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NOTE contre la v é r i t é ,comme une de ces

DU TRADUCTEUR illusions dont les hommes aiment


à se nourrir. De même qu'il a
V OICI un poème terrible, né de
l'angoisse qu'éprouvel'homme de
ooulii receooir sa mort a()ec
toutes ses souf frances physiques
notre temps. Jamais l'a(Jentu.re poétique n'a en refusant tous les narcotiques
poussé aussi loin sa recherche; l' humaine que les médecins lui offraient,
condition y est mise à nue. Dès les premiers de même il a ooulu expri mer ses
vers s'é lè o e cette interrogation: « Qui donc découvertes dans leur force
pourrait venir à notre secours? Ni les anges ni première en acceptant d'a()ance
les hommes. Et même les animaux avertis tous les risques d'une telle
savent que nous ne sommes guère chez nous entreprise.
en ce monde des clartés définies. » De là les obscurités de
Pendant des millénaires, l'homme a essayé certains pas s ages des Élégies de
de chasser la peur pour s'établir dans un Duino. En guise de commentaire,
monde de tout repos. Il n'a accepté que ce qu'il il faudrait relire tous les
pouvait interpréter clairement. Dieu, l'amour, livres de Rilke et surtout toutes
la mort, ces ouvertures sur la ses lettres. Mais il suffit
réalité, l'homme a usé le meilleur également, pour comprendre peu à
de ses forces à les ignorer. En peu le poète, de s'abandonner à
agissant de la sorte, il croyait son chant qui telle la musique «
pouvoir se confection ner ce destin nous saisit, nous console et
passe-partout qui est l'idéal des nous maintient ».
technocrates modernes. M ais,
derrière l'aimable sourire des
illusions, le poète est àssailli
par toutes les forces de la nature LA PREMIÈRE ELEGIE
et la beauté elle-même lui
apparaît comme la porte de
l'angoisse, « ce premier degré du
terrible que nous supportons
tout juste parce que, dans sa
Q UI donc, si je criais,
grandeur, peu lui chaut de m'écouterait dans les
nous détruire ».
Au vrai, les Élégies de Duino ordres des anges? Et même
ne sont que le résultat de
l'expérience existentielle du si l'un d'eux me prenait
poète. Ses angoisses ont été ses
seules richesses. Il nous les
sou dain sur son cœur, je
livre dans une sorte
d'im.prooisation. extraordinaire.
périrais sous le coup de
Les découvertes d'une oie sont
orchestrées dans un rythme
parfois chaotique. Plus d'une
son existence tellement
fois Rainer Maria Rilke a
confessé sa pauvreté et sa plus forte que la mienne.
faiblesse. Rien ne lui eût été
plus étranger que de vouloir Car le beau n'est que la
surmonter ses propres
impuissances dans la recherche porte de l'angoisse, ce
d'une expression. parfaite. Tout
au contraire, il repous sait cette seuil dont nous approchons
tentation du style comme un péché
tu su l'accomplir? N'étais-
tout juste, et, nous tu pas toujours distrait
par l'attente comme si
l'admirons tant parce que, toute chose t'annonçait une
bien - aimée? (Où voudrais
dans sa grandeur, peu lui -tu l'abriter puisque
grandes, étranges, les
chaut de nous détruire. pensées entrent et sortent
sans cesse chez toi et
Tout ange est d'angoisse.
souvent demeurent pour la
Je me contiens donc et je nuit.)
ravale le cri de mon obscur Mais si tu es plein de désir,
sanglot. chante la louange de celles qui
Ah, qui pourrait venir à notre aiment; leur glorieux sentiment
secours? Ni les anges ni les est loin d'êtreassez immortel.
hommes. Et même les animaux Tu les envies presque ces
avertis savent que nous ne délaissées que tu as trouvées
sommes guère chez nous en ce bien plus riches d'amour que
monde des clartés définies. celles qui étaient comblées.
Peut-être nous restera-t-il Redis toujours la louange,
quelque arbre sur la pente que jamais atteinte. Songe: le
nous puissions revoir tous les héros se s. suffit, sa chute
jours. Il nous reste la route même n'est pour lui qu'un
d'hier et la fidélité d'une prétexte d'être, - sa dernière
habitude que nous avons choyée naissance. Mais, les amantes,
pour qu'elle se plaise chez la nature épuisée les reprend
nous et ne nous quitte plus. en son sein comme s'il n'y
avait point en elle assez de
Oh! et la nuit, la nuit quand
force pour accomplir deux fois
le vent lourd de l'espace une telle performance. As-tu
cosmique ronge notre regard. A assez songé à Gaspara Stampa
qui ne resterait-elle pas cette afin que toute jeune fille,
nuit toujours désirée? abandonnée'par son bien-aimé,
Doucement décevante, elle est mais grandie par l'émulation,
l'épreuve à laquelle nul cœur puisse s'écrier: Que ne suis-je
n'échappe. Est-elle plus comme elle! Ces douleurs
légère. aux amants? Hélas, l'un antiques ne vont-elles pas
à l'autre, Ils se cachent enfin devenir plus fécondes?
seulement leur destin. Ne le N'est-il pas temps de nous
sais-tu pas encore? libérer de l'être aimé en
Confie le vide de tes bras l'aimant et de le dépasser, en
aux espaces que nous respirons. vibrant, comme la flèche quit-
Les oiseaux, dans les arcanes tant la corde pour devenir
de leur vol, sentiront peut- serrée dans le jet, plus
être les airs élargis. qu'elle-même. Car il . n'est de
Oui, les printemps avaient demeure nulle part.
besoin de toi. Tant d'étoiles
t'invitaient à Des voix, des voix. Écoute, ô
les découvrir. Du fond de mon cœur, comme autrefois
ta mémoire, une vague seuls les saints savaient
accourait vers toi, écouter: l'appel immense les
ou bien, quand tu passais soulevait du sol mais, eux ,
devant une fenêtre ouverte, à genoux,. les impossibles, n'y
le chant d'un violon prêtaient point attention.
t'appelait. Tout cela était C'est ainsi qu'ils écoutaient.
mission pour toi. Mais as- Non que tu puisses supporter la
voix de Dieu, loin de là oublie le sein de sa mère.
,~ais . ca~te le souffle, le . Mais nous qui avons tant
message jamais Interrompu qui besoin de grands secrets,
naît du silence. nous, chez qui si souvent
Voici maintenant venir à toi un progrès bienheureux
la :umcur de ceux qui sont naît d'un deuil, comment
morts trop Jeunes. Partout où serions-nous sans eux?
tu entrais dans les églises de Serait-ce une vaine légende
Rome ou de Naples, leur destin qu'au-
calmement t'observait ou une trefois dans la complainte pour Linos la
Inscription s'imposait à toi, première vague de musique transperça la
sublime, comme naguère ce rigidité stérile, et que dans l'espace
marbre à Santa Maria Formosa. épouvanté, qu'un adolescent presque divin
Ce qu'ils me veulent? J'ai à venait de quitter à jamais, le vide se mit à
effacer doucement l'apparence vibrer de ce mouvement qui, aujourd'hui,
d'injustice qui parfois trouble
nous saisit, nous console et nous maintient
un peu la pure démarche de leur
esprit. Certes, il est étrange
de ne plus habiter la terre, de
ne plus exercer des usages à LA DEUXIEME ELEGIE
peine appris, de ne plus
accorder aux roses et à tant
d'autres choses, pleines de
leurs propres promesses, le
sens d'un avenir humain; de ne ange est d'angoisse.
tOUT
plus être ce que l'on fut dans Oiseaux presque mortels
des mains infiniment craintives de mon âme,
et de délaisser son nom même malheur à moi, qui vous
comme un jouet cassé. Il est invoque en sachant qui
étrange de ne plus désirer ses vous êtes. Où sont les
désirs, étrange de voir jours de Tobie? Alors
voleter, dispersées dans l'un des plus
l'espace, toutes ces choses qui resplendissants d'entre
étaient jointes. 11 est vous, debout devant la
difficile de vivre dans la porte toute simple de la
mort.Il faut retrouver beaucoup maison, à peine travesti
de choses x x perdues avant de pour le voyage, cessait
sentir, peu à peu, quelque déjà d'être effroyable.
éternité. Mais les vivants font (Adolescent simplement
tous l'erreur de trop pour cet autre adolescent
distinguer.Les anges, dit-on, au regard curieux.) Mais
ne sauraient sou- vent pas aujourd'hui sil'archange,
s'ils se meuvent parmi des le dangereux, par delà
vivants ou des morts. Le les étoiles, des cendait
courant éternel charrie tous vers nous d'un seul pas,
les âges à travers les deux notre propre cœur en
royaumes et de sa grande voix s'élançant, ver.s l.ui de
COuvre leur rumeur chez les son battement nous
vivants et chez les morts. anéantirait, Qui êtes-
Après tout, plus n'ont vous?
besoin de nous ceux qui
sont morts trop jeunes. Vous, accomplis si tôt, vous
Ils perdent doucement le les enfants gâtés de la
goût de la sève terrestre création, chaînes aux neiges
comme, en grandissant, on
d'éternité, crêtes de l'aurore quelles choses étranges
de toute création, pollen de la pourraient-ils dire dans l'air
divinité en fleur, nocturne! Il semble que tout
articulations de la lumière, conspire à nous dissimuler.
galeries, escaliers, trônes, Vois, les arbres sont, les
espaces nés de l'être, maisons que nous habitons
boucliers de délices, tumultes restent. Nous seuls glissons
d'extases orageuses et, devant toute chose comme un
soudain, vous voici, seuls, courant aérien. Et tout
miroirs: votre propre beauté s'accorde pour nous couvrir de
répandue, vous la repuisez pour silence soit par honte, soit
la rendre à votre visage. comme un indicible espoir.
Pour nous, sentir c'est nous Amants, vous qui vous
volatiliser. Hélas, dans le accomplissez l'un dans
souille même nous nous perdons l'autre, c'est à vous que je
et d'un brasier à l'autre demande ce que nous sommes.
notre essence s'affaiblit. Vous vous saisissez. Avez-vous
Quelqu'un nous dit bien alors: des preuves? Voyez, il arrive
Tu pénètres dans mon sang. que mes
Cette chambre, ce printemps 24
s'emplissent de toi ... En DE DUINO
vain, il ne saurait nous mains se joignent ou qu'elles
22 recueillent mon regard usé
retenir, et nous nous pour l'abriter. Cela me donne
dissolvons en lui et avec lui. un peu conscience de moi-même.
Mais ceux qui portent la Mais qui oserait trouver en si
beauté, qui les retiendra? Sans peu la force d'être? Or, vous
cesse des rayons s'éveillent qui grandissez dans l'extase
dans leur regard et s'en vont. de l'autre jusqu'à ce que
Ce qui est nôtre se détache de vaincu il implore : assez;
nous comme au matin la rosée vous qui, sous vos mains,
quitte l'herbe, comme la devenez plus riches, comme les
chaleur s'élève d'un mets grappes sous le soleil, vous
bouillant. o sourire, où vas- qui vous abandonnez souvent
tu? 0 regard qui se lève: cette parce que l'autre vous domine
onde du cœur si neuve si chauds entièrement, c'est à vous que
qui s'enfuit. Malheur à moi, je demande ce que nous sommes.
nous sommes pourtant. Je le sais, il n'y a tant de
L'espace cosmique dans lequel bonheur dans vos transports
nous nous dissolvons est-il que parce que la caresse vous
imprégné de nous? Est-il vrai préserve, parce que la source
que les anges ne reprennent que cache votre tendresse ne
que leurs propres essences disparaît pas: en elle vous
enfuies, ou bien parfois un pressentez la pure durée. Car
peu de nous-même ne se trouve- vous vous promettez l'éternité
t-il pas mêlé comme par presque dès l'étreinte. Mais
mégarde à leurs traits comme après avoir surmonté la
le vague du visage des femmes frayeur des premiers regards
enceintes? Ils ne s'en et l'attente près de la
aperçoivent pas dans ]e fenêtre, les premiers pas
tourbillon de leur retour sur faits ensemble, cette unique
eux-mêmes. (Comment s'en traversée du jardin: amants,
apercevraient-ils i ' ) est-ce encore vous? Quand vous
Les amants, s'ils savaient, vous portez à la bouche l'un
de l'autre et que vous vous vent, de son séjour solitaire,
buvez oh! qu'étrangement le il sort avant que la jeune
buveur s'évade de son acte. fille ait pu répandre sa
La prudence du geste humain douceur, souvent même ignorant
sur les stèles attiques ne jusqu'à son existence, il
vous a-t-elle jamais étonnés? dresse sa tête divine,
L'amour et l'adieu n'étaient- ruisselante de je ne sais quel
ils pas si légèrement posés inconnaissable et il appelle la
sur ces épaules qu'ils nuit à la révolte infinie.
semblaient faits d'une autre Ah ! le sang de Neptune! Ah !
étoffe que chez nous? Songez son trident effroyable!
aux mains qui reposent sans L'obscur ouragan de son sein,
poids alors que les torses se jaiIIissant d'une conque
gonflent de puissance. Ces sinueuse. Ecoute la nuit
hommes si maîtres d'eux-mêmes qui nous ouvre ses grottes! Et
savaient : nous sommes cela et vous, étoiles, n'est-ce pas de
rien d'autre, il nous vous qu'est né ce désir de
appartient de nous toucher l'amant pour le regard de la
ainsi; les dieux nous pressent bien-aimée? Ne tientil pas de
plus fort, mais c'est là leur l'astre très pur l'intime
affaire. vision de son pur visage?
Ah, puissions-nous trouver, Ce n'est pas toi, hélas, ni
nous aussi, un sentier à sa mère '-iui avez ai~n; tDnnu
nous, humain et pur et qui VArs l'attente l'arc de ses
nous porte; entre le fleuve sourcils. Jeune fille qui
et le roc, une bande de terre l'éprouves, ce n'est point par toi
féconde qui serait nôtre. Car que sa lèvre s'est incurvée pour
une expression plus féconde.
notre cœur nous dépasse
Crois-tu vraiment' que ton pas
toujours, comme celui de ces
léger ait pu l'ébranler de la
anciens. Mais il ne nous est
sorte, toi qui te meus comme la
plus donné comme à eux de le
brise de l'aube? Certes, tu as
suivre de notre regard dans
bouleversé son cœur, mais ce choc
des images qui l'apaisent ni
ouvrit la voie à des angoisses
dans des corps divins où,
plus anciennes.
grandissant, il se modère.
Appelle-le ... tu ne
l'arracheras pas entièrement à
l'obscur commerce. Oh, comme
il voudrait s'échapper.
Allégé, il s'habitue à une
LA TROISIÈME ELEGIE place dans l e p l u sintérieur de
ton cœur, il s'y nourrit et
commence d'être.
U chose est de chanter la
NE
Mais a-t-il jamais commencé
d'être?
Mère, c'est toi qui le
bien-aimé, une autre, hélas,
façonnas, petit, c'est toi
de nom
qui le commenças. Pour toi, il
mer ce dieu secret et coupable fut nouveau. Tu découvris aux
du fleuve de sang. Celui yeux neufs le monde aimable
qu'elle reconnaît en interdisant l'entrée à
de loin .,.-.' .,',~,., .. s ; - - - - ~ • •
~'11 •. l'étrange. Hélas, elles sont
u~-'--, :..-..., ..•. . v •..;--
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loin les années où de ta
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même du maître de volupté? Sou- silhouette élancée tu lui


masquais simplement les même, cet intérieur sauvage,
vagues du chaos. Que ne lui cette forêt vierge en lui. Et,
as-tu épargné de la sorte! La au-dessus de cette chute
chambre si hostile; la nuit, muette en lui-même, son cœur
tu la rendais inoffensive. se dressait, vert, lumineux.
Ton cœur, si riche en Ainsi il aimait en abandonnant
refuges, mêlait ton espace son cœur pour descendre le
plus humain à son espace long de ses propres racines
nocturne. Tu plaçais la jusqu'à l'origine puissante où
veilleuse non dans l'obscu- sa petite naissance était déjà
rité, mais dans ton existence dépassée. C'est en aimant
la plus proche et elle qu'il descendait dans ce sang
brillait comme par plus ancien, dans les
amitié. Nul craquement que tu gouffres où gisait l'effroi,
n'aies expliqué d'un sourire nourri encore par les aïeux.
comme si tu savais depuis Et toute chose dans le monde
toujours quand le plancher de l'effroi le reconnaissait,
parlerait. lui faisait des signes
Et lui, en t'écoutant, complices. Oui, l'horrible lui
s'apaisait. souriait... Rarement, ô mère,
Quelle tendre puissance ton sourire fut aussi tendre.
n'avais-tu pas en te levant Comment aurait-il pu ne pas
simplement. Son destin, pris l'aimer, puisqu'il lui
dans son manteau, se retirait souriait? Il l'a aimé avant
derrière l'armoire et son toi car lorsque tu le portais,
avenir inquiet, se déplaçant l'horrible était déjà mêlé à
légèrement, se coulait dans l'eau qui rend le faix plus
les plis du rideau. léger.
Et lui-même, aUégé, il 33
reposait; sous ses paupières Vois, notre amour ne naît
somnolentes, il déliait la pas comme celui des fleurs
douceur de ce monde qu'avec d'une seule saison. Quand nous
tant d'aisance tu lui avais aimons, une sève immémoriale
créé, et il la goûtait dans monte en nos bras. Songe, ô
son premier sommeil. Ainsi il jeune fille, à ceci : nous
semblait protégé ... Mais à avons aimé en nous-même non
t'intérieur de lui-même qui l'unique, non le futur, mais
eût pu le préserver des vagues l'innombrable qui bouillonne.
de sa propre origine? Hélas Nous n'aimons pas une seule
là, le dormeur était sans enfant, mais les pères qui
prudence et, dans son reposent au fond de nous comme
sommeil, dans ses rêves, dans l e s débris d'une chaîne de
ses fièvres, confiant, il montagnes, mais le lit asséché
s'abandonnait. du fleuve de nos mères
Lui, neuf, timide, comme il d'autrefois, mais tout le
était pris dans les lianes paysage silencieux que couvre
toujours plus envahissantes de une fatalité nuageuse ou pure
ses mouvements intérieurs qui - tout cela, ô jeune fille,
déjà s'entrelaçaient en des t'a précédée. Et toi-même que
figures, en des formes sais-tu ? Tu as fait naître
animales se pourchassant dans dans l'amant des temps anté-
une poussée étouffante. Comme rieurs. Quels sentiments
il s'y donnait, aimait. Il venant d'êtres d'autrefois se
aimait l'intérieur de lui- sont frayé un chemin jusqu'au
présent? Là - bas, quelles ne connaissons que ce qui de
femmes t'ont haïe? Quels l'extérieur le modèle.
hommes ténébreux as tu Qui n'était assis plein
éveillés dans les veines de d'anxiété devant le rideau de
l'adolescent? son cœur? Il s'ouvrit : la
Des enfants morts voulaient scène représentait les adieux.
venir à toi ... C'est facile à comprendre. Le
o doucement, doucement, jardin familier. Il frémissait
accomplis devant lui avec un légèrement. Ensuite seulement
amour confiant un ouvrage
quotidien, conduis-le vint le danseur. Pas lui. Assez.
jusqu'au jardin, donne lui Et malgré sa désinvolture, il
les nuits, leur poids très
lourd ... n'est que déguisé et bourgeois
Préserve-le ... et entrera chez lui par la
cuisine. Je ne veux pas de ces
masques à moitié vides, plutôt
la poupée. Elle est pleine. Je
veux supporter le pantin, le
LA QUATRIÈME ELEGIE fil et ce visage qui tient tout

Oarbres de la vie, à quand entier dans son apparence. Je


reste ici, même si les lumières
s'éteignent et si l'on me dit:
l'hiver? Nous ne sommes point c'est fini, et que de la scène,
accordés, point avertis comme dans un courant d'air gris,
les oiseaux migrateurs. souille le vide. Plus aucun de
Dépassés, nous nous accrochons mes ancêtres silencieux n'est à
trop tard, tout à coup, aux mes côtés, pas une femme, pas
vents pour retomber sur un lac même le petit garçon à l'œil
indifférent. Simultanément, marron qui louche. Je resterai
nous avons conscience de quand même. Il y a toujours
fleurir et de nous flétrir. Et quelque chose à voir. .
quelque part marchent encore N'ai-je pas raison, ô père,
des lions qui, dans leur toi qui, à cause de moi as
magnificence, ignorent toute goûté à l'amertume de la vie en
faiblesse. goûtant à la mienne. Et comme
Mais nous, aussitôt que je grandissais, tu goûtais
nous voulons penser toujours à nouveau à la trouble
entièrement l'Un, l'Autre infusion de mon devoir. Et,
s'impose déjà à notre préoccupé par l'arrière-goût
sentiment. L'inimitié, c'est d'un avenir si étranger, tu
ce qui nous est le plus examinais mon regard, lourd de
proche. Des amants, qui ma faiblesse. 0 mon père,
s'étaient promis de larges depuis que tu es mort, tu as
lointains, la chasse et le souvent peur au cœur de mon
espoir. Et pour l'amour de ce
foyer ne découvrent-ils pas
rien qu'est ma destinée, tu
sans cesse, l'un dans l'autre,
renonces à cette indifférence
les bords de leurs abîmes
qui est le bien des morts, à
intérieurs? Pour nous
tes empires d'indifférence.
permettre d'apercevoir le
Dis, mon père, n'ai-je pas
dessin d'un instant, on
raison? ...
prépare péniblement un fond
Et vous, n'ai-je pas raison?
tout d'opposition. Car l'on Vous qui m'aimiez à cause de
s'exprime très clairement avec ce faible début de mon amour
nous. Mais nous ignorons le pour vous, que je perdais
contour de notre sentiment et toujours parce que l'espace
dans votre regard - quand je toute la mort la porter si
l'aimais - passait dans doucement aoant même qu'on
l'espace cosmique où je ne soit en vie et n'en pas
vous trouvais plus ... prendre ombrage? Cela reste
N'ai-je pas raison SI J ai envie sans nom.
d'attendre devant la scène des
marionnettes, de regarder si
pleinement qu'à la fin, pour
faire contrepoids à mon
regard, un ange doit paraître LA CINQUIÈME ELEGIE
en acteur qui mettra tous les (SALTIMBANQUES)
pantins debout. Ange et A Madame Hertha Kœnig.
poupée, tel est finalement le
spectacle. Voici assemblé ce
M
AIS, dis-moi donc, qui sont
que notre présence ne cesse de ces errants, un peu plus
séparer. Voici naître enfin, fugitifs encore que nous-
de nos saisons, le cycle de mêmes? Pour l'amour de qui une
toutes les métamorphoses. Le volonté jamais assouvie les
jeu de l'ange nous dépassera pousse et les presse de bonne
infiniment. Vois les mourants, heure? Elle les essore. Ies
ne devraient-ils pas pres- tord, les enlace et les lance,
sentir à quel point tout ce les jette et les rattrape. Et
que nous faisons ici n'est que ils retombent d'un air huilé
subterfuge. Rien n'est soi- et plus lisse sur le tapis
même. râpé par leur saut infini,
o heures de l'enfance où tapis perdu dans l'univers,
derrière les images il y avait posé ainsi qu'un pansement,
plus que le passé et, devant comme si, en cet endroit, le
nous, point l'avenir. Certes, ciel du faubourg avait meurtri
nous grandissions et, parfois, la terre.
nous avions hâte d'être bientôt Et à peine là, voici qu'ils
grands, un peu pour l'amour de se dressent, debout, tels
ceux qui n'avaient plus pour l'initiale majuscule. Mais la
eux que d'être de grandes poigne qui revient sans cesse
personnes. Et pourtant, xx dans les roules à nouveau, pour
nos pas solitaires, nous goû- rire, comme Auguste le Fort, à
tions la joie que donne ce qui table, écrasait une assiette
demeure et nous nous tenions d'étain.
dans l'interstice entre Ah, et autour de ce centre,
l'univers et Je jouet, dans un la rose du regard fleurit et
lieu qui, de tout temps, a été s'effeuille. Autour de ce
créé pour un événement pur. pilon, le pistil, touché par
Qui nous indiquera [a place son propre pollen, en fleurs,
de l'enfant? Qui l'établira est fécondé de nouveau pour le
dans sa conste1Jation et lui faux fruit du déplaisir; il
mettra à la main la mesure de n'en a point conscience, mais,
la distance? Qui formera la brillant de sa surface la plus
mort de l'enfant de ce pain mince, il semble sourire
gris qui durcit, ou qui légèrement.
laissera cette mort dans la
Voici l'athlète, fané et
bouche toute ronde, comme Je
ridé, le vieux, qui ne sait
trognon d'une belle pomme? ..
plus que tambouriner. Il s'est
Les assassins sont faciles à
comprendre. Mais comment saisir ratatiné dans sa peau
ceci, contenir cette mort, puissante comme si elle avait
contenu autrefois deux hommes elle infiniment choyée et ne
dont l'un reposerait déjà au manquera de rien. Vous, fruits
cimetière et l'autre lui aurait de l'indifférence, ouvertement
survécu, sourd et parfois offerts sous les épaules, vous
égaré dans la peau veuve. êtes toujours différemment
Mais le jeune homme, comme posés sur les balances
s'il était né d'un torse et hésitantes de J'équilibre.
d'une nonne, est pleinement Et pourtant, aveuglément,
tendu de muscles et de le sourire ...
simplicité. Ange, cueille donc ce
simple aux petites fleurs,
o vous qu'une petite prends-le! Apporte un vase et
souffrance reçut autrefois garde-le. Place-le sous nos
comme jouet dans une de ses joies qui sont encore
longues convalescences ... fermées, dans
Toi qui tombes de ce bruit Où, où donc est le lieu- je le
sourd que seuls les fruits porte dans mon cœur -- où ils
connaissent, cent fois par sont encore loin de savoir ct
jour, tu tombes vert encore de ils se détachent l'un de
cet arbre, né du commun mou- l'autre comme des animaux qui
ne sont pas encore mûrs pour
vement (plus rapide que l'eau
l'accouplement, où les poids
même cet arbre vit en quelques sont encore lourds, où les as-
minutes son printemps, son été siettes tombent encore des
et son automne) tu chois et tu bâtons qui tournoient, en
heurtes la tombe: parfois dans vain ...
une demi-pause, un cher visage Et soudain dans ce lieu, qui
voudrait naître pour toi et te est de nulle part, voici
l'endroit inexprimable, où la
conduire vers ta mère qui est pure insuffisance se change
si étrangement tendre, mais ce incompréhensiblement et saute
visage si timidement esquissé, dans ce vide trop plein. Sans
il se perd dans ton corps qui un chiffre, le compte multiple
s'y résoud.
le galvaude ... Et de nouveau Places, ô place à Paris,
l'homme frappe dans ses mains place du spectacle infini, la
pour le bond. Avant qu'une modiste Madame Lamort enlace
douleur te devienne sensible ses rubans sans fin, les routes
près, du cœur toujours au inquiètes de la terre, et, elle
galop, la brûlure de la plante en fait de nouveaux nœuds, des
ruchés, des fleurs, des
du pied a déjà dépassé
cocardes, des fruits
l'origine de cette douleur; et artificiels. Parures aux
ton corps emplit tes yeux de couleurs mensongères pour les
larmes.une urne aimable et chapeaux d'hiver bon marché du
qu'une inscription pleine destin.
d'élan le célèbre: Subrisio Ange, il Y aurait une place
saltat. que nous ne connaissons point,
Toi, très chère, que les joies et là, sur un tapis sans nom,
les plus vives ont dépassée les amants, qui n'atteignent
d'un saut muet, peut-être tes jamais jusqu'au savoir ici-bas,
franges serontelles heureuses montreraient les hautes figures
pour toi ou, sur les seins, de l'élan de leur cœur, les
jeunes et fermes, la soie d'un tours de leur joie, et aussi
vert métallique se sentira-t- leurs échelles, qui autrefois
se touchaient seulement en destin, qui nous couvre de
tremblant puisque le sol leur silence, s'enflamme tout à
manquait toujours. Entourés coup pour le héros et le
d'innombrables morts, les jette dans l'ouragan déchaîné
amants sauraient enfin. Devant de son monde. . J e n'entends
ce couple, au sourire vrai, les personne comme lui.
spectateurs jetteraient-ils Brusquement, dans un torrent
alors sur le tapis pacifié les d'air, sa sombre musique me
dernières monnaies du bonheur, traverse.
infiniment valables et toujours Que j'aimerais alors m'enfuir
épar- devant le mal du désir! Oh,
• :l
grieos i que ne suis-je donc un
enfant, que ne m'est il
permis de le devenir et
d'être assis, appuyé sur mes
bras futurs, il lire l'histoire
LA SIXIÈME ELEGIE de Samson dont la mère avait
F IGUIER, depuis longtemps déjà il
été stérile avant d'enfanter
si pleinement J a mère,
m'importe de savoir comment n'était-il point déjà héros
tu dépasses presque entièrement ta fleur; en toi-même, n'est-ce pas
ton pur secret que personne n'a chanté, tu déjà en toi-même qu'il a
le pousses au dedans du fruit pris très tôt.
choisi d'être
Comme le tuyau de la fontaine, ton un héros? Des mil1iers
branchage sinueux conduit en haut et en d'êtres bouil- " Xlonnaient
bas la sève qui, sans presque se réveiller, dans ton sein et voulaient
glisse dans le bonheur de son acte le plus être lui, mais vois, il
doux, telle dieu se changeant en cygne. saisit et repoussa, il a
... Mais nous demeurons, oh! c'est fleurir choisi, il a su. Et quand
qu'est notre gloire, et c'est trahis que nous il brisa des colonnes, c'est
entrons dans l'int.éneur trop longtemps attendu qu'il avait
de notre fruit. Rares sont ceux chez qui la fui le monde de ton corps
poussée vers l'acte s'élance si fortement qu'ils pour ce monde plus étroit
s'impatientent dans la plénitude du cœur, et où il continuait à savoir
brûlent à l'appel de l'épanouissement qui ef- choisir. a mères des héros 1
fleure comme une douce brise nocturne la a sources des fleuves au
jeunesse de leur bouche et de leur paupière: ce courant impétueux! Gouffres
n'est peut-être que chez les héros et les où les jeunes filles,
adolescents marqués de bonne heure pour futures victimes du fils,
l'autre côté que, la mort en jardinant, a tracé se sont déjà précipitées en
différemment les artères. Ceux - 'lC 'lC là se poussant leur plainte du
jettent en avant, précédant leur propre sourire, haut bord de leur cœur.
comme cet atte- lage de chevaux dans les Car le héros prenait
images souples et creuses du roi vainqueur à d'assaut les demeures de
Karnak . l'amour. Chaque battement
Etrangement proche est le héros de d'un cœur, qui lui était
ceux qui sont morts trop jeunes. destiné, le poussait plus
Peu lui importe de durer. Sa loin et, au bout des
vie est 'toute dans le départ. sourires, détourné déjà,
1 1 se ravit constamment à lui- il était autre.
même et entre dans la
constellation mouvante de son
danger permanent. Très peu
l'y trouveraient. Mais le LA SEPTIEME ÉLÉGIE
Q l'orage tardif cette clarté qui
respire, ni l'approche du sommeil et un
pressentiment, le soir ...
UEton cri ne soit plus
Mais les nuits! Mais les hautes
l'appel qui séduit et
enrôle, mais simple nuits de l'été, mais les étoiles, les étoiles de la
terre. Oh être mort un jour et les épeler
ment la voix qui t'exprime infiniment, toutes les étoiles, car comment
tout entier. Certes, ton sauraiton les oublier?
cri était pur comme celui Vois, c'est alors que j'appelle la jeune fille
de l'oiseau que soulève la qui vit dans l'amour. Mais ce n'est pas elle
saison; celle-ci, dans sa seulement qui viendrait ...
montée, oublie presque De tombes impuissantes à les retenir
qu'il n'est qu'une faible viendraient des jeunes filles qui seraient là,
bête et non seulement ce debout... Car comment limiter l'appel une fois
cœur isolé qu'elle jette à lancé? Les engloutis cherchent toujours encore
l'azur des ciels plus à saisir cette terre. Vous, les enfants, une chose
intimes. Comme lui, tu d'ici-bas, une fois comprise,
appelle rais, afin que dans Vaudrait pour bien d'autres. Ne
son silence l'amie encore croyez point que le destin soit plus que
inconnue te découvrît. cette densité de l'enfance; vous dépassez
Lente ment s'éveillerait en si souvent le bien-aimé, en respirant
elle une réponse à simplement, en respirant comme après
laquelle ton chant une course bienfaisante qui n'avait pas
prêterait sa chaleur. Et d'autre but que le
ton sentiment audacieux te pur espace. Être ici-bas est magnifique! a
susciterait un cœur jeunes filles, vous le saviez! Vous aussi qui
ardent. apparemment perdues avez été privées de
Ah, le printemps comprendrait, tout, vous dans
car là il n'y a point d'endroit les pires ruelles des villes, vous aux
qui ne porte le chant blessures purulentes, vous ouvertes
annonciateur. Tout d'abord ce à la déchéance. Car chacune avait
son si frêle qui interroge et une heure, peut-être pas tout à fait
que, de son silence une heure, une durée à peine mesurable
grandissant, entoure largement avec les mesures du temps, entre deux
la pure approbation du jour. Et instants où elle avait,
puis les degrés, la montée, les elle aussi, sa pleine existence. Tout.
degrés de l'appel qui Les veines emplies d'existence, Mais nous
conduisent au temple de oublions si facilement ce qu'un VOlsin en riant
l'avenir, construit en rêve, ne nous confirme ou ne nous envie. C'est que
puis le trille, cette fontaine nous voulons que notre bonheur
qui, dans la poussée du jet, éclate aux yeux de tous, mais
devance déjà la chute: ô jeu le bonheur le plus visible ne
des promesses ... Et devant soi se laisse reconnaître que si
l'été, non seulement toutes les nous le changeons au dedans de
aubes de l'été, non seulement nous-même.
leur splendeur première et
cette métamorphose qui les o bien-aimée, nulle part
change en jours, non seulement ailleurs qu'à l'intérieur de
les jours si tendres près des nous-même, le monde
fleurs et si forts et si n'existera. Notre vie s'use
puissants dans la hauteur des en métamorphose. Et les
arbres, non seulement le dehors, toujours plus
recueillement de ces forces réduits, disparaîtront. Là
déployées, ni les chemins ni où il y eut une maison
les prés, le soir, ni après
durable, voici une image; Raconte que nous avons
elle s'interpose et appar- été capables de cela,
tient à la pensée au point mon propre souffle ne
qu'elle semble n'avoir suffit point pour la
jamais quitté le cerveau. louange. C'est ainsi
L'esprit du temps se crée de que malgré tout nous
larges silos de forces, n'avons pas perdu nos
informes comme l'impulsion espaces ouverts.
si tendue qu'il puise en (Qu'ils doivent être
toute chose. Les temples, il vastes puisque pendant
ne les connaît plus. C'est à des millénaires notre
nous de retrouver plus sentiment n'a point
secrètement cette prodigalité réussi à les emplir.) Mais
du cœur. Oui, là où survit une une tour était grande, n'est
seule chose, née autrefois de ce pas, ô ange, elle était
la prière, une chose servie à grande même à côté de toi?
genoux, la VOICI qui passe déjà Chartres était grand et la
à l'invisible. musique allait plus loin
Nombreux sont ceux qui ne. la encore et nous dépassait.
voient plus sans pouvoir la Mais même une amante, seule,
reconstruire en eux-mêmes à une la nuit à la fenêtre,
échelle supérieure, avec des ne t'arrivait-elle pas
piliers et des statues. jusqu'aux genoux?
Ne crois point que je
Tout sombre soubresaut du veuille convaincre, ange,
monde connaît ces déshérités et même si je le voulais!
qui ont perdu le passé et n'ont Tu ne viendrais pas. Car
pas encore ce qui est proche. mon appel est toujours
Car pour les hommes le plus plein de départ. Tu ne
proche même est très lointain. saurais lutter contre un
N'en soyons pas troublés, mais tel courant. Mon cri est
ayons la force de garder la comme un bras tendu, Et
forme que nous avons encore la main, en haut, ouverte
reconnue. Cela s'est é l e o éune pour savoir, reste
fois parmi les hommes, au ouverte devant toi,
milieu du destin destructeur, largement ouverte, comme
au cœur même de cette une défense ou un
ignorance de tout chemin, avertissement, ô l
debout cela semblait exister nsaisissablo.
et les étoiles des ciels sûrs
s'en rapprochaient. Ange, à
toi je puis encore montrer
cela, afin que ton regard le
sauve et finalement l'élève. LA HUITIÈ1vlE ËLEGIE
Colonnes, pylônes, le sphinx, Dédiée à Rudolf
la cathédrale, son ascension Kassner.
arcboutée qui s'élève, grise,
d'une ville mourante ou d'une
ville étrangère. D E tous ses regards, la
créature saisit l'ouvert.
N'était-ce point Seuls nos yeux paraissent
miracle? Oh étonne-toi, retournés, posés comme des
ange, car c'est nous, pièges autour de la
nous ô grand ange! créature, de sa libre
issue. Ce qui est dehors, tenir en face, et rien
nous ne le lisons que dans d'autre, et toujours en face.
le regard de l'animal car S'il y avait une conscience
le jeune ,en , fan test déj à semblable à la nôtre, dans
retourné par nous et forcé de l'animal si sûr de soi qui
voir des formes derrière lui, vient à notre rencontre, son
au lieu de découvrir cette mouvement nous arracherait à
ouverture, si profonde dans le notre chemin. Mais son être
visage de la bête. Libre de lui est infiniment pur, sans
toute mort. Quant à nous, limites; il est sans regard
c'est la mort seule que nous sur son état, pur comme sa vue
voyons. sur les choses. Là où nous
x . '/L'animal
. libre a toujours sa voyons l'avenir, il voit le
fin derrière lui et devant tout et se voit lui-même dans
lui Dieu. Et lorsqu'il le tout et sauvé, pour
marche, ses pas appartien nent toujours.
à l'éternité, comme les mou -
vements des fontaines. Nous Et pourtant, il y a dans
n'avons pas un seul jour, l'animal si chaudement
devant nous, le pur espace vigilant, le poids et le
auquel les fleurs s'ouvrent souci d'une grande
infiniment. C'est toujours le mélancolie. Car il porte, lui
monde et jamais, sorti du aussi, ce qui si souvent ~ous
néant, le lieu qui est de subjugue -le souvenir, ce
nulle part, la pureté que sentiment que tout ce vers
rien ne surveille mais que quoi on tend a déjà été plus
l'on respire, que l'on proche, plus fidèle et de
connaît infiniment, que l'on contact infiniment tendre.
ne convoite point. Enfant, tel Ici tout est distance et là
s'y"'" perd dans le silence et tout n'était que souille.
en est bouleversé. Ou tel Après le premier foyer, le
autre meurt et il l'est. second lui paraît douteux et
Car près de la mort, on ne la ouvert aux vents. 0 félicité
voit plus, le regard se fige de la petite créature, qui
et devient peut-être celui de toujours demeure dans le sein
l'animal. Les amants, n'était qui la porta jusqu'à son
l'autre qui masque terme. 0 bonheur du moucheron
la vue, en seraient tout qui, même à l'heure de ses
proches. Ils noces sautille à l'intérieur
s'étonnent ... du sein -- ca; être
Derrière l'autre, quelque ,
Et pourtant, il y a dans
chose s'ouvre comme par
l'animal si chaudement
mégarde ... Mais personne ne
vigilant, le poids et le souci
dépasse l'autre et de nouveau d'une grande mélancolie. Car
tout redevient le monde. il porte, lui aussi, ce qui si
Toujours tournés vers la souvent ~ous subjugue -le
création, ce n'est qu'en elle souvenir, ce sentiment que
que nous apercevons le reflet tout ce vers quoi on tend a
Ide la liberté que nous déjà été plus proche, plus
couvrons d'ombre, ou fidèle et de contact
lorsqu'un animal muet nous infiniment tendre. Ici tout
traverse de son regard levé. est distance et là tout
C'est bien cela le destin: se n'était que souille. Après le
premier foyer, le second lui condition, fuir le destin, tout en l'appelant ? ..
paraît douteux et ouvert aux
Oh! Non point parce que le bonheur est, cet
vents. 0 félicité de la petite
avantage provisoire d'une perte toute
créature, qui toujours demeure prochaine, non point par désir de connaître
dans le sein qui la porta ou pour J'exercice du cœur qui est aussi dans
jusqu'à son terme. 0 bonheur le laurier ... Mais parce qu'être ici- bas est
du moucheron qui, même à une grande chose et parce x x x
l'heure de ses noces sautille qu'apparemment tout ce qui est ici-
à l'intérieur du sein -- ça; bas a besoin de nous; toutes ces choses
être dans le sein, c'est tout. éphémères nous concernent
Vois cette sécurité amputée de étrangement. Nous, plus éphémères
l'oiseau qui, par son origine, que tout. Une fois, chaque chose,
sait presque l'une et l'autre une fois seulement, une fois et pas
chose, comme si en lui était plus. Et nous aussi, une fois. Jamais
une âme étrusque, venue d'un plus. Mais ceci, avoir été une fois,
mort qu'enferme un espace, même si ce ne fut qu'une fois, avoir
couvert par un gisant. Et été de cette terre, cela semble irré-
combien troublé dans le vol est vocable.
un être né d'un sein. Comme Et voici que nous nous pressons vers cet
effrayé de lui-même, il traverse accomplissement afin de le tenir dans nos
l'air, ainsi que le cheminement mains nues, dans notre regard trop plein,
d'une fêlure dans la tasse. clans notre cœur muet. Nous voulons devenir
C'est ainsi que la trace de la terrestres. A qui confier cette expérience?
chauve-souris déchire la Nous aimerions tout garder pour
porcelaine du soir. toujours... Ah, qu'emporterons-
Et nous: spectateurs toujours nous en passant dans l'autre
et partout, tournés vers tout royaume? Ni ces regards, si
cela et ne le dépassant jamais. lentement appris ici-bas ni
Nous en sommes trop pleins. rien de ce qui nous est arrivé.
Nous mettons de l'ordre. Tout Rien. Les souffrances, alors.
s'effrite. Nous l'ordonnons à Oui, avant tout ce poids, la
nouveau, et nous nous longue science de l'amour,
décomposons nous-mêmes. toutes choses inexprimables.
Qui donc nous a retournés de Mais plus tard, sous les
la sorte pour que, quoi que étoiles, à quoi
nous fassions, nous ayons bon? Les étoiles sont
toujours J'attitude de celui tellement plus riches dans
qui s'en va? Sur la dernière l'inexprimable. Du bord de
colline qui -lui montre une fois la montagne, le voyageur ne
encore toute la vallée il se rapporte point dans la
retourne s'arrête et vallée une main pleine de
s'attarde - c'est ainsi que cette terre indicible pour
nous vivons et ne cessons tous, mais une pure parole
jamais de faire nos adieux.
acquise, la gentiane jaune
LA NEUVIÈME ELEGIE et bleue. Peut-être sommes-
nous ici pour dire: maison,
pont, fontaine, porte,
P OURQUOI, s'il est possible de combler
la durée limitée de l'existence, comme fait le
cruche, verger, fenêtre, -
tout au plus, colonne,
laurier par un vert un peu plus sombre que
tour ... mais pour le dire,
tout autre vert, par de petites vagues au
comprends le bien, pour le
rebord de sa feuille (pareilles au sourire du
dire de telle sorte que les
vent), pourquoi faut-il alors subir l'humaine
choses dans leur cœur même
n'ont jamais su qu'elles une forme et sert comme une
étaient cela? N'est ce pas la chose ou meurt en u~e chose,
ruse secrète de cette terre de puis au delà s'échappe
silence que de pousser les bienheureuse du chant d'un
amants afin que dans leur violon. Et ceci: comprendre
sentiment toute chose soit les choses qui vivent de
exaltée? Seuil: qu'est-ce pour mourir, il faut que tu les
deux amants s'ils usent le loues : périssables, elles
propre seuil plus ancien de la attendent un secours de nous
porte, eux aussi, après tant qui sommes plus périssables
d'autres et avant ceux qui que tout. Elles désirent que
viendront... légèrement nous les transformions en
notre cœur invisible -
infiniment - en nous-même J
Voici le temps du dire, ~OLa sa
Quelle que soit finalement
patrie. Parle et confesse. Plus
notre nature.
que jamais se perdent les
choses que nous pouvons vivre, Terre, n'est-ce pas ceci que
car ce qui, en poussant, les tu x x veux : renaître
remplace, c'est un faire sans invisiblement en nous-même?
image. Un faire sous des N'est-ce pas ton rêve d'être
croûtes qui sautent d'elles- une fois invisible? Terre!
mêmes dès que l'action les Invisible! Quoi donc sinon la
dépasse et se donne d'autres métamorphose est ta mission la
limites. Notre cœur doit se plus pressante? Terre, ô très
maintenir au milieu des chère, je le veux.
marteaux comme la langue au Oh 1 Sache qu'il n'est plus
milieu des dents besoin de tes printemps pour
où elle reste malgré tout, me gagner à toi! Un seul est
déjà de trop pour mon sang. De
où elle dit la louange.
loin je viens à toi, je t'ai
. Que ton chant célèbre le
choisie indiciblement.
monde
Toujours tu étais dans ton
pour l'ange. Non pas le monde
droit et ta sainte découverte
inexprimable. Ce n'est point
devant l'ange que tu saurais est la mort familière
te vanter de ce que tu as
Vois, je vis. De quoi? Ni
magnifiquement ressenti. Dans l'enfance ni l'avenir ne
l'univers où il vit avec un diminuent. .. De mon cœur
sentiment infiniment plus jaillit une existence surnu-
fort, tu n'es toi même qu'un méraire.
nouveau venu. Aussi montre-lui
les choses simples, celles
qui, façonnées par des
générations, vivent comme des LA DIXIÈME ELEGIE
choses à nous, à côté de notre
geste et de notre regard. Dis-
lui des choses. Il en sera
étonné, comme toi auprès de ce
cordier à Rome ou du potier
Ajour, que
FIN je puisse un
au bout de l'amère
des bords du Nil. Montre-lui vision, chanter l'allé
à quel point une chose sait gresse et la gloire sous
être heureuse, innocente, et l'approbation des anges, que
combien nôtre. A quel point la nul marteau de mon cœur, si
souffrance, dans sa plainte, clairement forgé, ne fasse
consent en pureté à revêtir défaut sur des cordes
détendues, hésitantes ou personnes, il importe plus
cassantes. Que mes larmes particulièrement de voir
augmentent l'éclat de mon comment l'argent se
regard, que les simples multiplie anatomiquement,
pleurs fleu rissent. 0 nuits non pas seulement pour
d'afIliction que vous me l'amusement, l'organe
serez alors très chères. 0 génital de l'argent; tout
mes sœurs inconsolées, que cet acte instruit et
ne vous ai-je reçues à enrichit l'esprit...
genoux, plus humblement, que ... Oh, mais tout de suite
ne me suis-je perdu avec après, derrière la dernière
plus d'abandon dans vos clôture, où sont les affiches
cheveux dé liés? Nous de e Sans mort.», de cette
gaspillons les douleurs; bière amère qui paraît douce
d'avance nous en projetons aux buveurs s'ils prennent
la fin dans la triste durée sans cesse de nouvelles
et nous nous demandons si distractions. .. derrière la
elles ne vont point s'en clôture,)C~ tout de suite
aller. Mais elles sont notre derrière, voici le réel.
feuillage d'hiver, notre Des enfants jouent, des
sombre pervenche, une des amoureux se tiennent l'un
saisons de l'année secrète, l'autre - à l'écart, graves
non seulement saison, mais dans une herbe pauvre, des
place, hameau, camp, sol, chiens retrouvent la liberté.
demeure. Mais l'adolescent désire
Certes, qu'elles sont aller plus loin encore; peut-
étrangères les rues de la être aime-t-il une jeune
Ville-Souffrance où, dans un plainte ... à sa suite, il
faux silence, né des bruits découvre des prés. Elle dit :
multiples, coulé du moule du Loin, nous habitons là -bas.
vide, paradent le vacarme doré Loin.
et le monument qui éclate. Oh, Où? Et l'adolescent la suit.
sans en laisser de trace, un Il est touché par son
ange écraserait leur marché de attitude, ses épaules, son
consolation que limite cou; peut-être est-elle de
l'église, leur église sur descendance noble? Mais, il
mesure, propre· et fermée et l'abandonne, se retourne, se
digne comme un bureau de détourne, fait signe de la
poste, le dimanche. main ... A quoi bon? C'est une
Dehors, toujours les boucles plainte.
qui bordent les foires. Seuls les jeunes morts,
Balançoires de la dans le premier état de
liberté 1 Plongeurs et l'indifférence intemporelle,
prestidigitateurs très celui du sevrage, la suivent
zélés. Et le tir du bonheur et l'aiment.
enjolivé, où quand un tireur Elle attend des jeunes
plus habile l'atteint, le filles et gagne leur amitié,
but gigote et le fer-blanc leur montre doucement ce
résonne. Applaudi, il s'en qu'elle porte. Les perles de
va, pris de vertige, car douleur et les voiles très
toutes ces boutiques offrent fins de la souffrance subie.
des curiosités qui Les adolescents, elle les suit
séduisent, tambourinent et en silence.
piaillent. Pour les grandes Mais dans la vallée où les
plaintes ont leurs demeures, saisir. Mais elle, en regar-
une plainte plus ancienne dant derrière le bord du
répond à l'adolescent : pschent effarouche la chouette
Nous les plaintes, nous qui, en glissant lentement le
fûmes, ditelle, une grande long de la joue, de cette
race autrefois. Làbas, dans courbure si mûre, dessine dou-
la haute montagne, nos pères cement l'ouïe nouvelle du mort
poussaient leurs mines. Tu l'ineffable contour, sur une
trouveras peut-être chez des double feuille ouverte.
hommes un morceau taillé de Et plus haut, les étoiles.
cette douleur première, ou, Les étoiles nouvelles du pays
d'tm volcan ancien, des de la douleur. Lentement la
scories de colère pétrifiée. plainte les nomme :
Tout cela vint de là-bas. « Voici le Cavalier, le Bâton et
Jadis nous frîmes riches. cette constellation plus pleine
Elle le conduit à travers le qu'on appelle : Couronne de
vaste paysage des plaintes, fruits. Puis, plus loin, vers
lui montre les colonnes des le pôle: le Berceau, le Chemin,
temples ou les ruines de ces le Liore ardent, la Poupée, la
châteaux forts d'où les Fenêtre. Mais dans le ciel du
princes des plaintes ont sud, pur comme l'intérieur
autrefois sagement gouverné d'une main bénie, dans son
le pays. Elle lui montre les clair éclat, l'M qui signifie
grands arbres de larmes et les Mères ... ))
des champs où fleurit la Mais le mort doit partir et,
mélancolie (les vivants n'en silencieusement, la plainte
connaissent que le doux plus ancienne le conduit
feuillage); lui montre les jusqu'à la porte de la vallée
animaux du deuil en train de où l'on voit briller au clair
paître, - et parfois un de lune la source de la joie.
oiseau prend son envol Avec respect elle la nomme en
horizontalement à travers la disant : « Chez les hommes, c'est
vision et dessine largement un fleuve au dos large ».
l'image de son cri solitaire. Ils sont au pied de la
- Le soir, elle le conduit montagne.
près des tombes des anciens Là, elle l'embrasse en
de la race des plaintes, les pleurant.
Seul, il entre dans les monts
Sibylles et les Prophètes.
de la douleur primitive. Et
Mais quand la nuit
dans son destin muet, son pas
s'approche, ils marchent plus
même ne résonne point.
doucement, et bientôt se lève Mais si ceux qui sont morts
comme la lune, le monument infiniment éveillaient pour
funéraire qui veille sur nous un symbole, ils
tout, frère de celui du Nil, montreraient peut-être les
du Sphinx sublime - le visage chatons qui pendent aux
de la chambre secrète. Et ils branches d'un noisetier nu, ou
regardent, étonnés, la tête la pluie au printemps qui tombe
couronnée qui, silen- sur une terre noire,
cieusement, - a posé pour Et nous qui pensons à la
toujours le visage humain sur montée du bonheur, nous
la balance des étoiles. éprouverions. ce mouvement du
Son regard, pris dans le cœur qui nous bouleverse
vertige de sa mort encore presque quand une chose
toute jeune, ne saurait le heureuse tombe.
tableau, il y a un homme jeune en costume
d'arlequin, un gros personnage, un adolescent
portant un tambour, une fillette et un garçonnet; un
peu à l'écart, nous voyons une jeune femme.
Subrisio saltat : le sourire danse.
L'ouvert : Le monde ouvert c'est le monde vu
et compris dans sa totalité. Les hommes ne se
taillent dans la réa lité qu'une sorte de nid
dont les parois cachent toute vue. Mais les
animaux restent dans l'ouvert, car ils ne con-,
naissent pas la peur de la mort.
o bonheur du moucheron ... les insectes
qui n'ont pas connu la gestation restent en
quelque sorte toujours dans le sein de la
nature; ils n'ont qu'une seule patrie.
Pschent : Coiffure des pharaons en forme de
mitre formée du bonnet blanc que portaient l'es rois
de Haute-Égypte et de la calotte l'ouge, ornée
d'une agrafe représentant un serpent, dont étaient
coiffés les l'ois de Basse-Égypte. Plusieurs
divinités égyptiennes, notamment Osiris portent le
pschent.

NOTES TABLE
9 LA PREMIÈRE ÉLÉGIE
NOTE DU TRADUCTEUR.
Gaspara Stampa, née à Padoue (Duino 1912): 13 Qui donc, si je
en 1523, morte à Venise en 1554,
a laissé un recueil de poésies où criais, m'écouterait dans les ordres
elle dit son grand amour pour des anges? ...
Collaltino di Collalto, prince de 1912). 21
LA DEUXIÈME ÉLÉGIE (Duino
Trévise. Tout ange est d'angoisse ...
Linos, poète légendaire, selon LA TROISIÈME ÉLÉGIE (Duino
la mythologie, contemporain 1912 et Paris1913).. 28
d'Orphée. C'est à la mort de U ne chose est de chanter la
Linos que fut composé le premier bienaimée ...
thrène. Rilke fait naître la LA QUATRIÈME ÉLÉGIE (Munich
musique en quelque sorte de la 1915) 36
mort puisque, selon ses vers,
c'est dans la complainte pour o arbres de la vie, à quand l'hiver
Linos que pour la première fois ?.
la musique submergea la stérilité LA CINQUIÈME ÉLÉGIE (Saltim-
de la nature inerte. . banques) (Muzot1922).. 43
Mais, dis-moi donc, qrâ sont
L'ange évoqué par le poète est un ces errants ...
être parfait qui participe à la
fois au royaume de la vie et à LA SIXIÈME ÉLÉGIE (Tolède,
celui de la mort. Selon ses Ronda 1912, Paris 1914, Muzot
propres indications, Rilke se 1922) .. .. 50
réfère à l'ange de l'Islam plutôt Figuier, depuis longtemps ...
qu'à l'ange du Christianisme. L A SEPTIÈME ÉLÉGIE (Muzot
Le danseur de la Quatrième Élégie semble 1922) 54
représenter l'artiste le plus complet; mais le poète le
rejette, car il voit en lui également un bourgeois Que ton cri ne soit plus l'appel
déguisé, un serviteur du faux-semblant. C'est qui séduit et enrôle ...
pourquoi il lui préfère la poupée dont l'apparence ne L A HUITIÈME ÉLÉGIE (Muzot
trompe pas. 1922) 62
De tous ses regards, la
La Cinquième Élégie évoque les Sal- créature saisitl'ouvert ...
timbanques. La description de Rilke se réfère à un
tableau de Picasso qu'il avait vu chez Mme Hertha L A NEUVIÈME ÉLÉGIE (com-
Kœnig. Dans le groupe de personnages de ce mencée à Ronda ou à Paris en 1913,
terminée à Muzot en 1922). 68
Pourquoi; s'il est possible de com-
bler la durée limitée de l'
existence ..
L A DIXIÈME ÉLÉGIE (commencée à
Duino en 1912 comme étant la
dernière Élégie, suite à Paris
en 1914 et à Muzot en
1922) .. 75
Afin que je puisseuri [our, au
bout de l'amère CJLswn ...

Cet ouvrage, achevé d' imprimer le 30


octobre 1949, sur les presses des Frères
Priester, à Paris, a été tiré à 950
exemplaires dont 100 exemplaires sur
Marais Crèvecœur, numérotés de 1 à 100,
et 850 exemplaires, numérotés de 101 à
950, sur papier Alfa des Papeteries du
Marais. Il a été réservé 50 exemplaires
numérotés de 101 à 150, pour la
librairie" Les J eu.nes Presses".

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