Vous êtes sur la page 1sur 140

LE A s

Cette collection de livres présente de manière synthétique,


rigoureuse et pratique l'ensemble des connaissances que l'étudiant
doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
- le Droit et la Science Politique ;
- les Sciences économiques ;
- les Sciences de gestion ;
-les concours de la Fonction publique.

Retrouvez tous nos titres

Defrénois- Gualino- Joly Retrouvez l'actualité


LGDJ - Montchrestien Gualino éditeur
sur notre site sur Facebook
www.lextenso-editions.fr

@5 u

PHOTOCOPILLAGE
© Gualino éditeur, Lextenso éditions 2 013
33 rue du Mail 75081 Paris cedex 02
ISBN 978-2 - 297 -03 165-3
TUELEUVRE ISSN 1 288-8206
0
c
Si dans certaines disciplines, comme le droit constitutionnel ou le droit international public,
les ouvrages universitaires sont assez semblables, cette remarque ne s'appl ique qu'imparfaite­
ment aux relations internationales. C haque auteur développe une conception personnelle
et souvent subjective en fonction de sa formation et de ses centres d'intérêt.
Tel ouvrage s'appesantit sur l'histoire des relations internationales depuis 1 94 5 , tels autres sur
les théories et aspects doctrinaux. Certains adoptent une approche exclusivement juridique,
privilégiant les acteurs étatiques et les organisations internationales et mini misent ainsi l'émer­
gence de nouveaux acteurs sur la scène internationale. D'autres mettent principalement
l'accent sur les relations économiques, commerciales et financières.
La difficulté est de trouver un juste équilibre entre le théorique et l 'événementiel. L'ambition
modeste de cet « Essentiel » est de concilier, dans un cadre l i mité, ces différentes facettes des
relations internationales, de manière plus ou moins détaillée, et d'offrir au lecteur, qu'il soit
étudiant ou qu'il soit intéressé par la vie internationale, une présentation claire, vivante et
actuelle de la société i nternationale.
Cet ouvrage traite en 1 1 chapitres des rapports et flux transfrontaliers, matériels ou immaté­
riels, qui peuvent s'établir entre deux ou pl usieurs individus, groupes ou collectivités. Il se
compose de trois parties :

les données de la scène internationale (chapitres 1 à 4): les approches doctrinales ; un
bref historique des relations internationales depuis 1 945; les caractères de la société i nter­
nationale ainsi que les facteurs constitutifs des relations i nternationales ;

0
c
ro
:J
l')
4 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES


les acteurs et les règles des relations internationales (chapitres 5 à 8): I 'Ëtat, protago­
niste principal des relations internationales ; les acteurs récents, les Organisations intergou­
vernementales (OIG) ; les nouveaux acteurs, O rganisations non gouvernementales (ONG),
Sociétés transnationales (STN), individus et peuples ainsi que la régulation normative des
relations internationales ;

les enjeux et les défis des relations internationales (chapitres 9 à 1 1 ) étudiés sous
forme de questionnement : guerre ou paix? richesse ou pauvreté? et I'Ëtat est-i l margina­
lisé au sein du système i nternational?

0
c
ro
:J
l')
Présentation 3

1
Les données de la scène internationale
Chapitre 1 - Les relations internationales: une réalité
complexe 15
1 - La relativité d'une définition 15
2 - Les approches doctrinales 16
• Les approches réalistes (ou conflictuelles) 16
a) L'étude des conflits 17
b) Les relations de puissance 18
• Les approches transnationales (ou solidaristes) 20
a) L'interdépendance de la vie internationale 21
b) L'institutionnalisation de la vie internationale 23

3 - Société ou communauté internationale? 24

0
c
ro
:J
l')
6 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Chapitre 2 - Les caractères de la société internationale 25


1- Une société ambivalente: interétatique ou transnationale? 25
2- Une société mondialisée ou fragmentée? 26
• La mondialisation 26
a) Un phénomène multiforme 26
b) La mondialisation économique 27
c) La mondialisation culturelle 35

• La fragmentation 36
a) La montée des nationalismes et des intégrismes 36
b) Les maux du «sous-développement» 37

Chapitre 3- Les relations internationales depuis 1945 39


1- L'immédiat après-guerre ( 1945-1947) 39
2- La bipolarisation affirmée et contestée (1947- 1991) 40
• L'affirmation 40

• La contestation 40
a) La contestation interne 40
b) Au niveau externe 41

3- Ladisparition de l'URSS ou l'avènement d'un nouvel ordre mondial


depuis 1991? 42
Chapitre 4 - Les facteurs constitutifs des relations
internationales 45
1- Les facteurs matériels 45
• Le facteur géographique 45

• Le facteur démographique 46
• Les facteurs économique, financier et monétaire 48

• Les facteurs technologique et scientifique 52

• Le facteur militaire 52
0
c
ro
:J
l')
SoMMAIRE 7

2 - Les facteurs intellectuels 53


• Le facteur idéologique 53

• Le facteur médiatique 53

• La diplomatie personnelle des dirigeants politiques 54

• Le facteur juridique 54

2
Les acteurs et les règles des relations
internationales

Chapitre 5 - L'État, protagoniste principal des relations


internationales 57

1 - Une entité en croissance continue 57


2 - Les éléments constitutifs 58
• Le territoire 58

• La population 59

• Une organisation politique souveraine 60

3 - La reconnaissance internationale de l'État 61


4 - Les regroupements d'États 62
5 - Les relations entre États 62
Chapitre 6 - Des acteurs récents: les organisations
intergouvernementales 65

1 - Définition et ampleur du phénomène 65


2 - Les principes de dépendance et d'autonomie 65
0
c
ro
:J
l')
8 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

3 - Les types d'organisations intergouvernementales 66


• L'ONU, organisation de coopération 66
a) Les organes intergouvernementaux 67
b) Les organes intégrés 68
c) Les institutions spécialisées et les organes subsidiaires 69
• L'Union européenne, organisation d'intégration 70
a) Les principales institutions communautaires 70
b) L'évolution de la construction européenne 72

Chapitre 7 - Les nouveaux acteurs des relations


internationales 77
1 - Les organisations non gouvernementales 77
• Définition et ampleur du phénomène 77
• Statut et fonctions 78

2 - Les Sociétés transnationales ou firmes multinationales 79


• Définition et ampleur du phénomène 79
• Les stratégies des Sociétés transnationales 80
• Les relations entre les Sociétés transnationales et les pays
en développement 80

3 - Les individus 82
4 - Les peuples 83
Chapitre 8- La régulation normative des relations
internationales 85
1 - Les sources du droit des relations internationales 85
• Les traités 86
• La coutume 86
• Les principes généraux de droit 86
• L'équité 87
• La jurisprudence 87
• La doctrine 87
0
c
ro
:J
l')
SoMMAIRE 9

• Les actes unilatéraux 87


• Le jus cogens 88

2 - Les règles juridico-politiques régissant les relations internationales 88


• Le principe d'égalité souveraine des États 88
• Le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d'un État 89
• Le principe de non-recours à la force 89
• Le principe du règlement pacifique des différends 89
• Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes 89
• Le principe du respect des droits de l'homme 89
• Le devoir d'ingérence humanitaire: la responsabilité de protéger 90
• Le principe d'une responsabilité et d'une justice pénales internationales 91

3
Les enjeux et les défis des relations
internationales

Chapitre 9 - Guerre ou paix? 95


1 - La dialectique guerre ou paix 95
2 - Les mesures préventives 96
• L'idéal inassouvi: un désarmement généralisé et total 96
a) Des initiatives partielles 98
b) Le dogme de la non-prolifération des armes nucléaires 100
• Le règlement pacifique des différends 103
a) Le règ lement judiciaire 103
b) Le règlement politique 104

3 - Les mesures répressives 105


• Les mesures non coercitives 106
0
c
ro
:J
l')
10 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

• Les mesures coercitives 106


• Les mesures issues de la pratique onusienne 107
a) La résolution Dean Acheson 377 (V) du 3 novembre 1950 107
b) Les opérations de maintien de la paix 107
c) Les opérations d'imposition de la paix 109

Chapitre 10- Richesse ou pauvreté? 111


1- L'inégalité croissante d e la répartition des richesses mondiales 111
2 - L'impact du facteur démographique 1 12
3 - Les effets des facteurs économique et financier 1 13
4- L'interaction avec les questions environnementales 120
Chapitre 1 1 - L'État, acteur marginalisé? 125
1- La difficile coexistence de deux conceptions de la souveraineté 125
2- La défense des droits de l'homme 126
• Une protection universelle insuffisante 127
• Une protection régionale plus efficiente 127

3- Une tentative de théorisation de l'ingérence: les rapports Axworthy


et Evans/Sahnoun 129
4- Des prémices pratiques: le parallèle Kosovoffimor oriental/Irak/
Géorgie/Libye/Mali 130
5- Les limitations au principe de la souveraineté: l'État
cc inconfortable >> 133
Bibliographie 139

0
c
ro
:J
l')
Liste des abréviations

ALEA Association de libre-échange des Amériques


APEC Asia Pacifie Economie Cooperation (Coopération économique Asie Pacifique)
ASEAN Association des Nations de l'Asie du Sud-Est
ASEM Asia Europa Meeting
BI RD Banque internationale pour la reconstruction et le développement
BIT Bureau international du travail
CIJ Cour internationale de justice
CNUCED C onférence des Nations unies pour le commerce et le développement
CTBT Comprehensive Test Ban Treaty (Traité d'interdiction complète des essais nucléaires)
FAO Food and Agriculture Organization (Organisation pour l'alimentation et l'agriculture)
FMI Fonds monétaire international
GATI Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
IDH Indice de développement humain
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
OEA Organisation des États américains
OIG Organisation internationale intergouvernementale
OIT Organisation internationale du travail
OMC Organisation mondiale du commerce
OMS Organisation mondiale de la santé
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations unies
OSCE Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
PED Pays en développement
PNB Produit national brut
SAARC Association d'Asie du Sud pour la coopération régionale
START Strategie Arms Reduction Treaty (Traité de réduction des armes stratégiques)
STN Société transnationale
TNP Traité de non-prolifération

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
Les données de la scène
interna tiana le

C hapitre 1 Les relations i nternationales: une réalité complexe 15


C hapitre 2 Les caractères de la société i nternationale 25
C hapitre 3 Les relations i nternationales depuis 1 945 39
C hapitre 4 Les facteurs constitutifs des relations internationales 45

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
Les rela tions
in terna tionales :
une réalité complexe
L a définition des relations internationales est relative e t contingente; elle varie
selon les approches doctrinales développées, qu'elles soient conflictuelles ou soli­
daristes. Si, par une commodité de langage, l'expression communauté internatio­
nale est souvent employée, elle ne postule ni qu'il y ait une solidarité étroite
entre ses entités constitutives, ni qu'il existe un gouvernement mondial.

Les relations internationales sont « d'une telle complexité qu'on peut les appréhender de multiples
manières et que les diverses tentatives effectuées pour réduire cette complexité à des termes
simples et univoques débouchent sur autant de définitions controversées » . Ces propos de Marcel
Merle en 1 988 restent toujours d'actualité.

ITJ La relativité d'une définition


Les spécialistes des relations internationales ont quelques difficultés à définir l'objet de leur disci­
pline. Ainsi les définitions varient d'un auteur à l'autre tant au sujet du champ d'investigation, de
la désignation des acteurs, que de l'identification des facteurs.
L'objet ainsi segmenté rend périlleuse toute théorisation générale.
Pourtant, dans un souci de clarté pour le lecteur, nous entendrons par relations internationales,
dans le cadre limité de cet « Essentiel », tous les rapports et flux transfrontaliers, matériels
ou immatériels, qui peuvent s'établir entre deux ou plusieurs individus, groupes ou
collectivités.
Deux erreurs ne doivent pas être commises, d'une part chercher une vérité aux relations interna­
tionales, d'autre part penser qu'elles sont soumises à une forme de déterminisme. Si la spécificité
des relations internationales comme discipline s'appuie toujours sur la distinction externe/interne,
des interactions entre les deux sphères se développent et oscillent entre coopération (ou
0
c
ro
:J
l')
16 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

interdépendance) et conflictualité. L'interdépendance favorise les dimensions transnationales avec


l'émergence de nouveaux acteurs et menace la toute-puissante souveraineté étatique, érodée par
le jeu de la mondialisation. Se pose alors la question du bien-fondé du cadre territorial fragilisé par
les effets économiques, culturels, financiers, sécuritaires ou environnementaux de cette
« globalisation ».
Toutefois, la coopération qu'elle engendre peut aussi être source de conflits. Ainsi partagée entre
harmonie et conflit, équilibre et changement, interdépendance et dépendance, la sphère des rela­
tions internationales ne peut se comprendre qu'au travers d'un pluralisme théorique, seule
réponse à des réalités multiples.

m Les approches doctrinales


Il n'est pas exagéré d'affirmer qu'il existe autant de théories des relations internationales que de
chercheurs. Pour reprendre la classification de J.-J. Roche, deux grandes écoles, elles-mêmes subdi­
visées en chapelles, coexistent et se complètent.
Les réalistes, de toutes obédiences, s'accordent sur quatre données, à savoir :
- la prédominance du politique dans un environnement caractérisé par l'affrontement entre les
relations interétatiques et la profusion des flux transnationaux ;
- l'anarchie originaire du milieu international qu'il est toutefois possible de réguler ;
- la présence d'une structure conditionnant la liberté d'action des entités composant le système
international ;
- la faveur exprimée pour une théorie générale des relations internationales.
Les transnationalistes se rejoignent sur quatre données :
- l'affrontement permanent et non achevé entre un ordre étatique qui subsiste et des flux trans­
nationaux non contrôlés par les États ;
- une tendance à la globalisation induisant des réactions de localisation ;
- la constitution de réseaux, spécifiques du développement mondial des activités, s'organisant en
dehors de la logique territoriale ;
- le choix opéré en faveur d'une sociologie des relations internationales.

• Les approches réalistes (ou conflictuelles)


Ces approches ont longtemps dominé la discipline des relations internationales. Elles étudient les
conflits ; les analyses développées se fondent sur la puissance de l'État et tendent à montrer que
la société internationale n'est stable qu'en présence d'un système de forces qui s'équilibre.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 - Les relations i nternationales: une réalité complexe 17

a) L'étude des conflits


Elle s'effectue selon plusieurs approches parmi lesquelles nous pouvons citer :
- les approches marxistes qui mettent l'accent sur les facteurs économiques dans l'organisation
des rapports internationaux et expliquent les conflits par des phénomènes de domination et
d'exploitation. Pour Lénine, la concurrence entre États capitalistes conduit inévitablement à la
guerre (exemple du premier conflit mondial en 1 9 1 4) et la pression, exercée par l'exploitation
des richesses mondiales, débouche sur la résistance des peuples opprimés. Le thème de la lutte
des classes est ainsi transposé au plan internationa l . L'approche marxiste et néomarxiste a déve­
loppé le concept d'hégémonie. Antonio Gramsci a démontré, qu'au sein d'un État, une classe
peut imposer sa domination idéologique avec le consentement des autres composantes de la
société et pérenniser ainsi son pouvoir. Transposé aux relations internationales, le concept
d'hégémonie décrit les mécanismes employés par une puissance dominante pour convaincre la
société que l'ordre, qu'elle établit, profite à tous ses membres.
Dès les années 1 970, le Canadien Robert Cox, inspiré de l'œuvre d'Antonio Gramsci (d'où le
nom de néogramsciens), défendait une nouvelle vision de l'ordre mondial. Il défend l'idée que
la théorie néoréaliste soutient ceux qui détiennent le pouvoir dans le capitalisme mondialisé. A
la différence des néoréalistes, l'économie et la politique mondiales ne peuvent être comprises
qu'en les resituant dans une perspective historique qui détermine les conditions de la stabilité
de l'ordre mondial .
Le pouvoir hégémonique n'est plus défini exclusivement à partir des ressources matérielles
(économiques et militaires) de l'État dominant mais résulte de la conjonction de trois éléments :
le pouvoir, les idées et les institutions. Ainsi une véritable hégémonie, seule à même d'assurer la
stabilité, requiert le consentement de ceux qui la subissent. Ce consentement naît dans et par la
société civile et, au niveau mondial, par la société civile internationale, facteur de mutation
important. L'humanisation de la mondialisation ne peut provenir que d'une mobilisation cons­
tante de cette société civile internationale, contrepoids indispensable à la domination de la
classe des capitalistes transnationaux. La finance, la production et le commerce sont en effet
les trois conditions d'hégémonie, identifiées par lm manuel Wallerstein. Au milieu du xxe siècle,
les trois conditions sont réunies au profit des États-Unis, comme elles l'avaient été au XVIIe siècle
pour les Provinces-Unies et au XIXe siècle pour le Royaume-Uni ;
- les approches géopolitiques s'accordent à étudier les conflits à partir de la géographie tant
physique, économique qu'humaine. Elles prennent en compte les contraintes qui pèsent sur la
définition des stratégies politico-militaires élaborées par les États. Selon les auteurs, la puissance
vient de la maîtrise soit des terres, soit des mers. L'espace territorial d'un État est un élément
primordial de sa puissance. Il faut néanmoins souligner qu'en raison des progrès de la
0
c
ro
:J
l.')
18 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

technologie militaire, le territoire n'est plus obligatoirement une garantie certaine quant à la
puissance d'un Ëtat ;
- les approches géo-économiques qui affirment que la politique étrangère n'est plus unique­
ment la défense d'intérêts politiques mais aussi d'intérêts économiques qui sous-tendent les
nouvelles logiques d'affrontement.
Cette thèse, défendue au début des années 1 990 par Edward Luttwak, privilégie l'arme écono­
mique comme instrument de puissance et d'affirmation sur la scène internationale. À la géopoli­
tique traditionnelle pour laquelle les rivalités sont essentiellement territoriales, se substituerait une
géo-économie qui aurait pour but de conquérir ou de préserver une position enviée au sein
de l'économie mondiale. L'intervention directe ou indirecte de I 'Ëtat dans les diverses activités
d'investissement, de recherche et de développement à la différence des motivations commerciales
des entreprises privées, relève de la géo-économie. Le concept défini par E. Luttwak est intéressant
car il intègre une dimension économique longtemps sous-estimée par les théoriciens des relations
internationales. Toutefois il n'est pas exempt d'imprécisions, voire de critiques car son concepteur
en limite le champ aux seules nations industrialisées occidentales alors qu'il apparaît aujourd'hui
posséder une dimension plus globale.
À la différence de la géopolitique œuvrant dans un cadre territorial fixe et délimité, la
géo-économie se meut dans un espace en perpétuel mouvement s'affranchissant des frontières
territoriales. Cependant les deux concepts ne sont pas antinomiques mais complémentaires. En
aucun cas, la géo-économie ne signifie la fin des conflits et des revendications territoriales. Si elle
permet d'avoir, au sein des pays industrialisés, une grille d'analyse plus fine des relations entre
I'Ëtat et ses partenaires industriels nationaux, elle est utilement complétée par une approche
géopolitique dans la compréhension des conflits et rivalités de pouvoirs en Asie, en Afrique
centrale ou au Proche-Orient.

b) Les relations de puissance


La puissance est une notion complexe et contingente qui se distingue de celle de force. Si la force
est une notion statique et se définit par l'ensemble des moyens dont dispose un Ëtat, la puissance
est au contraire une notion dynamique mais relative puisqu'elle varie en fonction des acteurs
d'une relation internationale. Si la France est, dans ses relations avec les Ëtats-Unis d'Amérique,
une petite puissance, elle est une grande puissance dans ses rapports avec les Ëtats d'Afrique
noire. De même, le Japon, dans le concert des grandes puissances, est un intervenant économique
de premier plan mais demeure encore en retrait sur le plan militaire. La puissance dépend du
contexte international, paix ou guerre, ainsi que du caractère bilatéral ou multilatéral des relations
internationales d'un acteur donné.
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 - Les relations internationales: une réalité complexe 19

Plusieurs auteurs, de Hobbes à Machiavel, de Morgenthau à Aron, ont défendu cette approche
réaliste des relations internationales fondée sur trois éléments principaux :
- les relations internationales sont régies par les rapports interétatiques, limités à un nombre faible
d'acteurs. La théorie réaliste ne nie pas l'existence de relations transnationales mais elle les juge
secondaires dans la compréhension de l'ordre international. Elle prône la dissociation absolue
entre l'externe et l'interne ;
- les rapports entre Ëtats sont conditionnés par la recherche de l'intérêt national (d'où le qualifi­
catif réaliste). Il faut assurer la puissance de I'Ëtat ;
- les relations internationales sont essentiellement conflictuelles, l'instrument principal étant le
recours à la force. La hiérarchie entre Ëtats se fonde principalement sur le facteur militaire,
même si d'autres facteurs économiques ou culturels peuvent exister.
Cette théorie postule donc que les Ëtats-nations sont les acteurs presque exclusifs du système
international et qu'ils ne sont motivés que par leur intérêt propre. Il en résulte des relations inte­
rétatiques conflictuelles par nature qui donnent la priorité à la force sur l'économie.
Sous l'influence de divers facteurs, l'école réaliste va se transformer en néoréalisme. Si les interdé­
pendances économiques et technologiques sont davantage prises en compte, les Ëtats conservent
le pouvoir effectif de détermination rationnelle de la politique internationale, au nom d'une légiti­
mité issue de la volonté de leurs concitoyens. Autrement dit pour les néoréalistes (Robert Gilpin,
Stephen Krasner), la gouvernance mondiale ne peut être que le fait des Ëtats, que le politique
dominant l'économique.
Les courants néoréalistes considèrent que la fin de la guerre froide signifie le retour aux affronte­
ments de puissance mais cette fois à l'échelle planétaire. Le clivage Est/Ouest fortement battu en
brèche, laisserait la place aux seuls intérêts nationaux. Ces courants, à la différence de l 'analyse
réaliste classique, mettent aussi l'accent sur la composante économique (guerre économique) ou
culturelle (choc des civilisations) des intérêts de puissance et leur possible mutation en conflit
militaire.
En 1993, un professeur américain, Samuel Huntington, renouvela le genre en estimant que les
conflits à venir seraient caractérisés par des affrontements culturels qui opposeraient non les
Ëtats-nations, mais les principales civilisations mondiales. « Le choc des civilisations dominera la
politique mondiale. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de fron t » .
Il distingue huit civilisations: occidentale, slave-orthodoxe, islamique, hindoue, confucéenne,
japonaise, latina-américaine et africaine.

0
c
ro
:J
l.')
20 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

S . Huntington se fonde sur six éléments pour justifier sa thèse :


- les différences entre civilisations, fruit d'un processus séculaire, sont essentielles ;
- les interactions entre peuples issus de civilisations différentes se multiplient et accentuent, para-
doxalement, le sentiment de différence ;
- la modernisation économique et l'évolution des sociétés éloignent les hommes des anciennes
identités locales. Il en résulte que I'Ëtat-nation est affaibli dans son rôle identitaire ;
- l'Occident est à la fois perçu comme un facteur d'attraction ou de rejet. Une désoccidentalisa­
tion des élites dans le reste du monde s'ensuit et rompt les liens idéologiques ;
- l'appartenance à une civilisation est difficilement modifiable ;
- la régionalisation progressive de l'économie mondiale renforce le sentiment d'appartenance car
le processus d'intégration régionale postule inévitablement un enracinement dans une civilisa­
tion commune.
Une fois établie la place fondamentale du concept de civilisation, Huntington identifie les lignes de
fracture, sources de crises et de conflits, principalement la frontière de la civilisation islamique. Sa
conclusion est simple : l'Occident est menacé, notamment par un axe anti-occidental
islamo-confucéen. Même s'il appelle à une meilleure compréhension par les Occidentaux des
convictions de ses adversaires, il les appelle à conserver la puissance économique et militaire indis­
pensable à la protection de leurs intérêts.
Deux critiques majeures ont été faites de la thèse de S. Huntington. Le premier reproche encouru
est d'avoir sous-estimé le rôle, encore éminent, joué par les Ëtats-nations dans les relations inter­
nationales. Les civilisations, aux contours souvent flous, ne peuvent être assimilées à des acteurs
autonomes des Ëtats. Le deuxième reproche résulte de l'importance accordée à l'intégrisme isla­
mique. L'universitaire américain semble ignorer que les clivages les plus nets se situent entre les
musulmans eux-mêmes. Il développe donc une vision statique et homogène des civilisations qui
ne correspond pas à la réalité. Le bien-fondé d'un axe islamo-confucéen est bien difficile à
démontrer !

• Les approches transnationales (ou solidaristes)


Selon les promoteurs des thèses transnationales, le développement des relations internationales
contemporaines est marqué par les phénomènes d'interdépendance et d'institutionnalisation
de la vie internationale.

0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 - Les relations i nternationales: une réalité complexe 21

a) L'interdépendance de la vie internationale


Le premier phénomène met en lumière l'expansion d u fait démocratique et des relations commer­
ciales, génératrice de paix. Deux écoles se rattachent à cette tendance, les fédéralistes et les
fonctionnalistes. Elles prônent le dépassement de la souveraineté étatique par la multiplication
des solidarités économiques et techniques entre Ëtats au sein d'organisations internationales qui
se transforment progressivement en solidarités politiques, suite aux transferts de compétence
opérés nécessairement par les Ëtats membres. De G . Scelle à Jean Monnet, le courant fédéraliste
a développé une conception du fédéralisme qui considère que le droit international exprime la
solidarité entre les individus. Il ignore les fictions j u ridiques comme la souveraineté de I'Ëtat qui
ne représente qu'une illusion. La société internationale est avant tout constituée d'individus ; les
rapports interpersonnels priment les rapports interétatiques. Cette solidarité produit des règles
objectives communes puis des institutions communes.
Cette vision rejoint les préoccupations des fonctionnalistes (D. Mitrany et M . Virally). Ils utilisent la
notion de fonction et estiment que la création d'organisations internationales à caractère tech­
nique a pour fonction de convertir les intérêts des Ëtats membres en les formulant et en les agré­
geant. Cette conversion, opérée au détriment des politiques nationales, produira des règles que
l'organisation devra élaborer, appliquer et faire respecter. En d'autres termes, l'organisation exer­
cera une fonction de socialisation ; les limitations de souveraineté opérées par les Ëtats vont
progressivement aboutir à un passage de solidarités économiques à des solidarités politiques et
l'humanité prendra peu à peu conscience de son un ité.
Autre analyse fondée sur l'interdépendance, le courant systémique est essentiellement l'œuvre de
théoriciens américains au milieu des années 1 960, principalement David Easton et Karl Deutsch .
Un système est une approche globale q u i englobe tous les éléments et tous les protagonistes
intervenant en son sein . Lorsqu'un élément se modifie, cette mutation provoque une réaction sur
les autres éléments constitutifs. De l 'environnement culturel, économique, religieux, etc., le
système reçoit des exigences ou des soutiens. Il les régule, les transforme et produit des réponses
aux interrogations et aux demandes qui ont été formulées. Ces réponses (décisions ou actions)
réagissent sur l'environnement et engendrent de nouvelles exigences. Cette théorie systémique
emprunte largement à la biologie et à la cybernétique. Elle se place à un niveau de généralité qui
lui permet d'appréhender des réalités très différentes, mais risque aussi de ne pas permettre de
voir des cadres plus limités. Elle ne dit rien sur ce qui se passe à l'intérieur du système, censé
pouvoir s'adapter à toutes les situations.
Appliquée aux relations internationales, cette analyse intègre différents paramètres : d'une part le
nombre des acteurs publics ou privés, parties prenantes du système global et/ou de systèmes
régionaux, d'autre part la nature du système, homogène (les Ëtats appartiennent au même
0
c
ro
:J
l.')
22 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

archétype et partagent la même conception des relations internationales) ou hétérogène (les États
se réclament de valeurs contradictoires).
Le système se réfère à divers modèles unipolaire, bipolaire ou multipolaire, rigide ou souple, repré­
sentatifs des rapports de force. Un système unipolaire (homogène) ne connaît qu'un seul pôle
de décision, à une époque récente pour certains auteurs et gouvernants, l'hyperpuissance
américaine. Un système bipolaire peut être homogène quand deux pôles de puissance, de
force identique et partageant les mêmes valeurs, dominent les relations internationales. Il est hété­
rogène lorsque les deux pôles défendent des conceptions opposées de la société. Ce système
bipolaire est dit rigide (conflit Est-Ouest de 1 947 à 1 962) ou souple (naissance du mouvement
des non-alignés). Dans le cadre d'un système multipolaire, plusieurs entités politiques, de taille
comparable et de force militaire équivalente, coexistent et se concurrencent mutuellement. Il
s'agit d'un système d'équilibre, censé éviter la domination d'une entité sur les autres.
En France, Marcel Merle s'est attaché à présenter une explication globale des relations internatio­
nales à partir d'une analyse systémique plus élaborée. Il relève que la formation d'un système
global, soumis à des influences continues de la part de son environnement, engendre deux effets
contradictoires : une interdépendance accrue et une accumulation de contradictions au sein du
système.
Une autre théorie, la gouvernance globale, a été développée, durant les années 1 990, par James
Rosenau et met l'accent sur la notion d'autorité, mais définie de manière spécifique au marché ou
au secteur concerné.
Elle n'est pas prédéfinie et ne présuppose pas une hiérarchie spécifique du pouvoir ; elle s'exprime
dans la relation entre les divers acteurs concernés.
La combinaison de la mondialisation et du niveau local favorise l'émergence de nouvelles forces au
sein des sociétés, qui provoquent un double processus d'intégration et de fragmentation et contri­
buent à la dilution de l'autorité entre les niveaux mondial, national et infranational .
L'approche d e Rosenau met e n lumière une gouvernance globale particulièrement complexe où
interagissent une multiplicité d'acteurs dans un espace en perpétuelle évolution . Les acteurs de
base de la gouvernance sont les sphères d'autorité plutôt que les États, les structures historiques
ou les compromis politiques qui caractérisent les précédentes théories. Chaque sphère exerce son
autorité selon des modalités qui lui sont propres et les relations intersphériques ne sont pas néces­
sairement hiérarchiques. Au sein de chaque sphère, les acteurs les plus puissants font respecter
leur autorité. Ainsi, selon Rosenau, c'est « une convergence entre les besoins des différents
acteurs qui permet à l'un d'entre eux d'obtenir l'approbation des autres et non une contrainte de
type constitutionnel qui attribuerait la plus haute autorité exclusivement aux États et
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 - Les relations i nternationales: une réalité complexe 23

gouvernements nationaux ». Sa conception de la gouvernance réside dans un ensemble d'inter­


actions changeantes et complexes, à l'intérieur et entre les sphères d'autorité.
Pour clore cette présentation synthétique des approches transnationales, il faut citer la vision
harmoniste atypique de l'Américain Francis Fukuyama. Dans son article sur la fin de l'Histoire (au
sens hégélien), publié au début de l'année 1 989 et contrairement à une idée reçue, il n'affirmait
pas qu'il n'y aurait plus de crises, de conflits ou de guerre mais il considérait que la démocratie
constituait le point final de l'évolution idéologique de l'humanité, autrement dit le stade
ultime de l'évolution des régimes politiques. Il en tirait la conclusion du caractère inéluctable du
renforcement de l'esprit du marché commun. La démocratie et son corollaire, l'économie de
marché, sont les seules solutions viables pour les sociétés modernes. Selon Fukuyama, les relations
internationales sont en train de s'organiser sur ce modèle et les révolutions qui ont secoué le
monde arabo-musulman depuis 20 1 0 ont confirmé le bien-fondé de son analyse sur deux points :
d'une part le fondamentalisme, à la différence du communisme, ne représente pas une alternative
à la démocratie puisqu'il ne prétend pas à l'universa lité, d'autre part ces révolutions se produisent
sur des valeurs pluralistes universelles de démocratie et de liberté.
Il récidive en 1 999 et évoque pour demain, dans son ouvrage « Le dernier homme », l'avènement
de la post-humanité, c'est-à-dire un changement de la nature humaine, engendré par les biotech­
nologies. Les possibilités infinies des sciences permettent de changer la nature humaine. L'être
humain, en tant que tel étant aboli, une nouvelle histoire post-humaine peut commencer.
L'école déterministe, dont Francis Fukuyama est l'un des tenants les plus éminents et les plus
contestés, défend la thèse d'une évolution humaine linéaire et prévisible. Cette thèse, comme la
précédente, a suscité des réactions passionnées et contradictoires.
Dans son livre State building, il réaffirme sa croyance en l'universalité des valeurs démocratiques
mais dénonce l'option américaine de recours prioritaire à l'instrument militaire pour faire du State
building. Il réaffirme le besoin d'institutions multilatérales et prend pour exemple l'action de
l'OTAN au Kosovo.

b) L'institutionnalisation de la vie internationale


Le second phénomène conduit à une institutionnalisation de plus en plus poussée dès 1 9 1 9 avec
la création de la Société des Nations (SDN). Depuis 1 945, elle s'opère dans le cadre de l'Organisa­
tion des Nations unies (ONU) dont la Charte fixe les principaux objectifs : le maintien de la paix et
de la sécurité internationale assurée par les grandes puissances, non seulement par une coopéra­
tion et une solidarité contre l'agresseur mais aussi contre la pauvreté et le sous-développement.
L'ampleur de la tâche conduit à la création d'institutions spécialisées, organisations autonomes
liées à l'ONU par des conventions approuvées par l'Assemblée générale de l 'Organisation.
0
c
ro
:J
l')
24 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Ce système des Nations unies est régi selon des principes tels que ceux de hiérarchie, de coordina­
tion et de complémentarité.
L'essor continu de l'institutionnalisation aboutit à une extrême diversité d'organisations internatio­
nales en dehors même du système onusien. On en dénombre près de 400 dans tous les conti­
nents, à titre d'exemples l 'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), le Conseil de
l'Europe, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l'Union afri­
caine, l'Organisation des Ëtats américains (OEA), l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est
(ASEAN) et la Ligue des Ëtats arabes. Toutes ces organisations interétatiques ont, par la volonté
des Ëtats, développé un droit des relations internationales.
L'apparition de plusieurs facteurs tels que l'internationalisation des activités criminelles atténue la
distinction interne/externe, précédemment évoquée. Elle rend compatible les deux approches
traditionnelles des relations internationales.

[!] Société ou communauté internationale ?


Dans le langage courant, les expressions communauté, société ou système international sont
employées indifféremment. Peut-on parler de communauté ou doit-on lui préférer l'expression de
société internationale ?
La distinction a été introduite, à la fin du XIXe siècle, par un sociologue allemand, Ferdinand
Tënnies et reprise par Max Weber. Les deux termes se différencient principalement par des liens
d'intérêt, parfois discordants, entre ses membres (société) ou par des liens affectifs et harmonieux
(communauté). La réalité du monde actuel est ambivalente ; il est partagé entre harmonie et riva­
lité, entre anarchie et communauté.
Ainsi évoquer une société internationale, encore dominée par les rapports interétatiques, semble
plus approprié car le concept de village mondial, cher à Marshall Mac Luhan, paraît excessif. Elle
ne dispose pas encore du tissu institutionnel, un gouvernement mondial démocratique, capable
d'imposer la paix par la force du droit. Cela s'avère impossible tant que l'ensemble de la popula­
tion de la Terre ne reconnaîtra pas la nécessité et la légitimité d'un tel gouvernement. La société
internationale forme donc une sorte d'état intermédiaire entre le chacun pour soi (état de
nature) et Je tous pour un (état de communauté).

0
c
ro
:J
l')
Les cara ctères
de la société
in terna tionale
La société internationale se caractérise par son ambivalence entre régulation et
anarchie, ordre et désordre. Elle conserve encore un caractère interétatique mais
possède déjà un caractère transnational. Cette société est parcourue par deux
courants apparemment contradictoires, la mondialisation et la fragmentation.

Elle connaît une mutation accélérée qui met à mal les vérités de la veille et rend aléatoire les prévi­
sions du lendemain. Un aspect significatif de cette transformation réside dans la formation d'une
société civile mondiale transcendant les frontières, composée d'Organisations non gouvernemen­
tales intervenant dans les champs religieux, human itaire, écologique et culturel. Ce phénomène
est facilité et amplifié par l'essor rapide des techniques de l'information et de la communication,
qui soit dit en passant, accentue les inégalités entre pays développés et pays en développement
(PED).

[!] Une société ambivalente : interétatique


ou transnationale ?

Une analyse révèle un trait distinctif de la société i nternationale, sa contradiction . Organisée en


institution, elle est régie par une série de règles encadrant le comportement des États qui ne les
respectent pas toujours.
Comme de nombreux auteurs le constatent, cette société balance entre régulation et anarchie,
ordre et désordre. Mais n'est-ce point là une constante historique d'une société relationnelle qui,
à toutes les époques, a connu parallèlement, non seulement des mécanismes d'ordre et de régu­
lation, mais aussi des forces déstabilisatrices, désireuses de remettre en cause l'ordre établi ? Une
question se pose alors : cette société est-elle interétatique ou transnationale ?
La dialectique de « l'encore » et du « déjà » est à l'œuvre.
0
c
ro
:J
l')
26 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS
d'implémentation des normes comptables internationales si bien qu'il est dorénavant question
de I'IASB et non plus de I'IASC .
Le fonctionnement de la structure peut être représenté dans le schéma simplifié suivant :

lASCF
Fondation

Liaison members IASB {Board) Trustees


Organismes nationaux Organe décisionnel Administrateurs
1 4 membres 1 9 trustees

SAC IFRIC
Comité consultatif Comité d'interprétaion
45 membres

• Processus d'adoption d'une norme

L'élaboration d ' une norme est soumise à une procédure stricte appelée « due process ».
Cel le-ci est basée sur une concertation avec toutes les parties intéressées à travers notamment
les organismes nationaux en liaison avec I 'IASB.

0
c
ro
:J
(.9
-.:t
0
0
N
@
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE 27

Les p rincipales étapes de l 'élaboration ou de la modification d'une norme IAS/IFRS sont les
suivantes:

PROCÉDURE D'ADOPTION D'UNE NORME


Identification du sujet
{).
Etude comparative des pratiques nationales
{).
Consultation du SAC
{).
Constitution d'un Comité Consultatif (appelé « Advisory Group » )
{).
Publication d'un document de discussion pour appel à commentaires
(appelé « discussion paper » ou encore DSOP « draft statement of princip les » )
{).
Publication d'un projet de norme ou de révision de norme
(appelé « exposé- sondage » ou « exposure draft » )
pour commentaires de toutes les organisations membres de I'IASB
{).
Analyse des com menta i res reçus
{).
Approbation de la norme
{).
Publication de la norme définitive

0
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
28 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS

0 L'application des normes IASIIFRS e n Europe

• Règlements européens

La réglementation européenne relative à l'adoption des normes IAS/IFRS est contenue dans les
trois règlements no 1 606/2002, 1 725/2003 et 707/2004.

a) Le règlement no 1 606/2002 d it « IFRS 2005 »

Le règlement C E no 1 606/2002 d u 1 9 juillet 2002 a été établi dans l'objectif de garantir un


haut niveau de transparence et de comparabilité des états financiers.
Il impose l'utilisation des normes comptables internationales dans les comptes consolidés
des sociétés européennes dont les titres sont négociés sur un marché réglementé d'un état
membre de l'Union européenne pour les exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2005.
b) Le règ lement no 1 72 5/2003
Le règlement C E no 1 72 5/2003 du 29 septembre 2003, portant adoption de certaines
normes comptables internationales.
Il contient en annexe dans les langues officielles de l'Union le texte des normes IAS/IFRS en
vigueur à l 'exception des normes lAS 32 et 39 qui n 'ont pas été homologuées (traitant des
i nstruments financiers) et les i nterprétations SIC à l 'exception de celles relatives aux normes
non homologuées (SIC 5, 1 6 et 1 7).
Le cadre contractuel de I ' IASB, qui n 'est pas une norme, ne fait pas partie des textes repris
dans le règlement.
c) Le règ lement no 707/2004
Le règlement C E no 707/2004 du 6 avril 2004 est venu modifié le règlement no 1 725/2003
portant adoption de certaines normes comptables i nternationales.
Ce règlement entéri ne l'adoption (en remplacement de l'i nterprétation SIC no 8) de la norme
IFRS 1 en tant que référentiel comptable utilisé pour une première application des normes
0 comptables internationales.
c
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE 29

• Calendrier d'application

a) Dans l ' U n i o n européenne


Le règlement européen 1 606/2002 a imposé une obligation à tous les Ëtats membres pour
les comptes consolidés des sociétés cotées :

Application des IAS/IFRS obl igatoire au 1 er janvier 2005 :

Comptes consolidés des sociétés ayant des actions cotées.

Néanmoi ns, le règlement offre des options aux Ëtats membres de l'Union européenne.
Option 1 : Liberté d'adoption pour les sociétés non cotées et les comptes sociaux (les Ëtats
membres peuvent autoriser ou obliger ces cas d 'appl ication).

Application des IAS/IFRS en option au 1 •r janvier 2005 :

Comptes consolidés et/ou individuels des sociétés non cotées


Comptes individuels des sociétés cotées

Option 2 : Les Ëtats membres peuvent autoriser certai nes sociétés à reculer l 'échéance au
ter janvier 2007.

Application des IAS/IFRS obl igatoire au 1 er janvier 2007 :

Comptes consolidés des sociétés ayant uniquement des obligations cotées


Comptes consolidés des sociétés cotées sur un marché non européen

0
c
ro
:J
(.9
"<j'
0
0
N
@
30 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS

b ) E n Fra n ce
Le CNC a retenu le calendrier suivant :
Comptes consolidés Comptes individuels
Sociétés APE Application obligatoire

(faisant appel public - si actions cotées : 1/0 1 /2005


à l'épargne) - si obligations cotées : 1/01/2007
Pas d'application des IASIIFRS

Sociétés non cotées Application optionnelle

Néanmoi ns, i l sera difficile de maintenir à terme un double système comptable (IFRS et normes
nationales) pour des raisons :
- de compréhension des utilisateurs des états financiers ;
- de coût et de complexité pour les entreprises.
Les i nstances nationales et internationales travail lent à un horizon court/moyen terme à la
convergence des normes nationales avec les normes de I'IASB. En France, les règlements
actuels du CRC transposent déjà par étape dans la réglementation comptable française le
contenu des normes IAS/IFRS.
• Mécanisme d'adoption des normes : AROEFRA G

a) Le méca n isme d'adoption


Afin de garantir la sécurité j uridique des textes comptables applicables en Europe, l'U nion
européenne a décidé la mise en place d'un mécanisme d'adoption des normes de I'IASB,
organ isme indépendant.
Celui-ci aura pour buts :
- d'assurer l'applicabilité des IAS/IFRS dans l'environnement européen ;
- d'établir un dialogue permanent avec I'IASB et exprimer toute réserve éventuelle de l'U nion
européenne au sujet des futures normes comptab les internationales, dès les premiers stades
de l 'élaboration de celles-ci ;
0
c
- de confirmer la date à partir de laquelle toute nouvelle norme IAS/IFRS sera applicable dans
ro
:J
(.9
l'U nion européenne ;
"<:t
0
0
N
@
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE 31

- de compléter les informations à publier en appl ication d'une norme IAS/IFRS ou de se


prononcer sur la compatibilité de certaines options autorisées dans une norme donnée avec
les directives comptables européennes.
À ce jour, le mécanisme d'adoption communautaire des normes IAS/IFRS se présente ainsi :

MÉCANISME D'ADOPTION DE L' UNION E UROPÉENNE


Avis consultatif par I' EFRAG (niveau technique)

Décision d'approbation par l'ARC (niveau politique)

Décision de la Commission européenne

Traduction dans les langues officielles

Publication au JO de l ' U n ion européenne

L'existence de ce mécanisme donne en principe à l'Union européenne un poids significatif


pour influencer en amont le processus de décision de I'IASB, d'autant que les pays euro­
péens sont actuellement, et de loin, les principaux pays à avoir adoptés le référentiel IFRS.
Ainsi, un refus d'adoption d'une norme par l'U nion européenne pourrait avoir des effets
négatifs sur le processus de I'IASB. Néanmoins, l ' Union européenne ne peut qu'accepter ou
rejeter une norme, et n'a pas la possibilité directe de la modifier.
b) Critères d'approbation des normes en E u rope
Une norme est considérée comme applicable dans l ' Union européenne dès lors qu'elle
remplit certains critères. Les normes IAS/IFRS ne peuvent ainsi être adoptées par l 'ARC que si :
- el les ne sont pas contraires au pri ncipe d'image fidèle énoncé par les 4e et 7e di rectives
européennes ;
- el les répondent à l'intérêt public européen ;
0
c
ro
:J
(.9
-.:t
0
0
N
@
32 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS
- el les satisfont aux critères d 'intelligibilité, de pertinence, de fiabilité et de compara­
bilité exigés de l'information fma ncière nécessaire à la prise de décisions économiques et à
l 'évaluation de la gestion des dirigeants de la société.
Mais, avant tout, la condition fondamentale à son adoption est que son application fournisse
une image fidèle et honnête de la situation financière et des résultats de l'entreprise.
Le référentiel qui s'impose alors aux sociétés européennes comprend les normes et interpré­
tations adoptées par l'Union européenne.
Dans ce sens, quand une norme n'a pas été adoptée, les sociétés visées par cette obligation
ne sont pas tenues, ou dans certains cas non autorisées, à l 'appliquer.
c) Les acteurs : ARC et E FRAG
1) L'Accounting Regulation Committee (ARC)
L'Accounting Regulation Committee, plus connu sous le sigle « ARC » , est le Comité de
Réglementation Comptable Européen (CRCE). Il a été créé dans le cadre du règlement
1 606/2002 .
L'ARC a notam ment pour fonction d'adopter les normes de I'IASB dans le cadre du
mécanisme d'adoption européen. C 'est ce qu'on appel le la procédure « de filtrage ».
L'ARC constitue le niveau politique du mécanisme européen d'adoption des IFRS.
Il assiste la Commission européenne en vue de l'approbation des normes de I 'IASB. À cet
effet, la Commission commun ique régulièrement avec l 'ARC en ce qui concerne le statut des
projets en cours et tous les documents y afférents élaborés par I 'IASB. Ceci afin de coordon­
ner les positions et faciliter les discussions concernant l 'adoption des normes qui pourraient
résulter de ces projets et documents.
L'objet de ce comité est donc :
- réglementaire : il consiste à fournir u n avis sur les propositions de la Commission en vue
d'adopter une ou des normes comptables internationales ;
- et politique : s'agissant d'un comité de représentants des états membres de l ' U n ion
européenne.
Un Comité de contact a été créé auprès de l 'ARC et a pour mission de faciliter une application
0 harmonisée des directives comptables européennes par une concertation régulière portant
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
LA NORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE 33

notamment sur les problèmes concrets de leur application . Tout comme l 'ARC, le Comité est
composé de représentants des États membres et de la Commission.
2) L'European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG)
C réé en 200 1 , l'European Financial Reporting Advisory Group (ou Comité Technique
comptable) est une institution privée qui a un objet technique. L' EFRAG a pour vocation de
donner aux parties prenantes à l'i nformation financière (professions comptables, auditeurs,
banquiers, bourses de valeur, . . . ) de l'Union européenne la possibilité d'agir vis-à-vis de I'IASB :
- en amont des normes, afin que les travaux de I'IASB prennent en compte les points de vue
et les besoins exprimés par les instances des États membres ;
- en aval des normes, par l'analyse rapide des projets de nouvelles normes, et l 'explication de
l 'application des normes et interprétations dans le cadre règlementaire européen.
L' EFRAG est composé :
- d'un Conseil de Surveillance (Supervisory Committee) de 23 membres représentants les
différentes parties prenantes à l ' i nformation financière. Son rôle est de définir le programme
de travail du Comité Technique et de s'assurer que ses trava ux sont conformes à l'intérêt
européen ;
- d 'un Comité Technique (Tech nical Experts Group : TEG) de 1 1 membres nommés par le
Conseil de Survei llance et qui est chargé de préparer les positions tech niques de l ' U n ion
européenne sur les normes.
Placé auprès de la Commission européenne, I' EFRAG agit au niveau européen, et constitue
donc l'appui technique de l'ARC.

0
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
This page intentionally left blank

0
c
ru
::J
l.9
v
0
0
N
@
Les principales
caractéristiques C HAPITRE 3

des normes IAS/IFRS


Les principales caractéristiques du référentiei !FRS sont appréhendées à travers
des principes généraux d'établissement des états financiers. Elles seront présen­
tées en abordant :
- le corpus de normes « IFRS 2005 » à travers les normes applicables et les
points essentiels de l'approche IASB et des normes IASIIFRS , ·

- les principes comptables fondamentaux qui sont inclus dans le cadre concep­
tuel de I'IASB, composé de définitions, de critères de comptabilisation et d'éva­
luation, et qui doit être utilisé pour appliquer le référentiel IFRS de façon appro­
priée.

ITJ Le corpus de normes " IFRS 2005 ,,

• Normes applicables

a) Term i n o logie
Le terme de « référentiei /FRS » représente donc les normes et interprétations adoptées par
I'IASB, c'est-à-dire :
- les normes comptables internationales (dites lAS) existant actuel lement ;
- les (nouvelles) normes internationales d'i nformation financière (IFRS) ;
- et les i nterprétations s'y rapportant : interprétations d u SIC et interprétations de I 'IFRIC ;
- les modifications ultérieures de ces normes et les i nterprétations s'y rapportant ;
- les normes et interprétations s'y rapportant qui seront publiées ou adoptées à l'avenir par
0
I 'IASB.
c
ro Référentiel IFRS = /AS + IFRS + SIC + /FRIC
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
36 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS

b ) Projet « Amélioration des normes »

L' IASB a publié en décembre 2003 le texte définitif relatif à un projet dit « Amélioration des
normes » contenant une version révisée de 1 4 normes (lAS 1 , 2, 8, 1 0, 1 5, 1 6, 1 7, 2 1 , 24,
27, 28, 3 1 , 33 et 40).
L'objectif de ce texte était double :
- réduire ou élimi ner les options afi n d'augmenter la comparabilité,
- incorporer les interprétations SIC (ou les supprimer lorsqu 'elles ne sont plus compatibles
avec les nouvelles normes) dans les textes des normes afi n d'en augmenter la lisibil ité.
L'adoption par le mécanisme européen de ces révisions est en cours de réalisation (à la date
de publication de l'ouvrage). Ces normes révisées entrent en vigueur pour les exercices
ouverts à compter du 1 er janvier 2005.

c) Stable platform
L' IASB a publié en février et mars 2004 :
- quatre nouvelles normes IFRS (IFRS 2 , 3 , 4 et 5) ;
- ainsi que trois normes lAS révisées (lAS 36, 38 et 39 révisée).
Avec la publication de ces textes, la quasi-tota lité des normes qui devront être appl iquées pour
effectuer la transition aux IFRS en 2005 (dite « stable platform ») est désormais connue.
Les premiers adoptants des IAS/IFRS en 2005 connaissent désormais les dispositions qu'ils
devront appliquer pour l 'établissement de leurs premiers états financiers (bilan d'ouverture au
1 er janvier 2004, comparatif 2004 et comptes 2005).
L'ARC doit statuer sur toutes les dernières normes et révisions récentes publiées par I'IASB,
avant le 1 er janvier 2005, afin que l'Europe adopte le référentiel complet, conformément aux
exigences des IAS/IFRS.
Les développements ci-après tiennent compte de l'ensemble de ces modifications.
• Approche de 1'/ASB et des IAS/IFRS : l'essentiel

Les poi nts à retenir pour une approche synthétique du référentiel de I'IASB et des normes
IAS/IFRS sont les suivants (les notions indiquées sont développées dans la suite de l'ouvrage).
0
c
LES PRINCIPALES CARACTËRISTIQUES DES NORMES IAS/IFRS 37

a) Le référentiel de I ' IASB : 6 poi nts à rete n i r

RÉFÉRENTIEL de I'IASB
- Référentiel d ' inspiration anglo-saxonne établi à l 'attention des investisseurs.
- Élaboration du référentiel à partir d'une approche reflétant la réalité de l'activité économique
de l'entreprise par rapport a u marché.
- Traitement des opérations comptables à partir de principes comptables identiques (cadre
conceptuel) et non de règles.
- Déconnexion de tout environnement juridique et fisca l .
- Normalisation globale à l a fois des règles comptables et des éléments d e l ' information
financière (annexe, rapport de gestion, élément d'information, . . . ) .
- Appl ication obligatoire de toutes les normes et de toutes les interprétations.

b) Les normes IAS/IFRS : 6 poi nts à rete n i r

NORMES IAS/IFRS
- Primauté du bilan sur le compte de résultat.
- Introduction du concept de « juste valeur ».
- Mesure de la perte de valeur et de la dépréciation des actifs.
- Prééminence du fond sur la forme.
- Appl ication rétrospective.
- Importance des notes annexes.

0 Les principes comptables fondamentaux : le cadre


conceptuel

• Présentation

Afin de faire p rogresser l'harmonisation des pratiq ues comptables, I'IASB a préconisé de se
g concentrer sur les états financiers préparés afin de donner une information utile aux prises
ro de décisions économiques.
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
38 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS

À cet effet, un cadre de préparation et de présentation des états financiers dit « cadre
conceptuel » a été approuvé et publié initialement par I'IASC en 1 989 puis adopté en 2001
par I'IASB. Il regroupe les principes comptables fondamentaux en abordant les points
suivants :

CONTENU DU CADRE CONCEPTUEL


D'une part :
- la nature et l'objectif des états financiers ;
- les hypothèses de base ;
- les caractéristiques qualitatives qui déterminent l'utilité de l'information contenue dans les états
financiers ;
Et d'autre part :
- la définition, la comptabilisation et l'évaluation des éléments à partir desquels les états finan­
ciers sont construits ;
- les concepts de capital et de maintien du capital.

Le cadre conceptuel représente ainsi le cadre général qui s'applique à l'ensemble des
entreprises, sans exception, produisant des comptes selon le référentiel IFRS et leur
permet de se référer (tout en étudiant les dispositions d'évaluation et de comptabili­
sation spécifiques à une norme) aux concepts de base des éléments traités dans les
états financiers.

a) Nature des états fina nciers


Une entreprise présentant des états financiers est une entreprise pour laquelle il existe des uti­
lisateurs qui s'appuient sur ces états financiers comme source principale d'information
financière sur l'entreprise.
Les états financiers font donc partie du processus d'information financière et la responsabi­
lité de la préparation et de la présentation repose sur la direction de l 'entreprise. L'IASB définit
un jeu complet d'états financiers comme comprenant, normalement :

0
- un bilan ;
c
ro - un compte de résultat ;
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
LES PRINCIPALES CARACTËRISTIQUES DES NORMES IAS/IFRS 39

- un tableau des variations de la situation financière (qui peut être présenté de diverses
façons, par exemple comme un tableau de flux de trésorerie ou un tableau d'emplois
ressources) ;
- des notes annexes et d'autres états et textes explicatifs qui font partie intégrante des états
financiers.
b) Objectifs des états financiers
L'objectif des états financiers est de fournir une information sur la situation financière, la
performance et les variations de la situation financière d' une entreprise, qui soit utile à un
large éventail d'util isateurs pour prendre des décisions économiques.
Comme les investisseurs sont les apporteurs de capitaux à risque de l'entreprise, la fourni­
ture d'états financiers qui répondent à leurs besoins répondra également à la plupart des
besoins des autres utilisateurs susceptibles d'être satisfaits par des états financiers.
Les états financiers préparés dans cet objectif satisferont donc aux besoins communs
d'information de la plupart des uti lisateurs.
L' IASB classe les utilisateurs des états financiers en sept catégories principales : les investis­
seurs actuels et potentiels, les membres du personnel, les prêteurs, les fournisseurs et autres
créanciers, les clients, les États et leurs organismes publics, et le public.

• Éléments du cadre conceptuel

ÉLÉMENTS DU CADRE CONCEPTUEL


<> Hypothèses de base
Comptabilité d'engagement
Continuité d'exploitation
<> Caractéristiques qualitatives des états financiers
Intelligibilité
Pertinence
Fiabilité
Comparabilité
0
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
40 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS
(suite)
r::> Contraintes
Célérité
Rapport coût 1 avantage
Equilibre entre les caractéristiques qualitatives
Présentation fidèle

a) Hypothèses de base de la comptab i l ité de I ' IASB


Afin de répondre à leurs objectifs, les états financiers sont préparés sur la base de la compta­
bilité d'engagement et selon l 'hypothèse qu'une entreprise est en situation de continuité
d 'exploitation et poursuivra ses activités dans un avenir prévisible.
1) Comptabilité d'engagement
Selon cette base, les effets des transactions et autres événements sont comptabilisés quand
ils se produisent (et non pas lorsque intervient le versement ou la réception de trésorerie ou
d 'équivalents de trésorerie) et ils sont enregistrés dans les l ivres comptables et présentés dans
les états financiers des exercices auxquels ils se rattachent.
2) Continuité d'exploitation
Il est supposé que l'entreprise n'a ni l 'intention, ni la nécessité de mettre fin à ses activités,
ni de réduire de façon importante la taille de ses activités. S'il existe une telle intention ou une
telle nécessité, les états financiers peuvent devoir être préparés sur une base différente, et, s'il
en est ainsi, la base utilisée doit être indiquée.
b) Les caractéristiq ues qual itatives des états financiers
Les caractéristiques qualitatives sont les attributs qui rendent utile pour les utilisateurs l'infor­
mation fournie dans les états financiers. Les quatre principales caractéristiques qualitatives sont :
1) L'intelligibilité
L' i nformation fou rnie dans les états financiers doit être compréhensible immédiatement par
les utilisateurs.
2) La pertinence
L' i nformation doit être pertinente, par sa nature et son importance significative, pour les
g besoins de prises de décisions des utilisateurs.
LES PRINCIPALES CARACTËRISTIQUES DES NORMES IAS/IFRS 41

3) La fiabilité
L' i nformation possède la qualité de fiabilité quand elle est exempte d'erreur et de biais
significatifs et que les utilisateurs peuvent lui faire confiance pour présenter une i mage fidèle
de ce qu'elle est censée présenter ou ce qu'on pourrait s'attendre raisonnablement à la voir
présenter.
4) La comparabilité
Les utilisateurs doivent être en mesure de comparer les états financiers d'une entreprise dans
le temps et les états financiers d 'entreprises différentes afin d 'évaluer et d'identifier les
tendances de leurs situations financières et de leurs performances.
c) Les critères de la fiabi l ité
Pour fournir aux utilisateurs des états financiers fiables, I'IASB précise cinq critères selon leur
ordre d'i mportance :
1) L'image fidèle
Pour être fiable, l'i nformation doit avant tout présenter une i mage fidèle des transactions et
autres événements qu'elle vise à présenter ou dont on s'attend raisonnablement à ce qu'elle
les présente.
2) La prééminence de la substance sur la forme
Pour donner une image fidèle des transactions et autres événements, i l est nécessaire qu'ils
soient comptabilisés et présentés conformément à leur substance et à leur réal ité économique
et non pas seulement selon leur forme j u ridique.
3) La neutralité
Pour être fiable, l'i nformation contenue dans les états financiers doit être neutre, c'est-à-dire
sans parti pris. Les états financiers ne sont pas neutres si, par la sélection ou la présentation
de l'information, ils influencent les prises de décisions ou le j ugement afin d'obtenir un
résultat ou une issue prédéterminé.
4) La prudence
La prudence est la prise en compte d'un certain degré de précaution dans l'exercice des j uge­
ments nécessaires pour préparer les estimations dans des conditions d'incertitude, pour faire
0
c
ro
:J
(.9
-.:t
0
0
N
@
42 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS
en sorte que les actifs ou les produits ne soient pas surévalués et que les passifs ou les charges
ne soient pas sous-éva lués.
5) L'exhaustivité
Pour être fiable, l'information contenue dans les états financiers doit être exhaustive, autant
que le permettent le souci de l'importance relative et celui du coût. Une omission peut rendre
l'information fausse ou trompeuse et, en conséquence, non fiable et insuffisamment
pertinente.
d) Les contra i ntes à respecter pour que l ' i nformation soit pertinente et fiable
Au regard des ca ractéristiques qualitatives et des critères de fiabilité, I'IASB énonce les quatre
contraintes suivantes à prendre en compte lors de la publ ication de l'information financière
selon le référentiel IAS/IFRS :
1) La célérité
L' i nformation peut perdre sa pertinence si elle est fournie avec un retard indu. Pour atteindre
l 'équilibre entre pertinence et fiabilité, la considération dominante doit être de satisfa ire au
mieux les besoins des utilisateurs en matière de prise de décisions économiques.
2) Le rapport coût 1 avantage
Le rapport coût 1 avantage est une contrai nte générale pl utôt qu'une caractéristique qualita­
tive qui stipule que les avantages obtenus de l'information doivent être supérieurs au coût
qu'il a fallu consentir pour la prod uire.
3) L'équilibre entre les caractéristiques qualitatives
Le but poursuivi est d 'atteindre un équilibre approprié entre les ca ractéristiques afin de satis­
faire aux objectifs des états financiers, sachant que l'importance relative de chacune d 'elles
est une affai re de j ugement professionnel.
4) La présentation fidèle
Les états financiers sont fréquemment décrits comme donnant une image fidèle ou une
présentation fidèle de la situation financière, de la performance et des variations de la situa­
tion financière d'une entreprise. Bien que le cad re conceptuel ne traite pas directement de ces
concepts, l 'application des principales caractéristiq ues qualitatives et des dispositions norma-
g tives comptables appropriées a normalement pour effet que les états financiers donnent ce
ro
:J
qui généralement s'entend par image fidèle ou présentation fidèle de cette information .
(.9
'<j'
0
0
N
@
LES PRINCIPALES CARACTËRISTIQUES DES NORMES IAS/IFRS 43

• Concepts de base

a) Définitions des é l éments


Les états financiers retracent les effets financiers des transactions et autres événements en les
groupant en grandes catégories. Il s'agit des éléments l iés directement à l 'évaluation :
- de la situation financière dans le bilan (les actifs, les passifs et les capitaux propres) ;
- de la performance dans le compte de résultat (les produits et les charges).
1) Les éléments du bilan
Pour apprécier si un élément satisfait à la définition d'un actif, d'un passif ou des capitaux
propres, il convient de prêter attention à la substance sous-jacente et à la réalité économique,
et non pas seulement à la forme juridique.

Actif � ressource contrôlée par l'entreprise du fait d'événements passés et dont des avantages
économiques futurs sont attendus par l'entreprise.
Passif � obligation actuelle de l'entreprise résultant d'événements passés et dont l'extinction
devrait se traduire pour l'entreprise par une sortie de ressources représentatives d'avantages
économiques.
Capitaux propres � intérêt résiduel dans les actifs de l'entreprise après déduction de tous ses
passifs.

2) Les éléments du compte de résultat


Les éléments directement liés à l 'évaluation du résultat sont les produits et les charges. La
comptabilisation et l'évaluation des produits et d es charges, et par conséquent du résultat,
dépendent en partie des concepts de capital et de maintien du capital util isés par l'entreprise
pour préparer ses états financiers.
Les éléments des produits et des charges sont définis comme suit :

0
c
ro
:J
(.9
'<j'
0
0
N
@
44 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/IFRS

Produits .:::::> accroissements d'avantages économiques au cours de l'exercice, sous forme


d'entrées ou d'accroissements d'actifs, ou de dimi nutions de passifs (résultat : augmentation
des capitaux propres).
Charges .:::::> diminutions d'avantages économiques au cours de l'exercice sous forme de
sorties ou de dimi nutions d'actifs, ou de survenance de passifs (résultat : dimi nution des
capitaux propres).

b) Compta b i l isation des éléments des états fina nciers


La comptabilisation est le processus consistant à incorporer dans le bilan ou dans le compte
de résultat un article qui satisfait à la définition d'un des éléments ci-avant, et aux critères de
comptabilisation suivants :
CRITÈRES DE COMPTABILISATION de I'IASB
Un article qui satisfait à la définition d'un élément doit être comptabilisé si :
- il est probable que tout avantage économique futur qui lui est lié ira à l'entreprise ou en
proviendra ;
- il a un coût ou une valeur qui peut être évalué de façon fiable.

c) Éva l uation des éléments des états fina nciers


L'évaluation est le processus consistant à déterminer les montants monétaires auxquels les
éléments des états financiers vont être comptabilisés et inscrits au bilan et au compte de
résultat. Ceci implique le choix d'une convention appropriée d 'évaluation parmi :
- coût historique : valeur des actifs au moment de leur acquisition comptabilisé pour le
montant de trésorerie ou d'équivalents de trésorerie payé ou la juste valeur de la contrepartie
donnée ;
- coût actuel : montant qu'il faudrait payer aujourd'hui pour le même actif ;
- valeur de réalisation : montant qui pourrait être obtenu actuellement en vendant l'actif
lors d'une sortie volontaire ;
0
c
- valeur actuelle : valeur actuelle des entrées nettes futu res de trésorerie générées dans le
ro
:J
cours normal de l 'activité.
(.9
"<:t
0
0
N
@
LES PRINCIPALES CARACTËRISTIQUES DES NORMES IAS/IFRS 45

d) Concepts de capita l et de ma intien du capita l


Un concept de capital est adopté par la plupart des entreprises pour préparer leurs états finan­
Ciers.
Selon un concept financier de capital, tel que celui de l 'argent investi ou du pouvoir d 'achat
i nvesti, le capital est synonyme d 'actif net ou de capitaux propres de l'entreprise.
Selon un concept physique de capital, tel que la capacité opérationnelle, le capital est
considéré comme la capacité productive de l'entreprise, fondée, par exemple, sur les unités
produites par jour.
Le choix du concept de capital approprié pour une entreprise doit être fondé sur les besoins
des utilisateurs de ses états financiers.
Le concept de maintien du capital s'intéresse pour sa part à la façon dont une entreprise
définit le capital qu'elle cherche à mai ntenir. Il fournit le lien entre les concepts de capital et
de résultat parce qu'il fournit le point de référence pour l'évaluation d u résultat.
Le choix des conventions d 'évaluation et d u concept de maintien de capital détermine le
modèle comptable utilisé pour la préparation des états financiers. Les différents modèles
comptables possèdent différents degrés de pertinence et de fiabil ité et, comme dans d'a utres
domaines, la direction doit chercher un équil ibre entre la pertinence et la fiabilité.

0
c
ro
:J
(.9
"<j'
0
0
N
@
This page intentionally left blank

0
c
ru
::J
l.9
v
0
0
N
@
L es n o rm es
d 'in fo rm a tio n fin a n cière
Chapitre 1 Les normes de présentation d e l ' i nformation financière 49
Chapitre 2 Le péri mètre de reporting 71
Chapitre 3 Les normes sectorielles 89

0
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
This page intentionally left blank

0
c
ru
::J
l.9
v
0
0
N
@
Les normes
de présenta tion de C HAPITRE 1

l'information financière
La présentation de l'information financière (appelée en anglais « Financial
Reporting ») a pris une place prépondérante dans le référentiei /FRS par rapport
aux sujets purement comptables.
L'information financière concerne l'ensemble des états financiers (appelés en
anglais « Financial Statements ») et des opérations qui y sont retracées, que ce
soit dans les comptes individuels ou consolidés.

L'information financière est plus spécifiquement traitée à travers les normes suivantes :
- les normes relatives aux états financiers et regroupant les états financiers proprement dits,
les tableaux de flux de trésorerie, les changements de méthodes comptables et les évène­
ments postérieurs à la date de clôture influençant les états financiers (lAS 1 , 7, 8 et 1 0) ;
- les normes relatives aux informations supplémentaires fourn ies aux util isateurs des états
financiers, à savoir l'i nformation sectorielle, les parties l iées, le résultat par action et l'i nfor­
mation sur les comptes intermédiaires (lAS 1 4, 24, 33 et 34).

0
c
ro
:J
(.9
"<:t
0
0
N
@
50 L'ESSENTIEL DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALES IAS/I FRS

� Les états financiers


li lAS 1 Présentation des états financiers
« »

Les états financiers doivent :


- être présentés au moins une fois par an ;
- et respecter toutes les normes (IAS/IFRS) et interprétations (SIC/IFRIC) pour être qualifiés
de conformes aux normes i nternationales.
La dérogation à une norme ne peut s'effectuer que si son application, dans de rares circons­
tances, serait de nature à fausser l'image fidèle. Et donc d'être en contradiction avec les
objectifs du cadre conceptuel.
La norme lAS 1 ne prescrit aucun format de présentation obligatoire mais fournit sim­
plement une l iste des éléments à indiquer dans les états financiers.

!OBJECTI F
1
L'objectif de la norme lAS 1 est de prescrire une base de présentation générale à tous des
états financiers, afin qu'ils soient comparables ta nt aux états fina nciers de l'entreprise pour
les exercices antérieurs q u 'aux états financiers d'autres entreprises.

CHAMP D'APPLICATION

La norme lAS 1 doit s'appliquer à la présentation de tous les états financiers à usage géné­
ral établis et présentés conformément aux normes comptables i nternationales. Elle
s'applique à toutes les entreprises y compris les banques et les entreprises d 'assurances.

0
c
C HAPITRE 4 - Les facteurs constitutifs des relations internationales 51

et ses conséquences sociales sont prévisibles avec une croissance globale à moins de 3 % en 2009
(négative de 0,3 % dans les pays développés, positive de plus 5 % pour les pays émergents). La
reprise de l 'économie internationale en 201 0 a été variable selon les continents et illustre une
grande d isparité de croissance : plus de 8 % en Asie orientale, 5,7 % en Amérique latine, 2,6 %
aux Ëtats-Unis et 1 ,7 % pour l'Union européenne. Les années 201 1 et 20 1 2 n'échappent pas au
même constat avec la plupart des pays en croissance en Asie, en Afrique et en Amérique latine,
en récession ou en très faible croissance en Europe.
De même l 'émergence sur la scène internationale des fonds souverains a modifié l'architecture
financière traditionnelle. Selon la définition du FMI, un fonds souverain répond à trois critères :
tout d'abord il est contrôlé par un gouvernement ; ensuite il gère des actifs financiers dans une
optique de long terme ; enfin sa stratégie d'investissement vise des objectifs macroéconomiques
précis (garantie des pensions de retraite, diversification de l'économie nationale ou soutien de
secteurs de l'économie fragilisés par des chocs extérieurs). Leurs ressources proviennent de l'accu­
mulation d'excédents de la balance courante, résu ltant de l'exportation de matières premières
(pays du Golfe persique, Russie et Norvège), d'un excédent de l'épargne nationale (Singapour),
voire d'une part des réserves de change (Chine). Ces fonds d'Ëtat servent souvent davantage des
intérêts géopolitiques que financiers ce qui explique la multiplication des mesures de contrôle et
de transparence adoptées par les Ëtats visés et par le Groupe de travail international sur les fonds
souverains, constitué par le FMI, l'OCDE et les Ëtats concernés.

Les dix premiers fonds souverains


(Actifs en mill iards de dollars US, fin octobre 2012)

1 Government Pension Norvège 656,2


Fund Global
2 Abu Dhabi Authority Émirats arabes unis 627

3 SAFE lnvestment C ompany C h ine 567,9


4 SAMA Foreign Holdings Arabie saoudite 532,8

5 C h ina lnvestment C h ine 482


C orporation

6 Kuwait lnvestment Koweït 296


Authority

7 Hong Kong Monetary Hong Kong 293,3


Authority lnvestment
Portfolio
- ---- - - - --- - - - - - -- - - - - - - - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - -
- - -

0
c
ro
:J
l')
52 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

8 Government of Singapore Singapour 247,5


lnvestment Corporation

9 Temasek Holdings Singapour 1 57,5


10 National Welfare Fund Russie 1 44,7

Source : SWF lnstitute et Bloomberg, 2 01 2

• Les facteurs technologique et scientifique


Les découvertes scientifiques et les avancées technologiques ont des effets notables sur les rela­
tions internationales. Certains auteurs comme Marcel Merle considèrent ce facteur déterminant.
Les implications sont multiples, tantôt positives tantôt négatives. Si le progrès a gommé les
distances entre Ëtats g râce à l'invention de moyens de communication instantanée et à l'usage
croissant des nouvelles techniques de l'information, il fait peser sur l'environnement et sur la
santé humaine des risques grandissants.
Il a profondément modifié la perception stratégique du monde par le développement de technolo­
gies militaires sophistiquées et a transformé les pratiques diplomatiques (diplomatie itinérante). En
revanche, il a ouvert de nouveaux champs à la compétition internationale et offre aux pays qui
maîtrisent ces nouvelles technologies un avantage indéniable (exemple d'Internet). Il est donc
responsable d'un accroissement des inégalités de puissance et de développement entre Ëtats.
L'écart croissant constaté entre les budgets, publics ou privés, consacrés par les Ëtats-Unis et les
autres pays à la recherche scientifique s'avère éclairant. Ainsi, dans le domaine de la recherche
biotechnologique, notamment pharmaceutique, les entreprises américaines accaparent 85 % des
investissements mondiaux et occupent une position de quasi monopole. De même l'exploitation
des données électroniques dans un monde numérisé devient un enjeu stratégique déterminant.
La domination de ce secteur donne une puissance essentielle aux Ëtats qui le maîtrisent et qui,
selon les experts, dépassent de loin les secteurs de l'économie marchande. L'appropriation des
données est une priorité absolue des Ëtats-Unis (72 % des 50 premiers sites mondiaux sont améri­
cains). L'Europe accumule un retard considérable et en France Google détient 92 % du marché
national.

• Le facteur militaire
Toute société est travaillée par des tensions. La société internationale n'échappe pas à cet axiome
et les entités qui la composent n'ont pas hésité à recourir à la force armée pour régler leurs diffé­
rends ou pour se protéger d'une menace réelle ou potentielle. La course aux armements est
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 4 - Les facteurs constitutifs des relations internationales 53

intemporelle, générale et multiforme. Elle concerne toutes les régions du monde et tous les types
et systèmes d'armes nucléaires ou conventionnelles.
La militarisation implique la mise en œuvre de moyens humains, matériels, financiers, scientifiques
et commerciaux considérables. La présence, notamment dans les pays du Tiers-Monde, d'arsenaux
militaires disproportionnés aux réalités contemporaines représente un danger patent pour le main­
tien de la paix et la stabilité mondiales.
L'augmentation sensible des dépenses militaires américaines depuis les attentats du 1 1 septembre
2001 (7 1 1 milliards de dollars en 201 1 ) résulte en partie du changement de doctrine stratégique
opéré en septembre 2002 et du coût de l'intervention en Irak. La suprématie militaire sans égale
dont bénéficient aujourd'hui les Ëtats-Unis vise à écarter préventivement toute menace en prove­
nance d 'Ëtats voyous, voire à plus long terme l'émergence d'une puissance militaire qui pourrait
contester leur hégémonie.
En retour, on constate un fort accroissement des budgets militaires chinois ou russe. Selon l'Ins­
titut international de recherche sur la paix de Stockholm, les dépenses militaires mondiales ont
avoisiné les 1 738 milliards de dollars en 201 1 , soit une augmentation réelle de 1 7 % par rapport
à 2009.

[IJ Les facteurs intellectuels


Dans la mesure où la finalité des relations internationales est l' Homme, il devient naturellement un
enjeu. Les différents acteurs vont essayer d'influencer son comportement par le jeu de méca­
nismes psychologiques qui résultent à la fois de facteurs idéologiques, culturels et médiatiques.

• Le facteur idéologique
Les détenteurs d'une parcelle d'autorité véhiculent un message à destination des nationaux et du
monde extérieur, parfois contrebalancé par des contre-idéologies. Qu'elles soient globales ou
confinées aux rapports interétatiques (Marcel Merle), fonctionnelles ou dysfonctionnelles
(P.-F. Gonidec), les idéologies sont à la fois source d 'affirmation et d'occultation.
Ainsi, les influences du nationalisme ou du fait religieux sur la scène internationale, depuis 1 990,
sont difficilement contestables.

• Le facteur médiatique
L'impact des grands médias (télévision et presse écrite) sur les relations internationales est indé­
niable. L'instrument médiatique conditionne souvent les réactions des opinions publiques
0
c
ro
:J
l')
54 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

nationale et internationale. La lutte d'influence à laquelle se livrent les chaînes d'information


continue américaines et arabes dans la couverture des événements en Afghanistan ou en Irak ou
sur d'autres théâtres d'affrontement est significative. La publication de dépêches diplomatiques
américaines par le site WikiLeaks en est une illustration indéniable.
L 'opinion publique internationale est une réalité mouvante dans l'espace et dans le temps qui
peut revêtir des formes d iverses et émaner des Ëtats, de mouvements transnationaux ou d'indi­
vidus de nationalité différente, unis autour d'objectifs communs. Face au système international,
elle exerce une double fonction, régulatrice et déstabilisatrice. Régulatrice en ce sens qu'elle
contribue à l 'interpénétration des sociétés ainsi qu'au développement et à la coopération des
Organisations non gouvernementales. Déstabilisatrice car elle reste, le plus souvent, une opinion
des Ëtats développés, façonnée par leurs médias et légitimant leur action diplomatique. En dépit
de quelques questions consensuelles (réactions à des catastrophes naturelles), cette opinion
publique est plus unilatérale qu'internationale. De même sur le plan juridique, si les États sont
responsables de leurs actes au regard du droit international, les ONG pourtant dotées de capacités
d'influence, sont internationalement irresponsables. L'idée d'une société civile mondiale relative­
ment homogène ne résiste pas à l'analyse. Elle est à l'image du monde hétérogène, fractionnée
et traversée par des intérêts divergents.
La médiatisation de la vie internationale produit des effets variables sur les situations rencontrées :
maintien au pouvoir d'autorités légitimes contestées, internationalisation d'un conflit local (Timor
oriental), renforcement de la solidarité et de l'assistance humanitaire (tremblement de terre en
Turquie ou tsunami en Asie), isolement d'un régi me politique (Irak de Saddam Hussein, Syrie
de Bachar el Assad) ou pressions en faveur d'un respect des droits de l 'homme (Birmanie).

• La diplomatie personnelle des dirigeants politiques


De nombreux exemples illustrent la part prépondérante prise par un gouvernant qui modifie le
cours des relations internationales par son charisme ou son action politique. Les équations person­
nelles du président égyptien Nasser en 1 956 (nationalisation du Canal de Suez), du général
de Gaulle en 1 966 (retrait de la France des structures militaires intégrées de l'OTAN), de l'Aya­
tollah Khomeyni en 1 979 (révolution islamique en Iran) ou de Mikhaïl Gorbatchev à la fin des
années 1 980, ont été déterminantes. Les années 1 990, 2000 et 20 1 0 ne dérogent pas à la règle.

• Le facteur juridique
La production de normes juridiques internationales, écrites ou coutumières, représente un facteur
non négligeable, même si les règles de droit formulées ne reçoivent pas toujours d'application
effective de la part des Ëtats destinataires.
0
c
ro
:J
l.')
Les acteurs et les règles
des relations internationales

C hapitre 5 L' État, protagoniste principal des relations i nternationales 57


C hapitre 6 Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 65
C hapitre 7 Les nouveaux acteurs des relations internationales 77
C hapitre 8 La régulation normative des relations internationales 85

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
L 'Éta t, pro tagoniste
principal des rela tions
in terna tionales
L 'identification des facteurs explicatifs permet de confirmer l'évolution que
connaissent les acteurs des relations internationales.
Pendant des siècles, il n'y a eu qu'un acteur unique, l'État, qui présente encore
l'originalité d'être à la fois le protagoniste principal et l'architecte du système
international en tant que créateur de la règle de droit.

Selon la définition de l' État formulée par la Cour internationale de justice, « les États sont des
entités politiques égales en droit, de structure semblable et relevant toutes du droit international ».
Loin d'être la forme d'organisation politique par excellence qui caractériserait aussi bien les
sociétés tribales et l'Antiquité que les temps modernes, l'État est au contraire un phénomène
historique récent. Sa naissance remonte aux xve et XVIe siècles et correspond à une « réponse histo­
rique à un problème intemporel » , celui du pouvoir. Il constitue une invention occidentale qui a
permis à une partie de l'Europe de quitter l'ère féodale pour entrer dans la modernité politique.

ITJ Une entité en croissance continue


La propagation du modèle étatique se développe en plusieurs étapes : au XIXe siècle en Amérique
latine, au début du xxe siècle en Europe avec l'éclatement des empires austro-hongrois et
ottoman, au milieu du xxe siècle en raison des vagues successives de décolonisation, enfin au
début des années 1 990 avec la désagrégation du bloc communiste et de l'URSS. Cette augmenta­
tion du nombre des États se mesure aux effectifs de l'ONU, 5 1 États membres en 1 945 contre 1 93
aujourd'hui. Cette « prolifération » se poursuivra au XXIe siècle au nom du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes (exemples du Montenegro en 2006, du Sud-Soudan en 201 1 et à terme
du Kosovo) ou sur la base de ce que Pascal Boniface appelle le séparatisme économique.

0
c
ro
:J
l')
58 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

m Les éléments constitutifs


En droit interne comme en droit international, un Ëtat existe chaque fois que sur un territoire déli­
mité par des frontières, une population, identifiée par un certain nombre de caractéristiques
communes, est soumise à une organisation politique souveraine. Aux deux éléments substantiels
(territoire et population) se j uxtapose un élément organique (appareil politique) auquel le droit
international est indifférent puisqu'il n'attache pas d'importance à la nature du régime politique.
Néanmoins il est vrai que la forme démocratique d'un régime est un aspect qui intervient parfois
a priori lors de sa reconnaissance et souvent a posteriori pour accorder ou refuser des aides
financières.

• Le territoire

Portion d'espace sur laquelle I 'Ëtat va exercer sa souveraineté, le territoire, délimité par des fron­
tières terrestres, maritimes et aériennes, constitue l'assise de la puissance étatique.
Les frontières sont les conséquences de l'Histoire, des guerres, de négociations et de traités.
Certaines peuvent prendre une base naturelle comme le relief montagneux, les fleuves ou les
côtes. P. Renouvin a noté l 'influence de cette géographie sur la politique elle-même en soulignant
qu'elle a souvent préservé l'indépendance d'une population.
Si l'ensemble des terres émergées de la planète est partagé entre les Ëtats, il n'en est pas ainsi de
tous les espaces maritimes. La Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1 982, entrée
en vigueur en 1 994, autorise les Ëtats riverains à prolonger leur emprise territoriale sur la portion
de mer immédiatement voisine de leur frontière côtière. Cette extension s'effectue horizontale­
ment (mer territoriale) et verticalement (droits exclusifs et souverains sur les ressources de la zone
économique exclusive et du plateau continental).
La maîtrise du territoire permet d'assurer la cohésion et la protection de la population qui y réside.
Ce dernier facteur est primordial car il concerne l'intégrité territoriale et l'attachement au sol qui
sont des ferments de l'identité nationale et très souvent des éléments de mobilisation patriotique.
Le droit international a défini les principes protecteurs d'inviolabilité et d'intangibilité des
frontières conventionnellement reconnues.
Si un Ëtat ne peut exister sans territoire, il peut survivre à une amputation (annexion) ou à une
division, du moment où ces bouleversements n'impliquent pas la domination d'une puissance
étrangère.
Le principe de territorialité s'applique sans aucune l i m ite inférieure ou supérieure de superficie (des
quelques hectares du Vatican aux millions de kilomètres carrés de la Russie). Dans le périmètre
0
c
ro
:J
l')
CHAPITRE 5 - L'État, protagoniste principal des relations internationales 59

défini par les frontières, existent des espaces où I'Ëtat n'exerce pas son pouvoir ; le droit interna­
tional reconnaît par exemple l'extraterritorialité des ambassades des pays étrangers soumises à
leurs d roits nationaux respectifs.

• La population
L'Ëtat suppose une population définie comme l'ensemble des personnes (nationaux et étrangers)
qui vivent sur un territoire national et sont soumises à l'autorité de I 'Ëtat. Son autorité ne
s'applique pas de la même façon aux nationaux et aux étrangers auxquels le droit international
garantit un certain nombre de protections.
La nationalité est le lien j u ridique qui unit un individu, un groupement (sociétés) ou une chose
(navires ou aéronefs) à un Ëtat donné.
Ce lien personnel ne recouvre pas exactement le fait de vivre sur tel territoire. Ainsi un « national »
d'un Ëtat ne perd pas sa nationalité du seul fait qu'il réside à l'étranger ; à l'inverse le fait de
résider sur le territoire d'un État ne donne pas automatiquement la nationalité de cet État.
L'octroi de la nationalité relève de la compétence exclusive de l'État. Elle s'acquiert soit par la nais­
sance (droit du sol) soit par la filiation (droit du sang). Pour qu'elle soit opposable aux autres Ëtats,
la nationalité doit être effective et réelle (affaire Nottebohm, CIJ 1 955).
L'octroi de la nationalité à des personnes physiques ou morales crée des droits et fait peser des
obligations.
Les nationaux bénéficient du droit d'entrer et de sortir du territoire national ; ils peuvent
demander à leur Ëtat d'exercer la protection diplomatique. De plus tout individu doit bénéficier
d'une nationalité (article 1 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1 948).
Toutefois la double nationalité est envisageable de même que l'apatridie (absence de nationalité).
Les étrangers sont titulaires de divers droits conformément à un principe général de droit interna­
tional (libertés de la personne, impartialité du système judiciaire) et régis par des accords interéta­
tiques bi ou multilatéraux instaurant une réciprocité.
Le lien juridique et personnalisé, précédemment évoqué, a souvent fait assimiler la population
d'un Ëtat à la nation. L'origine de cette affirmation se trouve dans le principe des nationalités,
consacré par la Révolution française.
Le droit qui en découle, celui de toute nation à devenir un Ëtat, a contribué à la formation d'Ëtats
européens accédant à l'indépendance au XIXe siècle et a été appliqué en 1 9 1 9 (Traité de Versailles).
Ce principe des nationalités a un prolongement dans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Ce droit reconnu par la C harte des Nations unies est étroitement lié au mouvement de décoloni­
sation. Réaffirmé en 1 960 par la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux
0
c
ro
:J
l')
60 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

peuples coloniaux (Résolution 1 5 1 4), ce droit a permis de mener à bien le processus de décoloni­
sation et de conduire à l'indépendance de nombreux Ëtats par la voie de l'autodétermination.
Pourtant son utilisation soulève des ambiguïtés et des difficultés.
Au moment de la décolonisation, les nouveaux Ëtats ont accédé à l'indépendance dans le cadre
de frontières établies par le colonisateur.
Or ces frontières étant souvent artificielles, les populations de ces Ëtats ne présentaient pas un
caractère homogène. En effet il arrive que plusieurs groupes à forte identité partagent un territoire
et soient placés sous l 'autorité d'un même Ëtat. Ils ont accepté, ou ont été contraints d'accepter,
une coexistence plus ou moins harmonieuse.
Cette situation favorise les risques de conflits infra ou interétatiques.
Les exemples de conflits entre communautés abondent en Inde, au Sri-Lanka, à C hypre, au
Rwanda et dans les anciens pays du bloc soviétique.
A la source, on retrouve toujours des causes identiques : volonté d'indépendance, antagonisme
ethnique eVou religieux, voire des luttes de pouvoir. Le conflit se ramène fréquemment à une
persécution ou à une répression de ces communautés, en général des minorités, par I ' Ëtat dirigé
par une ethnie ou une confession dominante.
En vue d'assurer leur protection, faute de pouvoir les doter de structures étatiques, le droit inter­
national a développé un statut des minorités nationales (ethniques, religieuses, linguistiques).
La question de la protection des minorités retrouve une actualité avec l'accession à l'indépendance
des anciennes républiques soviétiques et la résurgence d'Ëtats plurinationaux. Elle apparaît de plus
difficilement conciliable avec le principe de souveraineté des Ëtats.

• Une organisation politique souveraine


La troisième condition à l'existence de I'Ëtat est la détention d'une autorité qui lui permette
d'exercer le pouvoir. Cette autorité, servie par une organisation politique, se manifeste par la
détention de la souveraineté.
Sur son territoire, I'Ëtat dispose de la contrainte j uridique et de la contrainte armée, dans le
respect des libertés (monopole de la contrainte légale). Ainsi l'État est à la source et à l'aboutisse­
ment de l'ordre juridique interne. Sur le plan externe, l'idée de souveraineté implique que I'Ëtat
n'est subordonné à aucune autorité qui lui est extérieure. Cependant ce principe d'indépendance
absolue apparaît de plus en plus comme une illusion .
En premier lieu, les relations internationales, théâtre d'une confrontation et d'une recherche
d'équilibre entre les différentes souverainetés étatiques, obligent I'Ëtat à respecter la souveraineté
des autres Ëtats.
0
c
ro
:J
l')
CHAPITRE 5 - L'État, protagoniste principal des relations internationales 61

En second lieu, le développement récent du droit international vient interférer avec la volonté
propre des États. L'adhésion de l'État aux règles d u droit international et sa participation aux
multiples organisations internationales, lui imposent le respect d'un certain nombre de principes
qu'il n'a pas édicté lui-même, bien qu'il ait contribué à leur rédaction.
De plus la logique d'appartenance à une organisation supranationale aboutit inévitablement à une
érosion de la souveraineté des États membres par transfert (pour certains par abandon) de compé­
tences à l'organisation.
Par ailleurs, si en théorie les États naissent souvera ins et égaux en droit et sont donc libres de
choisir leur régime politique, économique et social, la liberté de choix est limitée par l 'apparition
d'un modèle dominant constitué du couple démocratie libérale-économie de marché.
Il faut s'interroger sur l'effectivité de la souveraineté de nombreux États qui semblent être sous
tutelle politique ou économique d'autres États ou d'organisations internationales (plans d'ajuste­
ment structurel du Fonds monétaire international dans certains pays du Tiers-Monde).
Force est de constater que la réalité de la souveraineté d'un État se mesure à l'aune de son
indépendance dans la conduite de sa politique intérieure et extérieure.

CI] La reconnaissance internationale de l'État


Le problème essentiel pour la souveraineté d'un État est sa reconnaissance par la société interna­
tionale. La reconnaissance est la prise en compte d'un fait international et la volonté d'en tirer des
conséquences j u ridiques, autrement dit un constat et une manifestation.
L'acte de reconnaissance est essentiellement déclaratif et relatif car il n'a de valeur qu'à l 'encontre
de son auteur. Il n'a aucun effet sur les autres États. Ainsi, l'admission au sein de l'ONU n'entraîne
pas une reconnaissance automatique de cet État par tous les autres membres de l'organisation
(exemple de l'État d'Israël non reconnu par la plupart des pays arabes).
La reconnaissance peut être de droit ou de fait et sert à stabiliser les relations internationales par
l'établissement de relations diplomatiques.
Toutefois des problèmes de reconnaissance peuvent se poser quand le pouvoir d'un État est
contesté par une fraction plus ou moins importante de sa population ou quand un événement
brutal (révolution ou coup d'état) vient bouleverser son organisation politique.
Afin de surmonter cette difficulté, le droit international établit une distinction entre la reconnais­
sance d'État et la reconnaissance de gouvernement. Deux attitudes sont alors envisageables, privi­
légier l'effectivité ou la légitimité .
0
c
ro
:J
l')
62 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

En pratique, la reconnaissance tend à devenir collective comme le démontre l'attitude de la


Communauté puis de l 'Union européenne à l'égard des nouveaux Ëtats issus de l'implosion de
l ' U RSS ou de l'éclatement de l 'ancienne Yougoslavie.
Elle prend également un caractère conditionnel ; ainsi le droit européen a défini, en 1 99 1 , un
certain nombre de principes que tout nouvel Ëtat accédant à l'indépendance doit respecter pour
bénéficier de la reconnaissance par l'Union européenne. Sont concernés le respect de la démo­
cratie et des droits de l'homme, celui des droits des minorités et des groupes ethniques, le
non-recours à la force et l'inviolabilité des frontières existantes.

Ci] Les regroupements d'États


Une fois reconnu, I'Ëtat entre en relation avec ses homologues au sein de la société internationale
en fonction d'affinités militaires, idéologiques ou économiques.
Les classifications militaire et idéologique ont perdu de leur intérêt dès le début des années 1 990 ;
désormais les typologies économiques sont privilégiées.
Les critères économiques différencient les Ëtats développés des Ëtats en développement,
eux-mêmes subdivisés en pays les moins avancés, pays en transition et nouveaux pays industria­
lisés (clivage Nord-Sud).
La « groupomanie » segmente les Ëtats en G 7, G 8, G 1 0, G 1 5, G 20, G 22, groupe des 77 (en
réalité 1 30) ou G 90. En dehors de ces regroupements, il existe des situations juridiques et diplo­
matiques particulières, créatrices de nouvelles catégories comme les micro-Ëtats ou les Ëtats
neutres.
Aux règles relatives à la création de nouveaux Ëtats et à leur reconnaissance, le droit international
organise les relations entre Ëtats.

m Les relations entre États


Acteur des relations internationales, I'Ëtat ne prend sa véritable signification qu'en entretenant des
relations interétatiques. Il utilise la voie diplomatique, composante majeure des relations interna­
tionales. Comme le souligne la CU dans l'affaire du personnel diplomatique américain en Iran, la
diplomatie s'est avérée « un instrument essentiel de coopération de la communauté internationale
qui permet aux États malgré les différences de leurs systèmes. . . de résoudre leurs différends par
des moyens pacifiques. Les règles relatives à la diplomatie sont essentielles pour la sauvegarde de
la communauté internationale » .
0
c
ro
:J
l.')
CHAPITRE 5 - L'État, protagoniste principal des relations internationales 63

Ces relations diplomatiques sont l'œuvre des dirigeants politiques qui pratiquent une diplomatie
personnelle en raison de l'internationalisation de toutes les activités sociales. Il ne faut pas omettre
le personnel spécialisé, agents diplomatiques et consulaires, dont le statut et les fonctions ont été
codifiés respectivement en 1 96 1 et 1 963 par les Conventions de Vienne afin de concilier les impé­
ratifs de souveraineté aux exigences des relations internationales. La mission diplomatique et les
agents qui y sont rattachés jouissent d'immunités fonctionnelles telles que l'inviolabilité des
locaux et du courrier (mission) ainsi que l 'inviola bilité physique, l'immunité de j u ridiction et
l'exemption fiscale (agents).
Les modalités des relations revêtent deux formes : le conflit ou la coopération. Dans le cadre
d'une action diplomatique, la seconde forme est privilégiée. Cette coopération traduit dans les
faits un accord de volonté entre Ëtats afin d'aboutir, dans une matière précise, à une réalisation
commune.
Elle est l'expression d'un mode de relations amicales et ne connaît pas de limitation dans son
objet. Le phénomène s'inscrit dans la durée et requiert des moyens administratifs et financiers
appropriés. Tributaire des variations de comportements de ses protagonistes, ce phénomène est
éminemment instable. Les tendances actuelles mettent en lumière l'importance des disparités de
développement, un relatif désengagement de I'Ëtat au profit d'opérateurs publics ou privés
et surtout une globalisation de la coopération et un développement des mécanismes
multilatéraux.
Ces relations de coopération sont souvent finalisées dans un document écrit, généralement un
traité, acte j u ridique par lequel deux ou plusieurs sujets de droit international s'accordent pour
produire des effets juridiques.
Instrument destiné à préserver la souveraineté des Ëtats, le traité souffre d'un formalisme et d'une
solennité parfois préjudiciable aux relations internationales. La pratique a donc développé les
accords en forme simplifiée et la technique des réserves qui permet à un Ëtat ayant ratifié un
traité de ne pas se considérer comme lié par une ou plusieurs de ses dispositions.

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
Des acteurs récen ts :
les organisa tions
in tergouvernemen tales
Peu à peu, d'autres intervenants, les organisations internationales intergouverne­
mentales, sont apparus sur la scène, écornant partiellement le monopole étatique,
sans parvenir pourtant à le remettre fondamentalement en cause.

ITJ Définition et ampleur du phénomène


Depuis le XIXe siècle, les Ëtats sont concurrencés par d'autres acteurs, les organisations intergouver­
nementales. Ce phénomène ancien s'est accéléré avec l'internationalisation des sociétés et s'est
diversifié suscitant une multiplication d'organisations régionales.
L'OIG est une association d 'Ëtats constituée par traité, dotée d'une constitution interne et
d'organes communs permanents et possédant une personnalité juridique distincte de celle des
États membres. Elle est donc partagée entre le bon vouloir des Ëtats et l'autonomie à leur égard.

[IJ Les principes de dépendance et d'autonomie


Aucune organisation ne peut être créée sans un acte de volonté de la part des Ëtats. Ce constat
est valable également pour son fonctionnement puisque le budget est alimenté par les contribu­
tions financières des Ëtats membres et que les organes sont formés de représentants désignés
par leurs gouvernements respectifs.
Les Ëtats peuvent toujours bloquer le processus de prise de décision si la règle de l'unanimité est
prévue ou bien si la règle de la majorité est canton née à des décisions n'ayant pas de caractère
obligatoire.
En revanche, l 'autonomie de l 'organisation condu it à la reconnaissance d'un statut j u ridique
distinct et de compétences propres.
0
c
ro
:J
l')
66 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

L'octroi de la personnalité j u ridique inclut la capacité juridique dans les limites des attributions de
l'organisation. Cela signifie que « l'organisation est un sujet de droit international, qu'elle a la
capacité d'être titulaire de droits et de devoirs internationaux et qu'elle a capacité de se prévaloir
de ses droits par voie de réclamation internationale » (CU, avis consultatif du 1 1 avril 1 949 relatif
aux réparations des dommages subis au service des Nations unies).
Le traité constitutif confère à l'organisation des com pétences spécifiques, autrement dit elle obéit
au principe de spécialité.
Pourtant une théorie des « compétences implicites » a été invoquée par la Cour internationale de
justice (CU) en vertu d'une tendance générale à l'élargissement et à l'aménagement des compé­
tences des organisations internationales.
L'OIG adopte des règles juridiques contraignantes (résolutions) ou non contraignantes (recom­
mandations) selon son degré d'intégration et son champ d'intervention. Elle exerce un contrôle
plus ou moins effectif sur les activités des Ëtats membres.

CI] Les types d'organisations intergouvernementales


Différentes classifications sont envisagées par les théoriciens et les praticiens des relations
internationales.
Le classement peut s'opérer à partir d'un critère idéologique (OTAN/Pacte de Varsovie), d'un
critère quantitatif (organisation à vocation universelle ou organisation à vocation régionale), d'un
critère de compétences (organisation à compétence générale ou organisation spécialisée) ou d'un
critère d 'effectivité des décisions (valeur déclarative ou valeur décisoire).
Une autre approche différencie les organisations en fonction de leur but premier : coopération
(ONU) ou intégration (Union européenne).

• L'ONU, organisation de coopération


Créée en 1 945, l'ONU tire les leçons de l'échec de la Société des Nations, organisation non univer­
selle et dépourvue de moyens de contrainte.
Ses promoteurs lui allouent des objectifs ambitieux : la paix et la sécurité internationales. Toutefois
le succès de l'entreprise repose sur la bonne volonté des Ëtats. L'article 2, § 7 de la C harte fixe les
limites à l 'action de l'organisation en délimitant le domaine réservé des Ëtats où toute intervention
est impossible. Cette omniprésence étatique influence les structures de l'ONU que ce soient les
organes intergouvernementaux ou les organes intégrés.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 6 - Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 67

a) Les organes intergouvernementaux


1) L 'Assemblée générale
Tous les Ëtats membres siègent à l'Assemblée générale et participent à la prise de décision selon le
principe « un Ëtat, une voix » .
L'Assemblée se réunit, en session ordinaire, de septembre à décembre (68e session en 201 3) et
éventuellement en session extraordinaire.
Le travail effectif est réalisé en commissions qui préparent les projets de résolution transmis à
l'Assemblée plénière aux fins d'adoption.
Si la technique du consensus n'est pas utilisée, le vote s'effectue à la majorité simple des membres
présents (questions mineures) ou à la majorité qualifiée des 2/3 des membres présents (admission
d'un nouvel Ëtat, élection du Secrétaire général, opérations de maintien de la paix . . . ).
Les décisions internes, notamment budgétaires, lient les Ëtats alors que les décisions à portée
générale n'ont pas force obligatoire.

Les dix États les plus contributeurs au budget général de l'ONU 201 0-20 1 2 (en %)

1 États-Unis 22 %

2 Japon 1 2,53 %

3 Allemagne 8,02 %
4 Royaume-Uni 6,60 %

5 France 6, 1 2 %
6 Italie 4,99 %
7 Canada 3,20 %
8 C h ine 3, 1 9 %

9 Espagne 3, 1 8 %
10 Mexique 2,36 %
Total : 72 , 1 9 % du budget

0
c
ro
:J
(_')
68 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

2) Le Conseil de Sécurité
Organe restreint de quinze membres dont cinq membres permanents, le Conseil de Sécurité est
conçu comme l'organe exécutif des Nations unies. Il travaille sans discontinuer lorsque les circons­
tances l'exigent.
Les décisions de procédure sont prises à la majorité des 9/1 se ; les décisions majeures sont adop­
tées dans les mêmes conditions de majorité, encore faut-il que le vote des cinq membres perma­
nents soit favorable. Le droit de veto, accordé en 1 945 aux vainqueurs de la Seconde Guerre
mondiale, a souvent paralysé l'action de l'ONU. L'imperfection fondamentale de toute construc­
tion j u ridique est manifeste en droit international . Le système du Conseil de sécurité en est une
illustration parfaite puisque cinq membres permanents dotés d'un droit de veto, souvent juges et
parties, peuvent bloquer toute initiative collective (échec en 2003 d'une résolution
américano-britannique autorisant l'usage de la force en Irak ou menace russe d'user de ce droit
sur la question de l'indépendance du Kosovo).
Il est aujourd'hui contesté par de nouvelles puissances qui désirent modifier la composition du
Conseil et réclament une réforme leur accordant un siège permanent au sein du Conseil. Des
projets de réforme proposent son élargissement à 24 voire 25 Ëtats avec de nouveaux membres
permanents ou semi-permanents selon les projets. Le groupe des quatre (Allemagne, Brésil, Inde
et Japon) a pris une initiative en ce sens. Mais pour qu'ils aboutissent, une révision de la Charte
est nécessaire. Or s'agissant d'une décision majeure, elle requiert l'accord unanime des cinq
membres permanents qui ne sont pas pressés de partager leurs privilèges avec d'autres Ëtats.
Il est critiqué également pour des raisons d'équité, notamment pour des différences de traitement
face à des situations similaires mais son impuissance est souvent la conséquence d'un désintérêt
flagrant de la part de ses membres les plus éminents.
Saisi par l'Assemblée générale, le Secrétaire général, un Ëtat membre ou même par un Ëtat
non-membre, le Conseil de Sécurité est chargé du maintien de la paix, conformément aux chapi­
tres VI et VIl de la Charte.

b) Les organes intégrés


1) Le Secrétaire général
En vertu de la C harte, le Secrétaire général, actuellement le Coréen Ban Ki-moon, dirige le Secré­
tariat de l'ONU. Il est nommé sur proposition du Conseil de Sécurité, approuvée par un vote de
l'Assemblée générale. Il remplit des fonctions de représentation et des fonctions politiques et
diplomatiques. Il met en œuvre les décisions de l'ONU et dispose d'un pouvoir d'initiative person­
nelle (ordre du jour, médiation, interprétation de la C harte).
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 6 - Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 69

Son rôle est subordonné à l'état des relations entre les cinq Grands. Si le Conseil est confronté à
une situation de blocage, l'action diplomatique du Secrétaire général sera paradoxalement faci­
litée. En revanche si le Conseil fonctionne normalement, il empiète sur les compétences du Secré­
taire général qui encourt alors les éventuels reproches des États, des organisations et des individus.
Il ne faut pas non plus occulter la personnalité du détenteur de la fonction qui lui donne une
tonalité particulière.
2) La Cour internationale de justice
Organe judiciaire principal des Nations unies, la C U est composée de quinze juges élus conjointe­
ment par l 'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité selon des critères de compétence, de
représentation de tous les courants juridiques et des grandes formes de civilisation ainsi que de
répartition géographique équitable.
Un État dont le litige est examiné par la Cour peut demander la désignation d'un juge ad hoc de
son choix.
La CU remplit une double fonction : contentieuse et consultative.
La fonction contentieuse consiste à rendre des arrêts sur la base du droit international, autre­
ment dit de sanctionner un comportement étatique condamnable.
La Cour ne peut juger les États que s'ils ont accepté sa j u ridiction (clause facultative de compé­
tence obligatoire) ; dans cette éventualité ses décisions ont force obligatoire. En cas de refus d'exé­
cution, elle ne dispose pas d'instruments de contrai nte. Le Conseil de Sécurité est seul habilité à
employer des mesures contraignantes.
La fonction consultative consiste à dire le droit dans une situation j u ridique incertaine sur saisine
des organes intergouvernementaux de l'ONU et des institutions spécialisées.

c) Les institutions spécialisées et les organes subsidiaires


Créées pour certaines d'entre elles antérieurement à la naissance de l'ONU, les institutions spécia­
lisées ont vocation à faciliter la coopération interétatique. Au nombre de 1 7, ces institutions sont
établies par traité et sont autonomes, tout en étant liées par convention bilatérale avec l'ONU.
A titre d'exemple, nous pouvons citer l'UNESCO, la FAO, l'OIT, l'OMS, le FMI et I'OMC.
Quant aux organes subsidiaires (HCR, PNUD et UNIC EF), ils sont institués par l'Assemblée géné­
rale, le Conseil de Sécurité et le Conseil économique et social.
Ainsi le système des Nations unies reste dominé par le principe de souveraineté des États, pilier
traditionnel, aujourd'hui contesté, des relations internationales.
0
c
ro
:J
l')
70 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

• L'Union européenne, organisation d'intégration


Dans le cadre d'une organisation d'intégration, la démarche des fondateurs est différente puis­
qu'ils initient un processus de dépassement de l'État, échelonné dans le temps et dans
l'espace. L'Union européenne (28 Ëtats et près de 5 1 0 millions d'habitants en juillet 201 3) en est
l'illustration éclatante. Dans la mesure où l 'objectif initial vise à l'intégration des Ëtats, les struc­
tures de l'Union s'avèrent plus sophistiquées que celles de l'ONU.
Les différents organes de l'Union assurent une représentation originale des Ëtats (Conseil euro­
péen et Conseil des ministres), de l'intérêt communautaire (Commission), de l'intérêt des peuples
(Parlement européen) et des intérêts économiques et sociaux (Comité économique et social).
Le système européen, à la différence du système onusien, est un système complet doté de fonc­
tions de décision, d'exécution et de contrôle.
Le processus de décision est assuré par le Conseil européen et le Conseil des ministres selon des
modalités de vote variables allant de l'unanimité à la majorité simple en passant par la majorité
qualifiée. La fonction d'exécution incombe conjointement à la Commission et aux Ëtats
membres alors que la fonction de contrôle est exercée par le Parlement (contrôle politique) et
par la Cour européenne de justice (contrôle j u ridictionnel).

a) Les principales institutions communautaires


1) La Commission européenne
Composée actuellement de vingt-sept membres, vingt-huit au 1 er juillet 20 1 3 (un commissaire par
Ëtat), désignés pour cinq ans par les Ëtats membres et approuvés par le Parlement européen, elle
incarne l'intérêt communautaire et se doit d'agir en toute indépendance. Elle remplit trois fonc­
tions principales.
En tant que gardienne des traités, elle veille au respect par les Ëtats membres du droit communau­
taire primaire ou dérivé. Elle peut engager des actions judiciaires devant la Cour de justice, voire
même infliger des sanctions financières à des personnes physiques ou morales ayant violé les
règles communautaires.
Elle dispose d'un très large pouvoir d'initiative normative dans presque tous les domaines de la vie
communautaire ; ces propositions sont ensuite transmises au Conseil des ministres et au Parlement
européen. Elle représente l'Union, vis-à-vis des pays tiers, et négocie les traités internationaux.
Elle gère enfin le budget de l'Union, les crédits étant répartis entre les différentes actions enga­
gées notamment dans le cadre des politiques communes.
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 6 - Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 71

2) Le Conseil de l'Union européenne


Le Conseil de l 'Union européenne, plus communément appelé Conseil des ministres, est l'organe
principal de décision. Il réunit les ministres des Ëtats membres, concernés par un domaine inscrit à
l'ordre du jour. Il dispose à cet égard d'un véritable pouvoir normatif qui s'exprime sous forme de
règlements, de directives ou de décisions. La présidence est assurée à tour de rôle par les Ëtats
membres pendant une période de six mois (l'Irlande à compter du 1 er janvier 20 1 3 puis la Lituanie
à partir du 1 er juillet 201 3).
Le Conseil fixe les objectifs politiques, coordonne les politiques nationales et règle les différends
qui opposent les Ëtats. Les questions litigieuses non résolues sont soumises à l'arbitrage du
Conseil européen qui réunit, deux fois par an, chef d 'Ëtat et chefs de gouvernement. Les traités
ont renforcé l'influence du Parlement européen à travers la procédure de codécision.
3) Le Parlement européen
Ëlu au suffrage universel direct (751 membres) pour un mandat de cinq ans, le Parlement repré­
sente les peuples des Ëtats de l 'Union. La représentation des citoyens de l 'Union ne peut être infé­
rieure à 6 sièges et supérieure à 96 sièges par Ëtat membre. En raison de l'entrée dans l'Union de
la Croatie, les effectifs seront provisoirement de 766 jusqu'aux prochaines élections européennes
en 2 0 1 4 . Après cette échéance, les dispositions du Traité de Lisbonne s'appliqueront de nouveau,
soit 7 5 1 députés, ce qui nécessitera de diminuer le nombre de membres de certains Ëtats. Il assure
un contrôle politique des autres institutions en participant au processus normatif (avis ou pouvoir
d'amendement), en arrêtant le budget de l'Union (q u'il peut rejeter) et en contrôlant le Conseil et
la Commission (qu'il peut censurer contraignant ses membres à démissionner collectivement).
4) La Cour de justice
J u ridiction indépendante, la Cour est composée de vingt-sept juges, vingt-huit en juillet 201 3, un
par Ëtat membre, et de neuf avocats généraux qui assistent les juges en présentant des « conclu­
sions » (exposés du litige et proposition de solution). Ils sont nommés d'un commun accord par les
gouvernements pour un mandat de six ans renouvelable. Les juges sont, pour la plupart, des
universitaires de haut rang qui ont exercé des fonctions dans les systèmes judiciaires nationaux.
Le traité de Rome exige que les membres de la Cour soient des j uristes ou des j urisconsultes (des
spécialistes et praticiens du droit), connus pour leurs qualités d'indépendance.
La Cour juge des recours en manquement, c'est-à-dire de la plainte d'un Ëtat ou de la Commis­
sion contre un pays qui ne respecte pas ses obligations européennes. Elle contrôle la légalité des
actes des institutions (Commission, Conseil des ministres) ; interprète les traités et tous les actes
pris sur leur fondement, à la demande des juges nationaux (questions préjudicielles) ; juge des
actions en réparation pour les dommages causés par les institutions européennes ou leurs agents.
0
c
ro
:J
l.')
72 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Elle est, depuis 1 988, le juge d'appel du Tribunal de première instance des Communautés euro­
péennes, qui statue essentiellement sur les affaires de concurrence et les litiges concernant les
fonctionnaires européens.

b) L'évolution de la construction européenne


1) Une construction par étapes
La construction européenne s'est édifiée historiquement, autour d'un marché commun et de poli­
tiques sectorielles. Le Traité de Maastricht parachève le marché commun par la mise en place
d'une Union économique et monétaire autour d'une monnaie unique et d'un Institut d'émission
centra l.
Des traités ultérieurs, Amsterdam (1 997), Nice (200 1 ) et Lisbonne (2007), ont contribué, de
manière inégale, à l'approfondissement de cette construction .
L'Union européenne élabore des politiques centrées autour de politiques communes (pouvoirs de
l'Union), de politiques d'harmonisation (pouvoirs partagés avec les États) et des politiques de coor­
dination (pouvoirs essentiellement étatiques). Ces pouvoirs se matérialisent par l'adoption d'actes
juridiques originaux : règlements, d i rectives et recommandations communautaires. Ces actes ont
été complétés par une abondante jurisprudence de la Cour de justice dont les arrêts ont l'autorité
absolue de la chose jugée. De nombreuses politiques publiques ont été communautarisées au fil
des traités européens (Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice et Lisbonne) et des domaines nouveaux
relèvent désormais de la compétence des institutions de l ' U n ion européenne. À plus ou moins
long terme, il est probable que l'ensemble des politiques publiques seront inscrites dans un cadre
normatif, défini par des directives communautaires, qui fixent aux États membres une obligation
de résultat.
2) La perspective d'une Union à vingt-huit États membres
Les quinze États membres de l'époque ont approuvé, lors du sommet d'Helsinki en
décembre 1 999, la décision de convoquer une nouvelle conférence intergouvernementale destinée
à réformer les institutions communautaires existantes (composition de la Commission, pondération
des votes, extension du principe du vote à la majorité qualifiée . . . ).
Cette réforme s'avérait nécessaire dans la perspective d'une Union européenne élargie à vingt-sept
États. Officialisée par le Traité de Nice, elle demeure néanmoins insuffisante, malgré quelques
acquis durement négociés. La Commission européenne, organe exécutif de l'Union, est actuelle­
ment composée d'un collège de vingt-sept membres, dont son président (actuellement José
Manuel Barroso).
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 6 - Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 73

L'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l ' Espagne ont accepté de perdre leur second
comm1ssa1re.
Un système de repondération est à la base du fonctionnement du Conseil des ministres de
l'Union, organe décisionnel primordial, pour les votes à la majorité qualifiée. L'élargissement
supposait une repondération des voix qui tiennent mieux compte du poids démographique de
chaque pays (de trois à vingt-neuf voix). La parité des voix entre les quatre grands est maintenue
(vingt-neuf voix) mais l'Allemagne obtient un « filet démographique » , selon lequel les votes au
Conseil des ministres devraient, pour être validés, représenter 62 % de la population européenne
(1 7 % pour la seule Allemagne). Les petits pays ont obtenu qu'une décision ne puisse être prise
sans l'accord de quatorze États sur vingt-sept. Le système, adopté à Nice, est donc particulière­
ment complexe puisque trois seuils sont désormais prévus lors de la prise de décision : majorité
des États, majorité qualifiée en voix et filet démographique de 62 % .
Pour éviter l a paralysie des institutions communautaires après l'élargissement, les votes à l'unani­
mité devaient devenir l'exception. L'objectif initial était d'étendre à une cinquantaine de domaines
le vote à la majorité qualifiée. Le compromis final reste en deçà des espérances, la plupart des
pays ont réussi à préserver leur droit de veto sur les sujets les plus sensibles Uustice, fiscalité, immi­
gration et défense).
Le Traité de Nice facilite le déclenchement d'une coopération renforcée, qui permet à un nombre
limité de pays (huit) d'avancer plus vite que d'autres dans certains domaines.
Une convention a élaboré en 2003 un nouveau traité instituant une constitution pour l'Europe.
Signé en juin 2004, ce traité, fruit d'un compromis, apportait des changements sur plusieurs
points : un président du Conseil élu pour deux ans et demi un ministre des Affaires étrangères et
un président de la Commission élu par le Parlement européen ; une délimitation plus précise des
compétences entre l'Union et les États membres, conforme au principe de subsidiarité ; l'incorpo­
ration de la charte des droits fondamentaux adoptée en 2000 ; la simplification des traités ; un
accroissement du rôle des Parlements nationaux dans l 'architecture européenne et l 'amélioration
de la légitimité démocratique et de la transparence de l'Union et de ses institutions, afin de les
rapprocher des citoyens des États membres. Il facilitait la création d'un espace judiciaire européen,
l'approfondissement de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC).
Comme tout traité international, il devait être ratifié par voies référendaire ou parlementaire par
les vingt-cinq États membres (la Bulgarie et la Roumanie n'ont rejoint l'Union qu'en 2007) et
entrerait en vigueur en novembre 2009.
La construction européenne serait rentrée alors dans une nouvelle phase.
Le double vote négatif des peuples français et néerlandais a conduit le Conseil européen réuni à
Luxembourg en juin 2005 à autoriser les États qui le désiraient à geler le processus de ratification.
0
c
ro
:J
l')
74 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Il est presque certain que ce texte ne pourra être mis en œuvre en l'état.
Après deux ans de statu quo, le Conseil européen des 2 1 , 22 et 23 juin 2007 a débloqué, après
de longues tractations, la situation de paralysie dans laquelle l ' U n ion se trouvait. Le Traité modifi­
catif, adopté par les 27 chefs d'État et de gouvernements (Traité sur le fonctionnement de
l'Union), amende les traités existants mais ne les remplace pas. On conserve donc la multiplicité
des traités alors que le défunt projet de constitution constituait un texte unique. Le Conseil euro­
péen de juin 2007 avait fixé le calendrier : la présidence portugaise a convoqué en juillet 2007 la
Conférence intergouvernementale chargée de rédiger le nouveau traité au plus tard fin 2007. Il
devait ensuite être ratifié par les 27 États membres pour pouvoir entrer en vigueur comme prévu
à la mi-juin 2009.
Le non irlandais lors du référendum organisé au printemps 2008 a entraîné une entrée en vigueur
plus tardive que prévue. Il a fallu attendre que les électeurs irlandais aient à se prononcer une
seconde fois au dernier trimestre 2009. L'unanimité des 27 États membres constituant un impé­
ratif j u ridique, un résultat négatif aurait définitivement compromis les chances d'application du
Traité de Lisbonne dans sa rédaction actuelle.
Le texte est finalement entré en vigueur le 1 er décembre 2009 et ne contient plus de dispositions
symboliques (références au drapeau, à l'hymne, à la devise et à la monnaie de l'Union). Le terme
de constitution disparaît, de même que la partie Ill d u traité constitutionnel fixant les politiques et
le fonctionnement de l'Union. La C harte des droits fondamentaux, qui formait la partie Il de la
Constitution, n'est plus reprise dans son intégralité et fait l'objet d'une référence qui lui donne
malgré tout une force j u ridique contraignante, à l'exception du Royaume-Uni, de la Pologne et
de la République tchèque exemptés de son application. La personnalité j u ridique de l'Union est
maintenue avec la fusion des trois piliers : politiques communautaires ( 1 er pilier), politique étran­
gère et de sécurité commune (2e pilier) et la coopération judiciaire et policière (3e pilier).
La délimitation des compétences entre l'Union et les États membres est conservée : l'Union doua­
nière, le commerce, la concurrence et la politique monétaire demeurent des compétences exclu­
sives de l'Union. La politique sociale, le marché intérieur, l'énergie et la recherche restent des
compétences partagées avec les États.
Les principales innovations institutionnelles, introduites dans la partie 1 de la Constitution, sont
préservées : à partir de 2009, un président de l'Un ion pour une période stable de deux ans et
demi, élu par ses pairs, au lieu de l'actuelle rotation semestrielle (actuellement Herman Von
Rompuy) ; la composition réduite de la Commission européenne dès 2 0 1 4 (2/3 de sa composition
actuelle et rotation égalitaire) et la fonction de Haut représentant pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité (terme qui remplace celui de ministre des Affaires étrangères) élu pour un
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 6 - Des acteurs récents : les organisations intergouvernementales 75

mandat de cinq ans et doté des mêmes pouvoirs que dans le projet de Constitution (actuellement
Catherine Ashton).
Le champ des décisions à la majorité qualifiée est étendu à 40 nouveaux domaines, notamment
en matière de coopération judiciaire sur le plan pénal et de coopération policière. Cette réforme
se traduit par une augmentation des pouvoirs du Parlement européen, colégislateurs dans ces
domaines avec le Conseil des ministres. Le Royaume-Uni et l'Irlande ont obtenu de ne pouvoir
appliquer les décisions prises dans ces domaines que lorsqu'ils y sont intéressés. Elle s'accom­
pagne, à la demande du Royaume-Uni, de la création d'un mécanisme destiné à faciliter les
coopérations renforcées entre les États désireux d'aller de l'avant. En ce qui concerne le calcul de
la majorité qualifiée, le traité reprend le système de votes de la Constitution qui prévoyait qu'une
décision serait adoptée si elle obtenait le soutien de 55 % des États membres représentant 65 %
de la population de l'Union.
Cependant pour obtenir le soutien de la Pologne, plusieurs concessions ont été consenties : son
entrée en vigueur est reportée en 201 4, et, jusqu'en 2 0 1 7 , un État membre pourra demander à
ce que s'applique le système de votes du Traité de Nice, précédemment évoqué. De plus un méca­
nisme permettra à un groupe d'États qui approche la minorité de blocage d'obtenir une poursuite
de la négociation en vue d'une solution. L'unanimité demeure néanmoins la règle pour la poli­
tique étrangère, la fiscalité, la politique sociale, les ressources de l'Union ou la révision des traités.
Le rôle des Parlements nationaux est renforcé : ils disposeront de huit semaines (au lieu de six)
pour examiner un texte communautaire et, à la demande des Pays-Bas, la Commission euro­
péenne devra justifier une décision, la revoir ou la retirer, si elle est contestée à la majorité simple
des voix attribuées aux Parlements nationaux. Si la Commission ne les suit pas, ils pourront
demander aux États membres de bloquer le processus de décision.
Le droit d'initiative citoyenne, qui permettra à un m i l l ion de citoyens d'inviter la Commission à
soumettre une proposition figure dans le projet de traité modificatif. Quelques dispositions
inédites ont été introduites dans le texte : d'une part, un protocole sur les services publics souligne
l'importance des services d'intérêt général ainsi que la grande marge de manœuvre des autorités
nationales, régionales et locales ; d'autre part est insérée une référence à la solidarité énergétique
en cas de problème d'approvisionnement.
Suite à la crise de l'euro, des initiatives majeures ont été prises : un mécanisme de sauvetage a été
mis en place pour assister les pays de la zone euro (1 7 depuis l'entrée de l'Estonie au 1 er janvier
201 1 ) en difficulté financière. En premier lieu, un Fonds européen de stabilité financière (FESF),
doté de 440 milliards d'euros, peut aider un État en empruntant sur les marchés à un taux compé­
titif grâce aux garanties apportées par les États de la zone euro. Il est activé à l'unanimité des États
participants. En second lieu, un mécanisme européen d'assistance financière, doté de 60 milliards
0
c
ro
:J
l')
76 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

d'euros, est financé par des emprunts réalisés par la Commission sur les marchés, garantis par le
budget communautaire. Il est activé à la majorité qualifiée des Vingt-Sept.
Réunis à Luxembourg le 8 octobre 201 2, les ministres des Finances des 1 7 États membres de la
zone euro ont signé l 'acte de naissance du Mécanisme européen de stabilité (MES), traité annexé
au traité sur l'Union européenne. Cet instrument financier est doté de 500 milliards d'euros de
capacité d'emprunt, dont une large part assumée par l'Allemagne en vertu de son statut de
première économie de la zone euro. Il constitue une étape historique dans la construction de
l'Union monétaire, la zone euro est désormais pourvue d'un pare-feu permanent et efficace.
Le mécanisme prendra à terme la relève du Fonds de secours actuel, le FESF. Les deux instruments
vont cohabiter jusqu'en juillet 201 3, ce qui permettra un temps de cumuler leur capacité de prêts
de 700 millions d'euros. Le MES peut apporter, pour les États qui ont ratifié le traité, son aide
financière de quatre façons différentes : renflouer un État qui ne peut pas se financer sur les
marchés ; racheter de la dette d'État sur le marché primaire et secondaire ; recapitaliser les
banques via un prêt au gouvernement ; accorder une ligne de crédit souple, qui garantisse tout
ou partie de ses émissions sur les marchés. La création d'un mécanisme commun de supervision
bancaire, première étape d'une future Union bancaire européenne, complète le dispositif et facili­
tera dès mars 2 0 1 4 la résolution des crises bancaires sous le contrôle de la Banque centrale
européenne.
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), plus connu sous le nom de
pacte budgétaire européen, largement impulsé par l 'Allemagne et qui engage 25 des 27 pays de
l'Union européenne à plus de discipline budgétaire, avec des sanctions à la clé si les objectifs ne
sont pas atteints, est entré en vigueur le 1 er janvier 2 0 1 3 . La Cour de justice européenne pourra
infliger une amende allant jusqu'à 0 , 1 % du PIB en cas de non-transposition du texte dans le
droit national. En cas de déficit budgétaire trop important, le Conseil européen pourra infliger
une sanction financière allant de 0,2 à 0,5 % du PIB. Mais avant cette étape, la Commission
européenne adressera des avertissements aux pays en question . Ce traité remplace le pacte de
stabilité et de croissance, adopté en 1 997 et devenu obsolète.

0
c
ro
:J
l.')
Les nouvea ux acteurs
des rela tions
in terna tionales
Si les organisations internationales gouvernementales restent assujetties à la
volonté des États, de nouveaux acteurs sont apparus et ont vocation à modifier
l'ordre interétatique en favorisant l'émergence de concurrents et en offrant un
complément ou une alternative au modèle interétatique existant.

De nouveaux intervenants interférents dans les relations Ëtats-Organisations internationales. Ils


obéissent à des logiques propres de complémentarité ou de concurrence. Cette mutation entraîne
l'apparition d'un monde transnational diversifié, composé d'organisations non gouvernementales,
de sociétés multinationales et d'individus jusqu'alors écartés de la scène internationale. A la diffé­
rence des Ëtats et des OIG qui sont acteurs et sujets de droit international, les nouveaux protago­
nistes sont uniquement des acteurs.

[!] Les organisations non gouvernementales


• Définition et ampleur du phénomène
Malgré une dénomination générique souvent contestée, l'expression ONG a le mérite de l'effecti­
vité puisque l'article 7 1 de la Charte de l 'ONU s'y réfère expressément.
Si les définitions de I'ONG varient selon les auteurs, un consensus se dégage autour de ses carac­
téristiques principales.
L'ONG est une association de personnes physiques ou morales privées, de différentes nationalités,
internationale par sa structure, ses fonctions et son action, dépourvue de tout but lucratif. Elle
relève du droit national de I'Ëtat où elle a établi son siège.
Le phénomène s'est amplifié au cours du xxe siècle et atteint des proportions inégalées. On
dénombre environ 38 000 ONG selon l'Union des associations internationales réparties sur
0
c
ro
:J
l')
78 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

l'ensemble des continents, même si la localisation européenne demeure dominante. Ces ONG
interviennent dans des domaines très variés (plus d'une centaine) que Josepha Laroche a judicieu­
sement regroupés en quatre grandes catégories : les organisations corporatives, axées sur la
défense des intérêts de leurs membres au sein d'Institutions spécialisées comme la FAO, l'OMS
ou le Bureau international du travail (BIT), les organisations techniques telles que la Commission
Internationale de Protection radiologique, les organisations sociales et humanitaires comme
Amnesty International, le Comité international de la Croix Rouge (CIC R), Médecins sans frontières
(prix Nobel de la Paix 1 999), Médecins du Monde ou Greenpeace et enfin les organisations
savantes comme l'Institut de Droit International, la Fondation Carnegie ou le Mouvement
Pugwash.

• Statut et fonctions
Les ONG les plus représentatives bénéficient d'une certaine reconnaissance de la part des organi­
sations intergouvernementales qui leur accordent, dans leurs domaines d'activités, un statut
consultatif (plus de 2 000 à l'ONU).
Elles sont toutes habilitées à recevoir des informations des organisations intergouvernementales et
même pour certaines d'entre elles à être automatiquement consultées, voire à proposer l'inscrip­
tion à l 'ordre du jour des débats de leurs propositions. De plus, les ONG organisent, avec le
soutien des OIG, des réunions en marge des grandes conférences internationales des Nations
unies consacrées aux problèmes de société (environnement, démographie, développement social,
criminalité transnationale ou situation des femmes). La tenue, depuis 200 1 , d'un Forum social
mondial a permis à des groupes jusque-là exclus des affaires internationales de s'exprimer et de
défendre l'idée d'une autre mondialisation. Le mouvement altermondialiste, lui-même divisé, n'a
pu élaborer un projet alternatif global mais peut jouer un rôle précurseur dans des cadres plus
sectoriels.
Elles sont donc associées au processus normatif ; parfois elles participent de façon implicite ou
explicite à l'élaboration et à l'adoption de la règle de droit (exemple du CICR en matière de droit
humanitaire).
Le travail des ONG ne s'arrête pas au stade de l'adoption des règles ; elles surveillent l'application
effective par les États de leurs obligations conventionnelles.
Aiguillon ou promoteur de nouvelles normes de droit international, les ONG humanitaires, théori­
quement indépendantes des États, deviennent de plus en plus dépendantes de financements
publics (en moyenne 60 %). Cette prolifération n'est pas toujours synonyme de transparence et
d'indépendance car il existe aussi des ONG créées par des gouvernements pour défendre leurs
intérêts et d'autres dont le sérieux, la compétence et le but non-lucratif laissent à désirer. Les
0
c
ro
:J
l.')
CHAPITRE 7 - Les nouveaux acteurs des relations internationales 79

plus sérieuses jouent la complémentarité avec les États et les entreprises. Un examen attentif
montre que leurs actions ont renforcé l'interventionnisme étatique dans les relations
internationales.
L'influence des ONG est appréciée différemment par les auteurs, certains leur attribuent « un rôle
considérable dans la politique internationale » (J. Laroche), d'autres « un rôle diffus et modeste »
(D. Collard), confirmant, en réalité, la dialectique de l 'encore interétatique et du déjà transnational.

[IJ Les Sociétés transnationales ou firmes multinationales


• Définition et ampleur du phénomène
Le débat se situe ici au niveau de l'entreprise, organisme qui agit en fonction d'intérêts économi­
ques propres. Le terme de sociétés transnationales est désormais usité par de nombreux analystes
car il illustre bien l'autonomie de ces sociétés à l'égard des systèmes économiques nationaux.
La définition des STN soulève de nombreuses difficultés, néanmoins quelques traits communs
méritent citation. En tant que société, une STN a un rattachement national (siège social), exerce
ses activités de production ou de distribution dans plusieurs pays par le biais de filiales et dispose
d'une direction centrale qui définit la stratégie de gestion de l'ensemble maison mère/filiales. Le
Conseil des droits économiques, sociaux et culturels a adopté une définition en 2003 selon
laquelle une STN est une entité économique ou un ensemble d'entités économiques
opérant dans plus d'un pays quelle que soit leur forme juridique, que ce soit dans le pays
du siège ou le pays d'activité et ce que les entités en question soient considérées indivi­
duellement ou collectivement.
La recherche du profit et de la rentabilité caractérise les STN et conditionne leur implantation
géographique, indépendamment des États. On en dénombre environ 82 000 dans le monde,
s'appuyant sur plus de 8 1 0 000 filiales étrangères et employant près de 80 millions de salariés.
Elles représentent près de 40 % des exportations mondiales et à elles seules, en 201 1 , les filiales
étrangères ont réalisé un chiffre d'affaires de 28 000 milliards de dollars (Rapport 201 2 de la
CNUCED sur l'investissement dans le monde).
Certaines grandes multinationales (pétrolières, a utomobiles, informatiques) ont un chiffre
d'affaires supérieur à la plupart des PNB des États. Ainsi le chiffre d'affaires des 200 plus grandes
STN est supérieur au PNB de 1 80 États.
Le débat sur la nationalité réelle des sociétés transnationales est, pour certains analystes, dépassé
et la volonté d'élaborer une réglementation globale semble illusoire. Les tentatives d'encadrement
de l'OCDE, de l'OIT et de l'ONU (Code de conduite de 1 984), même partielles, n'ont pas en effet
0
c
ro
:J
l')
80 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

connu un franc succès. Pour d'autres experts, notamment ceux de l'ancien Commissariat général
au Plan français (Rapport d'octobre 1 999 sur La nouvelle nationalité de l'entreprise dans la
mondialisation), la nationalité d'une entreprise s'exprime de cinq manières : la finance, le territoire,
la matière grise, la culture et les relations avec les institutions de I'Ëtat. À chacun de ces niveaux,
une communauté nationale peut conserver une marge de manœuvre sur son destin économique.
La principale conclusion du rapport conduit à dénoncer le mythe de l'entreprise globalisée sans
référence à un territoire.

• Les stratégies des Sociétés transnationales


Les STN, apparues initialement en Europe puis aux Ëtats-Unis et au Japon, s'internationalisent en
s'implantant dans des pays récemment convertis à l'économie de marché. Même si le monde des
STN reste dominé, en 201 2, par les entreprises de la Triade (78 des 1 00 premières STN), il faut
constater avec intérêt l'émergence de 22 STN originaires des PED, notamment des BRIC (Brésil,
Russie, Inde et C hine). En 201 1 , les flux des IDE en provenance des PED représentaient 23 % du
flux mondial (384 milliards de dollars). Cette internationalisation se manifeste par des rachats, des
fusions ou des prises de participation qui leur permettent de mieux contrôler les processus de
production, de recherche et de commercialisation.
Toutefois, il est intéressant de noter, depuis une quinzaine d'années, une évolution dans la stra­
tégie des STN. En effet, elles ne fournissent plus la totalité des apports en capitaux ou en techno­
logie et se bornent à fédérer les potentialités de divers intervenants locaux. Cette rationalisation
des choix permet de limiter les investissements propres et de mettre en concurrence des Ëtats
enclins à multiplier les avantages pour obtenir, par exemple, une implantation industrielle ou un
contrat. Cette tendance à une externalisation plus poussée se manifeste par l'importance accrue
accordée aux réseaux de relations tissés par les STN avec leurs clients, leurs fournisseurs et leurs
partenaires.

• Les relations entre les Sociétés transnationales et les pays


en développement
Les rapports entre les STN et les Ëtats, principalement en développement, représentent un
problème central des relations internationales.
Il a été traité historiquement de deux manières. Dans un premier temps (jusqu'au milieu des
années 1 980), la STN a été perçue comme un danger par I'Ëtat d'accueil . L'investissement direct
étranger (IDE) était strictement réglementé afin de contenir l'influence de la firme sur le territoire
national. Dans un second temps (à partir des années 1 990), les Ëtats ont favorisé les I D E par la
libéralisation de leurs codes d'investissements et l 'octroi de nombreuses facilités aux
0
c
ro
:J
l')
CHAPITRE 7 - Les nouveaux acteurs des relations internationales 81

STN. Soixante et onze pays ont ainsi assoupli leurs législations pour séduire les firmes
multinationales.
Depuis la crise de 2008, ce double objectif est concomitant : libéraliser et promouvoir l'investisse­
ment étranger tout en le réglementant davantage. Le rapport 201 2, précité, de la Conférence des
Nations unies pour le commerce et le développement (C NUCED) sur les investissements internatio­
naux affirme que durant la période 2000-20 1 1 , 78 % des modifications des textes régissant les
investissements étrangers introduisent un environnement plus favorable et 22 % un environne­
ment plus strict. Ces changements ont entraîné un afflux d'investissements dans certains PED,
passés d'une moyenne de 20 milliards de dollars par an entre 1 983 et 1 988 à 684 milliards de
dollars en 201 1 , soit près de la moitié des flux mondiaux des I D E .
Cette libéralisation s'est également accompagnée de la signature d e multiples accords internatio­
naux d'investissements (3 1 64 au 1 er janvier 20 1 2 dont 2 833 accords bilatéraux). Ils ne régissent
plus uniquement les relations des pays développés avec les PED mais celles entre les PED
eux-mêmes ainsi qu'entre ces derniers et les pays en transition. Ces accords sont de plus en plus
détaillés, complexes et illustrent une interaction croissante entre les investissements et d'autres
préoccupations financières et environnementales. En 200 1 , cinq sociétés issues de pays émergents
asiatiques ont fait leur apparition dans le classement des cent plus grosses firmes transnationales
et ce chiffre est en régulière augmentation (en 2008, 77 des 1 00 premières STN des PED avaient
leur siège en Asie).
Amplifiés par le phénomène de déterritorialisation de l'activité économique et de la dérégulation
des marchés boursiers, les échanges des STN représentent, en 2008, plus d'un tiers des échanges
mondiaux. Il est vrai que les dix premiers pays en développement bénéficiaires d'investissements
directs étrangers accueillent 65 % du total des flux. En 201 0, 33 % des fusions-acquisitions ont
été réalisés par des entreprises de pays émergents ( 1 4 % en 2005).
Dans un intérêt mutuel bien compris, les États-Unis, la Grande-Bretagne et plusieurs sociétés trans­
nationales pétrolières et minières anglo-saxonnes ont signé en décembre 2000 avec des ONG un
code de bonne conduite en matière de droits de l'homme par lequel ils s'engagent à ne pas
encourager ou soutenir des violences contre les populations locales afin de protéger leurs investis­
sements. En 1 997, le Programme des Nations unies pour l'environnement a mis en place avec des
STN et des ONG américaines la Global Reporting Initiative (GRI) identifiant des critères de compor­
tement socialement responsables, de plus en plus exigeants et détaillés. La moitié des entreprises
cotées au Dow Jones et au CAC 40 suivent ces recommandations. Le rapport 20 1 0 affirme que
« les STN, avec leurs compétences, leurs technologies de pointe et leur champ d'application plané­
taire, sont nécessairement des acteurs de premier plan dans les efforts mondiaux pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre et passer à une économie à faible intensité de carbone » .
0
c
ro
:J
l')
82 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

De même plus de 1 0 000 entreprises et organismes adhèrent en janvier 201 3 au Global Compact
(Pacte Mondial) initié en 1 999 par Kofi Annan (respect de dix principes environnementaux, civi­
ques, sociaux et de lutte contre la corruption). Toutefois le caractère général des « normes »
proposées et l 'absence de mécanisme de contrôle et de sanction éventuelle ne permettent pas
un réel suivi de leur application. Une nouvelle initiative pourrait aboutir à la promulgation d'un
ensemble de « normes ONU » plus universelles et plus contraignantes que celles du Global
Compact. Elle ne pourra aboutir qu'avec le concours actif des entreprises et des ONG.
En réalité les deux acteurs, Ëtats et STN sont, dans le contexte actuel, liés par une solidarité et une
complémentarité évidentes. La réussite des uns conditionne celle des autres. Cette interdépen­
dance, lorsqu'elle joue, est manifeste : si I'Ëtat a besoin de l 'entreprise transnationale pour affermir
son développement, préserver l'emploi et assurer le bien-être de sa population, la firme est tribu­
taire de I'Ëtat pour assurer la sécurité et le maintien de l'ordre, indispensables au succès de
l'entreprise.
Cependant la compétition internationale que l'Amérique du Nord, l'Europe et le Japon se livrent,
s'effectue en partie par l'entremise des STN, « véritables moteurs du système de production
mondiale intégré » .
Cette concentration et cette course à l a « taille critique » sont l a conséquence d u phénomène de
mondialisation et suscite toujours interrogations et inquiétudes. La mondialisation induit, nous
l'avons vu, une logique d'affrontement mais aussi une logique de coopération.

[IJ Les individus


Le professeur René-Jean Dupuy affirmait en 1 972, dans son « Que sais-je ? » sur le Droit interna­
tional, que « l'homme, personne privée, est en exil dans la société des États. Le dialogue entre
l'homme et l'État s'est déroulé à l'intérieur des mêmes frontières : la démocratie a été instituée à
la mesure de l'État. C'est à lui que l'homme a confié sa conservation, et sa participation à la vie
internationale n 'a été que médiate » .
Cette conception classique des relations internationales doit être relativisée par l'insertion
sous-jacente de l'individu dans la sphère mondiale.
Préoccupation nouvelle des théoriciens, l'individu exerce une influence grandissante sur le
processus de prise de décision des Ëtats et sa capacité de contestation s'élargit. Encore faut-il
l'envisager regroupé et non isolé, autrement dit il est nécessaire de se référer aux individus in
concreto et non à l'individu in abstracto.
Leurs interventions sur la scène internationale revêtent des formes diverses, de l'expertise aux déci­
deurs politiques et économiques, du mécénat de milliardaires comme Bill Gates ou Warren Buffet
0
c
ro
:J
l')
CHAPITRE 7 - Les nouveaux acteurs des relations internationales 83

(notamment l'appel à des dizaines de milliardaires de léguer la moitié de leur fortune à des
œuvres caritatives ou pour la Fondation Gates qui consacre 3 milliards de dollars par an à des
causes humanitaires) en passant par l'usage de l'aura décernée aux prix Nobel de la Paix
(Desmond Tutu, Rigoberta Menchu, Monseigneur Belo et Jose Maria Horta, Aung San Suu Kyi,
Kofi An nan, Al Gare, Ba rack Obama ou plus récemment en 20 1 0 au dissident chinois Liu
Xiaobo). Cette distinction a permis soit de sensibiliser les opinions publiques à des situations ou
conflits inacceptables, soit à prendre acte des efforts prodigués en faveur des populations civiles
ou à la recherche de la paix.

rn Les peuples
En tant qu'acteurs des relations internationales, les peuples ont eu une destinée surprenante dans
la mesure où tout le monde s'accordait à dire que leur rôle s'était achevé à la décolonisation. La
fin de la bipolarisation a engendré un renouveau du droit des peuples dans des domaines tradi­
tionnels et aussi dans des domaines nouveaux. Le principe du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, consacré par l'ONU en faveur des peuples coloniaux, avait une finalité unique, leur
accession à l'indépendance et au statut étatique. En revanche, une fois le peuple devenu État, la
question n'était plus d'actualité au sein des frontières de l 'État décolonisé. Depuis, ce principe, aux
effets j u ridiques limités mais aux implications politiques évidentes, n'est plus cantonné aux seuls
peuples coloniaux. Il est fréquemment invoqué comme un droit identitaire qui se matérialise par
une revendication d'autodétermination ou de reconnaissance de droits ancestraux (cas des
peuples autochtones).
S'intéresser aux peuples sans terre ou aux minorités opprimées remet en cause les équilibres
géopolitiques actuels et risque de mettre à bas une société internationale très fragilisée.
Cette prise en compte des peuples par le droit international est donc partielle et se heurte encore
au principe de souveraineté des États, soucieux d'éviter sécessions et démembrements.

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
La régula tion norma tive
des rela tions
in terna tionales
Les relations internationales sont régies par un corpus de règles spécifiques qui en
couvre tous les aspects traditionnels ou nouveaux.
Le fondement du droit international, relationnel ou institutionnel, repose sur la
reconnaissance par les différents protagonistes, présents sur la scène mondiale,
d'un certain nombre d'intérêts. Il permet de définir et d'organiser des règles
collectives visant à prévenir l'insécurité et limiter le recours à la force.

Le droit est un instrument de la politique, il expnme l'état des rapports sociaux, y compris les
rapports de force, à un moment donné.
Malgré ses imperfections et ses incertitudes, le droit international ne cesse de s'étendre. Il couvre
la quasi-totalité des activités humaines s'exerçant à travers des frontières et permet un minimum
de régulation de l'interdépendance. Le phénomène juridique, parfois nié par les tenants dépités
d'un droit naturel et universel dont l'ONU serait garante, est perçu différemment selon les
cultures. Il n'en demeure pas moins que ces sociétés se reconnaissent liées réciproquement par
des obligations j u ridiques contenues dans des traités ou des contrats.
Ce constat nous conduit à aborder la question des sources du droit international .

[!] Les sources du droit des relations internationales


L'article 38 du statut de la CIJ énumère les modes de formation : les traités, la coutume, les prin­
cipes généraux de droit et accessoirement la jurisprudence et la doctrine. D'autres sources, les
actes unilatéraux des États et les décisions des organisations internationales, ne figurent pas dans
l'énoncé de l'article 38 ; elles occupent pourtant une place importante dans les relations
internationales.

0
c
ro
:J
l')
86 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

• Les traités
Le traité, procédé de formation le plus ancien, prend la forme d'un accord conclu entre deux ou
plusieurs sujets de droit international en vue de produire des effets j u ridiques. Cet acte conven­
tionnel écrit, et conclu entre Ëtats ou entre Organisations, manifeste leur volontarisme.
La matière a été codifiée en 1 969 par la Convention de Vienne.
Trois phases jalonnent la procédure : la négociation, la signature et la ratification. La négociation
est menée par des plénipotentiaires spécialement mandatés par l'autorité nationale compétente.
Elle s'effectue dans un cadre bilatéral ou multilatéral. La signature authentifie le texte sans
engager l'État. Cet engagement d'application du traité résulte de la ratification, acte par lequel
l'organe supérieur de l'État confirme la signature du plénipotentiaire.
La ratification est laissée à l 'appréciation discrétionnaire de I'Ëtat signataire. La date d'entrée en
vigueur d'un traité bilatéral est fonction des ratifications par les deux parties. Pour les traités multi­
latéraux, deux procédés sont utilisés séparément ou conjointement, soit la date est précisée par le
traité lui-même, soit le texte prévoit le nombre de ratifications nécessaire.
Un traité ratifié doit être appliqué, sous réserve de réciprocité, tant qu'il n 'a pas été dénoncé par
l'une des parties. Encore faut-il que la dénonciation soit possible (exemple des traités européens
qui ne la prévoient pas).

• La coutume
« Pratique juridique générale, acceptée comme étant le droit », la coutume internationale est la

manifestation d'un comportement répété, constant, durable et clair. Ces caractères impliquent
une adhésion volontaire et consciente de nombreux Ëtats à se conformer à une règle obligatoire
en gestation. Les actes susceptibles de créer des précédents sont issus d'une pratique organique
émanant des Ëtats ou des Organisations internationales.
La coutume possède une valeur identique à celle des traités, en d'autres termes leur force juri­
dique est égale. Si une disposition conventionnelle ultérieure peut modifier ou abroger une règle
coutumière, la réciproque est vraie. L'attrait de la norme écrite conduit fréquemment la société
internationale à un travail de codification de la coutume (droit de la guerre, droit des traités,
droit de la mer).

• Les principes généraux de droit


Ces principes sont communs à tous les systèmes juridiques des Ëtats démocratiques. Ils sont donc
partie intégrante du droit positif et sont, pour la plupart, relatifs à l'administration de la justice
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 8 - La régulation normative des relations i nternationales 87

(égalité entre les parties, réparation intégrale des dommages causés, autorité de la chose jugée).
Toutefois, ils ne représentent qu'une source supplétive de droit international, utilisée uniquement
en l'absence de règles conventionnelles ou coutumières.

• L'équité
Le Statut de la CIJ autorise cette j u ridiction, avec l'accord des parties au litige, à statuer ex 02quo
et bono, c'est-à-dire en équité.
Le recours à un jugement en équité permet de réduire les effets pénalisants d'une application
stricte du droit international (par exemple en matière de délimitation des frontières maritimes).
S'il comble parfois les lacunes du droit, il est généralement admis qu'il ne puisse pas le contredire
(pas d'équité contra !egem).

• La jurisprudence
Moyen « auxiliaire » de détermination de la règle de droit, la j u risprudence est l'ensemble des
décisions j u ridictionnelles et arbitrales à portée universelle ou régionale. Le droit international
établit le principe de l'autorité relative de la chose jugée ; néanmoins la force interprétative, tirée
des jugements ou sentences, crée des précédents j u ridiques. Certes il dit le droit mais il favorise
aussi l'émergence de normes j u ridiques coutumières ou écrites.

• La doctrine
Autre moyen « auxiliaire » , la doctrine se situe au bas de la « hiérarchie des normes de droit inter­
national » . La CIJ ne s'y réfère jamais explicitement ce qui n'empêche pas les spécialistes éminents
de la discipline de réfléchir et de proposer la création de nouvelles règles ou la modification de
règles existantes inadaptées aux réalités des relations internationales. Ces points de vue doctrinaux
peuvent être défendus par les Ëtats devant des instances internationales qui ont la faculté de les
prendre en compte dans le prononcé de leurs décisions.

• Les actes unilatéraux


Ces actes émanent des Ëtats et des Organisations internationales et manifestent la volonté de ces
sujets de droit international d'adopter des normes écrites ou orales produisant des effets
juridiques.
Ils se caractérisent par leur grande variété : pour les Ëtats, procédure de reconnaissance d'un
nouvel Ëtat, protestation diplomatique ou renonciation à l 'exercice d'une action ; pour les organi­
sations internationales, résolution, décision ou recommandation.
0
c
ro
:J
l.')
88 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

• Le jus cogens
Cette notion a été introduite par l'article 53 de la Convention de Vienne sur les traités sous la
pression des États en développement.
Une norme de jus cogens est « une norme impérative du droit international acceptée et reconnue
par la communauté internationale dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune déro­
gation n 'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit interna­
tional général ayant le même caractère » . Cette norme est placée au sommet de la hiérarchie,
autrement dit toutes les autres règles de droit lui sont assujetties et elle s'impose à tous les États,
faisant fi de la théorie volontariste. La violation d' une norme de jus cogens est une cause de
nullité absolue d'un engagement international. L'article 53 ne donne aucune définition concrète
de la notion, cependant la C IJ a précisé son contenu en se référant à l'interdiction du recours à
la force, du génocide, de la torture ainsi q u 'à la prohibition de l'esclavage.
Des principes fondamentaux des relations internationales ont ainsi été introduits par le traité, la
coutume et les principes généraux de droit et souvent consacrés par la Charte de l'ONU.
Il est nécessaire de les mentionner et d'en préciser les éléments essentiels.

[IJ Les règles juridico-politiques régissant les relations


internationales

Le système mis en place par les Traités de Westphalie inaugurait un ordre dans lequel les relations
internationales étaient exclusivement interétatiques. Les principes, établis en 1 648, régissent
encore la vie internationale. Ils ont été, pour la majorité d'entre eux, inscrits dans la C harte de
1 945. D'autres principes sont en gestation.

• Le principe d'égalité souveraine des États


Ce principe (article 2 § 1 ) est constitué par la juxtaposition des concepts classiques de souveraineté
et d'égalité entre États.
La souveraineté de l'État est, selon la définition de Charles Rousseau, plénitude, autonomie et
exclusivité. Ce dernier élément est aujourd'hui le plus contesté (voir infra, le devoir d'ingérence
humanitaire).
L 'égalité repose sur un postulat j u ridique occultant les inégalités de fait entre États ; il protège
« les États faibles des appétits des États forts » . En pratique ce principe relève souvent de la pure
fiction juridique.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 8 - La régulation normative des relations i nternationales 89

• Le principe de non-intervention dans les affaires intérieures


d'un État
Ce principe, établi à l'article 2 § 7 de la Charte, prohibe toute ingérence d'un Ëtat dans les affaires
intérieures d'un autre Ëtat. Il a été précisé par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa
Résolution 36/1 03 du 9 décembre 1 981 sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence
dans les affaires intérieures des Ëtats. La jurisprudence de la C IJ l'interprète de manière extensive
(affaire Nicaragua contre États-Unis, 27 juin 1 986).
Il se heurte depuis la fin des années 1 980 au devoir, voire au droit d'ingérence pour des raisons
humanitaires.

• Le principe de non-recours à la force


L'article 2 § 4 de la C harte interdit le recours à la force armée, constitutif d'une agression directe
ou indirecte caractérisée, à l 'encontre de l'indépendance ou de l'intégrité territoriale d'une autre
collectivité étatique sauf légitime défense. Si les Ëtats-Unis ont été habilités à intervenir en Afgha­
nistan en octobre 200 1 , suite aux attentats contre les tours du World Trade Center, leur interven­
tion en Irak au printemps 2003 constitue, au regard du droit international, une violation manifeste
de la Charte.

• Le principe du règlement pacifique des différends


Corollaire du précédent, ce principe est clairement réaffirmé par la Charte aux articles 1 § 1 , 2
§ 3, 33 et au chapitre VI. Les techniques et les modalités de règlement seront évoquées
ultérieure ment.

• Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes


Ce principe, posé par l'article 1 § 2 de la C harte, est applicable, nous l'avons vu, aux seuls peuples
sous domination coloniale, sous domination étrangère ou soumis à un régime raciste.

• Le principe du respect des droits de l'homme


Il est consacré aux articles 1 § 3 et 55 de la C harte. Les cinquante dernières années ont vu la
promotion des droits de l'homme dans l'ordre international, soit au niveau mondial par l'action
des Nations unies, soit au niveau régional avec les conventions européenne, américaine et
africaine.
0
c
ro
:J
l.')
90 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Doctrine officielle de la société internationale, l'universalisme des droits de l'homme doit passer
« de la sphère de l'idéal à celle de la réalité ».

• Le devoir d'ingérence humanitaire : la responsabilité de protéger


Certains auteurs prônent l'avènement d'une paix perpétuelle grâce à l'extension universelle de la
démocratie et défendent, en son nom, un droit d'ingérence dans les affaires intérieures des États
non démocratiques.
Le droit, ou tout au moins le devoir d'intervention (dénommé aujourd'hui responsabilité de
protéger), est justifié par la nécessité de prévenir des conflits futurs. Conséquence première de
violations des droits de l'homme par certains États, le principe d'ingérence au bénéfice d'un État
ou d'un groupe d'États tend à s'imposer, du moins à exister dans les faits. Il contredit le
sacra-saint principe de non-intervention dans les affaires intérieures d'un État, précédemment
évoqué. Il est multiforme et s'applique aux domaines humanitaire, politique et écologique.
La première forme répond, à l'origine, à une préoccupation d'assistance humanitaire suite à
des catastrophes naturelles (Résolution 43/1 3 1 de l'Assemblée générale des Nations unies du
8 décembre 1 988). Ce texte établit la subsidiarité à finalité humanitaire en cas de carence de
l'État concerné par cette situation d'urgence. Il ouvre aux ONG caritatives la possibilité d'intervenir
afin de porter secours et assistance aux victimes de ces catastrophes. Appliqué en Irak (1 991 ) , en
Somalie (1 992), au Kosovo (1 999), en Libye (20 1 0) ou au Mali (201 3), ce principe suscite des
controverses passionnées entre partisans d'un interventionnisme international et défenseurs de la
souveraineté étatique.
Le secrétaire général Kofi Annan, lors de l 'ouverture de la 54e session de l'Assemblée générale des
Nations unies en septembre 1 999, s'est félicité de l'évolution positive de la loi internationale
désormais plus réticente « à accepter que des gouvernements flouent les droits de leurs propres
citoyens sous prétexte de souveraineté » .
De nombreux PED, dont le président algérien A . Bouteflika s'est fait l e chantre à la tribune de
l'Assemblée générale, contestent au nom de la souveraineté des États, non seulement l 'émer­
gence d'une obligation erga omnes, mais aussi l 'application sélective du principe aux seuls pays
pauvres.
La deuxième forme consiste généralement en l'immixtion d'un gouvernement étranger dans
la vie politique d'un État soit pour cautionner un acte contesté soit pour dénoncer une action
donnée. La conditionnalité de l'aide financière participe à cette « ingérence démocratique » .
La troisième forme, l'ingérence écologique, habil ite certains États à s'ériger e n censeur d e la
politique et de la gestion environnementales d'un pays au nom de la protection des ressources
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 8 - La régulation normative des relations i nternationales 91

déclarées patrimoine de l'humanité. Perçue par les PED, non parfois sans fondement, comme un
dessein néocolonialiste et mercantile des Ëtats développés, l'ingérence progresse dans les esprits
et irrigue lentement la société internationale, en dépit des obstacles dressés par les
« souverainistes » .

• Le principe d'une responsabilité et d'une justice pénales


internationales
Les développements les plus récents traduisent la volonté de la société internationale de réprimer
pénalement les atteintes les plus graves aux droits de l'homme (crimes contre l'humanité, crimes
de guerre et génocide).
Deux tribunaux ont été créés par des résolutions du Conseil de sécurité pour juger les auteurs
présumés de violations graves en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ces tribunaux instaurés à titre
temporaire ont cédé en 2004 la place à la Cour pénale internationale permanente en matière
d'enquête et achèveront leur mission en 201 1 . Le statut de cette nouvelle juridiction a été
adopté le 1 7 juillet 1 998, à Rome, sous l'égide de l'ONU. Le Procureur près la Cour dispose d'un
pouvoir personnel d'enquête sur les agissements éventuels d'individus, y compris les gouvernants,
soupçonnés de crime de génocide, de crime contre l'humanité, de crime de guerre ou, il
s'agit d'une proposition, de crime d'agression. Cette enquête, dont certains actes peuvent
s'effectuer sur les territoires des Ëtats parties, sans assistance des autorités judiciaires nationales,
peut être suspendue par le Conseil de sécurité pendant un a n . Les règles d'amnistie et de prescrip­
tion sont inopposables à la Cour dans les quatre cas d'ouverture précités. Elle est destinée à punir
les crimes les plus graves contre le droit humanitaire international, lorsque les criminels ne peuvent
être jugés dans leur pays.
Ce progrès de la justice internationale doit être tempéré par le refus américain et chinois de signer
ce texte. Hostile à la Cour pénale internationale, l'Administration Bush a signé des accords bilaté­
raux d'immunité avec plus de 80 pays. D'autres Ëtats risquent de céder aux pressions américaines
tendant à leur supprimer toute aide militaire, voire économique. Cependant la Cour dont les
organes internes (notamment les dix-huit j uges) ont été constitués en 2003, exerce pleinement
ses compétences en 2004, pour tout événement répréhensible qui se produirait depuis le 1 er juillet
2002.
La compétence de la CPI est en réalité assez limitée car elle ne peut intervenir que si le crime a été
commis sur le territoire d'un Ëtat ayant signé la convention, ou si le mis en cause est un ressortis­
sant de l'un de ces Ëtats. Cependant, le Conseil de sécurité de l'ONU peut donner compétence à
la C PI de manière exceptionnelle lorsqu'un Ëtat qui n'a pas ratifié la convention commet des viola­
tions graves : cela a été le cas pour le Darfour en 2005. Elle a enquêté ou enquête sur les crimes
0
c
ro
:J
l')
92 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

massifs commis dans huit États africains, la dernière enquête ayant été ouverte en janvier 20 1 3 sur
la situation au Mali.
En dépit de progrès certains (création de tribunaux spéciaux pour juger de crimes commis par des
gouvernants en Sierra Leone et au Cambodge, création d'un tribunal spécial pour juger les assas­
sins de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri), la justice internationale reste une justice à
double standard tiraillée par des considérations politiques qui freinent, voire bloquent ses initia­
tives et démontre la difficulté pour la société internationale de construire une véritable justice
pénale à l'échelle planétaire.

0
c
ro
:J
l')
Les enjeux et les défis
des relations internationales

C hapitre 9 Guerre ou paix ? 95


C hapitre 1 0 Richesse ou pauvreté ? 111
C hapitre 1 1 L' État, acte u r marginalisé ? 1 25

0
c
ro
:J
l')
0
c
ro
:::J
l.9
Guerre ou paix ?

L 'établissement d'un ordre pacifique est l'enjeu premier des relations internatio­
nales contemporaines. La nature des conflits a évolué. Cette ambition justifie la
mise en œuvre de mesures préventives et éventuellement l'emploi de mesures
répressives coercitives ou non coercitives.

[!] La dialectique guerre ou paix


Le philosophe Emmanuel Kant affirmait que « la guerre est une donnée, la paix un projet » .
Le principe d e l a souveraineté des États constitue le fondement d u droit international depuis le
milieu du XVIIe siècle. Dans la conception classique des relations internationales, les Ëtats incapa­
bles de surmonter pacifiquement leurs différends lorsque des intérêts essentiels sont en cause, les
règlent par l 'usage de la guerre. Depuis que les tribus, les peuples et les nations se battent, la
guerre a souvent changé de signification. Sous l'Antiquité, le droit des cités de recourir à la force
n'a pas été contesté et pendant des siècles, la guerre fut considérée comme l'exercice d'un droit
inhérent à la qualité d'Ëtat. Cette perception ne correspond plus à la réalité.
Ce droit à la guerre a été aboli par la Charte des Nations unies qui interdit le recours à la force
dans les relations entre Ëtats. La légitimité du recours à la violence comme moyen de résorption
des conflits est donc contestée. Pourtant les conflits n'ont jamais été aussi nombreux. Selon l'Ins­
titut international de recherche sur la paix de Stockholm, 1 4 conflits armés majeurs (dits étatiques)
avaient cours dans le monde en 20 1 0 (la plupart en Afrique et en Asie). A l'examen, une
remarque pertinente doit être faite, presque tous les conflits n'opposaient pas des Ëtats mais
étaient des guerres civiles avec ou sans interventions extérieures (dits conflits non étatiques ou
qualifiés de violence unilatérale contre des civils). Le nombre de conflits a même diminué depuis
1 999.
0
c
ro
:J
l')
96 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Comme le souligne avec justesse Thierry de Montbrial, « la plupart des conflits sont plus souvent
provisoirement interrompus que définitivement maÎtrisés » . Le nombre des victimes civiles est en
constante augmentation (5 % en 1 9 1 4- 1 9 1 8, 75 % en 1 939-1 945 et 95 % dans l'ancienne
Yougoslavie).
Cette évolution des conflits rend la recherche de la paix aléatoire car il est plus aisé de négocier
sur la base de critères substantiels (territoire) que sur le fondement de critères immatériels (idéo­
logie). La paix n'est pas un concept figé se définissant a contrario comme un état de non-guerre,
elle est « l'expression d'un équilibre temporaire de puissance » . L'absence de guerre ne peut être
considérée ni comme un signe de paix, ni comme une preuve de stabilité. La condamnation de la
guerre ne suffit pas à établir la paix.
La définition classique de la guerre, à savoir la violence mise en œuvre par une entité politique, est
devenue insuffisante.
Une privatisation de la violence publique se développe en dehors des Ëtats et parfois même délé­
guée à des bandes armées. La guerre se fait davantage au sein des Ëtats ou d'Ëtat à non-Ëtat ou
quasi-Ëtat. La distinction traditionnelle entre état de paix et état de guerre a perdu de son
évidence (Irak, Afghanistan et Côte d'Ivoire). La violence terroriste accentue cette indécision
et selon le Département d'Ëtat américain, les actes de terrorisme ont triplé en 2004. La tendance
ne s'est pas inversée.
La sécurité internationale est sans cesse menacée par des facteurs de tension et des sources de
déséquilibre qui sont exploités par différents Ëtats ou mouvements œuvrant à une subversion
généralisée de la société internationale. La mise en place de moyens matériels et juridiques,
même imparfaits, est seule capable d'établir et de garantir un ordre supérieur à toutes les parties
en cause.
Cette quête de sécurité collective passe par l 'emploi de mesures préventives et éventuellement
de mesures répressives.

[IJ Les mesures préventives


• L'idéal inassouvi : un désarmement généralisé et total
La mesure la plus radicale consisterait dans le désarmement total et généralisé. Si la Charte des
Nations unies n'envisageait qu'une limitation, dès 1 978 l'Assemblée générale, dominée par les
PED, prônait un tel désarmement afin de redéployer les crédits militaires vers l'aide au développe­
ment. En réalité pour que les Ëtats renoncent à leurs armées, une mutation structurelle profonde
est inévitable : passer d'une société internationale à une communauté internationale où l'ordre
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 97

serait assuré par une autorité universelle supranationale. Sans faire preuve d'un pess1m1sme
déplacé, ce bouleversement n'est pas proche. Les grandes puissances, généralement exportatrices
d'armements, ne désirent pas transférer leurs compétences et préfèrent gérer le problème en
termes de maîtrise. Quant aux PED, ils sont les premiers à acquérir des armes et à obérer ainsi,
pour certains d'entre eux, les chances d'un développement économique. Même les effets négatifs
de la crise financière et économique mondiale semblent avoir eu peu d'impact sur les dépenses
militaires mondiales. Les 2/3 des pays pour lesquels des données étaient disponibles en 201 1 ont
augmenté leurs budgets militaires.

Les dix États ayant les dépenses militaires les plus importantes en 201 1
{en m illiards de dollars US)

Classement Pays Budget militaire


1 Ëtats-Unis 71 1

2 Chine 1 43 *
3 Russie 72 *

4 Royaume-Uni 62,7

5 France 62 , 5

6 Japon 59,3
7 Inde 48,9
8 Arabie Saoudite 48,5

9 Allemagne 46,7*
10 Brésil 3 5 ,4

* Estimations du Stockholm International Peace Research lnstitute (SIPRI).

Source : Rapport annuel 201 2 SIPRI.

La multiplication de conflits sur la planète n'instaure pas un climat de confiance suffisant pour
favoriser la conclusion d'accords généraux de désarmement. Toutefois des accords limités, régio­
naux ou bilatéraux, peuvent être conclus par certains Ëtats selon des méthodes de négociation
précises.

0
c
ro
:J
l')
98 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

a) Des initiatives partielles


Sur le continent européen, l'Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
regroupe 57 pays de l'hémisphère Nord institue des mesures de confiance privilégiant l'informa­
tion, la transparence et l'action diplomatique.
Un traité, signé en 1 990, limite les forces conventionnelles en Europe et opère une diminution
sensible des matériels militaires. En raison du récent regain de tension entre la Russie et les
Ëtats-Unis, Vladimir Poutine a menacé de suspendre l'application de ce traité si des éléments du
bouclier antimissile étaient installés en Pologne et en République tchèque. Son successeur, le prési­
dent Medvedev, a franchi en novembre 2008 un pas supplémentaire dans ce qu'il appelle la remi­
litarisation des relations internationales, imputable aux Ëtats-Unis, en envisageant le déploie­
ment de missiles d'une portée de 500 km dans l 'enclave russe de Kaliningrad. Cette menace est
suspendue, pour l'instant, depuis que l'Administration Obama a écarté l'installation d'un tel
bouclier et que la Russie et l'OTAN ont accepté en novembre 201 0 de réfléchir ensemble à la
mise en place en Europe d'une protection antimissile. En revanche, si cette coopération n'aboutis­
sait pas, une nouvelle course à l 'armement commencera (529 milliards de dollars de dépenses
d'armements programmées de 201 1 à 2020). Au-delà de la rhétorique à usage interne et des
difficultés budgétaires, cette déclaration des dirigeants russes n'est pas à prendre à la légère. Le
retour à la présidence de Vladimir Poutine en 20 1 2 a amplifié les réticences à l 'égard de I'OSC E
où les décisions se prennent par consensus et a conduit à un blocage de l'organisation qui
traduit simplement la dégradation actuelle des relations Est-Ouest.
De même, trente pays ont signé à Istanbul en 1 999 un traité réduisant les niveaux d'armes
conventionnelles d'environ 1 0 % , non encore ratifié par la Russie.
Des négociations bilatérales américano-soviétiques (puis russes) ont abouti à la conclusion
d'accords de réduction des armements stratégiques de l'ordre de 30 % pour START 1 (en 1 99 1 ,
arrivé à échéance le 5 décembre 2009) et des 2/3 e n 2003 pour START 2 (en 1 993). Ces accords
START 2 ont été dénoncés en 2002 par la Russie en réponse à la dénonciation du Traité ABM de
1 972 par les Ëtats-Unis. Un nouvel accord, conclu en mai 2002, vise à réduire à l'horizon 2 0 1 2 le
nombre d'ogives nucléaires des deux puissances de façon drastique : 2 200 têtes déployées pour
les Ëtats-Unis et 1 800 pour la Russie soit un tota l de plus de 1 8 000 têtes contre 22 500 en
2009. Ce traité ne limite ni les vecteurs ni le nombre de têtes nucléaires stockées et ne prévoit
aucun mécanisme de vérification.
Toutefois, en avril 201 0, les présidents américain et russe ont signé à Prague un nouveau traité de
réduction de leurs arsenaux nucléaires (nouveau START) qui remplace START 1 . Il prévoit d'une
part, une réduction à 1 500 têtes nucléaires et 700 vecteurs déployés dans les sept ans suivant la
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 99

ratification et, d'autre part, un système de dix-huit inspections réciproques annuelles. Cet instru­
ment international a été ratifié par le Sénat américain et la Douma russe en décembre 201 O .
Les initiatives engagées par les membres de la société internationale ont parfois abouti à des résul­
tats concrets en fonction des types d'armes.
En ce qui concerne les armes chimiques et bactériologiques, qualifiées d'armes des pauvres, le
traité sur l'interdiction totale et la destruction des a rmes chimiques du 1 5 janvier 1 993 (entré en
vigueur en 1 997 et fixant la date butoir au 29 avril 2 0 1 2) comprend un dispositif strict de contrôle
confié à une organisation spécifique, dotée d'un corps d'inspecteurs. Il vérifie que les Ëtats signa­
taires respectent l'interdiction de fabrication, de stockage et d'utilisation. À la fin de l'année 201 1 ,
plus de 50 000 tonnes d'agent des armes chimiques déclarées avaient été détruites de manière
véritable, soit 7 1 % du total . Près de 4 millions d 'articles et de conteneurs d'armes chimiques
déclarés avaient été détruits, soit 46 % du total .
De même, u n traité sur l'interdiction totale des armes bactériologiques et à toxines d u 1 0 avril
1 972 (entré en vigueur en 1 975) prévoit des mesures de destruction de ce type d'armes.
En ce qui concerne les armes conventionnelles, un traité du 1 0 avril 1 98 1 , sur l'interdiction ou la
limitation de certaines armes classiques susceptibles de provoquer des traumatismes excessifs ou
des souffrances inutiles, a été conclu . Il vise à prohiber l'emploi de certains projectiles, d'armes
incendiaires et d'armes-pièges. Cette convention a été complétée sur ce point par le Traité sur
l'interdiction totale des mines antipersonnelles du 3 décembre 1 997. Il impose la destruction des
stocks existants, obligation à laquelle la France s'est conformée au 3 1 décembre 1 999. On ne
peut que regretter que les principaux Ëtats exportateurs (Ëtats-Unis, C hine et Russie) aient refusé
de le signer et par conséquent de le ratifier.
Toutefois l'adoption en mars 20 1 3 par l'Assemblée générale de l'ONU d'un projet de traité de
commerce des armes dites classiques (du pistolet aux missiles, des chars aux avions et navires de
guerre) constitue une première étape vers une mora lisation et une régulation de la vente d'armes
dont le montant s'élève à 700 milliards de dollars par an. L'objectif tient à l'obligation pour
chaque Ëtat d'évaluer, avant toute vente, si les armes qui font l'objet de la transaction risquent
d'être utilisées pour contourner un embargo international, pour commettre un génocide ou
d'autres exactions contre les populations civiles, ou être détournées au profit de terroristes ou
des criminels. Il doit être ratifié par 50 Ëtats pour entrer en vigueur, processus qui devrait être
achevé sans doute en 20 1 5 . Sa portée apparaît réduite en raison de l'opposition de trois Ëtats
(Corée du Nord, Iran et Syrie) et de l'abstention de 23 autres parmi lesquels figurent certains des
principaux pays exportateurs (Chine et Russie) ou acheteurs (Inde, Indonésie ou Ëgypte) d'armes.
En dépit de ses défauts, ce traité a le mérite d'exister tout comme la réglementation relative aux
armes de destruction massive.
0
c
ro
:J
l')
1 00 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

b) Le dogme de la non-prolifération des armes nucléaires


En ce qui concerne les armes nucléaires, la poursuite de la prolifération, selon ses détracteurs, est
un facteur d'aggravation des tensions internationales et seule une limitation peut apporter la
stabilité. Le président Obama a développé, en avril 2009, une vision jugée idéaliste par la plupart
des grandes puissances d'un monde sans armes nucléaires à échéance lointaine (option zéro).
Cette éventualité est peu crédible, notamment parce qu'elle renforcerait la prépondérance mili­
taire quasi absolue des Ëtats-Unis dans le domaine des armes conventionnelles en raison de la
puissance du complexe militaro-industriel, ce qui est inacceptable pour la Chine ou pour la Russie
dont la doctrine nucléaire cible l'OTAN et les Ëtats-Unis comme la principale menace à la diffé­
rence de la doctrine américaine (Nuclear Posture Review) qui cible en priorité le terrorisme et,
tout en modernisant son arsenal, minimise le recours à l'arme nucléaire. Des conventions multila­
térales ont pour objet la non-prolifération horizontale (limitation des Ëtats détenteurs) et verticale
(diminution et non-amélioration des stocks d'armes existants).
1) Le cadre juridique de la non-prolifération
Il est composé de multiples instruments dont les pièces maîtresses sont le Traité de
non-prolifération nucléaire (TNP) et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Compre­
hensive Test Ban Treaty ou CTBT).
Le TNP, adopté en 1 968, insiste sur le souci d'éviter la dissémination des armes nucléaires à travers
trois objectifs : éviter une guerre atomique, encourager la coopération nucléaire pacifique et
aboutir à un désarmement nucléaire. La première disposition établit une distinction entre les Ëtats
dotés de l'arme nucléaire (EDAN) au premier janvier 1 967 et les Ëtats non dotés de l'arme
nucléaire (ENDAN). Le régime vise essentiellement les ENDAN placés dans l'impossibilité d'accéder
au statut d'Ëtats nucléaires et assujettis à des procédures de contrôle internationales.
En dépit de difficultés et de divergences entre les deux catégories d'Ëtats, le traité a été reconduit
indéfiniment en 1 995. Les EDAN ont consenti quelques concessions aux pays non alignés, d'une
part en parrainant la résolution 984 du Conseil de sécurité qui accorde à un Ëtat non doté,
menacé d'agression nucléaire, l'assistance du Conseil et d'autre part en acceptant l'interdiction
totale des essais nucléaires.
La promesse sera tenue en 1 996 avec l'adoption du CTBT. Ce traité prévoit en effet dans son
article 1 er l'interdiction complète de toute explosion expérimentale ou de toute autre explosion
nucléaire, et ce, dans tous les milieux (terre, eau, atmosphère et espace). Le CTBT apporte ainsi
une contribution essentielle à la prévention de la prolifération des armes nucléaires en empêchant
la mise au point de nouvelles armes de destruction massive. Il complète le mécanisme de vérifica­
tion mise en place avec l'Agence internationale pour l'énergie atomique dans le cadre du TNP. Un
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 101

dispositif de surveillance internationale particulier, destiné à faire respecter leurs engagements aux
États parties, est institué. Toutefois, l'article 1 4 prévoit l'entrée en vigueur lorsque les 44 États
désignés dans une liste annexe auront tous ratifié le traité dans un délai de trois ans.
2) Un avenir incertain
L'avenir de ces deux conventions universelles est devenu incertain après les campagnes d'essais
indienne et pakistanaise en mai 1 998. Le CTBT n'a pas encore été ratifié par les États-Unis, la
Russie et la Chine. La défection de trois puissances nucléaires majeures enlèverait au traité toute
signification. Seuls 3 5 des 44 États nommément désignés l'ont ratifié ce qui risque d'encourager
les « États parias ou voyous » (Rogue States) à ne pas respecter la non-prolifération. Les
États-Unis ont, par ailleurs, dénoncé en 2002 le traité ABM de 1 972, conclu avec l'URSS, afin de
pouvoir déployer un système antimissile qui les protégerait des velléités guerrières ou terroristes de
ces États. L'équilibre de la terreur, malgré tout préservé depuis les années 1 950, apparaît dès lors
compromis.
Le TNP, suite aux essais inde-pakistanais, est confronté à des États échappant désormais à toute
classification juridique. L'Inde et le Pakistan sont devenus des puissances nucléaires de fait ; ils ne
sont plus des ENDAN au sens du TNP mais ils ne sont pas des EDAN ! Le traité n'a pas empêché
l'émergence de nouveaux États nucléaires (Israël et Corée du Nord) ce qui pourrait amener
certains pays à ne pas reconduire leur adhésion au TNP suivant en cela l'exemple de la Corée du
Nord en janvier 2003 . Au-delà de l'avenir du TNP, se pose la question de la non-prolifération.
En procédant à leurs expérimentations au nom de la sécurité nationale, l'Inde et le Pakistan ont
souligné les limites de l 'ordre mondial nucléaire. Ils ont voulu dénoncer l'impérialisme nucléaire
des cinq Grands en affirmant leur droit souverain de développer une capacité nucléaire. Les deux
États n'ont pas violé le droit international puisqu'ils n'étaient pas liés conventionnellement et ont
pu trouver une base légale dans l'avis consultatif de la CU du 8 juillet 1 996 sur la licéité de la
menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. Si la Cour, dans son raisonnement, condamne l'utilisa­
tion de l'arme nucléaire comme contraire aux principes intransgressibles du droit humanitaire
international, « elle ne saurait perdre de vue le droit fondamental qu'a tout État à la survie, et
donc le droit qu'il a de recourir à la légitime défense, conformément à l'article 51 de la Charte,
lorsque cette survie est en cause » (§ 96 de l 'avis).
Faut-il craindre, au cours des prochaines années, un renouveau de la prolifération nucléaire dans
des PED désireux de sanctuariser leur territoire et d 'accéder ainsi à un degré de puissance et de
prestige sur la scène internationale ? La réponse dépendra en partie de l'attitude des grandes puis­
sances nucléaires à l 'égard de l'obligation de résultat insérée dans l'article VI du TNP et réaffirmée
en 2000 en vue de conclure un traité de désarmement général et complet. L'échec de la Confé­
rence de révision du TNP en mai 2005 dû en partie au refus américain de démanteler leur
0
c
ro
:J
l')
1 02 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

arsenal, assombrit davantage la perspective de désarmement généralisé. Il intervient à un moment


où les inquiétudes internationales ne cessent de croître autour des programmes nucléaires
nord-coréen et surtout iranien et des activités de réseaux internationaux de trafic de matières
nucléaires. La Conférence quinquennale de révision de 201 0, en dépit d'un meilleur climat de
négociations qu'en 2005, a mis en lumière le « théâtre d'ombres » de la non-prolifération.
Les Ëtats du Sud accusent les Ëtats détenteurs de ne pas respecter les engagements de réduction
inscrits à l'article VI précité, d'avoir un double discours à l'égard d'Israël, protégé et de l'Iran,
dénoncé et de vouloir placer les activités nucléaires civiles sous un régime d'inspections internatio­
nales renforcées. Le récent accord américano-russe New START, la réduction de l'arsenal français à
300 têtes nucléaires et celle de l'arsenal britannique à 225 têtes ne sont pas jugés suffisants par
les puissances émergentes du Sud.
Comme le souligne le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, « il nous
faut développer une nouvelle approche internationale, sinon nous aurons affaire en l'an 2020 à
30 États ayant la capacité de développer des armes nucléaires très rapidement » .
I l n'est pas exclu que les Ëtats-Unis, même si cela paraît peu probable, utilisent la force armée
pour écarter cette menace au nom de leur doctrine de guerre préventive. Le contentieux iranien
illustre depuis 2002 la volonté de cet Ëtat de se doter d'une capacité nucléaire, officiellement à
des fins civiles, mais aussi à des fins militaires. Malgré des négociations avec le groupe des Six,
un embargo imposé à la république islamique et u ne menace d'une intervention militaire israé­
lienne, la détermination des autorités iraniennes n'a pas fléchi.
Il faut également mentionner l'initiative de sécurité contre la prolifération (PSI), initiée en 2003, qui
est destinée à lutter contre la contrebande d'armes de destruction massive (ADM) et a fortiori de
faire respecter d'éventuelles sanctions. Elle s'apparente à une coalition d'une soixantaine de pays
désireux d'empêcher la prolifération grâce à des contrôles d'aéronefs ou de navires soupçonnés de
transporter des ADM ou des matériels connexes en provenance ou à destination d'un Ëtat « proli­
férateur » . Cette initiative louable suscite des controverses (manque de transparence, libertés
prises avec le droit international).
Le TNP apparaît donc comme un instrument fragile mais nécessaire. La récente décision du
6 septembre 2008 du Nuc!ear Suppliers Group (NSG) regroupant 45 pays membres illustre ce
dualisme. Elle accorde à l'Inde une exemption au regard du régime de non-prolifération et lui
permet ainsi de bénéficier de transferts de technologie nucléaire civile. Les enjeux politiques et
économiques (vente de centrales nucléaires indispensables pour couvrir les énormes besoins éner­
gétiques du pays) ont prévalu sur les risques de traitement différencié à l'égard d'autres pays dési­
reux de développer leurs capacités nucléaires civiles comme le Pakistan. Une convention
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 1 03

internationale sur le terrorisme nucléaire, adoptée en 2005, complète le dispositif existant mais
n'est pas entrée en vigueur, faute des ratifications suffisantes.
Un sommet sur la sécurité nucléaire, réunissant 47 pays dont huit des neuf Ëtats détenteurs de
l'arme atomique, s'est tenu à Washington en avril 20 1 0 sur un ordre du jour consensuel : la sécu­
risation des matériaux nucléaires tels que le plutonium et l'uranium hautement enrichis. Si la
déclaration finale rappelle l'objectif de mettre en sû reté toutes les matières en quatre ans (1 587
tonnes sont entreposées dans quarante pays), elle réaffirme que la sécurisation relève toujours de
mesures nationales.
Un autre instrument de non-prolifération consiste dans la création de zones dénucléarisées au sein
desquelles les armes nucléaires sont bannies. L'instauration d'une telle zone représente un gage
de paix et de sécurité et actuellement cinq régions sont dénucléarisées : l'Antarctique (1 959),
l'Amérique latine et les Caraïbes (1 967), le Pacifique sud ( 1 985), l'Asie du Sud-Est (1 995) et
l'Afrique (1 996). Deux autres « zones » sont exemptes d'armes nucléaires, le fond des mers et
l'espace extra-atmosphérique.
Cependant, faute de pouvoir désarmer les Ëtats, il faut s'efforcer d'éviter le recours à la force en
réglant pacifiquement les différends.

• Le règlement pacifique des différends


Obligation faite aux Ëtats par la Charte de l'ONU dans son chapitre VI, la résolution pacifique des
différends nécessite des procédures offrant aux parties des garanties d'impartialité et d'équité.
Les Ëtats ont une liberté de choix quant aux méthodes de règlement de situations conflictuelles.
Sans méconnaître la portée du règlement judiciaire, il faut admettre que la plupart des conflits ne
peuvent être prévenus que par des moyens politiques.

a) Le règlement judiciaire
Cette forme de règlement de litiges entre Ëtats concerne un règlement par des juridictions perma­
nentes, régies par des textes qui sont de portée générale et sont établis à l'avance. Les Ëtats
peuvent recourir à une juridiction (CU) ou à l'arbitrage.
1) La Cour internationale de justice
Organe j u ridictionnel des Nations unies siégeant à La Haye, la CU est compétente pour résoudre
des litiges d'ordre juridique. Néanmoins, les Ëtats ne sont pas obligés de lui soumettre leurs diffé­
rends sauf s'ils ont ratifié la clause facultative de juridiction obligatoire les contraignant à accepter
la compétence de la Cour. Les Ëtats utilisaient peu cette voie judiciaire jusqu'aux années 1 980 ;
grâce à l'impartialité de ses décisions, elle est saisie depuis de nombreuses affaires.
0
c
ro
:J
l')
1 04 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

2) L'arbitrage
Selon la définition donnée par la Convention de La Haye de 1 907, « l'arbitrage international a
pour objet le règlement des litiges entre États par des juges de leur choix sur la base du droit
international » .
Procédure contractuelle, i l suppose u n accord préalable entre États sous forme d'un compromis
d'arbitrage, occasionnel ou permanent. Celui-ci détermine le rôle et la compétence des arbitres
(personnalité unique ou commission mixte). Le recours à l'arbitrage présente des avantages liés à
la souplesse d'utilisation car ce sont les États intéressés qui choisissent la composition du tribunal
arbitral. De même, si le litige porte sur une règle de droit international, les parties sont libres de
préciser dans le compromis les règles applicables en l'espèce. Les juges se prononcent en droit et
en équité et leur décision est définitive et obligatoire. Les parties peuvent décider la confidentialité
de la sentence. Cette technique de règlement judiciaire est assez souvent utilisée dans des
problèmes de délimitation des espaces maritimes (Ca nal de Beagle, plateau continental de la mer
d'Iroise et récemment îles de la Mer rouge).

b) Le règlement politique
Cette méthode de règlement, prévue par le chapitre VI de la Charte, fait appel à des procédés
traditionnels et institutionnels.
1) Les procédés traditionnels
Depuis le Moyen Âge, la pratique internationale a engendré plusieurs moyens d'ordre diploma­
tique pour empêcher un litige de dégénérer en conflit ouvert. L'article 33 de la Charte en dresse
une énumération non exhaustive : la négociation, la médiation, les bons offices, l'enquête et la
conciliation.
La négociation est la procédure la plus simple, elle implique un contact direct ou indirect entre
les parties, soumises au respect des principes de bonne foi et de parole donnée.
La médiation fait intervenir un tiers qui suggère aux parties une solution précise à leur différend.
La mission de bons offices n'est pas fondamentalement différente de la précédente puisqu'un
tiers propose son intervention en vue de favoriser la discussion entre les protagonistes mais sans
suggérer de solution.
Créée par la Convention de La Haye de 1 899, l'enquête internationale permet d'établir la maté­
rialité et la véracité des faits à l'origine d'un litige. La Commission d'enquête doit comprendre,
sous la présidence d'un tiers, des représentants des parties. Elle rédige un rapport établissant les
faits sans se prononcer sur les responsabilités encourues.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 1 05

La conciliation est le procédé le plus réglementé en droit international. Les éléments d'un litige
sont transmis à une commission mixte de trois ou cinq membres, présidée par un tiers. Elle a
pour but de rapprocher les points de vue et de proposer un règlement acceptable par les parties.
Certains traités internationaux prévoient à l 'avance l'existence d'une commission de conciliation,
gage d'une plus grande efficacité.
Ces méthodes classiques de règlement présentent la particularité d'être facultatives et de ne pas
lier les Ëtats, autrement dit elles n'ont pas de caractère contraignant, à la différence des
procédés de règlement judiciaire.
2) Les procédés institutionnels
Dans ce cadre, le règlement ne repose plus sur un accord bilatéral mais sur une décision unilaté­
rale de l'Organisation internationale. La Charte de l'ONU a prévu un mécanisme souple ;
conformément au chapitre VI, les parties à un différend doivent d'abord recourir à l'un des
procédés traditionnels de règlement des conflits ou, s'il y a lieu, aux mécanismes institués à cet
effet dans les textes constitutifs d'organisations régionales (OTAN, Union Africaine, Ligue
arabe . . . ), habilitées à régler les différends mettant en cause la stabilité régionale. En cas d'échec
de cette première tentative, les Ëtats en litige doivent saisir le Conseil de sécurité qui peut recom­
mander le procédé le plus approprié. Il peut se proposer en tant que médiateur ou organiser
lui-même une commission d'enquête. L'avènement des organisations internationales a ainsi
permis d'institutionnaliser les procédures classiques de règlement.
Ces instances collectives offrent des instruments de dialogue aux parties et dans l'hypothèse où le
différend est porté devant une organisation internationale, la pression des Ëtats membres s'exerce
et contraint souvent les antagonistes à justifier leur position et à accepter la discussion, surtout si
les grandes puissances se trouvent directement intéressées à la résolution de ce conflit. Les résul­
tats sont plus aléatoires si une grande puissance est impliquée directement dans un conflit.
Si le recours à la force ne peut être évité, les Nations unies ont le pouvoir de rétablir l'ordre
troublé. L'ONU demeure théoriquement l'unique cadre de référence légal et légitime des interven­
tions internationales les plus importantes. Hormis l'hypothèse de la légitime défense, elle apparaît
seule compétente pour décréter des actions (sanctions ou interventions) au nom de la justice
internationale.

CI] Les mesures répressives


L'article 1 1 et le chapitre VIl de la Charte confèrent au Conseil de sécurité le monopole de la
contrainte pour maintenir ou rétablir la paix.
0
c
ro
:J
l.')
1 06 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Le chapitre VIl est en théorie mis en œuvre contre les Ëtats qui ont violé l'article 2 § 4 de la
Charte, transgressant ainsi le principe de l'interdiction de la menace et de l'emploi de la force
armée dans les relations internationales.
Le Conseil de sécurité est seul qualifié pour apprécier la gravité de la situation et déterminer les
mesures adaptées pour y faire face.
Un des problèmes essentiels réside dans la constatation de l'agression, notion non définie par la
Charte. Son contenu a été précisé dans la Résolution 3 3 1 4 du 1 4 décembre 1 974 dont les dispo­
sitions laissent, en fin de compte, au Conseil une liberté d'appréciation. L'article 39 de la Charte
l'habilite à décider des moyens de répression, militaires ou non, aptes à empêcher ou à faire
cesser l'agression.

• Les mesures non coercitives


Ces mesures sont des sanctions politiques et économiques prononcées par le Conseil de sécurité
en vertu de l'article 41 de la C harte. Les États membres doivent les appliquer. Selon l'ampleur du
comportement fautif, la sanction sera graduée entraînant l'arrêt total ou partiel des communica­
tions de toute nature, la cessation des relations économiques ou la rupture des relations diploma­
tiques. Certains États ont été ainsi sanctionnés (Afghanistan, Irak, Iran, Soudan, Libéria . . . ). Ces
mesures ont presque toujours un effet très limité et pénalisent principalement les populations et
non les gouvernants.

• Les mesures coercitives


Elles découlent des articles 42 à 47 de la C harte. L'éventail des mesures est large puisque les
moyens militaires mis en œuvre vont du blocus à l'action militaire directe contre l'État agres­
seur. Dans l'hypothèse où le Conseil de sécurité décide d'engager des opérations militaires, il peut
recourir aux forces armées nationales mises à sa disposition. Ces contingents sont placés sous
l'autorité d'un Comité d'état-major composé de représentants des cinq membres permanents. Les
dispositions du Chapitre VIl, en raison de l'affrontement américano-soviétique, ont rarement été
utilisées jusqu'en 1 990. La guerre du Golfe illustre le changement opéré, pour la première fois le
Conseil a autorisé le recours à la force pour faire respecter le blocus décrété contre l'Irak (Résolu­
tion 665 du 25 août 1 990) puis pour intervenir militairement au Koweït. Des résolutions prises sur
la base du Chapitre VIl ont été ultérieurement adoptées (Bosnie-Herzégovine, Somalie, Rwanda,
Haïti). Pendant quarante ans, le Conseil de sécurité, paralysé par l'usage du veto, n'a pu décider
d'opérations coercitives. Depuis 1 990, la plupart des conflits, qu'ils soient intra ou infra-étatiques,
sont traités par l'ONU.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 1 07

Toutefois la pratique onusienne a dégagé des mesures de police internationale, dans des condi­
tions autres que celles prévues par la Charte, pour pallier à la carence du Conseil.

• Les mesures issues de la pratique onusienne


a) La résolution Dean Acheson 377 (V) du 3 novembre 1 950
Ce texte, voté en pleine guerre de Corée par l'Assemblée générale des Nations unies sous l'intitulé
« Union pour le maintien de la paix », a pour finalité de surmonter le blocage du Conseil par
l'URSS.
Le Secrétaire d'Ëtat américain Acheson fit approuver par l'Assemblée une résolution qui habilite
cette dernière à adresser aux Ëtats membres, lorsque le Conseil est défaillant, toutes les recom­
mandations appropriées sur les mesures collectives à prendre pour rétablir la paix ou la sécurité
internationale. Cette capacité de substitution n'engendre pas un pouvoir de décision mais de
recommandation. Elle a été utilisée, entre autres, durant la guerre de Corée, les crises de Hongrie,
de Suez, du Congo ou d'Afghanista n .

b) Les opérations de maintien de la paix


Ces opérations, non prévues par la Charte, consistent dans l'envoi, sur le théâtre de conflits, de
forces des Nations unies (Casques bleus) constituées de contingents militaires nationaux. Il
convient de distinguer les missions d'observation des forces de maintien de la paix.
Une opération de maintien de la paix est conservatoire et non coercitive, elle est menée
sur une base consensuelle.
Conservatoire car les forces déployées s'interposent entre les belligérants en toute neutralité et ne
peuvent faire usage de leurs armes, sauf légitime défense. Consensuelle puisque l'envoi
de Casques bleus requiert l'accord des parties au conflit et celui des Ëtats qui mettent à la disposi­
tion de l'Organisation des personnels militaires ou civils. Ces opérations sont créées à l'initiative de
l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité et placées sous l 'autorité du Secrétaire général de
l'ONU. Il appartient donc à l'Organisation de recruter les troupes, d'assumer le commandement,
de fournir le soutien logistique et le transport. Elles ont pour but de geler la situation (peace
keeping) afin de favoriser la recherche d'un règlement négocié (peace making), selon les moyens
diplomatiques du Chapitre VI.
Ces opérations ont progressivement évolué vers une finalité de raffermissement de la paix par une
politique de reconstruction des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement d'un pays ou
d'une région, voire par une assistance à la tenue d'élections démocratiques (peace building).
Au-delà de la paix sécuritaire, on s'efforce de bâtir la paix structurelle en établissant les conditions
0
c
ro
:J
l.')
1 08 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

politiques, économiques et sociales susceptibles de consolider au sein des populations concernées


le désir de cohabiter en harmonie. Huit États financent 75 % du coût des quinze opérations de
maintien de la paix en cours (7,23 milliards de dollars en 201 2 et quelque 1 05 000 personnels
militaires et civils). A titre de comparaison, ce montant annuel est inférieur à ce que coûtent
chaque mois aux États-Unis leurs interventions en Irak et en Afghanistan soit 1 25 milliards de
dollars en 201 0 ; ces dépenses ne représentent que 0,4 % des dépenses militaires mondiales.

Les dix États les plus contributeurs a u financement des opérations


de maintien de la paix de l'ONU 201 0-20 1 2 (en %)

1 États-Unis 27, 1 7 %

2 Japon 1 2 ,53 %

3 Royaume-Uni 8, 1 6 %
4 Allemagne 8,02 %

5 France 7,56 %

6 Italie 5 %
7 Chine 3,94 %
8 Canada 3,21 %
9 Espagne 3,18 %
10 Corée du Sud 2,26 %

Total : 8 1 ,03 % du budget

Source : Rapport ONU 2 01 O.

Les opérations de maintien de la paix des Nations unies


(en cours au 1er janvier 2013)

Nom Pays Date création Effectifs


ONUST Proche-Orient 1 948 387
UNMOGIP Inde/Pakistan 1 949 112

UNFICYP Chypre 1 964 1 056

FNUOD Syrie 1 974 1 1 59


- ---- - - - --- - - - - - -- - - - - - - - - - - -- - - - - - - - - - - - - -- - - - - -
- - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - -
- - -

0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 9 - Guerre ou paix ? 1 09

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

FINUL Liban 1 978 1 2 786


MINURSO Sahara Occidental 1 99 1 503
MINUK Kosovo 1 999 388

MlNUL Liberia 2003 1 0 651

MINUSTAH Haïti 2004 1 2 059


ONU Cl Côte d'Ivoire 2004 1 2 386
MINUT Timor Oriental 2006 2 388
MINUAD Darfour 2007 25 967

MONUSCO R.D. du Congo 20 1 0 23 504

UNISFA Abyei (Soudan) 20 1 1 4 097

MANURSS Sud-Soudan 20 1 1 9 657

Source : Rapport ONU 2 01 2 .

Le Conseil de Sécurité a décidé la création d'une nouvelle opération de maintien de la paix au


Mali, en mai 201 3, forte de 1 1 200 hommes.

c) Les opérations d'imposition de la paix


La pratique onusienne, dans un souci de diversification, a développé depuis la fin des années 1 980
des opérations de police internationale décidées par le Conseil de sécurité sur la base du
chapitre VIl mais sans en appliquer les modalités (Comité d'état-major). Le Conseil a autorisé ainsi
des États membres à employer la force armée dans le cadre d'une fonction précise d'imposition de
la paix (peace enforcement). Les actions engagées sont collectives et coercitives et ont pour
mission de faire cesser une menace contre la paix ou la sécurité internationale. Elles se
distinguent alors des opérations classiques de maintien de la paix, placées sous l'autorité du Secré­
taire général. Il ne s'agit plus de Casques bleus mais d'une force multinationale placée sous le
commandement militaire d'un État membre (Irak en 1 99 1 , Timor oriental en 1 999). Dans le cas
de Timor, la force multinationale s'est effacée au profit d'une force de maintien de la paix dont
la création a été décidée par la Résolution 1 272 du Conseil de Sécurité fin octobre 1 999. Un
administrateur civil provisoire, désigné par le Secréta ire général des Nations unies, a administré ce
territoire jusqu'à son indépendance en 2002 .

0
c
ro
:J
l.')
0
c
ro
:::J
l.9
Rich esse ou pa u vreté ?
La richesse mondiale s'accroÎt, la pauvreté aussi. Cette opposition paradoxale
représente non seulement une ligne de fracture essentielle entre le Nord et le
Sud mais aussi un redoutable clivage au sein des sociétés des pays développés.
De la résolution de questions alimentaires, démographiques, économiques et envi­
ronnementales dépend le devenir des relations internationales du xxr siècle.

ITJ L'inégalité croissante de la répartition des richesses


mondiales

Les inégalités de développement sont incontestablement l'un des plus sérieux facteurs de tension
à l'intérieur de la société internationale. On constate en effet une inégalité croissante de la répar­
tition des richesses, l'écart de revenu par habitant entre pays industrialisés et pays en développe­
ment a triplé entre 1 960 et 2000. L'écart de revenus entre les 20 % les plus riches et les 20 %
les plus pauvres de la population mondiale s'est fortement accru en 50 ans (1 960 : de 1 à 30 ;
1 999 : de 1 à 74 ; 201 0 : de 1 à 84). Les 20 % les plus riches se partagent plus de 85 % du PIB
mondial et près de 1 ,3 milliard de personnes (un quart de la population des PED) vit en deçà du
seuil de pauvreté absolue. La pauvreté exprime une situation, celle où un Ëtat est dans l'incapacité
d'assurer le bien-être de ses ressortissants et d 'exercer ses fonctions régaliennes. La définition de la
pauvreté est différente selon les hémisphères. Dans les pays du Sud, les organisations financières
internationales, notamment la Banque Mondiale, considèrent comme pauvres les populations
dont les ressources n'atteignent pas 1 ,2 5 dollar par jour quoique depuis peu cette institution
inclue dans ses statistiques le chiffre de deux dollars (soit 2,6 milliards d'êtres humains).

0
c
ro
:J
l')
112 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Dans les pays du Nord, la pauvreté ne se définit pas de manière absolue mais relative, elle touche
toute personne dont les ressources sont inférieures de 60 % au revenu médian (en France,
964 euros par mois en 201 1 ) .

Les classements nationaux des PED sont souvent moins rigoureux que celui basé sur le standard
international d'un de 1 ,2 5 dollar. La Chine, par exemple, reconnaît deux fois et demi moins de
pauvres et l'Inde deux fois moins que les statistiques internationales. Si la pauvreté reste très majo­
ritairement celle du Sud, ce dernier n'en a plus le monopole (nouvelle pauvreté dans les pays
industrialisés, en Russie, dans certaines anciennes républiques soviétiques, en Europe orientale et
au Moyen-Orient). Il faut noter que ces inégalités évoluent de façon contradictoire. D'un côté, les
pays émergents rattrapent les pays riches (convergence) mais de l'autre, certaines régions du
monde, l'Afrique ou l'Amérique latine, restent en retrait (divergence).
Un autre phénomène est constatable : les inégalités croissent fortement au sein même des pays
émergents. Si les plus pauvres profitent de cette nouvelle croissance, le bénéfice est moindre que
dans les années 1 980 (Rapport Banque mondiale 2 0 1 0). Treize ans après l'adoption en 2000 des
Objectifs pour le développement du millénaire (ODM), dont l'un vise à diviser par deux la pauvreté
mondiale soit 920 millions de pauvres, d'ici à 201 5, le pari semble gagné en 201 2 sauf dans
certains pays africains, certaines régions de l'Europe orientale et d'Asie orientale, à condition que
les taux de croissance constatés depuis 2004 perdurent et que l'aide au développement atteigne
les 1 00 milliards de dollars par an.
Les facteurs démographique et économique expliquent, en partie, le phénomène.

m L'impact du facteur démographique


La population mondiale a atteint les 7 milliards d ' habitants en 20 1 0 et 1 37 millions d'êtres
humains naissent chaque année dont 1 22 millions dans les PED. Au cours du siècle dernier, 90 %
de la croissance démographique mondiale a été le fait des PED et cette tendance s'accentuera
jusqu'en 2050. Certes la probabilité d'une « explosion démographique » semble s'éloigner si l'on
se fie aux dernières prévisions du Fonds des Nations unies pour la population (moins de 8 milliards
en 2025, 9, 1 milliards en 2050 et environ 1 0 milliards en 2 1 00).
Toutefois les défis n'en demeurent pas moins redoutables. Selon la FAO, 870 millions d'individus
souffrent de malnutrition en 201 0-20 1 2 (plus d'un milliard en 2009), dont 852 millions dans les
PED. La concentration de la faim dans les zones rurales démontre qu'aucune amélioration signifi­
cative n'est envisageable sans d'importants investissements dans le développement rural et agri­
cole. La faim n'est pas seulement la conséquence de la pauvreté, elle en est l'une des causes.
Dans un rapport récent (mai 2007), la Banque mondiale s'inquiétait de la possibilité d'une hausse
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 113

de 40 % du prix des céréales due à la faiblesse des stocks mondiaux. Malgré une récolte
2008-2009 abondante et une baisse temporaire des prix, le véritable problème est celui des
revenus et de l'accès des plus pauvres à la production.
La crise financière de 2008 a amplifié ce problème car pour assurer la sécurité alimentaire
mondiale d'une population qui croît, il faut investir. Or les fonds publics risquent de faire défaut
pour financer l'aide alimentaire. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), l'aide internatio­
nale a atteint en 2008 son plus bas niveau depuis quarante ans. Si cette situation perdurait, les
conséquences seraient alors dramatiques dans les PED où la réduction du revenu des populations
les plus pauvres pourrait s'élever en moyenne à plus de 6 % . Selon la FAO, 22 pays sont particu­
lièrement vulnérables à la flambée des prix en raison de sous-alimentation chronique et d'une
forte dépendance vis-à-vis des importations de céréales et de produits pétroliers. Dans des pays
comme le Nicaragua, « une augmentation de 40 % du prix des céréales pourrait suffire à faire
tomber 2 % supplémentaires de la population dans une situation d'extrême pauvreté » . La crise
actuelle pourrait conduire plus de 1 00 millions de personnes nouvelles dans l'extrême pauvreté.
De nombreux pays pauvres sont frappés de plein fouet par l'augmentation des prix sur des
produits agricoles sur les marchés internationaux, souvent génératrice d'émeutes de la faim et la
facture des importations alimentaires mondiales avoisinait les 1 000 milliards de dollars en 201 O.
En effet, les ménages les plus pauvres dans les pays en développement dépensent 60 à 80 % de
leur revenu en nourriture. Lorsque les prix s'envolent, ils doivent dépenser encore plus de leur
revenu, déjà faible pour se nourrir. Ainsi, il leur reste très peu pour acheter d'autres biens néces­
saires comme les vêtements, le loyer, les médicaments, les fournitures scolaires et au fur et à
mesure, ils commencent à limiter ces dépenses.
Les experts de l'ONU renouvellent leur appel contre une croissance démographique anarchique
qui entraverait le développement économique et déséquilibrerait davantage les conditions climati­
ques et l'écosystème. Les conditions de vie et de travail s'en trouveraient dégradées. 700 millions
d'adolescents sont arrivés sur le marché du travail en 201 0 ; cette arrivée massive impliquera des
efforts considérables dans les domaines des infrastructures, de l 'emploi, de l 'éducation et de la
santé. Or le choix de stratégies économiques orientées vers le marché, le libre-échange et le
désengagement de I'Ëtat aboutit à une réduction d rastique des dépenses publiques peu propice
au développement humain.

CI] Les eflets des facteurs économique et financier


La mondialisation n'est pas synonyme d'équité puisque si quelques pays émergents sont plus ou
moins insérés dans le jeu des échanges mondiaux, la plupart des PED restent à l'écart. La part du
commerce extérieur des PED dans l'ensemble du commerce mondial ne cesse de diminuer.
0
c
ro
:J
l')
114 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

La mondialisation est porteuse d'affrontements engendrés par un nouveau rapport de forces,


conforté par la démographie. Des États comme la Chine ou l'Inde, peuplés de 2,5 milliards d'indi­
vidus et situés sur le continent asiatique où vivent 61 % de la population mondiale, réclament des
responsabilités plus grandes.
Alors que les échecs du développement sont interprétés par la Banque mondiale comme le
résultat de mauvais choix économiques, sans lien avec la croissance démographique, le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) adopte une vision plus contrastée.
Depuis son dixième rapport (1 999), « Pour une mondialisation à visage humain » , il portait une
attention particulière à la lutte contre la pauvreté grâce aux investissements dans les secteurs
sociaux, préalable indispensable à un éventuel développement économique.
L'aide au développement passe par l'aide publique et par les flux de capitaux privés.
Depuis le début des années 1 990, l'aide publique (ADP), évaluée par rapport à la richesse natio­
nale des pays donateurs, ne cesse de diminuer à l'exception notable des années 2003-2005.
Jusqu'en 1 992, elle représentait 0,33 % du revenu national brut des 23 pays industrialisés,
membres du Comité d'aide au développement (CAO) de l'OCDE. En 201 1 , ces pays ont accordé
plus de 1 33 milliards de dollars d'aide, soit plus de 3,4 milliards de moins qu'en 201 O. Ce chiffre
représente 0,3 1 % du revenu national brut (RNB) cumulé des membres. Les États-Unis ont donné
30,7 milliards, soit 0,20 % du RNB, et les États de l'Union européenne 72,3 milliards d'euros, soit
0,44 % du RNB. Cette aide est accordée à 70 % sous forme de dons ( 1 8 % représentant des allé­
gements de dettes), le reste étant constitué de prêts à très faible taux d'intérêt.
Toutefois, comme le souligne la plupart des experts, ces sommes ne sont pas suffisantes pour
atteindre les Objectifs du millénaire en matière de réduction de la pauvreté. Les engagements
pris au sommet du G 8 en 2005 auraient dû faire passer le montant total de I'ADP à 1 30 milliards
de dollars.
L'aide publique est donc insuffisante pour initier le développement, cela a conduit les PED à faire
appel à des capitaux privés pour le financer. Ces flux ont atteint en moyenne, dans les années
1 990, 1 85 milliards de dollars.
En raison des nombreuses incertitudes pesant sur la conjoncture internationale, les entrées de
capitaux ont fortement diminué en 2008 (- 1 6 %) et en 2009 (- 37 %), et ont atteint en 201 2
les 680 milliards de dollars, soit près de 52 % du total mondial.
La répartition de ces capitaux, en 201 2, est très inégale. Les 49 pays les moins avancés recueillent
1 5 milliards de dollars du montant total des investissements directs étrangers. L'Afrique a reçu
45,8 milliards de dollars, l'Amérique latine et les Caraïbes 232,6 milliards et l'Asie 399 milliards
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 115

(1 1 9,7 pour la seule C hine). La CNUCED établit le volume 201 2 à 1 3 1 0 milliards de dollars, les
flux devant avoisiner les 1 400 milliards en 201 3 et 1 600 milliards en 2 0 1 4 .
En raison des difficultés rencontrées par les PED, le poids d e la dette publique extérieure a
quadruplé depuis 1 980 ; il atteint près de 1 650 mill iards de dollars en 20 1 0 et obère les chances
d'un décollage économique. Les politiques de rééchelonnement de la dette sont généralement
inutiles et les pays créanciers privilégient, pour les 41 Ëtats les plus pauvres de la planète, une
annulation de leur dette. Celle-ci représente 250 milliards de dollars, soit à peine 0,6 % du PIB
mondial (plus de 60 000 milliards de dollars).
Le G 7 a décidé, lors du sommet de Cologne en juin 1 999, d'annuler une partie de la dette à
hauteur de 70 milliards dans le cadre de l'initiative Pays pauvres très endettés (PTIE) dont les
critères d'application ont été assouplis. Cette initiative, étalée sur dix ans, est insuffisante (2,8 %
de la dette totale des PED) mais néanmoins nécessaire pour éviter que les 36 pays éligibles ne
deviennent des « entités chaotiques ingouvernables », rongées par la violence. 30 Ëtats dont 23
en Afrique ont bénéficié de 58 milliards de dollars d'allégement au titre de l'initiative PTIE et de
l'Initiative de l'allégement de la dette multilatérale (IADM). Ces initiatives se poursuivent toujours
mais l 'évaluation faite par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU est très critique : peu de
progrès accomplis et plusieurs pays qui en ont bénéficié sont proches de la cessation de paiement
(Résolutions des 5 et 1 8 juillet 201 2). Au-delà des chiffres, le FMI et la Banque mondiale se sont
engagés en septembre 1 999, lors de leurs assemblées annuelles, à faire de la lutte contre la
pauvreté une priorité, réaffirmée lors des Sommets du G 8 depuis celui d'Ëvian (2003). Encore
faut-il que l'allégement de la dette ne se fasse pas aux dépens de l'aide nouvelle. En effet
plusieurs économies industrielles sont dans un processus de consolidation budgétaire et de réduc­
tion des dépenses publiques, notamment des crédits affectés à l'aide au développement. Les pays
occidentaux rencontrent des difficultés croissantes pour tenir leurs promesses d'aide. Par un effet
de résorption, la part des effacements de dettes accordées aux pays africains est désormais réduite
au sein du montant global de l'aide et nécessite de trouver de nouvelles liquidités. Selon une
étude de la Banque mondiale de juin 2007, « les chiffres disponibles jusqu'à maintenant montrent
que, à part la réduction de la dette, les pays africains n 'ont pas engrangé les résultats des
promesses faites lors des sommets des G 8. . . » .

Le G 8
Le Groupe des Huit (G 8) est un forum de discussion, qui vise à permettre aux dirigeants des
huit nations les plus industrialisées du monde de trouver un terrain d'entente sur des ques­
tions essentielles ainsi que des solutions à des enjeux mondiaux. Au fil des ans, le sommet a

0
c
ro
:J
l.')
1 16 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

évolué pour prendre la forme d'une réunion annuelle, au cours de laquelle les dirigeants se
penchent sur des thématiques reliées au développement international, à la santé, à la paix et
à la sécurité.
Le G 8 est composé de l'Allemagne, du Canada, des Ëtats-Unis, de la France, de l'Italie, du
Japon, du Royaume-Uni et de la Russie. Même si les dirigeants de ces pays entretiennent des
rapports réguliers, ils se réunissent officiellement une fois par an dans le cadre du G 8.
Le G 8 était à l'origine un instrument ancré dans la politique économique, dont la création
découle de réunions régulières entre Valéry Giscard D'Estaing et Helmut Schmidt, alors respec­
tivement ministres des Finances de la France et de l'Allemagne. Ils ont par la suite accédé au
pouvoir dans leur pays respectif et, au moment où la crise pétrolière du milieu des années
1 970 affaiblissait les grandes économies mondiales, le président français Giscard D'Estaing a
invité les dirigeants de l 'Allemagne, des Ëtats-Unis, de l'Italie, du Japon et du Royaume-Uni
de se réunir en 1 975 pour trouver une solution à cette crise.
Le Canada s'est joint au groupe lors du Sommet de 1 976, que les Ëtats-Unis ont tenu à Porto
Rico. La Communauté européenne, maintenant appelée Union européenne, a reçu le statut
d'observateur l'année suivante, au Sommet de Londres. La Russie est devenue membre à
part entière du G 8 en 1 998.
Les dix derniers sommets ont eu lieu à Évian (2003), Sea Island (2004), Gleneagles
(2005), Saint Petersbourg (2006), Heiligendamm (2007), Hokkaido (2008), L 'Aquila
(2009), Muskoka (2010), Deauville (201 1) et Camp David (États-Unis, 2012).
Les Ëtats membres assument à tour de rôle la présidence annuelle du G 8, dans l 'ordre
suivant : France, Ëtats-Unis, Royaume-Uni, Russie, Allemagne, Japon, Italie et Canada. Bien
que ne faisant pas partie de ce roulement, l'Union européenne participe également au G 8,
où elle est représentée par le Président du Conseil européen et le Président de la Commission
européenne.
Le pays qui exerce la présidence du G 8 (le Royaume-Uni en 201 3) accueille et organise
le sommet et un certain nombre de réunions ministérielles préparatoires. Il doit également
s'exprimer au nom du G 8 et engager le dialogue avec les pays qui ne sont pas membres du
G 8, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales.

Un nouveau forum de dialogue avec les PED, le G 20, a été institué.

0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 117

Créé en 1 999 à l'issue de la crise financière asiatique, le G 20 avait comme objectif de réunir les
ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales une fois par année, habituelle­
ment à la fin de l'automne, afin de discuter de questions économiques internationales.
Depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, le G 20 est devenu le principal forum
de dirigeants en matière de coopération économique internationale. Les réunions annuelles des
ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales se poursuivent toujours, permet­
tant l'avancement des initiatives du G 20 et contribuant aux discussions lors des Sommets des diri­
geants. Les objectifs du Groupe étaient d'apporter de la stabilité aux marchés financiers et de
promouvoir la coopération économique.
Le G 20 regroupe des économies développées et émergentes de tous les continents représentant
90 % de la croissance mondiale : 1 9 États dont les huit États du G 8, l'Afrique du Sud, l'Australie,
l'Arabie saoudite, la Turquie, la C h i ne, l'Inde, l'Indonésie, la Corée du Sud, le Brésil, l'Argentine et
le Mexique auxquels s'ajoute l'Union européenne.
Le G 20 est désormais perçu comme l'enceinte la plus efficace pour diriger les efforts mondiaux
visant à contenir la crise et à atténuer ses répercussions. Les dirigeants du G 20 se sont réunis
dans le cadre de cinq sommets distincts tenus à Washington, Londres, Pittsburgh, Toronto et
Séoul pour stabiliser le système financier, pour coordonner les programmes économiques natio­
naux afin de guider l'économie mondiale vers la reprise, et pour assurer que les institutions finan­
cières internationales reposent sur des bases solides et qu'elles possèdent les ressources néces­
saires. A partir de 201 1 (Sommet de Cannes), les Sommets des dirigeants du G 20 se tiennent
une fois l'an (le prochain en Russie puisqu'elle en assure la présidence, à Saint-Pétersbourg en
septembre 201 3).
Le premier Sommet des dirigeants du G 20 s'est tenu à Washington, les 1 4 et 1 5 novembre 2008,
lors duquel les dirigeants ont convenu d'un Plan d'action visant à stabiliser l'économie mondiale et
à prévenir d'autres crises éventuelles. Il a pointé les déficiences des régulateurs nationaux, le
manque de coordination internationale, la mauvaise évaluation des risques ; l'opacité des bilans,
la disparité des normes comptables et l'absence de surveillance sur certains marchés.
Ils ont souligné l'importance cruciale de rejeter le protectionnisme et ont présenté des plans de
relance coordonnés. Dans leur ensemble, ces mesures ont constitué la plus importante initiative
de stimulation budgétaire et monétaire et le plus vaste programme de soutien du secteur financier
des temps modernes.
Les dirigeants se sont réunis une seconde fois à Londres, les 1 er et 2 avril 2009, où ils ont poursuivi
le travail qu'ils avaient commencé à Washington et ont annoncé une contribution sans précédent
de 1 , 1 milliard de $US afin de rétablir le crédit, la croissance et les emplois dans l'économie
mondiale. Cet engagement comprenait un apport de 750 milliards de $ pour le Fonds monétaire
0
c
ro
:J
l')
118 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

international, de 1 00 milliards de $ en prêts additionnels pour les banques multilatérales de déve­


loppement, ainsi que de 250 milliards de $ pour appuyer le financement du commerce.
Pour donner suite aux mesures adoptées à Londres, les dirigeants du G 20 se sont réunis une troi­
sième fois, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009. Le Sommet de Pittsburgh a permis de dési­
gner le G 20 à titre de principale enceinte pour la coopération économique internationale, confé­
rant ainsi au Groupe le mandat de poursuivre son travail après la présente crise économique. Les
dirigeants ont renforcé leur coopération en s'engageant à donner une plus grande place aux
économies émergentes au sein des institutions financières internationales tout en jetant les bases
d'une activité économique responsable en fonction du Cadre pour une croissance forte, durable et
équilibrée.
Lors de la réunion à Séoul en novembre 20 1 0, le G 20 a décidé, tout d'abord :
- d'encourager des solutions globales et coordonnées pour atténuer la croissance inégale et les
déséquilibres croissants ;
- ensuite de mettre en place une série d'indicateurs pour aider à identifier les grands déséquilibres
commerciaux qui nécessitent des actions préventives et correctives ;
- et enfin d'éviter les dévaluations compétitives des monnaies en promouvant des systèmes de
taux de change déterminés par le marché et de s'opposer au protectionnisme sous toutes ses
formes.
Dans un contexte difficile, les derniers sommets de Cannes en novembre 201 1 et de Los Cabas,
en juin 201 2, au Mexique ont permis de réaffirmer l'engagement des Ëtats en faveur de la crois­
sance et de l'emploi. Des mesures relatives à la régulation financière, le développement et la
dimension sociale de la mondialisation ont été adoptées.
Les travaux du G 20 sont soutenus par des organisations internationales telles que la Banque
mondiale, le Fonds monétaire international, l 'Organisation de coopération et de développement
économiques, l'Organisation internationale du travail, l'Organisation mondiale du commerce et
l'Organisation des Nations unies.
Le G 20 fait appel aux experts de ces institutions afin de bénéficier de conseils techniques et de
suggestions dans leurs domaines de responsabilité respectifs. Le G 20 travaille aussi avec le
Conseil de stabilité financière pour réduire les vulnérabilités, pour élaborer et mettre en œuvre
des politiques solides de réglementation et de surveillance ou d'autre nature, ainsi que pour
assurer le suivi des progrès en ce qui concerne le renforcement de la réglementation financière et
en faire rapport.
Toutefois le G 20 a perdu de son efficacité initiale et comme le souligne le Directeur du FMI, à
l'issue du sommet de Séoul, « les problèmes demeurent, mais les pays ont moins envie de
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 119

coopérer. Ifs sont d'abord préoccupés par la politique dans leur pays ». L'impression d'impuissance
vient de l'écart entre les décisions du G . 20 et leur impact concret sur l'économie mondiale.
Parallèlement à cet effort en faveur des pays les plus déshérités, les pays industrialisés soutiennent
des Ëtats pivots, essentiels au maintien d'un équilibre géopolitique régional. Le Brésil et le
Mexique, l'Algérie, I'Ëgypte et le Nigeria ou l 'Indonésie ont bénéficié ainsi d'aides bilatérales ou
multilatérales. Les pays créanciers ou donateurs de même que les organisations internationales
financières (selon les circonstances) se montrent plus attentifs à l'utilisation faite par les pays réci­
piendaires de l'aide octroyée. On ne peut occulter ici un facteur réel de pauvreté, la « mauvaise
gouvernance » . Cette expression désigne des principes et des méthodes de gestion et d'adminis­
tration décriés, suivis par les gouvernants des PED. L'adoption d'un modèle de développement
inadapté, le niveau élevé des budgets militaires et la corruption endémique de dirigeants politi­
ques et économiques (conception patrimoniale du pouvoir) ont souvent empêché le décollage
attendu. Ce n'est pas un hasard si, comme le montre le tableau suivant, les pays perçus comme
les plus corrompus sont souvent les plus pauvres.

Indice de perception de la corruption en 201 2


Les quinze États les plus corrom pus

Classement État lndice/100


1 60 R . D . du C ongo 21
1 63 Ëquateur 20
1 63 Zimbabwe 20
1 65 Venezuela 19

1 65 Haïti 19

1 65 Tchad 19
1 65 Burundi 19
1 69 Irak 18
1 70 Turkmenistan 17

1 70 Ouzbekistan 17
1 72 Myanmar (Birmanie) 15

1 73 Soudan 13

1 74 Afghanistan 8
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

0
c
ro
:J
l.')
1 20 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

r:�:-----------------------��::��: -N�;d -------------------r--------------:--------------1


Source : Transparency International IDC 2 0 1 2 .

Trois interrogations subsistent et sont lourdes d e conséquences pour l'avenir : quelle est l'effica­
cité des aides ? Des échanges internationaux ouverts sont-ils Je meilleur gage de dévelop­
pement ? Comment faire pour que la croissance globale n'approfondisse pas les
inégalités ?
Il est vraisemblable que deux forces contraires joueront un rôle déterminant, d'une part les inté­
rêts des firmes mondialisées, d'autre part les exigences d'un développement équitable. Leur
conciliation conditionne l 'atténuation des inégalités de richesses préjudiciables à une cohabitation
harmonieuse au sein de la société internationale.
Comme le soulignait déjà, en 1 999, le secrétaire général de la CNUCED, « si les sociétés transna­
tionales s'attaquent à ce défi, elles contribueront à un processus de mondialisation moins généra­
teur de crise. Sinon le danger existe, non négligeable, que la relation qui s'est établie entre les
grands groupes et les pays d'accueil ne soit soumise à de fortes tensions et ne conduise à une
remise en cause de la libéralisation, facteur essentiel de leur expansion ces dernières décennies ».

Ci] L'interaction avec les questions environnementales


Un autre aspect, étroitement lié à la dialectique richesse/pauvreté, enrichit les relations internatio­
nales. Depuis deux siècles la nature souffre des activités de l'homme. Les recherches sur le fonc­
tionnement de l'environnement de la Terre, système complexe où interagissent toutes les compo­
santes atmosphérique, océanique et biosphérique, n'ont été engagées que dans les années 1 970.
Les progrès réalisés par les scientifiques dans la compréhension des mécanismes et des équilibres
souvent fragiles qui régissent le milieu naturel ont amené les différents acteurs à intégrer, dans
leur réflexion, ce phénomène d'interrelations. Les équilibres écologiques de la planète sont fonda­
mentalement fragilisés. Le constat établi par les responsables politiques du G 7, réunis à Paris le
1 6 juillet 1 989, est exemplaire : « le monde a pris conscience de la nécessité de mieux préserver
l'équilibre écologique, notamment en ce qui concerne les graves menaces pesant sur l'atmosphère
et pouvant entraÎner, à l'avenir, des modifications du climat. La pollution de l'air, des lacs, des
rivières, des océans et des mers ,· les substances dangereuses ; la rapidité de la désertification et
de la déforestation sont autant de sujets d'inquiétude grandissante. Une telle dégradation de
l'environnement met en péril les espèces et compromet le bien-être des individus et des sociétés.
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 121

Il est urgent de prendre des mesures pour comprendre et protéger l'équilibre écologique. . . afin de
préserver nos objectifs économiques et sociaux et de remplir nos obligations envers les générations
futures » .
La notion de patrimoine commun de l'humanité prend ici tout son sens.
Sa protection nécessite une coopération de l'ensemble des acteurs des relations internationales
(États, OIG, ONG, entreprises et individus).
Le problème de l'environnement excède celui de la pauvreté puisque l 'espèce humaine est
concernée. Les membres du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat
(GIEC) estiment que le réchauffement climatique rendra plus difficile à atteindre les Objectifs du
Millénaire dans le domaine du développement durable, comme la réduction de la pauvreté. Néan­
moins le « défi écologique » fait resurgir l'antagonisme Nord-Sud dans un champ nouveau. Le
clivage pays riches/pays pauvres domine les débats environnementaux. Énoncé et théorisé au
Sommet de Rio en 1 992, le développement durable est « un modèle de développement qui
permet de satisfaire les besoins d'une génération, en commençant par ceux des plus démunis,
sans compromettre la possibilité pour les générations suivantes, de satisfaire les leurs » .
En dépit d e nombreuses acceptions sémantiques, il ne l'est donc réellement que si les générations
futures héritent d'un environnement de qualité au moins égal à celui qu'ont reçu les générations
précédentes. En fait les notions de durabilité et d'équité intergénérationnelle impliquent
d'accorder la même importance à un présent concret et à un avenir abstrait. Or comment concilier
les intérêts de pays aux niveaux de développement très différents ?
Lors des grandes conférences internationales tenues en 2002 (Monterrey et Johannesburg), les
PED ont dénié aux pays développés, grands pollueurs de l'écosystème, le droit de leur imposer
des règles contraignantes qui risqueraient de peser fortement sur une croissance déjà faible ou
inexistante.
Cette « globalisation écologique » , par ailleurs inévitable, est assimilée à une ingérence inaccep­
table dans leurs affaires intérieures. Les risques majeurs encourus par l 'environnement passent au
second rang des préoccupations des gouvernants du Sud et même de l'Est ; ils privilégient le déve­
loppement économique, seul capable de réduire le phénomène de pauvreté.
Confrontés au remboursement de la dette, certains PED dilapident leur patrimoine forestier et
favorisent ainsi l'érosion des sols et la désertification.
Une très grande partie des pauvres est des ruraux et leur survie dépend de la productivité de sols
qui se dégradent rapidement.

0
c
ro
:J
l')
1 22 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

De même, les conséquences écologiques de l'accroissement démographique sont préoccupantes.


À terme, la présence de 8 à 9 milliards d'êtres humains entraînera une augmentation des surfaces
cultivables au détriment des forêts et de la diversité biologique.
Les besoins en eau potable s'accroîtront en même temps que la population. Or dix pays se parta­
gent environ 65 % des ressources en eau potable et 1 45 partagent leurs ressources hydriques
avec d'autres Ëtats, ce qui laisse augurer de futurs conflits pour la possession de cette ressource
indispensable à la vie humaine, érigée en droit humain fondamental par l'Assemblée générale
des Nations unies le 28 juillet 20 1 0 (l'étude de la géopolitique de l'eau est édifiante). Pour tenter
de prévenir le risque de conflit, une Convention des Nations unies sur le droit relatif aux cours
d'eau internationaux a été adoptée et définit les mesures de protection et de gestion à mettre en
œuvre sur les cours d'eaux transfrontaliers afin de préserver leur qualité et de limiter les différends
entre nations pour l'accès à la ressource. Cet instrument international n'est pas encore en vigueur
puisque le seuil des 35 ratifications nécessaires n'est pas encore atteint (29, début 201 3). Presque
un milliard de personnes n 'ont pas accès à un point d'eau suffisamment protégé et 1 ,6 million
d'individus meurent de maladies liées à une eau souillée. D'après l'Institut international de
gestion des ressources en eau, le manque pour l'irrigation, s'il se vérifiait, pourrait réduire de
25 % la production céréalière de l'Inde, alors que 53 % des enfants souffrent déjà de
malnutrition.
La question environnementale sera sans conteste centrale dans l'évolution des relations internatio­
nales du XXIe siècle et de nombreux analystes jugent inévitable une double révolution verte
(suffisance alimentaire et respect de l'environnement), qui se heurte encore à une certaine réti­
cence des PED, principalement du Brésil, de la Chine et de l'Inde.
Ces derniers, non assujettis aux objectifs du Protocole de Kyoto entré en vigueur en février 2005,
devront impérativement intégrer les dispositifs de réduction des gaz à effet de serre dans la pers­
pective de l'après Kyoto en 20 1 2 . La seizième conférence sur le climat, qui s'est déroulée à
Cancun en décembre 201 0, a relancé le processus de négociations en adoptant un accord
presque inattendu après l'échec de la quinzième conférence à Copenhague en 2009. Il prévoit la
création d'un Fonds vert pour recueillir les 1 00 mil liards de dollars annuels promis par les pays
riches afin d'aider les pays les plus vulnérables. Il confirme l'objectif de limiter la hausse de la
température moyenne de la planète à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle et crée les fonde­
ments d'un système de vérification des engagements de réduction de gaz carbonique pris par les
Ëtats. Il donne enfin une assise plus solide au programme REDD + (réduction de la déforestation et
de la dégradation des forêts).
Cet accord laisse cependant de nombreuses questions ouvertes comme le mode de financement
du Fonds vert (à titre d'exemples vente aux enchères de quotas d'émission de gaz carbonique,
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 0 - Richesse ou pauvreté ? 1 23

instauration d'une taxe sur le carbone, d'une taxe sur les émissions de gaz du transport interna­
tional aérien et maritime ou bien d'une taxe sur les transactions financières).
De même, il ignore l'insuffisance des objectifs de réduction des gaz à effet de serre à l'horizon
2020 pour ne pas dépasser les 2°C et contourne l'épineux sujet du protocole de Kyoto qui
s'achève fin 20 1 2 (la Russie et le Japon ont annoncé leur intention de ne pas le prolonger
au-delà de 201 2). Sans une nouvelle période d'appli cation, le principal instrument de coopération
Nord-Sud, à savoir le mécanisme de développement propre (MDP), serait menacé. Il permet à des
industriels qui investissent dans des technologies réduisant les émissions de gaz à effet de serre
des pays du Sud de recevoir en contrepartie autant de crédits carbone que de tonnes de C02
économisées. 70 % des projets approuvés par les Nations unies concernent la Chine, l'Inde ou le
Brésil et seulement 2 % l'Afrique.
La 1 8e Conférence sur le climat, qui s'est tenue à Doha en décembre 201 2, a hélas abouti à un
accord a minima, en deçà des enjeux et des attentes.
Si le protocole de Kyoto a été prolongé jusqu'en 2020, sa portée est plus limitée puisque le
Canada, le Japon et la Russie ont décidé de se retirer du processus. L'Union européenne, l'Aus­
tralie et la dizaine d' États qui ont renouvelé leur engagement ne représentent que 1 5 % des émis­
sions de gaz à effet de serre au niveau mondial. C es dernières sont d'environ 50 milliards de
tonnes par an alors que l'objectif adéquat serait de se trouver à 44 milliards de tonnes en 2020.
Cet accord confirme le manque de volonté politique d'agir contre le réchauffement climatique et
laisse dubitatif sur les chances d'aboutir à un accord global en 201 5.
L'économiste britannique Nicolas Stern, dans un rapport publié en novembre 2006, a évalué le
coût économique à 5 500 milliards d'euros si rien n 'est fait pour enrayer l'augmentation des gaz
à effet de serre dans l'atmosphère.
De plus, lors du sommet de la Terre à Johannesburg, les chefs d'État avaient pris l'engagement de
ralentir de manière significative d'ici à 20 1 0 la perte de biodiversité. Le taux actuel d'extinction,
selon les espèces, est 1 00 à 1 000 fois supérieur au taux d'extinction naturel : un mammifère sur
quatre, une espèce d'oiseaux sur huit, un tiers des amphibiens et 70 % des plantes sont
menacés. Une étude publiée en juin 2008 montre que la disparition d'espèces animales et végé­
tales coûte chaque année 6 % du produit national brut mondial soit 2 000 milliards d'euros.
Ainsi la situation s'est fortement détériorée depuis 1 960 ; l'activité humaine dégrade les écosys­
tèmes, plus vite qu'ils ne peuvent se reconstituer, d'environ 30 % .
La dixième conférence sur l a diversité biologique, qui s'est tenue à Nagoya e n octobre 20 1 0, a
adopté un accord certes limité mais significatif. Il repose sur trois volets :
- l'adoption d'un plan stratégique de vingt objectifs, décliné en plans nationaux, visant à freiner le
rythme de disparition des espèces à l'horizon 2020 ;
0
c
ro
:J
l')
1 24 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

- le principe d'engagements financiers, basée sur le volontariat et des mécanismes innovants ;


- l'adoption d'un protocole sur l'accès et le partage des avantages (APA) tirés de l 'exploitation des
ressources génétiques (application aux savoirs traditionnels issus de l'utilisation de ces
ressources) et affectés en priorité à la préservation de la biodiversité.
De plus, les Ëtats parties ont décidé de créer un organisme, sur le modèle du GIEC, pour mener à
bien des études sur les menaces pesant sur la biodiversité et les solutions concevables pour y
remédier.

0
c
ro
:J
l.')
,

L 'Eta t, acteur
marginalisé ?
L'opposition de la souveraineté étatique et du droit d'ingérence constitue l'un des
enjeux principaux des relations internationales du prochain siècle.
La société internationale devra tenter de concilier le maintien d'un cadre étatique
réaménagé et le respect des droits de l'homme. Si des tentatives de théorisation
sont déjà formulées, les prémices pratiques au Kosovo, au Timor oriental et en
Irak sont peu convaincantes. De plus, de nombreux États, fragilisés par des
menaces multiples, relèvent leur impuissance devant le développement de flux
mafieux. Toutefos i le « dépérissement » de l'État dans la sphère internationale
n 'est pas imminent.

[!] La difficile coexistence de deux conceptions


de la souveraineté

Un éditorialiste du journal Le Monde dénonçait en 1 999 le danger d'une nouvelle fracture


Nord-Sud. Cette ligne de faille, perceptible depuis plusieurs années, sépare globalement les pays
riches « occidentaux » (mais qu'est-ce que l'Occident ?) et les pays pauvres. Les premiers défen­
dent un droit d'intervention humanitaire de l'ONU, attentatoire à la souveraineté des Ëtats. Les
seconds contestent une évolution qualifiée d'ingérence dans les affaires intérieures des Ëtats.
Deux conceptions de la souveraineté externe s'opposent : la conception absolutiste, une, indivi­
sible, imprescriptible et inaliénable qui ne tolère aucune entorse ou exception à un principe inscrit
dans la Charte, et la conception relativiste, plurielle, divisible et aliénable en fonction des
domaines ou des intérêts concernés. Les uns évoquent une impérieuse obligation morale d'inter­
vention pour prévenir ou sanctionner les crimes perpétrés contre l'humanité ou les crimes de
guerre, les autres y voient une manifestation néocolonialiste dirigée contre des pays politiquement
faibles et économiquement pauvres. Ces deux approches ont chacune leurs mérites. Les
0
c
ro
:J
l')
1 26 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

« interventionnistes » seraient renforcés dans leur démarche si l'impératif moral invoqué n'était
pas à géométrie variable, autrement dit si le droit d'ingérence s'appliquait également au Tibet, en
Afrique ou au Caucase. Les « souverainistes » ne pourront pas indéfiniment occulter l'exigence
pressante de protection de populations civiles menacées de massacres, étape obligée vers un
règlement pacifique des différends.
Comme le souligne Mario Bettati, « il est acquis. . . que le droit d'ingérence est aujourd'hui un droit
dont jouissent les Nations unies et qu'elles peuvent déclencher des opérations. Il se trouve qu'elles
ne l'exercent pas toujours » .
Cette sélectivité répond à une stratégie concertée des grandes puissances et principalement des
Ëtats-Unis. Dans son discours d'investiture, prononcé le 20 janvier 1 993, le président Clinton affir­
mait que « si nos intérêts vitaux sont menacés ou si la volonté et la conscience de la communauté
internationale sont mises au défi, nous agirons, par des moyens pacifiques si c'est possible, par la
force si c'est nécessaire » . Or la tentation est parfois grande pour les Ëtats-Unis de pratiquer l 'uni­
latéralisme et la confusion de leurs intérêts propres avec ceux de la société internationale. Il est
tout autant vrai que, sans la puissance militaire américaine, l 'application des résolutions de l'ONU
serait sans doute plus incertaine qu'elle ne l'est. Comme le souligne Jacques Lévy, « il y a dans les
propos de Bill Clinton une double dimension, celle de la nature du mobile (intérêts ou éthique) et
celle de l'échelle de la réponse (nationale ou mondiale). La conciliation dans les démocraties est
difficile d'autant plus qu'il appartient à des responsables politiques étatiques ou interétatiques,
comme le secrétaire général des Nations unies, de mettre en œuvre des actions et des institutions,
à terme, déstabilisatrices des pouvoirs nationaux » .

[IJ La défense des droits de l'homme


Issus des théories du droit naturel et du contrat social, les droits de l'homme apparaissent solen­
nellement en droit en 1 789. Ils se développent tant sur le plan national que sur le plan interna­
tional. Leur contenu s'est transformé : aux droits ind ividuels se sont ajoutés les droits collectifs. Le
passage de droits absolus aux d roits subjectifs illustre le passage de l'homme isolé et abstrait à
l'homme situé. Depuis les années 1 970, une troisième génération, les droits de solidarité, s'est
imposée sous l'influence des PED (droit au développement, droit à la paix, droit à un environne­
ment sain et droit à la liberté culturelle de chacun, groupes ou individus).
Les droits de l'homme sont « un ensemble de droits qui conditionnent à la fois la liberté de
l'homme, sa dignité et l'épanouissement de sa personnalité en tendant vers un idéal sans cesse
inassouvi ». Ils ne recouvrent pas la même réalité en fonction des valeurs auxquelles se rattachent
ceux qui s'y réfèrent (libéralisme, communisme, islamisme . . . ). Enjeu des relations internationales, le
0
c
ro
:J
l.')
C HAPITRE 1 1 - L'État, acteur marginalisé ? 1 27

débat sur l'universalité des droits de l 'homme a opposé, lors de la seconde conférence mondiale
en 1 993 à Vienne, les pays occidentaux à certains pays, principalement asiatiques. Pour l'Occident,
les droits de l'homme sont indissociables et universels. Inhérents à la personne humaine, leur viola­
tion par un Ëtat concerne tous les membres de la société internationale, nonobstant les environne­
ments historiques, culturels, ethniques ou religieux.
Pour la plupart des pays asiatiques, bien que le relativisme culturel ne puisse justifier la dilution des
normes et obligations universelles, l'universalisme des droits de l'homme doit être fondé sur une
approche plurielle des modes d'interprétation qui reconnaisse les vertus du pluralisme et de l'alté­
rité dans le domaine j u ridique et politique.
La réalisation des principes fixés par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1 948 et
par les Pactes de 1 966, adoptés sous l'égide des Nations unies, ne peut se faire, à terme, que
par le développement économique générateur de justice sociale et de démocratisation. En effet sa
promotion peut aider dans le temps au respect graduel des droits de l'homme. Les exemples
de Taiwan et de la Corée du Sud sont significatifs car la réussite de l 'économie de marché, dans
ces Ëtats nouvellement industrialisés, a engendré une prise de conscience des gouvernants qui
ont compris que le maintien d'un régime politique autoritaire ne serait plus systématiquement
compatible avec la poursuite de leur développement économique. La proclamation internationale
de droits universels est nécessaire, elle n'est pas suffisante. Il faut prévoir un système effectif de
sanction des atteintes à ces droits reconnus.

• Une protection universelle insuffisante


En l'état actuel du droit, les textes adoptés ne sont pas assortis de mécanismes de contrôle effi­
caces. Le Comité des droits de l'homme de l'ONU, institué par le pacte relatif aux droits civils et
politiques, ne dispose que d'un pouvoir de recommandation, voire dans certaines hypothèses de
simple constatation. La politisation des débats rend difficile l'examen objectif des violations et la
sélectivité dans le choix des États mis en cause est évidente. Les solidarités idéologiques, politiques
ou économiques jouent pleinement et évitent souvent une condamnation. Si la protection univer­
selle est encore imparfaite, les garanties régionales semblent plus efficaces.

• Une protection régionale plus efficiente


Trois raisons essentielles expliquent l'effectivité de cette protection régionale, notamment sur le
continent européen. La première réside dans la tradition historique de valeurs communes unissant
les Ëtats en matière de droits de l'homme. La deuxième tient à la perte d'autorité d'un Ëtat, liée à
une mise à l'écart de la communauté des États représentés. La troisième consiste à l'établissement
0
c
ro
:J
l')
1 28 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

d'un contrôle j u ridictionnel des actes étatiques, qui plus est éventuellement sur l'initiative des indi­
vidus (Cour européenne des droits de l'homme).
Comme nous l'avons précédemment évoqué, le droit international, pour les crimes les plus graves,
a évolué dans une double direction : d'une part, la définition des infractions internationales,
d'autre part l'établissement d'une justice pénale internationale. Des travaux de codification ont
été entrepris et ont partiellement abouti. Les trois j u ridictions internationales (les deux tribunaux
ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda et la Cour pénale internationale) sont habilitées à
juger les quatre mêmes catégories de crimes (paix, guerre, humanité et génocide). Ces crimes
sont spécifiques puisque au-delà de l'atteinte à des individus, ils portent atteinte au concept
même d'humanité. Le génocide se différencie des autres crimes par l'élément intentionnel qui le
caractérise, du point de vue j u ridique, sa spécificité réside bien dans l'intention de détruire un
groupe en tant que tel. Le premier jugement, rendu le 2 septembre 1 998 par le tribunal interna­
tional pour le Rwanda dans l 'affaire Akayesu, a confirmé bon nombre d'opinions doctrinales sur la
définition du génocide. Il peut y avoir génocide même si la totalité du groupe visé n'est pas exter­
minée ; un accusé peut être condamné pour génocide même s'il n'a pas personnellement tué des
membres du groupe. De plus, les viols et violences sexuelles, particulièrement nombreux au
Rwanda et en Bosnie-Herzégovine, ont été inclus dans la définition alors qu'ils ne figurent pas
dans l'article 2 de la Convention sur le génocide de 1 948.
La responsabilité des gouvernants n'est pas occultée, elle est prévue à l'article 4 de la Convention
et à l'article 24 du statut de la Cour pénale internationale. Le procureur du tribunal pour
l'ex-Yougoslavie, en pleine guerre du Kosovo, n'a pas hésité à inculper, le 22 mai 1 999, le prési­
dent yougoslave Milosevic et quatre hauts dirigeants de la Fédération de crimes contre l'humanité.
De même l'arrestation et le transfert à La Haye en 2008 et en 201 1 des anciens responsables
suprêmes des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, démontrent que l'impunité
totale n'est plus assurée. Plusieurs anciens dirigeants ont été jugés ou sont sur le point de l'être
(le Libérien Charles Taylor, le Tchadien Hissene Habré, certains dirigeants Khmers rouges . . . ). La
mondialisation juridique de la répression des violations les plus graves des droits de l'homme
est-elle enfin traduite dans les faits ?
Il faut être prudent. Si l'évolution actuelle représente un progrès certain (se référer à la Résolution
1 757 du Conseil de Sécurité créant un tribunal international chargé de juger les responsables de
l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Hariri), il ne faut pas s'attendre à une judiciarisa­
tion rapide de la vie internationale. Le combat mené par les États-Unis contre la Cour pénale inter­
nationale (signature d'accords bilatéraux excluant toute extradition de citoyens américains) l'abro­
gation partielle de la loi belge de compétence universelle ou l'impunité dont bénéficient encore
certains anciens chefs d'État tortionnaires (l'éthiopien Mengistu) illustrent parfaitement cette
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 1 - L' État, acteur marginalisé ? 129

méfiance à l'égard d'une telle justice. L'arrêt de la Cour internationale de justice du 26 février
2007 dans l'affaire Bosnie/Serbie Montenegro ne lève pas réellement cette ambiguïté.

[IJ Une tentative de théorisation de l'ingérence : les rapports


Axworthy et Evans/Sahnoun

Deux documents informels, les Rapports Axworthy (du nom du ministre canadien des Affaires
étrangères) sur La sécurité humaine : la sécurité des individus dans un monde en mutation, et
Evans/Sahnoun (respectivement australien et algérien) sur Une responsabilité de protéger se
proposent de définir dans les faits (Axworthy) ou dans le droit (Evans/Sahnoun) de nouvelles
normes des relations internationales établissant les droits et les obligations dans le cadre des
actions humanitaires. « La nature changeante des conflits violents et l'intensification de la mondia­
lisation, placent de plus en plus l'individu au cœur des affaires mondiales. . . La sécurité de l'individu
devient un nouvel étalon de mesure de la sécurité mondiale et imprime une nouvelle impulsion à
l'action internationale (Axworthy) » .
Ce rapport part de deux constatations paradoxales :
- la mondialisation, si elle procure de nombreux avantages, s'accompagne d'une recrudescence
de crimes avec violence, trafic de stupéfiants, terrorisme, propagation des maladies et dégrada­
tion de l'environnement. Ce constat dément le postulat selon lequel la sécurité des individus
découle de la sécurité des États ;
- plus les instruments de guerre tendent à se sophistiquer, plus les principales victimes des conflits
armés sont les populations civiles comme l'a démontré le récent conflit du Kosovo. Ainsi, selon
M . Axworthy, la sécurité nationale ne suffit pas à assurer la sécurité de la population. Une
nouvelle approche s'avère indispensable. Les Traités, interdisant l'emploi des mines antiperson­
nelles et créant une Cour pénale internationale, procèdent de cette approche de la sécurité
axée sur les individus qui transcende les frontières des États et ne fait plus de la souveraineté
nationale le pilier des relations internationales. Pour promouvoir la sécurité humaine, il faut
accepter le principe du recours à des mesures coercitives, y compris des interventions militaires
ou l'imposition de sanctions économiques globales à des régimes non démocratiques. Aux
États d'initier le mouvement par l'élaboration de politiques étrangères axées sur les individus et
non plus seulement sur les intérêts nationaux en y associant les organisations multilatérales, les
groupes de la société civile, les ONG et le milieu des affaires.
Le rapporteur préconise même un régime international de sanctions contre les multinationales qui
financent ou tirent profit des conflits. Il reconnaît que la raison d'État et le devoir d'ingérence
humanitaire coexistent difficilement. De plus, les États-Unis, notamment, conservent des
0
c
ro
:J
l.')
1 30 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

habitudes de grande puissance, comme le prouve son refus de signer le traité instituant la CPI
ou celui prohibant les essais nucléaires.
Il est également plus facile de proposer une ingérence internationale pour protéger les populations
civiles en Angola, au Kosovo ou en Sierra Leone qu'en Tchétchénie ou au Tibet.
Cependant, plus s'affirme l'urgence de la protection des individus dans les conflits modernes, plus
les notions de souveraineté nationale et d'ingérence humanitaire entrent dans un processus de
tension dynamique. Selon M. Axworthy, pour que la sécurité humaine prime progressivement
sur le droit des Ëtats, il faut réformer étape par étape les institutions internationales, principale­
ment le Conseil de sécurité afin qu'il établisse les normes définissant l'espace et les limites du
droit à l'ingérence, autrement dit les hypothèses où la souveraineté perd sa légitimité .
Le Rapport Evans/Sahnoun prône également une forme de droit d'ingérence et propose un droit
d'intervention des Nations unies dans tout Ëtat coupable de crimes graves et répétés contre ses
propres citoyens, dénommé responsabilité de protéger.
Ces documents constituent l'une des premières tentatives pour théoriser la limitation de la souve­
raineté nationale au profit du droit d'ingérence h u manitaire. Il faut toutefois faire preuve de vigi­
lance lorsque le droit d'ingérence est évoqué pou r justifier une guerre préventive car le droit
humanitaire fournit alors un alibi ambigu à l 'exercice d'une politique de puissance (Irak en 2003
ou Géorgie en 2008).

[±] Des prémices pratiques : le parallèle Kosovo/Timor


orientalllrak/Ciéorgie/Libye/Mali

L'intervention de l'OTAN au Kosovo (mars-juin 1 999), décidée au nom du respect des droits de
l'homme, marque le passage de la théorie à la pratique. Cette organisation de défense collective
est intervenue alors qu'aucun de ses Ëtats membres n'était menacé par la République fédérale
de Yougoslavie. La politique d'épuration ethnique et de transferts forcés de populations a justifié
le bombardement de sites militaires ou d'infrastructures civiles. Le conflit du Kosovo, que certains
commentateurs ont érigé en précédent, suscite quelques interrogations et réflexions. L'inter­
vention est-elle désormais la règle ou l'exception ? Il semble que le Kosovo constitue un cas
atypique. L'ingérence, selon Zbigniew Brzezinski, n'est envisageable que dans les régions du
monde où les voisins se sentent concernés. Voulue par les Européens, essentiellement la France,
l'Allemagne et la Grande-Bretagne et exécutée principalement par les Ëtats-Unis, cette guerre
non déclarée visait avant tout à libérer une province à fort particularisme local d'un régime
central oppressif, sans interférences économique ou stratégique. Ce consensus « atlantique » n'a
pas été partagé par tous les Ëtats dans le monde. Aux laudateurs des progrès du droit
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 1 - L' État, acteur marginalisé ? 131

international, côté occidental, correspondent, côté PED, les critiques à l'égard d'une régression
néo-coloniale. Le fait que l'OTAN se soit substituée à l'ONU a été mal perçu par des pays soucieux
de leur souveraineté et peu disposés à abandonner le dogme de la non-intervention dans les
affaires intérieures d'un État. Plusieurs pays d'Asie, multinationaux ou pluriethniques, privilégient
l'unité nationale et s'inquiètent de l'indépendance unilatérale de Kosovo. Le sort réservé aux
minorités ethniques, dans bon nombre de ces États, leur fait craindre la force d'un précédent,
applicable sur le continent asiatique. Cela explique aussi pourquoi la Chine et les ex-républiques
soviétiques d'Asie centrale, réunies au sein du Groupe de Shanghai, ont refusé de soutenir l'inter­
vention russe en Géorgie en août 2008.
Les propos du président Clinton pouvaient leur faire redouter le pire : « Que vous viviez en
Afrique, en Europe centrale où n 'importe où ailleurs dans le monde, si quelqu'un veut commettre
des crimes de masse contre une population civile innocente, il doit savoir, que dans la mesure de
nos possibilités, nous l'en empêcherons » .
Le parallèle avec le Timor oriental est édifiant. En septembre 1 999, l e porte-parole d u Départe­
ment d'État américain, James Rubin, déclarait que le Timor n'était pas le Kosovo. L'appréciation
des situations est différente alors que, sur le fond, les exactions contre des populations minori­
taires sont identiques. Comment expliquer ces différences de perception ? Au Kosovo, l'inter­
vention visait, entre autres objectifs, à donner à l'OTAN une légitimité nouvelle « hors zone » (en
dehors de la zone géographique des Alliés) et à la doter d'un nouveau concept stratégique. Consi­
dérée déjà comme responsable du conflit bosniaque, la Serbie de M. Milosevic représentait un
facteur de déstabilisation régionale qu'Américains et Européens ne pouvaient plus tolérer. Au
Timor, ces considérations étaient inopérantes puisque la plupart des pays asiatiques étaient réti­
cents à l'envoi d'une force multinationale sous commandement australien, l'Asie ne disposant
pas d'une organisation de sécurité collective comparable à l'OTAN. Quel paradoxe ! Au Kosovo,
une organisation régionale intervient sur le territoire d'un État souverain et reconnu comme tel
par la société internationale, sans son autorisation. L'ONU est marginalisée et n'intervient qu'à la
fin du processus par le vote de la Résolution du Conseil de Sécurité 1 244 du 1 0 juin 1 999, fixant
les détails du plan de paix qui maintient la fiction juridique de l'intégrité territoriale serbe.
Au Timor oriental, l'ONU retrouve le rôle principal et conditionne son intervention, par le biais
d'une force multinationale dirigée par l 'Australie, pays ayant reconnu l'annexion de ce territoire
dès 1 978, à l'accord de l'Indonésie alors que cette même organisation mondiale n'a jamais
reconnu l'annexion du Timor-Est. Le paradoxe n'est qu'apparent. Malgré une suspension provi­
soire de l 'aide internationale, les considérations géopolitiques et géostratégiques l'ont emporté
au Timor oriental. L'Indonésie est un pays indispensable à la stabilité de la zone sur les plans
démographique, militaire et stratégique (il ne faut pas oublier qu'elle contrôle plusieurs détroits
par lesquels transite une part importante du commerce mondial).
0
c
ro
:J
l')
1 32 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

Cet Ëtat, depuis la guerre froide, est un allié fidèle des Ëtats-Unis qui ne sont pas insensibles aux
risques de désagrégation d'un archipel de 245 millions d'habitants.
En 2003, l'ONU ne donne pas son aval à l 'entrée en guerre contre l'Irak et le précédent moral
invoqué en fin de processus par les Ëtats-Unis, qui se référaient au devoir d'ingérence pour
renverser le régime irakien, peut paraître spécieux. Au-delà de l'aspect j u ridique, à la différence
des exemples kosovar et timorais, l'intervention en I rak comportait des risques réels de déstabilisa­
tion aggravés par l'absence d'un projet consensuel de sortie de crise élaboré par la société interna­
tionale. Malgré la mise en place d'un gouvernement intérimaire reconnu par l'ONU dans la Réso­
lution 1 546 du 8 juin 2004 du Conseil de Sécurité puis la tenue d'élections démocratiques,
l'établissement d'un gouvernement d'unité nationale ainsi que l'exécution de Saddam Hussein et
des principaux dirigeants baasistes de l'ancien régime, les actes de violence n'ont pas cessé
depuis 2005. Un accord a été signé par les Ëtats-Unis et l'Irak en novembre 2008. Il prévoit un
calendrier de retrait des troupes américaines des centres urbains au 30 juin 2009, leur regroupe­
ment dans une soixantaine de bases avant un retrait définitif du pays au 3 1 décembre 201 1 .
Sans faire preuve d'un pessimisme déplacé, on ne peut que souscrire au constat établi par Thierry
de Montbrial lorsqu'il affirme que « la conduite de la politique internationale reste dominée par
des calculs d'intérêt où la justice et la morale n 'occupent au mieux qu 'une place restreinte ».
La crise géorgienne de l'été 2008 confirme ce constat. Prenant prétexte d'une opération armée
géorgienne en vue de reconquérir une souveraineté effective sur l'Abkhazie et I'Ossétie du Sud,
maintenues lors de l'indépendance au sein du nouvel État géorgien en 1 99 1 , conformément à la
volonté de Boris Eltsine de le faire dans le cadre des frontières de l'ex-Union soviétique, la Russie a
procédé à une intervention militaire en août 2008. Elle a rejeté toute intervention des Nations
unies et sous couvert de reconnaissance de l'indépendance de ces deux entités territoriales, elle
procède de fait à une annexion de facto de ces régions séparatistes. Cette intervention russe
répond à un double objectif : d'une part conserver le leadership dans le Caucase et ainsi envoyer
un message de fermeté aux anciennes républiques de l'URSS, parfois moins coopératives que par
le passé ; d'autre part, faire payer aux Occidentaux leur soutien à l'indépendance unilatérale du
Kosovo au prix de contorsions j u ridiques quant à la conformité de leur décision avec la résolution
1 244 précitée. Vladimir Poutine l'avait dénoncée non comme un cas sui generis mais comme un
précédent fâcheux pouvant faire j u risprudence. Pour des raisons politiques, l'indépendance du
Kosovo est apparue comme la moins mauvaise des solutions. En réalité le parallèle entre le
Kosovo et la Géorgie met en lumière deux conceptions antagonistes des relations internationales.
D'un côté, la volonté occidentale, parfois hypocrite, de surpasser la contradiction entre le principe
d'intégrité territoriale et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; d'un autre côté la volonté
russe de dépasser les antagonismes ethniques par le retour à la politique de puissance basée sur
le fait accompli par l'usage de la force.
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 1 - L' État, acteur marginalisé ? 1 33

L'intervention en Libye en 201 1 est la première à se fonder sur le principe de la responsabilité de


protéger, théorisée dix ans plus tôt et approuvée en 2005 par un vote unanime de l'Assemblée
générale des Nations unies. En n'opposant pas leur veto au Conseil de sécurité lors de l'adoption
de la résolution 1 973 du 26 février 201 1 , la Russie et la Chine poursuivaient plusieurs objectifs
(isolement sur la scène internationale, enjeux pétroliers et stratégiques ou promotion d'une image
plus lisse) et estimaient que la mesure principale prévue dans la résolution (zone d'exclusion
aérienne autour de Benghazi en vue de la protection des populations civiles) n'autorisait pas une
intervention plus large destinée à abattre le régime en place. Cependant le paragraphe 4 du texte
prévoyait l'usage de « tous les moyens nécessaires pour protéger les civils face à la menace
d'attaques » et le maintien au pouvoir du colonel Kadhafi constituait en soi une menace
permanente.
Cette « mésaventure » j u ridique explique, l'opposition résolue des C h i nois et surtout des Russes à
toute résolution contraignante pour leur allié syrien Bachar el-Assad malgré les 60 000 morts,
majoritairement civils, que ce conflit armé a fait depuis son déclenchement.
La question de l'ingérence militaire se poserait avec acuité en cas d'emploi d'armes chimiques par
les autorités syriennes.
En fait, la légalité internationale repose le plus souvent sur des considérations d'ordre politique et
non sur des considérations j u ridiques. L'intervention française au Mali en janvier 201 3 illustre le
bien-fondé de cette affirmation. Le président François Hollande avait affirmé en août 201 2 que la
France ne participerait à des opérations de protection des populations qu'en vertu du mandat du
Conseil de sécurité. Or la France est intervenue mil itairement sur le territoire malien, certes à la
demande du président de la République du Mali, mais sans mandat explicite du Conseil de sécu­
rité, la résolution 2085 du 20 décembre 20 1 2 n'autorisant que le déploiement d'un contingent
africain.
En fin de compte, les grandes puissances s'affranchissent du strict cadre onusien lorsque leurs
intérêts politiques, économiques ou stratégiques prévalent.

� Les limitations au principe de la souveraineté : l'État


cc inconfortable ,,

Ces limitations se sont multipliées. Les États-nations sont, pour reprendre l'expression de Bùi Xuân
Quang, des États inconfortables, fragilisés par un double phénomène. Par le haut, les échanges de
marchandises, de capitaux et d'informations font fi de la géographie, les unions régionales se
voient reconnaître des compétences exclusives et le droit international commence prudemment à
reconsidérer le dogme de la souveraineté étatique (phénomène d'intégration transnationale). Par
0
c
ro
:J
l')
1 34 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

le bas, les revendications de populations se font jour soit pour une plus grande autonomie dans le
cadre d'une large décentralisation, soit pour défendre leur droit à l'autodétermination. De
nombreuses collectivités locales disposent désormais des mêmes instruments que les Ëtats pour
s'informer et emprunter sur les marchés financiers. A l'inverse les recettes fiscales étatiques ont
diminué dans de nombreux pays en raison de la possibilité reconnue aux entreprises de déloca­
liser, totalement ou partiellement leurs activités dans des zones à faible imposition (phénomène
de fragmentation subnationale).
De plus, la lutte contre les dérives mafieuses s'annonce délicate. La volonté de captation des
richesses naturelles au profit d'affidés et l'essor de groupes mafieux contrôlant divers trafics confir­
ment plus qu'ils ne révèlent la dégradation du système politique successeur d'un Ëtat soviétique. A
un Ëtat tyrannique, podagre et tout-puissant non exempt lui-même, d'impéritie, d'improductivité
et de concussion, s'est substitué un Ëtat apparemment dominateur. Si les événements de Beslan
en septembre 2004 ont favorisé une dérive autocratique (nomination des gouverneurs régionaux,
Parlement et justice aux ordres, opposition muselée), I'Ëtat se montre souvent inefficace et miné
par la corruption.
L'Ëtat dans le monde traverse une crise. La Colombie fournit un autre exemple de société
gangrenée par des groupes criminels. L'Ëtat colombien est confronté à deux phénomènes qui se
renforcent mutuellement, la guérilla communiste et les trafiquants de drogue. En Albanie, le
marxisme-léninisme à peine abandonné, la société a retrouvé sa segmentarisation multiséculaire
en clans nordistes et sudistes.
Dans une vision plus large, il semble que le xxe siècle aura été, à la fois, celui de l'hypertrophie de
I'Ëtat et celui de son « déclin » . Certes il n'y a pas de commune mesure entre les théories de I'Ëtat
modeste et la réalité des Ëtats fantoches que submergent les mafias. De plus, il ne faut pas mettre
sur le même plan la globalisation économique qui transcende les frontières nationales et les souve­
rainetés étatiques et la tendance à l 'internationalisation des réseaux criminels et terroristes. Depuis
le Sommet de l'Arche, à Paris, en juillet 1 989, où les chefs d'Ëtat et de gouvernement s'enga­
geaient à renforcer la coopération pour lutter contre « l'argent sale » , les mafias du crime n'ont
cessé de prospérer.
Le Crime organisé transnational (COT) représentait en 201 1 , 7 1 3 milliards d'euros issus des trafics
sur les êtres humains, de stupéfiants et d'armes légères et constitue, selon l'ONU, une menace
globale pour la stabilité internationale. Ce chiffre d 'affaires annuel se surajoute à une masse
considérable de capitaux dont l'ampleur semble de nature à déstabiliser le système financier
mondial. Ce phénomène du blanchiment est devenu un enjeu économique qu'il faut maîtriser.
Ces opérations bénéficient des nouvelles technologies (portefeuille et courrier électroniques) qui

0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 1 - L' État, acteur marginalisé ? 1 35

facilitent les transferts anonymes. Chaque marché constitue un instrument potentiel de recyclage,
y compris les acquisitions d'entreprises.
Le FMI constate que le blanchiment de l'argent sale répartit ses capitaux autour du monde, non
pas en fonction d'un taux de rentabilité mais selon la facilité à éviter les contrôles nationaux. Ces
flux financiers, qui entrent et sortent en dehors de toute rationalité économique, déstabilisent de
nombreux États, que ce soient les paradis fiscaux répertoriés ou à l'inverse la Russie ou la
Colombie. Selon l'OCDE, les fonds placés par les entreprises des pays du G 7 dans ces paradis
avoisinent les 370 milliards de dollars (le total des dépôts est, selon des estimations fiables,
d'environ 1 2 000 milliards de dollars). Ces paradis ont en commun une taxation faible ou nulle
pour les non-résidents, un fort secret bancaire et des procédures d'enregistrement souples pour
les sociétés (plus de 400 banques et deux millions de sociétés-écrans). Ils font courir un risque
systémique mondial .
Créé e n 1 989, à l'initiative d u G 7 , le Groupe d'action financière sur l e blanchiment des capitaux
(GAFI) qui réunit les pays de l'OCDE ainsi que la Commission européenne et le Conseil de coopé­
ration du Golfe, désire lutter contre « le côté obscur de la mondialisation » . Il a adopté en
juin 2003 une série de quarante mesures permettant d'améliorer son dispositif de surveillance
des circuits d'argent sale et de financement du terrorisme. Les résultats obtenus ne sont pas
toujours probants et en 2 0 1 4, les experts estiment que l'argent sale dépassera en volume ce
qu'était le PNB américain en 1 997 !
Toutefois, la crise de 2008, sans doute une opportunité historique, rend nécessaire une régulation
du système financier international et un accroissement de la transparence. En effet, on doit se
rendre compte que la législation de certains États permet l'inexistence de publication des
comptes, d'obligation de tenir un registre des actionnaires, d'avoir un minimum de capital social,
voire d'en avoir un tout court, d'aviser le registre du commerce sur les modifications des statuts,
etc. La plupart de ces sociétés n'existent pas, sont fictives et servent à contourner une obligation,
voire à commettre une infraction.
Le blanchiment progresse en dépit d'une vigilance internationale accrue. L'OCDE distingue en
effet au sein de sa liste les pays coopératifs parmi lesquels figurent les paradis bancaires euro­
péens à fort secret bancaire (Suisse, Luxembourg, Belgique et Autriche) des pays non coopératifs
qui n'étaient plus que deux en 201 0 (Costa Rica et Labuan en Malaisie). Quant aux rares territoires
figurant sur la liste grise, ils ne pèsent que 0,25 % d u marché mondial de la finance off shore. Or,
empêcher les j u ridictions non coopératives de menacer le système financier mondial, tel que prévu
dans les déclarations d'intention adoptées lors des sommets du G 20, reste un objectif difficile à
atteindre en raison du traitement inégalitaire entre États. En dépit de plus de 700 accords bilaté­
raux d'échanges d'informations fiscales conclus depuis 2008, des paradis fiscaux perdurent,
0
c
ro
:J
l')
1 36 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

parfois au sein même du territoire d'Ëtats membres du G 20 ! L'action conjuguée des différents
acteurs nationaux et internationaux, permettra-t-elle de mettre en place un système d'évaluation
coercitive permanente ? Le doute est permis.
Cependant, la globalisation et l'internationalisation des activités mafieuses forment, l'une et
l'autre, les deux faces d'un monde où les Ëtats peinent à rester les acteurs principaux, sinon exclu­
sifs, des relations internationales.
Ainsi à l 'extérieur, le concert des nations est devenu discordant et à l'intérieur des Ëtats, les déci­
deurs cherchent le point d'équilibre que Paul Valéry voyait toujours s'échapper en remarquant que
« l'État, trop fort, nous écrase, mais que, trop faible, il nous manque » .
Comme l e fait remarquer justement Joseph S . Nye, l a tendance a u désengagement étatique,
cause et conséquence de la mondialisation, n'est pas, dans l'absolu, irréversible. Comme je l'indi­
quais dans la première édition de cet Essentiel en janvier 2000, nul ne pouvait exclure un retour
en grâce de I'Ëtat si la situation mondiale évoluait vers le désordre sous l 'effet de récessions
économiques, d 'actes terroristes, de dégradation accélérée de l'environnement ou de tout autre
événement imprévu. Les attentats du 1 1 septembre 2001 et les crises financières systémiques ont
prouvé que les véritables acteurs publics restent les pouvoirs étatiques nationaux dotés de vraies
monnaies convertibles et d'institutions j u ridiques solides. La gestion de la crise financière et écono­
mique actuelle en est l'illustration la plus éclatante. La globalisation n'implique pas le retrait de
I'Ëtat mais réclame son renforcement, voire sa construction. Le Rapport 2005 sur la gouvernance
mondiale de la Banque mondiale apporte un éclairage intéressant. La bonne gouvernance
débouche sur des conditions de vie meilleures et sur une réduction renforcée de la pauvreté.
L'amélioration des droits, l'efficacité de l'Administration, la lutte contre la corruption ou le respect
des contrats donnent des résultats encourageants en six ou huit ans.
La Banque mondiale qui, il y a quinze ans, prônait la libéralisation et les privatisations chères à
Milton Friedman, privilégie la bonne gouvernance. Elle comprend qu'un Ëtat efficace doté d'insti­
tutions pérennes et respectées permet à terme de multiplier par deux ou trois le PIB par habitant
d'un PED.
Toutefois si certains pays ont progressé, d'autres stagnent.
La société internationale se caractérisera donc toujours par son extrême complexité et sa fragilité.
Elle conservera, à terme, un caractère hétérogène en raison de la diversité géographique, cultu­
relle, religieuse, politique et économique de ses composantes. Comme le souligne l'économiste
Nicolas Baverez, le monde multipolaire en gestation « ne deviendra pas spontanément stable et
pacifique » . A l'aube du troisième millénaire, nous vivons une période intermédiaire où le temps
de l'hégémonie occidentale, et plus particulièrement américaine, s'estompe alors que celui des
pays émergents se profile (52 % de la production industrielle, 80 % des réserves de change et
0
c
ro
:J
l')
C HAPITRE 1 1 - L' État, acteur marginalisé ? 1 37

42 % de la capitalisation boursière mondiale). Le nouveau paradigme s'établit donc entre pays


développés et pays émergents en concurrence pour une gestion plus efficace du capitalisme.
Toutefois, les Ëtats-Unis demeurent et demeureront encore à long terme l'unique superpuissance,
certes capable d'intervenir sur l'ensemble de la planète mais sans pour autant en avoir la volonté
ou la capacité de gestion. En dépit de l'accumulation des déficits et de la dévaluation du dollar, ils
n'en disposent pas moins de nombreux atouts démographiques, intellectuels, scientifiques et tech­
nologiques qui devraient leur permettre de retrouver une croissance forte.
La Russie, en dépit d'une rhétorique menaçante à usage interne, est devenue une puissance
souvent résiduelle et nostalgique de la gloire passée de l'URSS, incapable d'empêcher certaines
actions occidentales. La lutte d'influence avec les Ëtats-Unis dans les anciennes républiques de
l'URSS (Ëtats baltes ou du Caucase) est significative. L'accession du Kosovo à l'indépendance, en
dépit de l'opposition de la Russie, en est une nouvelle démonstration.
L'Europe se construit difficilement mais demeure encore inopérante dans bien des domaines,
notamment la politique de défense commune. L'an née 20 1 2 a accentué la perte d'influence du
Vieux continent et l'Union européenne apparaît divisée entre trois pôles économiques divergents ;
l'Allemagne et les Ëtats qui ont adopté son modèle renouent avec la croissance, même faible ; les
pays intermédiaires fragilisés par la crise et sous la menace des marchés (Espagne, Italie et voire la
France) et enfin les pays fortement endettés et déficitaires en voie d'implosion (Grèce, Irlande et
Portugal). L'Union européenne sera-t-elle capable de relever le défi d'un nouveau modèle écono­
mique et social ?
L'Asie, zone potentielle de conflictualité, se cherche. La montée en puissance de la C hine perturbe
les équilibres mondiaux : hausse des cours des matières premières et de l'énergie, hausse des
exportations vers les pays développés entraînant des pertes d'emplois, nouvelle donne stratégique
et rivalités sino-japonaises. Ainsi sur le plan diplomatique et stratégique, la C hine a rompu avec sa
traditionnelle prudence et affiche désormais sa puissance militaire ou ses intérêts lors des grands
sommets internationaux. Sur le plan économique, l'entrée en vigueur de la zone de libre-échange
avec l'ASEAN est un premier pas vers la constitution d'une zone d'influence commerciale et moné­
taire. Sur le plan financier, elle joue de l'arme monétaire pour doper ses exportations et accumuler
des réserves considérables (plus de 3 3 1 0 milliards de dollars fin 201 2) qui lui permettent de
racheter de la dette portugaise, grecque et espagnole pour plusieurs milliards de dollars et
d'acquérir aussi des actifs stratégiques.
Les experts du National Intelligence Council, branche publique de la CIA tablent dans leur
Rapport quinquennal stratégique « Global Trends 2030 », publié en décembre 201 2, sur quatre
constantes qui doivent façonner le système international d'ici à 2030. L'impact de l'une ou l'autre
de ces constantes est affecté par des variables-clés, telles que l'économie et la gouvernance
0
c
ro
:J
l')
1 38 l'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

mondiales, les conflits armés, la technologie et, de façon décisive - point de vue américain
oblige -, le rôle des États-Unis.
Ces quatre évolutions sont la libération de l'individu (individual empowerment), la démographie, la
dispersion de la puissance (diffusion of power) et les problématiques d'énergie, d'eau et d'alimen­
tation. Ces facteurs permettent de dégager trois scénarios pour 2030 : « coopération » (fusion),
« retour en arrière » (reverse engines) et « désintégration » (fragmentation) :
- ce premier scénario se caractérise par un angélisme irréaliste. La coopération verrait l'émer­
gence d'un monde fraternel, guidé par la Chine et les États-Unis, dont la collaboration sur le
plan technologique déclencherait un nouvel âge d'or pour les relations internationales. Peu
d'éléments concrets ne semblent actuellement en mesure d'accréditer une telle évolution ;
- le deuxième scénario « retour en arrière » prévoit le retour à un monde « pré-américain » ,
c'est-à-dire à l'instabilité de la première moitié du xxe siècle, et il n'est pas le plus optimiste.
Confrontés à des difficultés budgétaires, les États-Unis n'ont plus la capacité de se projeter sur
la scène internationale. D'abord bien accueilli par les pays émergents, ce retrait est vite source
de déséquilibre. Les tensions ethniques et géopolitiques en Asie et au Moyen-Orient se transfor­
ment rapidement en conflits ouverts, dans un contexte de stagnation économique mondiale ;
- le dernier scénario est, de l 'aveu même des auteurs du rapport, le plus probable. Les cartes de la
puissance sont redistribuées par une croissance économique inégalitaire. L'Occident s'affaiblit au
profit de l'Asie, alors que la volatilité des marchés et le changement climatique menacent la
stabilité mondiale. Dans ce monde « désintégré », l'absence généralisée de volonté politique
pour résoudre les problèmes mondiaux marginalise les organisations multilatérales et accentue
le risque de conflits interétatiques. Des confrontations militaires majeures - entre la Chine et
les États-Unis, notamment - demeurent évitables, mais le monde est constamment au bord du
gouffre La conjoncture mondiale des années 201 0 sera tendue et bienheureux les prophètes et
les professionnels de la prévision qui décèlent, de manière péremptoire, les évolutions futures de
la société internationale. S'il est envisageable de subodorer des tendances possibles, il est péril­
leux de les croire certaines.

0
c
ro
:J
l')
Atlas
- L 'Atlas des migrations, Hors-série Le Monde-La Vie, 2008.
- L 'Atlas des mondialisations, Hors-série Le Monde-La Vie, 201 O .
- L 'Atlas des religions, Hors-série Le Monde-La Vie, 2 0 1 1 .
- L 'Atlas des civilisations, Hors-série Le Monde-La Vie, 20 1 2 .
- L 'Atlas des utopies, Hors-série Le Monde-La Vie, 2 0 1 2 .

Ouvrages
- ARNAUD (A. J .), Dictionnaire de la globalisation, col l . Droit et société, LGDJ, 201 O .
- DEVIN (G.), Sociologie des relations internationales, coll. Repères, La Découverte, n° 335,
2007 .
- G RAZ (J.-C . ), La gouvernance de la mondialisation, coll. Repères, La Découverte, no 403,
3e édition, 201 O .
- LEFEBVRE (M .), L e jeu du droit et de la puissance, Précis de relations i nternationales, PUF,
3e édition, 2007.
- LE HARDY D E BEAULIEU (L.) (sous la dir.), Relations internationales : grands textes politiques et
juridiques, Anthemis, 201 O .
0
c
ro
:J
l')
1 40 L'ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES

- ROCHE (J.-J.), Les relations internationales, LGDJ, 6e édition, 20 1 2 ; Théorie des relations
internationales, coll. Clefs, Montchrestien, ge édition, 2 0 1 0 ; Chronologies thématiques des
relations internationales de 1 945 à fin 2006, coll. Carrés rouge, Gualino éditeur, 2007.

- SMOUTS (M.-C l .) (sous la dir.), Les nouvelles relations internationales, pratiques et théories,
Presses de Sciences Po, 1 998.
- SUR (S.), Les relations internationales, Montchrestien, 6e édition, 2 0 1 1 .

Rapports et Revues spécialisées


- Annuaire français de relations internationales, Bruylant, 2000 à 2 0 1 2 .
- Ëtudes internationales.
- Politique étrangère (revue de l'Institut français de relations internationales).
- Politique internationale.
- Questions i nternationales, La Documentation française.
- Géopolitique (revue de l'Institut international de géopolitique).
- Ramses, Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies (IFRI), Dunod,
notamment les rapports 2009, 20 1 0 2 0 1 1 , 2 0 1 2 et 2 0 1 3.
- Revue internationale et stratégique, notamment le numéro 66, été 2007 consacré à « la
géopolitique de l 'eau », Dalloz.

Quelques adresses internet


- Banque mondiale : http://www. worldbank. org

- FMI : http://www. imf org

- OC D E : http://www. oecd. org

- OMC : http://www. wto. org

- ONU : http://www. un.orglfrench

- Union européenne : h ttp://europa.eu.in

0
c
ro
:J
l')

Vous aimerez peut-être aussi