour
s’améliorer, et à quel point cela aurait contribué au succès de notre mariage.
C’est alors qu’un texte de William Law, grand écrivain anglican du xviiie
siècle, m’est revenu en mémoire :
Nul n'a l'Esprit du Christ sinon celui qui éprouve la plus
profonde compassion envers les pécheurs. Et il n'y a pas
de plus grand témoignage de votre propre perfection que
de faire preuve d'amour et de compassion envers ceux qui
sont les plus faibles et les plus imparfaits. D'autre part, rien
ne doit vous rendre plus mécontent de vous-même que le
fait d'être rempli d'un sentiment de colère et de jugement
devant le comportement des autres. S'il est vrai que tout
péché doit assurément être haï et détesté en tant que tel,
nous devons néanmoins nous comporter en sa présence
comme nous le faisons devant les maladies et faiblesses
physiques, en faisant preuve de beaucoup de tendresse et
de compassion pour les malades et les faibles6.
J’ai eu beaucoup de mal à accepter ces paroles. Selon lui, quand mon
respect devient mépris, la responsabilité en incombe à ma propre faiblesse, et
non aux manquements de ma femme. Si j’avais été réellement mature,
j’aurais eu la même compassion que Christ envers sa faiblesse. Le respect est
une discipline spirituelle, une obligation que je dois à mon épouse.
Fort heureusement, un changement se produisit dans ma vie, me donnant
une perspective tout autre sur le sujet.

2. Acquérir une nouvelle compréhension


Mon mariage est entré dans une nouvelle phase quand je me suis installé
à mon compte. Afin de réaliser des économies, nous avions décidé que je
travaillerais depuis notre domicile. Le problème, c’est qu’à cette époque,
nous habitions dans une petite maison, en ville.
Avec trois enfants.
Autant dire que mon seul choix était d’installer mon bureau dans notre
chambre à coucher ! Quand d’autres couples découvraient la situation, ils
étaient souvent très étonnés : « Et vous vous supportez encore l’un l’autre ? »
demandaient-ils. Le travail à domicile réussit à merveille à notre vie de
couple. Pour la première fois, je découvrais la vie de Lisa à la maison, même
si j’en avais eu un petit aperçu le weekend. Mais ce qui rendait son quotidien
difficile, ce n’était pas un effort particulier pendant 48 heures, mais plutôt,
jour après jour, la somme des responsabilités cumulées et interminables qui
découlaient de l’éducation et de l’enseignement des enfants à la maison. À
cela s’ajoutait l’entretien du logement, la planification des repas, les
préparations pour son groupe d’étude biblique. Et, quand son mari rentrait
enfin le soir à la maison, il était censé lui rester suffisamment d’énergie pour
se comporter en épouse à son égard. De son côté, ma femme me vit assis,
jours après jours, devant mon écran d’ordinateur. J’étais parfois fatigué, ou
même malade. Parfois, il faisait un temps magnifique dehors, mais je restais
sur ma chaise à travailler. Je passais des coups de téléphone que je n’avais
pas envie de passer pour la seule raison que je devais le faire. Lisa vit la
détermination et la discipline dont je faisais preuve. Elle était la spectatrice
privilégiée qui pouvait constater la pression qu’exerçaient sur moi les délais à
respecter et les tâches ardues que j’acceptais malgré tout, parce nous avions
besoin de l’argent qu’elles rapporteraient à notre foyer.
Avec le temps, nous
Notre devoir en tant que
avons acquis une profonde
chrétiens, c’est de ressembler
appréciation du travail de
toujours plus à Jésus-Christ.
l’autre. Chacun de nous
comprenait désormais beaucoup mieux les défis auxquels l’autre était
confronté quotidiennement. Chacun comprenait aussi ce qui nous empêchait
de devenir le conjoint parfait. Nous ne vivons pas dans un jardin d’Éden où
les soucis sont absents. Nous sommes plongés dans un monde où de
nombreuses responsabilités se disputent notre énergie. Cette nouvelle
compréhension nous a remplis d’une plus profonde empathie envers les
faiblesses de l’un ou de l’autre.
Travailler à domicile,
Quand je cultive la
ce n’est pas la seule manière
reconnaissance envers mon
de développer une telle
épouse, je brise l’habitude du
empathie. Au lieu de
mépris.
dépenser votre énergie à
cultiver le ressentiment que vous éprouvez quand votre conjoint ne vous
comprend pas, faites au contraire tous vos efforts pour le comprendre.
Cherchez à découvrir à quoi ressemble réellement sa journée : c’est un
exercice spirituel. Demandez cela à votre femme. À votre mari. Faites parler
votre conjoint : quel est le moment le plus difficile de ta journée ? Quand as-
tu envie de tout laisser tomber ? Quels sont les moments plutôt ennuyeux de
ton quotidien ? Y a-t-il quelque chose dont tu as peur en permanence ?
Prenez le temps de dresser la liste des difficultés de votre conjoint plutôt que
celle de ses manquements.

3. Cultiver la gratitude
La reconnaissance est un privilège. Elle donne un objectif positif à la
vie. C’est aussi une obligation : « Dites merci au Seigneur, car il est bon ! »
(Psaumes 136 : 1 – PDV). « Remerciez Dieu en toute circonstance » (1
Thessaloniciens 5 : 18 – Semeur). Et souvenez-vous comment Paul exprimait
sa reconnaissance à Dieu pour les chrétiens de Corinthe (cf. 1 Corinthiens 1 :
4).
Lorsque j’éprouve de la reconnaissance pour mon épouse, je brise le
contrôle qu’exerce sur moi l’habitude du mépris. Je cherche toujours d’autres
raisons pour être reconnaissant. J’essaie de ne pas considérer comme un dû
les nombreuses tâches quotidiennes qu’elle effectue. Quand je vais manger
chez quelqu’un, je remercie systématiquement mes hôtes : pourquoi ma
femme serait-elle privée de cette même reconnaissance ?
Peu de chose m’encourage autant que ces quelques mots prononcés par
ma femme ou mes enfants : « Merci de travailler tellement dur pour subvenir
à nos besoins ». Cette simple phrase a le pouvoir d’alléger considérablement
ma charge.
Le mépris provient de nos attentes. Le respect provient de nos
expressions de gratitude. À nous de choisir notre obsession : les attentes ou la
reconnaissance ? De ce choix naîtra un enfant dont le nom sera soit Mépris,
soit Respect.

4. Se souvenir des conséquences de la Chute


Nous devons nous rappeler que ce monde est profondément blessé. Le
péché a gravé son empreinte dans notre existence. À cause de la Chute, je
suis condamné à travailler dur, dans l’angoisse et la peine (Genèse 3 : 17-18).
Lisa doit donner naissance à nos enfants et développer des relations avec des
motivations souvent contradictoires et des objectifs sources de nombreuses
frustrations (Genèse 3 : 16).
Même le mariage le
Le mépris provient de nos
plus réussi ne peut éradiquer
attentes. Le respect provient de
totalement les conséquences
nos expressions de gratitude.
de la malédiction du péché
sur les individus et la société : « Ne soyons pas naïf au point de penser que le
mariage serait un havre de paix protégé des effets de la Chute. [...] Les luttes
les plus intenses de la vie auront lieu au sein de la relation prioritairement
affectée par la Chute : le mariage7 ».
Nous ne pouvons pas retourner à l’existence idéale qui précédait la
Chute, mais nous avons été créés avec une certaine connaissance de ce
qu’elle était. En d’autres mots, nous savons à quoi les relations devraient
ressembler, mais nous sommes incapables de les amener au niveau de cet
idéal : « Nos âmes soupirent après ce dont elles ne pourront se délecter
qu’une fois l’Éden restauré par de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Nous
gardons en nous un lointain souvenir du Paradis8 ».
Cela m’appelle à faire preuve de bonté et de tolérance envers ma femme.
Je veux qu’elle devienne tout ce que Jésus l’appelle à devenir, et j’espère de
tout mon cœur avoir une influence positive dans sa poursuite de ce but (et
réciproquement). Mais jamais elle ne pourra l’atteindre complètement ici-bas
sur la terre. Je dois donc l’aimer et l’accepter en me rappelant que nous
vivons dans un monde souillé par le péché.
Je dois accepter le fait que ce monde est déchu et qu’il est source
d’amères déceptions, de limitations physiques et d’exigences incessantes. Je
peux ainsi mieux comprendre combien la vie est difficile pour Lisa et donc
développer un profond mépris pour le mépris.
À l’époque où je travaillais encore à l’extérieur, Lisa et moi planifiions
de temps à autre une soirée romantique. À peine réveillés, nous mettions déjà
au point les détails de notre soirée « torride ». La passion serait au rendez-
vous ce soir-là ! L’espace de quelques heures, le monde qui nous entoure
n’aurait plus d’importance, pendant que nous goûterions aux fruits délicieux
de l’intimité conjugale.
Je partais ensuite
Votre conjoint péchera contre
travailler et pensais
vous, vous décevra, et aura des
régulièrement, tout au long
limites physiologiques qui seront
de la journée, aux plaisirs
pour vous sources de frustration
qui m’attendaient ce soir-là.
et de tristesse.
Mais, à mon retour à la
maison, il n’était pas rare que je sois accueilli par une épouse qui n’aspirait
qu’à prendre un bain en solitaire et à aller se coucher le plus tôt possible :
« Mais si tu y tiens encore, on peut tout de même se la faire notre petite
soirée à deux » disait-elle parfois. Et j’avais alors l’habitude de penser : Ce
n’est pas juste ! Je ne veux pas d’une femme de bonne volonté qui accepte
seulement qu’on se fasse notre petite soirée à deux. Je veux une femme
enthousiaste qui la désire passionnément !
Aujourd’hui, j’ai compris ce qui se passe : le sol de la cuisine est jonché
de suffisamment de céréales pour nourrir toute une famille de souris pendant
trois hivers. Et puis, il y a le stress de vérifier les devoirs des enfants tout en
préparant les repas, en lançant une lessive, sans parler des cours de danses, du
match de foot, etc.
Et je réalise que, loin de m’en vouloir personnellement, ma femme était
parfois simplement fatiguée. C’est ainsi que cela se passe dans un monde
déchu. Lisa n’essayait pas d’être fatiguée. Mais puisqu’elle était faite de chair
et d’os, à quoi d’autre aurais-je pu m’attendre ?
Comme je le répète souvent en public, maris, vous êtes mariés à une
femme déchue dans un monde déchu. Femmes, vous êtes mariées à un
homme pécheur dans un monde pécheur. Il ne fait aucun doute que votre
conjoint péchera contre vous, vous décevra, et aura des limites
physiologiques qui seront pour vous sources de frustration et de tristesse.
Votre mari peut rentrer à la maison plein de bonnes intentions et se mettre en
colère malgré tout. Votre femme peut être remplie de désir mais n’avoir plus
d’énergie.
Notre monde est déchu. Permettez-moi de vous dire encore une fois que
jamais vous ne trouverez de conjoint qui ne soit affecté d’une manière ou
d’une autre par la réalité de la Chute. Si vous ne parvenez pas à respecter ce
conjoint parce qu’il est sujet à certaines faiblesses, vous ne pourrez jamais
respecter aucun conjoint.

Solidaire de l'autre
Il y a quelques années, de retour à la maison après un long voyage,
j’avais l’impression d’avoir parcouru ces cinq cents kilomètres à pied plutôt
qu’en voiture. J’avais pris la parole six fois en quatre jours. En me garant
dans l’allée, je songeais : Je suis tellement fatigué. Je n’ai qu’une envie, c’est
de regarder un bon match de foot et d’aller me coucher. Alors que je franchis
sais le seuil de la porte, Lisa, de son côté, se disait : Ouf ! Il est enfin de
retour ! Je me suis occupée des enfants pendant tout le week-end et ils m’ont
rendue quasiment folle !
Ceci est le cocktail de base des plus belles scènes de ménage. Des
situations qui semblent n’être concoctées qu’en enfer !
C’est alors qu’à mon grand étonnement, j’ai découvert ce jour-là que
Lisa et moi avions mûri. Je me suis efforcé de jouer tant bien que mal avec
les enfants. Je leur avais rapporté différents types de pop-corn, et assis autour
de la table de cuisine, nous avons discuté ensemble tout en les grignotant. Je
remarquai cependant que Lisa était particulièrement consciente de mon état
de fatigue : « Tu dois être épuisé, me dit-elle. Laisse-moi m’occuper des
enfants ce soir ».
Qu’elle me l’ait dit suscita en moi le désir de prendre soin des enfants.
Je réalisai que, bien qu’ayant de bonnes raisons de ne pas vouloir s’occuper
de mettre les enfants au lit, elle prenait sur elle pour me soulager ; et cela me
donna envie de prendre sur moi pour la soulager.
Nous n’agissons bien
Jésus propose un remède :
sûr pas toujours de la sorte
retirer la poutre de notre œil
l’un envers l’autre, mais
avant de tenter d’ôter la paille
quand nous le faisons, c’est
de l’œil de notre prochain.
magnifique. Je pense que
l’apôtre Paul nous exhortait à vivre de cette manière lorsqu’il confessait être
« le premier d’entre les pécheurs » (1 Timothée 1 : 15). Il n’y a pas de
meilleure recette, dans toute la Bible, pour nous aider à devenir de meilleurs
conjoints. Si nous décidons de considérer que le chemin sur lequel notre
conjoint avance est plus difficile que le nôtre et que, de notre côté, nous
manquons la cible très fréquemment, alors nous agirons en conséquence et
découvrirons ainsi un superbe équilibre de vie au sein de notre couple.
Le mépris naît dès que nous nous focalisons sur les faiblesses de notre
conjoint. Chacun d’entre nous a des domaines de faiblesse. Si vous les
cherchez, vous les découvrirez, sans aucun doute. Et si vous désirez vous
concentrer sur ces faiblesses, celles-ci grandiront. mais pas vous !
Jésus propose un remède étonnant de simplicité, et pourtant
incroyablement difficile à appliquer : retirer la poutre de notre œil avant de
tenter d’ôter la paille de l’œil de notre prochain (Matthieu 7 : 3-5).
Si vous pensez Mais, c’est mon conjoint qui a la poutre !, permettez-moi
de vous confier un secret : vous êtes exactement le genre de personne auquel
Jésus s’adressait. Vous êtes celui qu’il a voulu interpeller par de telles
paroles. Ici, Jésus ne prétend pas nous aider à résoudre des litiges ; il nous
invite à avoir un esprit empreint d’humilité. Il veut que nous nous
débarrassions du mépris (que nous ayons du mépris pour le mépris) et que
nous apprenions le secret spirituel du respect.
Pensez aux gens que Jésus aimait durant sa vie sur la terre : Judas (le
traître), la femme Samaritaine près du puits (une libertine), Zachée (un
percepteur malhonnête), et bien d’autres encore dans leur genre. En dépit du
fait qu’il était sans péché, alors que ces gens marchaient quotidiennement
dans le péché, Jésus les a respectés. Il a lavé les pieds de Judas ; il a pris du
temps pour parler avec respect à la femme Samaritaine ; il a mangé chez
Zachée. Jésus, le seul être humain parfait à avoir vécu sur cette terre, est allé
à la rencontre des pécheurs. Il nous demande de l’imiter. Imitons-le donc. En
commençant par la personne la plus proche de nous : notre conjoint.
Développez un réel mépris pour le mépris et honorez ceux qui le
méritent, à commencer par votre conjoint.

* NDE : Liza Mundy est journaliste au Washington post, où elle écrit depuis
dix ans sur la politique, les affaires culturelles et la cause des femmes.
CHAPITRE 5
L'ÉTREINTE DE L'ÂME
Un mariage de qualité favorise une prière de qualité

Le fondement d'un fabuleux mariage, ce n'est pas de bien


se connaître l'un l'autre mais plutôt de connaître Dieu.
— GARY ET BETSY RICUCCI

Quelques mois à peine après notre mariage, pour rendre service à un


couple d’amis, Lisa et moi avons accepté d’échanger nos literies respectives.
Ils possédaient un matelas à eau et s’apprêtaient à déménager dans un
appartement où ce type de literie n’était pas autorisé. Comme notre logement
était situé en sous-sol, le poids d’un tel matelas n’était pas un problème et
nous avons fait l’échange.
Il ne m’a pas fallu longtemps pour regretter ce geste généreux.
Célibataire, j’avais toujours apprécié le fait de dormir seul. Quelle ne fut
pas ma consternation lorsque je découvris que Lisa aimait dormir blottie tout
contre moi. Il me fallut plusieurs mois pour apprendre à dormir au contact de
quelqu’un.
Le matelas à eau aggrava les choses : dès que l’un bougeait, l’autre avait
l’impression de dormir sur une mer démontée. J’avais horreur de cela. La
tendance qu’avait Lisa à envahir mon côté du lit et à me repousser de plus en
plus près du bord compliquait encore la situation. Il m’est arrivé une fois ou
l’autre de me réveiller, la joue écrasée contre le cadre du lit.
C’est vraiment ridicule, ai-je pensé avant de sortir du lit, d’en faire le
tour et de me glisser dans les trois-quarts de surface libres de l’autre côté. La
suite de l’histoire ne vous étonnera pas : à mon réveil, j’avais le visage aplati
contre l’autre côté du cadre du lit : « Nous devons nous en débarrasser », ai-je
insisté.
Apprendre à prier en
La prière insuffle l’éternité dans
homme marié s’était révélé
nos vies en rendant Dieu encore
pour moi aussi difficile que
plus présent dans notre manière
d’apprendre à dormir en
de vivre.
homme marié. En l’espace
d’une nuit, tout avait changé. Soudain, mes petits rituels et mes habitudes
spirituelles ne correspondaient plus à ma nouvelle existence. J’étais contraint
d’en trouver d’autres.

L'importance du mariage dans la vie de prière


J’avais raison de prendre très au sérieux ma vie de prière. La prière est
un élément essentiel de la vie chrétienne, ainsi que l’attestent Jésus, ses
disciples, et deux mille ans de tradition chrétienne. Sans prière, pas de foi. Un
chrétien solide est un chrétien à genoux. Il n’existe pas d’autre moyen.
Paul nous exhorte à prier sans cesse (1 Thessaloniciens 5 : 17). Cela
porte la prière à un niveau bien plus élevé que la simple intercession. Elle
devient le cœur de notre piété, la conscience ininterrompue de la présence de
Dieu, notre soumission permanente à sa volonté et l’expression fréquente de
notre adoration et de notre louange.
John Henry Newman, un érudit et ecclésiastique anglais du xixe siècle, a
écrit : « La prière est à la vie de l’esprit ce que le battement du pouls et la
respiration sont à la vie du corps1 ». Martin Luther affirmait : « Tout comme
le travail des tailleurs est de fabriquer des habits, et le travail des cordonniers
des souliers, le travail des chrétiens est de prier ».
Ainsi que J. C. Ryle l’a observé, « la prière est le souffle vital du vrai
christianisme ». Terry Glaspey, écrivain contemporain, le résume bien : « La
prière est une œuvre dans laquelle nous devons nous engager si nous désirons
que nos vies aient un sens au regard de l’éternité ».
J’apprécie particulièrement cette dernière phrase : la prière est le moyen
de donner du sens à nos vies au regard de l’éternité. La prière nous aide à
recadrer nos priorités, à percevoir la sagesse de la Bible et à prendre de
bonnes décisions. Glaspey pourrait dire que, sans la prière, nous vivons une
existence temporelle avec des valeurs temporelles. La prière insuffle
l’éternité dans nos vies en rendant Dieu encore plus présent dans notre
manière de vivre.
Le chrétien dont la vie de prière est un échec échouera aussi dans sa
croissance dans la foi, et restera un éternel adolescent spirituel.
Pour citer à nouveau J. C. Ryle :
Pour quelle raison certains croyants sont-ils tellement plus
saints et victorieux que d'autres ? J'ai la conviction que,
dans neuf cas sur dix, cette différence provient d'habitudes
différentes quant à leur vie de prière. Je crois que ceux qui
ne sont pas particulièrement saints prient peu, tandis que
ceux qui le sont prient beaucoup.
Lorsque vous prenez conscience de la place centrale de la prière dans la
vie chrétienne, peu de versets sont plus stupéfiants que 1 Pierre 3 : 7 :
Vous de même, maris, vivez chacun avec votre femme en
reconnaissant que les femmes sont des êtres plus faibles.
Honorez-les comme cohéritières de la grâce de la vie, afin
que rien ne fasse obstacle à vos prières.
Quand Pierre conseille aux hommes d’être prévenants et respectueux
envers leur femme, « afin que rien ne fasse obstacle à [leurs] prières », il
établit une relation directe entre notre attitude envers notre femme et la
discipline fondamentale du christianisme.
Si la prière est l’essence même de la spiritualité, et qu’une attitude
négative au sein du mariage peut anéantir cette activité, il incombe aux
hommes, en particulier, de prêter une attention toute particulière à ce qui est
dit ici.
Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que je n’étais pas le seul à
trouver cela plus difficile de prier en tant qu’homme marié. Martin Luther a
avoué être confronté au même problème. Et ce verset de 1 Pierre en donne la
raison. Après le mariage, les règles changent. Ma vie de prière dépend
désormais directement de ma manière de considérer et de traiter mon épouse.
Je ne pourrai plus jamais aborder la prière comme si j’étais encore
célibataire. Dans un sens, Dieu me voit au travers de ma femme. Je ne peux
pas agir comme si j’étais un moine célibataire si je veux grandir en tant
qu’homme de prière marié. Je ne peux tout simplement pas imiter les
pratiques préconisées par les érudits du Moyen Âge puisqu’elles ne
s’adressaient qu’aux célibataires, hommes et femmes, à la recherche de Dieu.
Malheureusement, nombreux sont ceux qui enseignent exactement le
contraire. Si nous voulons rendre notre mariage plus solide, disent-ils, nous
devons améliorer notre vie de prière. Or, Pierre nous invite à améliorer notre
mariage afin de pouvoir améliorer notre vie de prière. Au lieu de considérer
la prière comme « l’outil » capable de perfectionner mon mariage, Pierre me
dit que le mariage est l’outil capable de perfectionner mes prières !
Un homme peut très bien prêcher d’excellents sermons, écrire des livres
remarquables et connaître sa Bible par cœur, s’il n’a pas appris à devenir le
serviteur de sa femme, à la res pecter et à user de prévenance envers elle, il
n’est encore qu’un nouveau-né spirituel. Sa vie de prière, l’élément vital de
son âme, demeurera une imposture.

Succès futiles
Le monde évangélique a tendance à placer sur un piédestal tous ces gens
qui réussissent à faire en sorte que de nombreux projets se réalisent en temps
et en heure. Le risque est toutefois grand que leur conjoint paie le prix fort de
bon nombre de ces réalisations, et que la « vraie » spiritualité en souffre.
Dans les années quatre-vingt-dix, la popularité de Bill McCartney
grimpa en flèche dans les milieux chrétiens. Il était un excellent entraîneur de
football universitaire, ainsi que le président de Promise keepers [Les gardiens
de leur promesse], un ministère international qui vise à rappeler aux hommes
leurs responsabilités d’hommes au sein de leur famille, et les encourage à
garder leurs promesses. Toutefois, tout au long de ces années de grand succès
pour Bill McCartney, son épouse Lindy souffrait terriblement de la solitude.
Elle raconta plus tard qu’elle était « émotionnellement frigorifiée ». Sa
dépression s’aggrava au point de lui faire perdre trente-six kilos2. Bill
McCartney, trop occupé par le succès de son équipe de football et,
ironiquement, par le ministère des Promise keepers, ne s’en aperçut même
pas.
Au beau milieu de ces années à succès pour son mari, Lindy fit un jour
cette remarque poignante : « J’ai l’impression que je deviens de plus en plus
en plus petite ». Dans son livre intitulé Sold out, McCartney raconte :
Même si cela peut sembler incroyable, autant le ministère
des Promise keepers me stimulait spirituellement, autant
mon investissement dans ce ministère m'empêchait d'être,
au sens réel du terme, un « gardien de mes promesses »
au sein de ma propre famille.
Reconnaissons toutefois à la décharge de Bill McCartney que, dès qu’il
prit conscience de la situation, il quitta son poste d’entraîneur sans hésiter.
Son épouse reconnut ce sacrifice à sa juste valeur, et le couple McCartney fut
bientôt en mesure de reconstruire son mariage.
Faire en sorte que ceux qui nous entourent se sentent plus petit afin que
nous nous sentions plus grand va à l’encontre de tous les enseignements de la
foi chrétienne. C’est la marque d’un rejet catégorique des vertus telles que
l’humilité, le sacrifice ou le service. Bien souvent, Jésus s’est éloigné de la
foule pour venir en aide à un individu en particulier. Nous faisons tout le
contraire : nous justifions de délaisser quelqu’un, et en particulier notre
conjoint, afin de gagner les faveurs de la foule.
S’attacher à Dieu, c’est se détourner de nos propres intérêts. Quand un
homme et une femme se marient, ils se promettent de cesser de se considérer
comme des individualités et s’engagent à se voir désormais comme une unité,
un couple. Dès lors que je suis marié, je ne suis plus libre de rechercher ce
qui me plaît, car je ne suis plus seul. Mes ambitions, mes rêves et mon
énergie doivent prendre en compte le fait que je suis désormais membre
d’une équipe.
Cette maîtrise de mon ambition est extrêmement profitable à ma vie
spirituelle. En effet, le royaume de Dieu peut parfaitement avancer sans notre
participation ; notre sentiment d’être indispensable est bien plus souvent
fondé sur notre orgueil et sur notre arrogance que sur notre désir d’être fidèle
à Dieu. Collaborer à la progression du royaume de Dieu, ce doit être une
invitation et un encouragement pour ceux que nous servons ; en aucun cas,
cela ne doit les diminuer. Les vérités bibliques puisent leurs fondements dans
la communauté et le service que nous lui rendons. Or, la communauté
commence par la relation au sein du couple. L’individu qui nourrit sans cesse
une ambition féroce au point d’ignorer son conjoint ou de le sacrifier sur
l’autel de son propre agenda, adoptera la même attitude envers les autres.
Dans son ambition, il gagnera son entourage à sa cause, non pour servir le
bien du royaume, mais pour atteindre ses propres objectifs.
Si un homme ne voit dans son épouse qu’un être destiné à faire la
cuisine, combler ses besoins sexuels, et veiller au confort de la maison
pendant que lui seul est au service de Dieu, il forcera aussi les autres à imiter
ce modèle sans se soucier de savoir si ce rôle qu’il impose leur convient. Une
femme, qui néglige sa famille par ambition de « servir » Dieu, appliquera
vraisemblablement aux gens qui l’entourent ce même manque de compassion
et d’empathie, source de souffrance au sein de sa propre famille. J’ai souvent
rencontré ce type de personnalités. Hommes ou femmes, ils développent une
nature impitoyable, un caractère exigeant et un souci exacerbé d’eux-mêmes
qui affectent tous les aspects de leur vie et toutes leurs relations. Ils
s’efforcent de manipuler les autres et de les pousser à rejoindre leur propre
orbite, au lieu de les diriger vers celle de Dieu. Sous une apparence de
religiosité se développe un esprit corrompu et nauséabond.
Quand nous mesurons
En se mariant, l’homme et la
le succès d’une personne sur
femme promettent de cesser de
la base de ses réalisations
se considérer comme des
extérieures, nous ne sommes
individualités et s’engagent à se
pas en train de mesurer
voir désormais comme une
l’essentiel. Nos relations en
unité, un couple.
général, et notre mariage en
particulier, font partie intégrante de notre ministère. Si nous désirons
vraiment témoigner de manière authentique aux yeux du monde et servir
Dieu avec intégrité, nous devons prendre à cœur ces paroles de Ron Sider :
Lorsque des féministes radicales abordent le sujet de la
masculinité dans le monde chrétien, si la première chose
qui leur venait à l'esprit était l'excellente réputation des
hommes quant à leur respect des vœux du mariage et leur
service auprès de leur épouse selon le modèle du sacrifice
de Jésus sur la croix... Imaginez un instant l'impact3 !
Quand j’ai réalisé pour la première fois la portée des paroles de 1 Pierre
3 : 7, j’ai été terrifié. Puisque j’étais désormais marié, ma vie de prière allait
devoir être soumise à un nouveau test. Une discipline de fer n’était plus
suffisante. Si je souhaitais que rien ne fasse obstacle à mes prières, je devais
être attentionné vis-à-vis de ma femme. Je devais la respecter, l’honorer et la
chérir.
Au fil des années, j’ai progressivement appris à donner de la valeur à la
réelle authenticité spirituelle qui s’exprime davantage dans les relations
humaines que dans ce qu’on appelle les « réalisations » d’une personne. Jim,
un des responsables de mon église était plombier avant de rejoindre l’équipe
pastorale. Il n’a aucun diplôme en théologie, même s’il a pris quelques cours
ici et là. C’est un homme réfléchi, avec un cœur passionné pour les missions.
Pendant plus de dix ans, il a humblement accompli sa tâche de pasteur
associé. Personne ne penserait à placer son nom dans une liste des « plus
remarquables leaders chrétiens du pays ». Il est pourtant sans conteste l’un
des hommes les plus attachés à Dieu que je connaisse. Marie, sa femme, m’a
dit un jour en son absence : « Jim est un saint. Oui, vraiment, un saint ! »
Cette déclaration m’a bouleversé au point où, même si Marie ne se souvient
plus aujourd’hui l’avoir dit, ce fut l’un des sermons les plus percutants que
j’aie jamais entendus. J’essaie encore aujourd’hui de suivre l’exemple de Jim
et je me demande souvent si ma femme dirait de moi : « Gary est un saint.
Oui, vraiment un saint » ? Pourrait-elle le dire ?
Vous n’aurez une vie de prière Je ne le pense pas4.
solide que si vous apprenez à Alors, vous les maris,
respecter votre épouse et à être demandez-vous : Est-ce que
attentionné à son égard. je respecte mon épouse ?
Si votre vie de prière
n’est pas celle que vous souhaiteriez, commencez peut-être à chercher par là.
Ensuite, poursuivez votre démarche en posant cette question à votre femme :
« Est-ce que tu me trouves attentionné envers toi ? » Encouragez-la à vous
répondre en toute honnêteté. Permettez-lui de vous dire ce qu’elle ressent
quand votre fils vous entend dire quelque chose comme « Bah, c’est bien les
femmes ! », pour ensuite s’adresser à sa mère avec une touche de mépris dans
la voix. Laissez-la vous raconter ce qu’elle ressent intérieurement pendant
son cycle menstruel, quand elle a besoin de lever le pied ou de dormir parfois
un peu plus qu’à l’habitude, quand elle a besoin de se sentir chouchoutée
alors que l’homme auquel elle est mariée ne se soucie que de savoir si le
repas sera bel et bien servi à l’heure. Et si vous osez vraiment aller au fond
des choses, demandez-lui si elle vous trouve suffisamment prévenant lorsque
vous faites l’amour.
Si vous voulez grandir dans votre attachement à Dieu, votre vie de prière
doit être solide. Si vous êtes marié, vous n’aurez une vie de prière solide que
si vous apprenez à respecter votre épouse et à être attentionné à son égard.

Les relations sexuelles et la prière


Il existe un autre texte biblique associant le mariage à la vie de prière.
C’est un passage qui aborde explicitement la question des relations sexuelles.
Dans un message adressé aux maris et aux épouses, Paul récuse, ou du moins
questionne la pratique ascétique consistant à s’abstenir de relations sexuelles
au sein du couple. (Dans la phrase en question, l’emplacement des virgules et
de l’emphase est d’une importance capitale pour une bonne exégèse ; je
m’appuie ici sur l’interprétation proposée par le commentaire de 1
Corinthiens du Dr Gordon Fee5.) Paul considère qu’une telle abstinence est
dangereuse, et il suggère avec réalisme : « Ne vous privez pas l’un de l’autre,
si ce n’est momentanément d’un commun accord, afin d’avoir du temps pour
la prière » (1 Corinthiens 7 : 5).
Dans le passé, on a souvent compris que ce verset voulait dire que les
relations sexuelles étaient susceptibles de nous détourner de la prière. Une
autre lecture de ce même passage nous indiquerait que l’abstinence au sein du
mariage serait susceptible de nous détourner de la prière. Comment est-ce
possible ?
Une personne mariée en proie à une frustration d’ordre sexuel peut
éprouver des difficultés à prier, simplement parce que ses pensées ne
parviennent pas à se concentrer sur les choses de valeur éternelle. Dans un
contexte sain, les besoins sexuels d’un individu peuvent être assouvis. Le fait
d’avoir des rapports avec votre conjoint peut vous libérer temporairement de
toute distraction et permettre à votre âme, cœur et esprit d’aller à la rencontre
de Dieu. C’est en fait ce que Paul nous conseille de faire : « Vivez le mariage
tel que Dieu l’a prévu. Comblez vos besoins sexuels en faisant l’amour avec
votre conjoint. Alors, votre âme et votre esprit seront plus ouverts à la
prière ».
Paul est une personne très pragmatique. Il reconnaît la réalité biologique
des besoins sexuels. Grâce aux relations sexuelles dans le cadre d’une
relation permanente de toute une vie, une source majeure de tentation et de
distraction disparaît, laissant la place à une âme apaisée. C’est
particulièrement important pour la prière contemplative. L’esprit doit alors
être absolument libéré de toute distraction.
Aussi étrange que cela puisse paraître, Paul annonce que les hommes et
femmes mariés peuvent à la fois être au service l’un de l’autre et en même
temps instaurer un climat propice à une vie de prière enrichissante en
s’offrant l’un à l’autre au sein des relations sexuelles. Cette explication risque
de heurter notre culture évangélique. Je n’ai en effet jamais lu de livre sur la
prière qui disait « Si vous êtes marié, faites régulièrement l’amour ». Or, il
semble bien que ce soit ce que Paul affirme ici !
Dieu considère ma vie
Le mariage nous force en
dans sa globalité, comme un
quelque sorte à une vie de
tout. Je ne suis pas divisé en
réconciliation permanente.
« Gary le saint » et « Gary le
laïque », pas plus qu’en « Gary le mari » et « Gary le chrétien ». Je ne dois
pas m’obliger à un compromis si je souhaite à la fois progresser dans ma vie
de prière et vivre une sexualité épanouie.
Dieu m’a créé, vous a créés, êtres humains entiers. Je peux me donner
sans retenue et avec enthousiasme à mon épouse, et me donner également
sans réserve à Dieu. Je peux avoir une vie sexuelle normale sans perdre ma
passion pour la prière. Ces deux facettes de ma vie sont compatibles. Plus
encore, elles se complètent l’une l’autre. Non seulement mes désirs sexuels et
mes besoins spirituels n’entrent pas en compétition, mais ils se renforcent
mutuellement.

La discorde et la prière
Un autre aspect du mariage peut être source de profonde irritation et
grandement affecter ma vie de prière : il s’agit des conflits non résolus.
Même si Jésus ne visait pas spécifiquement les époux en faisant la remarque
suivante, elle s’applique parfaitement aux relations dans le couple. Jésus a
dit :
Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te
souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse
là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier
avec ton frère, puis viens présenter ton offrande.
— MATTHIEU 5 : 23-24
Imaginons une personne qui s’approche de Dieu par la prière. En
s’agenouillant, elle se souvient d’un différend qui l’oppose à quelqu’un
d’autre. Avant de continuer à prier, elle devrait mettre toute son énergie,
autant que cela dépende d’elle (Romains 12 : 18), pour se réconcilier avec
cette personne, qui pourrait être son conjoint, par exemple. Dieu a les
querelles en horreur (Proverbes 6 : 16, 19) et attache une grande valeur à
l’unité (Psaumes 133 : 1).
Le mariage peut nous obliger à grandir, car en tant qu’individus mariés,
si nous voulons garder une vie de prière solide, nous devons apprendre à
pardonner. Nous devons devenir experts en réconciliation. Les accrochages
surviennent inévitablement. La colère éclate parfois. Nous devons donc soit
apprendre à gérer les conflits en chrétiens matures ou prendre le risque de
voir notre vie de prière s’écrouler.
Le mariage nous force en quelque sorte à une vie de réconciliation
permanente. Il est facile de s’entendre avec les gens aussi longtemps que l’on
garde ses distances. En temps que célibataire, je pouvais sans problème
tolérer chez moi une certaine dose d’immaturité. Je pouvais choisir de ne pas
m’attaquer à mon égoïsme et à mon esprit de jugement. C’est d’ailleurs ce
que j’ai fait bien des fois et je n’en suis pas fier. Je me souviens en
particulier, d’au moins deux personnes avec lesquelles j’éprouvais beaucoup
de difficultés à m’entendre. Pour contourner le problème, j’ai choisi de ne pas
trop approfondir ma relation avec elles. C’est vrai que je ne suis pas obligé de
développer des relations avec tous ceux qui m’entourent. Il n’y a donc pas de
mal en soi à éviter ceux qui vous caressent dans le mauvais sens du poil.
Mais cette option n’est
Les querelles nuisent
pas envisageable au sein du
gravement à la santé de la
couple. Ma femme et moi
prière.
vivons ensemble au
quotidien. Lorsque nous ne sommes pas d’accord sur un point, je n’ai pas
d’autre choix que de travailler mon intimité avec elle. Parfois, nous ne nous
montrons pas à la hauteur des attentes du conjoint, nous nous décevons
mutuellement, ou nous nous blessons même délibérément. Permettons-nous
alors à la discorde, que Dieu a en horreur, de prendre le dessus, ou faisons-
nous la démarche relationnelle nécessaire à la restauration de notre unité ?
Si vous souhaitez que rien n’entrave votre vie de prière, la question
clôturant le paragraphe précédent devient alors une question rhétorique. Jésus
a clairement affirmé que le maintien d’une relation vivante avec Dieu par la
prière dépend directement de notre choix de veiller à l’unité. Les querelles
nuisent gravement à la santé de la prière. Vu sous cet angle, le mariage a été
instauré pour nous obliger à devenir des réconciliateurs. C’est le seul moyen
de survivre spirituellement.
Il est ainsi curieux de constater que le mariage détourne nos yeux de
notre conjoint pour nous obliger à regarder à Dieu. Qu’est-ce que je veux
dire ? Lisez ces paroles pleines de sagesse de Jacques, l’un des piliers de
l’Église primitive :
D'où viennent les luttes, et d'où viennent les querelles
parmi vous, sinon de vos passions, qui guerroient dans vos
membres ? Vous convoitez et vous ne possédez pas ; [...]
vous avez des querelles et des luttes, et vous ne possédez
pas, parce que vous ne demandez pas.
— JACQUES 4 : 1-2
Voilà l’origine de nombreux conflits conjugaux : « Vous convoitez et
vous ne possédez pas ». Jacques affirme que nous ne recevons pas ce que
nous désirons parce que nous ne nous adressons pas à la bonne personne. Au
lieu de placer votre conjoint sous le poids de vos exigences, demandez plutôt
à Dieu de combler vos besoins. Vous pourrez alors aborder votre relation
avec votre conjoint dans un esprit de service.
Ceux qui sont mariés
Au lieu de placer votre conjoint
depuis un certain temps sont
sous le poids de vos exigences,
enclins à oublier quels
demandez plutôt à Dieu de
étaient leurs espoirs secrets
combler vos besoins.
de célibataire. En effet, bon
nombre d’entre eux (mais pas tous) pensaient alors qu’il leur suffirait de
dénicher « la perle rare » pour que toute leur existence retrouve enfin son
harmonie. Leur solitude, leur sentiment d’insécurité, leurs doutes quant à leur
propre valeur, tout cela et bien d’autres problèmes encore disparaîtraient
comme par enchantement, grâce à la passion qui animerait leur couple.
Et, pour un temps très court, c’est effectivement ce qui semble se passer.
Le sentiment d’être amoureux agit comme une drogue, masquant
provisoirement une multitude de faiblesses intérieures.
Mais tôt ou tard le mariage met en lumière l’échec de notre recherche de
« plénitude » au travers d’un autre être humain. Quand la désillusion pointe
son nez, deux et seulement deux solutions s’offrent à nous. Nous pouvons
soit délaisser notre conjoint pour tomber amoureux de quelqu’un d’autre, soit
nous efforcer de comprendre ce qui se cache derrière notre désillusion : notre
raison d’être, le but et le sens de notre existence se trouvent en notre Créateur
seul, non pas auprès d’un autre être humain.
Abordé correctement, le mariage peut donc nous forcer à repenser la
source de notre nourriture spirituelle : sommes-nous dépendants d’autres
êtres humains ou apprenons-nous à développer notre dépendance de Dieu ?
Rappelez-vous qu’aucun être humain ne peut nous aimer aussi bien et aussi
fort que nous le désirons au plus profond de nous-mêmes. Il est tout
simplement impossible à un humain d’atteindre et d’apaiser le désir spirituel
que Dieu a placé en chacun de nous.
Le mariage nous rend un grand service en nous dévoilant cette vérité. Le
revers de la médaille est qu’il nous place aussi devant un danger : celui de
nous laisser nous empêtrer dans la discorde. Afin de protéger notre vie de
prière, nous devons vivre dans l’unité. Afin de protéger notre vie dans l’unité,
nous devons rediriger nos passions et nos désirs vers Dieu.

La prière en expansion
— Tu vas où, Papa ?
Mon fils, encore tout jeune, me regardait lacer mes chaussures de
marche.
— Sur le champ de bataille.
— Il pleut fort, dit-il en regardant dehors. Pourquoi vas-tu là-bas ?
Je soupirai. À cette époque, nous vivions dans une petite maison en ville
avec nos trois jeunes enfants :
— Je prie un peu mieux là-bas, dehors, lui dis-je.
Et il hocha la tête.
Le mariage et les enfants m’ont obligé à développer ma vie de prière.
Pour trouver une heure de calme ininterrompu afin de fermer les yeux et
incliner la tête, j’aurais dû me lever
à quatre heures du matin. Notre fille aînée est un oiseau de nuit comme
sa mère. Elle s’endort souvent bien après moi. Notre fils aime se lever avant
l’aube, comme moi. À moins d’avoir une très grande maison, il est quasiment
impossible de trouver un endroit de solitude, quelle que soit l’heure.
Mais cette contrainte fut une source de bénédictions à bien des égards.
J’avais malheureusement tendance à ne voir dans la prière qu’une activité
silencieuse et plutôt intellectuelle. La puissance et la portée de notre relation
avec Dieu sont restreintes si nous limitons la prière à un moment où chacun
doit obligatoirement incliner la tête et fermer les yeux. Le mariage peut
renverser ce genre de barrières.
Dans son livre, L’Impossible prière, Jacques Ellul raconte à quel point la
prière véritable « dépasse largement les limites du langage verbal ». Il ajoute
que, dans l’Ancien Testament, les mots désignant la prière sont des verbes
d’action tels que « caresser » ou « se prosterner6 ».
En reliant foi et vie de couple, la puissance de la prière revêt de
nouveaux aspects. En me concentrant sur la signification de l’acte physique
qui consiste à caresser ma femme avec gentillesse et amour, je serai peut-être
capable d’envisager la prière sous un angle nouveau. Comment Dieu
souhaite-t-il être « touché » et « caressé » ? Ma prière faite de mots peut-elle
devenir comme la tendre caresse d’une main sur une joue ?
Il m’a fallu du temps
Afin de protéger notre vie de
pour être simplement en
prière, nous devons vivre dans
mesure d’envisager un tel
l’unité... rediriger nos passions
parallèle. Quand vous êtes
et nos désirs vers Dieu.
jeune, tout ce qui a trait au
sexe est auréolé de mystère, et souvent associé à un sentiment de culpabilité
(c’était en tout cas ce que j’éprouvais). Même marié, il m’arrive d’avoir du
mal à intégrer la présence de Dieu dans ce domaine précis. Et s’il vous arrive
de crier « Alléluia ! » au cours d’une relation sexuelle, je ne suis pas certain
que Dieu soit vraiment l’objet de votre enthousiasme !
Poursuivons, et examinons l’usage du verbe « se prosterner » dans
l’Ancien Testament. Si, d’un côté, il faut toujours refuser l’adoration de la
création, les moments d’intensité profonde au sein du couple, et même
l’ivresse de l’union physique vous conduit à expérimenter parfois un profond
respect, une admiration telle que vous êtes prêt à vous offrir sans réserve à
l’autre. Quand une femme dit à son mari « Viens, prends-moi, je
t’appartiens », elle lui témoigne toute sa confiance, sachant que chacun des
actes de son mari sera fondé sur l’amour, l’affection et sur l’intérêt sincère
qu’il lui porte. C’est une magnifique démonstration du don de soi et de la joie
de l’intimité.
C’est ce type d’amour qu’avaient expérimenté Héloïse et Abélard, les
deux amants célèbres de l’Histoire, malgré les débuts peu chastes de leur
relation. Abélard était un théologien et philosophe du xiie siècle. Le vœu de
chasteté qu’il avait prononcé en tant que professeur fut mis à rude épreuve
lorsqu’il tomba éperdument amoureux de l’une de ses élèves, Héloïse.
Puisque l’amour physique lui était interdit et le mariage hors de question,
Abélard résista un certain temps, mais finit par succomber. Héloïse devint
enceinte, et ils se marièrent secrètement. Quand l’oncle d’Héloïse découvrit
l’affaire, il fit castrer Abélard, qui considéra cette agression comme une juste
punition et devint moine, tandis qu’Héloïse prit le voile.
L’attachement passionné d’Héloïse pour Abélard est illustré dans la
première lettre qu’elle lui écrivit : « Dieu m’est témoin que c’est vous seul
que j’ai désiré, simplement vous, et non ce qui vous appartient7 ».
L’amour d’Héloïse était si intense qu’elle comparait Abélard à un soleil,
elle-même n’étant qu’une lune réfléchissant sa lumière. Ce point de vue
l’amena à se dévaloriser pour ne pas concurrencer la gloire de son bien-aimé :
Bien que le nom d'épouse paraisse et plus sacré et plus
fort, un autre a toujours été plus doux à mon cœur, celui de
votre maîtresse, ou même, laissez-moi le dire, celui de
votre concubine et de votre fille de joie ; il me semblait que,
plus je me ferais humble pour vous, plus je m'acquerrais de
[vos faveurs], moins j'entraverais votre glorieuse destinée.
Ce désir de s’abaisser, voire presque de se déprécier pour le bénéfice
d’un autre, afin de se perdre dans sa présence et dans ses faveurs, ce désir se
retrouve dans l’Ancien Testament : lorsqu’il est question d’adorer face contre
terre. J’ai passé des heures à lire les ouvrages de la littérature chrétienne
classique, et j’ai été frappé de constater à quel point ce sentiment se retrouve
aussi dans les paroles pleines d’humilité qu’utilisaient les saints dans leurs
prières. Ce saint rabaissement était à la source des pratiques ascétiques des
premiers chrétiens. Dans leur souci d’exprimer leur dévouement, leur amour
et leur adoration pour Dieu, ils vécurent des dizaines d’années assis en haut
d’une colonne, enfermés dans une cage exiguë ou le corps recouvert de
sangsues. Nous avons le droit d’estimer qu’ils faisaient fausse route, mais
leur motivation profonde était d’exprimer dans leur corps une vérité
spirituelle : « Dieu est tout, nous ne sommes rien. Et nous vivrons ainsi pour
démontrer combien Dieu est grand et combien nous sommes petits ».
Sans vouloir suggérer le retour à de telles pratiques, l’esprit d’humilité
motivant ces actes mérite tout de même d’être réexaminé, alors que nous
vivons dans une société pleine d’arrogance. N’est-il pas possible de faire
renaître une telle humilité au sein de notre mariage ? Si nous éprouvons ne
serait-ce que l’ombre d’un tel abandon vis-à-vis d’un autre être humain
pécheur au cours d’un rapport sexuel, ne pourrions-nous pas apprendre à
nous offrir sans réserve à un Dieu parfaitement aimant et bienveillant ?
Abélard écrira plus tard : « Dieu ne doit pas être aimé comme Abélard
aimait Héloïse, mais plutôt comme Héloïse aimait Abélard ». Il ajouta que
Dieu doit être aimé « pour sa propre perfection, même au point de renoncer
finalement aux béatitudes [bonheur ou bénédictions] qu’il nous a promises ».
Nous aimons souvent Dieu pour ce que cet amour nous apporte. Héloïse
avait appris à aimer Abélard uniquement pour ce qu’il était. Cet amour
interdit fut pour elle source de nombreuses douleurs, mais elle préférait la
peine et la honte avec Abélard plutôt que la paix et le bonheur sans lui.
Pouvons-nous en dire autant de notre amour pour Dieu ?
Le sens profond de la prière d’adoration fait appel au renoncement
complet de tout ce que Dieu nous offre, pour le plaisir de goûter à Dieu lui-
même. Si vous avez expérimenté ou même seulement effleuré ce genre de
respect et de renoncement au sein de votre couple, votre vie de prière pourrait
entrer dans une nouvelle dimension. Vous pouvez apprendre à « vous
abandonner dans la prière » avec Dieu.
C’est pourquoi je vous
Ne craignez pas de mettre à
encourage à établir une
profit chaque aspect du
relation entre votre vie
mariage, même la sexualité,
conjugale et votre foi, afin
pour développer votre vie de
que chaque expérience dans
prière.
l’un de ces domaines profite
à l’autre. La prochaine fois que vous caresserez votre conjoint, demandez-
vous en quoi une caresse peut ouvrir de nouveaux horizons dans votre vie de
prière. La prochaine fois que vous ressentirez une passion intense pour votre
conjoint, voyez comment vous pourriez envisager de vous offrir à Dieu avec
un tel degré de confiance. Ne craignez pas de mettre à profit chaque domaine
de votre mariage, même la sexualité, pour développer votre vie de prière.
Nous commençons à discerner désormais à quel point les multiples
facettes de notre mariage nourrissent et édifient notre vie de prière. En
apprenant à respecter l’autre, à combler ses besoins sexuels, à régler les
conflits et à utiliser les analogies du mariage pour prier de manière plus
créative, nous pourrons construire et entretenir une vie de prière active,
grandissante et pleine de sens.
CHAPITRE 6
LA PURIFICATION DU MARIAGE
Comment le mariage révèle notre péché

Le mariage est le plus grand test au monde. [...] Mais


désormais, j’accueille ce test au lieu de le redouter.
Contrairement à ce que les gens pensent parfois, il teste
bien plus que la douceur de votre tempérament, car il met
à l'épreuve votre personnalité tout entière, et affecte
chacune de vos actions.
— T. S. ELIOT
Le mariage est l’intervention chirurgicale au cours de
laquelle la vanité de la femme et l'égoïsme de l'homme
sont arrachés sans anesthésie.
— HELEN ROWLAND
L'un des plus beaux cadeaux de mariage que Dieu vous ait
offert est un miroir à votre taille appelé votre conjoint. Si
une carte y était jointe, il y serait écrit : « Voici un petit
quelque chose pour t'aider à découvrir à quoi tu
ressembles vraiment ! »
— GARY ET BETSY RICUCCI

Ma petite amie de l’époque, qui étudiait à l’institut biblique Moody de


Chicago, me rendit un jour visite à la fac. Nous avions décidé, ce samedi-là,
d’aller visiter un monastère en Colombie-Britannique. Rendez-vous assez
atypique, j’en conviens. Un prêtre nous accueillit chaleureusement et, derrière
lui, je remarquai un très jeune moine, à peine sorti de l’adolescence, qui
s’approchait de nous. Dès qu’il aperçut la jeune femme qui m’accompagnait,
il détourna rapidement son regard et nous dépassa en baissant la tête.
Pendant mes années de fac, j’avais une grande ferveur pour Dieu et je
devine que ce jeune homme devait être tout aussi passionné si je considère la
voie qu’il avait choisie. Toutefois, le simple fait qu’il ait détourné le regard
montre bien qu’il existe deux manières différentes de rechercher le Tout-
Puissant. Alors que je passais ma journée en compagnie d’une jeune femme,
ce moine ne pouvait pas permettre qu’un coup d’œil d’une fraction de
seconde devienne un regard de quelques secondes. Cet incident me donna à
réfléchir, au point qu’aujourd’hui encore, je me souviens clairement de ses
traits juvéniles, de sa tête inclinée et du bruit de ses pas alors qu’il s’éloignait
rapidement de nous.
Malgré le grand respect et l’amour que j’ai pour l’histoire de l’Église, je
reconnais néanmoins qu’au cours des siècles, la spiritualité chrétienne n’a
jamais cessé de s’éprendre pour le célibat. De nombreux enseignants
répétaient sans se lasser : « Après tout, Jésus-Christ lui-même était
célibataire : n’est-ce pas là un argument suffisant ? » À cause de ce préjugé
tenace, si quelqu’un désirait devenir réellement saint, poursuivre ardemment
la sainteté, il devait adopter l’idée du célibat.
À travers les années, cette idée a blessé plusieurs chrétiens bien
intentionnés. Mary Oliver l’avoue :
Je me suis enfin rendu compte que durant quelque trente
années, j'avais vécu dans mon couple une relation d'intime
partenariat, d'une importance capitale pour mon être
intérieur et ma vie spirituelle, mais que, dans la tradition de
l'Église, le couple était pour ainsi dire non existant dans
tout enseignement théologique et spirituel de quelque
importance. [...] Je me suis aperçue que les écrits et les
discours concernant la spiritualité s'adressaient
essentiellement aux célibataires ou aux gens attachés à la
vie monastique, alors que ce n'était pas ma situation1.
Au monastère, ce jour-là, nous étions tous les trois à la recherche de la
sainteté mais nous allions emprunter des chemins radicalement différents. Le
jeune homme poursuivit son existence de moine célibataire. Je me suis marié
et devins enseignant et écrivain aux États-Unis. Mon ex-petite amie se maria
elle aussi, et partit comme missionnaire en Égypte. Le mariage n’a pas
masqué ma recherche de sainteté, mais était-il néanmoins une forme de
compromis ?
Voici donc la question centrale : si, dans ce monastère, le jeune homme
avait délibérément choisi de s’engager sur la voie du célibat afin de
rechercher la sainteté, était-ce aussi possible de délibérément choisir la voie
du mariage afin de rechercher la sainteté ? Et si oui, comment ?

La sanctification du mariage
Aux yeux de nombreux dirigeants de l’Église primitive, les relations
sexuelles (hormis celles destinées à la procréation) étaient, au mieux,
considérées comme suspectes et, au pire, comme un péché mortel. Ils
n’estimaient pas pour autant le célibat plus difficile à vivre que le mariage.
En fait, certains anciens avaient réalisé que la vie conjugale pouvait être plus
ardue que le célibat.
Il y a des siècles de cela, Pseudo-Athanase a cité les paroles d’une
enseignante nommée Synclétique :
C'est pourquoi nous ne nous illusionnerons pas nous-
mêmes en pensant que les gens du monde ont la vie facile.
Car si on les compare à nous, ils travaillent peut-être bien
plus dur. La haine des femmes dans le monde est réelle.
Elles portent des enfants avec difficulté et danger, elles
doivent nourrir leurs bébés, elles tombent malades quand
leurs enfants tombent malades, et elles survivent à tout
cela sans rien recevoir en échange de leur labeur2.
Ambroise tenait un raisonnement similaire :
Comparons les avantages des femmes mariées et des
vierges. [...] La femme se marie et elle pleure. Combien de
vœux sont prononcés dans les larmes ? Elle conçoit un
enfant, et sa fertilité lui cause du tourment bien avant de lui
assurer une descendance [...] Pourquoi discuter des soucis
de l'allaitement, de l'éducation et du mariage ? Ce sont les
souffrances des privilégiées. Une mère a des héritiers,
mais cela ne fait qu'augmenter sa détresse3.
Une nuit, au cours des premières années de notre mariage, le courage de
ma femme m’a frappé. Nous avions alors deux enfants. Je traversais une
période stressante de ma vie, et elle avait fait des pieds et des mains pour
organiser une petite soirée romantique afin de me permettre de souffler un
peu. Toutefois, au cours de la nuit, nos enfants étaient tombés malades. Lisa
allaitait encore l’un deux, et l’autre voulait absolument qu’elle s’occupe de
lui.
Lisa était épuisée. Elle
Un célibat, émotionnel ou
était restée debout très tard,
circonstanciel, envisagé de
pour moi, et à présent, elle
manière égoïste est susceptible
supportait patiemment un
de nous détruire tout autant
bébé affamé qui s’efforçait
qu’une sensualité débridée.
désespérément d’extraire les
quelques dernières gouttes de lait maternel d’un sein presque vide. Quand le
bébé se calma enfin, Lisa dut encore porter dans ses bras un bambin fiévreux
et lui caresser les cheveux tout en lui passant un linge humide sur le front.
Je voyais ma femme offrir son corps tout entier, dans un acte de service
désintéressé, et une pensée a alors traversé mon esprit : C’est une sainte !
Cette nuit-là, aux yeux de Lisa, la vie d’une religieuse célibataire aurait été
comparable à des vacances de rêve. Comment pourrait-on prétendre qu’elle
avait compromis sa sanctification en s’engageant dans une existence
l’appelant à un tel désintérêt héroïque ?
En réalité, un célibat (émotionnel ou circonstanciel) envisagé de manière
égoïste est susceptible de nous détruire tout autant qu’une sensualité
débridée.
Parlant de notre cœur, C. S. Lewis a écrit ceci :
Si vous voulez être sûr de le garder intact, ne le donnez à
personne, pas même à un animal. Emballez-le
soigneusement dans quelques passe-temps et petits
plaisirs ; évitez toute relation compliquée ; enfermez-le
prudemment dans le cercueil de votre égoïsme. Mais dans
ce cercueil, à l'abri de tout danger, dans l'obscurité, sans
air ni mouvement, votre cœur se transformera. Il ne sera
pas brisé ; il deviendra incassable, impénétrable et
irrécupérable4.
Quel est le meilleur chemin vers une vie de sainteté ? Des chrétiens ont
emprunté avec succès la voie du mariage ou celle du célibat. Quelle que soit
notre situation, l’important est de considérer que les défis nous donnent
l’occasion de grandir. L’athlète désirant améliorer ses performances ne
choisit pas les exercices les plus faciles ; il opte pour l’entraînement physique
qui le fera le mieux progresser. Le mariage possède ses propres difficultés,
mais, attaquées à bras-le-corps, celles-ci peuvent contribuer à
l’enrichissement de notre vie spirituelle de bien des manières. L’une d’elles
consiste à exposer notre péché et nos comportements blessants, pour nous
amener à développer un esprit d’humilité.

Des visages dévoilés L’important est de considérer


que les défis que nous
En Éphésiens 5 : 25, rencontrons nous donnent
Paul écrit : « Maris, aimez l’occasion de grandir.
chacun votre femme, comme
le Christ a aimé l’Église ». Il poursuit en expliquant que Christ « s’est livré
lui-même » pour l’Église afin de « la sanctifier » après l’avoir « purifiée »,
afin de la faire paraître « sans tache ni ride ni rien de semblable » (Éphésiens
5 : 26-27).
Aimer et purifier vont de pair. Un mari qui aime réellement son épouse
voudra la voir croître dans la pureté. Une femme qui aime réellement son
mari souhaitera le voir grandir en sainteté. Chacun d’eux placera le besoin de
croissance vers la sainteté au-dessus de la recherche des biens matériels, de
l’opinion d’autrui ou du confort personnel.
En ce qui me concerne, le mariage m’a tendu un miroir qui a révélé mon
péché. Il m’a obligé à faire preuve d’honnêteté et à examiner mes
manquements, mon égoïsme, mes comportements contraires à la foi. Il m’a
encouragé à rechercher la sanctification et la pureté afin de grandir dans mon
attachement à Dieu.
Kathleen et Thomas Hart ont bien décrit ce processus :
Au cours des premières années de mariage, le plus difficile
à accepter, ce n'est pas ce que nous découvrons à propos
de notre partenaire, mais bien ce que nous découvrons à
propos de nous-mêmes. Après seulement un an de
mariage, une jeune femme avait avoué : « Je m'étais
toujours considérée comme quelqu'un de patient et qui
pardonnait facilement. Puis, je me suis demandé si ce
n'était pas simplement parce que je n'avais jamais été très
proche de quelqu'un. Dans le mariage, quand John et moi
avons commencé à être confrontés à nos différences, j'ai
vu à quel point je pouvais être misérable et rancunière. J'ai
découvert en moi une dureté jusqu'alors insoupçonnée5 ».
J’ai expérimenté pour ma part le même phénomène. À l’âge de quinze
ans, j’ai été désigné « élève le plus poli » de l’année. Je m’étais toujours
considéré comme quelqu’un de plutôt patient et indulgent... Jusqu’à ce que je
me marie et découvre combien je pouvais être irrité à l’extrême chaque fois
que je sortais un bac à glaçons vide du congélateur !
Quand j’étais petit,
Le mariage m’a tendu un miroir
nous avions une règle claire
qui a révélé mon péché.
à la maison : celui qui prend
un glaçon doit remplir le bac avant de le remettre au congélateur. Une fois
marié, je sortais un bac pour n’y trouver qu’un demi-glaçon ! C’était
surprenant de constater qu’un si petit détail puisse ainsi m’agacer à ce point.
Je demandais alors à Lisa :
— À quel point m’aimes-tu ?
— Plus que tout au monde, me déclara-t-elle.
— Je n’ai pas vraiment besoin que tu m’aimes autant que cela, lui
répondais-je. J’ai juste besoin que tu m’aimes l’espace de sept secondes.
— Mais de quoi parles-tu ?
— Eh bien, j’ai chronométré le temps qu’il faut pour remplir un bac à
glaçons. Sept secondes suffisent.
— Gary, tu recommences encore avec ça ?
Puis vint le jour où j’ai enfin réalisé que si sept petites secondes
suffisaient à Lisa pour remplir un bac à glaçons, il ne me faudrait pas plus de
temps pour en faire autant. Étais-je vraiment égoïste au point de laisser sept
malheureuses secondes troubler sérieusement mon mariage ? Mon seuil
d’indulgence était-il vraiment si bas ?
Il l’était.
Vivre dans une proximité avec autrui tel que le mariage l’impose peut
devenir le plus grand défi spirituel au monde. Il n’existe plus pour moi
« d’espaces protégés », car je suis, d’une certaine manière, sous surveillance
vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Non pas que Lisa me surveille
constamment, mais je suis conscient de sa présence dans ma vie. Je sais que
chaque film que je louerai, je le visionnerai en compagnie de ma femme. Elle
sait quand je prends une pause dans mon travail. Elle sait où je mange, ce que
je mange, si je suis sérieux avec mon régime. Mes appétits, mes convoitises
et mes désirs, elle les connaît tous.
Cela suppose que j’accepte d’être confronté à mon péché, que je sois
prêt à demander à Lisa : « Dans quels domaines de ma vie trouves-tu que je
manque de sainteté ? Je veux le savoir, je veux changer ». Pour faire cela, il
faut beaucoup de courage, et ce n’est pas mon point fort. Du courage pour
être prêt à entendre ce que Lisa n’apprécie pas chez moi, tout en refusant
de me laisser paralyser par peur qu’elle m’aime moins ou me quitte lorsque
mon péché est dévoilé. Ma nature ne me pousse pas à rechercher
spontanément l’honnêteté et l’ouverture qui me conduiraient à changer ma
manière d’agir. J’ai plutôt tendance à vouloir dissimuler mon péché et
projeter de moi une image flatteuse. Dan Allender et Tremper Longman ont
décrit ce dilemme en des termes très forts : « L’homme était destiné à être un
grand artiste capable de puiser dans les méandres des mystères de la vie afin
d’en faire ressortir une manifestation remarquable de la beauté. Après la
Chute, il est devenu le lâche et violent protecteur de rien d’autre que sa
propre personne. L’intimité et l’ouverture ont été remplacées par la
dissimulation et la haine6 ».
Le mariage, ajoutent-
Le premier résultat évident de la
ils, est « le contexte le plus
Chute fut la rupture de l’intimité
favorable pour à la fois
conjugale.
mettre en lumière la
dépravation humaine, mais aussi vivre dans la dignité7 ». Retournons un
instant à l’époque d’Adam et Ève. C’est dans le contexte du premier mariage
qu’a été commis le premier péché. Et le premier résultat évident de la Chute
fut la rupture de l’intimité conjugale. Ni Adam ni Ève n’acceptèrent de
reconnaître que leurs faiblesses devenaient brusquement une évidence. Tout à
coup, il leur sembla bizarre d’être nus. Et chacun commença à rendre l’autre
responsable de la situation.
Vous cachez-vous de votre conjoint ? Où profitez-vous du projecteur du
mariage pour grandir dans la grâce ? Certains d’entre nous ont besoin de
l’action de cette lumière pour réaliser à quel point nous sommes pécheurs.
Howard Hendricks a rapporté qu’un jeune homme enthousiaste était
venu le trouver à la fin d’une de ses conférences et l’avait appelé un « grand
homme ». Sur le chemin du retour, Hendricks se tourna vers sa femme et lui
demanda :
— « Un grand homme... » Combien de grands hommes connais-tu ?
— Un de moins que tu ne crois, avait-elle répondu.
J’ai toujours pensé que Dieu donne une femme aux hommes qui ont de
grandes responsabilités en partie pour les aider à garder les pieds sur terre.
Lorsqu’un individu est sans cesse mis en avant pour ses actions, c’est
important qu’il ait quelqu’un à ses côtés, qui le connaisse au plus profond de
lui-même.
Blaise Pascal a écrit :
Si la faiblesse et la corruption de l'homme nous
surprennent encore, c'est que nous n'avons pas
suffisamment sondé la misère humaine en général, et la
nôtre en particulier8.
Être engagé dans la relation du mariage m’oblige à prendre conscience
de mes limites. Cela m’incite à « sonder » la misère humaine en général et la
mienne en particulier.
François Fénelon, mystique chrétien du xviiie siècle, a écrit que « tous
les saints sont convaincus qu’une profonde humilité est le fondement de
toutes les vertus9 ». Cette opinion est partagée par le célèbre écrivain
anglican William Law :
[L'humilité] est si indispensable à la bonne santé de notre
âme qu'il est impossible d'accéder à une vie pieuse sans
elle. Nous pourrions aussi bien rêver de voir sans yeux, ou
vivre sans respirer, que de vivre dans l'esprit de la religion
sans l'esprit d'humilité10.
Et qu’est-ce que l’humilité ? Fénelon nous donne des pistes :
Une forme d'honnêteté, l'empressement d'un enfant prêt à
reconnaître ses fautes, un désir de se rétablir, de se
soumettre aux conseils de personnes d'expérience ; ces
qualités seront solides, utiles, et profitables à notre
sanctification11.
Nous ne pouvons nous engager dans le mariage avec l’intention d’être
purifiés spirituellement que si nous sommes prêts à considérer le mariage
comme une discipline spirituelle. Dans ce cas, nous ne pouvons pas prendre
cet engagement en espérant avant tout en retirer épanouissement, satisfaction
émotionnelle, et charme romantique. Nous devons viser d’abord ceci :
ressembler à Jésus-Christ. Nous devons accepter l’idée de voir nos
manquements révélés aux yeux de notre partenaire, et ainsi révélés à nos
propres yeux. Notre péché ne semble jamais très choquant tant qu’il n’est
connu que de nous seul. Quand nous découvrons la réaction qu’il provoque
chez l’autre, sa gravité est amplifiée. Le célibataire peut « masquer » sa
frustration en s’éloignant de sa source, mais une fois mariés, l’homme et la
femme n’ont plus de refuge. Il est difficile de se cacher quand on partage un
même lit.
Les couples échouent La parade amoureuse
généralement par manque de
repentance bien plus que par J’ai une théorie : un
manque d’amour. péché inavoué se cache
presque toujours derrière
une situation d’insatisfaction conjugale. Les couples échouent généralement
par manque de repentance bien plus que par manque d’amour. Le péché, les
mauvaises dispositions de cœur et les manquements que l’on n’a pas osé
regarder en face, tout ceci sape lentement la relation. Les grandes promesses
faites du temps de la passion sont attaquées et finissent par se briser.
Nous nous engageons tous dans le mariage avec nos attitudes pétries de
péché. Lorsque celles-ci remontent à la surface, la tentation est grande de
chercher à les dissimuler ou de se lancer dans une autre relation, là où ces
attitudes ne seront pas encore connues. Mais le mariage chrétien présuppose
la volonté de vivre dans la lumière. Le jour où j’ai dit Oui à Lisa, je me suis
engagé à la laisser me connaître, c’est-à-dire à la laisser me voir tel que je
suis, avec mes erreurs, mes préjugés, mes craintes et mes faiblesses.
Faire face à ces réalités, ça peut faire peur. Lorsque nous sortons
ensemble avant le mariage, notre relation ressemble à une sorte de parade
amoureuse au cours de laquelle chacun met en avant ses qualités. Ce n’est
pas une préparation adéquate aux révélations inévitables du mariage ! Si de
nombreux mariages se soldent par un divorce, c’est peut-être en grande partie
parce que l’un des partenaires, sinon les deux, fuyait au moins autant la
révélation de ses propres faiblesses que celles de son conjoint.
Puis-je vous suggérer une alternative à cette fuite ? Considérez la mise
en lumière de votre péché comme un moyen formidable de grandir dans cette
vertu fondamentale du chrétien qu’est l’humilité, une démarche qui vous
conduira ensuite vers la confession et le renoncement au péché. Passez alors à
l’étape suivante, et adoptez la vertu positive correspondant au péché que vous
abandonnez. Si, dans le passé, vous vous êtes servi des femmes d’une
manière égoïste, appliquez-vous désormais à vous mettre au service de votre
épouse. Si vous étiez prompte à tourner votre mari en ridicule, exercez-vous à
l’encourager et à le féliciter.
Considérez le mariage comme une voie d’accès à la sanctification. Vos
comportements de pécheur seront visibles, et vous aurez ainsi l’occasion de
les régler avec le Seigneur. Le défi est de taille : ne pas succomber à la
tentation d’en vouloir à notre partenaire lorsque nos propres faiblesses sont
mises en lumière. Réciproquement, offrez à votre conjoint la liberté et la
bienveillance dont il a besoin pour être, lui aussi, confronté à ses faiblesses.
Ainsi, le mariage devient un tremplin, ou un miroir spirituel, conçus pour
vous venir en aide dans votre marche vers la sanctification.

Accepter le péché de Ne pas succomber à la tentation


d’en vouloir à notre partenaire
l'autre
lorsque nos propres faiblesses
Cette manière de sont mises en lumière.
considérer le mariage nous
conduit à aborder un autre sujet important : non seulement je dois accepter
que mon péché soit dévoilé, mais je dois aussi veiller à la manière dont je
traite mon conjoint lorsque son péché est mis en lumière. Est-ce que je m’en
sers pour l’accabler, l’humilier ou gagner un avantage sur lui (ou sur elle), ou
bien pour l’encourager, avec amour et douceur, à persévérer dans l’imitation
du caractère de Jésus-Christ ?
Connaître le péché d’autrui est une arme puissante et dangereuse. À
maintes reprises, des maris m’ont confié leur frustration due à leur difficulté
de pardonner à leur femme qui avait eu une aventure extraconjugale. Leur
réaction naturelle était de ressasser le souvenir de cette liaison en présence de
leur épouse. C’est une prise de pouvoir indigne. Dès que leur femme pointait
du doigt une faiblesse dans leur vie, leur première réaction était de rétorquer :
« Oh ! Et est-ce que tu vas retourner te jeter dans les bras de Jim si je ne
change pas ? » Ou encore : « C’est peut-être vrai que je me mets en colère,
mais moi, au moins, je sais maîtriser mes pulsions sexuelles ! »
En général, les hommes détestent dire de telles choses, et les femmes ont
horreur de les entendre. Ces remarques sont cruelles et vindicatives, mais il
nous arrive parfois d’être des maris cruels et vindicatifs :
— As-tu dit à ta femme à quel point tu as horreur de dire de telles
choses ? ai-je un jour demandé à l’un d’eux.
— Oui, mais même si elle sait que j’ai horreur de les dire, elle continue
à avoir horreur de les entendre.
Pour que cette
Connaître le péché d’autrui est
discipline puisse fonctionner
une arme puissante et
entre nous, il faut l’associer
dangereuse.
constamment à la discipline
du pardon (voir le chapitre 9). En effet, cette discipline (qui consiste à
exposer notre propre péché et à devenir un projecteur tourné vers notre
conjoint) est difficile à maîtriser. Elle requiert énormément de courage, et une
douceur constante que les hommes auront souvent tendance à qualifier de
mélodramatique. Les échanges au sein du couple ne doivent jamais devenir
des interrogatoires serrés ! Ils doivent plutôt devenir des conversations de
croissance qui encourageront chacun à poursuivre sa route en vue de la
sanctification : « Ainsi donc, exhortez-vous mutuellement et édifiez-vous
l’un l’autre » (1 Thessaloniciens 5 : 11).
Voyons maintenant, par un exemple concret, comment la mise en
lumière d’un péché peut aider à grandir en révélant nos vraies motivations.

Le péché derrière le mécontentement


Greg et Valérie fêtent leurs huit ans de mariage autour d’un repas mais,
à vrai dire, le cœur n’y est pas. Greg s’efforce de cacher à sa femme ce qu’il
ressent vraiment : il s’ennuie. Passionné d’informatique, il est frustré. Il aurait
préféré passer la soirée à parler ordinateurs avec un collègue de travail plutôt
que de soutenir une conversation avec sa femme.
C’est Valérie qui a choisi le restaurant. C’est un endroit chaleureux,
doublé d’un magasin d’antiquités. Greg collectionne les vieux panneaux de
signalisation, et il doit se retenir pour ne pas se lever et aller faire un tour du
côté de la boutique. Il s’oblige à se rappeler que c’est leur anniversaire de
mariage et qu’il devrait désirer partager ce moment avec sa femme, au lieu
d’avoir envie de rechercher son propre plaisir.
Mais Greg trouve que l’univers de sa femme s’est réduit de façon
dramatique. Toute la conversation se résume par un compte rendu
systématique et ennuyeux des événements de sa journée : « Et juste après
avoir passé la serpillière, je suis montée prendre une douche, et devine quoi ?
Rebecca a laissé tomber son bol de compote et ne l’a même pas ramassé !
Peter a bien sûr marché dedans et a laissé des traces dans toute la maison ! Et
je venais tout juste de laver partout ! »
Greg hoche la tête, en proie à un terrible conflit intérieur. Il est mal à
l’aise, car il sait que sa femme attend de lui ce qu’il n’est pas certain de
pouvoir lui donner : elle désire que quelqu’un s’intéresse à ses soucis de tous
les jours, mais, honnêtement, pour Greg, la propreté des sols de leur maison
est la moindre de ses préoccupations. Il a l’esprit vif, et aime tout
particulièrement relever les défis informatiques (« Ce sont comme des mots
croisés numériques », explique-t-il). Toutes ces petites histoires de bol de
compote, de sols à laver et de chamailleries des enfants l’ennuient à mourir.
Quelques jours plus tard, je rencontre Greg et je lui dis :
— C’est uniquement en t’intéressant à son monde que tu vas servir ta
femme. Tu penses vraiment que Jésus jubilait à l’idée de laver les pieds de
ses disciples, et d’entendre constamment toutes leurs petites chamailleries ?
De plus, il s’agit ici de tes enfants. C’est normal que Valérie suppose que tu
veuilles savoir ce qui leur est arrivé pendant la journée.
Greg acquiesce à contrecœur :
— Oui, je suppose que tu as raison. Mais...
Son hésitation m’indique que nous nous approchons du cœur du
problème.
— ... J’ai une collègue au travail avec qui j’ai beaucoup de plaisir à
parler ordinateurs alors que Valérie, c’est pas son truc. Avec cette collègue,
on s’amuse à relever ensemble des défis informatiques, c’est génial ! Je me
sens très proche d’elle.
Il se tait à nouveau pendant un long moment.
— Valérie et moi, nous n’avons plus rien en commun.
À ce moment précis, le mensonge égoïste était dévoilé.
— Rien en commun ? Et qu’en est-il de Peter et de Rebecca ?
— Oui, c’est vrai... les enfants, peut-être.
— Et de les avoir faits ensemble, de vous être occupés d’eux ensemble...
Ceci aurait moins de valeur à tes yeux que de mettre côte à côte une suite de
chiffres et de lettres afin de générer un programme informatique avec cette
autre femme ? C’est bien ce que tu es en train de me dire ? Que tes enfants
comptent si peu pour toi que tu les trouves moins intéressants que la création
d’un nouveau logiciel qui sera dépassé d’ici deux ans ?
— Aïe ! dit Greg en lâchant un profond soupir, je n’avais pas vu ça
comme ça.
Greg voulait « réécrire » sa réalité afin de donner l’impression que sa
manière de penser n’était pas si tordue que ça. En vérité, il préférait
réellement développer des programmes informatiques plutôt que de passer du
temps avec sa famille. Mais, au lieu de l’admettre et de se remettre en
question, il blâmait sa femme : « Valérie est ennuyeuse », « Valérie ne me
comprend pas », « Nous avons pris des directions différentes ». Ces
accusations étaient bien plus confortables pour lui que d’admettre : « Je suis
égoïste, et j’ai un sérieux problème de priorités, au point même d’être prêt à
envisager une liaison amoureuse avec ma collègue de travail ».
Si nous l’abordons comme il se doit, et si nous sommes prêts à examiner
honnêtement nos motivations les plus profondes, notre mariage ressemble à
une photo. Regarder des photos n’est pas toujours agréable. Je me revois en
train de jeter un coup d’œil sur des photos que nous venions de récupérer au
magasin. Pour la première fois, je réalisais à quel point j’avais pris du poids :
Oh la la ! D’où sort ce double menton ? Mon premier réflexe était de mettre
en cause l’angle de prise de vue, mais ces kilos en trop se voyaient sur toutes
les photos... quel que soit l’angle !
La même chose se produit dans le couple quand il s’agit de notre péché.
La vérité dévoilée nous contrarie, et il est tentant d’en rejeter la faute sur le
conjoint, comme s’il était devenu l’appareil photo.
Un chrétien mature trouve son plaisir à marcher fidèlement devant son
Dieu. Sa satisfaction première est d’être lui-même une personne mature, et
non de côtoyer une personne mature. Une grande part de notre insatisfaction
conjugale trouve son origine dans notre haine de nous-mêmes. Nous
n’aimons pas ce que nous avons fait, ou ce que nous sommes devenus. Nous
avons laissé nos attitudes égoïstes et pécheresses empoisonner nos pensées et
nous amener à avoir des comportements honteux. Soudain, nous n’avons plus
qu’une envie : nous enfuir.
Toutefois, la réponse mature n’est pas dans la fuite mais dans le
changement. De nous-mêmes.
Chaque fois que l’insatisfaction pointe son nez dans mon mariage (ce
qui arrive un jour ou l’autre dans chaque mariage), je fais une petite mise au
point. Je constate alors ceci : les périodes de bonheur et de satisfaction dans
mon mariage sont celles durant lesquelles je recherche délibérément ma
raison d’être et ma satisfaction en devenant un meilleur mari plutôt qu’en
exigeant une « meilleure » épouse.
Si vous êtes chrétien, vous savez que selon la Bible, vous ne pouvez
changer votre conjoint pour un autre. Par contre, vous pouvez vous changer
vous-même. Et ce changement personnel peut vous apporter
l’épanouissement que vous espériez obtenir en changeant de partenaire. En
fin de compte, c’est plutôt comique : c’est vrai, un des partenaires doit
changer, mais ce partenaire n’est pas votre conjoint, c’est vous !
Je ne sais pas pourquoi cela fonctionne ainsi. Je ne sais pas comment il
est possible d’être profondément insatisfait au sein de son mariage, de se
tourner vers Dieu pour lui demander de changer sa vie, et de se retrouver
soudainement parfaitement satisfait au côté du même conjoint. Je ne sais pas
pourquoi ça fonctionne, mais ça fonctionne réellement. Cela prend du temps,
parfois des années. Mais si votre cœur est déterminé à être proche de Jésus,
vous trouverez votre plaisir à lui ressembler. Jamais vous ne connaîtrez cette
joie en offensant Jésus par un divorce ou une aventure extraconjugale.
La réponse mature n’est pas Au xixe siècle, Marie
dans la fuite mais dans le d’Agoult abandonna ses
changement de nous-mêmes. enfants pour suivre le plus
célèbre compositeur et
virtuose de l’époque, Franz Liszt. Lorsque sa passion amoureuse se dissipa et
que l’absence de ses enfants commença à lui peser, on raconte que Marie
aurait dit : « Lorsque quelqu’un a tout brisé autour de lui, il s’est aussi brisé
lui-même ».
Si nous le laissons faire, le péché nous conduira à l’autodestruction.
Face à la même tentation, un homme pourra soit grandir en compréhension et
en maturité, soit se laisser happer par la spirale du déni, du mensonge et de la
destruction spirituelle.
Ce choix nous appartient. Dans ce monde déchu, le péché est une réalité.
Notre réaction face à la tentation déterminera ce que notre mariage
deviendra : une ruine, un échec, ou une victoire, un succès.
CHAPITRE 7
L'HISTOIRE SACRÉE
Construire la discipline spirituelle de la persévérance

Il est très difficile pour quelqu'un de demeurer totalement


fidèle aux choses, aux idées et, par-dessus tout, aux
personnes qu'il aime. La fidélité parfaite n'existe pas
davantage que l'amour parfait ou la beauté parfaite. Mais
cela vaut la peine d'essayer.
— KATHERINE ANNE PORTER
Que le Seigneur conduise vos cœurs à l'amour de Dieu et
à la persévérance du Christ.
— 2 THESSALONICIENS 3 : 5 (JOB)

Martine s’était engagée dans le mariage avec un énorme fardeau : le


souvenir de l’échec d’une union libre qui s’était soldée par une rupture
dévastatrice. Elle était donc en proie à un sentiment d’insécurité au sein de
son mariage. Pour elle, le schéma inéluctable des relations dans un couple se
résumait au principe suivant : « Les conflits amènent la rupture, et la rupture
génère une profonde souffrance ».
Après quelques années de mariage, le couple commença à se quereller
sur des questions de finances. Après des semaines d’âpres discussions, ils
n’avaient toujours pas abouti à un accord. Cette dissension s’aggrava au point
où leur mariage commença à se désintégrer. Ils ne vivaient plus beaucoup la
joie au sein de leur couple, mais plutôt l’angoisse et la frustration.
Inconsciemment, Martine retourna puiser dans les émotions provoquées
par l’échec de sa relation précédente. Comme elle souffrait encore de cette
rupture douloureuse, elle céda à la panique, et commença à douter que son
mariage puisse survivre à une telle crise. Son expérience passée affirmait haut
et fort que tout conflit non résolu menait inexorablement à la rupture. Elle
pleurait donc déjà la fin d’une relation qui n’était pourtant pas encore
condamnée.
C’est alors qu’un soir, à la suite d’une énième discussion mouvementée,
toujours aussi stérile, son mari eut un geste merveilleusement bouleversant et
prophétique, un geste dont Martine se souviendrait jusqu’à son dernier jour.
Alors qu’elle me racontait cette histoire, ses yeux brillaient d’une joie
profonde générée par le geste de son mari : « Ce soir-là, il m’a entourée de
ses bras et m’a dit : “Martine, il faut que tu saches que, quoi que nous
décidions, jamais je ne renoncerai à ce mariage. Même si nous devions vivre
avec ce sujet de tension pour le reste de notre vie, je ne t’abandonnerai
pas” ».
Martine fondit en larmes en nous racontant cette histoire. Malgré les
désaccords réguliers dans son mariage, elle ne souhaitait pas que cette
relation se termine, et voilà que son mari lui promettait que ce ne serait
jamais le cas.
Martine et son mari réalisaient le caractère sacré de leur histoire
commune. Ils accordaient tous deux une grande importance au simple fait de
savoir que leur mariage allait tenir bon dans le temps. Et tout à coup, le
problème de départ devenait moins imposant et insurmontable car, quoi qu’il
arrive, leur histoire commune serait protégée. À l’abri.
Nous annonçons la grâce prophétique du mariage lorsque nous
comprenons le caractère sacré de cette construction d’une histoire à deux. Le
philosophe allemand Friedrich Nietzsche, suggérant que le mariage était une
« longue conversation », conseillait vivement d’épouser un bon ami. Même si
cela est plutôt vrai, ce n’est toutefois que l’ombre d’un dialogue qui a depuis
longtemps précédé le nôtre : celui de Dieu avec son peuple, les Juifs.

Le Dieu d'Abraham
Quelqu’un avait demandé à un grand théologien de lui donner la plus
belle preuve de l’existence de Dieu. Il répondit sans hésiter : « Le peuple
juif ». Alors que les tyrans et les ennemis se relayaient pour tenter
d’exterminer ce peuple, tout au long de son histoire tumultueuse, la survie
des Juifs n’a parfois tenu qu’à un fil, bien fragile. Les Juifs ont pourtant
survécu à des siècles d’Histoire dramatique et poignante.
Une réalité théologique est gravée dans cette histoire : le Dieu de
l’Ancien Testament s’est révélé de manière unique en s’attachant
personnellement à un peuple spécifique. Pendant des milliers d’années, des
adeptes fidèles avaient adoré les dieux de la montagne, ou ceux de la vallée
ou de la mer. Puis soudainement était apparu un Dieu d’Abraham, d’Isaac et
de Jacob, un Dieu des hommes : quelque chose de totalement nouveau !
Plus étonnant encore était la filiation directe de cette relation : d’Adam
et Ève à Marie et Joseph, en passant par Abraham et Sarah, et par David et
Bath-Chéba. Cette histoire comportait un caractère sacré. Son sens profond
provenait du fait que Dieu s’était déjà révélé aux pères, aux grands-pères, aux
arrière-grands-pères et aux pères de leurs pères avant eux.
Cette relation entre Dieu et son peuple n’a jamais été simple. Elle connut
de grands moments de joie et de célébration (rappelez-vous l’histoire
d’amour entre Dieu et son peuple lors de l’inauguration du Temple par
Salomon). Mais elle connut aussi des épisodes de colère et de frustration
(quand Dieu permettait aux tyrans étrangers de dominer) ; des épisodes
d’infidélité et de reniement (lorsqu’Israël s’atta- chait à d’autres dieux) ; et
même d’insoutenables périodes de silence (dont quatre cents longues années
entre l’Ancien et le Nouveau Testament).
À présent, replacez ces événements dans un contexte plus proche du
vôtre : de grands moments de joie et de fête, de colère et de frustration, des
temps d’infidélité et de reniement, des périodes insoutenables de silence. Cela
vous fait-il penser à une relation qui vous est familière ? Votre propre
mariage, peut-être ?
Vues sous cet angle, nos relations au sein du mariage permettent de nous
identifier à Dieu dans sa relation avec Israël. Votre vie de couple a-t-elle
connu de grands moments de joie et de fête ? Dieu peut s’associer à votre
bonheur. Votre cœur a-t-il été brisé par la trahison de l’infidélité ou la
frustration du silence ? Vous n’êtes pas seul, et vous disposez des éléments
nécessaires qui vous permettront d’approfondir votre relation avec Dieu.
À la base de la relation de Dieu avec le peuple d’Israël, il y avait une
qualité essentielle : la persévérance. Quand Israël tournait le dos à Dieu, Dieu
ne tournait pas le dos à Israël. Il s’éloignait parfois pour un temps, mais il
restait toujours fidèle à ses promesses.
Je pense en particulier à
Nos relations au sein du
ces quatre cents années de
mariage permettent de nous
silence séparant l’Ancien
identifier à Dieu dans sa relation
Testament du Nouveau. Il
avec Israël.
est souvent difficile de dire
si notre mariage est « bon » ou « mauvais » ; nous sommes mariés, c’est tout.
La routine et la monotonie nous fatiguent, et notre âme devient de temps à
autre indifférente à celle de l’autre.
Le mariage est une longue randonnée à deux. Le terrain
est parfois très intéressant, parfois plutôt ennuyeux. Par
moments, la marche est pénible, pour les deux ou pour un
seul. Parfois, la conversation est animée ; parfois, il n'y a
pas grand-chose à raconter. Les marcheurs ne savent pas
exactement où ils vont ni quand ils vont arriver1.
Au-delà de cet aspect
Le mariage peut se définir par la
parfois lassant de la
persévérance : le maintien
« monotonie », il faut
d’une relation dans le long
reconnaître aussi que la
terme.
randonnée est plus longue
pour nous qu’elle ne l’était pour nos ancêtres. Autrefois, beaucoup de
mariages se terminaient brutalement par le décès des femmes lors d’un
accouchement. Thomas Cranner, célèbre archevêque de Canterbury de 1533 à
1553, perdit son épouse au cours de leur première année de mariage.
L’évêque Jeremy Taylor* (1613-1667) perdit la sienne après seulement treize
ans de vie commune. La femme de Calvin mourut avant leur dixième
anniversaire de mariage, tandis qu’Anne, épouse de John Donne, décéda à
peine seize ans après qu’ils se furent mariés2.
Les hommes ne vivaient pas aussi longtemps qu’aujourd’hui. En 1870,
peu de femmes avaient encore leur mari à leurs côtés lorsque leur cadet
quittait la maison. En 1911, la durée moyenne d’un mariage était de vingt-
huit ans. En 1967, elle avait déjà atteint quarante-deux ans.
Aujourd’hui, le mariage peut réellement se définir par la persévérance,
c’est-à-dire le maintien d’une relation dans le long terme. Avec les progrès de
la médecine et l’augmentation de l’espérance de vie, vous n’aurez pas droit à
une médaille avant votre soixantième ou soixante-dixième anniversaire de
mariage !
Pouvoir rester marié pendant six ou sept décennies est un phénomène
relativement récent. Notre vie spirituelle peut grandement en tirer partie. Le
mariage nous aide à développer le caractère de Dieu en persévérant à travers
les bons et les mauvais moments. Chaque cérémonie de mariage donne
naissance à une nouvelle histoire, un nouveau commencement. Le sens
spirituel du mariage se découvre en protégeant ensemble cette histoire.
Certains experts avancent qu’il faut entre neuf et quatorze ans pour
qu’un couple puisse commencer à « créer et former son entité3 ». Quand
j’entends parler de couples qui se séparent après trois ou quatre années
ensemble, je suis triste. Ils n’ont même pas eu le temps de commencer à
découvrir ce qu’est réellement le mariage. C’est un peu comme si quelqu’un
décidait de gravir à moitié une montagne, sans jamais savourer le panorama
d’en haut. On grimpe, on se bat, mais il est beaucoup trop tôt pour recueillir
le fruit de son travail. Vouloir évaluer son mariage après si peu de temps,
c’est vouloir goûter un gâteau à moitié cuit. Au sens le plus profond et le plus
intime, devenir un prend du temps. C’est un voyage qui n’a jamais vraiment
de fin, mais il faut compter au moins dix ans pour permettre à la véritable
intimité de commencer à s’installer.

La discipline spirituelle de la persévérance


Nous vivons dans une société de démissionnaires. Un employé
abandonne son poste dès que le travail devient trop pénible. Un employeur
licencie son personnel dès que les bénéfices diminuent d’un quart de point. À
la moindre contrariété, les gens délaissent leur communauté pour en chercher
une autre. La Bible nous avertit que quelques-uns abandonneront même leur
foi (1 Timothée 4 : 1).
Jésus parle de cette
Comptez bien dix ans pour
tentation d’abandonner la foi
permettre à la vraie intimité de
dans la « parabole du
commencer à s’installer.
semeur ». Une parabole qui
aurait dû plus justement s’appeler la « parabole des terrains », car c’est bien
de cela dont il s’agit. En Luc 8, Jésus annonce que certains entendent la
Parole de Dieu, qu’ils y « croient pour un temps », mais qu’au moment de
l’épreuve, ils abandonnent tout (v. 13). D’autres entendent la Parole de Dieu,
mais leur foi est étouffée « par les soucis, les richesses et les plaisirs de la
vie », et ils n’arrivent pas à maturité (v. 14). Mais Jésus fait l’éloge de ceux
qui « entendent la Parole [...], la retiennent et portent du fruit par la
persévérance » (v. 15 – Italique ajouté).
La vraie spiritualité chrétienne a toujours mis en avant la persévérance :
Ceux qui, en pratiquant le bien avec persévérance,
cherchent l'approbation de Dieu, l'honneur et l'immortalité,
recevront [de Dieu] la vie éternelle. Mais, à ceux qui, par
ambition personnelle, repoussent la vérité et cèdent à
l'injustice, Dieu réserve sa colère et sa fureur.
— ROMAINS 2 : 7-8, SEMEUR, ITALIQUE AJOUTÉ
La droiture, la vraie sainteté, se découvre au fil du temps, au travers de
notre persévérance. Il est relativement facile de « flirter » avec la droiture. Il
est facile d’être occasionnellement courtois envers les autres conducteurs (si
vous êtes de bonne humeur), d’aider une personne en difficulté à ouvrir la
porte (si vous en avez le temps) ou de donner quelques pièces de plus à la
collecte (si vous n’en avez pas besoin). Mais en réalité, une telle droiture est
superficielle. Ce que le Dieu de justice recherche, c’est une droiture
constante, un engagement à continuer à faire les bons choix, heure après
heure, même si vous êtes constamment tiré dans la direction opposée. La
sainteté est bien plus qu’une disposition bienveillante à l’égard d’actes de
bonté et d’amour occasionnels. C’est un engagement obstiné à une
soumission à Dieu.
Le mari ou la femme qui se verra un jour « tomber amoureux » d’un
autre ou d’une autre, devra continuellement faire le choix de ne pas agir
inconsidérément et de surveiller ses paroles. Afin de préserver l’intégrité de
son mariage, il lui faudra bien plus qu’une décision ponctuelle : il faudra
persévérer dans la droiture.
Puisque le mariage est une si longue conversation, il passe
inévitablement par de nombreuses étapes. Certaines présentent plus de
difficultés que d’autres. Les années d’éducation des jeunes enfants sont un
vrai défi, notamment lorsqu’il s’agit de préserver l’intimité et le plaisir dans
le couple. C’est une tâche épuisante. Deux chercheurs, William Lederer et
Donald Jackson, font remarquer qu’ils n’ont « jamais observé de
collaboration globalement constante entre les conjoints, durant la période
d’éducation des enfants4 ».
Nous traversons des périodes parfois bien difficiles à accepter dans la
vie. L’éducation des enfants occasionne des moments de richesse
extraordinaires alors que d’autres aspects de notre vie (trouver par exemple
des moments pour se retrouver seul à seul avec le conjoint) en pâtissent
forcément. Dites-vous que ce n’est qu’une saison de la vie, et il serait donc
absurde de cesser de persévérer durant cette période qui généralement oblige
chaque couple à réviser et à adapter ses attentes.
Qu’est-ce qui nous
La persévérance n’a de sens
pousse à baisser les bras
que si nous vivons dans
dans notre mariage ? Même
l’anticipation de l’éternité.
si Jésus n’appliquait pas
spécifiquement le contexte du mariage à la parabole des terrains, il dévoile
néanmoins plusieurs raisons à notre incapacité à persévérer au sein de nos
mariages. Certains d’entre nous baissent les bras « au moment de l’épreuve »
(Luc 8 : 13). Nous avions imaginé que le mariage serait facile à vivre ; dès
que ce n’est plus le cas, nous quittons le navire.
D’autres abandonnent lorsqu’ils sont étouffés par « les soucis [...] de la
vie » (Luc 8 : 14). Les conseillers matrimoniaux reconnaissent que les
problèmes financiers sont la source première de la faillite des mariages. Sans
parler de notre égoïsme et notre péché, tous deux capables de détruire une
relation qui nous était jadis si précieuse.
D’où provient la force de persévérer à faire le bien ? Paul y fait allusion
dans le passage de Romains 2 cité plus haut : par notre persévérance, nous
recherchons « l’approbation de Dieu, l’honneur et l’immortalité » (Romains
2 : 7 – Semeur). Ces paroles révèlent une autre réalité, celle d’une vie future
(après tout, rien n’est immortel dans ce monde). La persévérance n’a de sens
que si nous vivons dans l’anticipation de l’éternité.
Celui ou celle qui se bat avec les sentiments qu’il éprouve pour une
autre personne que son conjoint, devra prendre une décision qui pourrait, à
court terme, le rendre moins heureux et lui procurer moins de plaisir (quoique
dans le long terme, cette décision lui procurera une bien plus grande
satisfaction).
La persévérance
La sainteté qui sera un jour
chrétienne est enracinée
récompensée au ciel est la
dans la certitude qu’il existe sainteté persévérante.
une autre vie, qu’on appelle
généralement « le ciel ». Une vie éternelle, à laquelle notre existence terrestre
devrait nous préparer. Ce monde à venir est si rempli de gloire et d’honneur
qu’il mérite tous les sacrifices ici-bas afin de recevoir là-bas gloire, honneur
et immortalité.
Quel monde est aujourd’hui au centre de votre vie ? Votre vie de couple
sera le révélateur ultime de votre réponse à cette question. Si vous vivez avec
une perspective d’éternité, vous trouverez plus raisonnable de préparer cette
éternité en supportant plutôt un mariage difficile qu’en détruisant une famille
afin d’obtenir un soulagement rapide et facile. Dans la plupart des situations
de divorce, un homme ou une femme tente d’échapper, tout au plus, à
quelques décennies difficiles. Et pour obtenir ce soulagement, ces gens
rejettent la gloire et l’honneur qui durera l’éternité. Quel mauvais calcul !
La sainteté qui sera un jour récompensée au ciel est la sainteté
persévérante. Lisez toute la Bible : il n’est mentionné nulle part une
« couronne céleste » attribuée à ceux qui auront eu la « vie la plus heureuse »
sur la terre. Une telle récompense n’existe pas. Pas de médaille prévue non
plus pour le chrétien qui aura le moins souffert.
La priorité de l’histoire sacrée est éternelle. Le mariage est un rappel
efficace de cette réalité. Une des phrases les plus poétiques des Écritures,
celle que j’aimerais que chaque couple fasse figurer en bonne place dans sa
maison, se trouve en 2 Thessaloniciens 3 : 5 : « Que le Seigneur conduise vos
cœurs à l’amour de Dieu et à la persévérance du Christ » (TOB).
Je veux que mon cœur soit rempli de l’amour de Dieu et de la
persévérance du Christ. Voici la meilleure recette que donne la Bible pour
marcher dans la sainteté et « réussir » sa vie ici-bas sur la terre. Ah, si mon
cœur pouvait toujours être plus tourné vers l’amour de Dieu ! Ah, si je
pouvais apprendre la persévérance patiente de Christ lui-même !
L’alternative est rappelée par Paul en Romains 2. Au lieu de recevoir
une récompense céleste, certains recevront « la colère et la fureur ». Qui sont-
ils ? « Ceux qui, par ambition personnelle, repoussent la vérité et cèdent à
l’injustice » (Romains 2 : 8 – Semeur).
Qu’y a-t-il de plus égoïste que d’ignorer ce qui est le meilleur pour vos
enfants, c’est-à-dire un foyer stable et paisible ? Qu’y a-t-il de plus égoïste
que de se débarrasser d’un mariage simplement parce que vous êtes fatigué
de votre conjoint tout en sachant qu’en agissant ainsi vous portez un sérieux
coup à votre ministère de réconciliation (voir chapitre 2) ?
Je souhaite que les hommes, en particulier, prennent conscience des
dangers inhérents au divorce, tout au moins du point de vue des femmes. Mes
yeux se sont un jour ouverts quand j’ai réalisé le risque énorme que je prenais
en brisant l’histoire de mon mariage.

Un avenir incertain
L’un des plus grands dangers tient au fait que nous ne pouvons connaître
l’avenir. Laissez-moi vous raconter une histoire vraie.
Mon égoïsme s’est manifesté de la pire manière qui soit le jour où une
femme, membre du groupe qui m’avait invité à prêcher, est venue me
chercher en voiture à l’aéroport. Elle me pria de m’asseoir à l’arrière de la
voiture avec son fils. Dès que j’ouvris la portière, j’eus un mouvement de
recul : l’intérieur de la voiture était dégoûtant. Je devais parler plus tard dans
la journée et je portais ce jour-là un costume clair. Je craignais donc de salir
mes vêtements avec tous les restes de nourriture qui traînaient sur le siège.
Pour ne pas offenser cette dame, je fis de mon mieux pour repousser
discrètement le maximum de nourriture et de saleté avant de m’asseoir.
D’horribles pensées égoïstes me traversaient l’esprit, comme celle-ci :
Comment a-t-elle pu laisser sa voiture dans un tel état, alors qu’elle savait
très bien qu’elle devait venir me chercher ?
Très rapidement, j’appris que cette femme était divorcée et qu’elle
élevait seule ses enfants : Cela explique la voiture sale, me dis-je, cette
femme est probablement débordée.
Puis, alors que nous discutions, elle me dit qu’elle suivait une
chimiothérapie. Les médicaments la rendaient si malade qu’elle ne pouvait
travailler qu’un jour par semaine, comme serveuse. Le reste du temps, elle
tentait de reprendre suffisamment de forces pour pouvoir retourner travailler
la semaine suivante, afin de grappiller de quoi couvrir ses frais médicaux.
Elle gagnait trois fois rien, s’efforçait de s’occuper seule de trois enfants, et
subissait une chimiothérapie. Et pourtant, elle s’était portée volontaire pour
sacrifier son temps, son énergie et son argent (vu le prix du carburant !) pour
être mon chauffeur durant cette conférence.
Cette femme était
L’un des plus grands dangers
absolument remarquable.
tient au fait que nous ne
J’étais en colère contre moi-
pouvons connaître l’avenir.
même. J’avais
silencieusement maudit son siège sale, absorbé par mon propre embarras si
j’avais dû arriver quelque part avec des restes de nourriture collés à mes
vêtements ; un détail si insignifiant en comparaison des nombreuses
difficultés auxquelles cette femme était confrontée quotidiennement.
Après m’être repenti et avoir endossé à nouveau une attitude de serviteur
plutôt que de « star », mes pensées se tournèrent vers son mari. Comment un
soi-disant chrétien pouvait-il laisser la femme avec qui il avait eu trois
enfants se débrouiller seule face à une telle épreuve ? J’étais tellement désolé
pour elle que mon cœur saignait. Dès que je pus téléphoner à mon épouse, je
lui racontai cette triste histoire : « Quelle sorte d’homme faut-il être,
m’emportai-je, pour ne pas immédiatement voler au secours de quelqu’un
dans cette situation, après avoir fait le serment, devant Dieu et devant les
hommes, de demeurer à ses côtés “dans la santé ou dans la maladie” ? À quel
point faut-il avoir le cœur endurci pour n’être pas touché par la souffrance de
quelqu’un que vous avez autrefois aimé ? »
Quand cet homme a divorcé de sa femme, il ne pouvait bien sûr pas se
douter qu’elle aurait un cancer. Mais c’est précisément la raison pour laquelle
nous bâtissons une histoire sacrée : aucun de nous ne peut deviner de quoi
demain sera fait. Cette femme avait mis de côté sa formation et sa carrière
pendant qu’elle élevait les trois enfants de cet homme. Elle s’était rendue
vulnérable dans l’intérêt de son mari. Lui, de son côté, avait réussi
professionnellement tandis que l’énorme responsabilité de l’éducation des
enfants reposait encore sur les épaules de son épouse. En mettant fin à leur
histoire commune, il l’avait laissée quasiment sans ressources.
Quand on divorce de son conjoint, on n’a aucune idée de ce que l’avenir
lui réserve. La situation devient bien souvent chaotique, car il y a de grandes
chances que l’un des deux se retrouve dans le besoin à plus ou moins brève
échéance. Une telle négligence classe assurément celui qui part dans la
catégorie de ceux qui, « par ambition personnelle », s’attireront « la fureur et
la colère » de Dieu, comme l’a écrit Paul.
Cette colère est
Si vous ne croyez pas à la
également réservée à ceux
réalité du ciel, le divorce sera
qui « repoussent la vérité ».
une option parfaitement
Paul pose ici clairement la
justifiable pour vous.
question de la vérité du
salut. Mais une autre vérité peut aussi être attachée à ce passage : celle de la
volonté de Dieu et de ses lois.
Dieu a horreur du divorce, la Bible l’affirme clairement : « Car je hais le
divorce, déclare l’Éternel, Dieu d’Israël » (Malachie 2 : 16 – Semeur). Jésus a
aussi parlé du divorce, expliquant à ses disciples que « quiconque répudie sa
femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et celui qui
épouse une femme répudiée commet un adultère » (Matthieu 5 : 32). Jésus a
ajouté par ailleurs que, dans l’Ancien Testament, Dieu n’avait pris de
dispositions concernant le divorce que pour une seule raison : la dureté du
cœur des hommes (cf. Matthieu 19 : 8-9).
Mes amis, voilà la vérité. Et, comme Paul l’affirme en Romains 2,
rejeter la vérité expose à la fureur et à la colère de Dieu. Je reste abasourdi de
voir des chrétiens abandonner femme et enfants sans revenus pour aller vivre
une autre relation, tout en essayant de garder l’illusion que Jésus-Christ serait
le Seigneur de leur vie.
Mike, un de mes collègues de travail, a récemment essayé de reprendre
contact avec l’un de ses anciens amis de fac :
— Je suis navrée, mais Greg n’est pas là, a répondu sa femme au
téléphone.
— Mais il est où ? a demandé Mike spontanément.
— Il est parti.
Dans la voix de cette femme, ce « Il est parti » laissait percevoir un
traumatisme et l’idée que son mari ne reviendrait jamais.
Cet ami de fac avait trois jeunes enfants. Mike m’a dit, quelques jours
plus tard, qu’il aurait aimé secouer son ami et lui dire : « As-tu la moindre
idée du mal que tu fais en te comportant ainsi ? »
Mais dans notre société, il n’y a plus aucun mal à se séparer, n’est-ce
pas ? C’est plutôt perçu comme quelque chose de « romantique », parfois
même de « courageux ». C’est « pour le mieux, à long terme ».
Construire ensemble une histoire sacrée, c’est apprendre à pratiquer le
bien avec persévérance, quand même nous souhaiterions agir autrement. Cet
engagement à persévérer nous enseigne les fondamentaux de la discipline
chrétienne du renoncement à soi. Elle consiste entre autres à abandonner nos
comportements égoïstes et à tourner nos regards vers l’avenir. Un avenir qui
dépasse largement les réalités de ce monde. Si vous ne croyez pas à la réalité
du ciel, le divorce sera une option parfaitement justifiable pour vous. Par
contre, si vous placez le ciel au cœur de l’équation, le coût réel d’un divorce
devient brusquement beaucoup trop élevé quand vous pensez à la fureur et de
la colère de Dieu, et à la mise en péril de votre avenir par pur égocentrisme.
L'idéal
Le divorce, par définition, est un échec. L’échec de l’amour, du pardon,
et de la patience. Sinon, c’est au moins la conséquence d’une erreur de
jugement quant au choix d’un partenaire. Mais nous avons tous, à un moment
ou un autre, connu l’échec.
Les paroles de Jésus
Le pardon et la grâce
sont souvent sévères.
interviennent pour vous offrir un
D’après Matthieu 5 : 28, moi
nouveau départ.
et pratiquement tous les
hommes avons commis l’adultère. Un regard chargé de désir et Bing !
L’homme trébuche. Un mouvement de colère, un « Espèce d’idiot ! » et,
selon Jésus, nous méritons d’être jetés dans les flammes de l’enfer (cf.
Matthieu 5 : 22).
Jésus a annoncé des vérités parfois dures à entendre concernant notre
manière de vivre et personne ne peut se vanter de n’avoir jamais enfreint ses
commandements.
Mais en examinant la vie de Jésus, nous découvrons aussi une grâce
infinie. La femme adultère n’est pas condamnée : Jésus lui demande
simplement de mettre de côté son péché (cf. Jean 8 : 11). Mettre la main à la
charrue tout en regardant en arrière nous rend inaptes pour le royaume de
Dieu (Luc 9 : 62), mais Jésus a gracieusement et affectueusement pardonné à
Pierre ses trois reniements (Marc 14 : 66-72).
Si vous avez connu un divorce, cela ne sera d’aucune utilité, ni à vous ni
à Dieu, de vous focaliser sur quelque chose que vous ne pouvez plus changer.
Le pardon et la grâce in terviennent pour vous offrir un nouveau départ, un
nouveau commencement.
Si j’ai présenté un idéal si noble dans le mariage, c’est en partie pour
encourager ceux qui éprouvent des difficultés au sein de leur couple à tenir
bon. Je me dois cependant d’être honnête, quitte à contredire en apparence ce
que j’ai dit dans les chapitres précédents. Affirmer que quitter son conjoint
soit synonyme d’abandonner la foi est excessif. De graves conséquences
spirituelles accompagnent assurément chaque promesse brisée ; mais ce qui
rend le divorce plus dommageable spirituellement, c’est le fait que les
engagements d’un mariage sont brisés lentement, dans le temps. Le divorce
n’est pas un péché dû à une passion soudaine, quelque chose que vous faites
et que vous regrettez immédiatement. C’est la décision mûrement réfléchie de
briser un serment. Vous avez eu tout le temps nécessaire pour changer d’avis
et pour l’éviter. C’est ce qui en fait un choix spirituellement très dangereux.
Mais le divorce peut
Il existe parfois un bonheur par-
parfois être le bon choix.
delà le divorce, mais pas de
Matthieu rapporte le cas
croissance spirituelle.
d’exception en situation
d’infidélité (Matthieu 19 : 9). Paul mentionne clairement une exception
lorsque le conjoint incroyant souhaite partir (1 Corinthiens 7 : 15).
Quiconque a été marié depuis un certain temps sait que le mariage peut
être très difficile. Même entre chrétiens, des tensions peuvent naître et
occasionner des blessures profondes. La réconciliation requiert alors une
énergie supérieure à celle que chaque partenaire estime pouvoir fournir,
même s’ils avaient trois vies pour le faire. Dieu peut procurer cette énergie, et
il le fait. Les gens ne sont parfois pas prêts à la recevoir.
Avant qu’un divorce ne soit définitivement prononcé, j’encourage
habituellement les partenaires à s’accrocher, à dépasser leur douleur et à
s’efforcer de grandir à travers elle. Il existe parfois un bonheur par-delà le
divorce, mais pas de croissance spirituelle. Et le caractère d’une personne a
bien plus d’importance que son bonheur. Avec le ciel comme espérance pour
l’avenir, notre croissance spirituelle comme réalité pour le présent, et souvent
des enfants à nos côtés qui méritent notre sacrifice, sauver son mariage est un
idéal pour lequel il vaut la peine de se battre.
Mais cela ne signifie
Quand nous souffrons du péché
pas pour autant que nous
commis par autrui, nous
devrions traiter ceux dont le
pouvons, par la grâce de Dieu,
mariage s’est effondré
sortir grandis de cette
comme des chrétiens de
expérience.
seconde zone. Jésus a
enseigné des absolus et de grands idéaux, mais il aimait profondément les
gens, il les acceptait et leur faisait grâce.
De plus, le divorce est parfois imposé par un seul des partenaires,
comme dans le cas de Leslie. De nombreux chrétiens l’avaient encouragée à
abandonner, à cesser de se battre avant que son divorce ne soit prononcé. Si
Leslie ne s’était préoccupée que de sa santé émotionnelle et de son bonheur,
elle aurait peut-être rapidement suivi leurs conseils. Mais à ce jour, même
après avoir parcouru le chemin si pénible du divorce, Leslie s’est rapprochée
de Dieu. Elle respecte et chérit l’histoire sacrée jadis bâtie avec son ex-mari.
Ce n’est pas une belle histoire, mais une histoire riche en profits spirituels. Et
c’est là toute la beauté de vivre sa vie selon Dieu. Même quand nous
souffrons du péché commis par autrui, nous pouvons, par la grâce de Dieu,
sortir grandis de cette expérience.

Leslie, une histoire brisée


« Leslie, je te quitte. »
Leslie vit soudain sa vie défiler devant ses yeux. Elle n’avait jamais
imaginé entendre un jour ces paroles. Enfant, elle rêvait de robe de mariée, de
couple heureux, de maison pleine d’enfants. Ses rêves ne l’avaient pas
préparée à la douche froide de ces mots, de la bouche de l’homme en qui elle
avait placé sa confiance, à qui elle avait donné son corps et confié ses secrets
les plus intimes. Et voilà qu’il lui annonçait ne plus pouvoir la supporter.
À cette époque, Leslie et Tim étaient tous deux des chrétiens engagés.
Même s’ils avaient vécu ensemble avant le mariage, ils s’étaient réengagés
vis-à-vis de Dieu et grandissaient dans leur foi. Ils participaient aux études
bibliques et priaient régulièrement ensemble. Durant les premières années de
leur mariage, les gens leur disaient souvent : « Quel beau couple vous
faites ! », et Leslie et Tim leur répondaient humblement : « C’est grâce à
Dieu, pas à nous ».
Les premières fissures apparurent après six années de mariage, lorsque
Tim lui avoua une aventure d’un soir. Il confessa à Leslie à quel point il était
désolé et lui dit qu’il était prêt à voir un conseiller conjugal. Après bien des
pleurs, ils parvinrent finalement à tourner la page de cette aventure
amoureuse.
Leslie fit de gros efforts pour accorder à nouveau sa confiance à Tim, et,
avec le temps, les choses s’arrangèrent. Cinq ans plus tard, Tim suivait une
formation de responsable dans son église alors que Leslie travaillait à plein-
temps à la tête d’une organisation chrétienne. Ils souffraient tous deux de ne
pas pouvoir avoir d’enfants mais leur angoisse avait laissé place au désir
d’adopter. En fait, ils étaient sur le point d’obtenir l’agrément en vue d’une
adoption. Leslie espérait pouvoir bientôt être mère.
C’est alors que Leslie sentit Tim s’éloigner. Ses craintes semblèrent
d’abord être sans fondement, puis les preuves s’accumulèrent. La distance
qui les séparait s’accrut lors d’un voyage qu’ils firent ensemble. Leslie s’était
sentie bafouée et humiliée quand Tim l’avait laissée seule pendant de longues
heures, puis l’avait traitée avec rudesse à son retour. Elle devint
« hystérique », une chose dont elle a encore honte aujourd’hui. Tim s’éloigna
encore davantage.
De retour chez eux, Leslie se confia à une amie :
— Si je ne connaissais pas mieux Tim, je dirais qu’il s’apprête à me
quitter.
— C’est ridicule, la rassura son amie.
Tim était en voyage d’affaire depuis trois semaines et devait rentrer le
samedi après-midi. Leslie était impatiente de le voir rentrer, surtout qu’ils
avaient un dernier rendez-vous le lundi matin pour finaliser les démarches
concernant l’agrément pour l’adoption.
Tim ne rentra pourtant pas à la maison ce samedi après-midi-là ni le soir.
Leslie débarrassa la table et alla se coucher, pensant que Tim rentrerait
pendant la nuit. À son réveil, dimanche matin, il n’était toujours pas revenu.
Elle se rendit à l’église, persuadée de trouver la voiture de Tim dans le garage
à son retour. Le garage resta vide.
Son cœur commençait à fondre quand, dans la soirée, elle entendit du
bruit dans le garage. Ouvrant la porte, elle y découvrit Tim, occupé à charger
ses clubs de golf dans le coffre de sa voiture.
— Que se passe-t-il, Tim ? lui demanda-t-elle.
Il avait été absent pendant trois semaines et n’allait assurément pas jouer
au golf le lendemain de son retour. C’est alors que les mots sortirent. Quatre
mots capables d’anéantir son âme, de désintégrer son univers :
— Je te quitte, Leslie.
— Quoi ?
— Je te quitte.
Leslie faillit tomber à la renverse...
— Tu ne peux pas me quitter comme ça, se lamenta-t-elle.
— Si. Je ne t’aime plus. Et cela fait bien longtemps que je ne t’aime
plus.
Leslie se sentit devenir hystérique, et la panique l’envahit. « Je me suis
efforcée de rester calme, se souvient-elle, parce que je savais que piquer une
crise à ce moment-là ne le ferait pas rester. Et je ne voulais pas non plus que
ce soit l’image qu’il garde de moi ».
Leslie posa alors son regard sur la main de Tim, et sentit son cœur
s’arrêter. Il ne portait plus son alliance.
— Tu ne portes pas ton alliance. Est-ce que cela veut dire que tu prévois
déjà de sortir avec quelqu’un ?
— C’est juste.
Vlan ! Sa réponse, immédiate, calme, presque désinvolte lui coupa le
souffle.
— Tu sais déjà avec qui ?
Sa peur montait. Voulait-elle vraiment entendre ce qui allait suivre ?
— Oui, mais je ne te quitte pas pour quelqu’un en particulier. Toi et
moi, on n’est simplement pas faits l’un pour l’autre. J’ai vécu dans le
mensonge toutes ces années, et j’en ai assez.
— Tim, je t’en prie, tu ne veux pas rester cette nuit ? Juste cette nuit ?
— Je ne peux pas.
Leslie perdait pied. Les larmes montaient. Elle sut se retenir jusqu’au
départ de Tim, puis elle devint hystérique. Les sanglots qui la secouaient
venaient du plus profond de son être. Elle essaya de prier, mais la blessure
était trop profonde. Elle ne pouvait tout simplement pas prier seule. Alors,
elle se leva, tituba jusqu’au téléphone et appela quelques amies :
— Tim vient de me quitter, murmura-t-elle entre ses larmes, est-ce que
vous pouvez venir ?
Leslie et ses amies pleurèrent et prièrent, prièrent et pleurèrent, encore et
encore. Après des heures de combat spirituel, elle se sentit soulagée et
quelque peu apaisée.
— Veux-tu que je reste avec toi cette nuit ? lui demanda l’une de ses
amies.
— Non, ça ira.
Aujourd’hui, Leslie est heureuse de n’avoir pas réalisé à ce moment-là
ce qui l’attendait dans les jours qui suivraient.

Annoncer la nouvelle
En tant que responsable d’une organisation chrétienne, elle savait
qu’elle devait annoncer la nouvelle à son équipe. Ce qu’elle fit. Ses
coéquipiers lui offrirent aide et réconfort, mais elle découvrit, à sa surprise,
qu’elle avait beaucoup de mal à recevoir ce soutien.
« Le Seigneur a dû s’occuper de ma fierté. J’avais toujours été celle qui
donnait, et donnait encore. Mais Dieu voulait que je passe par une période de
faiblesse où je devais, à mon tour, recevoir. »
Leslie pria souvent durant la semaine qui suivit le départ de Tim. Elle
eut l’impression que Dieu la poussait à partager son histoire à l’église en leur
demandant de prier. Elle n’en avait pas envie. Elle devait se montrer forte
puisqu’elle était à la tête d’une organisation. « Seigneur, plaida-t-elle, ils vont
penser que je n’ai pas été une bonne épouse pour mon mari et que je ne suis
donc pas à même d’avoir un tel ministère ! Si je suis incapable d’empêcher
mon mari de s’en aller, comment puis-je diriger une telle œuvre ? »
Au cours du culte, ce dimanche-là, le pasteur demanda à l’assemblée de
partager des sujets de prière ou de reconnaissance. Leslie se leva avec
beaucoup d’hésitation. Chacun avait les yeux fixés sur elle. Elle s’éclaircit la
voix et commença : « Je veux que l’église sache que Tim m’a quittée la
semaine dernière... »
Un grand silence tomba sur l’assemblée, mais Leslie continua : « ...Tim
et moi avons vraiment besoin de vos prières afin que notre mariage puisse
être restauré ».
Leslie souffrait terriblement d’être en position de faiblesse, mais depuis
ce jour, « un vent nouveau » souffla sur son église : on commença à se
soucier des couples en difficulté. Elle en était reconnaissante, tout en
attendant que son propre mariage soit guéri.

Faux espoirs
Au cours des premiers mois qui suivirent la séparation, Leslie s’appuya
avec confiance sur l’espoir du retour de Tim. Pleine d’optimisme, elle pensait
avoir compris que dès qu’elle serait en mesure d’appréhender les raisons du
départ de Tim et ses propres erreurs, elle pourrait tout « réparer », et son
mariage serait à nouveau ce qu’il avait été. Mais ce n’était pas le cas, et ce ne
le serait jamais. Tim avait quelqu’un d’autre dans sa vie et semblait très peu
intéressé par l’idée d’une réconciliation.
L’amertume devint une tentation constante, mais Leslie refusait de lui
ouvrir son cœur. Dieu avait commencé à lui montrer certains de ses propres
manquements, comme cette tendance qu’elle avait à toujours se justifier, ou
son perfectionnisme qui l’avait enchaînée depuis des d’années. Elle se
souvenait comment, avant le départ de Tim, elle s’était un jour offusquée
lorsque le pasteur l’avait pointée du doigt en lui parlant de son péché : « Où
voyez-vous du péché dans ma vie ? Montrez-le-moi, afin que je m’en
débarrasse ! »
« Je me suis rendu compte que ma vie chrétienne était dépourvue de
grâce et de miséricorde », admit Leslie. Les mois devinrent des années...
Jusqu’au jour où Tim lui annonça qu’il allait se remarier.

Souffrances partagées
Plus la date du remariage de Tim approchait, plus elle sentait la
dépression et la peur s’emparer d’elle. Dans ces moments-là, et elle ne
pouvait le décrire autrement : « Le Seigneur prenait mon visage entre ses
mains et me disait : “Regarde-moi, Leslie. Garde tes yeux fixés sur moi” ».
Avec le temps, elle ne pouvait plus nier l’évidence : la rupture serait
définitive. Leslie vécut alors une nouvelle période de pleurs. Elle s’en voulait,
considérant que Tim ne serait peut-être pas parti si elle avait agi
différemment. Elle eut l’impression que Dieu lui répondit : « C’est faux. Moi,
j’ai toujours aimé Tim à la perfection, et il m’a quitté moi aussi ». À ces
mots, Leslie fondit en larmes, et commença à se sentir plus proche du
Seigneur. En quelque sorte, elle partageait sa souffrance. Ils traversaient
ensemble ces moments difficiles.
Des amis chrétiens pleins de bonnes intentions demandèrent un jour à
Leslie si elle avait quelqu’un d’autre dans sa vie. Elle fit de son mieux pour
dissimuler à quel point elle était choquée, et leur répondit aimablement. Elle
portait toujours son alliance. Même si certains chrétiens estimaient qu’il était
temps qu’elle « laisse tomber », cet anneau représentait l’alliance qu’elle
avait passée avec Tim, mais aussi avec Dieu. Tim avait quitté le cadre de
cette alliance, mais Dieu était encore là. Des trois parties concernées, il en
restait deux.
« Cette bague n’est désormais plus le symbole de mon amour pour Tim.
Cet amour est mort à présent. Mais cette alliance représente l’engagement
que j’ai pris devant le Seigneur, le Dieu devant qui j’ai promis “Jusqu’à ce
que la mort nous sépare” ».
Leslie a gardé son alliance au doigt et a prié pour la réconciliation
jusqu’au jour où Tim s’est remarié, en 1998. En demeurant fidèle dans un
climat d’infidélité, elle a découvert la présence de Dieu sous un jour nouveau.
« J’ai été touchée par l’infidélité d’Israël face à la fidélité de Dieu, et par
la fidélité d’Osée face à l’infidélité de son épouse Gomer. Toute cette
expérience m’a aidée à mieux connaître Dieu. Je comprends davantage
l’amour extraordinaire et inconditionnel de son alliance. Plus je demandais à
Dieu le droit d’ôter mon alliance et de refaire ma vie avec quelqu’un d’autre,
plus il me parlait des promesses de son alliance ».
Ce message est au cœur
En demeurant fidèle dans un
de ce livre. Même quand la
climat d’infidélité, elle a
trahison, l’infidélité ou un
découvert la présence de Dieu
divorce non désiré
sous un jour nouveau.
croiseraient notre chemin,
nous pouvons en sortir grandis spirituellement. Leslie est restée fidèle à ses
valeurs et a respecté le caractère sacré de son histoire avec Tim, même quand
ce dernier n’y attachait plus aucune importance. Elle a ainsi appris certaines
leçons spirituelles de grande valeur, et, ce faisant, s’est rapprochée de son
Dieu.
Leslie s’était comportée en pionnière. La plupart de ses amis chrétiens
étaient incapables de comprendre pourquoi elle « ne le laissait pas tomber »,
tout simplement. Ils pouvaient comprendre que quelqu’un accepte de recevoir
un enfant rebelle qui rentre à la maison, comme dans l’histoire du fils
prodigue. Mais quand il s’agissait d’un mari ou d’une femme, de nombreux
chrétiens ne pouvaient pas l’envisager de la même manière.
Désormais, Leslie voit
« Dieu peut encore restaurer
Dieu totalement différent.
mon mariage, mais même s’il ne
Le divin mari le fait pas, il reste Dieu. »

Aujourd’hui, Leslie affirme : « Dieu est le mari parfait. Il comble mes


attentes avant même que je n’en sois consciente. Et je ne parle pas seulement
des grands besoins de la vie. Dieu répond à mes plus petits besoins
personnels dans les domaines les plus intimes de ma vie ».
Quelques mois avant le remariage de Tim, Leslie fut invitée à parler
dans une église joliment décorée de lys. Depuis le divorce, elle vivait avec
des revenus très limités. Elle avait la conviction que Dieu voulait qu’elle
pardonne à Tim, sans se battre pour « le faire payer ». Son budget était par
conséquent extrêmement serré. S’acheter des fleurs aurait été une « dépense
futile ». Elle se surprit pourtant à prier : « Ces lys sont si beaux, Seigneur.
J’aimerais tant en avoir un ». Ce fut une prière silencieuse, personne
n’entendit sa requête.
Deux semaines plus tard, en arrivant à son lieu de travail, elle découvrit
un lys sur son bureau. Elle s’arrêta, admirative, puis fondit en larmes. C’était
le jour avant Pâques. Même si cette fleur lui avait été offerte par une amie,
Leslie le reçut comme venant de Dieu lui-même. Il avait entendu sa prière et
offrait à présent une fleur à « sa femme », pour Pâques.
« La perte de mon mari terrestre m’a rapprochée de mon mari céleste,
affirme Leslie avec force. Il est mon Mari, celui qui pourvoit à mes besoins,
celui qui me soutient ». La relation que Leslie entretenait précédemment avec
Dieu était fondée sur ses « performances », ce qu’elle pouvait faire pour
Dieu. Cette période de douleur et de souffrance lui a appris à recevoir ce qui
vient de Dieu.
Moins de deux semaines avant le remariage de Tim, Leslie me dit :
— Dieu peut encore restaurer mon mariage, mais même s’il ne le fait
pas, il est toujours Dieu...
Elle s’arrêta, mélancolique, les yeux remplis de larmes :
— ... Cette période a été tellement riche spirituellement, Gary, que je ne
l’échangerais contre rien au monde.
— Réfléchis une seconde, Leslie. Tu es vraiment sérieuse ? lui
demandai-je.
— Oui, absolument. Ces moments ont été si riches, ma vie en a été
transformée ! Évidemment, je ne dis pas que je suis heureuse que mon
mariage ait échoué, mais je suis heureuse des fruits qui ont découlé de cet
échec.
Leslie était entrée dans
En restant fidèle à un mari
une nouvelle réalité. Elle
infidèle, Leslie a illustré par sa
avait découvert que peu
vie la réalité de la fidélité de
importe la souffrance
Dieu envers un peuple infidèle.
occasionnée par nos proches,
même si nous expérimentons la trahison de la manière la plus intime qui soit,
Dieu peut utiliser ces situations pour nous attirer plus près de lui. Dieu peut
ensuite attirer d’autres à lui.
Leslie reçut une bénédiction toute particulière deux ans après le départ
de Tim. Son père l’appela au téléphone : « Je sais par quoi tu es passée, et j’ai
vu comment tu as réagi. Je veux ce que tu as ».
Ce fut une conversation particulièrement émouvante pour elle, car,
comme Tim, son père avait été infidèle à sa femme, la mère de Leslie. Il avait
quitté la maison, laissant Leslie grandir dans un foyer brisé. Mais la douleur
de son cœur s’effaça peu à peu alors que Leslie conduisait son père, pas à pas
sur le chemin du salut. À soixante-deux ans, il s’agenouillait et priait pour
recevoir Jésus-Christ comme son Seigneur et Sauveur.
En restant fidèle à un mari infidèle, Leslie a illustré par sa vie la réalité
de la fidélité de Dieu envers un peuple infidèle. Le père de Leslie avait
souvent entendu le message de l’Évangile, mais il avait eu besoin de voir ce
message en action dans la vie de sa fille pour le recevoir pour lui-même.
Aujourd’hui, Leslie peut même en sourire :
— Comment ne pourrais-je pas remercier Dieu ? me dit-elle.
Sincèrement, je suis plus que prête à dire à Dieu : « Tu peux reprendre mon
mariage si c’est nécessaire au salut de ma famille ». Je sais que Tim connaît
Dieu, il est sauvé. Si le fait qu’il m’ait quittée conduit d’autres personnes à
connaître Dieu, je suis prête à le supporter.
Une dernière remarque avant de clore l’histoire de Leslie : récemment,
un homme que sa femme venait de quitter, a appelé Leslie. Il avait besoin
d’aide. L’amertume et la colère montaient en lui. Elle lui indiqua une autre
direction : « Cette période de votre vie peut vous être extrêmement bénéfique
spirituellement, si vous laissez Dieu l’utiliser pour vous briser, vous
remodeler et vous reconstruire. Nous sommes toujours préoccupés par les
erreurs de notre conjoint, mais Dieu s’intéresse tout d’abord à notre propre
cœur ».

Raconter l'histoire
Si nous sommes sérieux dans notre désir de grandir spirituellement au
travers de notre mariage, nous devons cesser de nous poser cette question
spirituellement dangereuse : « Me suis-je marié avec la “bonne” personne ? »
Il n’y a rien à gagner spirituellement à ressasser cette question une fois les
vœux du mariage échangés.
Il est de loin préférable d’apprendre à vivre avec ce choix, plutôt que de
s’interroger sur son bien-fondé. Un personnage du roman d’Anne Tyler, A
Patchwork Planet, prend conscience de cette vérité trop tard. Dans ce livre, le
narrateur, âgé de trente ans, est divorcé. Sa profession le met constamment en
relation avec des personnes âgées. En observant ces couples durables, il tire
la leçon suivante :
Je commençais à suspecter que le fait qu'ils se soient ou
non mariés à la bonne personne n'avait aucune espèce
d'importance. Au bout du compte, vous êtes ensemble,
voilà tout. Vous vous êtes engagés avec votre conjoint et
avez vécu un demi-siècle à ses côtés, vous le connaissez
aussi bien sinon mieux que vous-mêmes, et il est devenu
« la bonne personne ». Ou devrions-nous dire plutôt, la
seule personne. Si seulement quelqu'un me l'avait dit, je
me serais accroché, je le jure ! Jamais je n'aurais poussé
Nathalie à me quitter5.
La moitié du combat consiste à garder l’ensemble de notre « histoire »
bien présente dans notre esprit.
À la fin des années cinquante, Ruth Graham a publié un livre pour
enfants : Notre histoire de Noël. Son mari, Billy Graham, avait écrit dans la
préface :
Lorsqu'on proposa à Ruth d'écrire l'histoire de Noël pour
les enfants du monde entier, nous avons été ravis. Mais
nous avons dû prévenir l'éditeur que « notre » récit de Noël
serait différent des clichés habituels autour de la crèche,
symbole de Noël pour la plupart des gens. L'épisode de la
crèche a bien entendu son importance chez nous, en tant
qu'aboutissement joyeux et tant aimé du récit de Noël.
Mais il ne s'agit que d'un épisode de l'histoire. Car Noël ne
commence ni dans une étable de Bethléem ni au début de
l'Évangile selon Luc. Noël commence dans le livre de la
Genèse.
C’est tout à fait exact : le jour de Noël n’est que le couronnement d’une
longue histoire ayant débuté des siècles plus tôt. C’est un récit fascinant, un
récit que Dieu suit avec toute la passion d’un mari, la douleur d’un ami trahi,
la frustration d’un parent plein de sagesse, et le regard d’un Seigneur et d’un
Roi offensé. Il ne serait pas juste d’évaluer cette histoire en ne considérant
qu’une seule de ses parties. C’est en considérant le récit de la relation de Dieu
à son peuple Israël, sa fiancée, son épouse, à travers les siècles, que nous
appréhenderons la vraie histoire dans sa globalité.
L’un des exercices
Ne sous-estimez pas la force de
spirituels les plus importants
cette expérience : marcher main
de ma vie a été d’apprendre
dans la main avec le Dieu qui
à chérir l’histoire sacrée que
peut comprendre tous vos
je partage avec Lisa. À
combats relationnels.
travers les années, nous
avons bâti ensemble une histoire riche, pleine de sens, et chargée de passion.
Bien sûr, nous avons dû traverser quelques vallées difficiles avant d’arriver
où nous sommes aujourd’hui. Bien sûr, notre histoire à deux a parfois été
menacée. Mais les paysages que nous avons contemplés en chemin, et notre
destination finale, valent bien les difficultés rencontrées au cours du voyage.
L’auteur Jerry Jenkins nous encourage à célébrer l’histoire de notre
mariage. Il écrit :
Racontez l'histoire [de votre mariage]. Racontez-la à vos
enfants, à vos amis, à vos frères et sœurs, mais surtout
l'un à l'autre. Plus votre histoire est fermement enracinée
dans votre cerveau, plus elle s'érige en muraille protectrice
face aux innombrables forces qui tentent d'anéantir votre
mariage. Rendez votre histoire familière au point qu'elle
soit une partie intrinsèque de l'essence de votre être.
Faites-en une légende dont le récit se perpétuera de
génération en génération, au fur et à mesure que votre
arbre généalogique étendra ses branches, se riant des
statistiques, et en arborant fièrement toute une succession
de mariages caractérisés par leur stabilité, leur force et leur
longévité6.
Ne mettez pas fin à l’histoire que vous partagez avec le conjoint que
Dieu vous a appelé à aimer. Ne sous-estimez pas la force de cette
expérience : marcher main dans la main avec le Dieu qui peut comprendre
chacun de vos combats relationnels.
« Que le Seigneur conduise vos cœurs à l’amour de Dieu et à la
persévérance du Christ. »

* NDE : évêque et écrivain anglais. Ses deux œuvres, The Rule and exercises
of holy living (1650) et The Rules and exercises of holy dying (1651)
renferment des conseils de piété chrétienne concernant la morale, de la
naissance à la mort.
CHAPITRE 8
LE COMBAT SACRÉ
Permettre aux difficultés de nous rendre plus forts

Quand tu seras marié, tu comprendras bien des choses qui


t'échappent à présent, Samuel ; mais quant à savoir si cela
vaut la peine de passer par là pour en apprendre si peu,
c'est une question de goût, comme le disait un jour un
pauvre écolier en terminant d'apprendre l'alphabet.
— CHARLES DICKENS
L’un n'a jamais été marié, et vit un enfer;
L'autre l'est, et vit un drame.
— ROBERT BURTON, ECCLÉSIASTIQUE ANGLAIS
Ils rêvent pendant les fiançailles ; le mariage les réveille.
— ALEXANDER POPE
Le mariage, plus que toute autre relation, reflète
l'engagement de Dieu envers nous : il peut aussi bien nous
laisser entrevoir le paradis que nous donner un aperçu de
ce à quoi ressemble l'enfer.
— DAN ALLENDER ET TREMPER LONGMAN III

La beauté majestueuse de l’Everest, le point culminant du globe,


dépasse de loin celle de la plupart des autres sites naturels. À en croire les
géologues, la chaîne de l’Himalaya a commencé à se former lorsque le
continent indien a percuté l’Eurasie. « Percuté » est toutefois un bien grand
mot, puisque les deux continents ne se rapprochent l’un de l’autre qu’à la
vitesse d’environ dix centimètres par an. Lentement mais sûrement, l’Inde
poursuit sa progression vers l’intérieur, en comprimant et en soulevant
toujours plus le sud de l’Eurasie.
Sans cette collision entre les deux continents, il n’y aurait jamais eu de
chaîne himalayenne. Sans le puissant mouvement des plaques tectoniques, le
monde aurait beaucoup perdu en matière de beauté.
De la même manière,
Le combat nous rend plus forts,
les relations au sein du
mais seuls ceux qui affrontent
couple peuvent tirer profit
les difficultés au lieu de les fuir
des « collisions »
parviennent à ce résultat.
occasionnelles. La beauté
naît souvent du combat. Nous avons parfois l’impression que ces impacts,
puissants et souvent désagréables, finiront un jour par nous broyer. Mais en
réalité, ce processus peut nous rendre plus forts, et nous permettre de forger
notre caractère et d’affermir notre foi.
Ainsi que l’a dit le célèbre écrivain François Fénelon : « Plus nous
craignons de souffrir, plus nous avons besoin d’en passer par là ». La
souffrance fait partie intégrante de la vie chrétienne. En servant Dieu, Jésus-
Christ lui-même a souffert dans des proportions inégalées. Dietrich
Bonhoeffer a d’ailleurs dit que s’il n’y avait pas une part d’ascète en nous, il
nous serait bien difficile de suivre Dieu.
Et pourtant, la plupart de ceux qui mettent fin à l’histoire sacrée de leur
mariage le font précisément à cause des difficultés. Rares sont ceux qui se
séparent sous prétexte que tout va trop bien ! Cette tendance à fuir les
difficultés est souvent la manifestation d’une profonde carence spirituelle,
généralement due à notre immaturité chrétienne. Les grands auteurs de la foi
n’ont jamais cessé de nous mettre en garde : la vie est difficile, et il nous
appartient de permettre aux obstacles du chemin de forger notre caractère.
William Law, écrivain anglican du xviiie siècle, a posé la question en ces
termes : « À combien de saints l’adversité a-t-elle ouvert les portes du
paradis ? Et combien de pauvres pécheurs la prospérité a-t-elle conduit à
subir les tourments éternels ? » Jean Climacus, un écrivain du ve siècle,
auteur du principal ouvrage occidental sur la foi chrétienne de l’époque,
s’indignait de notre volonté d’exiger la facilité et de fuir les combats : « Je ne
fais aucun cas de toute forme de spiritualité qui ne recherche que le confort et
la douceur, et craint d’imiter le Christ ».
Jésus nous a annoncé que chacun d’entre nous sera « salé de feu »
(Marc 9 : 49). Le désir de bien-être, de confort et de vie tranquille n’est en
fait qu’un souhait inavoué de demeurer un chrétien « non salé » et immature.
Le combat nous rend plus forts ; il développe et affermit notre foi.
Mais seuls ceux qui affrontent les difficultés au lieu de les fuir
parviennent à ce résultat :
Notre Seigneur a souverainement décrété que notre
croissance dépend de notre capacité à traverser les
difficultés, non pas à les contourner. La Bible regorge
d'exemples de victoires remportées en passant au travers
d'épreuves telles que le désert, la mer Rouge, la fournaise
ardente et, enfin, la croix. Dieu ne protège pas les
chrétiens des problèmes : il les aide à avancer
victorieusement au travers de leurs problèmes1.
Si vous êtes confronté à de sérieuses difficultés au sein de votre couple,
mettez-vous à genoux et remerciez Dieu : il vous offre une opportunité sans
égale de croître spirituellement, d’apprendre l’obéissance et de forger votre
caractère chrétien.

Apprécier le combat
Lorsque je participais à des courses d’endurance, les victoires dont
j’étais le plus fier étaient celles au cours desquelles j’avais dû tout donner
pour pouvoir gagner. Les courses que je remportais facilement, bien que
moins pénibles, n’étaient finalement pas aussi gratifiantes. Je me souviens
d’une course contre une école d’un niveau inférieur au nôtre. Sans grand
effort, j’avais semé leur meilleur coureur dès le premier kilomètre. Puis,
j’avais ralenti pour laisser le second coureur de mon équipe me rattraper et
nous avons terminé tranquillement la course, côte à côte, à discuter de choses
et d’autres. Nous avions passé un bon moment ensemble, mais je ne pouvais
tirer aucune fierté de mes performances puisque je n’avais même pas dû
fournir d’efforts ce jour-là.
Une autre course
Combattre de manière efficace
rassembla les meilleurs
et profitable procure une joie
coureurs de six lycées. Ce
plus profonde qu’une vie
jour-là, il faisait beaucoup
exempte de difficultés.
plus chaud que d’habitude.
J’avais commencé cette course à très vive allure au point où je faillis
d’ailleurs me retrouver à l’hôpital. Au cours de ces cinq kilomètres, je dus me
faire violence une bonne douzaine de fois pour ne pas abandonner et laisser
un autre coureur prendre la tête de la course.
En m’écroulant sur la ligne d’arrivée, j’étais presque trop fatigué pour
me réjouir de ma victoire. Au cours de la nuit suivante, une forte fièvre
s’installa et me cloua au lit pendant trois jours. Pourtant, même malade,
j’étais rempli de fierté, car je savais que j’avais donné le meilleur de moi-
même. L’expérience n’avait pas été plaisante en soi, mais elle était
extrêmement riche de sens.
Combattre de manière efficace et profitable procure une joie plus
profonde qu’une vie exempte de difficultés. Dans bien des journaux, la vie
des stars est étalée dans leur opulence et leurs excès. En lisant certains de ces
articles, j’en ai la nausée. Vivre dans un confort absolu sans soucis ni
responsabilités est peut-être agréable une ou deux semaines par an. En faire
un mode de vie me semble choquant et peu attrayant.
En nous créant, Dieu a fait en sorte que nous soyons obligés de nous
battre pour rester en vie. Les difficultés de la vie nous gardent « salés ». Mais
pour être profitable, notre combat se doit d’avoir un but, et d’être productif.
En effet, nous ne pouvons pas parler d’exercice spirituel utile quand les
époux se contentent de se disputer et de s’écraser mutuellement. Le combat
n’a de sens que lorsque nous le plaçons dans le contexte chrétien du
développement du caractère et du sacrifice de soi.
Jésus a expliqué que le combat était inhérent à la vie chrétienne, et a
insisté sur le fait qu’il serait une réalité quotidienne dans notre vie de foi :
« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se
charge chaque jour de sa croix et qu’il me suive » (Luc 9 : 23 – Italique
ajouté). De nombreux chrétiens occidentaux trouvent ce verset bien
mélodramatique. En fait, quand je me penche honnêtement sur ma vie, je dois
admettre qu’à beaucoup d’égards, elle est exceptionnellement facile. Je ne
suis ni ridiculisé ni persécuté à cause de ma foi. Bien plus, je suis même
capable de subvenir aux besoins de ma famille grâce à mon travail d’écrivain
et d’orateur chrétien.
Cette situation est toutefois relativement récente dans notre histoire. Les
chrétiens des générations qui nous ont précédés ne connaissaient pas cette
facilité de vie. Les progrès de la médecine ont révolutionné la prise en charge
de la souffrance. Des machines s’occupent de laver nos vêtements et notre
vaisselle. Nos véhicules nous transportent toujours plus vite d’un endroit à
l’autre, et rien ne nous empêche de déjeuner à Paris puis de dîner à Londres.
Mais en fait, la vie est
Jésus a insisté : le combat sera
si facile pour nous
une réalité quotidienne.
aujourd’hui que nous
risquons de nous endormir, convaincus qu’elle doit être facile, et qu’elle sera
toujours facile. Ainsi, à la moindre difficulté, nous tentons de toutes nos
forces de retrouver notre confort habituel, et risquons donc de passer à côté
de grandes opportunités spirituelles.
En nous documentant sur les nombreuses tentatives d’ascension de
l’Everest, Lisa et moi avons découvert que les alpinistes font souvent le point
avant de s’attaquer à un passage particulièrement difficile. Ils l’analysent et
discutent du meilleur moyen de le franchir. Une grande partie du plaisir retiré
de ce sport vient des difficultés rencontrées et des efforts déployés pour les
surmonter. Si l’escalade était facile, elle perdrait beaucoup de son attrait.
Il en est de même avec nos relations. Au lieu de vouloir immédiatement
trouver un hélicoptère qui nous emmènera directement au sommet, nous
pouvons adopter la tactique de l’alpiniste et réfléchir : « Voilà assurément un
passage de ma vie qui se révèle être bien compliqué. C’est un vrai défi pour
moi. Comment vais-je réussir à continuer à aimer cette personne dans cette
situation ? »
Thomas Kempis a remarqué que :
Plus la chair est marquée par l'affliction, plus l'esprit est
fortifié par la grâce intérieure. Parfois, il trouve une telle
consolation dans le souhait de vivre tribulations et
adversité, afin de pouvoir s'identifier à la croix du Christ,
qu'il ne désire plus être exempt d'épreuves ou de
tribulations.
Posez-vous la question : Est-ce que je préférerais vivre une vie facile et
confortable mais demeurer immature en Christ, ou plutôt être « salé » par la
souffrance pour devenir conforme à son image ?
Il n’y a aucune raison de penser que le serment de fidélité conjugale sera
« facile » à respecter. Otto Piper fait d’ailleurs remarquer que « le contrat de
mariage inclut toujours une part de méfiance2 ». Nous promettons
publiquement de nous aimer « jusqu’à ce que la mort nous sépare », parce
chacun sait que, dans notre société, une telle promesse risque fort d’être mise
à l’épreuve. Sinon, faire une telle promesse serait totalement inutile. Par
contre, il est inutile de promettre publiquement que nous nous occuperons de
nous-mêmes en nous nourrissant et en nous habillant !
Dans le mariage, les « frictions » arrivent inévitablement. La promesse
de rester ensemble est faite pour ces moments en particulier. En prévision de
ce genre de combats, Dieu a prévu un remède qui nous permet d’honorer
notre engagement.
Par ces luttes, nous
Notre espérance en la vie
gagnons en noblesse de
éternelle doit nous aider à ne
caractère. Trop souvent,
pas exiger un soulagement à
nous nous engageons dans
court terme au dépend de
l’éducation de nos enfants en
bénéfices à long terme.
pensant que nous n’avons
nous-mêmes plus rien à apprendre et que notre caractère est parfaitement
abouti. Ce n’est pas le cas. Il reste encore bien des domaines dans lesquels
nous pouvons progresser : la générosité, le sens du sacrifice, le renoncement
à soi, etc.

Douce souffrance
Le chrétien mature reconnaît et apprécie le bien-fondé de la souffrance,
sans sombrer dans le masochisme pour autant. Thérèse d’Avila a écrit :
« Seigneur, à quel point tu affliges ceux qui t’aiment ! Mais tout cela n’est
rien en comparaison de ce que tu leur offres par la suite ». Jean Climacus
avait fait l’expérience de cette même réalité lorsqu’il écrivit, des siècles avant
Thérèse :
Si des individus se soumettent résolument pour porter leur
croix et s'ils souhaitent délibérément connaître et endurer
toutes sortes d'épreuves pour Dieu, ils découvriront en tout
cela un apaisement et une douceur incomparables.
Cet enseignement reflète simplement les paroles de Paul en 2
Corinthiens 4 : 17 : « Car un moment de légère affliction produit pour nous
au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire ».
Notre espérance en la vie éternelle doit nous aider à ne pas tomber dans
la myopie en exigeant un soulagement à court terme qui compromettrait des
bénéfices à long terme. Nos exigences en matière de confort et de facilité
reflètent nos vraies valeurs. Elles sont les preuves de notre attachement
premier : vivre pour le Royaume de Dieu et à son service, ou vivre pour notre
propre confort et au service de notre réputation.
Un boxeur qui choisirait de n’affronter que des mauviettes et éviterait
tout concurrent sérieux serait à juste titre tourné en ridicule. Or, les chrétiens
qui esquivent prudemment tous les combats sérieux et s’efforcent
délibérément de ne se frotter qu’à des situations et des relations faciles font
exactement la même chose. Cette tendance à « se la couler douce » finit
généralement par les transformer intérieurement et par caractériser leur
personnalité.
Si vous êtes fiancés,
Un bon mariage, ça se travaille.
comprenez bien ceci : un
bon mariage n’est pas quelque chose que vous avez la chance de trouver par
hasard, c’est quelque chose à quoi vous travaillez. Vous allez devoir vous
battre. Vous allez devoir crucifier votre moi. Il est fait de confrontations, de
confessions et, par-dessus tout, de pardon.
C’est assurément un dur labeur. Mais un jour, vous en récolterez les
fruits. Un jour vous verrez fleurir une relation placée sous le signe de la
beauté, de la confiance et du soutien mutuel.
Il est encourageant de considérer nos luttes à la lumière de leurs
bénéfices spirituels plutôt qu’à la lumière de ce qu’elles nous coûtent
émotionnellement. Venir à bout de désaccords est ardu. Je préfère m’engager
dans mille autres choses plutôt que de consacrer du temps et les efforts
nécessaires à surmonter un obstacle relationnel. Si je me marie afin de
connaître une stabilité émotionnelle dans ma vie, je ne tiendrai probablement
pas le coup bien longtemps. Par contre, si j’estime pouvoir en retirer des
bénéfices spirituels, je ne manquerai pas de bonnes raisons de non seulement
être un homme marié, mais de me comporter en homme marié.
Otto Piper nous interpelle :
Si le mariage désillusionne tant de gens, c'est en raison de
la passivité de leur foi. Les gens n'aiment pas l'idée que les
bénédictions de Dieu ne puissent être trouvées et
appréciées que lorsqu'elles sont activement recherchées
(cf. Matthieu 7 : 7 ; Luc 11 : 9). Le mariage est, par
conséquent, à la fois un cadeau reçu et une tâche à
accomplir3.
Ne fuyez pas les conflits inhérents au mariage. Accueillez-les.
Grandissez grâce à eux. Mettez-les à profit pour vous rapprocher de Dieu.
Vous apprendrez ainsi à refléter davantage l’esprit de Jésus-Christ. Et
remerciez Dieu de vous avoir placé dans une situation qui vous permettra de
progresser spirituellement.
Penchons-nous sur l’histoire de deux personnes que de nombreuses
difficultés conjugales n’ont pas empêché de devenir remarquablement
influents.

Le grand émancipateur4
Beaucoup pourraient penser qu’Abraham Lincoln était un homme avec
des principes hors du commun rien que par sa façon d’envisager la recherche
d’un conjoint et sa manière d’aborder le mariage.
En effet, en 1836, Lincoln accepta de se marier avec une femme qu’il
n’avait plus vue depuis trois ans, décision risquée dans le meilleur des cas,
périlleuse dans le pire. Il eut largement le temps de regretter sa promesse.
Quand il rencontra enfin sa future fiancée, Lincoln crut que son cœur allait
s’arrêter : « Elle était bien différente de ce que j’avais imaginé », écrivit-il.
En effet : « Je savais qu’elle n’était pas maigre, admit-il, mais à présent,
elle aurait pu rivaliser avec Falstaff* ». En regardant son visage, il songea
avec effroi : Je ne pourrai jamais m’empêcher de la comparer à ma mère.
Son parallèle se basait sur deux motifs : « la bouche édentée » de la femme,
et l’évaluation approximative que Lincoln fit de son âge. Il estima que « pour
passer de la stature d’un enfant à cette envergure impressionnante, il avait
certainement fallu au minimum trente-cinq à quarante ans ».
Il en conclut qu’elle ne lui plaisait pas du tout.
C’est alors que Lincoln fit quelque chose qui choque notre sensibilité
actuelle. Puisqu’il avait donné sa parole, il était déterminé à épouser cette
femme. Il commença donc à lui faire la cour, et finit par mettre un genou à
terre pour lui demander sa main. La scène qui suivit fut très drôle, car la
femme rejeta sa demande. Lincoln crut tout d’abord qu’elle agissait par
politesse, et la pria de reconsidérer sa demande. Il réalisa finalement qu’elle
n’avait nullement l’intention de l’épouser. Lincoln conclut :
D'autres hommes avant moi ont été tournés en ridicule par
des femmes, mais personne ne pourra jamais dire cela de
moi. Il faut bien avouer que, dans ce cas précis, c'est moi
qui me suis ridiculisé moi-même.
On pourrait penser que Lincoln aurait choisi sa fiancée suivante avec
plus de soin. Il n’en fut rien : Mary Todd n’était pas le genre de femme avec
laquelle on pouvait espérer passer une soirée tranquille. Elle était
extrêmement impulsive et impétueuse. Cela contribuait pourtant à la rendre
attirante aux yeux du futur président. Lincoln disait d’elle qu’elle était « la
première créature féminine agressivement pétillante » qui ait croisé son
chemin.
Peu après le mariage, Mary se mit à critiquer leur maison. Elle dit à
Lincoln que, dans leur milieu, les « personnes de qualité » vivaient dans une
maison à deux étages. Lincoln essaya d’utiliser la ruse bien connue des
maris : donner son consentement, mais pas les fonds nécessaires. Au lieu
d’insister plus longuement, comme l’auraient fait tant d’autres femmes de sa
génération, Mary se contenta d’attendre que Lincoln parte en voyage
d’affaire pour plusieurs semaines. Elle profita alors de son absence pour
engager un charpentier qui ajouta un étage à leur maison.
Avec les années, Lincoln apprit la patience dans bien d’autres domaines.
Il lui était extrêmement difficile de garder son personnel de maison à cause
des brusques accès de colère de Mary. Lincoln tentait d’y remédier en offrant
aux servantes un supplément hebdomadaire d’un dollar. Après l’une de ces
altercations particulièrement vive entre Mary et une femme de chambre,
Lincoln tapota l’épaule de la jeune fille et lui chuchota : « Restez avec elle,
Maria. Restez avec elle ».
Un jour, un vendeur itinérant se présenta à la Maison-Blanche et se fit
agresser verbalement par Mary. Il entra alors directement dans le bureau
ovale (chose inconcevable de nos jours), et se plaignit auprès de Lincoln de la
manière dont la Première dame l’avait traité. Lincoln l’écouta calmement,
puis se leva et lui dit gentiment : « Vous pouvez bien supporter pendant
quinze minutes ce que je supporte tous les jours depuis quinze ans ».
Lincoln subit de nombreux outrages de la part de sa femme, de la
projection de café au visage en public aux dépenses totalement inconsidérées.
À cette époque, les présidents n’étaient pas autant à l’aise financièrement
qu’ils le sont aujourd’hui. Mary continuait néanmoins à faire des achats
bizarres et compulsifs, tels que plusieurs centaines de paires de gants en une
seule journée.
Quand les Lincoln perdirent Willie, le fils préféré de Mary, le chagrin
ouvrit une brèche dans la santé mentale déjà bien fragile de Madame Lincoln.
Il lui devint de plus en plus difficile de contrôler ses crises de nerfs. Lincoln
lui-même ne facilitait pas toujours les choses. Un jour, il conduisit son
épouse devant la fenêtre et lui désigna l’asile psychiatrique tout proche :
« Voyez-vous ce grand bâtiment blanc sur la colline, mère ? Efforcez-vous de
contrôler votre peine sinon vous deviendrez folle et nous serons obligés de
vous envoyer là-bas ».
C’est dans ce contexte douloureux que Lincoln fut invité à prononcer le
discours qui allait le faire entrer dans l’Histoire. Sa carrière politique était
alors dans une position aussi précaire que celle de son foyer. Plus la guerre
civile s’éternisait, plus sa popularité s’effondrait. Apprenant que le président
allait s’adresser à la foule à Gettysburg en Pennsylvanie afin de rendre
hommage aux soldats tombés au front, un politicien ironisa : « Laissez donc
les morts enterrer les morts ».
Peu avant le départ de Lincoln pour Gettysburg, son fils Tad tomba
malade, ce qui aggrava encore les crises de nerfs de Mary. Elle se remémorait
en effet la perte de son autre fils, décédé moins de deux ans plus tôt. Dans ce
contexte difficile, Lincoln put à peine griffonner quelques notes avant de
partir pour la Pennsylvanie.
Dans un contexte émotionnel si chargé, on peut facilement pardonner à
Lincoln de s’être exprimé ce jour-là sans beaucoup d’éloquence. Un reporter,
décrivant la voix de Lincoln au cours de ce discours, la qualifia de « cassante,
aiguë et monotone ». Les applaudissements furent rares et sans enthousiasme,
laissant croire à Lincoln qu’il avait lamentablement échoué. Il se pencha et
murmura à un ami : « C’est un échec total, et les gens sont déçus ».
Mais ses paroles étaient vraies, sincères, émouvantes et profondes.
Quand les journaux les reproduisirent sans le ton mélancolique bien
compréhensible que leur avait donné Lincoln, la nation s’émut comme jamais
auparavant. Le « discours de Gettysburg » est l’une des plus célèbres
allocutions jamais prononcées sur le sol américain, et ces paroles furent
finalement gravées dans la pierre, accompagnant Lincoln dans l’Histoire.
Même si cette phrase peut s’apparenter à un cliché, elle demeure vraie : « Il
brilla de tout son éclat au cœur de la plus sombre période de sa vie
personnelle ».
La relation entre le mariage et la mission de Lincoln est évidente. Un
homme capable de fuir un mariage trop difficile n’a pas assez de force de
caractère pour tenir les rênes d’une nation chancelante. Or, Lincoln était
obsédé par son désir de sauver l’union des États de son pays. Où aurait-il pu
mieux s’y préparer que sur le terrain difficile d’un mariage qui exigeait de lui
tant de ténacité ?
Loin de l’empêcher d’accéder à la grandeur, le mariage difficile de
Lincoln l’y avait en fait préparé. Son caractère ayant été quotidiennement
éprouvé et affiné, Lincoln fut capable de tenir bon au jour de l’épreuve. S’il
s’était laissé obnubiler par la recherche du bonheur, il n’aurait pas eu la force
de supporter Mary ou de rassembler la nation. Mais il avait entendu l’appel
du destin et, comme cela comptait plus pour lui que son confort personnel,
son obéissance à cet appel entra dans l’Histoire.
Le nom de Lincoln figure en tête de liste de tous les sondages de
popularité des présidents américains. D’après certains historiens, il se
pourrait bien que Lincoln ait été le plus remarquable président des États-Unis.
Par contre, d’autres historiens, en 1982, ont fait figurer Mary Todd Lincoln
en toute dernière position de la liste des Premières dames.
Cette histoire illustre bien le raisonnement mensonger du pasteur qui
déclare : « J’aurais vraiment mieux réussi dans la vie si je n’avais pas épousé
cette femme », ou de la femme qui se dit en elle-même : Imaginez ce que
j’aurais pu devenir si je ne m’étais pas mariée à un tel raté. L’un des plus
grands présidents américains était, sans aucun doute, marié à l’une des
Premières dames les plus difficiles à vivre.
C’est à juste titre qu’Abraham Lincoln a été surnommé le « grand
émancipateur ». Ce terme signifie « celui qui délivre de l’esclavage et de
l’oppression ». L’exemple de Lincoln nous délivrera peut-être de
l’oppression d’une recherche illusoire du bonheur. Il nous libérera peut-être
de cette idée fausse selon laquelle un mariage difficile nous empêche
d’avancer au lieu de nous préparer pour l’œuvre de notre vie. Il brisera peut-
être les chaînes qui nous rendent esclaves de cette idée selon laquelle la
recherche d’une vie libre de toute friction vaut plus que de construire une vie
pleine de sens et de caractère.

Le grand aviateur5
Imaginez que vous soyez une jeune femme de bonne éducation dans les
années 1920. Vous aimez les livres et caressez l’espoir de devenir poète ou
écrivain. Votre père est ambassadeur des États-Unis, et votre famille est riche
et respectée. Vous avez été élevée dans le raffinement, les bonnes manières et
le « savoir-vivre de la haute société ».
Et voilà qu’un homme extraordinaire franchit le seuil de la maison
familiale. Il est tout ce que vous avez appris à dédaigner : un aventurier plus
qu’un érudit, un homme qui se plonge dans les moteurs plus que dans les
classiques. Il est d’origine modeste, mais le vol transatlantique qu’il a
effectué entre New York et Paris l’a auréolé d’une gloire presque inégalée
dans l’histoire du pays.
C’est ainsi que débute le récit du mariage d’Anne Morrow Lindbergh.
Quelques années avant la Seconde Guerre mondiale, Charles Lindbergh
était brusquement devenu une célébrité suite à son vol réussi par-dessus
l’Atlantique. Sa gloire était pour ainsi dire sans égale. Il demeura pendant un
temps l’homme le plus célèbre et le plus populaire d’Amérique, voire du
monde entier. Imaginez qu’une rue de New York telle que Wall Street soit
fermée pour un défilé en votre honneur, et que ce défilé rassemble quelque
4,5 millions de personnes ! La célébrité de « Lindy » avait atteint des
sommets tels, que des femmes réservaient les chambres d’hôtel qu’il venait
de quitter, pour pouvoir prendre un bain dans « sa » baignoire et dormir dans
« son » lit. Lindbergh s’aperçut à ses dépens qu’il ne pouvait même plus
envoyer ses chemises au pressing car elles n’en revenaient jamais. Et
comment gérer correctement un compte en banque quand la plupart des gens
préfèrent garder vos chèques en souvenir plutôt que de les encaisser !
Quand Anne Morrow rencontra Charles Lindbergh, elle était bien
décidée à ne pas tomber sous le charme du célèbre aviateur. Une femme de sa
classe, de son éducation et aimant la littérature, n’allait certainement pas
laisser ce « héros du peuple » lui tourner la tête. Comme elle l’écrivit dans
son journal : « Je n’allais assurément pas me mettre admirer ce Lindy (quel
vilain surnom, d’ailleurs) ». Son professeur tournait Lindbergh en ridicule,
prétendant que Charles n’était « finalement rien de plus qu’un mécanicien »
et que, « sans ce long vol en solitaire, il serait devenu pompiste dans la
banlieue de Saint-Louis ».
En dépit de sa détermination initiale de rester indifférente au célèbre
aventurier, Anne découvrit, à sa grande consternation, qu’elle en était tombée
éperdument amoureuse. Étrangement, l’homme qui portait ce « vilain
surnom » était soudain devenu « vif, intelligent, passionné, et astucieux ». Le
journal d’Anne ressemblait désormais davantage à celui d’une adolescente
exaltée qu’à celui de la future poétesse : « Intensité de la vie, qui brûle
comme un feu étincelant dans son regard ! Une vie concentrée en lui... Quand
lui, à son tour, concentre sa vie, sa force, son énergie sur ce qu’il choisit,
quelque chose de merveilleux jaillit ».
La célébrité de Lindy l’empêchait généralement de courtiser une jeune
femme sans que les journalistes et les photographes ne se précipitent et se
mettent à spéculer sur d’éventuelles fiançailles. Lindy avait averti Anne :
« Ne t’inquiète pas de la publicité faite autour de moi. Je ne peux rien y
changer. Je dois l’assumer, mais je ne veux pas que cela t’embarrasse ».
Anne apprit à ruser. Quand elle écrivait à ses sœurs, Charles Lindbergh
devenait « Robert Boyd », nom de code qui la protégerait si ses lettres étaient
interceptées et divulguées à la presse.
Être un précurseur de l’aviation avait tout de même ses avantages, à une
époque où les paparazzis ne se déplaçaient pas encore en hélicoptère. Parfois,
Lindy emmenait Anne en avion jusqu’à un endroit désert de Long Island où
ils pouvaient parler librement et en privé. Plus Anne connaissait Charles, plus
ses sentiments étaient ambigus. D’un côté, Charles l’éblouissait, mais d’un
autre, elle se rendait compte à quel point ils étaient radicalement différents.
L’union de l’aventurier et de la poétesse semblait totalement dénuée de bon
sens. Dans une lettre adressée à sa sœur, Anne confia :
Comme tu peux le constater, je suis totalement
bouleversée, complètement subjuguée, tout à fait troublée.
Il est l'homme le plus grand et le plus passionnant que j'aie
jamais rencontré, mais nos deux existences n'ont vraiment
rien en commun.

« Ne me souhaite pas d'être heureuse »


Lorsqu’ils se fiancèrent, Anne savait déjà que la vie avec Lindy ne serait
pas de tout repos. Il ne fallait pas compter sur la coquette maison de
campagne et sur la vie relativement aisée, luxueuse et retirée dont Anne avait
rêvé. Dans une lettre à une amie, elle écrivit :
Corliss, si tu m'écris pour me faire des vœux de bonheur
conventionnels, je ne te le pardonnerai jamais. Ne me
souhaite pas d'être heureuse : je ne m'attends pas à l'être
mais, en réalité, cela va bien au-delà. Souhaite-moi d'avoir
du courage, de la force et de l'humour, car je sais que j'en
aurai besoin.
Le jour du mariage, la joie d’Anne fut quelque peu ternie par les
stratagèmes ridicules que Lindy et elle durent déployer pour échapper aux
regards du public. Pour s’esquiver à l’issue de la cérémonie, Anne fut obligée
de se coucher à l’arrière de la voiture d’un ami qui traversa la foule habituelle
de reporters rassemblés devant le portail du domicile de ses parents. Ils
changèrent ensuite de voiture pour se rendre à Long Island et embarquer à
bord d’un bateau qui les attendait.
Leurs efforts furent couronnés de succès : les jeunes mariés purent
profiter de deux jours inhabituellement paisibles avant d’être reconnus en
allant faire le plein. Ils furent alors poursuivis et traqués pendant le reste de
leur lune de miel.
La discrète jeune femme éprouvait des difficultés à s’habituer à sa
soudaine notoriété. Les foules jalousaient la « chance » qu’elle avait eue de
s’emparer du cœur du célibataire le plus célèbre du monde. Anne s’insurgeait
contre cette attitude puisqu’elle laissait supposer que Lindy, lui, n’était pas
chanceux de l’avoir épousé, elle. Des années plus tard, elle raconta :
Nous avions droit à si peu d'intimité, et nous devions
tellement nous battre pour avoir le droit d'être un peu seuls
que nous avons encore du mal à le croire aujourd'hui, et
même à nous en souvenir. À Mexico, des journalistes nous
attendaient aux portes de l'ambassade, leurs voitures et
leurs appareils photos prêts à nous prendre en chasse.
Dans la résidence secondaire de mes parents, des
photographes avaient escaladé les toits et les plateformes
environnants pour nous photographier dans notre jardin.
Déguisés, nous nous sommes faufilés par la porte de
derrière pour aller chez des amis et changer de voiture.
Puis, nous nous sommes enfuis vers les étendues
sauvages du Mexique, jadis considérées comme
dangereuses à cause des bandits. Nous sommes partis en
avion. Là, au moins, personne ne pouvait nous suivre. Dès
que nous réussissions à franchir la haie d'appareils photo
qui nous attendait à l'aéroport, nous pouvions décoller et
laisser les foules derrière nous, puis atterrir dans la nature
pour pique-niquer, enfin seuls.
Cette fuite constante devant les photographes et les journalistes avait un
coût, comme Anne elle-même le faisait remarquer :
L'isolement total n'est pas une vie plus normale que
l'exposition permanente au public. Tout comme des
criminels ou des amants obligés de se cacher, nous
évitions d'être vus ensemble à l'extérieur et devions
renoncer aux plaisirs de la vie quotidienne, tels que se
promener dans les rues, faire du shopping, du tourisme,
manger au restaurant ou participer à des manifestations
publiques. Même les moments en société à l'ambassade
ou chez mes parents n'étaient pas à l'abri des intrusions.
Les domestiques se laissaient soudoyer, des lettres étaient
volées et le contenu des télégrammes était révélé. Les
journalistes soutiraient des informations à des invités ou à
des amis sans méfiance, et imprimaient des anecdotes
déformées à propos de notre vie privée ou, quand ils
avaient épuisé leurs sources, inventaient tout bonnement
des histoires.
En dépit de son intelligence et de ses ambitions littéraires, Anne fut bien
vite obligée de restreindre ses activités dans ce domaine de sa vie. Charles
l’avait avertie : « Ne dis jamais rien que tu n’es pas prête à voir crier sur les
toits, et n’écris jamais rien que tu n’aimerais pas voir à la une des journaux ».
Anne se souvient :
J'étais convaincue qu'il fallait que nous nous protégions
des intrusions de notre vie privée. Mais quel sacrifice c'était
de ne jamais pouvoir parler ou écrire en toute sincérité,
surtout pour moi qui estimais qu'une expérience ne se
terminait vraiment qu'après avoir été couchée sur le papier
ou partagée oralement ! Et pour moi qui avais dit dans le
passé qu'il n'y avait rien de plus excitant au monde que de
communiquer... J'étouffais intérieurement. Pendant trois
ans, j'ai complètement arrêté de tenir mon journal intime et,
puisque les lettres n'étaient pas à l'abri des indiscrétions, je
me suis efforcée d'écrire avec circonspection, d'utiliser des
expressions ou des plaisanteries propres à notre famille.
Essayez d’imaginer à quoi pouvait ressembler une vie soumise à une
telle curiosité de la part du grand public. Même dans leurs moments les plus
intimes, les Lindbergh devaient rester sur leurs gardes :
Bien entendu, après notre mariage, je pus parler librement
à mon mari, mais uniquement dans l'intimité d'un avion,
d'un endroit désert ou d'une chambre. Et dans les
chambres d'hôtel, je m'assurais d'abord que les fenêtres et
l'accès donnant sur le couloir étaient fermés aux oreilles
indiscrètes.
La « vie de rêve » que tous les journaux décrivaient avec exubérance
avait aussi son côté sombre, Anne s’en plaignait :
Nous n'avions aucune vie privée, rien d'autre qu'une vie
publique. Nous n'avions pas de chez-nous. Nous vivions
dans des hôtels, des avions ou dans des chambres d'amis.
Nous voyagions constamment.

Libérée par la douleur


En 1932, la célébrité des Lindbergh prit un tour cruel et tragique lorsque
leur fils, Charles Junior, âgé de 18 mois, fut enlevé dans leur maison du New
Jersey. Une demande de rançon fut laissée en évidence sur le rebord de la
fenêtre. Les négociations durèrent six semaines, au terme desquelles une
rançon fut versée. mais l’enfant ne fut pas rendu. Le supplice de la famille se
termina tragiquement quatre semaines plus tard lorsque l’on découvrit le
corps du petit garçon, abandonné dans les bois, à quelques kilomètres de la
demeure des Lindbergh.
Étant moi-même père de trois enfants, je suis incapable d’imaginer pire
expérience que la perte d’un enfant. Le kidnapping, l’incertitude, l’attente et,
pour finir, la découverte du cadavre ont certainement eu un effet dévastateur.
Que la célébrité vous empêche d’écrire de la poésie ou de mener une vie
tranquille, soit, mais qu’elle vous prive définitivement de votre premier-né.
Comme le corps avait été jeté dans les bois, les animaux s’y étaient
attaqués, et il fallut du temps aux autorités avant de pouvoir formellement
identifier l’enfant. Mais, comble de l’horreur, des photographes sans scrupule
s’introduisirent à la morgue et prirent des photos du cadavre en partie
décomposé, puis les publièrent.
Cela ajouta encore à la terrible souffrance des parents. Et pourtant,
l’ironie de la chose fut que cette tragédie permit à Anne de se remettre à
écrire. Comme l’herbe repousse après un incendie de forêt ravageur, cette
tragédie fit renaître en elle ce que l’absurdité de la célébrité avait plongé dans
le sommeil. Anne écrivit :
Je commençais à apprendre que certaines valeurs étaient
plus importantes que la discrétion ou même l'intimité. En
découvrant cela dans les affres de la tragédie, je vis qu'il
me fallait retourner puiser à des sources plus profondes. Je
devais écrire avec honnêteté. La douleur a peut-être
contribué, d'une certaine manière, à ce que je sois libérée.
Réfléchissez à cette phrase : « La douleur a peut-être contribué à ce que
je sois libérée ».
De nos jours, il faut souvent à tout prix éviter la douleur. Il s’agit d’un
ennemi, d’un persécuteur, d’une émotion redoutable. Si notre mariage nous
fait souffrir, nous devons y mettre un terme. Qui désire vivre un mariage
malheureux ? Qui oserait nous conseiller de rester ensemble malgré tout ?
Quand nous souffrons, nous avons tendance à nous débattre
émotionnellement, tel le nageur sur le point de se noyer. Nous devrions, au
contraire, affronter la tempête avec calme... comme nous avons appris à
flotter plutôt qu’à paniquer dans l’eau. Qui d’entre nous, pourtant, aurait le
courage de choisir délibérément la souffrance ? Mais si nous apprenions à
trouver le calme au sein de la tempête, nous pourrions découvrir, comme
Anne l’a fait, que l’épreuve peut contribuer à nous libérer.
Anne ne s’apitoyait pas sur son sort, elle se contentait d’être honnête et
vulnérable :
Je ne me borne pas à réciter un dicton disant qu'il y a
beaucoup à apprendre de la souffrance. Je ne crois pas
que la souffrance pure et simple enseigne quoi que ce soit.
Si la souffrance seule suffisait à rendre sage, le monde
entier le serait, puisque chacun souffre. À la souffrance, il
faut ajouter le deuil, la compréhension, la patience,
l'amour, l'ouverture d'esprit et l'aptitude à demeurer
vulnérable.
Anne a raison, bien sûr. Un mariage difficile ne suffit pas pour faire
grandir. Nous devons aussi développer en nous la compréhension, l’amour et
la patience, et nous engager à continuer à rechercher ces qualités. Nous ne
pouvons pas contrôler comment notre conjoint agira ou comment le monde
qui nous entoure agira, mais nous pouvons contrôler comment nous agirons
et réagirons.
Voir les choses sous cet
Ce n’est pas à nous de choisir
angle nous rend acteur au
les douleurs ou les épreuves
sein de notre couple. Nous
que nous devrons porter, nous
ne dérivons plus en
devons seulement les endurer.
« victimes de la douleur »,
nous devenons les architectes d’un nouveau caractère. À nous de faire notre
choix entre cela et... lâcher les commandes et permettre à des flots toxiques
d’amertume de polluer notre âme.
Prêchez la vertu, et notre société actuelle vous traitera de ringard ! Mais
n’est-ce pas parce que peu d’entre nous comprenons ce qu’elle représente
vraiment ? À l’origine, la vertu est synonyme de « force ». Elle dérive de la
racine qui désigne également la virilité. La vertu est une force, le pouvoir de
faire ce qui est droit. Elle permet de faire le bon choix, de surmonter la
faiblesse liée au péché, aux mauvais choix, à la victimisation et à
l’apitoiement.
Des années plus tard, quand Anne repensa au kidnapping, elle remarqua
que deux enseignements la réconfortaient : l’un chrétien, l’autre bouddhiste.
Elle écrivit :
Il ne fait aucun doute que le long chemin de souffrance, de
réflexion, de guérison et de renaissance est illustré au
mieux dans ce que la religion chrétienne nous enseigne au
travers de la souffrance, de la mort et de la résurrection du
Christ.
L’autre histoire parle d’une mère, venue trouver Bouddha après avoir
perdu son enfant. Selon la légende, Bouddha lui répondit que tout ce dont elle
avait besoin pour guérir était une simple graine de moutarde provenant d’un
foyer qui n’avait jamais connu la souffrance. Vous devinez la suite de
l’histoire. La mère alla de maison en maison, sans jamais trouver de famille
exempte de douleur. Elle ne put jamais se procurer la graine de moutarde
qu’elle cherchait, mais elle reçut la compréhension, la vérité, la sagesse... et
une nouvelle perspective sur ses circonstances.
La même conclusion peut s’appliquer au mariage. Chaque mariage
comporte son lot de douleurs, d’épreuves, de tensions. Chaque oreiller a déjà
essuyé, un jour ou l’autre, son flot de larmes brûlantes, versées tard dans la
nuit, ou même durant une journée tout entière. Ce n’est pas à nous de choisir
les douleurs ou les épreuves que nous devrons porter, nous devons seulement
les endurer.

Une force libératrice


Malgré la grandeur de Charles Lindbergh qui était, par bien des côtés,
un homme vraiment charmant, certains as- pects de son caractère causaient
beaucoup de chagrin à Anne. Son stoïcisme était tel qu’il considérait les
larmes comme un signe de faiblesse. Si Anne devait pleurer, Charles insistait
pour qu’elle le fasse seule dans sa chambre ! Il ne fit qu’une exception, lors
de la découverte du corps de leur enfant.
Plus tard, la célébrité de Charles se transforma en déshonneur.
Lindbergh fit une demi-douzaine de voyages en Allemagne, et s’opposa avec
véhémence à l’entrée en guerre des Américains lors de la Seconde Guerre
mondiale. Bien vite, il reçut autant de railleries qu’il avait reçu de louanges :
« Rends-toi compte, écrivit sa belle-sœur, qu’en l’espace de quinze ans, il est
passé de Jésus à Judas ».
De plus, il était autoritaire et quelque peu excentrique. Ainsi que le
raconta l’une de ses filles à un biographe : « Il n’existait que deux manières
de faire les choses : la manière de papa et la mauvaise ». Quand Anne dit un
jour à Charles qu’elle voulait un nouveau fourneau, il insista pour qu’elle
attende jusqu’à ce qu’ils puissent ensemble discuter de cet achat « d’un point
de vue personnel, économique et militaire ». Un autre jour, alors qu’il
s’apprêtait à partir en voyage, Charles obligea Anne à annuler les rendez-
vous de leurs enfants chez le dentiste, craignant que la guerre éclate avec les
Russes (ce qui aurait pu conduire l’ennemi à empoisonner les réserves d’eau).
Ces quelques travers n’étaient rien en soi mais, ajoutés à la célébrité, au
drame et au fait qu’Anne et Charles étaient si différents l’un de l’autre, ils
furent à l’origine de très sérieuses tensions. En se laissant submerger par ces
difficultés, Anne aurait aisément pu céder à l’amertume, au repli sur soi et à
la dépression. D’autres femmes seraient devenues alcooliques, auraient
cherché un réconfort dans la nourriture, ou se seraient vengées sur leurs
enfants. Mais face à la souffrance, Anne choisit de travailler la vertu. Elle en
sortit considérablement grandie.
De sa situation conjugale difficile, Anne tira la force d’accomplir de
grandes choses. Elle fut d’ailleurs la première femme des États-Unis à
posséder une licence de pilote de planeur. Même si sa préférence allait aux
livres et à la conversation plutôt qu’à l’aventure, elle apprit tout de même à se
servir d’une radio et devint remarquablement compétente en Morse.
Anne et Charles embarquèrent pour un vol d’exploration de l’Atlantique
Nord tandis que Jon, leur second fils, était encore très jeune. Ils survolèrent
quatre continents pendant près de six mois. Le travail accompli par Anne
comme copilote et opératrice radio fut reconnu par la National geographic
society. En 1934, elle reçut la médaille d’or Hubbard de l’exploration, de la
recherche et de la découverte. Anne fut la première femme à recevoir cette
récompense.
Quand son quotidien devint un peu moins mouvementé, Anne put enfin
se consacrer à l’écriture. Au cours des années 1950 et 1960, elle écrivit de
nombreux livres, dont plusieurs devinrent des best-sellers. Eugene Peterson
mentionne son livre Gift from the Sea dans une liste d’ouvrages « édifiants
pour la vie spirituelle du chrétien », et nota : « C’est le récit émouvant d’une
femme d’intérieur, à la fois mère et épouse qui, à l’occasion d’un séjour au
bord de la mer, découvre dans la nature des métaphores sur le thème de la
présence de Dieu et des aspirations de l’âme dans le quotidien mouvementé
de sa vie de femme au foyer6 ».
Loin de l’emprisonner, ce mariage difficile permit à Anne de se libérer.
Elle raconte :
Le fait d'être mariée et d'avoir mon mari à mes côtés
développait ma confiance en moi. Forte de son soutien,
j'avais l'impression de me tenir plus droite.
Voilà ce que peut produire un mariage à la fois bon et difficile. Un
mariage n’élimine jamais nos difficultés ; en réalité, il en génère presque
toujours de nouvelles. Mais même un mariage difficile aux côtés d’un
homme difficile peut donner à une épouse la force nécessaire pour devenir la
femme que Dieu voulait qu’elle soit (et le même principe s’applique
forcément aux hommes mariés à une femme difficile).
Dans l’un de ses journaux intimes, Anne développait ce sujet :
Être éperdument amoureux est, bien entendu, une grande
force libératrice, et l'expérience la plus ordinaire qui libère,
ou sembler libérer, les jeunes gens. Le simple fait de
tomber amoureuse me parut incroyable et bouleversa mon
univers, mon regard sur la vie et sur moi-même. Cela me
donna de la confiance en moi, de la force, et presque une
nouvelle personnalité. L'homme avec lequel j'allais me
marier croyait en moi et en ce que je pouvais accomplir ;
par conséquent, je découvris que j'étais capable de bien
plus que ce que j'imaginais, même dans le mystérieux
monde extérieur [de l'aviation] qui me fascinait tant mais
me semblait hors de portée. Charles poussa la porte
menant à cette « vraie vie » qui m'attirait autant qu'elle
m'effrayait. Je devais la franchir.
Anne aurait-elle dit Oui à Lindy si quelqu’un l’avait avertie des
inconvénients et des risques liés à la célébrité, de ce qu’il coûterait à
l’intellectuelle de devenir la copilote d’un aventurier et des souffrances qui
seraient les siennes quand son enfant serait kidnappé ?
Peut-être. Nous ne le saurons jamais avec certitude, bien que la force de
caractère qui émane des écrits d’Anne laisse présager qu’elle y aurait
consenti. Dans un recueil de lettres et d’extraits de son journal intime, publié
sous le titre de Hour of gold, hour of lead [Heure en or, heure de plomb],
Anne raconte comment les « heures de plomb », ces moments pénibles et
difficiles, pouvaient être « transmutées » en « heures d’or » :
Dix ans plus tard, lorsque la tragédie était derrière nous,
enterrée et recouverte d'une nouvelle vie, j'ai rédigé un
poème qui décrivait cette transmutation, telle que je l'avais
vécue. C'était l'un de ces poèmes qui s'écrivent d'une traite
en puisant directement leurs mots au plus profond du
subconscient.
Voici son poème : Secondes semailles
Pour qui sera
Le lait resté dans le sein une fois l'enfant parti ?
Pour qui sera
L'amour enfermé dans le cœur qui demeure seul ?
Cette moisson dorée
Qui a déchiré le sol, pour déborder du champ en août,
Et a été moissonnée dans la douleur en septembre,
À présent stockée bien haut
dans les granges, accumulation stérile.
Faites sauter les verrous !
Ouvrez grand, répandez et versez le grain sur le sol aride
Dans chaque crevasse de chaque motte de terre !
Il n'y a pas de moisson pour le cœur solitaire ;
La semence de l'amour doit être
éternellement
re-semée.
Aussi longtemps que notre douleur, notre sagesse et les leçons de
l’existence sont « enfermées dans le cœur » ou « stockées bien haut dans les
granges », elles demeurent stériles et improductives. Pour grandir dans la
tourmente des difficultés, nous devons « ouvrir grand » les sacs de grain et de
semences, et les répandre partout où nous voyons un sol fertile. C’est le
thème chrétien classique de la mort et de la re-naissance, selon lequel « la
semence de l’amour doit être éternellement re-semée ». C’est l’essence même
d’un mariage profondément spirituel.

De simples ennuis
Ma situation conjugale est bien pire que celle des autres, pensent peut-
être certains d’entre vous. « Vous n’avez aucune idée des difficultés
auxquelles je suis confronté. » N’oublions jamais que la plupart du temps,
nous ne pouvons pas choisir nos épreuves.
Nous avons presque tous à supporter un problème physique ou un autre :
mal de dos, allergies, migraines, arthrose. En ce qui me concerne, je souffre
d’une sérieuse limitation de ma vision périphérique. En vieillissant, nous
souffrirons très certainement de la dégradation de notre corps, sans pour
autant pouvoir choisir quelle partie de celui-ci lâchera en premier.
Selon moi, il en va de même du mariage. Nous sommes tous confrontés
à certains aspects difficiles à accepter chez notre conjoint. J’ai connu des
hommes dont l’épouse était alcoolique, et des femmes mariées à de véritables
tyrans, qui ne leur témoignaient qu’un minimum de reconnaissance et de
respect.
Dans ces situations-là, nous oublions facilement ce que nous avons
appris de la vie de gens comme les Lincoln et les Lindbergh. La célébrité ne
m’a pas l’air d’être si difficile à vivre, je prendrais bien la place d’Anne,
pensent certains. « Si je pouvais être un jour président des États-Unis, je me
moquerais bien d’être marié à une femme querelleuse » diraient d’autres.
Beaucoup de couples
Une perspective d’éternité nous
vivent dans un anonymat
aide à tenir ferme dans
relatif, supportent en silence
l’épreuve et à continuer à
leurs épreuves personnelles,
prendre soin de notre mariage.
sont obligés d’assumer un
mariage difficile et une occupation professionnelle peu gratifiante. Ils
s’interrogent alors sérieusement sur le but de leur existence. Dans leur
contexte, les difficultés de la vie pèsent davantage encore et tendent à faire
oublier le côté formateur de la souffrance.
Nous avons déjà évoqué dans le chapitre précédent l’importance de
développer une perspective d’éternité. Celle-ci nous aide à tenir ferme dans
l’épreuve et à continuer à prendre soin de notre mariage. Souvenez-vous des
paroles de Paul :
Ceux qui, en pratiquant le bien avec persévérance,
cherchent l'approbation de Dieu, l'honneur et l'immortalité,
recevront de [Dieu] la vie éternelle. Mais, à ceux qui, par
ambition personnelle, repoussent la vérité et cèdent à
l'injustice, Dieu réserve sa colère et sa fureur.
— ROMAINS 2 : 7-8, SEMEUR
Sans perspective éternelle, les épreuves terrestres deviennent
insupportables. Sans une espérance en l’au-delà, sans prendre conscience de
la nécessité de progresser et de grandir spirituellement, nous ne visons aucun
objectif. Nous ne pouvons rien attendre avec impatience ici-bas sur la terre.
C’est un peu comme si nous passions toute notre vie à nous entraîner sans
jamais participer à un match. Notre vie peut vite devenir monotone,
ennuyeuse et fatigante.
La persévérance, la fidélité et l’obéissance nous permettront de
rechercher la gloire, l’honneur et l’immortalité devant Dieu. Jésus a dit que
les souffrances subies dans l’anonymat sont en fait les plus profitables :
sinon, les gens risquent de nous féliciter, ce qui serait alors notre seule
récompense (cf. Matthieu 6 : 16-18).
Privé de la réalité du ciel, le christianisme n’a pas beaucoup de sens. Les
grands auteurs classiques n’abandonnaient jamais cette espérance céleste ;
l’éternité sous-tendait chacune de leurs paroles. Paul lui-même a déclaré que
si nous n’avons d’espoir que dans cette vie, « nous sommes les plus
malheureux de tous les hommes » (1 Corinthiens 15 : 19).
Si nous prenons notre foi au sérieux en persévérant dans un contexte de
mariage difficile, désirant observer la puissance réconciliatrice de l’amour de
Dieu dans un monde de pêcheurs, notre mariage difficile deviendra notre
terrain d’entraînement pour nous préparer au ciel. La presse à succès ne
risque bien sûr pas de s’intéresser à ce genre de recherche, ou à notre
progression spirituelle. Par contre, le ciel observe, Dieu regarde. Un jour, la
promesse de Jésus se réalisera : « Les derniers seront les premiers »
(Matthieu 20 : 16).
Je suis triste de voir des
Sans une perspective éternelle,
chrétiens s’efforcer de
les épreuves terrestres
mener une vie droite sans
deviennent insupportables.
garder constamment
l’éternité en point de mire. Et pourtant, méditer sur la vie après la mort est un
des exercices spirituels les plus édifiants qui soit. Personnellement, cela me
fortifie comme peu d’autres disciplines. Je me dis en effet : « Je peux endurer
cette souffrance car elle ne durera pas éternellement ».
Les cyniques crieront que je suis tombé dans le piège de Marx, pour qui
la religion n’était rien d’autre que « l’opium du peuple ». En ce qui concerne
le christianisme, Marx se trompait lourdement : l’opium émousse les sens,
alors que le christianisme les éveille. Grâce à notre foi, Dieu est capable
d’insuffler un sens, une raison d’être et un sentiment de plénitude dans un
mariage boiteux ou même agonisant. Le christianisme ne nous plonge pas
dans une stupeur apathique : il nous ramène à la vie, nous, ainsi que toutes
nos relations. Il apporte de la saveur, de la force et du sens dans une existence
qui, sans cela, serait gaspillée.
Dieu n’a jamais promis de nous tenir à l’abri de toutes les épreuves dans
cette vie, bien au contraire ! Par contre, il promet de donner un sens à
chacune d’elles. Notre caractère se développe, notre foi grandit, et notre
récompense céleste augmente.
Même si j’ai un peu honte de l’admettre, une scène du film La Guerre
des étoiles me bouleverse : après avoir sauvé les forces rebelles, Luke
Skywalker, la princesse Leia et Han Solo reçoivent les honneurs. Ils
remontent l’allée centrale d’une grande salle devant une foule au garde-à-
vous. Ensuite, ils gravissent quelques marches et reçoivent publiquement les
hommages du chef des rebelles.
Cette scène me touche à
Dieu n’a jamais promis de nous
ce point parce que, pour
tenir à l’abri de toutes les
moi, elle symbolise une
épreuves dans cette vie, mais
vérité céleste à laquelle
de donner un sens à chacune.
j’aspire. Jésus n’a jamais
demandé de mettre de côté notre ambition. Il ne nous a jamais demandé de
nous débarrasser de toute idée de récompense. Jésus nous a demandé de nous
détourner des ambitions et des récompenses terrestres. Il nous interpelle :
« Mettez-vous à la dernière place sur terre, et vous serez à la première place
au ciel ! » Il ne s’agit pas de juste renoncer. Il s’agit de renoncer à quelque
chose pour obtenir autre chose. Notre soif de gloire, au plus profond de notre
cœur, est caractéristique de notre nature humaine. Jésus nous exhorte à
orienter cette soif vers le ciel et à y chercher aussi notre récompense.
Croire cela ne nous invite toutefois pas à « croiser les bras » dans
l’attente du ciel ! L’expérience m’a montré que l’obéissance à Dieu génère,
dès à présent, un réel épanouissement. Un profond sentiment de bien-être
spirituel nous remplit même au cœur de l’épreuve. Sans être aussi
« démonstratif » que des transports de joie exubérants, il s’apparente à une
disposition permanente de l’âme, indépendante des circonstances.
Un mariage difficile ne signe pas l’arrêt de mort d’une vie pleine de
sens. Il devient source de nombreux défis, mais également de magnifiques
opportunités de croissance spirituelle. Avez-vous déjà examiné votre mariage
sous cet angle ? Que suis-je en train d’apprendre ? De quelle manière cela me
fait-il progresser ? Qu’est-ce que cela m’apporte dans une perspective
d’éternité ? Cette réflexion allégera peut-être un peu votre fardeau. Plus
important encore, voyez si votre mariage vous rapproche de Dieu et vous
transforme à l’image de Jésus-Christ, ou s’il vous encourage seulement dans
la recherche d’un bonheur insouciant toujours plus insaisissable. Considérez
votre situation au travers de la longue-vue de l’éternité, ainsi que l’apôtre
Paul le faisait lui-même :
Or, si nous sommes Orientions notre soif de gloire
enfants, nous vers le ciel et cherchons-y aussi
sommes aussi notre récompense.
héritiers : héritiers
de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons
avec lui, afin d'être aussi glorifiés avec lui. J'estime qu'il n'y
a pas de commune mesure entre les souffrances du temps
présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous.
— ROMAINS 8 : 17-18

* NDT : Sir John Falstaff est un énorme personnage, caricatural et peu


glorieux, créé par Shakespeare.
CHAPITRE 9
TOMBER VERS L'AVANT
Le mariage nous apprend à pardonner

Le couple diffère de l’individu en ce qu’il doit agir en faveur


de sa propre sauvegarde d'une manière bien plus
délibérée que l'individu. Un individu peut parfois penser au
suicide, mais oublie rarement de s'alimenter, tandis que les
couples oublient fréquemment de nourrir leur relation.
— MARY ANNE MCPHERSON OLIVER
L'amour est un cœur qui bouge... Un amour qui bouge pour
s'éloigner du moi pour aller vers l'autre.
— DAN ALLENDER ET TREMPER LONGMAN III
Le simple fait d'être fidèle à votre conjoint est un
témoignage puissant dans notre société. Mais si vous allez
plus loin encore en exprimant votre amour à votre conjoint
avec constance, créativité et sans retenue, le monde sera
obligé de le remarquer. Et Dieu sera honoré.
— GARY ET BETSY RICUCCI
Quand une jeune fille se marie, elle échange les attentions
de tous les hommes qui l'entourent contre le manque
d'attention d'un seul.
— HELEN ROWLAND

Histoire vraie. Dans un avion, un homme d’affaires engage la


conversation avec le jeune homme qui vient de s’installer à côté de lui. Il lui
demande s’il voyage pour son travail ou pour le plaisir :
— Pour le plaisir, répond le jeune homme. C’est ma lune de miel.
— Votre lune de miel ? demande l’homme d’affaire, surpris. Mais où est
votre femme ?
— Oh, elle est quelques rangées plus loin. L’avion était complet, nous
n’avons pas réussi à avoir des places côte à côte.
L’appareil n’ayant pas encore commencé à bouger, l’homme d’affaire
propose alors la chose suivante :
— Je serais enchanté de changer de place avec elle, afin que vous
puissiez être ensemble.
— Ce n’est pas la peine, répond le jeune homme. J’ai déjà parlé avec
elle toute la semaine1.
Un chercheur a découvert qu’un couple marié ordinaire ne dialogue
réellement que vingt-sept minutes en moyenne par semaine. C’est au cours de
leur troisième rendez-vous et dans l’année qui précède leur divorce que les
échanges sont les plus nombreux2.
Un des plus grands défis spirituels pour un chrétien est de devenir moins
égocentrique. Nous sommes naturellement tous absorbés par nos petites
personnes. La discipline du mariage chrétien nous invite à vivre la réalité du
partage et du plaisir d’être ensemble, de manière unique et intime. La
capacité de manifester de l’intérêt et de l’empathie pour nos proches n’est
assurément pas quelque chose de facile à maintenir ; cette qualité est
cependant d’une importance capitale et doit être développée.
Il y a quelques années
Les chutes sont inévitables,
de cela, j’ai participé à une
mais nous pouvons contrôler la
superbe randonnée avec
direction dans laquelle nous
quelques amis dans la
tombons : vers notre conjoint,
montagne. Alors que je
ou en nous éloignant de lui.
tentais de sauter par-dessus
un torrent tumultueux, un de mes amis m’a dit : « Arrange-toi pour tomber
toujours vers l’avant ». C’était un conseil sage. Même si je ratais mon saut,
aussi longtemps que je gardais mon élan vers l’avant, je ne serais pas emporté
par le courant.
Depuis, je n’ai jamais oublié ce bon conseil. Je crois en effet que le
mariage chrétien consiste aussi à apprendre à « tomber vers l’avant ». Des
obstacles surgissent, la colère éclate, la lassitude étouffe nos sens et nos
sentiments. Quand cela se produit, l’individu spirituellement immature réagit
en reculant, en s’éloignant de son conjoint. Il peut même parfois chercher à
recommencer autre chose avec quelqu’un de « plus excitant ». La maturité
s’acquiert en avançant malgré la souffrance et l’apathie. Les chutes sont
inévitables. Nous ne pouvons pas les contrôler, mais nous pouvons contrôler
la direction dans laquelle nous tombons : vers notre conjoint, ou en nous
éloignant de lui.
Au cinéma, l’amour est
L’inverse de l’amour biblique
très souvent une activité
n’est pas la haine : c’est
passive. On entend parler de
l’apathie.
« coup de foudre » ou de
« tomber amoureux ». Les couples infidèles disent parfois : « Nous n’avons
rien pu y faire ; c’est arrivé, voilà tout ! » Une telle passivité est aussi
éloignée de l’amour chrétien que la Terre est éloignée du Soleil. L’amour
chrétien est un mouvement délibéré et un engagement actif. En réalité, nous
choisissons ceux vers qui se porte notre affection.
Donald Harvey a écrit :
Contrairement à une expérience intime, une relation
d'intimité est organisée, calculée. Elle se construit. Le
sentiment d'unité qui résulte d'une proximité spirituelle
authentique n'apparaît pas par hasard. S'il existe, c'est en
réponse à une volonté délibérée et à un accompagnement
de votre part. Vous choisissez de vous investir, puis vous
passez à l'action. Le hasard n'a pas sa place ici3.
Il m’a fallu des années pour comprendre qu’en tant que chrétien, j’avais
l’obligation de me diriger constamment vers ma femme. En effet, je pensais,
au début de mon mariage, qu’aussi longtemps que je ne l’agressais pas
physiquement ou même verbalement, j’étais un « bon » mari. Mais l’inverse
de l’amour biblique n’est pas la haine : c’est l’apathie. Cesser d’aller vers
votre conjoint équivaut à cesser de l’aimer. En agissant de la sorte, vous
restez à l’écart de la raison d’être première du mariage.

La mascarade masculine
Au risque d’offenser certains de mes lecteurs, je souhaite tout de même
souligner ici que les hommes éprouvent généralement plus de difficultés que
les femmes dans ce domaine de spiritualité.
En premier lieu, les hommes ont tendance à être moins communicatifs,
sans forcément se rendre compte que cela puisse passer pour de
l’indifférence. Éprouver des sentiments passionnés pour son épouse est une
chose ; les lui exprimer en est une autre. Beaucoup d’hommes ne réalisent
pas les dégâts qu’ils occasionnent, simplement en restant silencieux.
En second lieu, les hommes ont tendance à considérer qu’indépendance
est synonyme de force, de maturité et de « virilité ». L’interdépendance n’est
pas seulement un très long mot pour eux, c’est aussi une pilule amère bien
difficile à avaler. Souvent perçue comme un signe de faiblesse.
Même si l’esprit d’indépendance est valorisé par notre société, ce n’est
pas pour autant une valeur biblique. Il doit être examiné à la lumière de la
nature divine. Nous devons certes être prêts à courageusement rester seuls si
nécessaire (souvenez-vous de Jésus sur la croix), mais rappelons-nous que la
dynamique de Dieu est un mouvement en direction de son peuple, même un
peuple de pécheurs. Jésus est resté seul afin que les hommes puissent
s’approcher de Dieu. Jésus est resté seul afin que Dieu puisse rassembler ses
enfants autour de lui. Son acte de solitude était une affirmation radicale de
l’importance de la communion. Si nous souhaitons être recréés à l’image de
Dieu, nous serons transformés de manière à être apte à aller vers les autres.
Lorsqu’un homme fuit les gens, il fait preuve en général de lâcheté, pas
de courage. Ici, un homme sera incapable de gérer une relation d’adulte à
adulte avec une femme de son âge, divorcera d’elle pour se marier avec une
femme de l’âge de sa fille. Tentative futile de garder un sentiment de
« contrôle ». Ailleurs, un homme n’acceptera pas que son épouse ne soit pas
sa « mère », mais plutôt une partenaire qui s’attend autant à recevoir qu’à
donner ; il s’enfermera dans le silence plutôt que d’admettre ses propres
besoins. Ailleurs encore, un homme refusera d’entrer dans le rapport
d’échange normal que suppose toute relation de complémentarité ; il décidera
d’ignorer son épouse pour se donner corps et âme à son travail. Là, au moins,
il contrôle les éléments de sa vie et ses subordonnés doivent se plier à sa
volonté.
Ces portraits ne sont
Beaucoup d’hommes ne
pas des exemples de
réalisent pas les dégâts qu’ils
courage ; ils sont les
occasionnent, simplement en
archétypes de la honte au
restant silencieux.
masculin.
Lorsque Dieu m’appelle à avancer continuellement en direction de ma
femme, il m’appelle à être façonné à sa propre image.

Sentiments contradictoires
Nos émotions contradictoires gênent parfois notre « chute vers l’avant ».
Madeleine L’Engle a écrit un poème qui l’illustre merveilleusement4. Elle
s’adresse directement à Dieu, mais ses paroles sont pertinentes dans toutes
nos relations d’amour :
Cher Dieu,
Je te hais.
Je t'aime, signé Madeleine.
N’avez-vous jamais éprouvé ce sentiment, à la fois réel et frustrant,
d’être dégoûté par quelqu’un que vous aimez pourtant profondément ?
Madeleine L’Engle est honnête dans sa frustration vis-à-vis de Dieu. Mais la
signature fait toute la différence : elle s’est engagée à avancer vers Dieu
même lorsqu’il l’exaspère. « Je t’aime, signé Madeleine » devient le
dénominateur commun. Quel que soit le sujet de son exaspération, quelle que
soit l’intensité de sa frustration, Madeleine maintient avec Dieu une relation
fondée sur l’amour.
Il en est de même dans le mariage. Même dans les moments de colère,
de trahison, d’exaspération et de blessures, nous sommes appelés à aller à la
rencontre de l’autre pour l’étreindre et grandir dans sa direction, pour laisser
notre amour transformer nos sentiments d’indifférence, de frustration et
même de haine.

Le sang du mariage
Cette invitation à « tomber vers l’avant » met l’accent sur l’importance
de faciliter la construction d’une plus grande intimité. Nous dévalorisons le
mariage si nous le réduisons à une simple formule négative du genre :
« J’accepte de ne jamais coucher avec quelqu’un d’autre ». Le mariage vise le
don de soi qui va bien au-delà de la fidélité sexuelle. Mary Anne Oliver le
définit comme une « interpénétration de l’être ». Quelle belle expression ! Se
marier, c’est accepter de grandir ensemble, l’un dans l’autre et, en quelque
sorte, d’entremêler nos âmes pour partager un lien unique et rare. Quand nous
arrêtons d’avancer dans cette direction, nous trompons notre partenaire. Nous
avons promis mais refusons d’honorer notre engagement.
Cette
Même dans les moments de
« interpénétration » peut
colère, trahison, exaspération et
devenir une expérience
les blessures, nous devons aller
merveilleuse, parfois même
à la rencontre de l’autre,
amusante. Lisa et moi
l’étreindre, grandir dans sa
sommes mariés depuis
direction.
presque quinze ans. Il y a
environ trois ans de cela, nous avons commencé à parler de la même manière,
de façon assez troublante. Par exemple, au cours d’un match de football
auquel notre fils participait, je me suis approché d’une amie et je lui ai dit :
— Si l’arbitre nous accordait ne serait-ce qu’un quart de point pour
chaque tir dans les poteaux, on les écraserait !
Notre amie ouvrit grands les yeux :
— Est-ce que tu as entendu ce que Lisa vient de me dire ?
— Non, pourquoi ?
— Elle m’a dit exactement la même chose, il y a quinze secondes !
Depuis peu, cela se produisait si souvent que ça en devenait presque
bizarre. Beaucoup de couples mariés font la même expérience. Nos façons de
penser et de parler ont été influencées par celles de l’autre, au point que nous
commençons à lui ressembler.
Une telle « interpénétration de l’être » va bien au-delà de la notion de
sexualité exclusive. Le mariage est déterminé par une vertu essentielle qui
présuppose le don de soi. Kathleen et Thomas Hart ont écrit : « On peut
accomplir, en apparence, de nombreux actes d’amour, tout en retenant le don
le plus précieux qui soit, le don de soi-même. Ce don ne s’offre que par la
communication5 ».
La communication, c’est le sang du mariage. Il amène l’oxygène
indispensable au cœur de notre histoire d’amour. Au début de la relation, la
communication paraît merveilleuse. À nos côtés marche le mystère, la beauté,
la sagesse personnifiée : une personne qui a la capacité de nous faire éprouver
le plaisir sans limite. À peine quelques années plus tard, il est surprenant de
constater à quel point cet « ange » est devenu limité et humain.
Pourquoi un tel
Le mariage est déterminé par
revirement ? Notre condition
une vertu essentielle qui
humaine, tellement
présuppose le don de soi.
restrictive. G. K. Chesterton
a fait remarquer que s’il était une chose plus ridicule encore, chez les
humains, que d’avoir deux jambes, c’était bien qu’ils créent parfois une
ouverture dans leur visage pour y introduire des morceaux du monde
extérieur (il décrivait évidemment ce que nous appelons couramment
« manger »). Qu’importe que l’on soit une jeune fille ravissante, un jeune
homme charmant, les imperfections de notre nature finiront par transparaître.
Des bruits et des odeurs bizarres s’échappent de chacun d’entre nous. C’est
souvent la découverte de ces réalités banales de la vie qui nous conduit à
« faire machine arrière », comme si l’autre avait trahi.
Au langage verbal s’ajoute le langage physique, l’action de toucher
l’autre. Cela inclut l’expression de la sexualité, mais aussi le toucher à
caractère non sexuel. Contrairement à ma femme, je ne supporte pas qu’on
me touche le visage. Il m’a fallu des années pour comprendre à quel point il
était important pour Lisa que je lui caresse fréquemment la joue. Elle veut
être touchée, en particulier quand elle sait que ce geste n’appelle rien d’autre.
Les hommes doivent en effet se souvenir de l’importance des caresses à
caractère non sexuel.
De leur côté, beaucoup d’épouses ont compris que si elles ne cherchent
pas à régulièrement satisfaire les besoins sexuels de leur mari, quasiment tout
autre mouvement de leur part vers leur mari passera inaperçu. Jill Renich a
écrit :
Une femme peut démontrer son amour d'une multitude de
façons, mais ces dernières sont souvent réduites à néant
par son rejet ou son manque d'intérêt pour les relations
sexuelles. Vous êtes peut-être une parfaite maîtresse de
maison, une cuisinière hors pair, une mère incomparable
pour les enfants de votre mari... Mais si vous le repoussez
régulièrement au lit, ces qualités seront réduites à néant.
Aux yeux d'un homme, les relations sexuelles sont la plus
grande déclaration d'amour et de valorisation de l'individu6.
Dans un vieux film de Woody Allen, un conseiller conjugal interroge
séparément un mari et sa femme. Seul le spectateur est témoin de leurs
réponses. Le conseiller demande d’abord à la femme :
— À quelle fréquence vous et votre mari faites-vous l’amour ?
— Presque tout le temps, répond la femme. Trois fois par semaine.
Le conseiller demande ensuite au mari :
— À quelle fréquence vous et votre femme faites-vous l’amour ?
— Presque jamais, répond le mari. Trois fois par semaine.
C’est essentiellement un problème lié aux différences entre hommes et
femmes. Les rôles s’inversent parfois : la femme se plaint de la rareté des
relations sexuelles. L’autre stéréotype est bien entendu le désir qu’a la femme
de parler, alors que le mari préfère le silence. Dans ce genre de situation, les
conjoints peuvent s’appliquer à avancer l’un vers l’autre, sans se soucier de
savoir si chacun est bien dans son rôle, féminin ou masculin.
Veiller à l’interpénétration des âmes, c’est un devoir qui incombe à
chaque mari, à chaque femme. Certains parmi nous sont naturellement plus
portés vers les relations sexuelles, d’autres préfèrent la communication
verbale. Nous avons le devoir de combler les besoins de notre conjoint. Nous
avons aussi le devoir chrétien de ne pas trop exiger de notre conjoint. La
femme peut reconnaître que son mari a atteint son seuil de tolérance quant à
sa dose de conversation ; le mari, lui, devra accepter que la plupart des
femmes ne souhaitent pas faire l’amour tous les jours.
Ce désir de faire
Ce désir de faire fonctionner
fonctionner
l’interpénétration apprend à
l’interpénétration nous
renoncer à nos propres
apprendra à renoncer à nos
exigences pour nous efforcer de
propres exigences pour nous
satisfaire celles du conjoint.
efforcer de satisfaire celles
de notre conjoint. Dans l’idéal, si chacun des époux agit de la sorte, le résultat
sera un merveilleux compromis. Ce n’est toutefois pas aussi simple, et l’un
des parte- naires donne généralement bien plus que l’autre. C’est là que
commencent à se fissurer bien des mariages.
Mais, que se passerait-il si le conjoint qui « donne et qui donne » puisait
sa motivation ailleurs que dans sa propre volonté ? Et s’il considérait que le
fait de répondre aux exigences de l’autre contribuait à sa propre formation
spirituelle ? Au lieu de se dire : Pourquoi lui ferais-je la conversation ou
serais-je affectueux avec elle puisqu’elle ne veut jamais faire l’amour ?, un
mari pourrait raisonner ainsi : Quelle que soit la fréquence de nos rapports
sexuels, pour plaire à Dieu et grandir spirituellement et intérieurement, je
vais me rendre disponible pour de longues conversations avec ma femme.
Les livres sur le
En développant l’art du
mariage expliquent
compromis et en allant à la
généralement que si un mari
rencontre de l’autre, un couple
agit de la sorte, il découvrira
mature progresse à pas de
bientôt que « sa femme a
géant en croissance spirituelle.
brusquement un désir
renouvelé de le rejoindre au lit plus souvent ! » C’est une grossière
exagération. Je ne suggère pas que le mari devrait combler les besoins de sa
femme afin que les siens soient mieux satisfaits. Je lui propose plutôt de le
faire comme un exercice spirituel. Plus ce sera difficile, plus il en profitera. Si
sa femme le remercie sans tarder d’une manière physique, il aura le sourire
aux lèvres en s’endormant ce soir-là, mais sa formation spirituelle y perdra
peut-être un peu.
En développant l’art du compromis et en allant à la rencontre de l’autre,
un couple mature progressera à pas de géant dans sa croissance spirituelle. Il
arrive fréquemment que l’un des conjoints ne se soucie pas de croître
spirituellement. Ses propres besoins et ses désirs l’étouffent. Bien qu’une
telle situation puisse nuire à la satisfaction et au bonheur du mariage, elle crée
aussi un contexte favorable à la croissance. Un chrétien ne dépend jamais de
la réaction des autres pour grandir dans sa foi. Ce qui importe, ce sont les
décisions qu’il prend dans son propre cœur.
Le parler et le toucher sont deux moyens essentiels par lesquels nous
nous donnons l’un à l’autre. Le refus du don de soi est parfois délibéré,
parfois pas. Nous nous réveillons un beau matin, et nous réalisons que nous
n’avons pas fait l’effort d’aller à la rencontre de notre conjoint physiquement,
émotionnellement et spirituellement. La plupart d’entre nous n’avons
probablement jamais abordé la relation du mariage en pensant que
« l’apathie » était l’antithèse de l’amour chrétien. Aussi longtemps que nous
ne sommes pas méchants, rancuniers ou cruels, nous estimons remplir notre
devoir de chrétien.
Ce n’est pas vrai.
En vérité, j’ai l’obligation de me donner à ma femme. Quand je refuse
de « tomber vers l’avant » et que je commence à me retenir, je lui transmets
le message suivant : « Je ne veux plus être marié avec toi sur le plan
spirituel ».

La discipline de la communion
La discipline spirituelle encadrée par cet apprentissage de la « chute vers
l’avant » peut être qualifiée de « discipline de la communion ». Cette
discipline est alimentée par trois autres exercices spirituels : apprendre à ne
pas fuir les conflits, apprendre l’art du compromis, et apprendre à accepter les
autres. Ces exercices sont utiles partout : à la maison comme dans l’église.

1. Ne pas esquiver les conflits


J’ai vu des églises se disputer pour des bricoles, et des partenaires de
longue date se quereller de manière insensée en divisant leur communauté par
la même occasion. La discipline spirituelle de la communion n’est pas chose
facile. Les pécheurs se blessent mutuellement, les êtres humains imparfaits
voient une même réalité différemment, et les égocentriques ont du mal à
regarder une autre perspective que la leur.
Le problème, c’est que nous sommes tous pécheurs, imparfaits et
égocentriques !
Le mariage est un petit laboratoire expérimental où nous pouvons
apprendre à développer la communion spirituelle. En règle générale, tout ce
qui se passe dans la société au sens large du terme, trouve son équivalent au
sein du mariage : les différends, les échanges de paroles blessantes, les
conflits d’intérêts, les ambitions incompatibles.
Face à un désaccord, notre réflexe primaire est la fuite. Au lieu
d’assumer le malentendu (ou le péché), nous choisissons généralement la
facilité en nous mettant à la recherche d’une autre église, d’un autre emploi,
d’un autre voisinage, d’un autre ami ou d’un autre conjoint.
Le mariage refuse d’accepter cette tendance à « fuir ». En nous
enfermant dans une promesse solennelle, gravée dans le roc, devant Dieu,
nous sommes forcés de nous attaquer sans tarder au problème et de trouver
une solution.
Un adulte responsable est conscient que chaque relation comporte une
part de conflits, de confession et de pardon. L’absence de conflit démontre en
général que, soit la relation n’a pas assez d’importance pour qu’on en discute,
soit que l’on manque d’assurance pour risquer un désaccord.
Le conflit est une voie d’accès de choix vers la croissance spirituelle.
Pour régler un conflit, nous devons plus nous engager, non pas moins nous
engager. Au moment même où nous voudrions « envoyer balader l’autre », il
faut nous calmer et écouter ses griefs. Au moment même où nous voulons
absolument être entendus, nous devons faire tous nos efforts pour écouter. Au
moment même où nous voulons exprimer nos doléances, nous devons faire
tout notre possible pour savoir ce qui a blessé l’autre. Au moment même où
nous voulons pointer du doigt la mauvaise foi et le comportement injurieux
de l’autre, nous devons aussi sans complaisance évaluer nos propres
comportements blessants.
C’est cette démarche de
Un adulte responsable est
l’un vers l’autre, en
conscient que chaque relation
s’oubliant soi-même, qui
comporte une part de conflits,
explique que les conflits
de confession et de pardon.
résolus avec succès tissent
finalement un lien encore plus fort entre les deux parties. La notion de
« réconciliation sur l’oreiller » est devenue un cliché ; elle renferme pourtant
une vérité. Pour qu’un conflit se règle, le couple doit se rapprocher l’un de
l’autre. Chaque partenaire est « tombé vers l’avant », a recherché une solution
et, ce faisant, a développé un besoin accru de l’autre.
Glisser rapidement sur les différends, les attitudes et les comportements
pécheurs de notre conjoint, n’est pas synonyme de communion ; c’est faire
poliment semblant. La vraie communion requiert que nous « tombions vers
l’avant ».
Apprendre à négocier un conflit avec succès aura une influence directe
sur notre relation avec Dieu. Car le jour viendra où nous penserons avoir
aussi un compte à régler avec lui. Dans la Bible, l’un des plus célèbres
« conflits » a impliqué Dieu et Jacob. Les deux combattants se sont affrontés
une nuit entière. Cette rencontre a transformé Jacob au point que son nom a
été changé en « Israël », ce qui signifie : « Il lutte avec Dieu ». Vers la fin du
combat, Jacob a insisté pour que Dieu le « bénisse » (voir Genèse 32 : 27).
Dieu a finalement exaucé la requête de Jacob, et a fait naître toute une nation
de la descendance de cet homme fourbe et manipulateur.
Il nous arrivera aussi
C’est cette démarche de l’un
d’être en conflit avec Dieu,
vers l’autre, en s’oubliant soi-
un jour : « Pourquoi m’as-tu
même, qui explique que les
pris cet enfant ? » ;
conflits résolus avec succès
« Pourquoi as-tu permis que tissent au final un lien encore
Jim perde son travail, alors plus fort entre les deux parties.
que nous en avons tellement
besoin ? » ; « Pourquoi restes-tu si silencieux et distant ? »
Prétendre que le silence de Dieu ne nous affecte pas, ce n’est pas un
signe de maturité spirituelle. Une foi saine suppose que nous marchions dans
la direction de Dieu de la même manière que nous avons appris à marcher
dans la direction de notre conjoint. Cette « chute vers l’avant » est une
réponse plus appropriée que celle qui consisterait à « rayer Dieu de notre
vie » dès qu’il fait ou permet quelque chose que nous ne comprenons pas.
Comme pour Jacob, « lutter » avec Dieu pourrait très bien devenir une
source de bénédiction insoupçonnée. Il se peut aussi que, comme Jacob, nous
devenions « boiteux à vie », mais toute interaction avec Dieu se révélera
bénéfique, du moment qu’elle se fait dans un mouvement délibéré dans sa
direction.

2. L'art du compromis
Travailler l’art du compromis est le second moyen nous permettant de
mettre en pratique la discipline spirituelle de la communion dans le couple.
Le mot « compromis » a malheureusement acquis une connotation négative
dans notre société. Pourtant, toute relation qui souhaite durer et se développer
dans le temps aura besoin d’une dose de compromis. Comme l’ont souligné
pertinemment les Whitehead, loin d’être une échappatoire, le compromis est
une autre façon de dire « Je t’aime ». C’est la preuve que nous sommes prêts
à céder du terrain pour la simple raison que nous accordons plus
d’importance à la relation qu’à défendre nos droits, nos préférences ou nos
souhaits. Le compromis est le ciment de la communion.
De nombreuses églises ont dû apprendre à gérer la question du style de
musique pour leurs moments de louange. Les jeunes souhaitent quelque
chose de plus « moderne » alors que les anciens préfèrent une musique plus
« traditionnelle ». Certaines églises ont donc choisi d’offrir deux services
distincts ; d’autres ont tenté de combiner une dose de liturgie à une portion de
spontanéité. Certaines se sont débarrassées de leur orgue, d’autres en ont
acheté un plus grand mais le délaissent parfois pour donner la place à une
guitare. Partout, les églises apprennent l’art du compromis.
Chaque couple doit, de la même façon, apprendre l’art du compromis,
aussi bien au travers des questions les plus banales de la vie (« Où passerons-
nous les vacances de Noël cette année ? ») que dans les décisions plus
fondamentales (« Combien d’enfants devrions-nous avoir ? »). Le succès de
tels compromis supposera de nombreux « mini-enterrements ». Nous devons
choisir de mourir à nous-mêmes, de céder du terrain, mais également, de ne
pas jubiler quand nous gagnons du terrain.

3. Acceptation et loyauté
Apprendre à accepter les gens tels qu’ils sont est une troisième
discipline de la communion. Bien souvent, à leur arrivée dans une
communauté, les nouveaux sont enthousiastes. Ils apprécient les prédications,
la louange, et la gentillesse des autres membres de l’église. Un an ou deux
plus tard, les choses ont changé. Ils connaissent les meilleures anecdotes du
pasteur et ils se sont lassé des mêmes chants que l’on chante encore et encore.
De plus, on commence à s’attendre qu’à leur tour ils invitent chez eux
comme ils ont été invités par différents membres de la communauté. Il est
alors étonnant de constater combien « la meilleure église du monde » peut
subitement devenir une « assemblée moribonde ».
Le même phénomène se rencontre fréquemment dans le mariage.
L’homme en qui sa femme trouvait autrefois un confident est aujourd’hui
perçu comme arrogant. La femme qui avait attiré le regard de l’homme à
cause de son esprit « doux et paisible » est à présent considérée, par son mari,
comme faible et peu digne de respect.
Un mariage basé sur le romantisme s’attache à un mensonge idéalisé
(« l’amour passion ») et rompt ensuite avec la réalité, dès qu’elle apparaît. Un
mariage basé sur Jésus-Christ nous invite à rompre avec le mensonge
(l’image idéalisée de notre conjoint) pour épouser la réalité (deux individus
pécheurs qui luttent pour préserver un engagement à vie). Comme l’ont fait
observer les Whitehead : « Le défi n’est pas de continuer à aimer la personne
que nous pensions avoir épousée, mais d’aimer la personne que nous avons
réellement épousée7 ! »
La discipline de la communion exige que nous apprenions l’art de la
loyauté. L’église à l’autre bout de la rue a-t-elle engagé un jeune pasteur plus
dynamique ? Nous ne pouvons pas pour autant renier des années de service et
de relations au sein de notre communauté pour aller écouter la nouvelle
« vedette ». Ce n’est pas parce qu’une femme plus jeune ou un homme plus
sensible apparaît brusquement dans notre paysage que nous devrions renier
nos promesses de vie.
C’est toujours une question de « tomber vers l’avant ». Vous rencontrez
quelqu’un que vous trouvez très charmant, mais vous choisissez de fixer des
limites strictes à cette relation. Plus encore, vous redoublez d’efforts pour
confirmer votre engagement vis-à-vis de votre conjoint. Votre partenaire vous
a blessé par son égoïsme ? Au lieu de faire la tête et de vous murer dans le
silence, vous prenez l’initiative d’exprimer vos sentiments avec respect et
gentillesse.
L’ironie, c’est que la chute constante vers l’avant conduit à une plus
grande satisfaction au sein du couple. L’objectif de ce livre est de nous aider
à voir notre mariage comme un moyen de nous rapprocher de Dieu. Ce
faisant, nous découvrons toutefois que nos relations conjugales s’améliorent
souvent et procurent davantage de satisfaction à une condition : « Les couples
qui donnent la priorité à leur relation ont plus de chances d’obtenir ce qu’ils
veulent de leur mariage. Ceux qui ne le font pas en ont moins. C’est aussi
simple que cela8 ».
Un mariage fondé sur Christ Favoriser le pardon
nous invite à rompre avec le
mensonge (image idéalisée du Que faire quand notre
conjoint) pour épouser la réalité conjoint refuse notre chute
(deux pécheurs qui luttent pour vers l’avant dans sa direction
préserver un engagement à et nous repousse ?
vie). La Bible fournit
clairement le chemin à
suivre. Le père a laissé partir le fils prodigue, mais l’amour exigeait qu’il soit
toujours prêt, si jamais il revenait, à « tomber en avant » vers son fils, les bras
grands ouverts (voir Luc 15 : 11-32).
Notre réponse n’est pas dictée par les actions de l’autre. Dieu a envoyé
son Fils dans un monde qui le haïssait. Si Dieu avait dû attendre que le
monde soit « digne » de le recevoir, le Fils ne serait jamais venu. Cette vérité
nous amène à considérer une autre discipline spirituelle de la communion : la
plus difficile des disciplines, celle du pardon.
Les plus osés parmi nous tenteront peut-être d’utiliser parfois le péché
de leur conjoint comme excuse pour justifier leur recul. Ce n’est certainement
pas une réaction chrétienne, puisque nous péchons tous les uns envers les
autres. En réalité, un des tout premiers objectifs du mariage est de nous
apprendre à pardonner. Cette discipline spirituelle nous donne la force de
pouvoir constamment tomber vers l’avant au sein de ce monde pécheur.
L'appel à la grâce L’un des buts premiers du
À Seattle, un tailleur de mariage est de nous apprendre
pierre avait gravé l’épitaphe à pardonner.
traditionnelle sur une stèle,
selon les indications d’une veuve : « Repose en paix ».
Quelques mois plus tard, l’épouse apprit que son mari lui avait été
infidèle. Elle retourna chez le tailleur de pierre et lui demanda d’ajouter
quelques mots sur la pierre tombale. L’épitaphe devint alors : « Repose en
paix... jusqu’à ce que nous nous revoyions ».
Les péchés commis par un conjoint nous blessent plus que ceux qui
proviennent de l’extérieur du couple. Au péché lui-même s’ajoute le
sentiment profond d’avoir été trahi, au point de vouloir parfois garder un
grief jusque dans la tombe.
Nous nous marions pour toutes sortes de raisons, mais la première sur la
liste n’est probablement pas « afin que je puisse apprendre à pardonner ».
Pourtant, en permettant de nous habituer à régulièrement aller à la rencontre
de l’autre, le mariage offre le meilleur contexte qui soit pour s’exercer à cette
discipline spirituelle si essentielle. Le péché dans le mariage (chaque conjoint
a sa part de responsabilité) est une réalité quotidienne, une lutte incessante
qui menace de nous séparer l’un de l’autre. Vous ne trouverez jamais de
conjoint sans péché. La personne que vous avez décidé d’épouser vous
blessera un jour, peut-être même intentionnellement. Le pardon est donc bien
une discipline spirituelle indispensable.
Paul adresse des paroles extrêmement utiles dans la lettre aux Romains.
Il écrit que « nul ne sera justifié devant [Dieu] par les œuvres de la loi,
puisque c’est par la loi que vient la connaissance du péché » (Romains 3 :
20).
Sachez-le, votre conjoint ne sera jamais reconnu sans péché devant la
loi. C’est tout simplement impossible. Quelqu’un, un jour, péchera contre
vous, et vous en serez blessé. Quand cela arrivera, vous aurez le choix, soit
de vous abandonner à la douleur, à la rancune et à l’amertume, soit de décider
de grandir spirituellement en assimilant une nouvelle leçon importante sur le
pardon.
Dieu n’a pas créé la loi pour que les conjoints s’obligent mutuellement à
obéir à un standard inaccessible qui leur permettrait d’entrer en compétition
l’un avec l’autre. Un conjoint « moralisateur » est particulièrement pénible à
vivre même si, aux yeux de la loi, il est momentanément « irréprochable » et
dans son droit. Ce conjoint trébuchera lui aussi un jour ou l’autre.
Comment devons-nous donc vivre ?
Paul poursuit : « Mais maintenant, sans la loi est manifestée la justice de
Dieu » (Romains 3 : 21 – Italique ajouté). Cette justice est obtenue par le
« moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus », et par la « foi »
(Romains 3 : 24, 27).
Un mariage s’effondrera immanquablement dès qu’un partenaire sacrifie
son conjoint sur l’autel de la loi. Nul ne peut se montrer à la hauteur de la loi.
Chacun de nous l’enfreint un jour ou l’autre. Le mariage nous apprend, il
nous oblige même à apprendre à vivre en faisant preuve de grâce et de pardon
envers ceux qui ont péché contre nous.
Si je peux apprendre à pardonner et à accepter mon conjoint avec ses
imperfections, je serai plus apte à offrir mon pardon en dehors de mon
couple. Je suis convaincu que le pardon est tellement contre nature qu’il nous
faut énormément de pratique pour y exceller.

Aimer le pécheur
C’était un cafard, et cette femme avait horreur des cafards. Pire, ce
cafard refusait de mourir. Finalement, après l’avoir écrasé, elle le jeta dans
les toilettes en l’aspergeant copieusement d’insecticide. Il cessa enfin de
bouger.
Satisfaite, elle sortit des toilettes.
Quelque temps plus tard, son mari, assis sur ces mêmes toilettes, jeta son
mégot dans la cuvette. Les vapeurs d’insecticide s’enflammèrent aussitôt et
brûlèrent les zones les plus sensibles de son anatomie.
Les ambulanciers, appelés immédiatement, examinèrent l’homme, et
décidèrent que les brûlures étaient suffisamment graves pour nécessiter une
hospitalisation. Ils l’installèrent sur un brancard et entreprirent de descendre
les escaliers. En y apprenant les circonstances de l’accident, les ambulanciers
éclatèrent de rire au point de laisser tomber le blessé, qui se fractura le bassin
et quelques côtes9.
J’imagine que dans ce contexte, la capacité à pardonner de cet homme a
été mise à rude épreuve. Mais même dans un contexte plus favorable, il n’est
jamais facile de pardonner. Notre tendance naturelle ne nous conduit pas dans
cette direction.
J’avais été invité comme conférencier pour la retraite annuelle d’une
église protestante. Elle avait lieu dans un centre d’hébergement catholique.
La petite chapelle, malgré ses dimensions réduites, était joliment décorée. En
arrivant sur les lieux, j’ai exploré l’intérieur et aperçu, tout au fond, un
confessionnal. J’ouvris la porte et y découvris, à ma grande stupéfaction, un
classeur à dossiers !
Le mariage ressemble parfois à ce confessionnal : notre conjoint nous
avoue ses péchés et ses faiblesses, et nous rangeons ces confessions dans un
« classeur mental » afin de pouvoir immédiatement ressortir les dossiers
lorsqu’il faut attaquer ou se défendre. Le vrai pardon est un processus, pas un
événement ponctuel. Nous sommes rarement capables de pardonner « une
fois pour toutes » et de classer définitivement l’affaire. Nous devons
beaucoup plus souvent renoncer plusieurs fois à notre amertume, en
choisissant continuellement de relaxer l’offenseur.
Voilà pourquoi le pardon est si difficile à mettre en œuvre. Dans son
livre Touché par la grâce, Philip Yancey écrit la chose suivante :
Dans le feu d'une dispute entre ma femme et moi, alors
que nous parlions avec animation de mes manquements,
ma femme s'exclama : « Je suis vraiment étonnée d'avoir
pu pardonner certaines des choses ignobles que tu as
faites ! » Le pardon n'est pas un idéal platonique agréable
qu'il est possible de répandre dans le monde comme
d'aucuns pulvérisent du désodorisant d'ambiance. Le
pardon est difficile et éprouvant, et longtemps après que
vous avez pardonné, la blessure (mes actes ignobles en
l'occurrence) subsiste dans la mémoire. Le pardon est un
acte contre nature, et ma femme s'élevait contre son
injustice flagrante10.
Dans le documentaire de Claude Lanzmann sur l’Holocauste, Shoah, un
instigateur du soulèvement du ghetto de Varsovie décrit l’amertume qui
persiste au fond de son cœur : « Si vous pouviez lécher mon cœur, dit-il, vous
en seriez empoisonnés ».
Dans bon nombre de mariages, les attaques personnelles et les querelles
ont rendu les cœurs toxiques à force d’amertume. Un cœur toxique ne se
contente malheureusement pas d’empoisonner celui qui le lèche, l’infection
se répand également dans la vie personnelle de son propriétaire. Avec cette
perspective, le pardon devient un acte d’autodéfense, un garrot qui stoppe
l’hémorragie fatale de la rancœur.
Toute situation qui exerce notre aptitude à pardonner a le potentiel de
modeler davantage notre caractère à la ressemblance du caractère de Jésus-
Christ. Les relations au sein du mariage, plus que toutes autres, incitent
régulièrement à la pratique du pardon.
Henri Nouwen a un jour défini le pardon comme « l’amour auquel
s’exercent des gens qui aiment mal ». Quelle belle définition ! J’aime mal,
vous aimez mal, nous aimons mal... Prenons Jésus comme exemple de
quelqu’un qui aime comme nous devrions aimer. Nous pouvons alors soit
reprocher à notre conjoint d’être imparfait, soit nous attaquer à nos propres
démons, ceux qui nous rendent le pardon si difficile, et remporter quelques
victoires.
Dans l’exercice de cette
Le pardon devient un acte
discipline, le mariage nous
d’autodéfense, un garrot qui
oblige à mettre en pratique
stoppe l’hémorragie fatale de la
l’une des formules les plus
rancœur.
difficiles à vivre : « Hais le
péché et aime le pécheur ». Il s’agit d’un acte particulièrement bouleversant.
Chaque fibre de notre être pécheur pousse naturellement à transformer notre
répulsion envers le péché en répulsion envers le pécheur, et donc en répulsion
envers notre conjoint. Philip Yancey nous encourage à persévérer dans
l’amour envers le pécheur en imaginant ce qu’il a dû en coûter à Jésus. À
quel point Jésus aurait pu être scandalisé par les gens qui l’entouraient, lui
qui était moralement parfait ! Pourtant, nul n’a aimé les pécheurs avec autant
d’intensité que lui.
C. S. Lewis a avoué s’être lui aussi battu face à la difficulté d’aimer
réellement le pécheur, tout en haïssant le péché. Un jour, la lumière s’était
faite en lui :
J'ai découvert qu'il existait un homme envers qui j'avais agi
de la sorte, ma vie durant : moi-même. Autant je pouvais
détester ma propre lâcheté, ma vanité ou ma cupidité,
autant je continuais à m'aimer moi-même. Je n'avais
jamais éprouvé la moindre difficulté à ce sujet. En fait,
j'avais justement ces choses en horreur parce que j'aimais
l'homme qui les faisait. Puisque je m'aimais, j'étais désolé
de découvrir que j'étais le genre d'homme qui faisait ce
genre de choses11.
Nous nous accordons cette faveur à nous-mêmes : pourquoi donc ne pas
le faire pour notre conjoint ?

La trahison ultime
Pascale considérait son mariage comme « un engagement mutuel
définitif, avec un vrai sens de partenariat étroit. Un lieu sûr, un espace de
guérison et de croissance » : « J’aimais mon mariage », disait-elle.
En 1997, après près de vingt-cinq années de mariage, ce lieu sûr fut
ébranlé. Son mari Serge, pasteur, commença à se replier sur lui-même et à
passer de plus en plus de temps à chatter sur Internet.
Peu de temps après, Pascale commença à se demander, pour la première
fois en vingt-cinq ans de vie commune, si son mari lui avait toujours été
fidèle. Elle avait découvert qu’elle était atteinte d’une forme de maladie
sexuellement transmissible. Mais Serge regarda sa femme droit dans les yeux
et lui assura qu’en aucun cas, il n’avait pu lui transmettre cette MST.
Pascale assista alors à la lente implosion de son mari. Il devint
hypercritique, déprimé et continua à se réfugier devant son ordinateur, malgré
un suivi psychologique. Elle lui demanda un jour :
— As-tu développé une relation avec quelqu’un en ligne, ce qui
expliquerait que tu ne puisses t’empêcher de chatter autant sur Internet ?
Serge leva un regard coupable, « comme celui d’un enfant surpris à
voler des bonbons », se rappelle Pascale, et soupira :
— Oui, et nous nous sommes aussi parlés au téléphone.
Pascale insista pour que Serge retourne voir son conseiller. Celui-ci
continua à travailler avec lui la question du mensonge, si bien que Serge était
désormais mieux préparé à être honnête.
— Suis-je simple d’esprit pour croire que j’ai attrapé une MST toute
seule ? lui demanda Pascale.
Silence. Ce fut le pire moment de silence de sa vie. Un silence qui
répondait à sa question. Jamais elle n’oublierait ce 16 octobre 1997. Tout
d’abord, Pascale resta hébétée. Elle se retira dans le salon, prit sa Bible et
l’ouvrit au livre d’Osée : Dieu sait ce que sont la trahison et l’infidélité, se
dit-elle. J’ai besoin d’en savoir plus. Pascale n’était pas encore prête à
affronter cette situation en couple. Elle devait d’abord travailler seule. Tout
ce qu’elle pouvait dire à Serge pour l’instant, c’était :
— D’autres ont survécu à ce genre de crise. Mon désir est d’y survivre
aussi.
La torpeur de Pascale subsista pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’elle
se souvienne brusquement que la famille de Serge était attendue le
lendemain, un dimanche, pour fêter l’anniversaire de sa mère.
Serge était toujours le pasteur de l’église et elle était toujours membre de
la chorale. C’est donc un couple brisé qui arriva ce dimanche matin-là à
l’église, le cœur lourd. La détermination de Pascale à « tenir coûte que
coûte » faillit l’abandonner pendant la répétition avant le culte. Elle découvrit
en effet que tous les chants que Serge avait choisis pour la louange parlaient
de « l’amour intense et personnel de Dieu ».
« Répéter ces chants me brisait le cœur, se souvient Pascale. Je me suis
réfugiée dans une autre pièce et là, je me suis assise et j’ai pensé : Je n’y
arriverai jamais ».
Elle se ressaisit pourtant et retourna dans la salle de culte ; un bon tiers
de l’assistance était constitué de membres de la famille de Serge. Il y avait là
en particulier son beau-frère, non croyant, et atteint d’un cancer en phase
terminale.
Le moment d’intense souffrance qui suivit fut curieusement mêlé à une
profonde empathie pour cet homme. Elle fit brusquement une découverte
capitale et se surprit à prier : « Seigneur, ce que tu es en train de faire
aujourd’hui dépasse largement ma douleur. Je sais que ces chants ne parlent
pas de moi. Ils parlent de ton amour pour les perdus ».
Ainsi, en présence de la famille de son mari, Pascale chanta les chants
prévus puis écouta la prédication de Serge. Elle fut récompensée un peu plus
tard dans la même journée quand son beau-frère malade s’engagea à recevoir
Jésus-Christ dans sa vie : « Je n’oublierai jamais l’intensité de ce moment
pour moi, se rappelle Pascale. Dieu était plus grand que la souffrance qui
m’accablait ».
Secouée de sa torpeur, Pascale savait qu’elle devait commencer à
pardonner : « Je me souviens avoir regardé Serge en me disant : Je sais que je
dois te pardonner, et je vais le faire. Mais je n’étais pas inondée d’un profond
sentiment de pardon. Je faisais face à cette réalité : je devais pardonner. Je
devais entrer dans une démarche de pardon ».
Elle parla de son combat à un pasteur qui lui assura que le pardon ne
rétablissait pas automatiquement la confiance et qu’il ne supprimait pas la
douleur. Pascale apprit néanmoins que pardonner était absolument nécessaire
à sa survie et à sa croissance spirituelle : « Le Seigneur m’a appris que c’était
une question d’obéissance. Si je voulais pouvoir garder mon cœur ouvert à
Dieu tout au long de ce processus insupportable, je devais rester obéissante ».
Remarquez bien que la première préoccupation de Pascale se situait sur
un plan vertical. Elle était prête à pardonner
à son mari parce que c’était ce qu’il fallait faire pour rester en règle
avec Dieu. À ce stade, son mariage était secondaire. Le souci premier de
Pascale était d’être en règle spirituellement.
Le pardon devint une discipline constante dans sa vie, au fur et à mesure
qu’elle découvrait de nouveaux éléments de l’histoire cachée de son mari.
Elle luttait contre l’amertume. Elle aimait son rôle de femme de pasteur, elle
aimait sa communauté, et elle savait que les agissements de Serge l’avaient
dépossédée de quelque chose de très précieux.
Plusieurs mois plus tard, Serge finit par tout avouer. Il ne cacha rien. Il
révéla beaucoup de détails blessants, y compris une seconde aventure
extraconjugale dans laquelle il était encore impliqué.
Pascale savait que, d’un point de vue biblique, elle aurait eu le « droit »
de rayer Serge de sa vie et de repartir à zéro, mais elle n’a jamais vraiment
envisagé cette éventualité : « Pardonner était sans aucun doute l’option la
plus difficile, mais je n’ai jamais perçu le divorce comme la meilleure
solution ».
C’est en cela que réside la clé de sa croissance et de sa maturité
spirituelles au travers de cette dure épreuve : « J’ai toujours vécu ma vie par
conviction, et je n’ai pas peur d’emprunter le chemin le plus difficile », m’a-
t-elle dit.
C’est précisément sur ce chemin de la souffrance qu’elle a commencé à
grandir et à se rapprocher de Dieu. Elle ne choisirait jamais volontairement
de repasser par une telle épreuve, mais en ayant un esprit bien disposé et en
étant prête à pardonner, elle a connu une croissance qu’elle n’aurait jamais pu
connaître autrement : « J’ai appris que, même lorsque nous vivons des
grandes souffrances, nous ne sommes pas dispensés de nous préoccuper des
autres et d’obéir à notre appel d’être des témoins de la fidélité de Dieu ».
Malgré sa torpeur, Pascale a appris à s’oublier elle-même en se
concentrant sur ses enfants, sur le bien-être de l’église, et même sur l’âme de
Serge. Au lieu de s’emporter contre son mari, elle s’attristait davantage des
conséquences spirituelles des choix de son conjoint, que de la manière dont
ces choix l’avaient elle, affectée et offensée.
Honnêtement, je suis stupéfait ! En écoutant Pascale, j’ai l’impression
d’entendre une « sainte en devenir ». Et c’est exactement cela !
Le temps d’épreuve fut très douloureux, mais le choix du pardon a
empêché la colère et l’amertume de s’installer. Ce choix a sauvé son mariage,
ramené Serge à la raison, et fait grandement progresser Pascale sur le chemin
de la ressemblance à Jésus-Christ. Pourquoi ? Je repense à ses mots : « Je n’ai
pas peur d’emprunter le chemin le plus difficile ».
Le pardon fait partie intégrante de la nature même de Dieu. Il a enduré
une mort cruelle pour le salut de ceux qui le maltraitaient. Un tel pardon n’est
pas en nous naturellement. Il doit être appris, encore et encore, parfois à
travers des moments terriblement douloureux et des blessures profondes. Si
nous refusons d’emprunter le « chemin le plus difficile » parce qu’il est plus
pénible, nous ne grandirons jamais en maturité.
Si ma femme m’avait
Dans ce monde déchu, les
été infidèle, je pense que la
luttes, le péché et l’infidélité sont
principale difficulté aurait
inévitables. La vraie question
été de restaurer notre
est de savoir s’ils nous
intimité physique. J’ai
rapprocheront de Dieu.
demandé à Pascale :
« Comment as-tu fait pour oublier ce que ton conjoint t’avait fait ? » En
empruntant le chemin du pardon, Pascale affirme que Serge et elle ont connu
une « seconde lune de miel », vingt-cinq ans après leur mariage ! L’infidélité
de Serge fut une expérience horrible qui avait provoqué une douleur réelle et
constante. Mais elle avait choisi l’option du pardon. Elle a ainsi pu mettre en
pratique le bon conseil de François de Sales à propos du mariage (voir au
chapitre 1) :
Le mariage demande plus de vertu et de constance que
toute autre situation. C'est un exercice perpétuel de
mortification. [...] Malgré l'amertume de sa sève, ce plant
de thym vous permettra peut-être de produire le miel d'une
vie sanctifiée.
Pascale avait reçu ce suc amer. Elle l’a apporté à Dieu, qui l’a
transformé en miel spirituel dans sa vie.
J’ai vu des gens partir dans la direction opposée. Au cours d’une de mes
conférences, une femme qui souffrait de boulimie confessa son incapacité à
pardonner à son mari pour avoir jadis touché à la pornographie. Alors qu’elle
avait pris plus de cinquante kilos depuis leur mariage, son mari avait réagi
avec beaucoup de bienveillance, de douceur et de pardon à son égard. Mais
l’amertume de cette femme l’empêchait de constater les similitudes qui
existaient entre leurs deux combats. Sa propre situation l’accaparait au point
de l’empêcher d’éprouver de l’empathie pour le combat de son mari.
La clé de cette discipline de la communion, c’est de comprendre une
réalité fondamentale : chacun de nous a des luttes, et chacun de nous est
actuellement confronté à un combat qu’il n’est pas certain de remporter. Si
nous sommes mariés, nous le sommes à quelqu’un qui connaît la défaite dans
un domaine ou un autre de sa vie.
Nous pouvons répondre à ce « suc amer » en devenant nous-mêmes
amers. Mais nous pouvons aussi l’utiliser comme moyen de discipline
spirituelle en transformant ce travail en miel d’une vie sanctifiée. Dans ce
monde déchu, les luttes, le péché et l’infidélité sont inévitables. La vraie
question est de savoir si nos réactions face à ces luttes, ce péché et cette
infidélité nous permettront de nous rapprocher de Dieu, ou si, plutôt, elles
nous aliéneront de nous-mêmes, de notre Créateur et des autres.
Tomberons-nous vers l’avant, ou vers l’arrière ?
CHAPITRE 10
FAIS DE MOI UN SERVITEUR
Le mariage peut développer en nous un cœur de
serviteur

Oh combien est grande la contrainte du mariage qui


soumet même le plus fort à son vis-à-vis ; car par
contrainte mutuelle, chacun est obligé de servir. Nul ne
peut retirer son cou du joug quand bien même il le
souhaiterait, car il est sujet aux [désirs sexuels] de l'autre...
Vous voyez à quel point la servitude du mariage est
clairement établie.
— AMBROISE

L’essence du christianisme se trouve en Philippiens 2. Paul nous y


exhorte à ne rien faire « par rivalité ou par vaine gloire, mais dans l’humilité,
estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de
considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Philippiens
2 : 3-4).
Paul met la barre encore plus haut en nous encourageant à imiter Jésus-
Christ, « lui qui, dès l’origine, était de condition divine, [...] il s’est dépouillé
lui-même, et il a pris la condition du serviteur » (Philippiens 2 : 6-7 –
Semeur).
Être chrétien, c’est s’engager volontairement à devenir un serviteur. Il ne
s’agit pas juste d’adhérer oralement à quelques points de doctrine. Nous
sommes censés agir de telle sorte que nous plaçons autrui au-dessus de nous-
mêmes. Il nous est interdit de nous élever dans le seul but d’accroître notre
confort ou notre renommée. Otto Piper affirme que le mariage a ainsi la
capacité de créer en nous un cœur de serviteur. Il le décrit comme « le désir
réciproque qu’ont deux personnes d’endosser la responsabilité l’une de
l’autre1 ».
C’est précisément cet appel à devenir des serviteurs qui rend le mariage
si profitable spirituellement, mais aussi si difficile à vivre au niveau
personnel. J’avais à peine vingt-deux ans quand j’ai demandé à Lisa de
devenir ma femme. Mon désir de l’épouser était alors principalement motivé
par ce que je pensais qu’elle apporterait à notre vie de couple. Elle était jolie,
on avait du plaisir à être ensemble, elle aimait Dieu. Je pense que, de son
côté, elle avait adopté la même démarche : Ce jeune homme pourra-t-il
subvenir à mes besoins ? Est-ce que je le trouve beau ? Fera-t-il un bon
père ?
Il n’y a rien de mal à se
Être chrétien, c’est s’engager de
poser ce genre de questions,
plein gré à devenir serviteur.
mais dès la cérémonie
terminée, si nous voulons bâtir un mariage vraiment fondé sur la Bible, il
nous faut faire un demi-tour complet et nous poser la question suivante :
« Comment puis-je servir mon conjoint ? »
Au cours des siècles passés, les hommes se sont rarement posé cette
question. Il était généralement admis que le rôle de la femme était de servir
son mari dans tous les domaines de sa vie. Dans notre société, cette vision
des choses est désormais remise en question. Certes, certaines positions
féministes ont débouché sur des décisions dramatiques sur le plan éthique :
légalisation et dérégulation de l’avortement, mépris exprimé envers les rôles
distincts réservés aux deux sexes, etc. Toutefois, le combat pour que les
femmes ne soient plus considérées comme les servantes des hommes d’une
manière unilatérale s’est couvert d’une connotation prophétique.
Au lieu d’entendre l’appel adressé aux hommes et aux femmes de
devenir serviteurs les uns des autres, les femmes ont bien souvent entendu un
appel à devenir aussi préoccupées d’elles-mêmes et aussi égocentriques que
l’étaient déjà les hommes.
Gary et Betsy Ricucci mettent le doigt sur le cœur du problème :
Contrairement à ce Mon désir de l’épouser était
que la société veut alors principalement motivé par
nous faire croire, la ce que je pensais qu’elle
femme n'a pas été apporterait à notre mariage.
créée en vue de son
épanouissement personnel (et l'homme non plus !). Elle a
été créée pour prendre soin et pour accompagner. Ce n'est
certes pas une mission facile à accepter. La tentation est
grande de s'offusquer et de penser : Il doit y avoir quelque
chose de plus important à faire que cela ! Quelle femme au
foyer ne s'est pas demandé un jour, après la cinquantième
lessive de la semaine ou devant un évier à nouveau plein
de vaisselle sale : À quoi sert vraiment ce que je fais ici ?
Quelle est son importance ? Et pourtant, aux yeux de Dieu,
rien n'a plus de valeur que d'agir en serviteur. Le chemin
de la vraie grandeur passe par le service.
C'est tout naturel de rechercher le pouvoir et la
reconnaissance. C'est surnaturel de vouloir devenir
serviteur de notre prochain. De nos jours, en raison de leur
recherche constante de « ce qui a de l'importance »,
beaucoup de femmes passent à côté de cette dimension
surnaturelle. L'ironie, c'est que leur quête de « ce qui est
important » leur procure un sentiment d'insatisfaction
toujours croissant. Pourquoi ? Parce que le sens de la vie
se trouve lorsque nous offrons notre vie et non pas en
recherchant égoïstement notre bonheur personnel2.

L'amour d'un homme : service et sacrifice


Lors d’un séjour dans une faculté de théologie à Vancouver, en
Colombie-Britannique, j’ai été vivement repris dans ma manière de me
comporter avec ma femme. J’étais alors devenu, pendant plusieurs mois,
l’assistant personnel du professeur Gordon Fee. C’était cet homme qui
m’avait appris tout ce que je savais sur l’art et la manière de prêcher avec
éloquence. J’avais lu plusieurs de ses ouvrages et en particulier découvert les
merveilles de la première lettre de Paul aux Corinthiens. Mais à présent,
j’étais sur le point d’apprendre quelque chose sur mon rôle de mari. Le
professeur et sa femme avaient invité quelques étudiants et leurs épouses
pour le dessert. Ma femme Lisa attendait alors notre premier enfant, et cela se
voyait.
Dès que Lisa franchit la porte, le Dr Fee se leva d’un bond :
— Venez, dit-il, prenez le meilleur fauteuil.
Ses paroles étaient empreintes de sincérité et d’un réel intérêt envers
Lisa. Ma femme, bien qu’étonnée de cette attention, s’approcha du fauteuil et
s’assit. Je m’assis à côté d’elle, et fus bientôt embarrassé de constater que le
Dr Fee était toujours debout.
— Puis-je vous chercher un coussin pour votre dos ? lui demanda-t-il.
— Non, c’est parfait, répondit Lisa.
— Un verre d’eau ? Voulez-vous boire quelque chose ?
— Avec plaisir, dit Lisa.
Le Dr Fee se précipita vers la cuisine et revint avec un grand verre
d’eau :
— Est-ce que la température vous convient ? demanda-t-il. Fait-il trop
chaud ou trop froid pour vous ? Aimeriez-vous surélever vos pieds ?
Lisa était sur le point de rougir, et moi j’étais mort de honte. Jamais je
n’avais servi ma femme comme mon professeur de théologie la servait à ce
moment-là. En voyant son empathie, son empressement et son désir d’être
entièrement à la disposition de mon épouse, mes yeux s’ouvrirent. Je venais
de voir le cœur d’un serviteur, et je réalisai que j’avais encore beaucoup de
chemin à parcourir pour grandir en maturité en tant que mari.
Recevoir une leçon de mon professeur de théologie était une chose, en
recevoir une d’un sportif professionnel de haut niveau en fut une autre.
Chris Spielman a joué au football américain pendant vingt-six de ses
trente-trois années de vie. Il prenait plaisir à la compétition. Il s’entraînait
durement, parfois à l’excès quand il décidait de dormir nu avec la
climatisation au maximum afin de mieux préparer son corps au vent glacial
soufflant dans le stade de Buffalo en hiver.
À l’âge de dix-sept ans, il avait rencontré Stéphanie, qu’il avait épousée
six ans plus tard, en 1989. Stéphanie était une très jolie jeune fille. Avant de
devenir mère au foyer à plein temps, elle avait travaillé comme mannequin.
Quelques années plus tard, alors que Chris s’entraînait en vue de la
prochaine saison de compétition, un médecin lui annonça la mauvaise
nouvelle que tous les couples mariés redoutent d’entendre : Stéphanie
souffrait d’un cancer du sein. L’ex-mannequin opta pour la mammectomie
suivie de six semaines de chimiothérapie, pendant lesquelles elle perdit tous
ses cheveux.
En signe de solidarité, Chris se rasa la tête. Mais surtout, il suspendit
tous ses engagements sportifs pour une année afin de pouvoir s’occuper de
leurs deux enfants, alors âgés de moins de cinq ans, jusqu’à l’amélioration de
l’état de santé de Stéphanie : « Je savais que c’était un test pour moi, un
moment clé de ma vie, a raconté Chris au magazine People3. [Stéphanie] m’a
toujours soutenu à 100 %. Je lui devais bien ça ».
Stéphanie ne voulait pas de ce sacrifice : « Je n’avais jamais pleuré à
cause du cancer ou de la souffrance, avoua-t-elle. Mais j’ai pleuré quand j’ai
vu ce que Chris avait fait ».
Depuis, au lieu de regarder les matches à la télévision et de s’entretenir
longuement avec les entraîneurs, Chris se lève tôt chaque matin pour nourrir
les enfants (il a découvert que son aîné ne supporte pas que les aliments se
touchent dans son assiette) puis, quand son petit-déjeuner est prêt, il va
réveiller Stéphanie. Ensuite, il s’occupe de la lessive, conduit les enfants à
leur leçon de gymnastique, et s’assure que Stéphanie prend bien ses
médicaments.
Je ne sais pas si Chris est chrétien ou non. Une chose est certaine, il a
appris à se sacrifier pour son épouse, et à vivre selon l’exhortation de Paul en
Éphésiens 5 : 25, selon laquelle les maris doivent aimer leur femme comme
Christ a aimé l’Église. Et Paul d’expliquer, de manière plutôt explicite
encore, comment Christ a aimé l’Église : en donnant sa vie pour elle. Chris a
raconté au magazine GQ :
Pendant dix ans, tout tournait autour de moi. Ma carrière
passait toujours en premier. Stéphanie a fait tous les
sacrifices possibles pour me soutenir inconditionnellement.
[...] Quelle sorte de mari aurais-je été si je n'avais pas tout
abandonné au profit de Stéphanie quand elle est tombée
malade ? Est-ce que je voulais que ce soit sa sœur qui lui
tienne la main lorsqu'elle souffrait, parce que je ne pouvais
pas être là ? Est-ce que je voulais que sa mère soit obligée
de s'asseoir à ses côtés à l'hôpital pendant que les
médecins lui enfonçaient des aiguilles dans le corps pour
lui injecter toutes sortes de produits chimiques ? Ou est-ce
moi qui voulais être là ? C'est ma famille. C'est ma
responsabilité. C'est mon foyer. C'est mon devoir4.
C. J. Mahaney exhorte les hommes à retrouver ce sens du sacrifice en
leur rappelant qu’un sacrifice n’est réellement un sacrifice que lorsqu’il coûte
quelque chose. Puis il poursuit : « Messieurs, que faites-vous
quotidiennement pour votre femme qui soit un sacrifice ? Que faites-vous
quotidiennement pour votre femme qui soit pour vous coûteux5 ? » Dans son
style si caractéristique, Mahaney ne cesse de réaffirmer ce que la grâce a fait
naître dans son cœur : « Vais-je me contenter de profiter de la sainteté de ma
femme, ou chercher à ressembler à celui qui a donné sa vie pour moi ? »
Pour illustrer son enseignement, il explique ensuite que, pour lui, c’est
un sacrifice de s’attarder à parler des « petits détails de la journée » avec sa
femme, le soir venu : « Quand la journée se termine, je n’ai pas envie de la
revivre, avoue-t-il, mais c’est mon point de vue égoïste... Mon silence ne
comble pas les besoins de ma femme, et ne génère pas non plus d’intimité ».
Le Dr Kevin Leman Le mariage instaure une
aime dire qu’il n’a jamais situation au sein de laquelle
encore rencontré d’homme notre désir d’être servi et choyé
qui, à la fin d’une longue peut être remplacé par le désir
journée de travail, pense plus noble de se mettre au
sincèrement : « Ce dont j’ai service des autres.
vraiment besoin à présent,
c’est d’une longue conversation avec ma femme ». Or, c’est justement là
qu’il peut retirer un réel bénéfice spirituel, parce que cela lui coûte quelque
chose. Il apprend à se sacrifier.
En 1998, j’ai été invité à parler dans une université sur le thème :
« Jésus : libérateur de la femme ou sexiste ? » Aux dires d’un étudiant, le
sujet le plus scandaleux que j’ai abordé était celui de la « soumission
mutuelle ». Certains de ces étudiants avaient tellement baigné dans une
atmosphère de « Pense à toi, occupe-toi de toi d’abord, tu es la personne la
plus importante au monde » que l’idée même de se soumettre à quelqu’un les
choquait au plus haut point. Selon eux, les mots « sacrifice » et « relation »
s’excluaient mutuellement. Les paroles de Paul sont tout à fait radicales dans
le contexte de la société actuelle.
Le mariage instaure une situation dans laquelle notre désir d’être servi et
choyé peut être remplacé par le désir plus noble de se mettre au service des
autres, voire même de se sacrifier pour les autres. Cet appel s’adresse tant aux
maris qu’aux femmes. La beauté du mariage réside en ce qu’il s’oppose à
notre égoïsme et exige notre service vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et
quand nous sommes particulièrement fatigués, épuisés et plus enclins que
jamais à nous plaindre de notre sort, nous avons l’opportunité de faire face à
cet apitoie- ment sur nous-mêmes en nous levant et en nous mettant au
service de notre conjoint.

La marque du mariage chrétien


C’est précisément cette notion de sacrifice et de service qui aidera les
couples mariés à retrouver une vraie spiritualité. Dietrich Bonhoeffer a écrit :
« Le mariage chrétien est caractérisé par la discipline et le renoncement à soi.
[...] Le christianisme ne dévalorise donc pas le mariage, il le sanctifie6 ».
C’est un domaine dans lequel la spiritualité chrétienne a
traditionnellement fait preuve de faiblesse. En effet, pendant des siècles, la
spiritualité chrétienne a été pratiquement synonyme de « spiritualité du
célibat ». Mary Oliver s’oppose à cette vision des choses qu’elle qualifie
« d’inappropriée, voire même de nuisible, en particulier pour les couples ».
Elle poursuit en définissant la spiritualité du célibat comme « tout style de vie
religieuse qui exclut totalement les relations sexuelles, et dont le devoir
premier concerne notre propre personne, et dont l’idéal relationnel est décrit
par une grande flexibilité et disponibilité sans attaches7 ».
La définition d’Oliver peut sembler un peu sévère. Cependant, n’avez-
vous pas le sentiment que le principe d’une vie centrée sur soi-même paraît
diamétralement opposé à tout l’enseignement de Jésus, si tourné vers les
autres ? Certes, bien des moines et des sœurs ont su vivre dans la grâce et la
générosité, faisant preuve d’une véritable compassion envers les autres. Se
donner ainsi entièrement et sans réserve au Seigneur est considéré honorable.
Mais serait-ce moins honorable, pour un homme ou pour une femme, de
vouloir non seulement se donner au Seigneur, mais également à un autre être
humain, afin de servir à ses côtés durant toute une vie, et d’élever avec lui des
enfants qui, un jour, apprendront à leur tour à aimer et servir le Seigneur et
autrui ?
Si cette vérité a échappé à tant de gens pendant si longtemps, c’est
qu’une majorité de couples ne se marient pas avec l’idée de devenir serviteurs
l’un de l’autre. Le mariage est souvent perçu comme une relation égoïste car
les raisons qui poussent quelqu’un à se marier sont fréquemment égoïstes.
Pourtant, je souhaiterais vous rappeler que le mariage est l’une des
dimensions les plus altruistes dans lesquelles un chrétien peut entrer.
Pour pleinement sanctifier la relation du mariage, nous devons nous
conformer à Jésus, qui pratiquait quotidiennement la discipline du sacrifice et
du service. Pour nous, Jésus a donné son corps ; pour ceux qui nous entourent
nous devons aujourd’hui donner notre énergie, nos corps, et nos vies.
Kathleen et Thomas Hart parlent de « mystère pascal » du mariage, en
référence au processus de mort et de résurrection au cœur de la vie d’un
couple marié. Chaque jour, nous devons mourir à nos propres désirs et
ressusciter en serviteurs. Nous sommes appelés à nous identifier aux
souffrances de Jésus sur la croix, puis à nous revêtir de la puissance du Christ
ressuscité. Nous mourons à nos attentes, nos exigences et nos craintes. Nous
ressuscitons pour les compromis, le service et le courage.
Vue sous cet angle, pour un chrétien, une demande en mariage est une
offre, pas une requête. En effet, au lieu de dire : « Feras-tu cela pour moi ? »
lorsque nous invitons l’autre à s’engager dans la relation du mariage, la vraie
question devrait être : « Accepteras-tu ce que j’aimerais te donner ? »
Si le mariage est abordé quotidiennement de cette manière, aucun des
partenaires n’aura de motif d’être déçu, puisque chacun se préoccupera avant
tout d’accomplir au mieux son devoir de service envers son conjoint.

Être « dignes »
Ne l’oublions pas, le service est une discipline spirituelle que nous
devons à Dieu, et qui ne peut être mise en pratique qu’en l’exerçant envers
notre prochain. Que j’aie ou non l’impression que les gens que je sers en sont
« dignes », je sais depuis bien longtemps que Dieu m’a appelé à le servir à
travers eux. Pendant des années, j’ai travaillé dans une association qui venait
en aide aux femmes vivant une grossesse non désirée. Dans l’esprit de
certains, ces femmes ne méritaient pourtant pas d’être aidées puisqu’elles
« récoltaient simplement ce qu’elles avaient semé ».
Certes, beaucoup de gens se retrouvent dans des situations difficiles
suite à leurs mauvais choix et à leurs péchés. Mais Jean voit les choses
autrement :
Si quelqu'un possède les biens du monde, qu'il voie son
frère dans le besoin et qu'il lui ferme son cœur, comment
l'amour de Dieu demeurera-t-il en lui ?
— 1 JEAN 3 : 17
Jean ne précise pas si le frère ou la sœur dans le besoin est sans péché.
Son enseignement est bien plus direct : leurs besoins déterminent nos
obligations. Il est question ici de l’amour de Dieu, non pas d’une évaluation
ou d’un jugement humain.
Dieu m’a aimé et m’a
À tout instant de la journée,
demandé d’aimer les autres
quelle que soit l’attitude de mon
en retour. C’est pour cette
conjoint envers moi, je suis
raison que je leur tends la
appelé à réagir en serviteur.
main, et non pas parce qu’ils
sont « dignes » d’être aimés ou parce qu’ils me remercieront un jour. Je n’ai
pas à juger de leur dignité : j’en suis de toute façon totalement incapable.
Mon rôle est d’aimer Dieu en aimant les autres.
Dieu est toujours digne d’être obéi et servi. Ainsi, lorsque j’obéis à
Dieu, ceux que je sers n’ont pas à le mériter : ils bénéficient de ce que, moi,
je dois à Dieu. Cette vérité est difficile à mettre en pratique dans le contexte
du mariage car les exigences et les attentes y sont nombreuses. Je m’efforce
donc de me souvenir que Dieu est toujours digne d’être obéi, et qu’il
m’appelle à servir mon épouse. À tout instant de la journée, quelle que soit
l’attitude de mon conjoint envers moi, je suis appelé à réagir en serviteur.
L’exemple de Jésus m’a interpellé à maintes reprises. Aucun disciple ne
méritait que Jésus lui lave les pieds lors du dernier repas : ils allaient tous
l’abandonner quelques heures plus tard. Pourtant, Jésus l’a fait (voir Jean 13
1-17), et il a même lavé les pieds de Judas qui s’apprêtait à le trahir.
Dieu ne dit pas d’aimer seulement ceux qui le méritent, ou de ne servir
que ceux qui nous servent en retour. Si vous vivez un mariage « à sens
unique », où vous avez l’impression de donner sans cesse et de ne rien
recevoir en retour, je compatis à votre douleur. Vous pouvez toutefois tirer
profit d’une telle situation en orientant davantage votre vie sur Dieu.
Souvenez-vous que votre situation peut vous permettre de progresser
spirituellement à pas de géant. Si le service est au cœur du message chrétien,
toute situation qui développe votre esprit de serviteur est digne d’être vécue,
même s’il s’agit d’un mariage à sens unique.
Ne nous contentons pas Notre service peut être le fruit
d’accepter cette vérité à de mauvaises motivations.
contrecœur : le service
chrétien doit aussi s’effectuer avec un esprit bien disposé.

L'esprit de service
L’un des grands défis de notre foi, c’est de mettre en pratique
l’enseignement des Écritures, qui souligne l’importance de nos motivations.
Jésus a dit que nous pouvons faire de bonnes choses (faire une offrande, par
exemple) avec de mauvaises raisons (se mettre en avant), auquel cas nous
perdons notre récompense (voir Matthieu 6 : 1-4). Notre service peut, sans
aucun doute, être le fruit de mauvaises motivations.
Il est tout à fait possible qu’un conjoint rende un service dans le but
d’affirmer sa supériorité :
Les fortes personnalités sont tentées d'assumer
unilatéralement l'entière responsabilité de leur mariage. Au
lieu de demander à leur partenaire d'effectuer l'un ou
l'autre service, ces conjoints veulent tout faire par eux-
mêmes. Même si cela ressemble à de l'amour sacrificiel, il
s'agit en fait d'un profond désir de dominer l'autre8.
« Servir », c’est aussi permettre à votre conjoint de donner, si tel est son
désir. Le service ne consiste donc pas uniquement à laver les pieds de l’autre,
mais aussi à le laisser parfois, à son tour, nous laver les pieds.
Le vrai service doit également être volontaire. Servir à contrecœur et en
ronchonnant, ce n’est pas servir. J’ai certaines habitudes qui agaceraient la
grande majorité des lectrices : par exemple, j’aime regarder un film comme je
lis un livre. Au lieu de visionner un film de deux heures d’une seule traite, je
le regarde sur deux ou trois soirées. La première séance me permet de me
familiariser avec les personnages, la deuxième de bien comprendre l’intrigue
et la troisième, d’assister au dénouement. Je peux ainsi avoir du temps pour
réfléchir au film et aller chaque soir me coucher de bonne heure.
Un jour, j’ai loué un
Il existe une vraie joie qui jaillit
film et j’ai commencé à le
d’un vrai service offert d’un
visionner à mon rythme :
cœur vrai.
une partie le samedi, une
autre partie le dimanche soir, etc. Ce soir-là, alors qu’il commençait à se faire
tard (en tout cas pour moi !), j’ai dit à Lisa que je pensais aller bientôt au lit et
que je finirais de regarder le film lundi.
— J’ai presque fini le repassage, me répondit-elle. Regarde encore un
petit bout du film avec moi.
J’ai accepté et regardé un quart d’heure supplémentaire. Mais Lisa
n’avait toujours pas fini son travail.
— Je vais aller me coucher, lui ai-je dit. Rien ne t’empêche de continuer
à regarder. Je retrouverai facilement l’endroit où je me suis arrêté. Si je reste
debout plus longtemps, je risque d’être de mauvaise humeur demain matin.
J’aurais certes pu « servir » Lisa en restant avec elle jusqu’à ce qu’elle
ait fini son repassage. Toutefois, je connais aussi mes limites et, si mon
service commence à se teinter de ressentiment, je ne sers plus Dieu. Le vrai
service chrétien est offert sans compter.
J’ai appris à surveiller non seulement mes actions de serviteur, mais
aussi mon esprit de serviteur. Si je sers Lisa en poussant des soupirs excédés
ou en ronchonnant chaque fois que je lève le petit doigt pour elle, je démontre
un esprit d’orgueil et de faux martyr, bien éloigné de l’attitude de Jésus-
Christ.
Je reviens à cette scène de Jésus en train de laver les pieds de Judas.
Croyez-vous que Jésus ait frotté les orteils de Judas avec rudesse ? Pensez-
vous qu’il lui ait légèrement tordu la cheville, histoire de lui faire comprendre
qu’il savait très bien ce qui allait se passer ? Je ne le crois pas.
Si le mariage est effectivement un espace où le service est offert sans
compter, chaque partenaire jouera néanmoins son rôle de serviteur
différemment. À travers plus de quinze années de mariage, Lisa et moi avons
développé quelques habitudes désormais devenues confortables pour l’un et
pour l’autre. Quand nous rentrons de voyage, Lisa va invariablement vérifier
les messages laissés sur le répondeur pendant que je décharge la voiture. Ou
encore, avant de partir en déplacement, je veille toujours à faire le plein de la
voiture de Lisa, chose qu’elle a horreur de faire elle-même.
Lorsque nous regardons
Le vrai service chrétien est
un film ensemble, je me
offert sans compter.
contente de m’affaler dans le
canapé pendant qu’elle plie le linge. Cela ne dérange aucun de nous deux.
Nous ne voulons pas nous limiter à reproduire les actions de Jésus dans
notre foyer. Nous voulons aussi prendre comme exemple son esprit et son
attitude. Il y a un temps pour servir et un temps pour se laisser servir.
La beauté de cet engagement tient notamment à ce qu’il nous permet, à Lisa
et à moi, de dépendre de Dieu plutôt que de l’autre. Si Lisa me sert
fidèlement quand je suis de mauvaise humeur et qu’en retour, je ne prends
pas la peine de lui témoigner ma reconnaissance, elle reçoit malgré tout, de
Dieu, un sentiment intérieur d’approbation. Elle connaîtra la joie de sa- voir,
par ce témoignage intérieur, que son Créateur est content d’elle.
Devenir un serviteur, c’est devenir radicalement solide spirituellement.
C’est ne plus être esclave des revendications et griefs insignifiants qui
gâchent tant de vies et transforment tant de cœurs en réservoirs d’amertume,
d’égocentrisme et d’apitoiement sur soi.
Il existe une vraie joie qui jaillit d’un vrai service offert d’un cœur vrai.

L'argent, toujours l'argent


Servir son conjoint ne se limite pas à donner un coup de main
occasionnel pour faire la vaisselle ou « donner congé » à votre épouse pour
lui permettre d’aller faire un peu de shopping pendant que vous gardez les
enfants. L’esprit de service s’étend à chaque domaine du mariage : la manière
dont nous gérons notre temps et notre argent en fait donc aussi partie. Dan
Allender et Tremper Longman ont si bien traité ce sujet que je ne peux que
les citer :
L'argent est l'instrument du pouvoir. La plupart du temps, le
problème n'est pas tant l'argent lui-même que le pouvoir
qu'il représente. La question n'est pas de savoir qui est le
plus digne de confiance, ou qui désire le plus ardemment
se sacrifier pour l'autre : il s'agit avant tout de savoir qui
contrôle le moyen le plus concret d'orienter le programme
de la famille.
Le temps devient également un moyen de pression. Faut-il
que l'épouse travaille à l'extérieur, si cela oblige son mari à
s'occuper des enfants quand il rentre du travail ? Le mari
passe-t-il tant de temps avec ses collègues qu'il en néglige
sa femme ?
Ces conflits à propos du temps et de l'argent cachent le
problème fondamental : sommes-nous prêts à nous
sacrifier pour le bien et la gloire de l'autre ? Les disputes
sur des questions de temps ou d'argent reflètent
généralement notre désir de « posséder » notre existence
plutôt que de mettre nos richesses et notre vie au service
d'autrui. « Qui va aller chercher les enfants à l'école ? » : il
s'agit de déterminer quelle est la valeur du temps de
chacun. Qui travaille le plus dur ? Qui obtient le moins de
reconnaissance pour ce qu'il fait ? Le partage des tâches
et des responsabilités est une bonne chose. Il faut toutefois
veiller à identifier les racines plus profondes des querelles
blessantes qui éclatent à propos de choses apparemment
insignifiantes9.
La prochaine fois que vous vous disputez au sujet d’une question de
temps ou d’argent, arrêtez-vous un instant et réfléchissez : n’avez-vous pas
demandé à Dieu de vous aider à ressembler davantage à Jésus-Christ ? C’est
un test pour vous. Posez-vous honnêtement la question : suis-je en train de
jouer un petit jeu de pouvoir ou d’utiliser les réalités parfois déplaisantes de
la vie pour pousser ma nature têtue vers un esprit de service ?
Comment un mari ou une femme peut-il utiliser son temps ou son
argent, non pour manipuler ou dominer l’autre, mais pour le servir ? En
appréciant le conjoint et en cherchant à le comprendre, en s’oubliant soi-
même et en refusant de supposer que son propre travail, son temps et ses
besoins ressentis sont plus importants que tout.
Comment puis-je dépenser mon argent dans un esprit de service ? Notre
manière de dépenser l’argent témoigne directement de nos motivations, de
nos priorités et de nos attentes fondamentales. En tant que chrétiens,
souvenons-nous que, pour être totalement épanouis, nous devons mettre tout
ce que nous possédons, et donc aussi notre temps et notre argent, au service
de Dieu, de notre conjoint, puis des autres. Cet engagement élimine de facto
tous nos petits jeux de pouvoir. Si j’humilie ma femme en lui faisant bien
remarquer à quel point je suis indispensable à la bonne santé financière de
notre foyer, ou si elle me fait bien sentir combien je suis très limité dans le
domaine des tâches ménagères, nous ne nous rabaissons pas seulement l’un
l’autre : nous nous appauvrissons aussi nous-mêmes. Nous détruisons notre
communion en oubliant que chaque partie a sa place dans le corps de Christ
(1 Corinthiens 12 : 14-31).
Certains de nos petits sacrifices échapperont entièrement à notre
conjoint : ils ne seront jamais récompensés et, au fil du temps, seront
probablement de plus en plus difficiles à accomplir. Néanmoins, si nous
préservons notre cœur de l’amertume et du ressentiment, nous recevrons
l’approbation de la source la plus importante qui soit : de notre Père céleste
lui-même.
De la même manière que notre esprit de service influence directement
notre façon de dépenser notre temps et notre argent, de même, il influence
notre relation avec notre conjoint dans le domaine de la sexualité. Le lit
conjugal met également nos capacités à servir à l’épreuve.

Le pouvoir absolu : source de corruption ou de service ?


En réponse à un journaliste qui lui demandait ce qu’il ferait s’il avait à
choisir entre son club de golf préféré et sa femme Viviane à laquelle il était
marié depuis quarante-deux ans, le célèbre golfeur Gary Player s’exclama :
« Je suis certain qu’elle me manquerait ! » À son retour à l’hôtel, Player
trouva sa chambre vide et, posé sur le lit, son club de golf bien-aimé, drapé
d’un superbe négligé sexy.
De par sa nature, le désir sexuel confère un immense pouvoir
relationnel. La seule satisfaction sexuelle à laquelle l’époux chrétien peut
légitimement goûter dépend directement de ce que son partenaire veut bien
lui offrir. La manipulation et le rejet deviennent ainsi les spectateurs
permanents du lit conjugal. En effet, à défaut d’autre exutoire légitime, le
rejet physique par son conjoint se transforme en rejet absolu. (De plus, le fait
de placer une charge sexuelle insupportable sur le conjoint pour essayer de
combler d’autres besoins inassouvis peut aussi s’apparenter à une
manipulation par abus de pouvoir.)
Un vieil adage dit :
Le lit conjugal met également à
« Le pouvoir corrompt, le
l’épreuve nos capacités à servir.
pouvoir absolu corrompt
absolument ». Cette vérité se révèle particulièrement juste dans le micro-
environnement du mariage. Dans la vie, peu de chose égale le pouvoir absolu
du désir sexuel au sein du mariage. Parfois, quand je suis de mauvaise
humeur, le simple fait de savoir que ma femme a envie de moi me pousse à
rejeter méchamment ses avances. Ce faisant, j’use de mon pouvoir de
manière ignoble et tyrannique : « Tant pis pour toi : j’ai ce que tu veux, mais
tu ne l’auras pas ! » Cette dictature au cœur de la relation fait usage du
pouvoir pour détruire, condamner et haïr.
En contraste, la dernière nuit de Jésus est un bel exemple d’utilisation
tout à fait appropriée du pouvoir. En Jean 13, nous apprenons que « Jésus
savait aussi que le Père avait remis entre ses mains le pouvoir suprême sur
toutes choses » (Jean 13 : 3 – Parole vivante). Pourtant, au lieu d’agir en
tyran malveillant, Jésus s’est levé au cours du repas, et a lavé les pieds de ses
disciples. Au lieu d’utiliser son pouvoir pour bouder, punir ou jubiler, Jésus
s’en est servi pour servir.
La beauté spirituelle de la sexualité devient évidente lorsque nous
servons notre conjoint, répondant avec amour à ses besoins et à ses désirs
physiques. Tout le sens spirituel de la sexualité chrétienne se retrouve dans ce
service. Nous détenons un pouvoir sur l’autre. Si nous l’utilisons de manière
responsable, appropriée et bienveillante, nous grandissons en Christ, nous
devenons davantage comme Dieu et confirmons le fait que nous avons été
créés pour aimer Dieu en servant notre prochain.
Que la sexualité se transforme en célébration du service de l’autre, ou
qu’elle devienne plutôt un espace de discorde constant dépend principalement
de la capacité de l’un ou des deux partenaires à s’oublier soi-même. Les
relations sexuelles deviennent ainsi un excellent terrain d’entraînement où
deux chrétiens peuvent mettre en pratique leur foi. Il n’est pas exagéré de dire
que la vraie nature de notre caractère spirituel se révèle pleinement au cours
des rapports sexuels.
Si notre sexualité cesse de prendre la forme d’un échange réciproque,
elle devient spirituellement anémique. Un des problèmes majeurs liés à
l’éveil à la sexualité des adolescents et de tout ce qui a trait à la pornographie
et de ses dérivés, c’est bien l’absence de la notion du don de soi. L’accent est
mis sur les expériences, les sensations vécues, le désir d’appréhender les
mystères du sexe, soit en un mot, sur le fait de recevoir.
Il est tellement facile d’emprunter des raccourcis dans ce domaine, si
désastreux pour notre spiritualité. La sexualité nous rend capables de donner
d’une manière incroyablement unique et humaine à la fois. Elle est pourtant
plus souvent utilisée dans le but de prendre, d’exiger, de contraindre,
d’humilier et de blesser.
Posez-vous
La sexualité nous rend capables
honnêtement ces questions :
de donner d’une manière
ai-je plutôt tendance à me
incroyablement unique et
donner ou à me refuser
humaine à la fois.
sexuellement à mon
conjoint ? Les relations sexuelles sont-elles quelque chose que j’exige ou que
j’offre ? M’arrive-t-il d’utiliser la sexualité comme un outil de manipulation
ou est-elle avant tout le moyen d’expression d’un amour généreux de ma
part ? Et si Dieu n’évaluait que ma vie sexuelle, serais-je considéré comme
un chrétien mature ou un quasi-païen ?
Bien des livres ont été écrits pour nous aider à maîtriser le côté
technique de la sexualité, et certains ont peut-être leur place. Cependant, le
vrai défi de la sexualité réside avant tout dans la maîtrise de sa dimension
spirituelle. Une vie sexuelle mature, saine, généreuse, et dénuée d’égoïsme
n’est pas chose aisée à développer dans le temps. Elle crée pourtant un
environnement propice à une formidable croissance spirituelle.
Amputez la sexualité de sa dimension de service, et elle devient
l’antithèse d’une vie ascétique, bien contrôlée et disciplinée. Par contre,
placée dans le contexte du service du prochain, elle mène au sommet de la
maturité spirituelle. Elle rend capable d’utiliser le plaisir ultime de l’être
humain pour servir plutôt que d’exiger, exploiter ou abuser. Le philosophe
catholique Dick Westley observait : « La réalité, c’est que l’activité sexuelle,
lorsqu’elle est une réelle manifestation d’amour et de l’œuvre de l’esprit, est
l’antithèse de la complaisance. Elle est le summum de l’ascétisme10 ».
N’est-ce pas merveilleux que Dieu puisse utiliser des choses aussi terre à
terre et humaines que le désir sexuel ou les frustrations financières pour nous
faire grandir spirituellement ? Apprenez à donner sexuellement plutôt qu’à
prendre ; réduisez vos propres exigences et soyez plus sensible aux exigences
de votre conjoint. Votre vie spirituelle en bénéficiera largement car vous
apprendrez ainsi le renoncement à vous-même. Jour après jour, vous imiterez
ainsi Jésus-Christ en revêtant la nature d’un serviteur : c’est votre vocation de
chrétien.
Quel bonheur de connaître, entre mari et femme, une vie sexuelle
épanouie, riche et même excitante ! Et il n’y a rien de mal à en faire l’un des
objectifs de de votre couple. Toutefois, côte à côte, ou devrais-je dire, par-
delà cet objectif, vous devez chercher d’abord à devenir un meilleur chrétien.
Que le lit conjugal soit donc votre terrain d’entraînement pour apprendre à
vous servir mutuellement et à renoncer à vous-même ! Les bénéfices
spirituels seront nombreux.
Cette même motivation peut s’appliquer à tous les aspects de votre vie
conjugale. Qu’il s’agisse des tâches ménagères, des moments de
conversation, des questions de temps ou d’argent, abordez chacun de ces
domaines du mariage avec le désir de grandir dans votre capacité à donner
généreusement. Priez que Dieu utilise ces choses pour déraciner votre
égoïsme et pour vous apprendre à devenir doux, miséricordieux, aimable et
bienveillant.
Ressembler toujours plus à Jésus est l’essence même du christianisme,
mais aucun de nous ne peut sincèrement prétendre être devenu maître dans le
domaine du service. Notre mariage nous fournit quotidiennement des
occasions d’avancer plus loin dans cette direction.
CHAPITRE 11
UNE SEXUALITÉ SAINTE
Une sexualité qui favorise la croissance spirituelle et le
développement du caractère

Comme toutes les choses réellement mystiques, l'amour


est enraciné, profondément et avec raison, dans ce monde
et dans cette chair.
— KATHERINE ANNE PORTER
Dons d'un Créateur aimant, nos corps ne font pas obstacle
à la grâce. Si nous pouvions vraiment l'accepter, nous
connaîtrions alors Dieu, même dans les délices ambigus
de notre sexualité.
— EVELYN ET JAMES WHITEHEAD
Nous découvrons Dieu dans le contact de nos corps, pas
seulement dans les soupirs de nos âmes.
— EVELYN ET JAMES WHITEHEAD
J’étais alors au collège et me dirigeais vers un groupe de camarades,
quand mon meilleur ami sortit du cercle et m’arrêta :
— Non, dit-il. Il vaut mieux que tu ne voies pas ça.
— Qu’est-ce que tu racontes ? lui demandais-je, blessé que ce soit lui
qui me repousse ainsi.
— C’est pas pour toi tout ça...
J’appris plus tard qu’il m’avait tenu à l’écart d’un livre qui faisait le tour
de l’école. Son contenu ? Quelque chose lié au sujet du sexe, rempli de
photos ; ses pages bien abîmées témoignaient du fait qu’il avait été
régulièrement caché en catastrophe dans des tiroirs à chaussettes ou sous le
matelas de bon nombre de chambres d’adolescents.
Pour la plupart d’entre nous, la découverte de la sexualité s’est faite au
travers de moyens plus ou moins dégradants : lectures de magazines,
témoignages d’expériences de copains, site pornographique sur Internet, etc.
En conséquence, nombreux sont ceux qui doivent surmonter des angoisses
profondément enracinées. Bon nombre de chrétiens voient ainsi la sexualité
comme un fardeau associé à une profonde culpabilité plutôt qu’un cadeau
pour lequel ils peuvent être reconnaissants. Comment, dans ces conditions,
envisager qu’une chose aussi empreinte de culpabilité puisse devenir un
chemin vers la sainteté ?
Cette culpabilité, que le
Bien de chrétiens voient la
psychologue Willard Gaylin
sexualité comme un fardeau lié
appelle « le gardien de notre
à une profonde culpabilité plutôt
qu’un cadeau pour lequel être vertu1 », est en partie
reconnaissant. justifiée. Quand nous nous
détournons de la parfaite
volonté de Dieu, nous devrions nous sentir coupables. Mais la culpabilité
n’est pas infaillible, et ne disparaît pas automatiquement lorsqu’elle n’est plus
justifiée.
Un sentiment de malaise nous envahit souvent lorsque nous abordons les
questions de sexualité. Pourtant, la plu- part des couples chrétiens sont bien
conscients que l’intimité sexuelle peut être à l’origine de moments de pur
délice, qui sont autant de glorieux aperçus de l’éternité. Caché au sein de
cette extase, nous pouvons discerner l’ombre d’une vérité spirituelle
profonde.
Nous sommes souvent
La sexualité peut certainement
troublés de constater que les
apporter une saveur à notre vie,
questions de sexualité nous mais jamais satisfaire aux
rattachent à la fois aux besoins de notre âme.
meilleurs et aux pires
souvenirs de notre vie. Autant le sexe peut parfois nous submerger de honte,
autant il peut nous faire vivre des moments de pure extase.
Dans ce chapitre, je souhaite dépasser la douleur et la honte qu’ont pu
causer des pratiques sexuelles vécues en dehors des murs protecteurs de la
vertu. Je souhaite chercher à comprendre comment cette expérience sensuelle
pourrait aiguiser notre sensibilité spirituelle. Si la sexualité peut nous amener
à nous tourner vers Dieu et vers l’autre, nous devons l’aborder d’un point de
vue biblique. En effet, la spiritualité chrétienne nous aide d’au moins trois
manières :

Elle nous enseigne que la sexualité est bonne en soi, tout en nous
rappelant qu’il y a des choses plus importantes dans la vie que le sexe ;
Elle nous permet de connaître le plaisir sans faire de ce plaisir l’idole de
notre existence ;
Elle nous apprend que la sexualité peut certainement apporter une
saveur à notre vie, mais en aucun cas satisfaire aux besoins de notre
âme.

Si nous voulons considérer la sexualité sous cet angle positif, comme un


miroir de notre désir et de notre passion pour Dieu, l’institution du mariage
est indispensable. Si nous n’envisageons le sexe que dans le cadre du
mariage, en le sanctifiant comme Dieu l’a prévu, l’analogie de la sexualité
qui nous mène à Dieu devient compréhensible.
Toutefois, il faut reconnaître que, même au sein du mariage, la sexualité
connaît certains abus. Nous devons donc nous rappeler que la sexualité doit
toujours être vécue comme une manière de servir notre conjoint. Sur cette
base, l’analogie devient possible : notre agitation fébrile face à nos besoins
sexuels reflète notre agitation fébrile face à notre besoin de Dieu. Notre
capacité à utiliser la sexualité à des fins spirituelles deviendra alors plus
compréhensible.
Pour pouvoir profiter pleinement de ce chapitre, vous devrez vous
efforcer de dépasser vos blessures, la honte, la culpabilité et l’angoisse que
vous associez à la sexualité. Laissez de côté vos expériences passées.
L’homosexualité, les relations sexuelles avant le mariage, les fantasmes
sexuels liés à la masturbation, la pornographie, etc. : rien de tout cela ne
constitue le sujet dont nous parlerons ici. Repensez la sexualité telle qu’elle
existait entre Adam et Ève du temps du Jardin d’Éden et pensez ensuite à la
manière dont Dieu peut se révéler à vous dans le mariage, par le don du
plaisir sexuel.
Cela peut paraître un peu choquant de le dire, mais c’est pourtant vrai :
Dieu ne détourne pas le regard quand un couple marié partage un moment
d’intimité. Pourquoi alors détournerions-nous notre regard de lui dans nos
relations sexuelles ?

Nos ancêtres ambigus


Pendant des siècles, les auteurs chrétiens ont considéré la sexualité
comme source de problèmes plus qu’autre chose. L’Église n’a pas su aborder
de plein front les questions de sexualité et s’est efforcée de maîtriser son
pouvoir par la régulation de ses pulsions. Le résultat était parfois plutôt
comique.
Par exemple, au 11e siècle, Clément d’Alexandrie autorisait les relations
sexuelles, si elles étaient dénuées de plaisir, dans un seul but de procréation,
et seulement pendant douze heures sur vingt-quatre (c’est-à-dire la nuit). Au
Moyen Âge, aussi ridicule que cela puisse paraître aujourd’hui, l’Église
interdisait les relations sexuelles pendant les quarante jours qui précédaient
les fêtes de Noël, les quarante jours avant et les huit jours après Pâques, les
huit jours après la Pentecôte, les dimanches en l’honneur de la résurrection,
les mercredis pour se souvenir du début du carême, les vendredis en mémoire
de la crucifixion, durant la grossesse, trente jours après l’accouchement
(quarante si le bébé était une fille), pendant les règles et enfin, cinq jours
avant la communion !
Le total des jours interdits s’élevait à deux cent cinquante-deux, sans
compter les jours de fête. En estimant ces derniers à trente au minimum, il
restait donc quatre-vingt-trois jours par an au cours desquels les époux
pouvaient, avec la permission de l’Église, se livrer à des rapports sexuels
(mais sans y prendre plaisir). En supposant bien entendu que la femme n’ait
pas ses règles, ne soit pas enceinte ou en période postnatale, et que le couple
désire procréer2 !
Tout cela me rappelle un jour de plage avec mes enfants. La marée
montait. Les enfants avaient construit un château de sable. Pendant trois
quarts d’heure, nous avons désespérément lutté pour protéger la construction
contre l’avancée de la mer. Nous avons construit de larges murailles autour
du château, tenté de boucher toutes les fissures et renforcé l’ensemble avec de
gros morceaux de bois trouvés sur la plage. Au bout du compte, la mer
remporta évidemment la bataille et le château de sable fut détruit.
Essayer d’imposer tant
Le désir de contrôler la sexualité
de restrictions pesantes
au sein du mariage provient en
contre une force aussi
partie de notre crainte à son
puissante que l’expression
égard.
de la sexualité sera toujours
voué à l’échec. C’est comme chercher à retenir la marée. Le désir de
contrôler la sexualité inhérente au mariage provient en partie de notre crainte
à son égard. Le bon sens nous indique que la sexualité est nécessaire à la
pérennité du genre humain. Lorsque Dieu a ordonné à Adam « Soyez
féconds, multipliez-vous » (Genèse 1 : 28), il s’agissait d’un commandement
explicite de s’engager dans des relations sexuelles. Mais notre perception du
religieux nous conduit à penser que « les plus saints » d’entre nous
s’appliqueront, d’une manière ou d’une autre, à éviter ces plaisirs. Cela
signifierait malheureusement que seuls « les moins saints » donneront
naissance à des enfants, ce qui ne présagerait rien de bon pour la foi des
générations à venir.
Ces craintes liées à la sexualité nous assaillent depuis déjà bien
longtemps. Preuve en est l’interprétation que nous avons faite du Cantique
des Cantiques, dont l’érotisme est pourtant évident. Origène (vers 185-254
apr. J.-C.) annonçait clairement qu’il considérait les plaisirs enivrants de la
chair comme n’ayant pas leur place dans ce monde. Seuls les « délices
spirituels » avaient de la valeur. Dan Allender et Tremper Longman le font
remarquer : « Origène interprétait le très sensuel Cantique des Cantiques
d’une manière allégorique et spirituelle, en agissant envers ce livre comme il
avait agi envers son propre corps, le jour où il avait saisi un couteau et s’était
lui-même castré3 ».
Un siècle plus tard, au cours du célèbre Concile de Nicée (325 apr. J.-
C.), certains extrémistes ont émis l’idée du célibat des évêques. Paphnutius,
évêque ascétique très respecté, s’opposa vigoureusement à cette suggestion
en défendant avec raison que la « cohabitation » d’un homme avec son
épouse devait être considérée comme une forme de « chasteté4 ». Qu’un tel
évêque défende cette position était d’autant plus remarquable qu’il avait lui-
même fait vœu de chasteté. Mais Paphnutius était seul de cet avis et, avec
l’apparition d’Augustin (354-430), le célèbre « Père » de l’Église, son
opinion ne tarda pas à être enterrée.
Augustin, qui influença
Ce n’est que dans le contexte
le christianisme comme peu
du mariage que la sexualité
d’autres l’ont fait, enseignait
trouvera tout son sens spirituel.
que le péché originel se
transmettait par le biais des relations sexuelles. Il rendit ainsi (peut-être
involontairement, mais bien malheureusement) le péché et le sexe
indissociables pour les siècles à venir. Par conséquent, l’Église a souvent
peiné à réconcilier sainteté et vie sexuelle. Mary Oliver signale d’ailleurs que,
parmi les saints canonisés, très peu étaient mariés, et « aucun de ces derniers
n’avait été canonisé en tant que modèle de vertu conjugale5 ».
À partir du ive siècle, on qualifiait le mariage « d’honorable », mais
modérait son hommage en ajoutant que la chasteté était encore « plus
honorable ». Institutionnellement, on « excusait » les relations sexuelles, pour
autant qu’elles aient un but de procréation. Tout autre rapport sexuel au sein
du mariage constituait encore un péché « véniel » (excusable, mais
néanmoins péché).
Il y eut cependant dans l’Histoire, quelques moments de plus grande
clairvoyance. On raconte qu’à l’époque médiévale, des prêtres bénissaient
parfois les jeunes mariés dans leur lit de noces. Les puritains paraissaient
aussi étonnamment à l’aise en ce qui concernait le plaisir sexuel. L’un d’entre
eux, Richard Baxter, écrivit que le mari et la femme devaient « faire leurs
délices » de l’amour, de la compagnie et de la conversation l’un avec l’autre.
Il écrivit aussi : « Veillez soigneusement à ce que votre amour conjugal reste
plein de chaleur et de vigueur ». Et il ajouta que les conjoints ne devaient pas
permettre à leur amour de « tiédir6 ».
Mais la plupart des avancées dans ce domaine furent éphémères. Une
ancienne version du rite du Sarum (liturgie sur laquelle le Livre de prière
commune de l’Église anglicane fut basé en 1549) contient, au moins depuis
1125, des passages relatifs à la liturgie nuptiale. On peut y lire cette formule :
« Avec mon corps, je t’adore ». Une affirmation plutôt audacieuse et
provocatrice pour l’Église, quelle que soit la période, et d’autant plus au
Moyen Âge. Il n’est donc pas surprenant que ces mots aient été rayés du livre
de prière anglican en 1786.
La réconciliation entre sexualité et sainteté n’a jamais été pleinement
réussie à ce jour, même si le Concile de Vatican II a plus ou moins renoncé à
qualifier les croyants mariés de chrétiens de second ordre. Dans un document
intitulé L’appel de l’Église entière à la sainteté, l’Église catholique romaine
souligne que « chaque membre du peuple de Dieu est appelé à la plénitude de
la sainteté chrétienne, et que cette sainteté est accessible à tous dans et par la
vocation de chacun7 ».
Malgré cela, les rares saints canonisés au cours du xxe siècle ayant été
mariés, étaient en général des martyrs, des stigmatisés, des veuves fondatrices
d’ordres religieux, ou des hommes ayant quitté femme et enfants pour
devenir missionnaires ou ermites. Ces individus étaient mis en avant en dépit
du fait qu’ils avaient été mariés, et non en raison de leur engagement
extraordinaire vers la sainteté au sein de leur mariage.
Nous devrions peut-être faire preuve d’indulgence pour le malaise
éprouvé par les anciens (et par nous-mêmes) à l’égard de la sexualité. En
effet, il nous est facile de reconnaître que, dans un sens, « le sexe est un lourd
fardeau imposé par Dieu à l’humanité8 ». Il ne fait aucun doute que la Bible
pose un regard favorable et positif sur la sexualité, comme en témoigne le
Cantique des Cantiques par exemple. Toutefois, les écrivains bibliques sont
aussi très conscients des pièges du péché sexuel et de notre tendance à
pervertir ce merveilleux cadeau que Dieu nous a accordé.
Cette tendance humaine rend l’institution du mariage essentielle, alors
que nous tentons de comprendre comment le désir sexuel peut légitimement
s’exprimer. C’est uniquement dans ce contexte que la sexualité trouvera tout
son sens spirituel.

Poser les bases d'une sexualité spirituellement significative

1. Regard biblique sur la sexualité


Nous avons besoin d’une base théologique saine si nous souhaitons
développer une vision biblique juste de la sexualité qui intégrera l’expérience
de l’intimité physique à notre perception spirituelle de la foi.
Pour commencer, les chrétiens devraient peut-être se pencher sur les
origines juives de notre foi. Pour des raisons d’ordre théologiques, l’Église
chrétienne a éprouvé davantage de difficulté à aborder les questions de
sexualité que ses ancêtres juifs. Pour les Juifs d’autrefois, rien n’était plus
impor- tant que la préservation et la pureté de la lignée familiale. En leur
qualité de « peuple élu », ils considéraient comme parfaitement acceptable le
divorce pour cause de stérilité. En pratique, la pire chose que vous pouviez
faire à un conjoint était de refuser de lui donner des enfants. Vous le priviez
alors de la progéniture qui perpétuait cette race pure, élue de Dieu.
Les considérations juives à propos de la sexualité dépassaient les limites
de la simple procréation. Trois « droits fondamentaux » étaient reconnus aux
femmes juives d’alors : la nourriture, le vêtement et l’onah (rapports sexuels
en dehors de tout devoir de procréation). Une religion basée sur la lignée
familiale pouvait difficilement se permettre de mépriser des activités
potentiellement procréatives.
Un ancien texte du penseur juif Nahmanide, intitulé La lettre du sacré
(xiiie siècle), voit dans la sexualité une expérience mystique de rencontre
avec Dieu : « Par le biais de l’acte [sexuel], ils deviennent partenaires avec
Dieu dans l’acte de création. C’est le mystère décrit par les sages : “Quand un
homme s’unit à sa femme dans la sainteté, la shekinah est entre eux, dans le
mystère de l’homme et de la femme9” ». La force de cette affirmation porte à
réfléchir. En effet, cette shekinah glorieuse est celle-là même que Moïse a
connue, lors de son tête-à-tête avec Dieu (voir Exode 24 : 15-18).
À l’inverse des
Pour les Juifs d’autrefois, rien
interdictions imposées par le
n’était plus important que la
christianisme médiéval, La
préservation et la pureté de la
lettre du sacré recommande
lignée familiale.
aux couples mariés d’avoir
régulièrement des rapports sexuels pendant le sabbat afin de célébrer leur foi.
Nahmanide plaide en ce sens à cause de sa ferme conviction que tout ce que
Dieu a créé est bon. Les organes sexuels et donc le plaisir sexuel font partie
de la création de Dieu, déclaré bon par Dieu lui-même (Genèse 1 : 31).
Toutefois, pour les chrétiens, le salut n’est plus une question de lignée
familiale mais bien de foi spirituelle. La procréation n’est plus l’objectif
ultime : la foi l’est. Ainsi, lorsque quelqu’un évite les relations sexuelles dans
le but d’approfondir sa foi, on estime fréquemment qu’il a choisi une voie
« plus noble ». Pourtant, même si la sexualité (dans une perspective
chrétienne) ne sert plus les intérêts du salut ou la propagation du royaume de
Dieu sur terre, cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’ait rien à nous
apprendre sur la sanctification. Nous pouvons continuer à croire qu’en ce qui
concerne le salut, la foi l’emporte sur la procréation, tout en appréciant cette
perspective juive de la recherche de la glorieuse shekinah dans le lit conjugal.
Pour permettre à notre
Dieu a créé la chair, et en la
sexualité de devenir une
créant, il a également créé discipline spirituelle (de
d’étonnantes sensations. fusionner en quelque sorte
notre foi et notre chair), nos
bases théologiques doivent être assez solides pour nous permettre d’intégrer
une perspective juive de la sexualité. Dieu a créé la chair, et en la créant, il a
également créé d’étonnantes sensations. L’organe sexuel masculin remplit
plusieurs fonctions, mais le clitoris de la femme n’en a qu’une seule :
procurer un plaisir sexuel. Dieu a donc intentionnellement créé un organe qui
n’a aucune finalité autre que de pourvoir à l’extase sexuelle des femmes.
Cette idée ne venait pas du diable : elle venait de Dieu. Et Dieu a qualifié
l’entièreté de sa création de « très bon » (Genèse 1 : 31).
Betsy Ricucci a apporté un regard féminin sur le sujet :
Dans le contexte de l'amour exprimé au sein de l'alliance et
du service mutuel, il n'y a pas de passion trop intense.
L'Écriture dit que notre intimité sexuelle est censée être
enivrante (voir Proverbes 5 : 19). Que vous le croyiez ou
non, nous glorifions Dieu en cultivant notre désir sexuel
envers notre mari et en accueillant favorablement
l'expression de son désir sexuel envers nous10.
Si la culpabilité prend le pas sur la reconnaissance quand vous songez à
votre sexualité, exercez-vous à remercier Dieu pour ce qu’elle implique. Par
exemple, une femme peut dire, en priant très explicitement mais en toute
sainteté : « Seigneur, merci pour le désir qui monte en moi lorsque mon mari
me caresse les seins ». Les couples peuvent prier ensemble et remercier Dieu
pour le plaisir que leur procure l’acte sexuel. Ce simple témoignage de
reconnaissance peut sanctifier un acte que bien trop de chrétiens séparent
encore de leur vie spirituelle avec Dieu. Si c’est agréable, c’est que Dieu l’a
voulu ainsi.
Une fois que nous avons compris les fondements théologiques à la base
de toute sexualité conjugale, nous devons aussi analyser les émotions qui y
sont associées. La reconnaissance doit remplacer le sentiment de culpabilité.

2. Remplacer notre culpabilité par de la reconnaissance


Dans son livre Music through the eyes of faith [La musique à travers les
yeux de la foi], Harold Best raconte l’histoire véridique d’un jeune homme
profondément impliqué dans un mouvement satanique. Cette secte avait
développé une liturgie complexe et détaillée autour des œuvres musicales de
Jean-Sébastien Bach.
Ce jeune homme devint un jour chrétien et commença à participer à la
vie d’une église locale. Tout se passait merveilleusement jusqu’au jour où
l’organiste joua une pièce de Bach. Le jeune croyant, envahi d’angoisse et
d’effroi, quitta précipitamment l’église.
Best poursuit son récit en rappelant que les compositions de Bach
« comptent parmi les plus nobles œuvres musicales destinées à l’adoration du
chrétien. Cependant, pour ce jeune homme, elles n’avaient rien de noble mais
incarnaient plutôt tout ce qui était diabolique et opposé à la foi chrétienne11 ».
Certains chrétiens portent un regard similaire sur la sexualité. Leurs
expériences passées et leurs sentiments de culpabilité ont créé de sévères
obstacles spirituels. Rares sont ceux qui prétendraient que les compositions
de Bach sont diaboliques par nature. Le jeune homme ne les interprétait ainsi
qu’à cause de l’usage détourné qu’il en avait fait dans son passé. De la même
manière, certains chrétiens s’efforcent désespérément de ne pas considérer la
sexualité comme mauvaise par nature, mais à cause de leurs expériences
négatives du passé, ils l’interprètent de la sorte. Une compréhension biblique
juste de la sexualité, alliée à la confession et à la repentance, peut vous
permettre de surmonter ces obstacles. Si vous avez connu des abus sexuels
dans le passé, un conseiller pourrait vous aider à corriger votre vision de la
sexualité et à vous en donner une image plus positive.
La sexualité ne peut pas enrichir votre vie spirituelle si elle est empreinte
d’une culpabilité illégitime et dénuée de tout fondement. La reconnaissance
envers Dieu pour cette expérience extraordinaire est indispensable pour éviter
que les puissantes émotions qu’elle nous procure conduisent à nous centrer
sur nous-mêmes.
Ironiquement, le culte du sexe et la culpabilité obsessionnelle ont le
même effet : être centré sur soi-même, par plaisir ou par désespoir. À
l’inverse, la reconnaissance tourne nos cœurs vers Dieu.
J’ai mis du temps à comprendre que j’offensais involontairement Dieu
en refusant d’accepter la sainteté inhérente au plaisir et à la sexualité. Je n’ai
aucun mal à imaginer que quelqu’un puisse rechercher Dieu en jeûnant. Mais
quelle image ai-je de Dieu si j’estime qu’il ne peut se révéler dans ma vie
qu’au travers de la souffrance et non du plaisir ? Au lieu de développer une
méfiance vis-à-vis du plaisir et de l’intimité physique et spirituelle au sein de
mon couple, je me dois d’adopter une attitude de profonde reconnaissance et
d’admiration12.
Après avoir réévalué nos notions de théologie et nos réactions
émotionnelles, nous devons aussi reconsidérer nos attentes. À quel genre
d’intimité aspirons-nous ?

3. Votre conjoint est plus que votre amant


Une troisième étape prépare pleinement à utiliser la sexualité comme
une discipline spirituelle : souvenons-nous que, dans un mariage chrétien, le
mari et la femme sont plus que des amants. Ils sont frère et sœur en Christ.
Le jour de nos
La sexualité ne peut pas enrichir
fiançailles, j’ai écrit à Lisa
votre vie spirituelle si elle est
un poème : Ma sœur, épouse
empreinte d’une culpabilité
de Dieu. Dans ce poème,
illégitime.
j’expliquais que nous allions
franchir, par le biais du mariage, un pas extrêmement important dans ce
monde. Il existait toutefois déjà un lien plus fort et éternel entre nous, un lien
qui survivrait à notre statut d’époux : nous étions frère et sœur en Christ. La
profondeur de cette relation est trop souvent oubliée. Otto Piper explique
ceci :
Le croyant qui conduit son mariage de façon à plaire au
Seigneur s'efforcera de dépasser les sphères de la simple
sexualité conjugale pour développer sa relation avec Dieu.
Le conjoint n'est pas seulement un partenaire sexuel mais
aussi, et par-dessus tout, un frère ou une sœur en Christ.
Ainsi, le désir instinctif inhérent à tout type d'amour devient
réalité : nos vies terrestres se transforment en vies avec
Dieu13.
Bien que le plaisir physique soit bon et source de plaisir, nous ne devons
cependant pas réduire la sexualité à une simple expérience physique. La
sexualité, c’est bien plus que cela. La sexualité exprime des réalités
spirituelles beaucoup plus profondes que le seul plaisir.
Paul affirme que notre corps est le temple du Saint-Esprit (1 Corinthiens
6 : 19). Dans cette perspective, nos considérations à propos de l’importance
du sexe acquièrent une signification entièrement renouvelée. Ce qu’une
femme laisse entrer en elle, et ce qu’un homme pénètre volontiers sont, dans
le cadre d’un mariage chrétien, des corps sanctifiés dans lesquels Dieu est
présent par son Esprit, des corps qui s’unissent l’un à l’autre pour jouir l’un
de l’autre dans un esprit de respect et de sainteté.
Paul explique qu’un homme ne doit pas s’attacher à une prostituée parce
que son corps est un temple saint. La méta- phore peut servir à éviter le
pécher. Elle peut aussi être utilisée pour signifier ceci : lorsqu’un chrétien
unit son corps à celui de son épouse, il est présenté, de manière toute
particulière, à la présence même de Dieu. Lorsqu’il attache son corps à celui
d’une personne convertie, enfant de Dieu comme lui, il pénètre en quelque
sorte dans le temple de Dieu, en frappant à la porte de la glorieuse shekinah.
C’est également un encouragement silencieux à tourner vos pensées vers
Dieu tandis que votre corps s’unit à celui de votre conjoint.
Otto Piper nous exhorte à voir, dans l’acte sexuel, l’image d’une réalité
spirituelle plus profonde :
Ensemble, nous sommes venus à Dieu, appelés par lui,
créant une famille, à son service, et il vit en chacun de
nous ; nous exprimons à présent physiquement la vérité
spirituelle qu'il a créée : nous ne sommes plus deux, mais
un seul14.
Cette dimension spirituelle de la sexualité aide beaucoup les hommes
prisonniers de dépendances sexuelles. Quand le sexe est réduit au seul plaisir,
aucune épouse ne peut satisfaire les attentes de son mari. Par nature, le plaisir
est éphémère, fugitif. J’ai lu l’article d’un chrétien aujourd’hui libéré d’une
sérieuse addiction à la pornographie. Il affirmait sans détour qu’il lui fallait
toujours trouver un nouveau magazine. Même s’il possédait suffisamment de
photos de femmes nues pour tapisser les murs de sa maison (plus qu’il
n’aurait pu en regarder en une journée), il avait toujours besoin de
l’excitation que lui procuraient de nouvelles photos de nouvelles femmes.
Une épouse, de son
La sexualité exprime des
côté, ne peut se renouveler
réalités spirituelles bien plus
quotidiennement au point de
profondes que le seul plaisir.
pouvoir aider son mari à se
débarrasser de son addiction à la pornographie en se transformant en modèle
de « femme poster » pour journaux pornographiques. Il doit rechercher et
trouver quelque chose de très différent dans le lit conjugal : la satisfaction
plus profonde (mais souvent plus paisible) d’une sexualité empreinte de
spiritualité. Il doit re- chercher au-delà de ce plaisir, Dieu lui-même, ainsi
qu’une profonde communion fraternelle. Certes, il ne s’agit pas de fuir le
plaisir, mais plutôt de ne pas transformer ce plaisir en idole.
Chaque sentiment de faim et de soif que nous éprouvons dans la chair
illustre un besoin que Dieu seul peut satisfaire pleinement. L’unique contexte
convenant à la sexualité selon Dieu est celui du mariage. La sexualité vécue
hors mariage est une malbouffe spirituelle : sur le coup, agréable, mais, dans
le temps, destructrice d’appétit spirituel, au point de nous rendre accros à
quelque chose qui finira par nous détruire. Le sexe hors mariage détruira
notre sensibilité à la sainteté, à la justice, et à la présence de Dieu dans nos
vies.
Nous pouvons jouir, sans culpabilité, de cette expérience profondément
physique et charnelle de la sexualité. Mais il existe aussi une satisfaction
spirituelle encore plus profonde lorsqu’un homme et une femme s’engagent
dans une relation sexuelle. Ne réduisez pas la sexualité à son aspect soit
physique, soit spirituel. Les deux sont indissociables.
Après avoir examiné nos fondements théologiques, nos comportements
émotionnels, et nos attentes vis-à-vis de la sexualité, nous devons nous
réconcilier avec l’ardeur parfois effrayante du désir sexuel.

4. Réconcilier le pouvoir de la sexualité


La sexualité n’est certes pas un besoin physique au même titre que la
nourriture : vous pouvez en effet survivre même sans jamais connaître un
orgasme de toute votre vie. Elle n’en est pas moins un besoin physiologique.
Un besoin naturel, physique autant qu’émotionnel. Plus important encore, le
désir physique a été instauré par Dieu, qui a placé ce « besoin » en nous.
Comment aborder cette question du besoin sexuel dans une perspective
chrétienne ? Sous ce besoin se cache une excellente illustration de notre soif
de Dieu. Sans lui, nous sommes insatisfaits ; nous avons besoin de nous
reconnecter à lui constamment. Thomas Hart a constaté que « notre
fascination pour le sexe est en relation étroite avec notre fascination pour
Dieu15 ».
La sexualité ne peut pas remplacer Dieu. La sexualité ne se substituera
jamais suffisamment à Dieu. Une perspective saine de la sexualité ouvre les
pistes d’une réflexion au sujet de notre besoin et de notre soif de Dieu : cette
sensation d’incomplet, d’inachevé laisse place à la joie et à la satisfaction
lorsque nous nous offrons à un autre.
Moins le ressenti du besoin est grand, moins la satisfaction est précieuse.
C’est seulement quand j’ai vraiment faim que j’apprécie réellement un
bon repas. La passion effraie parfois. Le désir, l’envie, la soif nous rappellent
que par nous-mêmes nous sommes incomplets. Dieu nous a créés incomplets.
Nous avons besoin de lui, et nous avons besoin des autres.
Je me souviens avoir ressenti un grand malaise à la lecture du Cantique
des Cantiques quand j’étais jeune. J’étais terrifié à l’idée de ressentir un jour
un désir aussi intense que celui de ces deux amoureux l’un pour l’autre. Très
jeune, je devinais déjà qu’un tel désir pouvait entraîner souffrance,
désillusion et peine.
Désirer, avoir soif de Dieu est effrayant : et s’il ne se manifestait pas ?
Désirer un autre être humain est plus effrayant encore. Et si l’autre rejetait
nos avances et utilisait notre désir comme une arme contre nous ?
C’est bien là que réside la difficulté : nous n’avons aucune garantie que
notre conjoint ne se servira pas de notre désir contre nous. Mais si notre désir
lui offre une opportunité de manipulation, il nous offre également une voie
royale de croissance spirituelle. Nous pouvons mettre à profit ce ressenti de
besoin pour développer notre esprit de service l’un envers l’autre. Dans un
mariage chrétien sain, où chacun s’efforce avec amour de combler les besoins
sexuels de l’autre, les deux peuvent découvrir que Dieu aussi pourvoira à
leurs besoins.
Jésus fait référence à l’exemple d’un père terrestre qui ne donne pas une
pierre à son fils quand celui-ci lui demande du pain (Matthieu 7 : 9). Il
encourage ainsi ses disciples à placer leur confiance en Dieu qui leur
accordera de bonnes choses. De la même façon, un homme ou une femme
sera en mesure d’ouvrir son cœur à Dieu quand il se rendra compte à quel
point son conjoint fait preuve de générosité à son égard en comblant ses
besoins sexuels.
Très honnêtement, sans l’existence de ce besoin physiologique, de
nombreux époux s’éloigneraient progressivement l’un de l’autre. Nous
sommes par nature des êtres égoïstes qui nous cachons l’un de l’autre.
Persévérer dans notre démarche constante d’amour et d’empathie envers un
autre être humain va à l’encontre de notre tendance pécheresse et
égocentrique. En créant un désir physique, Dieu nous invite à prendre part à
cette réalité spirituelle : apprendre à partager, rester en communion et
pénétrer pleinement dans la vie et l’âme d’un autre humain.
Les réflexions qui Dieu a créé le désir physique
précèdent ont pour but de pour nous apprendre à partager,
rendre légitime l’expression rester en communion et
de la sexualité comme outil pénétrer pleinement dans la vie
de développement spirituel. et l’âme d’un autre humain.
Il faudrait un livre entier
pour explorer ce sujet en détail. Dans la section suivante, nous allons nous
pencher sur quelques exemples d’intimité physique mise au service de la
croissance spirituelle.

La croissance spirituelle au travers de la sexualité


Bernard de Clairvaux (1090-1153) enseignait que l’amour charnel
(terrestre), était en réalité un premier pas dans notre apprentissage de l’amour
de Dieu. C’est un peu comme une école maternelle, où les enfants apprennent
à vivre avec d’autres enfants, et à rester assis à un bureau. La « vraie école »
commence au cours préparatoire. Il a poussé son raisonnement plus loin en
suggérant que, du fait de notre côté charnel, notre amour pour Dieu dans cette
vie comportera toujours aussi une fibre charnelle. À la lecture de certains
témoignages des mystiques de cette période, il est clair que leur amour
audacieux pour Dieu possédait souvent une fibre quasi érotique.
Au lieu de fuir cet aspect de l’expression sexuelle, nous pouvons le
canaliser dans la bonne direction. C. S. Lewis a écrit : « Les plaisirs sont les
moyens de communication pour la gloire qui stimule notre sensibilité. [...]
Faites-en des canaux d’adoration16 ». C’est ce que nous nous efforcerons de
faire dans cette section : transformer les plaisirs (et les défis) de la vie du
couple en canaux de sainte adoration.
Bon nombre de livres proposent toutes sortes de conseils pour varier les
positions sexuelles et renouveler notre vie de couple. Pour ma part, j’aimerais
me concentrer sur l’aspect spirituel de la sexualité, et examiner comment
nous pouvons être spirituellement transformés au travers d’un acte aussi
physique que les relations sexuelles. Nous y parviendrons en modifiant notre
conception de la beauté, en apprenant à donner ce que nous avons, en nous
dépassant nous-mêmes, en redécouvrant le prix de la passion, et en cultivant
l’art de la célébration.

Adopter la perspective de Dieu sur la beauté du mariage


Au sein du mariage, la force brute de la sexualité s’entremêle à l’intimité
émotionnelle, la camaraderie, les responsabilités familiales et au caractère
permanent de la relation. Ce faisant, un contexte favorable à notre croissance
spirituelle se développe. Dans ce contexte, nous commençons à accorder bien
plus de valeur au caractère, à la recherche du bien et à l’attachement à Dieu
qu’à l’aspect physique idéalisé.
En préparation du tournage d’une grosse production cinématographique
comprenant de nombreuses scènes de nu, une actrice de renommée
internationale s’est soumise à un entraînement physique intensif. Assistée de
son coach, elle travaillait jusqu’à cinq heures par jour, à la gym, pour parfaire
les lignes de son corps et améliorer tant soit peu les résultats d’une chirurgie
esthétique effectuée quelques années auparavant. En réalité, pratiquement
n’importe quelle femme peut « devenir belle » pour peu qu’elle dispose de
suffisamment de temps, d’argent, d’un coiffeur professionnel et d’une équipe
de maquilleuses.
Je ne peux pas le nier : c’est aussi à cause de son apparence physique
que j’ai d’abord été attiré par Lisa. Mais que se passerait-il si son look
devenait son obsession ? Dieu considère-t-il que passer trois heures par jour
dans une salle de gym, à lutter avec acharnement pour garder son ventre plat
d’adolescente (malgré les hanches d’une femme mûre et les seins d’une
maman qui allaite) serait une bonne manière d’utiliser son temps ?
Pierre, le disciple de Jésus, répond clairement à cette question : les
femmes ne devraient pas se concentrer sur la beauté extérieure, qui requiert
des « ornements » visibles, mais devraient plutôt rechercher la beauté de « la
parure cachée du cœur, la parure personnelle inaltérable d’un esprit doux et
tranquille ; voilà qui est d’un grand prix devant Dieu » (1 Pierre 3 : 3-4).
Concernant la recherche de la beauté, la Bible incite les femmes à
produire une beauté qui aura un grand prix devant Dieu. Les maris ne se
concentrent pas toujours sur ce qu’il faudrait, mais Pierre n’en exhorte pas
moins les femmes à se préoccuper de la perspective de Dieu sur la beauté.
Cet enseignement est essentiel pour plusieurs raisons.
Dans le livre de C. S. Lewis, Tactique du diable, le démon Screwtape se
plaint de ce que Wormwood a permis à son homme de remporter la victoire
sur la tentation sexuelle. Il change alors de tactique : « Si nous ne pouvons
pas utiliser son instinct sexuel pour le faire tomber dans l’immoralité, il faut
alors essayer de s’en servir pour lui faire contracter un mariage intéressant ».
(Comprenez bien que, dans cette histoire, le terme « intéressant » est utilisé
par les démons et qu’il se tra- duirait par « désastreux » dans notre
perspective de chrétien.) Parlant des démons en général, Screwtape poursuit :
C'est la responsabilité de nos grands maîtres de
provoquer, à chaque époque, une déformation générale de
ce qu'on pourrait appeler les « goûts » sexuels. Ils y
parviennent en influençant un petit cercle d'artistes, de
couturiers, d'actrices et d'agents publicitaires en vogue qui
déterminent ce qu'est la beauté. L’objectif est de tenir les
individus de l'un des sexes à distance de ceux de l'autre
sexe avec qui ils seraient susceptibles de contracter un
mariage heureux, fécond et salutaire à leur vie spirituelle.
[...]
En ce qui concerne les goûts des hommes, nous leur
avons proposé beaucoup de variété à travers les années.
À une certaine époque, nous les avons orientés vers le
type de beauté plastique et aristocratique, mêlant leur
vanité de mâle à leur désir et les poussant ainsi à propager
la race avec les femmes les plus arrogantes et les plus
dépensières. À une autre époque, nous avons sélectionné
un type de femmes exagérément féminines, légères et
langoureuses, de sorte que la bêtise et la lâcheté, et toutes
les fourberies et les mesquineries qui les accompagnent,
ont proliféré. [...]
Et ce n'est pas tout. Nous avons orchestré un
développement considérable de l'indulgence de la société
à l'égard de la représentation du nu (pas du nu intégral,
toutefois) dans l'art, les mises en scène de tout genre, et
sur la plage. Tout est truqué, naturellement. Les silhouettes
dessinées par les artistes sont faussées. Et les vraies
femmes en maillot de bain [...] sont en réalité ajustée,
resserrées et rehaussées afin de paraître plus fermes, plus
minces que la nature ne le permettrait à une femme adulte.
[...] De cette façon, nous orientons de plus en plus le désir
de l'homme vers quelque chose qui n'existe pas, laissant
l'œil jouer un rôle toujours plus important dans la vie
sexuelle tout en rendant ses exigences de plus en plus
impossibles à satisfaire. Le résultat ? Tu n'auras pas de
peine à l'imaginer17 !
Le devoir chrétien des hommes mariés est d’inverser cette tendance et
de diminuer le « rôle de l’œil dans la sexualité » afin de saisir les réalités
spirituelles. La vue jouera toujours un rôle important chez les hommes, car
Dieu nous a créés ainsi. Mais nous pouvons gagner en maturité dans ce que
nous cherchons à voir. Nos appétits peuvent être éduqués. Suivant les
cultures, les gens apprécient des nourritures différentes, parce que leurs palais
ont été conditionnés. Mes enfants feraient la grimace si ma femme leur
servait un bol de riz au petit-déjeuner ; en Chine, les enfants regarderaient
bizarrement un bol de corn-flakes.
Le même principe s’applique à nos goûts en matière d’attirance sexuelle.
Au fil des siècles, les hommes ont apprécié différents types de femmes, en
fonction des modes du moment. Il est vrai que les top-modèles d’aujourd’hui
penchent plutôt vers le modèle squelettique en exhibant une poitrine d’adulte
au-dessus d’un ventre et de cuisses d’adolescentes. Mais, à une époque, les
plus belles femmes indiennes étaient appelées des gajagamini, ancien terme
sanscrit qui se traduit littéralement par « la femme qui a une démarche
d’éléphant ». L’histoire ne nous fournit pas une seule et unique définition de
la beauté. Le débat reste ouvert. Là où les hommes et les femmes fixeront
leurs obsessions, leurs fantasmes et leurs passions, là se fabriqueront les
objets de leurs désirs.
Un mariage selon Dieu
Un mariage selon Dieu façonne
façonne notre perspective de
notre perspective de la beauté
la beauté pour nous
pour nous concentrer sur les
concentrer sur les qualités
qualités intérieures.
intérieures. Nahmanide, le
rabbin du xiiie siècle, soutenait que lorsqu’un homme choisit une femme
uniquement pour sa beauté, « leur union ne rend pas hommage au ciel18 ». La
beauté physique est merveilleuse, certes, mais elle n’est ni la seule ni même
la plus importante qualité à rechercher dans un mariage chrétien.
La tentation est forte pour une jeune fille de vouloir à tout prix devenir
le style de femme qu’un homme voudrait épouser. Ce désir peut entrer en
conflit avec la réalité d’une vie vécue sous le regard de Dieu. Mais les jeunes
filles savent pertinemment que les hommes sont attirés par certaines
caractéristiques physiques. Elles ont donc tendance à être prêtes à fournir plus
d’efforts pour transformer leur apparence extérieure que pour travailler leur
être intérieur par attachement à Dieu. Le mariage est susceptible de les
délivrer de cette vaine poursuite ; une fois mariées, elles peuvent davantage
se concentrer sur leur beauté intérieure, celle qui plaît tellement à Dieu.
Cela ne signifie pas pour autant qu’un homme ou une femme doit cesser
de prendre soin de son corps une fois marié. Se maintenir en forme physique
est un cadeau que nous pouvons offrir à notre conjoint. Mais nous pouvons
aussi lui offrir la grâce de l’accepter tel qu’il est (en particulier de la part des
maris), en reconnaissant que l’âge et, dans le cas des femmes, la maternité
remodèlent un jour ou l’autre chacun de nos corps. Le mariage aide les
hommes à se détacher de leur obsession pour des corps « qui n’existent pas »,
et à reconsidérer leurs priorités et leurs valeurs.
Ainsi, le mariage nous invite, par exemple, à corriger nos désirs pour les
concentrer sur une femme ou un homme en particulier, contrairement à l’idée
que se fait la société de la séduction. L’homme connaît ensuite intimement le
corps de sa femme. Et de ce corps naissent leurs propres enfants. Dieu nous
fait cadeau du corps de notre conjoint pour que nous en jouissions. Et quand
nous recevons ce cadeau, nous ne devons pas convoiter celui du voisin.
Le jour de mon
La sexualité dans le mariage
mariage, j’ai fait cette
peut nous transformer
prière : « Seigneur, aide-moi
spirituellement en redéfinissant
à désormais définir la beauté
nos priorités.
en fonction du corps de Lisa.
Modèle mes désirs afin que je ne sois attiré que par elle ». Je savais que le
livre des Proverbes m’exhortait à faire de ma femme mes délices, pas des
femmes en général. Son auteur écrit : « Fais ta joie de la femme de ta
jeunesse, biche des amours, gazelle pleine de grâce : sois en tout temps enivré
de ses charmes, sans cesse épris de son amour. Ainsi pourquoi, mon fils,
serais-tu épris d’une courtisane et embrasserais-tu le sein d’une inconnue ? »
(Proverbes 5 : 18-20).
Je ne peux pas donner trop de détails sur ce sujet sans embarrasser ma
femme. Je me contenterai donc de dire que, d’une manière générale, Dieu a
exaucé ma prière. Les caractéristiques physiques propres à ma femme sont
devenues celles que je trouve désormais généralement les plus attirantes chez
les autres femmes.
De la même manière, il est plus important pour une femme de se
concentrer sur sa beauté intérieure et de rechercher la sanctification que de
tout faire pour pouvoir entrer dans une taille 36. Cette beauté intérieure ne
sera jamais démodée.
La sexualité dans le mariage peut nous transformer spirituellement en
redéfinissant nos priorités : ce à quoi nous accordons de la valeur, ce que
nous considérons comme très important. Nous sommes très nombreux à ne
pas nous rendre compte à quel point le monde et ses valeurs sont trompeurs.
Un jeune homme ou une jeune femme peut devenir outrageusement riche et
célèbre, peu importe son caractère, ses valeurs morales ou sa sagesse,
simplement en acceptant de se dévêtir pour le tournage d’une
superproduction. L’effet pervers est que beaucoup de ceux qui ne leur
ressembleront jamais physiquement se sentent rabaissés, dévalorisés.
Je suis convaincu, qu’avec l’aide du Saint-Esprit, nous pouvons être
passionnés par ce qui passionne Dieu. En m’interdisant des appétits
inappropriés, en méditant et en me nourrissant de choses bonnes, y compris
en étant « captivé » par l’amour de ma femme, je m’entraîne à ne désirer que
ce qui peut l’être. Cela ne veut pas dire pour autant que je ne suis pas en
mesure de reconnaître la beauté d’une autre personne. Je peux l’apprécier
sans en être obsédé. Je peux regarder sans désirer pour autant entrer dans une
relation sexuelle ou émotionnelle inappropriée.
La maturité exige que nous adoptions cette vision des choses. Evelyn et
James Whitehead l’ont exprimé avec sim plicité et puissance : « Quand le
corps est la seule demeure de l’amour, le changement devient l’ennemi19 ».
D’un point de vue chrétien, le changement n’est pas un ennemi mais bien
plutôt la raison d’être du mariage, du moment que le changement que nous
recherchons est un changement vers la sainteté. Si ma capacité à accepter ma
femme est déterminée par ce que je pense de son aspect physique plutôt que
par ses qualités intérieures, le temps érodera lentement mais sûrement mes
sentiments.
Ceux qui ne vivent que pour le plaisir sexuel et l’excitation ne
connaissent qu’une vie bien limitée. Leur frustration va croître avec le temps
alors que les années qui passent marqueront leurs corps vieillissants. À
l’inverse, ceux qui trouvent leur raison d’être et leur épanouissement non
seulement dans la sexualité mais aussi dans l’éducation de leurs enfants, le
service rendu à Dieu, la persévérance dans la prière et dans une vie vertueuse
auront bien plus de plaisir au cours de leur existence. Un mariage réfléchi,
vécu dans l’attachement à Dieu nous conduira sur cette voie.
Donner ce que nous avons
Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez vu votre conjoint
nu ? Un couple d’amis avait essayé de « s’y préparer en douceur » lors de
leur nuit de noce. Ils décidèrent de prendre une douche ensemble, toutes
lumières éteintes. Malheureusement, la douche se mit à déborder. L’obscurité
aidant, ils ne comprirent pas ce qui clochait avec le système d’évacuation de
leur chambre d’hôtel. À leur grand regret, ils durent donc rallumer toutes les
lumières et se retrouvèrent tous deux tout nus, à éponger les dégâts. Leur
« transition romantique » s’était transformée en show sous les projecteurs !
À vingt ans, se présenter nu et svelte devant votre partenaire est une
chose. Mais qu’en est-il à la fin de la trentaine, de la quarantaine, voire de la
soixantaine ? Qu’en est-il quand la femme, ayant porté un enfant (ou plus) a
gardé quelques kilos, ou quand le métabolisme du mari a ralenti, en lui
faisant cadeau de quelques belles « poignées d’amour » ?
Continuer à offrir votre corps à votre conjoint, même quand vous avez
l’impression qu’il est devenu une « marchandise défraîchie », cela peut se
révéler extrêmement enrichissant sur le plan spirituel. Cet acte produit une
humilité, un désir de servir l’autre et de nous concentrer sur ses besoins. Il
implante en nous un principe spirituel puissant : donnez ce que vous avez.
Nous sommes souvent appelés à servir Dieu, même quand les conditions
ne semblent pas idéales. Nous souhaitons, par exemple, partager l’Évangile
avec un voisin, sans nous estimer suffisamment intelligents ou assez
confiants dans nos connaissances bibliques. Nous aimerions peut-être pouvoir
faire un don conséquent à une œuvre caritative, tout en sachant que nous
pourrons à peine trouver un billet de vingt euros dans notre portefeuille.
Le mariage nous apprend à donner ce que nous avons, ni plus ni moins.
Dieu nous a donné un corps. Il a ordonné à notre conjoint de faire ses délices
de ce corps, et uniquement de ce corps. Si nous en privons notre conjoint,
nous le rejetons totalement. Peut-être que nous pensons que ce corps n’est pas
parfait, mais c’est le seul que nous ayons à offrir.
Loin de moi l’idée de suggérer que donner est facile, mais je dis que
cela en vaut la peine. C’est gratifiant de pouvoir dire à son conjoint : « Je
veux t’offrir ce que j’ai de meilleur, même si je pense que ce meilleur n’est
pas vraiment exceptionnel ». Cet engagement rappelle celui de Pierre, qui dit
au mendiant de Jérusalem : « Je ne possède ni argent ni or ; mais ce que j’ai,
je te le donne : au nom de Jésus-Christ de Nazareth : lève-toi et marche ! »
(Actes 3 : 6).
Tant de gens ne parviennent pas à donner à Dieu ou aux autres
simplement parce qu’ils ne peuvent pas tout donner. Apprenez à progresser
pas à pas dans l’obéissance à Dieu, en offrant à votre conjoint ce que vous
avez, avec toutes ses imperfections et limitations.

Se dépasser soi-même
Quand je réfléchis à la spiritualité chrétienne, j’ai du mal à admettre à
quel point nous sommes tributaires de l’équilibre chimique de nos corps.
Constater que l’on peut guérir de sérieux dysfonctionnements simplement par
la correction d’un déséquilibre chimique, cela donne à réfléchir.
Les scientifiques ont démontré qu’en vieillissant, les hommes
deviennent plus aptes à se pencher sur les besoins humains, à mesure que leur
taux de testostérone diminue. Quant aux femmes, elles deviennent plus
ambitieuses lorsque leur taux d’œstrogènes varie. Le rôle des hormones
s’amenuisant, la différence entre les sexes s’estompe (sans toutefois
disparaître).
Notre sexualité est le résultat de pulsions physiques d’origines
chimiques. Je peux m’abstenir pendant un certain temps, mais la nature de
cette abstinence variera avec le temps. Même si je n’apprécie pas toujours le
fait qu’un combat spirituel puisse ainsi trouver un apaisement dans un acte
purement physique, c’est ainsi que Dieu m’a fait, et vous a faits.
On peut néanmoins
Notre sexualité est peut-être
considérer les choses sous
l’outil que Dieu utilise pour nous
un autre angle. Notre
encourager à nous rapprocher
sexualité est peut-être l’outil
de l’autre.
que Dieu utilise pour nous
encourager à nous rapprocher de l’autre. Ce besoin physique va parfois nous
obliger à trouver une solution à nos conflits émotionnels et spirituels. C’est là
que la perspective biblique du divorce et du remariage prend tout son sens.
Trop de chrétiens s’engagent dans une procédure de divorce en supposant
qu’ils pourront se remarier à peine le divorce prononcé. Mais imaginons un
instant que les lois de notre pays puissent changer pour adopter le point de
vue biblique et déclarer à tout couple souhaitant divorcer : « Vous pouvez
divorcer l’un de l’autre, mais vous ne pourrez jamais avoir de relations
sexuelles avec une autre personne pour le restant de votre vie ». La plupart,
sinon la totalité, des hommes trouverait un moyen de se réconcilier avec leur
femme. Ils ne choisiraient pas le célibat.
J’ai eu un jour une discussion très honnête, avec deux de mes amis, sur
le sujet des valeurs du mariage chrétien. Ils ont éclaté de rire quand je leur ai
avoué : « Tu m’étonnes que j’ai parfois fermé ma bouche lors d’une
discussion avec ma femme, simplement parce que je ne voulais pas qu’elle
me tourne le dos une fois au lit ». Ils ont admis, plutôt embarrassés, avoir
déjà fait la même chose. Je ne suis pas fier d’avouer être moins disposé à
défendre mes opinions quand « j’ai envie de ma femme », et je n’aime pas du
tout reconnaître qu’un besoin physique peut ainsi influencer mon attitude
spirituelle. Je peux toutefois apprendre à utiliser ce besoin au bénéfice de ma
spiritualité.
Pour faire court : nous pouvons apprendre à utiliser nos besoins sexuels
pour affiner notre caractère. Au travers de ce besoin d’intimité avec leur
épouse, les hommes peuvent apprendre à faire preuve de tendresse et
d’empathie. À l’inverse, les femmes peuvent utiliser l’intimité physique pour
intéresser leur mari à la dimension émotionnelle. Idéalement, être chrétien
devrait nous suffire pour rechercher des opportunités de grandir. Mais dans la
réalité, qu’un tel besoin physique puisse contribuer à notre croissance
spirituelle n’est finalement pas une mauvaise chose en soi.
Dieu nous a certes sauvés, mais nous sommes encore tous embourbés
dans le péché. Aussi longtemps que nous serons sur cette terre, notre
sanctification demeurera imparfaite. Durant les premières années, quand les
enfants sont encore petits, la stabilité du mariage est primordiale et sa
sauvegarde ne peut être laissée au bon vouloir de quelques sentiments
altruistes.
Nos besoins sexuels vont littéralement nous forcer à sortir de nous-
mêmes pour entrer dans l’intimité de l’autre. Si cet « autre » est notre
conjoint, il s’agit d’un exercice enrichissant, qui accentue l’idée de « tomber
vers l’avant » dont nous avons parlé au chapitre 9. Lorsque nous sortons de
nous-mêmes, nous cultivons l’interdépendance et la communion, deux
pratiques essentielles de la vie chrétienne.

Le prix de la passion
D’après sa vie et les psaumes qu’il a composés, David était d’un
tempérament particulièrement passionné. Quand le prophète Nathan lui
raconta l’histoire d’un homme riche qui avait volé la seule brebis d’un
pauvre, David s’emporta. Sans se rendre compte que Nathan était en train de
parler de lui, il s’était écrié : « L’homme qui a fait cela mérite la mort ! » (2
Samuel 12 : 5) Et quand David exprimait sa passion pour Dieu, il le faisait
avec une émotion quasiment inégalée : « Mon âme a soif de toi, mon corps
soupire après toi, dans une terre aride, desséchée, sans eau » (Psaumes 63 :
2).
Le caractère passionné
Nous pouvons apprendre à
de David lui a aussi porté
utiliser nos besoins sexuels
préjudice : l’histoire de
pour affiner notre caractère.
Bath-Chéba est bien connue.
Mais nulle part, dans l’Écriture, il n’est dit que nous devions vivre une
existence dépourvue de passion. Dans le livre de l’Apocalypse, il est dit qu’il
est préférable que nous soyons soit bouillants, soit froids, tout sauf cette
insupportable « tiédeur » (Apocalypse 3 : 16).
Le philosophe allemand Martin Heidegger affirme que nos passions
nous mettent à l’écoute du monde. Nous mettent à l’écoute du monde...
Réfléchissez-y un instant. Une femme active et sexuellement comblée dégage
une certaine énergie. Un homme sexuellement satisfait avec sa femme respire
un sentiment de bien-être. La passion est une chose véritablement saine.
Tout comme l’amour, la passion nous fait grandir. La passion ne tarit
pas à force d’être exprimée, bien au contraire. Plus nous nous passionnons
pour quelque chose, plus nous sommes susceptibles de nous passionner pour
d’autres choses. Un homme débordant de passion pour sa femme peut aussi
devenir un passionné de la justice, du royaume de Dieu, de ses enfants, de
l’environnement. À l’inverse, confronté à de sérieux problèmes sexuels dans
son mariage, il peut développer un sentiment de frustration et de
découragement qui risque fort de ternir son travail, sa foi et ses relations. Cet
homme peut devenir égoïstement préoccupé par lui-même et se replier sur ses
propres besoins.
Le stoïcisme n’a jamais été une philosophie chrétienne. En vérité, nous
servons un Dieu passionné qui ressent les choses profondément. Nos passions
nous apportent la vie. L’apathie rend pathétique. Nous craignons souvent nos
passions parce qu’elles peuvent parfois nous amener à avoir une aventure
extraconjugale, à nous disputer, ou à exprimer quelque autre comportement
destructeur. La solution ne se trouve pas dans une vie moins passionnée, mais
plutôt dans la recherche de causes dignes de notre passion.
L’Histoire, telle que présentée dans la Bible et au cours de deux mille
ans de christianisme, atteste que la spiritualité chrétienne est principalement
une question de préservation de notre soif et de notre passion pour Dieu et ses
desseins pour le monde. Il faut bien l’admettre : nos passions nous détournent
parfois du droit chemin. Le mariage chrétien nous apprend à les endiguer et
devenir en quelque sorte des gardiens de barrage. Parfois il s’agit de laisser
l’eau s’écouler librement, parfois il faut réduire son débit à un simple filet.
Le mariage nous enseigne la même chose. Par moments, il est bon et
sain de laisser la passion conjugale s’écouler librement. C’est une erreur de
croire que, puisqu’on a été jadis consumé par la passion et le désir sexuel,
l’abstinence totale serait l’antidote absolu. Cela revient à se comporter avec le
sexe comme un anorexique avec la nourriture : pour ne pas grossir, il ne
mange plus du tout20. Ce n’est pas une attitude saine, c’est de la folie.
Une vie saine est une
La spiritualité chrétienne est
vie au cours de laquelle il
principalement une question de
faut pouvoir dire Oui et Non.
préservation de notre soif et de
Comme je voyage beaucoup,
notre passion pour Dieu.
ma femme et moi devons
fréquemment nous abstenir de relations sexuelles. Les couples ayant de
jeunes enfants, en particulier des bébés, ne tardent pas à découvrir qu’ils ne
peuvent plus s’adonner au sexe chaque fois qu’ils en ont envie. Il arrive aussi
que l’un des conjoints soit souffrant ou épuisé, auquel cas il serait peu
courtois d’espérer de lui une disposition favorable aux relations sexuelles.
Dans de telles situations, l’abstinence est appropriée et nécessaire.
Mais des périodes de « fête » sont aussi nécessaires. En fait, chaque Non
au sexe devrait être placé dans le contexte d’un Oui correspondant :
S'abstenir de relations sexuelles sous prétexte que l'eros
serait un mal en soi n'est assurément pas une marque de
discipline chrétienne. C'est plutôt un éloignement des
termes de la création : il est malsain et dépourvu de
sainteté. Le Non de l'abstinent ne porte de fruits qu'à
condition qu'il ait une contrepartie de Oui à des valeurs
essentielles de notre vie. La discipline difficile du jeûne
vient en complément de ce que nous souhaitons célébrer :
notre abstinence doit avoir un objectif. À moins d'avoir des
valeurs capitales à poursuivre et à préserver, nous
n'aurons aucune raison de retenir nos élans et nos
pulsions21.
En d’autres termes, l’abstinence n’est pas une impasse : c’est une longue
voie d’accélération. Mon refus d’exprimer ma sexualité quand je suis éloigné
de mon épouse est puissamment soutenu par la pensée de mon retour à la
maison. Je ne dis donc pas réellement Non, mais Attends ! Plutôt que de le
rejeter, je choisis de canaliser mon désir de manière appropriée. L’abstinence
des célibataires (qui ne sont pas appelés à le rester) est de nature identique.
Aux adolescents, il est vivement conseillé d’attendre, parce que cela
contribuera à la qualité des relations conjugales à venir. La fidélité pimente la
sexualité du couple de nombreuses manières, riches et délicieuses.
Je ne veux pas non plus
La passion et l’engagement
trop « spiritualiser » ce sujet.
sans réserve sont primordiaux.
Nous ne devons pas
Ils devraient être cultivés dans
systématiquement penser à
le mariage afin que toute la vie
des sujets « spirituels »
en soit imprégnée.
pendant les relations
conjugales. Les passions nous appellent à profiter pleinement de la vie. La
passion est au cœur du commandement concernant le sabbat. Celui-ci
comprend deux volets : pendant six jours, vous travaillerez, en y mettant tout
votre cœur, et le septième jour, vous vous reposerez. Travaillez dur, puis
reposez-vous bien. Les deux sont nécessaires pour donner du sens à la vie.
Parfois, la sexualité aura des connotations clairement spirituelles. Parfois, elle
sera une célébration du plaisir physique. Dans le mariage, ces deux attitudes
sont saintes.
En conclusion, la passion et l’engagement sans réserve sont
extrêmement importants. Ils devraient être cultivés dans le mariage afin que
toute la vie en soit imprégnée.

Célébrer
J’ai tendance à être exagérément sérieux dans ma foi ; quand je suis
tombé un jour sur un vieux livre d’Elton Trueblood, intitulé L’humour de
Christ, j’ai donc été interpellé. Trueblood écrit : « Tout christianisme
incapable de s’exprimer parfois par la gaieté, est clairement une
contrefaçon22 ».
Ses affirmations sont étayées par de nombreux textes bibliques.
L’Ancien Testament ordonnait de célébrer au moins trois grandes fêtes (la
Pâque, la fête des Semaines et la fête des Tabernacles), ainsi que beaucoup
d’autres fêtes religieuses (voir Lévitique 23 ; Nombres 28 et 29). Elles
impliquaient une certaine organisation. La fête des Tabernacles, par exemple,
durait sept jours, pendant lesquels les Israélites avaient l’ordre de se réjouir et
l’interdiction de se lamenter.
Le fait est que Dieu est digne d’être célébré éternellement. Jésus a dit un
jour que si les foules ne l’avaient pas acclamé, les pierres l’auraient fait (voir
Luc 19 : 40). Quelle honte si les cailloux devaient faire le travail mieux que
nous !
Je dois constamment briser le « sérieux » de ma routine. Je suis comme
ça. J’ai tendance à considérer que les fêtes sont « frivoles » ou moins
respectueuses, mais c’est un préjugé personnel que je m’efforce de
surmonter.
La sexualité conjugale offre un contexte exceptionnel pour la fête.
Lorsque vous êtes nus dans les bras de l’autre, qu’importe que vous soyez
millionnaires ou que vous ayez des fins de mois difficiles. Qu’importe que
vous passiez la nuit sans les enfants, dans un palace ou dans un petit hôtel
sans étoile. Qu’importe que vous découvriez les délices de la lune de miel de
vos vingt ans ou que vous rallumiez la flamme de la passion pour vos
soixante ans. Quelle que soit votre situation, vous célébrez une danse
profondément humaine, une expérience transcendante inventée par nul autre
que le Dieu tout-puissant en personne.
Il y a un temps pour s’abstenir. Un temps pour « se charger chaque jour
de sa croix ». Un temps pour être « salé de feu ». Et aussi un temps pour être
quasiment transporté dans un autre monde par le partage et l’exploration
intime du corps de notre conjoint.
Il est parfois utile de rappeler à certains la nécessité de célébrer avec
enthousiasme. À d’autres, il est utile de rappeler que la sobriété réfléchie, le
respect profond et le devoir mesuré ont aussi leur place. Le mariage nous
offre une expérience humaine complète, sensible et responsable. Cette
responsabilité doit bien sûr être assumée tout en se délectant du plaisir d’une
activité sexuelle bien réelle et pétillante. Cette célébration intense est un
rappel constant des réalités célestes qui attendent tous les enfants de Dieu.

Au-delà du toucher
Certains couples ont
Dans une perspective
besoin de plusieurs mois
chrétienne, l’aspect physique de
avant de réussir à considérer
la sexualité n’est pas dénigré : il
leur intimité sexuelle comme
est intégré.
une expression de leur foi et
de leur maturité spirituelle. Malheureusement, au lieu d’ouvrir la voie, les
chrétiens ont laissé d’autres mouvements religieux s’exprimer sur le sujet.
Aujourd’hui, quantité de livres s’efforcent d’incorporer la philosophie
orientale et la spiritualité tantrique à la sexualité. Dans la plupart des cas,
cette spiritualité est utilisée pour intensifier les sensations physiques. Notre
démarche suggère précisément le contraire, à savoir que les sensations
physiques sont susceptibles d’accroître notre sensibilité spirituelle. Dans une
perspective chrétienne, l’aspect physique de la sexualité n’est pas dénigré : il
est intégré. Mais, ce faisant, il nous rappelle l’existence de valeurs
supérieures au plaisir physique, à savoir que ce monde n’est pas éternel et
que la joie et la satisfaction véritables ne peuvent être vécues que dans une
relation avec Dieu et une sainte communion avec ses enfants.
Pour appréhender pleinement la sexualité conjugale et tout ce que Dieu a
prévu qu’elle soit, les couples doivent inviter leur foi chrétienne dans le lit
conjugal. Ils doivent abattre les murs existant entre leur intimité physique et
spirituelle :
La séparation entre sexualité et spiritualité, et entre célibat
et mariage, est inopportune et destructrice. Pour que
l'intégration devienne une réalité, nous devons découvrir
comment conjuguer sexualité et spiritualité, et reconnaître
que le choix d'un style de vie ne signifie pas pour autant
qu'un autre lui soit inférieur23.
La sexualité est une affaire de contact physique, certes, mais pas
seulement. Elle touche à ce qui se passe à l’intérieur de nous. Quand je parle
de développer une vie sexuelle épanouissante, cela signifie que je me
préoccupe d’abord d’entrer dans le lit conjugal avec un esprit de générosité et
de service plutôt qu’avec un corps bien musclé. Cela signifie aussi que je
considère ma femme comme un saint temple de Dieu et pas seulement un
corps humain terriblement séduisant. Cela signifie même que la sexualité
devient une forme de prière physique, une image de l’intimité céleste qui
rivalise avec la glorieuse shekinah de jadis.
Notre Dieu, qui est esprit (Jean 4 : 24), ne se détourne pas en présence
d’un enchevêtrement de membres et de corps essoufflés, recouverts de sueur.
Il est présent. Il désire que nous recherchions les relations sexuelles tout en
permettant à sa présence, ses priorités et ses valeurs d’imprégner cette re-
cherche. Si nous vivons la sexualité de cette manière, chaque moment passé
dans le lit conjugal nous transformera tout autant que chaque instant passé à
genoux, dans la prière.
CHAPITRE 12
LA PRÉSENCE SACRÉE
Le mariage peut nous rendre plus conscient de la
présence de Dieu

La famille chrétienne est un produit de la foi. Elle offre


l’incomparable opportunité de répandre l’Esprit de Dieu sur
chaque relation de la vie de tous les jours. Les époux étant
obligés de vivre ensemble, dans l'incapacité d'échapper
l'un à l'autre, chaque moment de la journée et chaque
activité du foyer les mettent au défi de vivre en commun en
accord avec les principes divins.
— OTTO PIPER

La sincérité ne suffit pas.


Je l’ai découvert à mes dépens quelques semaines après mon mariage.
Lisa approchait de son vingtième anniversaire. J’étais alors un mari
inexpérimenté, totalement novice dans l’art subtil du dialogue conjugal.
Aussi, quand Lisa m’a dit : « Ne t’en fais pas, fêter mon anniversaire n’est
pas très important pour moi », j’ai commis une terrible erreur.

Je l’ai crue.
Que pouvais-je faire d’autre ? Mon pasteur m’avait donné ce conseil :
« Recherche une femme qui aime Dieu ». Et c’est ce que j’avais fait. Lisa
était réellement l’une des jeunes femmes les plus attachées à Dieu que j’avais
connue à la fac. Le seul problème était que mon pasteur ne m’avait pas
prévenu que même ce type de femme pouvait mentir de temps à autre.
Je ne m’étais donc pas vraiment creusé la tête pour l’anniversaire de
Lisa. De plus, je venais de commencer un nouveau travail et j’étais
légèrement souffrant ; rien ne m’avait vraiment préparé à faire face aux
grandes attentes liées à un événement qui « n’était pas très important ».
La veille de son anniversaire, je lui ai acheté trois livres. Le matin
suivant, je les lui ai offerts en souriant. J’ai bien été le seul à sourire, ce jour-
là... Et j’ai appris qu’offrir des livres à Lisa sous prétexte que moi, j’aime lire,
ce n’était pas de l’amour ; c’était un espoir, tout au plus ! (Je confonds
parfois les deux.) L’amour consiste à choisir un cadeau qui lui prouvera que
je la connais et l’apprécie.
Un de mes amis, Jim, a fait une erreur semblable. Il a acheté un fer à
repasser pour l’anniversaire de sa femme, Marie. À l’en croire, c’était le
« meilleur fer à repasser de tout l’univers », le parfait modèle de luxe. À en
croire Marie, c’était la plus grave erreur que Jim ait jamais commise depuis
leur mariage. Jim a dû apprendre que pour aimer son épouse, il n’y a pas que
l’intention qui compte !
Jacques, dans sa lettre, affirme qu’il en est de même de notre relation
avec Dieu. La « spiritualité » est devenue une valeur à la mode dans notre
société. Cependant, ce que l’on cherche avant tout dans la « spiritualité »,
c’est la sincérité : peu importe en qui ou même en quoi vous croyez, du
moment que votre foi est sincère.
Ceci ne définit toutefois pas la vérité selon la Bible. Jacques affirme :
« La religion pure et sans tache, devant Dieu le Père, consiste à [...] »
(Jacques 1 : 27). S’il existe une religion que Dieu considère comme pure et
sans tache, c’est donc qu’il en existe d’autres qui ne le sont pas. Si Dieu veut
être aimé d’une certaine manière, c’est qu’il ne veut pas l’être d’une autre.
Autrement dit, la sincérité seule ne suffit pas.
Sans vouloir donner ici une définition exhaustive de la « spiritualité
chrétienne », rappelons-nous que l’un de ses composants essentiel est son
aspect relationnel. La spiritualité chrétienne n’est pas une quête
d’illumination spirituelle, une recherche d’expériences nouvelles ou de
sagesse ésotérique. Non. C’est plutôt la recherche passionnée d’un être
spirituel et une réponse à cet être spirituel, Dieu lui-même. J’aime la
définition qu’en donnent les Whitehead : « La spiritualité chrétienne peut être
décrite comme nos efforts constants pour répondre aux délices et aux
exigences de la présence de Dieu dans notre vie1 ».
Le mot-clé de cette phrase est « présence ». Les grands écrivains
chrétiens du passé ont insisté sur l’importance de vivre en étant sans cesse
conscients de la présence de Dieu. Ceux qui ont progressé dans la vie
chrétienne ont appris à développer une mémoire quasi mystique qui
concentre leur attention sur cette présence permanente de Dieu. Dieu est
toujours prêt à murmurer des paroles d’encouragement, d’approbation, à nous
lancer un défi, ou à nous faire un reproche plein d’amour. Il nous regarde
constamment. Il prend soin de nous continuellement. Il nous écoute
assidûment.
S’exercer à vivre dans la présence de Dieu est une discipline qui peut
être décrite par le fait de se tourner vers lui. Au xviie siècle, François
Fénelon, un des grands mystiques de l’histoire chrétienne, a écrit :
Une règle générale pour faire bon usage de son temps est
de s'habituer à vivre dans une dépendance continuelle de
l'Esprit de Dieu, en recevant au temps voulu tout ce qu'il lui
plaira de nous donner, en nous adressant à lui dès que les
doutes nous assaillent, en nous tournant vers lui dans la
faiblesse, quand l'épuisement fait chanceler la bonté, en
faisant appel à lui quand le cœur, attiré par les choses
matérielles, glisse imperceptiblement hors du chemin et
tend à s'éloigner de Dieu et à l'oublier2.
L’Expérience de la présence de Dieu de Laurent de la Résurrection est
peut-être le classique de la littérature concernant cet aspect de la vie
chrétienne. Lui aussi du xviie siècle, l’humble moine Laurent avait appris à se
délecter de la présence constante de Dieu, aussi bien en épluchant des
pommes de terre dans la cuisine qu’en priant, agenouillé près de l’autel.
Selon lui, nous devrions « nous installer dans la présence de Dieu en lui
parlant continuellement ». Il suggérait que laisser des pensées triviales
interrompre cette conversation spirituelle était une « chose honteuse ». Il
exhortait donc à « nourrir nos âmes des nobles pensées divines, et à trouver
ainsi une immense joie en sa compagnie ».
Cultiver la présence de Dieu requiert au départ une vraie discipline de
vie mais, avec le temps, cela devient de plus en plus naturel : « Au
commencement, un effort persistant est nécessaire pour installer l’habitude de
parler continuellement avec Dieu. Mais après un certain temps, son amour
nous y attire sans la moindre difficulté3 ».
C’est cette quête de la présence de Dieu qui a conduit tant d’hommes et
tant de femmes vers les monastères et les couvents. Ces âmes sincères étaient
persuadées qu’une vie exempte des soucis financiers et des responsabilités
familiales leur permettrait de mieux connaître les délices de la présence de
Dieu. Les anciens ordres religieux différaient considérablement les uns des
autres mais dans la plupart d’entre eux, la vie monacale s’articulait autour du
rappel et de la conscience permanente de la présence de Dieu. La journée
commençait et se terminait par la prière. Elle comprenait souvent de longues
périodes de silence imposé. La communauté créait ainsi un environnement
qui encourageait ses membres à tourner leurs regards vers le ciel.
S’exercer à vivre dans la présence de Dieu est une
discipline décrite par le fait de se tourner vers lui.
Et nous, saints et mariés, comment pourrions-nous utiliser le tourbillon
de nos activités quotidiennes et l’agitation de nos vies de famille pour nous
rappeler la présence de Dieu ?
C’est un défi, certes, mais n’y a-t-il pas moyen d’utiliser le mariage pour
qu’il nous approche davantage de Dieu plutôt que de le laisser
progressivement émousser nos sens jusqu’à ce que nous vivions une forme
d’athéisme, dans lequel Dieu resterait présent dans nos paroles, mais aurait
disparu de nos actions ? Plutôt que de laisser le mariage affaiblir notre
sensibilité spirituelle, ne pourrions-nous pas lui permettre d’insuffler une
nouvelle vie dans nos âmes ?
Une merveilleuse illustration de l’Ancien Testament suggère que ceci
est effectivement possible.

Entre les chérubins


Sur l’arche du témoignage se tenaient, face à face, deux chérubins d’or
dont les ailes se touchaient. À propos de cette union, Dieu dit : « Je te
rencontrerai du haut du propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur
l’arche du Témoignage » (Exode 25 : 22).
Cette image de la présence de Dieu « entre les chérubins » est devenue
célèbre dans l’Ancien Testament. Du temps de Samuel, les Israélites
voulurent aller chercher l’arche de « l’Éternel des armées qui siège entre les
chérubins » (1 Samuel 4 : 4). Le psalmiste a écrit : « Prête l’oreille, berger
d’Israël, [...] toi qui sièges (entre) les chérubins ! » (Psaumes 80 : 2). Ésaïe a
utilisé la même image : « Éternel des armées, Dieu d’Israël, qui sièges sur les
chérubins » (Ésaïe 37 : 16). Ce langage imagé persiste jusque dans le
Nouveau Testament : « Au-dessus de l’arche se tenaient les chérubins de
gloire » (Hébreux 9 : 5).
La présence de Dieu descend vers nous quand deux créatures se
rejoignent. Dieu « habite » au sein même de cette rencontre. Quelle belle
image !
Il existe dans l’Histoire une longue tradition de quête de Dieu par la
solitude. Mais la Bible nous encourage aussi à rechercher Dieu au sein des
relations et de la communauté. Jésus dit : « Si deux d’entre vous s’accordent
sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père
qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je
suis au milieu d’eux » (Matthieu 18 : 19-20).
Notez que Jésus précise « assemblés en mon nom ». Si une famille peut
se réjouir de la présence permanente de Jésus, c’est précisément parce que les
époux ont souhaité l’inviter au cœur de leur relation. Ils ne s’unissent pas
pour échapper à la solitude, ou pour améliorer leurs ressources financières, ou
simplement pour trouver un exutoire acceptable à leurs besoins sexuels. Par-
delà toutes ces raisons, ils se sont joints l’un à l’autre afin de vivre et
d’approfondir leur foi en Dieu.
Même si vous ne vous êtes pas mariés pour cette raison, vous pouvez
désormais décider de préserver votre mariage sur cette base. Si vous le faites,
vous découvrirez alors que le mariage peut devenir un canal approprié par
lequel Dieu devient présent dans votre quotidien. Le mariage nous incite à
vivre la présence de Dieu en nous incitant à la conversation, en nous
rappelant notre soif intérieure du transcendant, en nous aidant à voir l’image
de Dieu et en nous permettant de contribuer à l’œuvre de la création.

Conversation
Dans ma jeunesse, j’ai toujours cru que le silence était un moyen
Le mariage peut devenir un privilégié pour approcher le
canal approprié par lequel Dieu cœur de Dieu. Dans le
devient présent dans votre bulletin hebdomadaire de
quotidien. mon église, il y avait
toujours une phrase du
style : « Merci d’observer une attitude de respect tandis que nous préparons
nos cœurs à louer le Seigneur ». Et de fait, les racines profondes de la
tradition chrétienne témoignent de la valeur spirituelle accordée au silence.
Les moines trappistes, par exemple, avaient fait vœu de silence et utilisaient
la langue des signes pour communiquer entre eux. Certaines archives font
état de moines n’ayant pas prononcé un seul mot pendant plus de trente ans.
Cette discipline du silence des moines trappistes devait peut-être les
conduire vers la sainteté, mais la conversation au sein du mariage peut aussi
nous amener à Dieu. Au début du xxe siècle, en France, un mouvement s’est
développé pour aider les couples à vivre leur mariage dans la durée. Il
insistait sur « le devoir de s’asseoir », et soutenait que l’on devrait considérer
la conversation au sein du couple comme un exercice spirituel4.
Le mariage est un lieu où l’on se doit de communiquer. Des temps de
silence et de méditation sont, bien entendu, nécessaires, mais dans notre
relation avec notre conjoint, la communication est une discipline d’amour.
Notre rapprochement mutuel rappelle que Dieu aussi s’approche de nous et
nous permet de mieux connaître sa présence et son caractère. Dieu utilise
même les rêves pour communiquer, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau
Testament. Il s’approche donc de nous à toute heure du jour et de la nuit.
Dieu nous aime en paroles plutôt que par le toucher physique. Nous pouvons
aimer notre conjoint par ces mêmes paroles et grandir ainsi dans la
ressemblance à Christ.
Allender et Longman
Dans notre relation avec notre
font observer que « nous
conjoint, la communication est
sommes appelés à cultiver
une discipline d’amour.
Christ dans notre conjoint
par la puissance de nos paroles5 ». Comment ? En partie de cette manière :
« Une bonne parole étouffe le chaos et fait naître la joie et la vie ; une
mauvaise parole génère le chaos et pousse au désespoir et à la mort6 ».
Ainsi, les paroles qui sortent de notre bouche sont des invitations à
expérimenter la présence de Dieu ou à s’en éloigner. Chaque parole adressée
à un membre de la famille est une invitation à goûter soit au divin, soit au
chaos.
Dans sa lettre, l’apôtre Jacques voit dans le contrôle de notre discours
l’une des disciplines chrétiennes fondamentales :
Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu'un
ne bronche pas en paroles, c'est un homme parfait,
capable de tenir tout son corps en bride. Si nous mettons le
mors dans la bouche des chevaux, pour qu'ils nous
obéissent, nous dirigeons aussi leur corps tout entier.
Voyez encore les navires : si grands qu'ils soient, et
poussés par des vents impétueux, ils sont dirigés par un
très petit gouvernail au gré du pilote. De même, la langue
est un petit membre, mais elle a de grandes prétentions.
Voyez comme un petit feu pour embraser une grande
forêt ! Or la langue aussi est un feu, elle est le monde de
l'injustice : la langue a sa place parmi nos membres, elle
souille tout le corps et embrase tout le cours de l'existence,
embrasée qu'elle est par la géhenne.
— JACQUES 3 : 2-6
Pour Jacques, notre langue sert donc de thermomètre spirituel puisque
les paroles qui sortent de notre bouche démontrent notre « température » à
l’égard de Dieu.
Notre langue peut être cruelle de deux manières : par les paroles
mauvaises qu’elle prononce, ou par les bonnes paroles qu’elle ne prononce
pas. Nous devons reconnaître le côté insidieux du silence qui s’installe
parfois dans le couple. Il existe un silence nécessaire à la guérison ; il existe
aussi un silence malveillant. Vous connaissez votre cœur. Vous savez si vous
gardez le silence afin de parvenir à la guérison, ou si vous agissez en égoïste,
en lâche ou par méchanceté. Quand je refuse de parler par lâcheté, égoïsme
ou lassitude, je fais marche arrière dans ma relation avec Dieu.
Dieu m’appelle à parler, mais à parler avec précaution. J’ai dû
apprendre à communiquer avec ma femme. Il m’a fallu découvrir pourquoi il
m’arrivait de l’exaspérer, tantôt en me taisant, tantôt en disant ce qu’il ne
fallait pas. Autrement dit, pour placer mon mariage sous le signe de l’amour,
j’ai dû apprendre à mieux dompter ma langue.
La communication nous oblige à entrer dans le monde de l’autre. Pour
communiquer avec ma femme, je dois faire abstraction de mon propre
système de référence. Je dois accepter qu’un même mot puisse avoir une
signification différente pour chacun de nous. C’est un exercice par lequel
nous nous vidons de nous-mêmes et donc un exercice qui produit d’énormes
bénéfices spirituels.
Un ton railleur peut causer de profondes blessures. Des paroles peuvent
détruire, meurtrir et dresser des murs. Dan Allender et Tremper Longman
nous encouragent donc à choisir soigneusement nos mots :
Je dois semer des mots comme des graines qui donneront
une moisson dont le fruit bénira Dieu. [...] Nous devons
choisir nos paroles comme s'il s'agissait d'instrument de vie
ou de mort. Si nous connaissons le pouvoir des mots,
jamais la peur ne nous empêchera de parler, mais nous ne
parlerons pas non plus pour semer la destruction. Nous
devons donner des paroles d'encouragement qui
rapprocheront ceux que nous aimons du cœur de Dieu ; et
nous devons donner des paroles de réprimande pour
interrompre l'inclination naturelle de nos cœurs à l'orgueil
et à l'autojustification7.
L’autre aspect de la communication consiste à apprendre. À écouter.
C’est un domaine de luttes constantes pour moi. Je suis souvent perdu dans
mes pensées et n’apprécie guère que quelqu’un veuille interrompre ma
réflexion pour partager ses pensées avec moi. Seulement, en me mariant avec
Lisa, je me suis engagé à communiquer avec elle.
Ma femme est une lectrice assidue du magazine Guideposts. Elle aime
les récits tragiques, et le côté émouvant de certains articles. Pure coïncidence
(et je vous assure que je n’invente rien !), pendant que je tapais ces lignes,
Lisa est venue me demander de faire une pause parce qu’elle voulait me lire
une histoire qu’elle venait de découvrir dans ce magazine.
Elle sait que ce journal n’est pas vraiment ma tasse de thé. Je lis trente à
quarante livres par an, de nombreux magazines, mais généralement pas de
récits d’expériences personnelles. Écouter ces histoires est pourtant devenu
partie intégrante de mon engagement à entrer dans l’univers de ma femme.
L’amour est un mouvement intentionnel en direction de l’autre.
Comment le fait d’écouter appelle-t-il la présence de Dieu ? Une part
importante de la prière consiste à écouter Dieu. Au chapitre 3, j’ai cité le Dr
John Barger. Un petit rappel est peut-être ici nécessaire :
[Lorsque les femmes] aiment, elles le font en douceur ;
quand elles parlent, elles murmurent, et nous devons
prêter l'oreille attentivement pour entendre leurs mots
d'amour et les connaître.
Dieu n'agit-il pas aussi de même ?
Il intervient souvent dans nos vies d'une façon si douce
qu'il passe inaperçu si nous négligeons de nous arrêter
pour être attentifs, si nous ne nous efforçons pas
constamment d'entendre ces chuchotements d'amour divin.
Les qualités nécessaires pour aimer véritablement une
femme et ressentir en retour son amour sont l'écoute, la
patience, l'humilité, le service et l'amour fidèle. Ce sont
précisément ces mêmes vertus qui sont nécessaires pour
aimer Dieu et nous savoir aimés par Dieu.
La communication nous invite à sortir de nous-mêmes. Apprendre à le
faire est une nécessité absolue autant pour développer une vie de prière
sérieuse que pour construire un mariage sérieux. Cette action de
communication invite Dieu à être présent dans notre quotidien. Par nos
paroles, nous pouvons soit nous approcher de la présence de Dieu, soit le
rejeter.

La soif du transcendant
À un moment donné de votre relation avec votre futur conjoint, vous
avez choisi de mettre de côté toute autre option et de vous attacher à cette
personne seule, pour le restant de votre vie. Tant que vous étiez célibataire,
vos options de partenaire de vie étaient pratiquement illimitées, pour autant
que l’autre veuille bien de vous. Et pourtant, parmi les milliards d’individus
habitant sur cette terre, vous en avez choisi un : votre conjoint.
Rappelez-vous, comme un exercice spirituel, qu’indépendamment des
conséquences, vous avez volontairement choisi cet homme ou cette femme.
Après avoir mûrement réfléchi, vous l’avez soit demandé en mariage, soit
répondu Oui quand vous avez été demandé(e) en mariage. En ce temps-là,
votre décision était parfaitement sensée, et vous étiez prêts à construire votre
vie dessus. Vous aviez toutes les raisons de croire que le fait de l’épouser
établirait une relation que vous chéririez jusqu’à ce que la mort vous sépare.
Quand nous L’amour est un mouvement
comprenons que les êtres intentionnel vers l’autre.
humains ne pourront jamais
nous apporter tout l’amour dont nous avons envie et besoin, le mariage est là
pour nous rappeler notre besoin de Dieu. Cette désillusion inévitable peut
amener certains à sauter d’un mariage à un autre. Ils ne réalisent
malheureusement pas que leurs vrais besoins ne peuvent être comblés qu’en
Dieu et par Dieu. Ils persistent donc à chercher leur épanouissement dans de
nouvelles relations, convaincus qu’il leur suffirait de trouver « la bonne
personne », c’est-à-dire, généralement, une nouvelle personne. Le
christianisme ne nous ordonne pas de rechercher la bonne personne : il nous
demande de la devenir.
Telle la boussole de votre cœur, permettez à votre insatisfaction, ou
même votre ennui de la vie et de vos relations, de vous réorienter vers le nord
de votre passion la plus profonde : Dieu lui-même. Souvenez-vous que les
mariages successifs reproduisent invariablement le même schéma : une
intense excitation, le frisson de la découverte et puis, d’une manière ou d’une
autre, une désillusion de plus en plus douloureuse.
Pour revenir à mon vieil ordinateur du premier chapitre, il ne servirait à
rien que je l’échange contre un autre exemplaire du même modèle. Pendant
quelques semaines, il aurait peut-être l’air un peu plus neuf, moins
poussiéreux, mais ra- pidement je me rendrais compte que je travaille
toujours avec les mêmes limites.
Nous tous les humains, nous sommes comme des ordinateurs d’ancienne
génération, et nos cœurs rêvent du modèle dernier cri. Changer de partenaire
ne va pas, ne pourra pas, nous satisfaire comme nous rêvons de l’être. Ce
nouveau partenaire aura peut-être l’air plus neuf pendant quelques années,
moins poussiéreux et moins ridé mais, un jour ou l’autre, nous découvrirons
qu’il a dans l’ensemble les mêmes limites que celui contre lequel nous
l’avons « échangé ». La célèbre citation du moine Augustin est tellement
connue que j’hésite un peu à la mentionner, mais elle demeure pourtant
tellement vraie :
Nos cœurs sont sans repos jusqu'à ce qu'ils trouvent leur
repos en toi.
Nos cœurs ne peuvent trouver le repos que lorsque Dieu fait partie de
l’équation de notre vie. La Bible précise cependant qu’après avoir créé
Adam, Dieu a aussitôt déclaré : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul »
(Genèse 2 : 18). Et pourtant, Dieu trouvait son plaisir dans sa relation avec
l’homme. Dieu nous a créés avec le besoin de relations avec d’autres8. Mais
Dieu doit être au centre de notre cœur, là où viendront s’ajouter toutes nos
autres relations.
Laissez donc votre
Lisa est devenue, en quelque
relation avec votre conjoint
sorte, le thermomètre de ma
vous indiquer ce dont vous
relation avec Dieu.
avez le plus besoin : l’amour
et la présence active de Dieu dans votre vie. Ne blâmez pas votre conjoint si
vous ne vous sentez pas pleinement satisfait ; vous êtes seul coupable de ne
pas rechercher une relation pleinement satisfaisante avec Dieu. Les moines et
les religieuses qui ont trouvé la satisfaction dans une recherche de Dieu au
sein de leur solitude sont la preuve que l’absence d’intimité conjugale n’est
pas automatiquement synonyme de misère ou d’insatisfaction spirituelle.
Quand vous découvrez cette vérité, vous verrez comme il est formidable de
voir à quel point vous pouvez être satisfait de la personne avec qui vous
vivez, quelle qu’elle soit.
Toute insatisfaction conjugale qu’importe son intensité, devrait nous
inspirer cette prière : « Voilà pourquoi j’ai besoin de toi, ô Dieu ». Notre âme
a soif de transcendance et la personne que vous avez choisie pour marcher à
vos côtés ne peut entièrement répondre à cette soif. Cela peut vous paraître
bizarre, mais je me suis rendu compte que mon degré de satisfaction ou
d’insatisfaction au sein de mon mariage dépendait beaucoup plus de ma
relation avec Dieu que de ma relation avec Lisa. Quand mon cœur se refroidit
vis-à-vis de Dieu, toutes mes autres relations en souffrent.
C’est pourquoi, dès que je commence à m’éloigner de ma femme, ou
que mon amour pour elle diminue, je regarde d’abord l’état de ma relation
avec Dieu. Lisa est devenue, en quelque sorte, le thermomètre de ma relation
avec Dieu.

Voir l'image de Dieu


Chaque soir, je m’endors à côté d’une image de Dieu.
La Bible nous enseigne que l’homme et la femme ont été créés à l’image
de Dieu (voir Genèse 1 : 26-27). Si nous comprenions cette vérité, nous
pourrions nous souvenir en permanence de la présence de Dieu dans nos vies.
Nous nous rendrions compte que le conjoint qui vit à nos côtés nous permet
de mieux appréhender la personne et la nature de Dieu.
Dan Allender et Tremper Longman ont expliqué l’importance, pour
l’homme et la femme, d’incarner l’un pour l’autre des caractéristiques de
Dieu :
Par sa force, un mari fait écho à la puissance de Dieu ; il
peut ainsi aider sa femme à mieux comprendre cet aspect
de la personne de Dieu, en l'incarnant même
imparfaitement. De la même manière, la tendresse et la
compassion d'une femme peuvent aider son mari à
prendre davantage conscience de la miséricorde de Dieu9
(voir 1 Pierre 3 : 1-3).
J’ai pratiquement supplié un de mes bons amis de fac de ne pas se
marier. Sa petite amie et lui, deux personnalités radicalement opposées, ne
cessaient de se quereller lorsqu’ils sortaient ensemble. Steve était souvent
dur, sévère et tristement dépourvu de tact. Laura était une des femmes les
plus sensibles que j’aie jamais connues. Un jour, Steve « exposa » à Laura les
sept raisons pour lesquelles il estimait qu’elle n’était pas à la hauteur dans
son rôle de petite amie. Quand j’ai dit à Steve que j’avais du mal à croire
qu’il avait osé dire tout cela à Laura en une seule fois, il répondit : « Mais
Gary, j’aurais pu encore lui donner toute une flopée d’autres bonnes
raisons ! »
Et pourtant, plus Steve et Laura grandissaient dans leur relation avec
Jésus-Christ, plus ils se transformaient, tous les deux, de bien des manières.
Steve avait peut-être grandi sans tact ; or, voilà qu’il commençait à pratiquer
l’humilité, en observant la sensibilité de Laura. Elle, de son côté, respectait le
courage de Steve, qui disait la vérité qu’importent les conséquences ; elle
réalisa alors que, parfois, être « trop douce » n’était pas toujours approprié.
Après treize ans de mariage, leur relation est aujourd’hui merveilleuse. C’est
en fait l’un des mariages les plus solides que je connaisse. Chacun a aidé
l’autre à se rapprocher du caractère de Dieu, en incarnant respectivement la
force et la tendresse divines.
Le fait d’être marié ne
Être marié ne nous rappelle pas
nous rappelle pas seulement
seulement la nature et le
la nature et le caractère de
caractère de Dieu, mais aussi
Dieu, mais aussi ses
ses exigences morales à propos
exigences morales à propos
de notre vie. de notre vie. Un des grands
problèmes de la spiritualité
chrétienne est notre aptitude à rapidement oublier ce que Dieu dit. Dieu nous
exhorte à mettre en place certaines priorités et à agir en conséquence, mais
nous les « oublions » rapidement et nous poursuivons notre chemin. Ainsi,
Dieu est sans cesse à nos côtés, cependant nous « oublions » sa présence
constante et nous traitons notre femme et nos enfants comme nous n’oserions
jamais le faire en présence de notre pasteur ou d’un autre membre de notre
église.
Les couples qui s’attachent à Dieu rendent sa présence plus réelle et
palpable dans le foyer. J’ai toujours aimé regarder des films, mais ce n’est
pas toujours un divertissement « inoffensif ». Dans ce domaine, Lisa me sert
de conscience. Je n’en suis pas particulièrement fier, mais je devine que mes
critères de choix de films seraient un peu moins stricts si je savais que Lisa ne
les regardait pas avec moi. Même après quinze années de mariage, regarder
un film avec elle, c’est un peu comme le regarder avec Dieu. Je peux
entendre Lisa penser : « Quoi ? Tu as loué ça ? »
Au début du xxe siècle, Au travers de notre conjoint,
le théologien luthérien Dieu se révèle à nous sous une
Dietrich Bonhoeffer a forme humaine.
troublé le monde
théologique en plaidant pour le rétablissement de la confession chez les
protestants. Non parce qu’il croyait que la confession à un humain était
nécessaire pour obtenir le pardon divin, mais parce que la confession avait un
but concret : elle rendait nos péchés plus réels à nos yeux.
Si cela ne vous paraît pas évident, posez-vous la question suivante :
pourquoi est-il tellement plus facile de confesser nos péchés à Dieu plutôt
qu’à notre pasteur ? Pourquoi éprouvons-nous plus de honte à dévoiler nos
faiblesses devant une personne que devant le Dieu trois fois saint ?
Serait-ce parce que Dieu est si peu présent dans nos vies ?
Si nous comprenions et chérissions réellement la beauté et la sainteté de
Dieu, nous tremblerions davantage en nous approchant de lui. Mais son
invisibilité crée régulièrement une zone tampon qui amortit l’impact de sa
présence.
Au travers de notre conjoint, Dieu se révèle à nous sous une forme
humaine. Une personne de chair et de sang est assise à mes côtés et réagit à la
vue de ce qui devrait me faire réagir, et la dureté de mon cœur est mise en
lumière par la douceur du sien.
Évidemment, ce processus opère dans les deux sens. J’essaie parfois
d’aider Lisa à comprendre comment elle est perçue lorsqu’elle est fatiguée et
qu’elle crie sur les enfants. Quand elle voit la réaction sur mon visage, elle
sait qu’elle a laissé le péché des enfants la pousser elle-même à pécher.
Nous pouvons nous aider mutuellement à prendre conscience de la
présence de Dieu. Pour cela, nous devons nous exhorter l’un l’autre à grandir
dans la sainteté. Mais soyons extrêmement prudents ! C’est la présence de
Dieu que nous souhaitons inviter dans la vie de l’autre, et non notre propre
jugement. Nous inciter mutuellement à diriger nos attentions vers la présence
de Dieu, c’est sans conteste une discipline spirituelle fondamentale pour les
conjoints.
Un mariage où règne le discernement spirituel devient un outil de
sanctification. Lorsque nous regardons notre conjoint, nous sommes
conscients de la présence et de l’image de Dieu à nos côtés. Et dans la
présence de Dieu, nous désirons ardemment grandir en sainteté. « Recherchez
la paix avec tous et la sanctification sans laquelle personne ne verra le
Seigneur » (Hébreux 12 : 14 – Italique ajouté).
Cette coopération en vue de la sanctification n’est pas une discipline
facile. J’ai naturellement tendance à dissimuler mes erreurs plutôt que de
travailler à leur transformation. Chaque jour je choisis soit de dépenser mon
énergie à couvrir mes fautes et à tenter de donner de moi une image flatteuse,
soit de me repentir et de coopérer avec Dieu pour avancer davantage en
sainteté. Vivre aux côtés d’une femme créée à l’image de Dieu sera une réelle
invitation à être honnête et à progresser dans la sanctification, à condition que
je permette à mon mariage de me rappeler la présence de Dieu et ses droits
sur ma vie.

Créés à l'image de Dieu


Sur les hauteurs de Fredricksburg, aux États-Unis, en contemplant le
théâtre d’une terrible bataille de la guerre civile en 1862, je ne pouvais
m’empêcher de murmurer : « Quel gros gâchis ! » À cet endroit, les troupes
nordistes avaient tenté de prendre d’assaut une muraille impénétrable afin de
s’emparer de la ville. Pour les sudistes, ce n’avait été qu’un simple exercice
de tir. La première vague d’assaut nordiste s’était fait massacrer. Le général
Burnside avait ordonné une seconde offensive. Les sudistes avaient applaudi
leur bravoure et attendu que les soldats soient en formation, avant de les
abattre jusqu’au dernier.
Burnside avait encore ordonné une troisième offensive. Chaque homme
qui tombait était un fils, un mari, un oncle, un père ou un frère. Chaque vie
perdue allait profondément affecter la vie d’au moins une autre personne. Et
toutes ces vies étaient gaspillées en pure perte.
Peu de chose m’irrite autant qu’une vie gâchée. J’apprends ici que des
lycéens roulaient trop vite et se sont tués au volant ; ils avaient tous moins de
dix-huit ans. Ailleurs, des étudiants ont succombé à un coma éthylique lors
d’une beuverie ; ils n’avaient pas encore vingt et un ans. Chaque fois qu’une
mort aurait pu être évitée, je ressens un profond sentiment de tristesse.
Cela s’explique peut-être en partie par mes convictions théologiques. Je
crois en effet que nous sommes des êtres créés à l’image de Dieu, et que nous
avons la responsabilité de créer à notre tour. Que ce soit en montant une
société, en construisant une maison, en fondant une famille, en écrivant un
livre, en contribuant à la vie (par l’éducation ou par la science). Quoi que
nous choisissions de faire, nous devons utiliser notre vie de manière
productive sans la gaspiller.
Le mariage nous engage dans cette démarche de création. Une chose est
claire : en dehors des liens du mariage, il n’existe pas de moyen saint d’avoir
des enfants et de contribuer à la création d’une nouvelle vie. Le profond
mystère, la grandeur et l’incroyable beauté d’une naissance transcendent tout
simplement l’existence. Quand notre premier bébé, tout nu et taché de sang, a
été déposé dans les bras de ma femme, j’ai été submergé par une émotion
jamais éprouvée jusque-là. En l’espace d’une nuit, j’ai complètement
abandonné toutes mes convictions de pacifiste. Je n’ai pas pris le temps de
repenser mes positions intellectuelles pour savoir si un chrétien pouvait ou
non s’engager dans une guerre, mais je savais désormais, au plus profond de
moi, que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger cet enfant et la
femme qui l’avait porté.
Créer une famille, c’est ce qui nous rapproche le plus du partage de
l’image de Dieu. En voyant un bébé, en partie créé à notre image, nous nous
rappelons à quel point nous avons nous aussi été créés à l’image de Dieu. Je
suis depuis toujours un grand « farceur » avec les enfants. J’aime m’amuser
avec eux et leur jouer des tours. Mon fils a maintenant neuf ans et il agit
exactement de la même manière quand il se retrouve avec des enfants plus
jeunes que lui. Et je suis étonné de constater que, quand je passe par un
renouveau de ma foi, mon fils éprouve à son tour une soif renouvelée pour
Dieu. Que mes actions aient désormais une telle influence sur trois jeunes
vies, cela me donne à réfléchir sérieusement.
Ce genre de création
Si nous ne nourrissons pas ce
exige toutefois bien des
sens divin de la créativité, nous
efforts. Je me trouvais un
développerons un sentiment de
jour dans une famille où les
vide dans notre vie et en
enfants étaient
jetterons la responsabilité, à
incroyablement bien élevés.
tort, sur notre mariage.
Après qu’une des filles,
adolescente, eut fait preuve d’une politesse exceptionnelle, je me suis tourné
vers ses parents : « Rassure-moi, ils saignent bien quand même si on les
pique, ces enfants ? » Mais le lendemain, au petit-déjeuner, le papa m’avoua
avoir passé la veille plus d’une heure et demie à discuter d’un problème
compliqué avec sa fille, peu après mon départ. Il entretenait aussi de longues
conversations quotidiennement avec son fils. Il y avait toujours un sujet ou un
autre qui avait besoin d’être discuté.
J’étais abasourdi de constater combien d’efforts, de temps et d’attention
cet homme de Dieu était prêt à investir délibérément dans sa famille. Il y était
bien plus engagé que moi. Il sacrifiait d’immenses portions de sa propre vie
pour engager tous ses efforts dans la création d’autres vies. Et j’ai réalisé que
construire ensemble une famille n’est pas un hobby dans lequel nous pouvons
occasionnellement nous engager : c’est un travail qui demande énormément
d’énergie, de concentration et de don de soi.
Quand cette dimension de la création est perdue, le mariage perd aussi
une partie de sa transcendance spirituelle. Pour souligner les conséquences de
cette perte sur la signification de l’existence, Dan Allender et Tremper
Longman ont raconté l’histoire d’un certain Jack :
[Jack] refusait de penser à ce qu'il aurait pu devenir s'il
avait laissé Dieu transformer son cœur plus en profondeur.
Ce refus de Jack de voir en sa propre âme le terrain
privilégié de la création le privait de toute capacité de rêve
lorsqu'il pensait à sa femme et ses enfants. Tout comme
pour lui-même, il avait perdu la vision de ce qu'ils étaient et
de ce qu'ils étaient censés devenir. La dure réalité était que
Jack les aimait, mais qu'il n'avait aucun rêve d'avenir pour
leurs vies. Il était créateur sur son lieu de travail, mais pas
dans sa famille. De ce fait, sa famille était abandonnée à
un certain chaos, errant sans but, déambulant avec
lassitude, dans la sombre solitude du statu quo10.
Si nous ne nourrissons pas ce sens divin de la créativité, nous
développerons un sentiment de vide dans notre vie et en jetterons la
responsabilité, à tort, sur notre mariage. Ce vide n’émane pas de notre
mariage, mais plutôt de notre manque d’implication dans notre mariage.
Nous ne mettons pas cette puissante relation à profit pour créer.
Nous avons été créés pour adorer. Si nous ne progressons pas dans notre
adoration de Dieu, nous irons adorer quelqu’un ou quelque chose d’autre : le
pouvoir, l’argent, le succès, le sport, etc. De la même manière, si nous ne
créons rien au sein de notre mariage, si notre âme ne trouve pas sa
satisfaction en faisant ce pour quoi elle a été créée, nous sombrerons
rapidement dans l’insatisfaction. Avoir une promotion, cela ne satisfera pas
notre âme. En tout cas, pas pour bien longtemps. Ne pas rater un épisode de
la dernière série télévisée ne sera pas non plus une source de satisfaction non
plus pour notre âme.
Avez-vous déjà remarqué à quel point notre société se nourrit de la
création des autres ? Voyez le nombre de programmes télévisés diffusant les
cérémonies de remise de prix : oscars, césars, grammy awards, palmes d’or,
golden globes, etc. Nos contemporains vivent par procuration au travers des
réalisations et de la reconnaissance témoignée aux autres.
Vous avez été fait par Dieu pour créer. Si vous ne créez pas d’une
manière réfléchie et dans une attitude d’adoration, que ce soit en faisant la
cuisine, en décorant la maison, en poursuivant votre vocation, ou en élevant
intentionnellement vos enfants, vous n’aurez jamais le sentiment d’être un
être humain au sens plein du terme. Si votre vie est vécue comme une
succession de cul-de-sac, de boulots tristes suivis de soirées passées à
regarder la télé, de week-ends pendant lesquels vous cherchez à « tuer le
temps », vous aurez l’impression de vivre l’enfer sur la terre et c’est
exactement ce que vous vivrez. Une telle vie est une vie gâchée, dépourvue de
l’énergie créatrice de Dieu. Dans toute l’histoire de l’humanité, jamais un
mariage n’a pu remplir une âme vidée de son sens à cause d’un style de vie
non créatif.
Le mariage nous appelle à créer, de façon multiple et variée, jour après
jour. Ma femme organise d’incroyables fêtes pour nos enfants. Pour la Saint
Valentin de ma fille cadette, elle a récemment dressé une table à faire pâlir
tous les magazines de décoration intérieure. Nous devons saisir ces occasions
et nous y engager sans réserve. Nous serons parfois surpris par la satisfaction
profonde que ces moments de création nous procurent.
L’objectif de ces actes
Vous avez été fait par Dieu pour
de création doit néanmoins
créer.
être clair : nous souhaitons
glorifier Dieu. « Créer » des enfants qui deviennent aussi superficiels que
nous, cela n’a rien à voir avec la création d’enfants qui s’enracinent dans le
Seigneur et vivent pour le servir. Mettre sur pied une entreprise afin
d’honorer Dieu, cela n’a rien à voir avec l’idée d’ériger un monument à la
gloire de notre réussite. L’hospitalité qui a pour but égoïste d’impressionner
et de soutirer la reconnaissance, cela n’a rien en commun avec le service
sincère.
Mais un homme et une femme qui se consacrent à leur croissance
mutuelle en Christ, qui élèvent des enfants dans la connaissance et le respect
du Seigneur, qui s’engagent dans un travail soutenant l’œuvre de Dieu sur la
terre par des relations harmonieuses et une bonne gestion du temps et de
l’argent, ces chrétiens-là participent à une œuvre de création. Et cette
créativité procure à une âme spirituellement saine une joie incomparable, une
raison d’être et un épanouissement.
Dieu nous a donné la
Notre attitude laxiste, au sein de
possibilité et le privilège de
nos mariages, devient une
nous engager avec notre
entrave au développement de
famille dans une sorte de
notre spiritualité.
« poursuite glorieuse »11 :
nous pouvons devenir participants de la nature divine (voir 2 Pierre 1 : 4), et
refléter l’image même de Jésus-Christ. Quand nous emmenons notre famille
avec fougue (et avec grâce) vers cette poursuite de la sanctification, nous
commençons à refléter la gloire de Dieu.
Le mariage crée clairement un contexte favorable à la création. C’est un
devoir et une discipline spirituels de la plus haute importance.

Un mariage, une raison d'être


Le mariage n’est pas un frein à la recherche de Dieu et au bonheur de
vivre dans sa présence. Bien au contraire ! Mais notre attitude laxiste, au sein
de nos mariages, devient une entrave au développement de notre spiritualité :
bien souvent, nous cessons de communiquer comme nous le devrions ; nous
ne tenons pas compte de la soif de divin de notre âme et essayons de la
soulager en lui offrant des relations purement humaines ; nous ne distinguons
plus dans notre conjoint l’image de Dieu et engageons nos vies dans le
mensonge ; nous démissionnons de notre rôle de conjoint et ne trouvons pas
de plaisir dans la capacité de création inhérent à l’idée du mariage. Ce sont
bien ces conséquences de notre attitude laxiste qui finissent par nous éloigner
de Dieu.
De bien des manières, le mariage est une pente dangereusement
glissante. Si nous ne sommes pas vigilants, nous tomberons à la renverse.
C’est par notre nonchalance que nous laisserons notre sensibilité spirituelle
s’émousser.
En revanche, si nous nous engageons dans le mariage de manière
réfléchie et délibérée, avec un cœur entier pour Dieu, cette union nous
façonnera comme peu d’autres expériences pourraient le faire. Et nous serons
introduits dans la présence même de Dieu.
CHAPITRE 13
LA MISSION SACRÉE
Le mariage au service de notre appel

Depuis bien longtemps, le christianisme nous rappelle cette


vérité : le mariage ne se suffit pas à lui-même, car tout
amour qui ne sert pas la vie est destiné à mourir.
— EVELYN ET JAMES WHITEHEAD

— Esta Lisa ?
En guise de réponse, j’eus droit à un flot d’espagnol auquel je ne
compris rien du tout :
— Esta Lisa ? répétais-je, dans l’espoir que la Mexicaine au bout du fil
saisirait l’allusion et me passerait ma petite amie.
Finalement, Lisa prit le combiné, mais notre conversation fut tout sauf
réjouissante. C’était l’été précédant nos fiançailles et Lisa était partie en
mission à Mexico. Au fil de cet été, ses lettres étaient devenues de plus en
plus impersonnelles ; elle parlait de moins en moins d’elle-même et de ce
qu’elle ressentait, et de plus en plus des choses qu’elle faisait et, en
particulier, du jeune collègue musclé avec qui elle passait beaucoup de son
temps.
J’avais été alarmé par l’absence quasi totale, dans ses dernières lettres,
de quoi que ce soit concernant notre couple, ou du fait que je lui manquais. Et
puis un jour, Lisa m’écrivit, et sa désinvolture ajouta à la douleur : elle
envisageait de prolonger son séjour à une année entière. Si je me souviens
bien, le fameux collègue réfléchissait, lui aussi, à cette possibilité.
Jusque-là, je n’avais jamais téléphoné à Lisa. Les appels internationaux
coûtaient horriblement chers pour l’étudiant fauché que j’étais. Et les
courriels étaient encore de la science-fiction pour la majorité des gens.
Je ne me souviens plus du début de notre conversation mais, en plein
milieu, il y eut un long silence, d’au moins une minute. J’y mis finalement fin
en faisant un commentaire pas très sympa (et pas très malin non plus) : « As-
tu la moindre idée de ce que ce silence vient de me coûter ? »
Notre combat pour tenter d’être ensemble et de servir le Seigneur par la
même occasion avait débuté bien avant nos fiançailles. Bien sûr, je voulais
que Lisa serve le Seigneur, mais à condition que ce soit avec moi. À
l’époque, je n’étais ouvert à aucune autre option.
J’aurais pu apprendre
L’un des grands défis du
quelques leçons de mon
mariage est de parvenir à
héros d’alors. Le pasteur
préserver la vision de notre
allemand Dietrich
mission individuelle tout en
Bonhoeffer était fiancé alors
vivant une relation de
qu’il était incarcéré à la
collaboration.
prison de Tegel à cause de sa
participation à un complot visant à renverser Hitler. Tout fraîchement engagé
dans une relation amoureuse qu’il savait partagée, Bonhoeffer a certainement
dû être tenté d’abandonner cette mission lourde de conséquences qui était
d’arrêter Hitler à tout prix. S’il renonçait, il pouvait espérer une vie facile et
heureuse, épouser Maria et devenir professeur au séminaire. Pourtant, il
échangea volontairement cette vision d’une existence facile contre
l’incertitude d’un engagement révolutionnaire.
Du fond de sa cellule, Bonhoeffer se posa de nombreuses questions
difficiles mais fondamentales. Dans un poème rédigé alors qu’il était
emprisonné, il se demandait : « Qui suis-je ? » Il avait remarqué qu’il était
souvent apprécié pour son côté amical, agréable et enjoué. Pourtant, en son
for intérieur, il avait l’impression d’être quelqu’un d’autre. Au plus fort de
cette crise spirituelle, il entreprit de se poser plusieurs questions essentielles :
Qui suis-je ? Celui-ci, ou celui-là ?
Suis-je quelqu'un aujourd'hui, et un autre demain ?
Suis-je les deux à la fois ?
Un hypocrite pour les autres,
et une méprisable poule mouillée pour moi ?
Qui suis-je ?
Toutes mes nombreuses questions se moquent de moi.
Peu importe qui je suis, tu le sais, ô Dieu, je suis à toi1.
Relisez cette dernière ligne : « Peu importe qui je suis, tu le sais, ô Dieu,
je suis à toi ».
La plupart d’entre nous aspirent à l’intimité du mariage ; mais comment
entrer dans cette union sans sacrifier ce que nous pensons être notre mission
personnelle devant Dieu ? Comment pouvons-nous promettre à notre conjoint
d’être d’une fidélité absolue et de continuer à « tomber dans sa direction »
alors que nous avons déjà promis que nous serons d’une disponibilité totale
pour le service de Dieu ?
Ce n’est pas chose aisée que de maintenir l’équilibre entre les exigences
d’une relation humaine intense et celles d’un engagement spirituel
fondamental et universel. L’un des grands défis du mariage est de parvenir à
préserver la vision de notre mission individuelle tout en vivant une relation
de collaboration.
Peu d’écrits ont traité ce sujet dans le passé simplement parce que la
plupart des anciens textes chrétiens supposaient que les croyants « vraiment »
sérieux dans leur foi demeu- reraient célibataires. J’en ai toutefois découvert
un, rédigé par François de Sales (1567-1622). Il a abordé ce sujet d’une
manière très honnête. Il avait étudié le droit et la théologie, et avait développé
une sorte de ministère de conseiller spirituel épistolaire s’apparentant quelque
peu à un « courrier du cœur » du xviie siècle. Ses nombreux conseils aux
chrétiens engagés vivant « dans le monde » sont tellement pratiques, utiles et
pleins de bon sens que je leur consacre une bonne portion de ce chapitre.

Lettres aux gens du monde


Une femme mariée lui dit un jour qu’elle constatait l’existence d’un
conflit entre son dévouement conjugal et son engagement spirituel. François
de Sales balaya ces tracas d’un revers de la main, et l’encouragea en ces
termes : « Soyons ce que nous sommes, et soyons-le bien ». En d’autres
termes, si nous sommes mariés, nous sommes mariés, et nous ne devrions pas
vivre comme si nous ne l’étions pas. Il précisa également qu’ainsi, nous
« honorons le maître dont nous sommes l’œuvre2 ».
Accepter ce genre de conseil suppose que nous ne répétions pas l’erreur
de John Wesley qui, une fois marié, avait refusé d’ajuster sa vie en
conséquence. Wesley avait juré qu’il ne permettrait pas au fait d’être marié
de ralentir son rythme d’un seul sermon. Une telle vision des choses est
irréaliste, et assurément injuste envers notre conjoint. Le mariage
s’accompagne de nouvelles obligations, dont certaines peuvent être
particulièrement difficiles à assumer pour les natures ambitieuses. Il m’arrive
de devoir sacrifier mes ambitions de réussite dans mon service pour Dieu afin
de pouvoir m’impliquer pleinement dans la vie de ma femme et celle de mes
enfants. Ces tensions devraient certainement nous amener à nous poser cette
question : « Si je néglige une fille (ou un fils) de Dieu afin d’accomplir
l’œuvre de Dieu, est-ce que j’honore encore Dieu ? »
Les hommes sont tout particulièrement tentés de laisser l’ambition
prendre le pas sur le dévouement conjugal, allant parfois jusqu’à utiliser un
langage spirituel pour justifier leur négligence vis-à-vis de leur épouse ; mais
François de Sales met en garde contre un engagement spirituel « mal cadré ».
Quand nous nous marions, nous promettons à notre conjoint d’investir une
quantité considérable d’énergie, de volonté et de temps dans l’édification et
l’entretien de notre relation. S’engager dans le mariage pour continuer de
vivre comme un célibataire relève de malhonnêteté spirituelle.
Une autre femme avait
Dieu n’est pas servi comme il se
fait part à François de Sales
doit si ceux qui nous entourent
de son combat intérieur : elle
sont rebutés par notre
désirait ardemment devenir
recherche égoïste de piété.
religieuse, mais se sentait
entravée par le joug de son mariage. Il lui prodigua ce conseil : « Dieu
n’évalue pas ses serviteurs en fonction de l’honneur lié aux tâches qu’ils
accomplissent », mais en fonction de la fidélité avec laquelle ils les
accomplissent. Qu’une femme soit à la tête d’un établissement hospitalier, ou
qu’elle s’occupe uniquement de ses enfants à la maison, cela n’a pas
d’importance aux yeux de Dieu, pourvu qu’elle soit fidèle à l’appel qu’elle a
reçu.
Une autre femme encore lui confiait ses difficultés à concilier mariage et
foi ; François de Sales lui répondit ceci : « Les moyens de parvenir à la
perfection varient en fonction des vocations : les religieux, les veufs, et les
gens mariés doivent tous rechercher cette perfection, mais pas tous par les
mêmes moyens ». Il l’encouragea en lui proposant plusieurs exercices
spirituels mais la mit aussi en garde : « Veillez particulièrement à ce que
votre mari, vos domestiques et les membres de votre famille ne pâtissent pas
des trop longs moments que vous passez à l’église ou dans la solitude pour
prier, ou de ce que vous négligez de prendre soin de votre foyer. [...] Vous
devez non seulement être attachée à Dieu et chérir cette piété, mais aussi faire
en sorte qu’elle soit bien vécue par chacun3 ».
Dieu n’est pas servi comme il se doit si ceux qui nous entourent sont
rebutés par notre recherche égoïste de piété : « Nous devons parfois quitter
notre Seigneur, affirmait François de Sales, afin de plaire aux autres par
amour pour lui ».
J’ai rencontré des femmes mariées à des incroyants qui étaient frustrées
de ne pas pouvoir participer à la vie de l’église autant qu’elles le souhaitaient.
François de Sales les aurait exhortées à vivre avec cette frustration, estimant
que la piété authentique ne doit pas permettre à nos devoirs spirituels
d’éclipser nos responsabilités conjugales.
Pour ma part, l’un des grands défis du mariage est illustré par la liste
quasi interminable des tâches qui l’accompagnent. Je voudrais connaître la
paix et la sérénité, me concentrer sur la présence de Dieu et me consacrer à
l’adoration. Mais la pelouse a besoin d’être tondue, les poubelles débordent,
les enfants veulent passer du temps seuls avec moi, la lessive doit être faite, il
faut préparer le repas, réparer la voiture, etc.
À une femme confrontée au même problème, François de Sales répondit
avec douceur, sans la condamner : « Je me souviens que vous m’avez raconté
à quel point le nombre de vos tâches vous pesait », écrivit-il. Puis, au lieu de
la réprimander, il l’encouragea : « Cela vous donne une bonne opportunité
d’acquérir de vraies et solides vertus ».
À l’en croire, la
La patience ne peut naître que
multiplicité des soucis
dans le creuset de la frustration.
nourrit notre croissance
spirituelle plutôt qu’elle ne la sape, pour autant que nous les abordions en
étant constamment prêts à mourir à nous-mêmes et à renaître à notre
croissance intérieure : « La multiplicité des affaires est un calvaire permanent
car, à l’instar des mouches qui agacent et irritent davantage le voyageur que
ne le fait le voyage en lui-même, la diversité et la multitude des affaires
causent plus de peine que le poids de ces affaires lui-même ».
Il basait sa réflexion sur cette merveilleuse hypothèse, absente de notre
manière de penser aujourd’hui : plus la difficulté est grande, plus nous
réaliserons que le bénéfice spiri tuel est important, car notre caractère peut
être forgé. Quand nous sommes confrontés à tant de responsabilités, il est
bien naturel que notre âme soupire après un peu de répit. Mais François de
Sales nous exhorte à tirer un profit maximum de ces choses en suppliant Dieu
de nous accorder patience, vertu et croissance dans la ressemblance à Christ.
C’est là que réside la
Le mariage limite la quantité de
clé du problème : la patience
ce que nous pouvons accomplir,
ne peut naître que dans le
mais il augmente notre potentiel
creuset de la frustration. Le
de transformation intérieure.
mariage et la multitude des
tâches qui l’accompagnent deviennent donc l’une des meilleures écoles de
patience qui soient. François de Sales nous encourage instamment à « nous
engager à reprendre le chemin de la patience, aussi souvent que nécessaire,
tout au long de la journée, chaque fois que nous avons tendance à nous en
écarter ».
Il encouragea cette même dame à persévérer dans la pratique de ce
qu’on appelait autrefois la « mortification », en « ne manquant aucune
occasion, aussi petite soit-elle, de s’exercer à user de bonté envers chacun ».
La pratique de cette vertu de la bonté se révèle particulièrement difficile à
vivre (François de Sales lui avoua qu’elle n’y parviendrait qu’avec l’aide de
Dieu). Agir comme il le faut est une chose, agir comme il le faut avec la
bonne attitude en est vraiment une autre. Le mariage met notre caractère et
nos motivations à l’épreuve. Comme l’explique encore François de Sales :
« J’ai parlé de “zèle empreint de douceur”, car le zèle empreint de violence
nuit à la fois à notre cœur et à la réalisation de nos projets ; ce n’est d’ailleurs
plus du zèle, mais de la précipitation et de la douleur ».
Il s’appuyait sur la conviction que le fait de devenir quelqu’un de plus
mûr honore autant Dieu que le fait d’agir comme il le faut. Le mariage limite
la quantité de ce que nous pouvons accomplir, mais il augmente notre
potentiel de transformation intérieure. Si un homme ou une femme se
concentre sur sa croissance spirituelle plutôt que sur la réus- site et la
réalisation de nombreux projets, il ou elle découvrira que la relation au sein
du mariage procure un environnement propice à la réalisation de notre
mission personnelle devant Dieu.
Conscient que l’existence de nombreux soucis peut devenir pesante,
François de Sales encouragea cette mère à persévérer en gardant les yeux
rivés sur l’éternité :
Nous serons bientôt dans l'éternité, et nous découvrirons
alors combien les affaires de ce monde avaient bien peu
d'importance, et à quel point était insignifiant le fait qu'elles
se passent bien ou pas. [...] Petits, avec quel enthousiasme
nous assemblions de petits bouts de bois, de terre et de
tuiles pour fabriquer de petites maisons ! Et si quelqu'un
venait à les détruire, nous étions dévastés ; mais nous
savons à présent que rien de tout cela n'était bien grave.
Un jour, il en sera de même au ciel, où nous découvrirons
que nos soucis dans ce monde n'étaient en fait que jeux
d'enfants.
Cela ne signifie pas pour autant, s’empressa d’ajouter François de Sales,
que « les choses de ce monde » soient absolument dénuées de valeur :
Je ne veux toutefois pas minimiser l'attention que nous
devons porter à ces futilités, car Dieu nous les a confiées
afin que nous nous exercions sur cette terre ; par contre,
j'aimerais minimiser la passion et l'anxiété que nous
associons à cette attention4.
Une autre fois, François de Sales s’adressa à une femme enceinte,
extrêmement découragée par le poids de la tristesse qui envahissait son âme.
Il la réconforta :
Un corps fragile, alourdi par le fardeau de la maternité,
fatigué de devoir porter un enfant et gêné par de
nombreuses douleurs, ne permet pas au cœur d'être aussi
enjoué, actif et prompt à réagir qu'à l'accoutumée, mais
cela ne nuit en rien à l'état réel de votre âme5.
Il l’exhorta avec tendresse : « Ma chère enfant, nous ne devons pas être
injustes en exigeant de nous-mêmes quelque chose que nous ne sommes pas
en mesure de donner. [...] Soyez patiente envers vous-même ».
Les préoccupations conjugales suscitent naturellement plus de
fluctuations émotionnelles que le célibat. Cela me rappelle un dimanche
matin en particulier. Je devais prêcher quatre fois de suite ce matin-là. Deux
de mes enfants décidèrent de déclencher la Troisième Guerre mondiale dans
la cuisine. Lisa était en train de se préparer pour partir à l’église, et il fallait
que je discipline les enfants. J’étais tellement énervé que j’ai craqué : « C’est
vraiment génial ! Ai-je eu envie de crier. Comment suis-je censé prêcher en
vivant dans un tel bazar tous les jours ? »
Ce matin-là, je me suis
Notre mission n’inclut pas
traîné jusqu’à l’église,
seulement ce que nous faisons,
émotionnellement très
mais ce que nous devenons.
abattu. J’ai simplement
demandé à plusieurs personnes de prier pour moi, en leur expliquant la
situation. J’aurais bien sûr souhaité que les choses se passent différemment,
mais lorsque j’y repense, je me rends compte que cette expérience était
probablement profitable à long terme (pour forger mon caractère), même si
elle n’avait pas été le meilleur échauffement possible pour ma
« performance » de ce dimanche matin-là.
François de Sales m’interpelle constamment. Il sait voir en chaque
difficulté de la vie une opportunité de progresser spirituellement. Quand une
femme, dont le mari luttait contre la maladie, lui écrivit, il répondit à sa
détresse :
En vérité, si la charité le permet, je m'empresserais
volontiers d'aimer les maux de votre cher mari parce que je
pense qu'ils vous seront utiles. [...] Bien souvent, le monde
qualifie de bon ce qui est mauvais et, plus fréquemment
encore, de mauvais ce qui est bon !
Ces quelques lettres laissent deviner qu’il considérait que le mariage ne
compromettait en rien notre mission envers Dieu. Au contraire, si nous nous
y engageons, le mariage devient un élément essentiel de notre mission ; pas
notre unique mission, certes. C’est l’avant-poste à partir duquel nous lançons
notre action.
Notre mission n’inclut pas seulement ce que nous faisons, mais ce que
nous devenons. Le christianisme est l’une des rares religions qui établisse un
lien entre réalité intérieure et obéissance extérieure. Nous ne pouvons pas
nous concentrer uniquement sur une adhésion extérieure, répétant en cela
l’erreur spirituelle fatale des pharisiens. Par contre, une piété intérieure qui ne
montre aucun intérêt pour le service dans et pour le monde est une erreur tout
aussi sérieuse. Notre mariage sera rendu plus fort en se tournant aussi vers
l’extérieur.

Tourné vers l'extérieur


Un mariage spirituellement vivant sera toujours l’union de deux
individus poursuivant une vision commune extérieure à eux-mêmes.
L’Histoire en a conservé plusieurs exemples. J’ai été très touché en lisant les
lettres du comte Helmuth James von Moltke, un autre héros allemand qui,
comme Dietrich Bonhoeffer, avait conspiré contre le régime nazi.
La passion d’Helmuth von Moltke pour sa femme était évidente à la
lecture de ses courriers. En voici un extrait :
Tu n'es pas un des agents de Dieu qui a fait de moi ce que
je suis ; non, tu es moi-même. Tu es mon treizième
chapitre de la première épître aux Corinthiens. [...] Ce n'est
que par notre union, toi avec moi, que nous formons un
être humain complet. Nous sommes [...] une seule et
même pensée créative.
Mais la vie d’Helmuth von Moltke était tout autant dévouée à sa
participation à l’œuvre de Dieu sur terre qu’à son profond amour pour sa
femme. Quelques heures avant d’être exécuté, il rédigea un autre courrier
passionné à son épouse. Avant de le lire, posez-vous cette question :
« Qu’écrirais-je à ma femme si je savais que cette lettre était la dernière ? »
Ma chérie, ma vie tire à sa fin, et je peux sincèrement dire
en parlant de moi : « Il est mort comblé d'années et
d'expériences ». Cela ne veut pas dire que je ne
souhaiterais pas vivre plus longtemps, et parcourir plus
longtemps les sentiers de la vie sur cette terre à tes côtés.
Mais pour cela, il me faudrait recevoir de Dieu une nouvelle
mission, puisque celle pour laquelle il m'a créé est
désormais accomplie6.
Malgré son mariage si passionné, si riche et si gratifiant, Helmuth von
Moltke affirmait que pour poursuivre sa vie sur la terre, il avait besoin que
Dieu lui adresse une nouvelle mission. Quelle déclaration remarquable dans
la bouche d’un homme qui serait pendu quelques heures plus tard ! Il avait
cherché une raison d’être à sa vie en dehors des frontières de son mariage, ce
qui contribua en soi à donner davantage de sens encore à sa relation avec son
épouse.
Dans ce livre, j’ai déjà
Un mariage spirituellement
parlé de l’importance du
vivant sera toujours l’union de
« nous » par rapport au
deux individus poursuivant une
« je » dans le mariage. Ce
vision commune extérieure à
« nous » ne s’obtient pas par
eux-mêmes.
la dissolution de l’un des
partenaires dans l’autre. L’apôtre Paul a clairement affirmé que chacun de
nous possède des dons particuliers et a un rôle bien déterminé à jouer dans le
royaume de Dieu (voir Romains 12 : 4-8 ; 1 Corinthiens 12 : 1-11). Nous
devons tous nous engager passionnément et fidèlement dans notre propre
service.
Un mariage mature regarde plus loin qu’à lui-même. Il abandonne non
seulement la tyrannie des désirs individuels, mais aussi celle du confort du
couple. Ce processus conduit le couple d’un « nous sommes » à un « nous
avons à cœur ». Une telle transition s’installe progressivement. La vie
sexuelle et les loisirs d’un couple sont radicalement transformés dès l’arrivée
du premier enfant. Le simple fait de se préparer pour aller à l’église devient
une expérience épuisante, lorsqu’il faut rapidement changer la couche du
bébé et préparer son sac à langer. Ce petit être exigeant met à rude épreuve
l’égoïsme de l’amour juvénile et de l’ivresse des débuts de la relation.
Lorsqu’ils commencent à élever leurs enfants, les couples apprennent
progressivement la valeur du service. Les activités extra-familiales sont
limitées. Une fois les enfants indépendants et autonomes, le couple devrait
continuer à alimenter son esprit de service. Libérés des exigences liées à
l’éducation de jeunes enfants, l’homme et la femme peuvent s’appliquer à
élargir leurs horizons.
J’ai vu mes propres parents passer par ce processus. À soixante-dix ans,
mon père termine sa dixième année de « retraite », mais cette liberté par
rapport au travail n’est en fait qu’une réorientation dans le service. Même
lorsqu’ils sont en vacances, mes parents demeurent des serviteurs.
Un jour, alors que nous leur rendions visite dans un camping, ils nous
ont raconté avoir passé deux heures et demie, la veille, à consoler un homme
qui venait de perdre sa femme. Ils ne l’avaient jamais rencontré auparavant,
mais il avait trouvé auprès d’eux une oreille charitable. Ils avaient annulé leur
participation à l’animation musicale du camping afin de pouvoir soulager la
solitude d’un homme accablé.
Peu de temps après, un jeune homme et sa famille s’installèrent dans le
camping. Ce jeune homme, récemment sorti d’un établissement
psychiatrique, se dirigea presque immédiatement vers mes parents, et ne tarda
pas à les appeler familièrement « grand-père » et « grand-mère ».
Pour certains, la retraite est synonyme de solitude ; mes parents, eux, se
sont précipités tête baissée pour faire de ces années les années les plus
gratifiantes et les plus remplies de leur vie. Alors qu’il aurait été
compréhensible qu’ils se reposent et en profitent pour prendre des vacances
ou faire une croisière, ils ont trouvé leur épanouissement et une raison d’être
à leur vie dans un service incessant. Et comme l’a souvent fait remarquer
mon père : « Je me demande comment j’ai fait pour trouver du temps pour
travailler ! »
Sans cette implication et cet engagement dans le service, le mariage ne
tarde pas à devenir un lieu bien solitaire. Un mariage égoïste est un mariage
creux. Nous avons été créés pour servir Dieu ; aucune affection humaine ne
peut étancher cette soif très longtemps.

Deux visions, une vie


L’ambition peut se révéler fatale.
Au printemps 1996, Lou Kasischke rejoignit une expédition
commerciale s’apprêtant à gravir l’Everest. Il allait être témoin de l’une des
pires catastrophes de l’histoire de l’alpinisme, un désastre qui ferait la une
des journaux dans le monde entier. Plusieurs personnes allaient périr sur le
plus haut sommet du monde. Au cours de cette journée fatidique, de
nombreux alpinistes avaient refusé de faire demi-tour, malgré l’heure bien
trop avancée pour passer la nuit dehors à une telle altitude. Lou décida de
rebrousser chemin, et cette décision lui sauva probablement la vie.
Malgré son désir ardent d’atteindre le sommet, Lou Kasischke ne voulait
pas risquer sa vie afin d’y arriver. Il explique pourquoi :
Je ne pensais pas pouvoir atteindre le sommet et en
revenir vivant. Dans le meilleur des cas, j'y aurais laissé
des doigts et des orteils. Et puis aussi, [...] je n'étais pas
vraiment soumis aux mêmes pressions que les autres.
Dans mon cas, ce n'était pas une question de vie ou de
mort, ce n'était pas la chose la plus importante au monde
et je ne m'attendais pas à ce que les journaux racontent
mon histoire. Les médias, la fortune et la gloire, les records
et d'autres trucs de ce genre, représentaient beaucoup
pour certains membres de l'expédition. [...] Ça m'intéressait
aussi, je ne peux pas prétendre le contraire, mais [...] mon
ambition d'arriver en haut n'étouffait tout simplement pas le
reste de mes pensées7.
Cette dernière phrase est très révélatrice : « Mon ambition n’étouffait
tout simplement pas le reste de mes pensées ». J’ai vu des hommes et des
femmes aveuglés par l’ambition, même par leur ambition religieuse : cette
sorte d’ambition aveugle a réellement tendance à tout étouffer, y compris
l’entourage. Ces gens ne se rendent pas compte du prix qu’ils font payer à
leurs proches à cause de leur quête aveugle et obsessionnelle. Si leur conjoint
ne s’adapte pas, on peut assister à une sorte de meurtre spirituel. Quelque
chose meurt forcément : l’affection, la relation ou la vertu. Les pertes sont
inévitables.
Mélanger l’ambition et les relations humaines revient à mélanger le feu
et la dynamite. L’explosion est inévitable. Si nous voulons apprendre à
accomplir notre mission au sein du couple, nous devons apprendre à être plus
altruistes et davantage unis l’un à l’autre. Nous devons garder à l’esprit que
notre conjoint a, lui aussi, reçu un appel. Nous devons nous intéresser
suffisamment à son appel pour comprendre ce qui le fait vibrer et avancer.
Quand Lisa et moi, nous nous sommes mariés, nous poursuivions deux
missions apparemment incompatibles. Je désirais plus que tout devenir
écrivain. La plupart des écrivains professionnels mettent en garde les jeunes
écrivains : « Vous voulez vraiment devenir écrivain ? Alors épousez une
femme qui pourra subvenir à vos besoins financiers pendant une dizaine
d’années ! »
Lisa n’a jamais souhaité travailler à l’extérieur. Elle se dévouait
entièrement à la mise en place d’un environnement familial propice au
développement intellectuel, social et spirituel de nos enfants.
Sachant cela, vous
Ce que nous désirons est
parfois susceptible de nous pouvez aisément imaginer le
détruire. potentiel de tensions dans
notre couple. Mon travail
d’écrivain ne m’a pas permis de gagner un dixième de ce dont Lisa aurait eu
besoin pour réaliser ses rêves. Être femme au foyer ne lui a pas permis de
gagner l’argent dont j’aurais eu besoin pour m’amener rapidement à une
carrière d’écrivain autonome.
Je mentirais en prétendant que cette situation n’a pas suscité quelques
discussions animées. Avec le recul, je réalise que ces « différences
inconciliables » peuvent se révéler complémentaires, à condition qu’aucun
des deux conjoints ne s’efforce de faire « plier » l’autre. En respectant l’appel
que Dieu a adressé à chacun de nous, nous sommes parvenus à avancer,
même si c’était plus lentement que nous ne l’aurions souhaité. Cependant,
quand nous regardons en arrière, nous constatons que cette lenteur apparente
nous a aidés à développer notre patience et notre altruisme, deux qualités
spirituelles d’une valeur incomparable.
Nous pensons souvent tout savoir mieux que personne : Seigneur,
pourquoi ne permets-tu pas que les choses se passent comme je voudrais ?
Mais nos hypothèses sont souvent fondamentalement erronées. Ce que nous
désirons est parfois susceptible de nous détruire. Si nous fixons nos regards
sur le sommet de l’Everest au point de ne pas pouvoir faire demi-tour tant
qu’il est encore temps, nos propres désirs peuvent nous mener à la mort.
Il y a plus de deux mille ans, un jeune gouverneur d’Espagne s’approcha
d’une statue d’Alexandre le Grand et se lamenta ouvertement à ses pieds. Il
venait d’avoir trente ans, et il était submergé de honte en comparant ses
propres réalisations à celles du grand conquérant au même âge. Nous
pourrions penser qu’avoir obtenu un poste de gouverneur d’Espagne à trente
ans est déjà une réussite en soi, et pourtant ce jeune homme était anéanti.
Moins de trente ans plus tard, ce gouverneur, qui se nommait Jules
César, était devenu l’un des plus puissants dirigeants et chefs militaires de
l’Histoire. Si puissant, en fait, que ses plus proches amis et conseillers
projetaient de le mettre à mort. Ils estimaient extrêmement dangereux
qu’autant de pouvoir se retrouve entre les mains d’un seul homme, aussi
noble soit-il.
En rêvant d’une telle gloire, César n’avait pas imaginé qu’elle conduirait
ses plus proches amis à se retourner contre lui. Être attaqué et trahi par vos
amis les plus chers, ceux à qui vous faites réellement confiance, doit faire
partie des malheurs les plus terribles qui puissent vous arriver.
L’ambition est souvent une aventure violente. Tout sacrifier pour réussir
peut se retourner contre nous et nous anéantir, même si nous atteignons notre
objectif. Dieu a instauré le mariage peut-être aussi pour nous permettre de
tempérer et de réorienter nos rêves. Lorsque nous sommes obligés de faire
des compromis, nous apprenons à distinguer ce qui est réellement important
de ce qui ne l’est pas. Nous sommes appelés à revoir nos priorités et à
prendre en compte l’opinion et les besoins de l’autre.
Les devoirs inhérents
Ma fidélité est indispensable,
au mariage nous rappellent
mon service ne l’est pas.
que notre point de vue n’est
pas le seul qui existe. Dieu construit une Église et chacun de ses membres est
d’une importance capitale. L’œil, la main, le pied, la bouche, etc. : tous ont
un rôle à jouer (voir 1 Corinthiens 12 : 14-31). Nous ne sommes qu’un
rouage de la machine. Dieu pourrait aisément remplacer n’importe lequel
d’entre nous.
Pendant mes années de fac, j’avais été profondément affecté par la mort
tragique de Keith Green, musicien chrétien talentueux qui savait tout
particulièrement interpeller les adolescents. Pourquoi Dieu avait-il laissé
partir un tel homme ? En fait, ni Dietrich Bonhoeffer, le grand écrivain et
professeur allemand ni Blaise Pascal, le brillant philosophe et apologète
chrétien, n’ont vécu jusqu’à l’âge de quarante ans. Jésus lui-même n’a pas
passé quarante années sur cette terre.
Cette réalité m’enseigne clairement que si ma fidélité est importante,
mon service, lui, n’est pas indispensable. L’Église de Christ supporterait très
bien que je n’écrive plus un seul livre ou que je ne prêche plus un seul
message. Elle n’en souffrirait pas.
J’aurais aimé pouvoir offrir à Lisa la maison de ses rêves, et je sais que,
de son côté, elle aurait souhaité que je puisse devenir écrivain dès le début de
notre mariage. Si nous avions l’option de tout recommencer à zéro, elle et
moi sommes suffisamment faibles pour probablement choisir un chemin plus
facile. Mais, dans le long terme, prendre ce raccourci n’aurait pas joué dans
notre intérêt. Comme dans le cas de César, la réalisation de nos premières
ambitions aurait pu nous détruire.

Par-delà le mariage
L’importance du service au-delà du cercle restreint du mariage est une
nécessité, puisque le mariage n’est pas éternel. Quand Dieu nous confie un
partenaire, rien ne dit qu’il nous accompagnera jusqu’à la fin de nos jours.
Nous l’espérons, bien sûr, mais il est extrêmement rare que les époux
décèdent en même temps. Le mariage fait partie de ce monde, et ce monde
passe. Nous quittons tous cette terre quand vient notre temps. Otto Piper écrit
ceci :
La perte d'un conjoint n'est pas simplement un triste
événement naturel [...]. C'est une intervention divine qui, en
mettant fin à une union, permet au conjoint survivant de
s'engager totalement au service de Dieu dans l'Église. [...]
Dès lors, chaque étape du développement de l'individu
dépend à la fois de sa soumission à la loi divine et de
l'exécution partielle du divin plan de rédemption8.
Quand le mariage est
Acceptons deux missions
placé dans le contexte du
majeures : devenir la personne
plan de rédemption de Dieu,
que Dieu veut que nous soyons,
nous restons mariés, pour
et accomplir l’œuvre que Dieu
autant que cela dépende de
nous a confiée.
nous, afin d’illustrer
l’engagement de Dieu vis-à-vis de son peuple. Lorsque le mariage prend fin
par la volonté de Dieu, suite à un décès, notre but ultime ne change en rien.
Nous sommes désormais « libres » de servir Dieu d’une manière plus active,
en apportant aux autres la connaissance de son plan de salut.
Quand le mariage devient notre recherche ultime, le plaisir que nous
retirons de cette relation est entaché de crainte, de possessivité et
d’égocentrisme. Nous avons été créés pour admirer, respecter et aimer
quelqu’un dont le but dépasse notre petite personne, dont la raison d’être est
centrée sur l’œuvre incessante de Dieu qui appelle ses créatures à revenir vers
son cœur d’amour.
Nous permettons à notre mariage de diriger nos regards par-delà le
mariage, lorsque nous acceptons deux missions majeures : celle de devenir la
personne que Dieu veut que nous soyons, et celle d’accomplir l’œuvre que
Dieu nous a confiée. Si, au lieu de nous contenter d’accepter simplement ces
deux missions, nous nous les approprions de tout cœur, notre vie sera
comblée, riche, pleine de sens et réussie. Paradoxalement, nous aurons
probablement aussi un mariage heureux, ce qui sera en quelque sorte le fruit
d’une réorientation de nos priorités sur celles de Dieu.
ÉPILOGUE
LE COUPLE SAINT
Par notre mariage, nous enseignons à la génération
montante ce que la sexualité, le mariage et la fidélité
représentent aux yeux des chrétiens. Nous sommes des
prophètes, pour le meilleur et pour le pire, de ce que
deviendra le mariage chrétien.
— EVELYN ET JAMES WHITEHEAD
Par le mariage, Dieu nous met au banc d'essai pour nous
attirer à lui. Notre mariage est un programme de formation
en vue du seul et vrai Mariage qui ne nous décevra pas.
— DAN ALLENDER ET TREMPER LONGMAN III

J’étais seul en voiture, loin de ma famille depuis plus d’une semaine à


cause d’un voyage d’affaire, quand j’entendis une chanson qui m’interpella
vivement. Après avoir fait le portrait très réaliste d’un conflit relationnel, la
chanteuse entraînait l’auditeur avec ce refrain :
Personne ne dira « au revoir »
Non, personne ne s'en ira
Cette fois, chéri, je vais apprendre à t'aimer, à t'aimer
Personne... n'a jamais vraiment essayé de t'aimer comme
je t'aime.
Cette déclaration était profonde. Elle était incontestablement biblique,
insistant sur la nécessité suivante : « apprendre à aimer » par-dessus tout.
Brusquement, je me suis dit que si je parvenais à aimer Lisa comme personne
ne l’avait jamais aimée et ne l’aimerait jamais, j’aurais été pour elle un
« bon » mari. Mon objectif est, qu’à la fin de sa vie, Lisa puisse dire : « Gary
avait des côtés parfois un peu rudes et certains points faibles, qu’il a
d’ailleurs dû combattre durant toute sa vie, mais malgré toutes ses faiblesses,
il m’a aimée comme personne d’autre ne m’a aimée ou n’aurait pu le faire ».
Les parents de Lisa ont eu cinq enfants. Ils ne peuvent donc pas donner à
Lisa l’amour exclusif que je suis en mesure de lui offrir. Nos enfants ont deux
parents. Ils ne peuvent pas accorder à Lisa toute l’attention que moi je peux
lui consacrer. Ma responsabilité, mon appel et ma mission, c’est d’aller au-
delà des difficultés et des défis du mariage pour déclarer : « Eh, je ne te
quitterai jamais et, d’autre part... (vous pouvez immédiatement constater que
je n’ai pas la plume qu’il faut pour écrire de belles chansons, car j’imagine
mal qu’on puisse utiliser “d’autre part” dans une chanson)... d’autre part, je
vais t’aimer comme tu n’as jamais été aimée ».
Je fais des progrès. Après la désastreuse expérience de l’anniversaire de
Lisa, il y a maintenant si longtemps, j’ai appris comment lui choisir un
cadeau. En fait, elle refuse désormais de me donner des idées de cadeaux.
Elle trouve que je m’en sors mieux tout seul, et elle aime être surprise.
Récemment, en flânant dans un magasin pendant les vacances, j’ai découvert
un oreiller japonais en cosses de sarrasin, et j’ai tout de suite deviné que ça
lui ferait très plaisir, même si elle n’en avait jamais entendu parler. Les
enfants ont cru que j’étais devenu fou, mais je savais qu’elle apprécierait ce
cadeau et qu’elle comprendrait que je l’avais suffisamment observée
attentivement pour la connaître mieux que quiconque.
J’avais raison.
J’ai fait tellement d’erreurs dans mon mariage. Nous avons connu des
moments de trahison, d’apathie, de manque d’amabilité, d’égoïsme, etc. Mais
le mariage est une longue marche. Parfois il nous arrive de démarrer au
ralenti, de nous perdre en chemin, et malgré tout, nous pouvons réussir à
rattraper un voyage si précieux.
Si nous considérons les relations au sein du mariage comme des
occasions d’exceller dans l’art d’aimer, qu’importe combien la personne que
nous sommes censés aimer est difficile à vivre. Qu’importe même si cet
amour reste à sens unique. Cela ne nous empêchera pas d’exceller en amour
et de continuer à affirmer : « Que tu le veuilles ou non, je vais t’aimer comme
personne d’autre ne t’a jamais aimé ».
Un tel amour reflète celui de Christ, un amour incomparable, un amour
infiniment plus profond que celui qu’aucun être humain ne pourra jamais
connaître. Cet amour offre l’opportunité de naître et de renaître
spirituellement. Le prêtre russe orthodoxe Yelchaninov a écrit :
Expérimenter ne serait-ce qu'une seule fois la puissance
de l'amour nous fait progresser bien plus loin et protège
bien plus efficacement nos âmes du mal, que le combat le
plus acharné contre le péché1.
Nous devons continuer à explorer la puissance de l’amour humain afin
de nourrir notre amour divin. Plutôt que de voir le mariage comme un
concurrent dangereux du ciel, nous pouvons le considérer comme une école
de la foi. Maxime le Confesseur (580-662) a constaté que l’amour que nous
témoignons à Dieu et celui que nous témoignons aux autres ne sont pas deux
amours différents, mais bien « deux aspects du même et unique amour2 ».
Jésus a affirmé la même chose en répondant à la question concernant le
« plus grand » des commandements. Il a déclaré qu’il n’y avait pas un grand
commandement, mais bien deux : nous devons aimer Dieu et nous devons
aimer aussi notre prochain.
Un tel amour peut être mis en pratique par l’un ou l’autre des partenaires
dans le couple. Si votre conjoint ne souhaite pas se joindre à vous dans cet
exercice, rien ne vous empêche de continuer à grandir en l’aimant.

Les pionniers
Si quelqu’un me disait, après avoir écouté un de mes messages : « C’est
le premier sermon que j’entends qui ait si peu d’originalité », je le prendrais
comme un grand compliment. En effet, ma mission a toujours été, et continue
d’être aujourd’hui, de placer côte à côte et d’intégrer l’un à l’autre les
Écritures, l’histoire de l’Église et les œuvres classiques du christianisme, afin
d’appliquer leur sagesse à notre quotidien. Je préfère redécouvrir la
pertinence de ce que les anciens savaient déjà plutôt que d’essayer de
découvrir de nouveaux territoires inconnus.
S’il est clair que nous n’explorons pas de nouveaux territoires en parlant
de spiritualité au sein du couple, nous marchons tout de même en compagnie
d’une toute petite minorité. Sans aucun doute, la spiritualité chrétienne s’est
concentrée sur le célibat et une recherche de Dieu en solitaire. Cette emphase
doit changer. Une grande partie de l’Église sert Dieu dans le cadre d’une vie
de famille ; il serait donc tout à fait logique que 90 % de l’enseignement
concernant la vie spirituelle soient adaptés au contexte du mariage.
J’aime beaucoup ce que Mary Oliver dit à ce sujet :
La sainteté conjugale est clairement un idéal dont tout ce
que nous voyons et expérimentons est très souvent bien
éloigné. [...] S'il existe de saints couples dans notre
entourage, nous risquons bien de ne pas les reconnaître ;
et si nous n'avons jamais tenté de discerner le travail de
l'Esprit au sein de notre vie sexuelle, nous ne l'avons
probablement jamais vu à l'œuvre. Si les saints sont rares,
statistiquement les saints couples le sont encore plus3.
Que se passerait-il si quelques couples chrétiens prenaient ce défi de
pionniers au sérieux et se fixaient pour objectif de devenir des « saints
couples » ? S’ils cessaient de définir leur relation à Dieu en termes
d’individualités et travaillaient de concert pour former une sainte unité, une
paire de chérubins entre lesquels la présence de Dieu deviendrait
merveilleusement palpable ?
Ceci est une invitation. Quelqu’un sera-t-il intéressé de commencer à
vivre de cette manière, parmi les gens de votre génération ? Le serez-vous ?
QUESTIONS
POUR DISCUTER ET RÉFLÉCHIR
CHAPITRE 1 • Le plus grand défi au monde

1. Pourquoi avez-vous choisi de vous marier (ou pourquoi désirez-vous


vous marier) ? S’agit-il d’une raison biblique ?
2. Selon vous, comment la majorité des chrétiens décriraient-ils la raison
d’être du mariage ?
3. L’auteur vous a-t-il encouragé ou découragé en disant que le mariage
était avant tout un creuset dans lequel nous pouvons en apprendre
davantage sur nous-mêmes et sur Dieu ? Quelle en est votre expérience
personnelle ?
4. Que pensez-vous de la critique de l’amour romantique comme base ou
comme mesure d’un mariage réussi ? De quelle façon votre propre
attitude envers l’amour romantique a-t-elle évolué au cours du temps ?
5. Êtes-vous d’accord avec Gary Thomas pour dire que, dans un sens, la
société actuelle « exige trop du mariage » ? Si oui, de quelle manière ?
6. Qu’est-ce que votre mariage vous a révélé à propos de vos attitudes de
péché, de vos comportements égoïstes et des autres faiblesses de votre
caractère ? Selon vous, pourquoi le mariage fait-il tellement ressortir ces
questions de caractère ?
7. Si vraiment Dieu seul peut pleinement nous satisfaire et pas notre
conjoint, que nous apporte notre conjoint ?
8. Que vous inspire l’idée que Dieu puisse avoir créé le mariage afin de
nous rendre saints bien plus que de nous rendre heureux ?

CHAPITRE 2 • Trouver Dieu dans son couple

1. Quel aspect, élément ou événement lié à votre mariage vous a le plus


amené à découvrir l’amour de Dieu ?
2. Comment un conjoint découragé peut-il mettre en pratique l’exhortation
de l’auteur et rechercher Dieu au cœur de ses déceptions plutôt que de
rester tourmenté par les manquements de l’autre ? Quels exercices de la
pensée proposeriez-vous ?
3. Hormis les analogies citées dans ce chapitre, en voyez-vous d’autres qui
illustrent bien la manière dont le mariage fait connaître Dieu et son
amour pour le monde ?
4. Gary Thomas oppose une vision du mariage centré sur l’être humain (je
reste marié aussi longtemps que mes désirs et mes attentes sont
satisfaits) et une vision du mariage centré sur Dieu (je reste marié parce
que le mariage glorifie Dieu et invite le monde pécheur à se réconcilier
avec son Créateur). Qu’est-ce qui vous motive le plus à respecter vos
engagements et à préserver votre mariage ?
5. Au sein de votre propre mariage, êtes-vous davantage motivé par ce qui
vous procure du plaisir ou plutôt par ce qui plaît à Dieu ? De quelle
manière les églises peuvent-elles soutenir et encourager cette dernière
motivation (de loin plus noble que la première) ?
6. Quel aspect du caractère de Dieu souhaiteriez-vous particulièrement que
votre mariage reflète aux yeux du monde ? Comment y parvenir ?

CHAPITRE 3 • Apprendre à aimer

1. Mettez en contraste les deux manières de définir le mot « amour »,


d’une part dans notre société, et d’autre part dans la Bible.
2. Penchez-vous sur les aspects du mariage qui semblent particulièrement
appropriés pour nous encourager à mieux aimer.
3. Si quelqu’un tentait de décrire votre amour pour Dieu en se basant sur
l’amour que vous témoignez à votre conjoint, que dirait-il ? Que
pourriez-vous faire pour servir votre conjoint, fortifier votre mariage et
plaire à Dieu ? Donnez un ou deux exemples.
4. Combien de temps consacrez-vous à réfléchir aux moyens de rendre
votre conjoint heureux ? En comparaison, combien de temps passez-
vous à penser à ce que fait votre conjoint pour vous plaire ? Ce résultat
vous paraît-il satisfaisant, ou devriez-vous vous efforcer de changer
certaines choses dans ce domaine ?
5. Réfléchissez à la manière dont le mariage révèle les comportements
inadéquats et basés sur des préjugés qu’ont certains hommes à propos
des femmes. De quelle manière le mariage met-il aussi en lumière les
attitudes critiques de certaines femmes envers les hommes ? Votre
mariage combat-il ce genre de préjugés ou en souffre-t-il ? Que pouvez-
vous faire pour identifier et éradiquer ces attitudes néfastes ?
6. Dieu nous aime malgré nos manquements. De quelle façon le mariage
nous apprend-il à aimer notre conjoint en dépit de ses imperfections ?
7. Votre conjoint et vous êtes différents de bien des manières. Quelles
différences avez-vous appris à apprécier chez l’autre ? Lesquelles
continuent à vous agacer ? Avec un peu plus de compréhension de votre
part, pensez-vous pouvoir apprendre quelque chose de ces différences ?
Si oui, dans quels domaines ?

CHAPITRE 4 • L'honneur saint

1. De quelle manière tout manque de respect de votre part, ou tout mépris


envers votre conjoint affecte-t-il négativement votre propre vie et celle
de vos enfants ?
2. Êtes-vous plus capable de rechercher des « manifestations de la grâce de
Dieu » chez votre conjoint, que d’être importuné par ses manquements ?
Comment pourriez-vous, de manière pratique, passer du mépris au
respect ?
3. Quelles manifestations de la grâce de Dieu pouvez-vous discerner chez
votre conjoint quand vous prenez le temps de les rechercher ? Quelles
sont les qualités de votre conjoint et les raisons pour lesquelles vous
devriez régulièrement remercier Dieu de l’avoir placé(e) dans votre vie ?
4. Parmi vos sources de mésententes conjugales, lesquelles sont imputables
à des différences entre hommes et femmes plutôt qu’à des différences
d’opinions personnelles ? De quelle manière la mise en lumière de ces
différences peut-elle profiter à la qualité de votre relation ?
5. En quoi le fait de nous efforcer de comprendre notre conjoint au lieu de
le juger nous aide-t-il à obéir au commandement biblique de le
respecter ?
6. Réfléchissez à des moyens pratiques d’honorer votre conjoint.
7. Quel bénéfice retirerait votre mariage de l’accroissement du respect
mutuel ?
8. Gary écrit : « Nous ne vivons pas dans un jardin d’Éden où les soucis
sont absents. Nous sommes plongés dans un monde où de nombreuses
responsabilités se disputent notre énergie ». Sachant cela, pensez-vous
accorder suffisamment de liberté et de compréhension à votre conjoint ?

CHAPITRE 5 L'étreinte de l'âme


1. Connaissez-vous des couples mariés dont la vie de prière vous semble
particulièrement réussie ? Si oui, quelles en sont les caractéristiques
principales ?
2. Votre vie de prière a-t-elle déjà été entravée par des sentiments négatifs
envers votre conjoint ? Des attitudes négatives gênent-elles votre vie de
prière actuellement ?
3. Gary écrit : « On nous dit que si nous voulons rendre notre mariage plus
solide, nous devons améliorer notre vie de prière. Or, Pierre nous invite
à améliorer notre mariage afin de pouvoir améliorer notre vie de
prière ». Selon vous, en quoi votre vie de prière serait-elle meilleure si
votre mariage se rapprochait de l’idéal voulu par Dieu ?
4. En quoi la fréquence et la qualité de vos relations sexuelles au sein de
votre mariage influencent-elles la manière dont vous priez ? Dont votre
conjoint prie ?
5. « Les querelles nuisent gravement à la santé de la prière. Vu sous cet
angle, le mariage a été instauré pour nous obliger à devenir des
réconciliateurs. C’est le seul moyen de survivre spirituellement. »
Comment votre conjoint et vous réussissez-vous à résoudre les conflits
sans trop attendre ? Qu’arrive-t-il à votre vie de prière quand vous êtes
fâché avec votre conjoint ?
6. Quel aspect de la relation entre sexualité et vie de prière vous a le plus
intrigué ? Quels autres côtés de la vie conjugale recèlent peut-être aussi
des leçons à découvrir concernant la prière ? De quelle manière votre
mariage a-t-il contribué au développement de votre vie de prière ?

CHAPITRE 6 • La purification du mariage

1. Au cours des premières années de votre mariage, qu’est-ce qui vous a le


plus surpris à propos de votre propre péché ?
2. Comment réagissez-vous à l’idée que Dieu veuille utiliser votre mariage
pour dévoiler votre péché et vous aider à vous en débarrasser ?
3. Votre mariage est-il un endroit où vous pouvez dévoiler votre péché en
toute sécurité ? Comment améliorer cet aspect des choses ?
4. Comment un mariage en crise peut-il bénéficier de cette remarque de
Gary : « Les couples échouent généralement par manque de repentance
bien plus que par manque d’amour » ?
5. Êtes-vous d’accord avec Gary lorsqu’il affirme ceci : « Une grande part
de notre insatisfaction conjugale trouve son origine dans notre haine de
nous-mêmes » ? Comment pouvons-nous éviter de nous « enfuir »
mentalement, d’échapper à ce que nous avons fait ou sommes devenus,
et de mettre plutôt notre mariage à profit pour affronter le péché qui a
été dévoilé ?
6. Pourquoi les conjoints craignent-ils souvent de confesser leurs péchés ou
d’admettre leurs erreurs ? Que doit-il se passer dans notre mariage pour
que nous osions être plus transparents (ou : en quoi votre mariage vous
a-t-il aidé à devenir transparent) ?
7. Identifiez les deux principaux points faibles de votre relation avec votre
partenaire. Quelles sont les vertus morales ou spirituelles positives
opposées à ces deux faiblesses (par exemple : dureté et douceur,
critiques et encouragements) ? À laquelle allez-vous travailler cette
semaine ?
8. Vous est-il arrivé d’utiliser sciemment un point faible de votre conjoint
pour l’humilier ou le punir ? Comment auriez-vous pu utiliser cette
situation pour encourager votre conjoint et contribuer à sa croissance
spirituelle ?

CHAPITRE 7 L'histoire sacrée

1. Comment une meilleure compréhension de la relation entre Israël et


Dieu à travers l’Histoire (avec ses moments de célébration, de colère,
d’infidélité et de silence) peut-elle aider les couples à grandir durant
toutes les étapes de leur mariage ? Quelles leçons avez-vous déjà
apprises qui vous permettront de mieux faire face aux temps de
« colère » et de « silence » ?
2. Êtes-vous d’accord avec Gary lorsqu’il affirme que « nous vivons dans
une société de démissionnaires » ? Comment l’Église peut-elle
s’adresser plus efficacement aux gens issus d’une telle culture et leur
parler des bénéfices liés à la persévérance ?
3. Quel lien établissez-vous entre la persévérance et la sanctification
personnelle ? Quels sont les « slogans » de notre société qui s’opposent
à la persévérance et à la sainteté ?
4. De quelle manière cette idée de persévérance et de ténacité vous aide-t-
elle à faire preuve de patience lorsqu’il s’agit de la croissance spirituelle
de votre conjoint ?
5. Que perdriez-vous si l’histoire sacrée de votre mariage prenait fin ? Que
perdrait votre conjoint ? Vos enfants ? Votre église ?
6. Prenez le temps d’évoquer avec votre conjoint les épisodes de votre vie
qu’il faudrait faire figurer dans l’histoire sacrée de votre mariage, et qui
seront racontés à vos enfants, à votre famille et à vos amis.
7. Imaginez comment le fait de respecter et de raconter l’histoire sacrée de
votre mariage pourrait favoriser un rapprochement avec d’autres couples
que vous connaissez.
8. Comment faire en sorte que l’idée de l’éternité et des récompenses qui
vous y attendent puissent vous inciter à cultiver la persévérance au cœur
de la routine de la vie conjugale ?
9. Comment aimeriez-vous que les gens parlent de votre mariage lorsqu’ils
viendront à vos noces d’or ?

CHAPITRE 8 • Le combat sacré

1. Quels sont les gens que vous admirez pour la manière dont ils gèrent les
difficultés au sein de leur mariage ? Qu’admirez-vous le plus chez eux ?
2. Quelle est la différence entre un conflit conjugal productif et
spirituellement bénéfique et un conflit conjugal destructeur ? Comment
les difficultés que connaît votre mariage peuvent-elles produire des
résultats spirituels positifs ?
3. Quelle a été votre réponse à la question de Gary : « Est-ce que je
préférerais vivre une vie facile et confortable mais demeurer immature
en Christ, ou plutôt être “salé” par la souffrance pour devenir conforme
à son image ? »
4. Gary dit ceci d’un bon mariage : « Vous allez devoir vous battre. Vous
allez devoir crucifier votre moi. Il est fait de confrontations, de
confessions et, par-dessus tout, de pardon ». Pensez-vous qu’une telle
manière de voir est exagérée ? Y a-t-il des exceptions ? Comment cette
prise de conscience peut-elle soutenir les couples passant par des
moments difficiles ?
5. Comment la douleur peut-elle « nous libérer », comme l’a écrit Anne
Lindbergh ? Comment pouvons-nous nous encourager mutuellement à
ajouter « la compréhension, la patience, l’amour, l’ouverture d’esprit et
l’aptitude à demeurer vulnérable » à nos déceptions et à notre douleur ?
6. Pensez-vous qu’Abraham Lincoln et Anne Lindbergh auraient accompli
ce qu’ils ont accompli si chacun d’eux avait eu des mariages
relativement « faciles » ? Pourquoi ?
7. Comment le fait de croire en la réalité du ciel peut-il encourager les
couples chrétiens à persévérer ?
8. Comment pensez-vous que Dieu puisse utiliser les difficultés
spécifiques à votre mariage pour affiner votre caractère et vous préparer
à un futur ministère ?
9. Pourquoi les difficultés et la souffrance sont-elles inévitables au sein de
chaque mariage ? Que se passe-t-il quand nous tentons de les fuir ? Que
se passe-t-il quand nous essayons plutôt de les affronter ?
10. Quand des difficultés surviennent dans votre mariage, vous et votre
conjoint les affrontez-vous de la même manière ? Que pouvez-vous
apprendre de l’approche de votre conjoint ? Qu’est-ce que votre conjoint
peut apprendre de votre approche ?

CHAPITRE 9 Tomber vers l'avant

1. Harvey affirme ceci : « Une relation d’intimité est organisée, calculée.


Elle se construit. Le sentiment d’unité qui résulte d’une proximité
spirituelle authentique n’apparaît pas par hasard. S’il existe, c’est en
réponse à une volonté délibérée et à un accompagnement de votre part.
Vous choisissez de vous investir ». Au cours de l’année écoulée,
combien vous êtes-vous investi en réflexion, en prière, et en efforts
délibérés afin de construire une « proximité spirituelle authentique » ?
2. Que faut-il pour que vous ayez l’impression que votre conjoint « tombe
dans votre direction » ? Que faut-il pour que votre conjoint ait
l’impression que vous « tombez dans sa direction » ?
3. Dans lequel de ces domaines avez-vous le plus de difficulté à croître en
direction de votre conjoint : l’intimité physique, émotionnelle ou
spirituelle ? Demandez à votre conjoint ce que vous pouvez faire pour
progresser dans le domaine où vous êtes le plus faible.
4. Quels aménagements pouvez-vous apporter à votre mariage afin de
favoriser une communion et une intimité plus profondes ?
5. Y a-t-il un « classeur » dans le « confessionnal » de votre mariage ? Que
devez-vous faire pour pardonner à votre conjoint et vous débarrasser de
ce classeur ?
6. Le mariage chrétien attend de vous que vous vous « donniez » à votre
partenaire. De quelle manière pensezvous que votre conjoint aimerait
vraiment vous recevoir ? Comment pouvez-vous donner davantage de
vous-même en allant dans ce sens ?
7. La communion est favorisée par trois exercices spirituels : apprendre à
ne pas fuir les conflits, apprendre à faire des compromis et accepter les
faiblesses de votre partenaire. Laquelle de ces disciplines est votre point
fort ? Votre point faible ? Que pouvez-vous faire pour bien utiliser votre
force et vaincre votre faiblesse ?
8. Où vous situez-vous sur une échelle allant de la fuite face au conflit à la
violence au sein du conflit ? Comment pouvez-vous travailler à
développer une réponse plus saine ?
9. Dans le passé, quand votre conjoint vous offensait, aviez-vous plutôt
tendance à « tomber vers lui » ou à « tomber vers l’arrière » ? En vous
basant sur l’enseignement de ce livre, quelles démarches devriez-vous
mettre en place afin d’apprendre à « tomber vers l’avant » ? Comment
pouvez-vous faciliter la « chute en avant » de votre conjoint ?

CHAPITRE 10 • Fais de moi un serviteur

1. À quand remonte la dernière fois que vous avez aimé votre conjoint
d’une manière qui vous a coûté quelque chose ? Dans les prochains
jours, que pouvez-vous faire pour votre conjoint qui ira dans le sens de
l’amour sacrifice ?
2. Êtes-vous d’accord avec Dietrich Bonhoeffer quand il dit que « le
mariage chrétien est caractérisé par la discipline et le renoncement à
soi » ? Est-ce ainsi que vous considériez le mariage avant de vous
marier ?
3. Kathleen et Thomas Hart parlent du « mystère pascal » au sein du
mariage, en faisant référence au processus de mort et de résurrection qui
peut prendre place dans le mariage. À quoi votre mariage vous appelle-t-
il à mourir ? À quoi votre mariage pourrait-il vous appeler à
ressusciter ?
4. Quand vous repensez aux raisons qui vous ont poussé à vous marier,
étaient-elles plutôt empreintes ou dépourvues d’égoïsme ? De quelle
manière ? Cela a-t-il changé (ou devrait-il changer) et de quelle
manière ?
5. Trouvez-vous cela parfois difficile de servir votre conjoint en le laissant
vous servir ? Que pouvez-vous faire pour grandir dans ce domaine ?
6. Quelles sortes de messages le monde envoie-t-il aux hommes pour les
empêcher de servir leur femme ? Quelles sortes de messages le monde
envoie-t-il aux femmes pour les empêcher de servir leur mari ?
Comment pouvez-vous marcher à l’encontre de ces messages dans votre
mariage ?
7. Quand vous songez à votre mariage, êtes-vous d’accord avec le fait que
« les disputes sur des questions de temps ou d’argent reflètent
généralement notre désir de “posséder” notre existence plutôt que de
mettre nos richesses et notre vie au service d’autrui » ? Comment
pouvez-vous utiliser votre temps et votre argent pour mieux servir votre
conjoint ?
8. Votre attitude envers les relations sexuelles est-elle davantage marquée
par le service ou par l’exercice du pouvoir ? Que pouvez-vous faire pour
grandir dans ce domaine ?
9. Selon vous, de quoi votre mariage bénéficierait-il le plus si votre
conjoint et vous deveniez de meilleurs serviteurs l’un pour l’autre ?

CHAPITRE 11 • Une sexualité sainte

1. Quels impacts négatifs votre passé a-t-il sur votre sexualité au sein du
mariage ? De quelle manière la recherche de conseils spirituels pourrait-
elle vous aider à résoudre ces problèmes liés à votre passé ?
2. « Dieu ne détourne pas le regard quand un couple marié partage un
moment d’intimité » : cette affirmation vous a-t-elle choqué ? Qu’en
pensez-vous ? Envisagez de prier avec votre conjoint, en remerciant
spécifiquement Dieu pour le don de l’intimité sexuelle.
3. Globalement, la sexualité dans votre mariage est-elle plutôt synonyme
de bénédiction ou de fardeau ? Depuis toujours ? Sinon, qu’est-ce qui a
changé, et pourquoi ?
4. Dans quelle mesure êtes-vous parvenu à « cultiver » de saints appétits ?
En quoi cela peut-il affecter votre intimité physique ?
5. La honte vous a-t-elle empêché de donner ce que vous possédez
réellement à votre conjoint ? Quelles petites choses pouvez-vous faire
pour commencer à vous attaquer à cet égoïsme ?
6. En général, dans quelle mesure pensez-vous que l’égoïsme affecte les
couples mariés dans le domaine de leur vie sexuelle ? En quoi un esprit
de service peut-il transformer l’expérience de la sexualité conjugale ?
7. En quoi la reconnaissance pour les relations sexuelles au sein du
mariage peut-elle aider un couple à surmonter la culpabilité liée à des
expériences sexuelles avant le mariage ?
8. Selon Gary, « l’abstinence n’est pas une impasse : c’est une longue voie
d’accélération. [...] Je ne dis donc pas réellement Non, mais Attends ! »
Que pouvez-vous apprendre de cette succession de temps d’abstinence
suivis de temps de plaisir, dans le contexte de l’expression sexuelle
conjugale ? Dans d’autres contextes de votre vie de couple ? Dans le
contexte de la vie en général ?
9. Où en est votre croissance en ce qui concerne l’aspect spirituel de votre
sexualité (la générosité et le service) ? Dans quel domaine aimeriez-vous
faire davantage de progrès ? Dans quel domaine aimeriez-vous cesser
d’agir comme vous le faites ?
10. Que pouvez-vous faire pendant le mois à venir afin de démontrer à votre
conjoint votre désir de grandir sur le plan de l’intimité physique ?

CHAPITRE 12 • La présence sacrée

1. Comment un mari et une femme peuvent-ils inviter la présence de Dieu


dans leur mariage de manière plus délibérée ?
2. Par vos paroles, invitez-vous la présence de Dieu dans votre foyer, ou la
rejetez-vous ?
3. Avez-vous déjà fait l’expérience d’un « silence malveillant » dans votre
mariage ? En quoi cela offense-t-il Dieu ?
4. En quoi le fait d’être à l’écoute peut-il inviter la présence de Dieu dans
notre foyer ?
5. Comment notre insatisfaction conjugale peut-elle nous rappeler notre
besoin d’une relation avec Dieu ?
6. « Je me suis rendu compte que mon degré de satisfaction ou
d’insatisfaction au sein de mon mariage dépendait beaucoup plus de ma
relation avec Dieu que de ma relation avec [mon épouse] ». Êtes-vous
d’accord avec l’auteur, lorsqu’il écrit ceci ? Expliquez.
7. De quelle manière votre conjoint reflète-t-il une qualité de Dieu qui vous
fait quelque peu défaut ? Que pouvez-vous en retirer ?
8. Gary prétend que si notre pasteur vivait chez nous, nous traiterions peut-
être notre conjoint autrement ; et pourtant, Dieu est toujours présent !
Comment pouvons-nous devenir davantage conscients de la présence de
Dieu et développer ainsi un environnement familial plus propice à la
croissance et au développement ?
9. Gary nous avertit : « Dans toute l’histoire de l’humanité, jamais un
mariage n’a pu remplir une âme vidée de son sens à cause d’un style de
vie non créatif ». Les préoccupations de la vie vous ont-elles empêché
de vous engager pleinement à créer ensemble votre famille ? Que
pouvez-vous faire pour devenir plus créatif au sein de votre famille ?
10. « Si une famille peut se réjouir de la présence permanente de Jésus, c’est
précisément parce que les époux ont souhaité l’inviter au cœur de leur
relation » : quels sont les domaines de votre mariage dans lesquels vous
n’avez jamais songé à inviter Jésus ? Comment faire pour qu’il y soit
aussi invité ? Quelles seraient les implications d’une telle démarche ?

CHAPITRE 13 • La mission sacrée

1. Avant de vous marier, que pensiez-vous que Dieu voulait faire de votre
vie ? Quelle était la mission de vie de votre partenaire avant que vous ne
l’épousiez ? Quelle influence votre mariage a-t-il eu sur ces missions de
vie ? Qu’en pensez-vous aujourd’hui ?
2. Avez-vous fait preuve, de quelque manière que ce soit, de ce que Gary
qualifie de « malhonnêteté spirituelle », en acceptant de vous marier,
mais en continuant à vivre ensuite comme si vous étiez célibataire ? Que
devriez-vous faire pour mettre fin à cela ?
3. Comment pouvons-nous trouver l’équilibre juste entre la fidélité à notre
appel et la fidélité envers nos vœux conjugaux ?
4. Pensez-vous que votre ambition ou celle de votre conjoint étouffe votre
relation ? Si c’est le cas, comment pouvez-vous y remédier ?
5. Réfléchissez honnêtement à la manière dont une ambition du passé
aurait pu, si elle s’était réalisée, faire du tort à votre couple ou à vous
personnellement.
6. Dans quels ministères êtes-vous engagé au sein de votre communauté ou
dans votre église ? Dans quels ministères votre conjoint est-il engagé ?
Quels ministères avez-vous en commun ? Ces services que vous rendez
en dehors du mariage contribuent-ils à la santé de votre couple ?
7. Réfléchissez à l’impact que peuvent avoir ces étapes de la vie de famille
sur un ministère :
– Jeunes mariés, sans enfant ;
– Mariés, avec de jeunes enfants ;
– Mariés, avec des enfants adolescents ;
– Mariés, seuls après que les enfants ont quitté la maison.
Quels sont les avantages et les difficultés liés à chacune de ces
étapes en ce qui concerne votre implication dans le ministère auquel
vous avez été appelé ?
8. Que pensez-vous qu’il adviendrait si un couple se concentrait
uniquement sur la satisfaction de ses besoins émotionnels en excluant
toute implication dans l’œuvre de Dieu ?
9. De quelles manières le fait d’être marié a-t-il transformé et fortifié votre
façon de vous engager dans le ministère ?

épilogue • Le couple saint

1. Voulez-vous vous engager à faire cette prière plusieurs fois par


semaine : « Seigneur, montre-moi aujourd’hui comment aimer mon
conjoint comme il n’a jamais été aimé auparavant » ?
2. En quoi vous sentez-vous attiré par le défi que Gary vous lance de
devenir un « saint couple » avec votre conjoint ? En quoi un tel défi est
source d’inquiétude pour vous ?
3. En réfléchissant à tout ce que vous avez lu dans cet ouvrage, citez un ou
deux domaines qui vous aideront à repenser votre mariage en terme de
relation qui honore Dieu.
NOTES

CHAPITRE 1 • Le plus grand défi au monde


1 DE SALES, François. Lettres à des personnes vivant dans le monde. Paris :
Périsse, 1840. Édition consultable sur la bibliothèque de Google [en ligne].
URL : http://books.google.fr (page consultée le 8 mai 2012). La citation est
extraite de la page 42 de l’édition anglaise Thy will be done : Letters to
persons in the world, Manchester (USA) : Sophia Institute, 1995.
2 BAILEY, Derrick Sherwin. The Mystery of love and marriage : A study in
the theology of sexual relations. New York : Harper and Brothers, 1952, p. 4.
3 LEWIS, C. S. The Allegory of love : A study in medieval tradition. New
York : Oxford University Press, 1985, p. 4.
4 PORTER, Katherine Anne. The Collected essays and occasional writings of
Katherine Anne Porter. New York : Delacorte, 1970. « The Necessary
Enemy », p. 182-184.
5 LEWIS, C. S. Tactique du diable. Bâle : Brunnen Verlag, 1980, p. 62.
6 Depuis, j’ai appris que, dans ce verset, Paul reprend probablement une
expression utilisée par les Corinthiens, mais nous ne sommes pas là pour
nous plonger dans la complexité du grec ou de la syntaxe de cette phrase. Le
commentaire de Gordon Fee sur 1 Corinthiens est l’explication la plus
approfondie et la mieux menée que j’aie jamais lue à propos de ce passage.
FEE, Gordon. New international commentary on the New Testament. Grand
Rapids (USA) : Eerdmans, 1994.
7 WHITEHEAD, James et Evelyn. A Sense of sexuality : christian love and
intimacy. New York : Doubleday, 1989. « The Goods of Marriage », p. 100.
8 OLIVER, Mary Anne McPherson. Conjugal spirituality : the primacy of
mutual love in christian tradition. Kansas City : Sheed and Ward, 1994, p.
12.
9 Ibid., p. 12.
10 RICUCCI, Gary et Betsy. Love that lasts: making a magnificent marriage.
Gaithersburg (USA) : PDI Communications, 1993, p. 95.

CHAPITRE 2 • Trouver Dieu dans son couple


1 LANE, Belden. « Rabbinical stories ». Christian century, 16 décembre
1981. Cité par Thomas et Kathleen HART, The First two years of marriage,
New York : Paulist, 1983, p. 117-118.
2 BAILEY. The Mystery of love and marriage. Op. cit., p. 101.
3 MAHANEY, C. J. « God’s purpose and pattern for marriage ». According to
Plan [enregistrement audio]. Gaithersburg (USA) : PDI Communications,
1994.
4 HUGHES, Philip E. The Second epistle to the Corinthians, in the New
international commentary on the New Testament. Grand Rapids (USA) :
Eerdmans, 1962, 1982, p. 178.
5 BARRETT, C. K. A Commentary on the Second epistle to the Corinthians, in
Harper’s New Testament Commentaries. 2e édition. New York : Harper
& Row, 1973 (1e éd. : 1968), p. 175.
6 Cité par Philip YANCEY, Touché par la grâce, Nîmes : Vida, 2000, p. 301.

CHAPITRE 3 • Apprendre à aimer


1 PORTER. « The Necessary enemy ». Op. cit., p. 184.
2 YANCEY. Op. cit., p. 304.
3 Ce passage et ceux qui suivent sont extraits de la brochure de John
BARGER, Do You Love Me ? Manchester (USA) : Sophia institute, 1987.

CHAPITRE 4 • L'honneur saint


1 Cité par Leon MORRIS, The Gospel according to John. In the New
international commentary on the New Testament. Grand Rapids (USA) :
Eerdmans, 1971, p. 274.
2 Cité par OLIVER, Conjugal spirituality, op. cit., p. 38.
3 RICUCCI. Love that lasts. Op. cit., p. 70.
4 Cité par RICUCCI, op. cit. p. 121.
5 OWEN, John. Sin and temptation. Texte édité et résumé par James Houston.
Portland (USA) : Multnomah, 1983, p. 29.
6 LAW, William. A Serious call to a devout and holy life. New York :
Paulist, 1978, p. 294.
7 ALLENDER, Dan, LONGMAN III, Tremper. Intimate allies. Wheaton (USA) :
Tyndale House, 1995, p. 287.
8 Ibid., p. 281.

CHAPITRE 5 L'étreinte de l'âme


1 Cette citation et les quatre suivantes sont tirées de l’ouvrage de Terry
GLASPEY, Pathway to the heart of God, Eugene (USA) : Harvest House,
1998, p. 16, 24-25.
2 Cette citation et les suivantes sont tirées de l’article de Phyllis ALSDURF,
« McCartney on the Rebound », Christianity Today, 18 mai 1998.
3 Cité par Philip YANCEY, op. cit., p. 303.
4 Ma femme est arrivée après que j’ai rédigé ceci. Elle a regardé par-dessus
mon épaule, a lu ce que j’avais écrit, et s’est exclamée : « T’ai-je jamais dit
que tu étais un saint ? » Le rire qui succéda à sa question laissa toutefois le
débat ouvert.
5 Cette interprétation est basée sur la New international version, légèrement
modifiée par le Dr Fee dans son commentaire. Il existe aussi, dans l’Ancien
Testament, un verset qui traite de « l’obligation conjugale », même au sein
d’une société polygame : Exode 21 : 10.
6 ELLUL, Jacques. L’Impossible prière. 2e éd. Paris : Le Centurion, 1971.
186 pages. La citation est extraite de la page 56 de l’édition anglaise Prayer
and modern man, New York : Seabury, 1979.
7 Les citations à propos d’Héloïse et Abelard sont tirées de la première
lettre d’Héloïse à Abélard, citée par BAILEY, The Mystery of love and
marriage, op. cit., p. 5. NDE : Il existe plusieurs éditions françaises
consultables en ligne, dont :
– Lettres d’Abélard et d’Héloïse (trad. Victor Cousin). Édition bilingue
latine et française. Paris : Garnier, 1875. Vol. 2. Texte consultable en ligne.
URL : http://fr.wikisource.org > et taper la recherche « Lettres d’Abélard et
d’Héloïse » (page consultée le 25 mai 2012).
– Abélard et Héloïse : correspondance (traduit du latin et présenté par
Paul Zumthor). Coll. Bibliothèque médiévale. Paris : UGE, 10/18, 1979 (1re
éd. : 1964). URL : http://www.pierre-abelard.com/tra-Heloise-
abelard%20II.htm > (page consultée le 5 mai 2012).

CHAPITRE 6 • La purification du mariage


1 OLIVER. Conjugal spirituality. Op. cit., p. v-vi.
2 PSEUDO-ATHANASE. Vie de sainte Synclétique (trad. sœur Odile Bénédicte
Bernard). Série Spiritualité orientale, n° 9. Solesmes : Abbaye de
Bellefontaine, 1972. La citation est extraite de la page 284 de l’édition
anglaise : PSEUDO-ATHANASIUS. The Life and activity of the holy and blessed
teacher Syncletica (trad. Elisabeth Castelli), p. 265-311. In WINBUSH,
Vincent. Ascetic Behavior in Greco-Roman Antiquity. Minneapolis (USA) :
Fortress, 1990.
3 AMBROISE (339-397), TISSOT. Écrits sur la virginité. Texte traduit du latin
et présenté par dom Marie-Gabriel Tissot (1886-1983). Solesmes : Abbaye
Saint-Pierre, 1980. 350 pages. Ce recueil contient Des vierges, Exhortation
aux veuves, De la virginité, De l’instruction d’une vierge, Exhortation à la
virginité. La citation est tirée du livre De la virginité [De virginitate]. Traité
dans lequel se trouvent fondues des homélies. Sans doute composé vers 377.
Livre 1, chap. VI, § 2526 (traduction des éditions BLF).
4LEWIS, C. S. Les Quatre amours (trad. Denis Ducatel et Jean-Léon
Muller). Raphaël, 2005. 255 pages. La citation est extraite de la page 111 de
l’édition anglaise : The Four loves. New York : Harcourt Brace, 1971.
5 HART. The First two years of marriage. Op. cit., p. 50.
6 ALLENDER et LONGMAN. Intimate allies. Op. cit., p. 278.
7 Ibid., p. 288.
8 PASCAL, Blaise. Pensées. Texte édité par Michel Le Guern. Paris :
Gallimard, 1978, 764 p.
9 FéNELON, François de Salignac de La Mothe. Œuvres. Vol. 18, Manuel de
piété. « Instructions et avis sur divers points de la morale et de la perfection
chrétienne ». Versailles : Lebel. Paris : A. Le Clère, 1823. La citation est tirée
de la page 205 de l’édition anglaise Christian perfection, Minneapolis :
Bethany house, 1975.
10 LAW. A Serious call to a devout and holy life. Op. cit., p. 228.
11 FéNELON. Op. cit., p. 90.

CHAPITRE 7 L'histoire sacrée


1 HART. The First two years of marriage. Op. cit., p. 15.
2 OLIVER. Conjugal spirituality. Op. cit., p. 26.
3 Ibid., p. 33.
4 Cité par OLIVER, ibid., p. 34.
5 TYLER, Anne. A Patchwork Planet. New York : Knopf, 1998, p. 218-219.
6 JENKINS, Jerry. Hedges : Loving your marriage enough to protect it.
Brentwood (USA) : Wolgemuth et Hyatt, 1989, p. 142.

CHAPITRE 8 • Le combat sacré


1 RICUCCI. Love that lasts. Op. cit., p. 50.
2 PIPER, Otto. The Biblical view of sex and marriage. New York : Scribner’s,
1960, p. 114-115.
3 Ibid., p. 134.
4 Les informations concernant Lincoln proviennent de plusieurs sources :
– CARNEGIE, Dale. How to win friends and influence people. New York :
Simon and Schuster, 1994.
– FOOTE, Shelby. The Civil war : a narrative. Vol. 1 et 2. New York :
Random House, 1958, 1963.
– LINCOLN, Abraham. Speeches and Writings. 1832-1858. New York :
The Library of America, 1989.
– OWEN, Frederick. Abraham Lincoln : The man and his faith. Wheaton
(USA) : Tyndale House, 1976.
5 Les informations concernant Lindbergh proviennent de plusieurs sources :
– BERG, A. Scott. Lindbergh. New York : G. P. Putnam’s Sons, 1998.
– CHADWICK, Roxanne. Anne Morrow Lindbergh : pilot and poet.
Minneapolis : Lerner, 1987.
– HERRMANN, Dorothy. Anne Morrow Lindbergh : a gift for life. New
York : Ticknor and Fields, 1993.
– MORROW LINDBERGH, Anne. Bring me a unicorn. New York : Harcourt
Brace Jovanovich, 1971.
– MORROW LINDBERGH, Anne. Hour of gold, hour of lead. New York :
Harcourt Brace Jovanovich, 1973.
6 PETERSON, Eugene. Take and read. Grand Rapids : Eerdmans, 1996, p. 44.

CHAPITRE 9 Tomber vers l'avant


1 Basé sur une histoire vraie proposée par Pam HOEPNER au Reader’s Digest
américain de juillet 1998.
2 Cité par OLIVER, Conjugal spirituality, op. cit., p. 126.
3 Cité par RICUCCI, Love that lasts, op. cit., p. 129.
4 J’ai entendu L’Engle réciter ce poème à une conférence à laquelle j’ai
assisté en 1998 à Bellingham (USA).
5 HART. The First two years of marriage. Op. cit., p. 19.
6 Cité par RICUCCI, Love that lasts, op. cit., p. 152.
7 WHITEHEAD. A Sense of sexuality. Op. cit., p. 197.
8 Cité par RICUCCI, Love that lasts, op. cit., p. 124.
9 Récit raconté dans The Jerusalem Post du 15 mai 1998.
10 YANCEY. Op. cit., p. 90.
11 YANCEY. Op. cit., p. 323.

CHAPITRE 10 • Fais de moi un serviteur


1 PIPER. The Biblical view of sex and marriage. Op. cit., p. 153.
2 RICUCCI. Love that lasts. Op. cit., p. 5-6.
3 FRIEDMAN, Jack, SANDLER, Barbara. « Winning at home ». People, 11
janvier 1999.
4 GILBERT, Elizabeth. « Losing is not an option ». GQ, septembre 1999.
5 MAHANEY, C. J. « A Husband’s Responsibilities ». According to Plan
[Série de cassettes audio]. Gaithersburg (USA) : PDI Communications, 1994.
6 BONHOEFFER, Dietrich. Vivre en disciple : Le prix de la grâce. Paris :
Labor et Fides, 2009, 330 p. La citation est extraite de la page 149 de
l’édition anglaise : The Cost of discipleship. New York : Macmillan, 1963.
7 OLIVER. Conjugal spirituality. Op. cit., p. 1.
8 PIPER. The Biblical view of sex and marriage. Op. cit., p. 157.
9 ALLENDER et LONGMAN. Intimate allies. Op. cit., p. 317-318.
10 Cité par WHITEHEAD, A Sense of sexuality, op. cit., p. 13.

CHAPITRE 11 • Une sexualité sainte


1 Cité par WHITEHEAD, A Sense of sexuality. Op. cit., p. 11.
2 OLIVER. Conjugal spirituality. Op. cit., p. 13.
3 ALLENDER et LONGMAN. Intimate allies. Op. cit., p. 228.
4 Jean CALVIN traite ce sujet dans L’Institution de la religion chrétienne,
livre IV, chap. 12, § 26. Voir Calvin, Jean. Institution de la religion
chrétienne (1560). Édition revue et corrigée. Genève : Beroud, 1888. 754
pages. Le paragraphe mentionné est consultable p. 576 de l’édition en ligne.
URL : http://www.archive.org/stream/institutiondelaroocalvuoft > (page
consultée le 7 mai 2012).
5 OLIVER, Mary Anne McPherson. « Conjugal spirituality ». Spirituality
Today, Printemps 1991, vol. 43, n° 1, p. 54.
6 LEITES, Edmund. The Puritan conscience and modern sexuality. New
Haven (USA) : Yale University Press, 1986, p. 12-13.
7 Cité par Thomas et Kathleen HART, « The Call to holiness in christian
marriage », Spirituality Today, Printemps 1984, vol. 36, n° 1, p. 16.
8 PIPER. The Biblical view of sex and marriage. Op. cit., p. 79.
9 NAHMANIDES. The holy letter : A study in Jewish sexual morality. Texte
édité et commenté par Seymour Cohen. Nothvale (USA) : Aronson, 1993, p.
60.
10 RICUCCI. Love that lasts. Op. cit., p. 159.
11 BEST, Harold. Music through the eyes of faith. San Francisco : Harper-
SanFrancisco, 1993, p. 40.
12 La gratitude est une vertu chrétienne fondamentale, indispensable à une
âme saine. J’en parle plus en détail dans mon livre The Glorious pursuit :
embracing the virtues of Christ. Colorado Springs (USA) : NavPress, 1988.
13 PIPER. The Biblical view of sex and marriage. Op. cit., p. 215.
14 Ibid., p. 216.
15 HART, Thomas. Living happily Ever after : toward a theology of christian
marriage. New York : Paulist, 1979, p. 44.
16 LEWIS, C. S. Letters to Malcolm: Chiefly on Prayer. Mariner Books,
2007, p. 102.
17 LEWIS, C. S. Lewis. Tactique du diable. Bâle : Brunnen Verlag, 1980, p.
66-67.
18 NAHMANIDES. The Holy Letter. Op. cit., p. 116.
19 WHITEHEAD. A Sense of sexuality. Op. cit., p. 75.
20 Voir ce débat dans WHITEHEAD. A Sense of sexuality. Op. cit., p. 150.
21 Ibid., p. 151.
22 TRUEBLOOD, Elton. The Humor of Christ. New York : Harper & Row,
1964, p. 32.
23 Donald GOERGAN, cité par OLIVER, Conjugal spirituality, op. cit., p. 28.

CHAPITRE 12 • La présence sacrée


1 WHITEHEAD, James et Evelyn. Marrying well : stages on the journey of
christian marriage. New York : Doubleday, 1983, p. 187.
2 FéNELON, François de Salignac de La Mothe. Christian Perfection. Op. cit.,
p. 4 (italique ajouté).
3 LAURENT DE LA RÉSURRECTION (1614-1691). L’expérience de la présence
de Dieu. Texte édité par S. M. Bouchereaux. Préface du père François de
Sainte-Marie. Coll. Livre de vie, 153. Paris : Seuil, janvier 1997.
4 OLIVER. Conjugal spirituality. Op. cit., p. 61.
5 ALLENDER et LONGMAN. Intimate allies. Op. cit., p. 89.
6 Ibid., p. 99.
7 Ibid., p. 101.
8 Allender et Longman l’ont mieux exprimé : « Dieu ne remplit pas
exclusivement le cœur humain. Il a créé une humanité qui désire davantage
que lui-même. La stupéfiante humilité de Dieu, capable de créer quelque
chose qui ne soit pas entièrement satisfait par son Créateur, est
incompréhensible » (Intimate allies, op. cit., p. 146).
9 Ibid., p. 161.
10 Ibid., p. 78.
11 Je traite de cela plus en détail dans mon livre The Glorious Pursuit, op.
cit.

CHAPITRE 13 • La mission sacrée


1 BONHOEFFER, Dietrich. Résistance et soumission : Lettres et notes de
captivité. Paris : Labor et fides, 2006, 630 pages. La citation est extraite des
pages 347 et 348 de l’édition anglaise Letters and papers from prison. New
York : Macmillan, 1972.
2 DE SALES, François. Thy Will Be Done. Op. cit., p. 20.
3 Ibid., p. 46.
4 Ibid., p. 47-48.
5 Ibid., p. 85.
6 VON MOLTKE, Helmuth James (comte). A German of the resistance : the
last letters of count Helmuth James von Moltke. London : Oxford University
Press, 1946, p. 51 (italique ajouté).
7 Cité par Anatoli BOUKREEV et G. Weston DEWALT, The Climb, New
York : St. Martin’s, 1997, p. 142.
8 PIPER. The Biblical view of sex and marriage. Op. cit., p. 78.

épilogue • Le couple saint


1 YELCHANINOV Alexander. A Treasury of Russian Spirituality. « Fragments
of a Diary : 1934 ». Cité par OLIVER, Conjugal spirituality, op. cit., p. 53
(italique ajouté).
2 Cité par OLIVER, Conjugal spirituality, op. cit., p. 24.
3 Ibid., p. 75.

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