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GRH

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Annie Cornet
Philippe Warland

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ET GESTION
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DU NOD
Conseiller éditorial : Christian Pinson

Le pictogramme qui figure ci-contre d'enseignement supérieur, provoquant une


mérite une explication. Son objet est baisse brutale des achats de livres et de
d'alerter le lecteur sur la menace que revues, au point que la possibilité même pour
représente pour l'avenir de l'écrit, les auteurs de créer des œuvres
particulièrement dans le domaine DANGER nouvelles et de les faire éditer cor­
de l'édition technique et universi­ rectement est aujourd'hui menacée.

®
taire, le développement massif du Nous rappelons donc que toute
photocopillage. reproduction, partielle ou totale,
Le Code de la propriété intellec­ de la présente publication est
tuelle du 1er juillet 1992 interdit LE PHOTOCO�LLAGE interdite sans autorisation de
en effet expressément la photoco­ TUE LE LIVRE l'auteur, de son éditeur ou du
pie à usage collectif sans autori­ Centre français d'exploitation du
sation des ayants droit. Or, cette pratique droit de copie (CFC, 20, rue des
s'est généralisée dans les établissements Grands-Augustins, 75006 Paris).

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© Dunod, Paris, 2008
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ISBN 978-2-10-053635-1
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@ Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article
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..c l. 122-5, 2° et 3° a), d'une part, que les «copies ou reproductions strictement
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·c réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective»
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a. et, d'autre par t, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et
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u d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite
sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite » (art. l. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue­
rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du
Code de la propriété intellectuelle.
Sommaire

Remerciements IX
Introduction 1

C hapitre 1
Gérer quelle diversité ?

1. Le concept de gestion de la diversité 5

Il. Les fondements historiques de la gestion


de la diversité 10
1. Marketing et approche des marchés locaux 11
2. Repositionnement des politiques d'égalité des chances 12
3. Transfert des outils du management interculturel 13
4. Arrimage tardif à la responsabilité sociétale
et au développement durable 15
I l l . Les caractéristiques de la diversité 17
1. Un mélange de caractéristiques individuelles et sociales 17
2. Débats autour d'une approche spécifique
de certains groupes-cibles 27
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C hapitre 2
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1. Logiques économiques 51
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1. Recherche de plus d'ef ficacité 51
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2. Recherche de plus d'ef ficience 52
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3. Respect des lois 54

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4. Image de l'entreprise et notoriété 56
VI 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Il. Logiques sociales 57


1. Responsabilité sociétale et développement durable 57
2. Refléter son environnement 58
I l l . Ambiguïtés et limites des logiques d'action 59
1. Mieux répondre aux attentes de la clientèle :
un facteur d'exclusion 59
2. Risque d'instrumentalisation et de segmentation 60
3. L'homogénéité : une source de stabilité et d'ef ficacité 61
4. L'embellissement social comme stratégie 62
IV. Pour un équi libre entre les logiques socia les et
économiques 62

C hapitre 3
Dispositifs d'action

1. Différents niveaux d'action 63

Il. Dispositifs d'action 65


1. Égalité des droits 66
2. Égalité des chances 67
3. Actions positives 68
4. Discriminations positives 69
5. Égalité de traitement et mainstreaming 70
6. Individualisation d e la GRH et gestion par les compétences 71
7. Label et cer tification 72
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8. Fondements normatifs des dispositifs d'action 75
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I l l . Acteurs de la gestion de la diversité 76
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IV. Étapes et composantes des plans d'action 81
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0 C hapitre 4
La gestion de la diversité en action

1. Diagnostic 85
1. Les données quantitatives 86
2. Données qualitatives 92
SOMMAIRE 1 VIl

Il. Plan de diversité 94

I l l . Recrutement et sélection 96
1. Présentation du poste et de la fonction 98
2. Appel à candidature 99
3. Réception des candidatures 100
4. Procédure de sélection 101
IV. Accueil et socialisation 102

v. Conditions de travail 104

VI. Équité et égalité sa lariale 107

VI l . Évaluation, mobilité et gestion des carrières 108

VI I I . Sensibilisation et formation 111


1. Formation à la diversité à destination des groupes cibles 111
2. Formation à la diversité à destination du personnel 111
3. Évaluation des contenus de formation 114
IX. Culture organisationnelle 114

x. Communication 115

C hapitre 5
Facteurs de succès et évaluation

1. Facteurs de succès des actions centrées


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I l l . Facteurs de succès liés à la conduite
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du processus de changement 122
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Conclusion 129
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Bibliographie 131
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Remerciements

Tous nos remerciements à toute l'équipe d'EGiD qui a consacré du


temps pendant ses vacances pour relire le texte et l'enrichir de ses
commentaires : Christina Constantinidis, Isabelle Cecchini, Christine
Delhaye et à Yowali pour la bibliographie.

Les données utilisées dans cet ouvrage ont pu être récoltées au travers de
différents projets financés notamment par le ministère de 1 ' Économie
( Région Wallonne) et par le Centre pour l'égalité des chances.

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Introduction

Les sociétés sont de moins en moins homogènes. Ceci met la gestion


de la diversité à l'agenda politique mais aussi social et économique.
L'intégration d'une population de plus en plus diverse est largement
débattue au niveau politique, notamment sous l'angle de l'inclusion
sociale. Cette intégration passe par un emploi et une reconnaissance
dans le monde du travail. Pourtant, on doit bien constater que ce sujet
suscite encore un intérêt mitigé de la part des gestionnaires et des
employeurs.
Il y a encore quelques années, ce thème ne suscitait pas non plu s
un grand intérêt auprès des chercheurs en gestion. Pourtant, depuis
deux ou trois ans, on voit apparaître dans les rayons de management
de plus en plus d'ouvrages sur le sujet, des recueils de textes pour
la plupart. Cet ouvrage a voulu se démarquer de cette formule
pour faire le point sur la gestion de la diversité en gestion, avec
comme objectifs d'aider le lecteur à clarifier son contenu, ses enjeux,
ses outils.
La gestion de la diversité en gestion renvoie aux défis que pose aux
gestionnaires la diversité croissante de la clientèle et des usagers, du
bassin d'emploi et en conséquence, de la main-d'œuvre. Certains
perçoivent cette diversité croissante comme une contrainte, d'autres
comme un objectif ou une opportunité d'affaires.
La diversité prise en compte est multiple. Dans sa version extensive ,
elle concerne chaque individu puisque chacun est unique dans
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sa personnalité et son histoire de vie . Toutefois, les politiques
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de gestion de la diversité qui nous intéressent sont celles qui visent
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des groupes-cibles, potentiellement discriminés dans l'emploi, qui
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pourraient progressivement voir leurs différences et spécificités
@ devenir des atouts face à l'emploi. Plus précisément, nous parlerons
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des femmes, mais aussi des hommes, prenant leur place dans des
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a.
environnements, jusque-là majoritairement féminins, des personnes
0
u d'origine étrangère parfois appelées minorités visibles et des person­
nes handicapées. Nous aborderons aussi les perspectives d'insertion
professionnelle qui s'offrent aux différentes catégories d'âge (jeunes,
quadras et seniors) . Enfin, quelques pages seront consacrées aux
personnes homosexuelles et aux comportements homophobes sur le
lieu de travail .
2 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Notre approche est managériale . Cet ouvrage est destiné à toute


personne impliquée ou intéressée par la gestion des entreprises et des
organisations, qu'il soit gestionnaire, consultant, chercheur mais
aussi syndicaliste, membre d'une association impliquée dans l'inser­
tion socioprofessionnelle ou étudiant en gestion, en économie ou en
sciences sociales . De par son orientation, il vise à répondre à des
questions concrètes que peuvent se poser les personnes impliquées
dans le monde du travail. Il veut toutefois dépasser la liste de bonnes
pratiques ou recettes pour inviter à la réflexion et à la prise de recul
face à des concepts, notions et outils, qui peuvent être de fabuleux
outils de changement et d'égalité mais aussi des outils d'exclusion et
de marginalisation. Nous voulons faire le point sur la notion de
gestion de la diversité, en montrer les différentes facettes, aider dans
la compréhension de cet outil de gestion, susciter un intérêt mais
aussi une distance critique.
Notre propos portera sur tout type d'organisation qui emploie des
salariés : grande entreprise, mais aussi petite et moyenne entreprise,
administration publique et organisation du secteur associatif. Nous
parlerons principalement de la France et de la Belgique, tout en resi­
tuant le propos dans les débats en cours en Amérique du Nord et
dans d'autres pays européens.
L'ouvrage commence par un positionnement du concept de gestion
de la diversité dans le champ de la gestion et présente ses fondements
historiques. Suit une réflexion sur les caractéristiques mobilisées pour
définir cette diversité, avec une présentation des débats spécifiques
à certaines d'entre elles comme le sexe, l'origine nationale, le handi­
cap, l'âge et l'homosexualité. Nous passons ensuite en revue les
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différentes logiques d'actions identifiées dans la littérature mais aussi
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dans notre pratique de terrain, auprès d'employeurs des secteurs
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privé et public. Ceci nous donne l'opportunité de pointer les pièges
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et ambiguïtés liés à ces différentes logiques. Le chapitre suivant est
@ consacré aux dispositifs d'action avec un rappel de notions telles que
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l'égalité des droits, l'égalité des chances, les actions positives, les
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a.
discriminations positives, l'égalité de traitement et le mainstreaming,
0
u l'individualisation de la GRH ( gestion des ressources humaines) et
la gestion par les compétences et des outils tels que les labels et les
certifications. Nous passons ensuite à des aspects plus concrets avec
l'identification des acteurs de la gestion de la diversité, des étapes et
composantes des plans d'action et des conseils pratiques relatifs à la
mise en œuvre d'un plan d'action qui devrait couvrir les différentes
INTRODUCTION 1 3

dimensions de la GRH. Nous clôturons par les facteurs de succès


et la difficile question de l'évaluation de ces politiques. L'ouvrage est
complété par une bibliographie détaillée qui devrait aider ceux et celle s
qui veulent en savoir plus.
Nous espérons que cet ouvrage pourra aider chacun et chacune dans
ses objectifs de clarification et de compréhension de la gestion de la
diversité .

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Chapitre 1

Gérer quelle divers ité ?

Depuis quelques années en Europe et depuis plusieurs décennies aux


/

Etats-Unis et au Canada, la diversité croissante de la main-d'œuvre


et des clients et usagers, y compris sur le marché local, pose de nouveaux
défis aux gestionnaires.
Ce premier chapitre vise à clarifier cette notion de gestion de la diver­
sité ainsi que les différentes caractéristiques prises en compte dans les
politiques.

1. LE CONCEPT D E G ESTION D E LA DIVERSITÉ

La gestion de la diversité regroupe des politiques et des outils de


gestion qui visent à répondre à certains défis posés actuellement aux
gestionnaires des entreprises et des organisations, mais aussi aux
acteurs du monde politique et du secteur associatif, confrontés à
l'exclusion sociale et à la nécessité d'augmenter les taux d'inser tion
socioprofessionnelle de certains publics.
Trois problématiques sont directement liées à la gestion de la
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diversité :
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marché local, qui renvoie à des défis relatifs à une meilleure compré­
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hension des besoins des usagers et des marchés et à l 'amélioration
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de la communication avec ces groupes. Cela implique également des
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réponses aux revendications croissantes de certaines catégories d'usagers
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et de clients, de prise en compte de leurs spécificités (par exemple, les
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.... personnes handicapées) ;
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2. la diversité croissante de la main-d'œuvre sur le marché du travail
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suite aux évolutions sociales (par exemple, la présence croissante des
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femmes dans l'emploi) mais aussi à la mobilité internationale de plus

@
en plus importante ;
6 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

3. et enfin, l'hétérogénéité croissante des travailleurs dans les entre­


prises et organisations (sexe et culture, notamment) avec des défis
importants pour les politiques de gestion des ressources humaines
(implication, cohésion, gestion des compétences) .
Autour de ces trois problématiques, plusieurs auteurs ont tenté de
définir la gestion de la diversité . Le tableau l.l présente différentes
définitions.

Tableau l. l - Définition de lagestion de la diversité

Cox La planification et la mise en œuvre de systèmes


(1993, p. 1 1 ) organisationnels et de politiques de gestion des
ressources humaines qui sont capables de produire un
avantage concurrentiel avec la diversité et de réduire les
problèmes que cette diversité peut poser. Il s'agit de
maximiser ce que chaque employé est susceptible
d'apporter aux buts de mission et tirer profit des identités
collectives telles que le genre, la race, la nationalité, l'âge
ou l'affiliation organisationnelle.

Roosevelt Mode de gestion qui doit permettre d'obtenir la même


(1992, p. 109 productivité, implication, qualité et profit avec une main­
et p. 1 14) d'œuvre hétérogène qu'avec l'ancienne force de travail
homogène en profitant au mieux des compétences et
connaissances de chaque membre du personnel.

Harvey & Allard Gérer la diversité signifie que l'organisation réalise que les
(1995) différences individuelles peuvent créer de la valeur en termes
de créativité, de meilleure compréhension des besoins des
usagers et des marchés. Les différences sexuelles, de race et
d'ethnicité, d'âge, de capacités physiques et d'orientation
sexuelle doivent être vues comme des actifs mobilisés dans
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des nouveaux modèles organisationnels.
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<X) Gomez, Mejia, L'ensemble des activités impliquées dans l'intégration
0
0 Balkin, Cardy d'employés non traditionnels (femmes et minorités) dans la
N
@ (1995, p. 120) force de travail et l'utilisation de leur diversité pour
....... l'avantage compétitif de la firme. [ . . . ] Il y a une conscience
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·c accrue qu'un des facteurs clé de la performance d'tme
>
a. organisation est la façon dont les employés non traditionnels
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comme les femmes et les minorités peuvent être totalement
intégrés et travailler efficacement entre eux et avec leurs
homologues masculins blancs. Pour ces raisons, beaucoup
d'organisations définissent la diversité comme la possibilité
d'utiliser efficacement les talents des personnes ayant des
milieux, expériences et perspectives variées.
�-
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 7

Tableau 1 . 1 - Définition de lagestion de la diversité (Suite)


Arredondo Une approche pragmatique dans laquelle les participants ne
(1996, p. 17) craignent pas les différences et ne les perçoivent pas comme
une menace. lis voient l'organisation comme tm forum pour
le bien-êu·e de l'individu, le développement des compé­
tences en regard avec les bénéfices directs de l'organisation.
Wayne Mondy, La gestion de la diversité vise à s'assurer que les éléments
Noe, Premaux, sont en place pour permettre et encourager le
Bandy Mondy développement d'une force de u·avail diverse en retrouvant
(2001 , p. 54) ces différences réelles ou perçues parmi les u·availleurs pour
réaliser tme productivité maximale [ . ..] La gestion de la
diversité est la poursuite d'une culture inclusive où les
nouveaux venus se sentent bienvenus et où chacun( e ) voit
la valeur de son u·avail. Cela implique la création d'une
culture de soutien où chaque employé peut êu·e efficace.
Cabral-Cardoso Une politique de gestion de la diversité met l'accent
(2002, p. 1 ) sur les différences plutôt que sur les ressemblances :
la contribution de l'individu à l'organisation en regard
de ses capacités et de ses mérites est valorisée.
Bender Le concept de gestion de la diversité met l'accent non plus
et Pigeyre sur l'égalité de capacités entre groupes mais sur la
(2003, p. 4) reconnaissance et la valorisation des différences.
Bébéar La gestion de la diversité est une politique qui vise à gérer
(2004, p. 4) des conflits, à lutter contre les discriminations, à
promouvoir l'égalité des chances afin que cette diversité
constitue un véritable enrichissement pour l'entreprise .
Rijamampianin, La gestion de l a diversité consiste à créer de la valeur
Carmichael ajoutée à partir d'une main-d'œuvre hétérogène, ce qui
(2005, p. 109) suppose la mise en place d'un système de management
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<!) holistique et intégré.
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0 ::::1
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Millmore, La gestion de la diversité est un changement de
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0 <!) Lewis, paradigme : du focus législatif conventionnel sur l'égalité
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.... Saunders, des chances à une stratégie explicite de valorisation des
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::::1 Thornhill, différences, comme le genre, l'âge, le milieu social, le
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0 Morrow handicap, la personnalité, l'ethnicité et le style de travail.
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a. <!) (2007, p.470 [ . .. ] Si ces différences sont gérées de façon appropriée,
0 ï5
u 0.. et p. 477) elles sont un atout pour que le travail soit réalisé de façon
u
0
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0 plus efficiente et efficace et que les buts de l'organisation
..c
o. soient remplis. [ . . . ] La gestion de la diversité est vue
j comme un impératif stratégique en termes de GRH alors
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que l'approche égalité des chances provient de l'extérieur
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� de l'organisation (coût moral, lois).
@
8 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Tableau l.l - Définition de la gestion de la diversité (Suite)

Konrad, Prasad, La gestion de la cliversité est une démarche volontaire


Pringle d'une organisation qui vise à recruter et à conserver
(2006, p. 2) des employés appartenant à différents groupes sociaux
[ . . . ] La gestion de la diversité renvoie donc à l'approche
des différences, aux interactions entre les groupes
identitaires, à l'accès clifférencié aux ressources, aux
rapports de pouvoir entre groupes et à la problématique
de l'inclusion.

Point La gestion de la diversité est devenue un mode de


(2007, p. 233) collaboration et de communication intégrant les besoins
multiples et variés de différents groupes.

Bender La gestion de la diversité est une démarche managériale


(2007, p. 222) et non un concept juridique. Elle vise à faire évoluer les
représentations pour éliminer tout comportement
discriminatoire dans l'entreprise et instaurer une culture
de la tolérance, qui permette 1 'inclusion de chacun avec
ses apports et ses différences.

De ces définitions, il ressort que la gestion de la diversité regroupe


des politiques et pratiques de gestion qui visent pour certains, à
lutter contre les discriminations dans l'emploi ; pour d'autres, à créer
de la valeur ajoutée en utilisant au mieux les différences individuelles.
Il s'agit aussi de répondre aux défis posés par une main-d'œuvre de
plus en plus hétérogène donc, dans une vision réactive, de réduire
les dysfonctionnements éventuels que peut créer cette diversité et dan s
une vision proactive, de reconnaître et valoriser ces différences dans
l'optique de créer de la valeur.
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On peut en déduire que la « Gestion de la diversité » :
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- rejoint les principes d'égalité des chances et de traitement pour
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N tous les travailleurs et de lutte contre toutes les formes de discrimi­
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nation ;
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·c - vise à offrir à chacun et chacune des opportunités d'emploi et de
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0 carrière en lien avec ses compétences et aspirations (forte valorisation
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du mérite individuel) ;
- devrait permettre à l'entreprise d'améliorer ses processus ( effi­
cience) et sa performance ( efficacité ) en tirant le meilleur parti de la
diversité de la main-d'œuvre disponible dans son bassin d'emploi.
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 9

La gestion de la diversité s'articulerait aussi autour de valeurs suscep­


tibles d'affecter la culture organisationnelle :

- Respect des différences dans les valeurs, les attitudes, les compor­
tements, les styles de vie.

- Rejet de tout comportement d'exclusion, de repli et de jugement.

La gestion de la diversité s'inscrit dans une prise de conscience du


poids de la « norme » dans le choix de la main-d'œuvre, norme le
plus souvent inconsciente qui génère des discriminations directes et
indirectes. La gestion de la diversité et le discours qui l'accompagne
devraient donc permettre de questionner cette norme pour s'ouvrir à
la différence . La logique qui prédomine ici est celle de la différencia­
rion avec une reconnaissance et une valorisation des différences. Les
politiques de gestion de la diversité partent du postulat que la diver­
sité des comportements, des attitudes, des valeurs est à favoriser car
elle représente une source de création de valeur. On ne parlera donc
plus d'assimilation d'individus au groupe mais d'intégration dans le
respect des différences et des spécificités, l'idée étant aussi que cette
intégration apporte un enrichissement mutuel et offre de nouvelles
opportunités : nouvelles compétences et connaissances. On devrait
passer d'un mode de pensée assimilationniste où les différences sont
minimisées et réduites en faveur des pratiques et valeurs du groupe
dominant à un mode de pensée pluraliste qui suppose que le groupe
dominant intègre les différences tout en les respectant (Prasad et al.,
2006, p . 4 ) .

"'0 ...; On est aussi dans une approche qui combine le groupe et l'individu.
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� Le groupe, par l'identification de caractéristiques communes perçues
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<X) : comme des éléments potentiels pouvant générer de la valeur ajoutée
,�.� (le sexe, des spécificités culturelles, l 'âge, etc . ) mais aussi l'individu
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8 car c'est celui-ci qui est mis en avant au travers d'une idéologie
::::;

� méritocratique, basée sur la reconnaissance des compétences et de


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5 Ces politiques sont susceptibles d'affecter les systèmes de gestion :


-& organisation du travail, politiques de gestion des ressources humai­
j
-o
· nes, culture organisationnelle mais aussi politiques de marketing
§ ( approche des clients et usagers) tel que schématisé ci -dessous
� (schéma 1 . 1 ) .
:1.0 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Schéma 1 . 1 - Impacts de la gestion de la diversité


sur les systèmes de gestion

Stratégie

Approche des Organisation


usagers/clients du travail
Gestion de
la diversité

/
GRH Culture

I l . LES FONDEMENTS HISTORIQUES DE LA G ESTION


DE LA DIVERSITÉ

Avant de présenter les caractéristiques individuelles mobilisées par les


auteurs pour définir les dimensions de la diversité à prendre en
compte, il est essentiel de comprendre que la gestion de la diversité
a une histoire multiple qui amène à privilégier certaines caractéris­
tiques plutôt que d'autres. Nous avons identifié quatre fondements
historiques :
"'0 - le marketing et l'approche des marchés locaux ;
0
c
0
:J - les mouvements de revendications d'égalité des chances et des droits
<X)
0 émanant de groupes discriminés dans la société et l'emploi ;
0
N
@
- le management interculturel, dans un contexte d'internationali­
.......
..c sation et de mondialisation des entreprises, élargi à tout obstacle
Ol
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>
à la communication avec des groupes culturels et ethniques locaux
a.
u
0 et aux difficultés liées à la communication intra et inter- organi­
sationnelle ;
- le courant de la responsabilité sociétale des entreprises ( RSE) et du
développement durable.
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 11

1. Marketing et approche des marchés locaux

Le début des années 90 est marqué par une littérature qui s'appuie
sur des arguments commerciaux pour défendre la notion de diver­
sité. Son émergence est à mettre en lien avec des mécanismes d'ajus­
tement de l'entreprise aux caractéristiques de son environnement
(Thomas, 1 990 ; Konrad et al., 2006). Les entreprises américaines
prennent conscience qu'une partie de plus en importante de leur
marché local leur échappe car certaines catégories de population
(notamment les minorités ethniques) ne se sentent pas reconnues
dans l'interaction qu'elles peuvent avoir avec le personnel de contact
mais aussi dans la gamme de produits et services offerts. On voit
alors émerger tout un discours qui défend l'idée qu'un personnel à
l'image des consommateurs et des usagers serait plus apte à rencontrer
leurs désirs et besoins. Un personnel hétérogène quant à des carac­
téristiques de sexe, d'appartenance nationale et culturelle, ou encore,
de catégories d'âge est progressivement construit comme un avan­
tage concurrentiel . On parle alors de « diversity advantage » (Harvey
et Allard, 1 995 ) . L'enjeu est d'améliorer l'interaction avec les clients
et les usagers, par une proximité de profil entre ceux-ci et le person­
nel, mais aussi de produire une gamme de produits et/ou de services
qui puisse séduire différents segments de clientèle (Barth, 2007).
L'hétérogénéité des équipes est peu à peu perçue comme une possi­
bilité d'avoir plus de créativité et donc de permettre l'émergence de
nouveaux produits et services. Les services publics n'échappent pas
à ce mouvement. Ainsi, la proximité entre les caractéristiques de la
main-d'œuvre et celles des usagers est perçue comme un atout dans
des services tels que la défense, la p olice, les transports urbains, les
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services de santé, confrontés à la nécessité d'améliorer leurs relations
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avec certaines franges de la population . Cette approche de la diversité
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<!) par les marchés ( clients et usagers) est de plus en plus présente en
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France et en Belgique comme en témoignent les différents colloques
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et publications consacrés à ce thème 1 .
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Si l'argument de départ est le marketing et la relation avec les usagers,
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les impacts sur les politiques de gestion des ressources humaines ne sont
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0
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pas négligeables. En effet, l'enjeu est d'ouvrir les organisations à
o.
j
'"0 l. Voir notamment 6e Assises de la vente, « Manager la diversité : au-delà du discours,
0
c
::::1 un pari gagnant ? », mars 2006, IAE de Lyon et 3c Rencontres internationales de

@
la diversité« Réussir la diversité», Corte, 4, 5 et 6 octobre 2007.
12 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

une nouvelle catégorie de main-d'œuvre, notamment pour le personnel


en contact avec la clientèle et les usagers mais aussi pour le personnel
qui conçoit les nouveaux produits et services. Cela nécessite souvent la
révision des processus de recrutement et de sélection pour permettre
l'accès à ce nouveau vivier de talents (Barth, 2007). Ce processus touche
également la gestion des rémunérations et des carrières. Il faut fidé­
liser cette main-d'œuvre et s'assurer que ses différences seront inté­
grées dans une vision pluraliste et non assimilationniste et dès lors,
valorisées en interne comme en externe.

2. Repositionnement des pol itiques d'égal ité des chances


Le milieu des années 90 est aussi un moment où, particulièrement en
Amérique du Nord, on assiste à un certain essoufflement des politi­
ques d'égalité des chances ( Equal Employment Opportunities- EEO)
(Thomas, 1 990 ; Cornet, 2002 ; B ender, 200 7 ) . Initiées dans les
années 60, ces politiques montrent leurs limites. Ainsi, très rapide­
ment, il apparaît que l'égalité des droits n'est pas suffisante car elle
suppose que l'égalité sera atteinte à partir du moment où la même
règle est appliquée à tous de la même manière . Or les individus, du
fait de caractéristiques personnelles mais aussi sociales, ne se trouvent
pas dans des scénarios d'égalité des chances et l'égalité ne peut être
améliorée qu'au travers de mesures correctrices. Cela débouche sur
les actions positives ( affirmative actions) qui sont des actions volon­
taristes qui visent à favoriser des groupes discriminés, dans le but
d'augmenter leur représentativité dans l'emploi. Ces mesures devai­
ent être temporaires mais vingt ans plus tard, le contexte socio­
économique montre la persistance des inégalités. Ces mesures sont
critiquées d'une part, par les bénéficiaires qui se plaignent de ne pas
"'0
0
c être engagés et reconnus pour leurs compétences, mais aussi par les
:J
0 employeurs qui affirment que l'égalité professionnelle ne fait pas
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0
0
partie de leur mission et qu'ils souhaitent pouvoir recruter la main­
N
@
d'œuvre avec comme seul critère « la compétence » (Martiniello &
.......
..c Rea, 2004 ; Bender, 2007 ; Sabeg, 2004 ) . On assiste alors à une
Ol
·c
>
remise en cause des actions et des discriminations positives, perçues
a.
u
0 comme contraires à un système économique performant et motivant,
construit sur la valorisation des compétences et le mérite individuel.
Devant cet essoufflement, certains mouvements de pression et de
revendication voient, dans le discours émergeant sur les atouts de
la diversité, une opportunité de construire une nouvelle légitimité
à des actions favorisant l'intégration de groupes discriminés (femmes,
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 13

homosexuel( le )s, personnes d'origine étrangère ) . Progressivement


certains discours glissent de la notion de « handicap » et de « victime »
à la notion « d'atout » et de « partenaires d'affaires » (De Bry et
Mc Cabe, 2007 ; Thomas R. R., 1991 , Thomas & Ely, 1996) . Plusieurs
recherches sont réalisées pour tenter de documenter les effets positifs
de la diversité de la main-d'œuvre sur la performance des organisa­
tions et des processus d'affaires. Une main-d'œuvre diversifiée devient
porteuse de créativité et d'innovation, et devient un atout dans un
environnement perçu comme imprévisible et turbulent ( Lunghi,
2002 et 2005 ; Burke & Sarcla, 2007). Comme le soulignent Thomas
( 1990) et Bender (2007) , on assiste au glissement d'une légitimité
fondée sur la justice sociale, la lutte contre les discriminations, le rejet
des différences, perçues comme le fondement même des inégalités, à
une légitimité des différences, construites comme des atouts et des
sources de création de valeur.
Ce repositionnement des mouvements égalitaires sera plus visible et
plus fort en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne qu'en France
et en Belgique, où les mouvements de revendication des droits des
groupes-cibles sont plus résistants à l'utilisation du discours sur la
diversité comme stratégie d'action. Dans ces deux pays, le combat
reste largement positionné sur la question de l'égalité de droit et de
traitement (Laufer, 2007 ; De Bry et Mc Cabe, 2007). Ainsi, si les
lois sur l'égalité professionnelle entre les sexes existent depuis les
années 70 et 80 (loi du 1 3 juillet 1 98 3 , pour la France, notamment),
l'égalité professionnelle, y compris la mise en place d'actions posi­
tives pour remédier à des discriminations, est revenue au cœur de
l'actualité avec la loi de 200 l. Celle-ci oblige les entreprises à poser
un diagnostic quant à l'égalité hommes-femmes et à mettre en place
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un plan d'actions si des inégalités sont constatées. Toutefois, on
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constate que plusieurs entreprises françaises ont intégré leur plan
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d'égalité professionnelle hommes-femmes dans leur politique de
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gestion de la diversité ( Laufer, 2007 ) .
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3. Transfert des outils du management interculturel
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Des liens se créent également avec le courant du management inter­
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culturel, lié à l'internationalisation et la mondialisation des entreprises .
o.
La gestion des minorités culturelles dans l'entreprise est perçue, par
j
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'
certains, comme une extension des défis que pose la multiculturalité
0
c
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à l'échelle internationale (Mutabazi, 1 994 ; Meier, 2006 ; Schneider

@
et Barsoux, 2003 ; Coulaty et Cerdin, 2007). Pour ce courant, les
:1.4 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

grilles d'analyse et les outils de management développés pour gérer la


multiculturalité liée à l'internationalisation des entreprises peuvent
être transposés à la gestion de la diversité au niveau local en gérant les
problèmes de communication entre des groupes perçus comme
différents au niveau des normes et des valeurs. Les différents acteurs
de l'entreprise sont formés à la communication interculturelle. Cette
étape passe inévitablement par une meilleure compréhension des
systèmes de valeurs, de normes et de comportements qui caractéri­
sent les différents groupes culturels, ainsi que par le questionnement
d'une vision ethnocentrique pour lui préférer une vision multicultu­
relie et pluraliste de la société (Rabasso et al., 2007 ; Arcand, 2006 ) .
La gestion interculturelle est une discipline qui vise à former les
personnes pour qu'elles puissent accomplir leurs missions de la façon
la plus satisfaisante possible, au sein d'une organisation dont le
personnel et la clientèle se recrutent dans diverses cultures. La diver­
sité des origines culturelles des personnes se reconnaît au travers des
différences constatées dans leur mode de vie collectif. La culture est
alors définie comme « un ensemble de modèles ( les uns explicites, les
autres implicites) qui décrit le comportement passé ou détermine le
comportement à venir, que l'individu acquiert et transmet par le biais
de symboles qui constituent la marque distinctive d'un groupe
humain, y compris les objets (ou "artefacts") par lesquels ce groupe
s'exprime. Le noyau essentiel de la culture est composé d'idées tradi­
tionnelles (c'est-à-dire transmises historiquement puis sélectionnées)
et des valeurs qui y sont attachées. » (Adler, 1994, p. 1 7 ) . Les éléments
qui reflètent la diversité culturelle se retrouvent dans les valeurs
( évaluation du bien et du mal, du juste et de l'injuste) , les normes ( ce
qui est permis et toléré versus ce qui est interdit et sanctionné), les
"'0
0
c
attitudes et les comportements des membres de ce groupe culturel.
:J
0 La gestion interculturelle a donc pour objectifs de limiter les dysfonc­
<X)
0
0
tionnements liés à la confrontation des valeurs, des normes et des
N
@
comportements, mais aussi de créer de la valeur ajoutée autour de
.......
.c ces différences ( plus de créativité, meilleur contact avec la clientèle
Ol
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>
et les usagers . . . ) .
a.
u
0
Ce lien sera d'autant plus fort que l 'entreprise est confrontée à une
grande diversité culturelle sur son marché international mais aussi
local. Ainsi, Florkowski (2000, p. 344 ) , dans son article sur la
gestion de la diversité dans les multinationales, propose d'analyser le
positionnement des firmes multinationales en regard de la gestion de
la diversité, selon les caractéristiques de la main-d'œuvre. On regarde
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 15

si la force de travail locale ainsi que la main-d'œuvre de la maison


mère sont fortement ou faiblement diversifiées. Les challenges liés à
la gestion de la diversité de la main-d'œuvre seront spécifiques à la
combinaison de ces deux critères.
Outre le thème de la communication entre personnes de différentes
cultures et nationalités, le management interculturel s'est aussi inté­
ressé à l'atout que constitue la diversité culturelle pour la créativité
d'un groupe. Ces travaux et recherches s'étendent progressivement à
l'étude de l'impact de la diversité d'un groupe au sens large ( diversité
culturelle mais aussi diversité sexuelle, d'âge, de métiers et de fonc­
tions) (Thompson & Gooler, 2000 ; Cavaretta, 2007 ; Falcoz, 2007).
Par ailleurs, de nombreux écrits s'intéressent au processus de commu­
nication interculturelle dans les équipes diversifiées, avec une exten­
sion progressive de la communication interculturelle à tout problème
de communication entre groupes ayant des valeurs différentes donc
entre les différentes générations (coopération intergénérationnelle)
mais aussi entre individus ayant des métiers et fonctions différents
(un vendeur et un technicien, par exemple) . Certains élargissent le
transfert à la problématique des fusions et acquisitions, marquées par
la rencontre de deux cultures organisationnelles et donc la confron­
tation de deux univers culturels.

4. Arrimage tardif à la responsabil ité sociétale


et au développement durable
Le dernier arrimage est celui de la responsabilité sociétale et du déve­
loppement durable. On retrouve des discours sur la « responsabi­
lité » qu'a l'entreprise en terme « d'inclusion sociale » et donc sur le
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fait qu'elle se doit de refléter son environnement (représentativité
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des différents groupes dans le personnel employé ) mais aussi d'offrir
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des opportunités d'emploi à la population qui l'entoure. Cette inclu­
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'<!J sion de la gestion de la diversité dans les thématiques liées à la
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responsabilité sociétale est assez récente. Jusqu'il y a peu, les diffé­
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rents colloques, ouvrages et manifestations consacrés à la responsabi­
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a.
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lité sociétale ne parlaient pas de gestion de la diversité et de lutte
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u
contre les discriminations, du moins au niveau local. Cet ancrage a été
0
....
0 concrétisé progressivement en regard des pratiques de gestion inéga­
..c
o.
litaires qui étaient dévoilées dans les filières de sous-traitance des
j
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'
grandes multinationales ( Combemale et Igalens, 2006 ; Capron et al.,
0
c
::::1
2004). L'introduction de la non-discrimination dans plusieurs proces­

@
sus de labellisation qualité ( CAF et EFQM, Label SA 8000, 8 normes
:1.6 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

du BIT1 ) et dans des chartes éthiques et codes de conduite a marqué


une étape dans ce sens ( Gendron et al., 200 3 ) . Comme le signalent
Barth et Falcoz (2007, p. 274), « on s'installe dans la vision d'une
entreprise ayant des obligations morales vis-à-vis de la société et devant
mieux contrôler ses externalités négatives » .
Les conditions de travail e t la lutte contre la discrimination restent
les liens les plus directs entre les perspectives de responsabilité socié­
tale et la gestion de la diversité . Ainsi l'ORSE ( Observatoire de la
responsabilité sociétale des entreprises) définit le développement
durable comme l'idée de Triple Bottom Line (triple résultat) , qui
conduit à évaluer la performance de l'entreprise sous trois angles :
environnemental, social et économique. Sous la rubrique sociale, on
retrouve la référence à la non-discrimination. Est également présent,
un discours qui incite à adopter une vision plus « mondiale » de la
responsabilité sociale (plus seulement locale) avec une demande aux
multinationales de s'ouvrir aux populations locales, aux différents
niveaux d'emploi (plus seulement les postes d'exécution) ( Coulaty et
Cerdin, 2007). Ce propos invite également à « respecter les cultures
locales »2 et faire une large place à 1 'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes ( De Bry, 2005 ; Ballet et De Bry, 200 1 ) .
Une articulation s'est également créée entre responsabilité sociale et
inclusion sociale, avec l'idée que l'entreprise est responsable du bien­
être dans la population et que ce bien-être passe par une insertion
professionnelle. En France, à la suite des problèmes créés notamment
par les jeunes de banlieue, exclus du marché du travail, cette interpel­
lation des employeurs privés et publics a été très forte. Ceux-ci ont
alors été invités par le monde politique à prendre leurs responsabi­
"'0
lités et à mener des actions visant à une meilleure intégration sociale
0
c
:J
et donc professionnelle de ces jeunes ( Bébéar, 2004 ; Blivet, 2004 ;
0
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Sabeg, 2004 ) . On constate égaletnent que de plus en plus d'entrepri­
0
0
N
ses intègrent leurs actions en gestion de la diversité à leur politique
@ de responsabilité sociétale. L'association IMS-Entreprendre pour la
.......
..c
Ol
Cité est un bon exemple de ce positionnement. Cette association
·c
>
a.
fédère plus de cent trente entreprises engagées dans des démarches
0
u de partenariat avec les autres acteurs de la « Cité », dans une logique
de développement durable et de responsabilité sociétale (RSE ) , avec
un axe important autour de la lutte contre les discriminations dans

l. http:/jwww.oit.org/public/french/support/lib/resource/subject/csr.htm
2. http:/jwww.orse.org/frjhomejindex.html
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 17

l'emploi et la gestion de la diversité. Ceci se marque également au


niveau des sites Web où plusieurs entreprises intègrent leurs politiques
de responsabilité sociale et de gestion de la diversité ( Point, 2007).

I l l . LES CARACTÉRISTIQUES DE LA DIVERSITÉ

Les définitions de la gestion de la diversité laissent un certain flou sur


les éléments constitutifs de cette diversité qu'il faut gérer. Au travers
d'une revue de la littérature, nous avons tenté de cerner plus précisé­
ment les différents niveaux de différenciation pris en compte dans ces
mécanismes de gestion. Ce travail d'analyse montre l'hétérogénéité
des caractéristiques retenues et des classifications proposées.
Jackson, May & Whitney ( 1 995, p. 2 1 7) et Thomas ( 1991 ) définissent
la diversité comme étant la présence de différences entre les membres
dans une entité sociale. Cette première définition apparaît comme
très extensive et peu opérationnelle. Comme le signalent Prasad et al.
(2006, p. 2 ) , le problème est que cette approche qui traite toutes les
différences comme méritant une égale attention oublie que ces diffé­
rences ne sont pas équivalentes dans le type et l'ampleur des discrimi­
nations qu'elles génèrent.

1. Un mélange de caractéristiques individuel les et sociales


Les caractéristiques le plus souvent citées sont :
- le sexe ;
- la nationalité, l'origine nationale ( nationalité des ascendants) , le
groupe ethnique ou le groupe culturel ;
- la religion ;
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- le handicap ;
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- l'âge ;
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- l'orientation sexuelle.
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Ceci correspond aux dimensions démographiques identifiées dans la
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"" revue de littérature sur la gestion de la diversité et la performance
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réalisée par Lepine et al. ( 2004 ) .
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u
Une vision plus extensive consiste à prendre en compte toutes les
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....
0 caractéristiques présentes dans les lois de lutte contre les discrimi­
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o.
nations. Les tableaux 1 .2 et 1 . 3 illustrent les différents critères mobi­
j
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'
lisés dans les lois de quelques pays francophones et dans la char te des
0
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droits fondamentaux de l'Union européenne ( 1 7 motifs discrimina­

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toires sanctionnés ) .
Copyright © 2008 Du nod .

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Tableau 1 .2 - Motifs de discrimination sanctionnés par les lois dans 4 pays et charte G)
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des droits fondamentaux de !)Union européenne �
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Caractéristiques Belgique France Québec Suisse Charte 0
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europeenne );:
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Changement (/)
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de sexe rn'
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Handicap x x x x x z
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Age x x x x x (/)
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Orientation sexuelle x x x x -i
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Etat civil/situation Etat civil Situation de Situation Etat civil, situation (/)
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de famille famille maritale et familiale, mode de (/)
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situation de VIe -i
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Naissance/condition et Naissance, Condition Situation sociale Origine sociale, G)
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origine sociale/fortune origine sociale, sociale fortune, naissance z
fortune (/)
)>
-i
0
Religion/conviction x x x x x z
(/)
religieuse

Conviction philosophique x x x
-
l . Article 122-45 du Code du travail.
Copyright © 2008 Du nod .

© Dunod - La photocopie non autorisée est un délit.

Tableau 1 .2 - Motifs de discrimination sanctionnés par les lois dans 4 pays et charte
des droits fondamentaux de !)Union européenne (Suite)
�c , . .
aractensttques Belgique France Québec Suisse Charte
,
europeenne

Opinions (notamment x x x x x
politiques)

Langue x x x x
,
,
Etat de sante actuel x x
ou futur

Caractéristique physique x x Caract. génétique


ou génétique

Nationalité/race/origine Nationalité, Ethnie, nation et Minorités Origine, race Race, couleur,


nationale ou ethnique/ prétendue race, race, patronyme visibles, origine ethnique,
couleur de peau/ origine nationale autochtones appartenance à une
autochtones/minorités ou ethnique, minorité nationale, G)
rTl'
visibles/appartenance à couleur de peau nationalité ::0
rn
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une minorité nationale
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Spécificités Activités Etat de Personnalité2 r
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syndicales/ personne rn
0
mutualistes graciée <
rn
::0
(J)
2. http:/jwww. admin.ch/ch/f/rs/220/a328 .html =i
rTl'
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1-1-
(J)
20 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

L'analyse des caractéristiques proposées dans les écrits sur la gestion


de la diversité, tant théoriques que managériaux, montre cependant
( en lien avec l 'historique de la construction de ce concept) que les
caractéristiques mises en lien avec la gestion de la diversité peuvent
être bien plus nombreuses que ces motifs discriminatoires, réglemen­
tés par une loi. Une analyse des classifications proposées montre
le large éventail des caractéristiques mobilisées. Plusieurs auteurs
proposent une classification des caractéristiques, certaines sont reprises
dans le tableau 1 . 3 .

Tableau 1 .3 - Les classifications des caractéristiques de la diversité

Loden Deux catégories :


et Rosener - les dimensions « primaires » qui sont invariables : âge, race,
( 1991) origine ethnique, genre, qualité et aptitude physique,
orientation sexuelle ;
- les dimensions « secondaires » qui peuvent évoluer au fil du
temps : revenu, statut marital, expérience militaire, croyances
religieuses, localisation géographique, statut parental.

McGrath, Trois catégories :


Berdahl - les caractéristiques démographiques : le genre, la race et
et Arrow l'origine ethnique ;
( 1995)
- les caractéristiques fonctionnelles : les ressources physiques
et cognitives ;
- les caractéristiques organisationnelles : le rang occupé
dans la hiérarchie, le département dans lequel la personne
est active.

"'0
Arredondo Trois catégories :
0
c ( 1 996, - les éléments qui sont directement liés à la naissance de
:J
0 p . 8) l'individu, définis par l'auteur comme immuables et
<X)
0
0 irréversibles : âge, culture, origine ethnique, genre, langue
N
@
pratiquée, infirmité physique, race, orientation sexuelle ;
.......
..c
Ol
- les éléments en relation avec l'« environnement » dans
·c
> lequel chacun naît : moments historiques/époques ;
a.
0
u - les caractéristiques définies comme « des conséquences »
des deux premières caractéristiques : système éducationnel,
localisation géographique, revenus, statut marital, religion,
expérience de travail, statut civil, expérience militaire, loisirs/
intérêts récréatifs.
�-
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 21

Tableau 1 . 3 - Les classifications des caractéristiques de la diversité (Suite)


� ·
Jackson & Trois catégories :
Ruderman
- la diversité démographique, c'est-à-dire le genre, l'âge ou
(1996) encore l'origine ethnique ;
- la diversité psychologique qui comprend tout ce qui fait
référence aux valeurs, aux croyances ou encore, aux
connaissances ;
- la diversité organisationnelle qui est composée d'éléments
tels que le poste ou le niveau hiérarchique occupé dans
l'organisation.

Harrison, Deux catégories :


Priee & Bell
- la diversité liée à la « surface » , c'est-à-dire les
(1998) caractéristiques qui sont visibles physiquement, telles que
l'âge, le sexe ou encore la race ;
- les caractéristiques qui font référence à des éléments plus
« profonds » tels que les attitudes, les croyances et les valeurs.
Les caractéristiques en lien avec la « surface » sont
perceptibles da11s l'instant (il suffit d'un coup d'œil) alors
que les caractéristiques plus « profondes » ne sont connues
qu'après un certain laps de temps nécessaire à l'établissement
d'un dialogue entre les différents acteurs en présence.

Barth Les auteurs proposent un tableau à double entrée qui


et Falcoz reprend :
(2007) - d'une part, la visibilité de la différence (visible et non visible
comme orientation sexuelle, origine sociale et certains
handicaps) ;

.J
- d'autre part, le fait que la caractéristique soit stable et
"'0
0
c
:..::::
' <!)
'"0
immuable versus une caractéristique instable telle que l'âge,
:J
0
c
::::1 l'opinion politique, les convictions religieuses, certains
....
<X)
0
"'
<!) handicaps et maladies, le poids, etc .
0 <!)
N '<!J
.�
Point
....
@ 0
....
Cet auteur propose une classification basée sur la métaphore
....... ::::1
..c
Ol c
""
(2007) de l'iceberg qui vise à identifier les caractéristiques selon
·c 0
>- c qu'elles sont plus ou moins visibles :
a. <!)
0 ï5
u 0..
u
- l'éducation, les croyances, la localisation sont identifiées
0
....
0
comme les moins visibles ;
..c
o.
- les plus visibles étant le genre, la race, la couleur, l'âge,
j
le handicap physique, l'apparence physique comme des
'"0
0
c p1ercmgs.
::::1

@
22 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Certains éléments présentés dans ces classifications méritent qu'on


s'y arrête.
On trouve des définitions tellement extensives qu'elles vident la notion
de gestion de la diversité de son sens pour la gestion. Que dire en
effet d'une gestion de la diversité qui postulerait que toute différence
dans un corps social doit être gérée ou encore, qui introduirait la prise
en compte de différences telles que les loisirs et intérêts récréatifs du
personnel (Arredondo, 1996, p. 8 ) .
On peut aussi s'interroger sur le positionnement des notions de
culture, d'infirmité physique et d'orientation sexuelle comme étant
des caractéristiques immuables et irréversibles (Arredondo, 1996,
p. 8 ) . Si certaines caractéristiques ne sont pas modifiables (exemple :
son âge ) , d'autres sont réversibles et pas nécessairement liées à
la naissance ( par exemple, la nationalité, le handicap, l'orientation
sexuelle) .
Un autre niveau d'interrogation porte sur les dimensions très hétéro-
A
genes qu1 peuvent se trouver sous une meme caractensuque avec
' • / • •

parfois des effets de halo très importants d'un aspect au détriment


d'autres. Ainsi quand on parle de handicap, on fait généralement
référence aux handicaps physiques, sensoriels ou moteurs et on oublie
souvent le handicap mental qui pose d'autres défis et demande d'autres
types d'adaptations.
Enfin, on voit clairement que le choix des caractéristiques mobilisées
est le reflet des différents courants historiques identifiés dans la partie
précédente .
• Certaines caractéristiques sont essentiellement des caractéris­
tiques pouvant donner lieu à des discriminations directes et indi­
"'0
0 rectes.
c
:J
0 • D'autres sont des éléments de différenciation (par exemple, les
<X)
0
0
caractéristiques fonctionnelles mais aussi le niveau de compétences et
N
@
de qualification) qui peuvent donner lieu à des problèmes de
.......
..c communication sans nécessairement être liées à des rapports sociaux de
Ol
·c
>
hiérarchisation et d'exclusion.
a.
0
u • D'autres enfin englobent toutes les caractéristiques qui relèvent de
l'optimisation des groupes diversifiés avec des éléments tels que la
nationalité, la culture, le sexe mais aussi des caractéristiques organi­
sationnelles telles que le statut dans l'entreprise, le département/
service, le métier ou encore la fonction. La diversité liée aux départe­
ments et aux fonctions nous semble sortir du débat sur la gestion de
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 23

la diversité et plutôt relever de la littérature sur les mécanismes de


coordination dans les organisations fonctionnelles et bureaucratiques
et sur le fonctionnement des groupes de projets. Un certain oppor­
tunisme, lié à l'engouement actuel pour le concept de gestion de la
diversité, n'est sans doute pas étranger au fait que certains écrits
portant sur ces problèmes de coordination s'affichent comme traitant
de la gestion de la diversité.
Pour clarifier le débat, nous proposons de classifier les caractéristiques
/ . / .
proposees en Cinq categones :
- Les caractéristiques physiques « qui influencent, dès
visibles »

le premier regard, la perception que l'acteur porte sur l'autre. Au


niveau ethnique ou culturel, nous renvoyons à des caractéristiques
visibles telles que la couleur de la peau ou l'affichage d'un signe
religieux visible. Nous avons classé ici l'orientation sexuelle pour
envisager les situations où celle-ci est affichée par l 'individu et où
elle structure les comportements et attitudes des personnes qui
interagissent avec lui. Nous reprenons cette caractéristique dans
la troisième catégorie car elle peut aussi faire partie d'un choix de
vie de l 'individu, en apparence invisible, mais qui peut être connu
ou alimenter des rumeurs à un moment donné dans l 'organisation
et en conséquence, influencer le type d'interactions internes et/ou
externes.
- Les caractéristiques physiques fonctionnelles renvoient aux
éléments physiques qui ne sont « handicapants » qu'en fonction
d'un contexte particulier (contexte fonctionnel) . Si des aménage­
ments du travail sont réalisés, le « handicap » ne constitue plus une
barrière au traitement égalitaire de la personne. Ceci nous permet aussi
"'0
0
.J
:..::::
<!)
de rappeler que les notions de handicaps et d'atouts sont contextuel­
c
'
'"0
0
:J c les : ce sont les modes d'organisation du travail et les systèmes mis en
::::1
<X)
0
....
"'
<!)
place pour rencontrer les besoins des usagers et des clients qui défi ­
0 <!)
N '<!J
.�
nissent « le champ des possibles » et les mécanismes d'exclusion et de
....
@ 0
.... discriminations.
....... ::::1
..c ""
Ol c
·c
>-
0
c
- La rubrique « autres caractéristiques individuelles relevant de
a. <!)
0 ï5
0..
l'histoire de vie de l'individu regroupe des caractéristiques qui
»
u
0
u
....
peuvent s'avérer discriminatoires ( ou avantageuses) en regard de
0
..c
o. l'histoire de vie des individus .
j
� - Les caractéristiques sociales identifient l 'individu selon son appar-
§ tenance réelle ou supposée à un groupe ou un environnement social.
� Cette catégorie comprend le nom et le prénom car ces éléments
24 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

peuvent être interprétés comme le signe d'une origine nationale ou


de l'appartenance à un groupe culturel. De même, le fait d'habiter
certains quartiers ou de venir de certaines régions conduisent parfois
à une certaine méfiance des employeurs ( par exemple, certaines
banlieues ou régions à haut taux de syndicalisation) . Le parcours
professionnel peut aussi constituer un handicap ou un atout face au
marché du travail : le fait, par exemple, d'avoir travaillé dans des
entreprises qui ont connu un conflit social important structure,
parfois, une certaine crainte d'employeurs potentiels qui ont peur
d'engager des personnes perçues comme des « agitateurs » ; il en
est de même pour l'appartenance syndicale.
- Les caractéristiques organisationnelles renvoient au groupe
d'appartenance de l 'individu dans son métier et son organisation.
L'histoire de certaines fusions est un exemple qui montre que l'appar­
tenance à telle ou telle entité fusionnée peut entraîner des compor­
tements discriminatoires du groupe dominant. Plusieurs écrits sur la
gestion de la diversité reprennent aussi ces dimensions en mettant en
évidence les difficultés de communication entre acteurs utilisant des
« langages » spécifiques à leurs professions et identités organisation­

nelles ( département et fonction dans l'organisation) .


Comme signalé par Barth e t Falcoz (2007), certaines de ces caracté­
ristiques sont immuables, alors que d'autres sont modifiables et peuvent
évoluer.
Cette tentative d'identification et de classification des différentes dimen­
sions de la diversité est loin d'être simple. Une définition extensive
offre l'avantage de rappeler à chacun que lui aussi est « différent » et
possède des caractéristiques potentiellement mobilisables dans les
"'0
0
c
mécanismes de discrimination ou de valorisation. Le risque est grand
:J
0 toutefois de diluer tellement la notion qu'elle n'ait plus de sens comme
<X)
0 acte de gestion. Dans une vision restrictive, on revient généralement
0
N
sur des caractéristiques mobilisées dans les politiques d'égalité
@
.......
..c
professionnelle à savoir le genre, l'âge, l'origine ethnique et le groupe
Ol
·c culturel de référence, l'apparence physique et l'homosexualité . Un
>
a.
0 large débat apparaît alors sur l'intérêt mais aussi les pièges qu'il existe
u
à « diluer » chacune de ces caractéristiques dans un ensemble global
que constitue la diversité .
On ne peut s'empêcher de s'interroger sur toutes les contradictions
qui traversent la constitution de ces groupes-cibles. Ces clivages
sont considérés comme objectifs, évidents, facilement identifi ables.
Copyright © 2008 Du nod .

© Dunod - La photocopie non autorisée est un délit.

Tableau 1 .4 - Caractéristiques d)exclusion et/ou d)inégalités


Caractéristiques
Caractéristiques Caractéristiques
individuelles Caractéristiques Caractéristiques
physiques physiques
liées à l'histoire de vie sociales organisationnelles
« visibles » fonctionnelles
de l'individu
A

• Age • Hanclicap physique • Degré de maîtrise de • Nom et prénom • Métiers ou


• Couleur de peau • Hanclicap mental certaines langues • Langue maternelle professions
• Tout signe distinctif • Taille • Expérience • Niveau et type de diplôme • Départements ou
visible comme piercing professionnelle et de qualification services
• Poids
Origine ethnique ou
/
• Orientation sexuelle Histoire scolaire (lieu,

• Etat de santé •

culturelle, si visible • Histoire migratoire décrochage)


• Maladies
Signes religieux (réfugiés, regroupement Religion

chroniques •

visibles familial . . . )
• Situation familiale
Sexe • Ex-détenus et/ou

• Statut parental
dossier jucliciaire
• Orientation sexuelle, • Origine sociale et classe
si déclarée et/ou sociale
affichée. G)
• Communauté culturelle rTl'
Taille ::0

et/ou linguistique rn
:::0
• Poids • Lieu de vie ,Q
c
• Handicap physique • Orientations politiques rn
r
r
Hanclicap mental rn

• Nationalité
0
• Un accent marquant Parcours professionnel <
rn

une langue maternelle ::0


(exemple : entreprises et (J)
organisations où la personne =i
• Grossesse rTl'
a travaillé), appartenance ·..V

syndicale 1\)
en
26 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Pourtant ils sont ambigus et remplis de dilemmes qui traverseront


inévitablement toute action menée sous cette bannière ( Litvin,
1 997 ; Liff et Wacj am, 1 996 ; Martiniello, 1 995 ) . Ces spécificités
sont-elles immuables ou temporaires ? Sont-elles universelles ou
locales ? Ne sont-elles pas avant tout le reflet d'un mode de fonction­
nement de la société et de ses processus de socialisation et non le
reflet de capacités innées des individus ? N'est-on pas ainsi en train
de stigmatiser un groupe au détriment de l'autre et d'occulter des
rapports de pouvoir ( Prasad et al., 2006) ?
La diversité n'existe comme telle qu'à partir du moment où elle est
perçue c'est-à-dire quand on introduit dans un ensemble un élément
« perçu comme différent » . Autrement dit, elle n'existe comme
diversité que par rapport à une norme consciente ou inconsciente .
Elle est donc le résultat d'un processus de construction sociale ( Singh
& Point, 2004 ) . Prasad et al. (2006, pp. 1 6 - 1 7) parlent d'identités
fluides en fonction de l'importance accordée à telle ou telle caracté­
ristique dans certains contextes organisationnels, culturels et natio­
naux. Pour comprendre l'importance accordée à une caractéristique,
il faut la resituer dans l'histoire sociale et économique d'un pays,
d'une région, d'un secteur d'activité et d'une entreprise qui struc­
ture la norme ( SüB, Kleiner, 2007 ; Brunner, Bendl, 2007 ; Bogaert,
Vloeberghs, 2005 ; Point, 2007 ; Prasad et al., 2006 ) .
Il est aussi nécessaire de prendre e n considération les effets cumula­
tifs de ces différentes dimensions. Ils peuvent déboucher soit sur un
scénario d'aggravation des discriminations sur le marché du travail,
soit au contraire, sur la possibilité d'atténuation des effets de telle ou
telle caractéristique . Le positionnement d'une personne d'origine
étrangère par rapport à l'emploi sera fortement influencé par le fait
"'0
0
c
qu'elle ait ou non un haut niveau de diplôme, qu'elle soit un homme
:J
0 ou une femme, qu'elle souffre ou non d'un handicap, qu'elle soit ou
<X)
0
0
non d'une famille monoparentale. Force est de constater que cet
N
aspect pluridimensionnel de la diversité et ses impacts pour la gestion
@
.......
..c
restent encore peu étudiés ( Kulik & Brainbridge, 2006) .
Ol
·c
> Le dernier écueil est d'attribuer des compétences réelles ou suppo­
a.
u
0 sées à un groupe cible identifié sur base d'une caractéristique sociale
ou individuelle. N'est-on pas ainsi en train de naturaliser des compé­
tences qui sont avant tout sociales et qui relèvent de l'histoire indivi­
duelle et des processus de socialisation ?
La situation des différents groupes-cibles est-elle équivalente ? Peut­
on grouper tous ces groupes-cibles dans un même sous-ensemble et
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 27

supposer que toute action en regard de l'un ou l'autre groupe peut


être transférée à un autre ? On peut supposer qu'on retrouve des
éléments communs à mobiliser dans l'analyse du positionnement
de l'un ou l'autre groupe en regard de l'emploi notamment les
questions relatives aux barrières à l 'entrée, à la ségrégation hori­
zontale et verticale, à l'équité salariale, aux conditions de travail.
Toutefois, plusieurs défendent l'idée qu'il existe des spécificités à
chaque groupe et que le risque est grand de vouloir intégrer ces
groupes dans un ensemble plus vaste qui s'appelle la diversité.
Nous allons tenter dans le point suivant de faire le point sur ces
spécificités.

2. Débats autour d' une approche spécifique


de certains groupes-cibles
La gestion de la diversité a des liens souvent complexes avec les poli­
tiques d'égalité des droits et d'égalité des chances, historiquement
construites autour de groupes-cibles notamment :
- les femmes, avec plus généralement le thème de l'égalité entre les
femmes et les hommes et la notion de genre ;
- des groupes-cibles liés à l'âge : les travailleurs âgés et les jeunes ;
- les personnes handicapées ;
- les personnes d'origine étrangère ;
- les personnes homosexuelles.
Une des questions importantes pour ceux qui avaient déjà largement
investi l'un ou l'autre groupe cible tant dans la recherche que dans
l'action est de déterminer ce que chaque sous-groupe visé a à gagner
"'0 .J ou à perdre en s'intégrant dans des politiques de gestion de la diver­
:..::::
0 <!)
c
:J
'
'"0 sité. Nous ne pouvons ici faire état de l'ensemble des débats en la
c
0
<X)
::::1
....
"'
matière, mais il nous semble utile d'en présenter quelques-uns autour
0 <!)
0
N
<!)
'<!J
de l'absorption éventuelle de ces problématiques d'égalité dans le
.�
@
....
0
....
giron plus large de la gestion de la diversité .
....... ::::1
..c ""
Ol c
·c 0 Genre et gestion de la diversité
>- c •

a. <!)
0 ï5
u 0..
u
Plusieurs auteurs ( Laufer, 2007 ; Cornet, 2007 ; Point, 2007) consta­
0
....
0
..c
tent que bon nombre d'entreprises intègrent la problématique de
o.
l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans leurs politi­
j
'"0
'
ques de gestion de la diversité. Ce thème est l'un des plus traités.
0
c
::::1
Cette tendance se confirme dans la littérature scientifique. Ainsi,

@
Lepine et al. (2004) ont mis en évidence, suite à une revue de la
28 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

littérature qui couvre la période 2000-2003, que le sexe est la carac­


téristique la plus souvent citée ( 5 1 sur 69 articles recensés) avec une
large place au thème de la promotion, des rémunérations et de la ségré­
gation professionnelle. Liff ( 1 999) parle d'un compromis constructif
entre l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la
gestion de la diversité. Ceci s'explique sans doute par le fait que la
problématique des discriminations liées au genre est un thème déjà
largement documenté dans la littérature et les pratiques, mais aussi
par le fait que cette dimension peut apparaître finalement à plusieurs
employeurs comme une des dimensions les plus faciles à traiter, à
objectiver et à mesurer.
Certains arguments plaident pour une intégration du genre dans la
gestion de la diversité . Le premier est que la gestion de la diversité
s'inscrit dans une prise de conscience du poids de la « norme » dans
le choix de la main -d'œuvre, norme le plus souvent inconsciente qui
génère des discriminations directes et indirectes, ce qui rejoint le
combat pour l'égalité des sexes. La gestion de la diversité et le discours
qui l'accompagne permettent de questionner cette norme, notam­
ment dans sa dimension sexuée (l'image de l'homme comme étant,
par exemple, le cadre idéal et normal). La gestion de la diversité
questionne l 'efficacité et la pertinence de ce clonage. L'enjeu est de
passer d'une logique de l'intégration par l'assimilation à une intégra­
tion qui reconnaît des spécificités, « des différences » et la valeur
ajoutée du public féminin. On est très proche des principes de base
du gender mainstreaming et de l'approche différenciée selon les
sexes ( Cornet, 2002 ) .
Un autre intérêt pourrait être de sortir les femmes d'un discours de
victimisation et d'un paternalisme pesant, encore souvent le fait de
"'0
0
c politiques d'égalité des chances qui positionnent les femmes en tant
:J
0 que victimes ou comme ayant des handicaps qu'elles ne peuvent
<X)
0
0
surmonter que moyennant une aide spécifique ( affirmation de soi,
N
@
coaching, mentorat, etc . ) . La gestion de la diversité parle de discrimi­
.......
..c nations mais aussi et surtout de valeur ajoutée et de compétences à
Ol
·c
>
valoriser.
a.
0
u Par ailleurs, comme l'objectif des plans de gestion de la diversité est
d'attirer et d'intégrer des personnes, dont les femmes, qui apportent
d'autres cadres de référence, cela suppose la nécessité de prendre en
compte leurs contraintes et réalités spécifiques. Cela rend donc plus
légititne la mise en place de dispositifs d'accommodement, voire de
transformation des processus de travail, visant à capter mais aussi à
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 29

retenir et valoriser cette main-d'œuvre. On peut de cette façon expli­


quer l'importance, par exemple, de pouvoir aménager son temps de
travail en fonction des nécessités familiales et du soin aux personnes
dépendantes. Le thème de la conciliation vie privée/vie profession­
nelle devient plus légitime. Ces dispositifs ont des effets bénéfiques
directs pour les femmes mais aussi pour les hommes (Tremblay,
200 5 ) .
Certains arguments montrent aussi l'intérêt d'intégrer la diversité
dans le genre. La théorie féministe a été fortement critiquée parce
qu'elle traitait le genre comme une variable universelle et historique,
englobant les expériences de toutes les femmes. Or, les études et les
pratiques ont montré que la situation des femmes est marquée par
d'autres rapports sociaux. En effet, les hommes et les femmes sont
loin d'être des groupes homogènes et trop d'études sur l'un ou
l'autre sexe oublient de prendre en compte les spécificités liées au
croisement avec d'autres caractéristiques telles que l'âge, les dimen­
sions culturelles ( Ouali, 2004 ) , l'orientation sexuelle, l'apparence
physique ou encore le handicap1 . Les femmes issues d'autres groupes
culturels ont fortement interpellé les mouvements féministes sur leur
incapacité à intégrer leur diversité et leurs réalités (Calas & Smircich,
1 996) . On assiste d'ailleurs à une prise en compte croissante de cette
diversité dans les axes d'action féministes comme en témoigne, par
exemple, le texte du Fourth World Conference on Women (2005 )2
qui reconnaît que « Les femmes rencontrent des barrières pour
atteindre l'égalité et dans leur carrière en raison de barrières liées à
leur origine, à leur âge, à leur langue maternelle, à leur groupe
ethnique, à leur culture ou à leur religion, à un handicap. Il y a
"'0
0
.J
:..:
<!)
::: superposition de critères discriminants. Beaucoup de femmes
c
'
'"0
0
:J c
::::1
rencontrent aussi des obstacles spécifiques liés à leur situation familiale ,
<X) ...."' notamment celles qui sont monoparentales ; ces obstacles peuvent
0 <!)
0 <!)
N '<!J
.�
.... aussi être liés à leur lieux de vie comme le fait de vivre en région
@ 0
....
....... ::::1
"" rurale ou dans certaines banlieues. Des barrières additionnelles exis­
..c
Ol
·c
c
0
c
tent pour les femmes réfugiées ou déplacées, qu'elles soient ou non
>-
a.
0
<!)
ï5
migrantes. »
u 0..
u
....00
..c
o. l . Voir notamment le dossier de Chronique féministe sur Femmes et Handicap,
j 2006, e-mail : info@universitedesfemmes.be, site Web : www.universitedesfem­
'"0 mes.be
0
c
::::1 2. http://www. un.org/esa/socdevjenablejwomen/diswomenSreview.htm, Uni­

ted Nations cité dans Zanoni, 2007.
@
30 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Si des arguments plaident donc pour une intégration des politiques


d'égalité entre les sexes dans les politiques de gestion de la diversité,
des voix s'élèvent cependant pour dénoncer les risques d'une telle
1
1ntegrauon.
• •

Un des premiers arguments des opposants est que le discours et les


pratiques sur la gestion de la diversité risquent de positionner
le « genre » comme une dimension de la diversité parmi d'autres or
le sexe est une dimension transversale ( Laufer, 2007, Sinclair, 2000) .
Pour chaque sous-groupe identifié (personnes handicapées, d'origine
étrangère, plus de 45 ans, jeunes) , une lecture en terme de « genre »
s'avère indispensable.
Un autre argument est que la gestion de la diversité s'intéresse aux
différences mais parle peu des rapports de pouvoir, ce que font les
analyses et approches qui étudient le genre. Un petit détour par les
concepts de base peut s'avérer utile. Pour rappel, le sexe renvoie aux
différences biologiques entre les hommes et les femmes. Le genre,
par contre, s'intéresse aux constructions sociales que chaque groupe
social produit autour de ces différences biologiques et de leurs effets.
Parler du genre, c'est donc s'intéresser aux différences observées
entre le comportement et le positionnement des femmes et des
hommes. C'est aussi et surtout comprendre comment ceci interagit
avec les stéréotypes sexués qui enferment les femmes mais aussi les
hommes dans certains rôles, certains comportements, certaines atti­
tudes. Dans le domaine de l'emploi, cela amène à s'interroger sur les
phénomènes de ségrégation horizontale et verticale qui conduisent à
cantonner l 'un et l'autre sexe dans certains métiers, certaines fonc­
tions, certains niveaux hiérarchiques au nom de compétences
« naturalisées ». Enfin, le concept de genre vise à déconstruire les
"'0
0
c phénomènes de hiérarchisation qui ont pour effet d'ériger en modèle
:J
0 dominant des normes masculines et de dévaloriser des domaines
<X)
0
0
perçus comme féminins. Comme la gestion de la diversité s'est large­
N
@
ment construite autour de caractéristiques individuelles mais peu
.......
..c autour d'une analyse en termes de rapports sociaux, le risque est
Ol
·c
>
grand pour les femmes de se voir déposséder des luttes qui ont fait
a.
u
0 progresser leurs situations (Laufer et Silvera, 2006 ; Billing et Sundi n,
2006).
Il n'en reste pas moins que les études sur le genre pourraient très
utilement enrichir les études relatives à la gestion de la diversité. Une
application de ce principe pourrait être le transfert des grilles de
lecture qui ont été construites pour lire les rapports de pouvoir liés
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 31

au sexe. On fait ici référence, entre autres, aux mécanismes de construc­


tion sociale du féminin et du masculin et aux phénomènes de natura­
lisation et de hiérarchisation qui se sont greffés à ces constructions,
ainsi qu'à l'analyse du marché du travail et des emplois en termes de
ségrégation horizontale et verticale.
Un autre problème, et non des moindres, est le fait que la gestion
de la diversité est un modèle d'intégration qui repose sur la différen­
ciation avec un risque important de renforcer des stéréotypes, de
naturaliser « certaines compétences » , de créer des ghettos, d'instru­
mentaliser l'autre . Dans ce scénario, la personne n'a sa place et n'est
crédible que dans 1 'interaction avec le groupe dont elle est issue, avec
une vision stéréotypée de ses compétences. Laufer (2007) parle du
risque d'une attention trop grande portée aux « différences » entre
les femmes et les hommes. Ceci est d'autant plus risqué que ces diffé­
rences pourraient être mobilisées pour justifier la suprématie d'un
sexe sur l'autre et expliquer les inégalités sexuées. Cadalen (2007)
s'interroge sur les risques de dérives liées aux discours qui laissent à
penser que les femmes sont totalement différentes des hommes « en
nature » et qu'il coexiste deux mondes, l'un « féminin » et l'autre
« masculin », totalement distincts par certaines caractéristiques et

donc incompatibles ou inconciliables. Un exemple concret de ce


débat concerne notamment la spécificité réelle ou supposée du
leadership féminin ( Cornet & Bonnivert, 2008 ) . Certains auteurs
ont tenté de montrer que les femmes auraient un style de leadership
différent de celui des hommes et que ce style de leadership serait plus
approprié aux nouvelles formes organisationnelles parce que plus
souple, plus flexible. D'autres études, par contre, contredisent ces
recherches .
"'0 .J
0 :..::::
c
:J
� Le fait que les questions d'égalité et de non-discrimination devien-
t::
0
<X) : nent « un moyen » pour atteindre l'efficacité économique est égale-
,� ment dénoncé par plusieurs auteurs et associations féministes.
"'

0
0
N
@ ·g Valoriser la différence ne signifie pas nécessairement lutter contre les
� inégalités, les discriminations et le sexisme. Le fait que l'égalité ne
.....
.......
..c
Ol
·c
> 8 soit plus un but risque d'amener à des dérives. On pense, par exem-
a.
· g. ple, à la mise en place de scénarios où la diversité serait valorisée dans
<U
0
u
u

5 certains contextes, ceux où il peut y avoir création de valeur ajoutée


..c
o.
mais au contraire, rejetée dans d'autres, au nom justement de l'effi­
.3
� cacité économique. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre
§ consacré aux logiques d'actions, en montrant l'impor tance de ne pas
� hiérarchiser celles-ci, en positionnant la logique économique au
32 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

sommet de la pyramide mais de les considérer dans une perspective


systémique et dialectique.

• Les personnes d'origine étrangère et la gestion de la diversité

Les personnes d'origine étrangère ou minorités visibles sont l'un des


premiers groupes, avec les femmes, à avoir été pris en compte dans
les politiques de gestion de la diversité. C'est notamment le cas aux
/

Etats-Unis où s'est construit tout un discours qui visait à mettre en


évidence l'atout commercial (proximité avec la clientèle et les usagers)
que pouvait constituer une main-d'œuvre diversifiée d'un point de
vue ethnique et culturel. Une revendication croissante des minorités
ethniques d'être recruté sur base de leurs compétences, et non plus
de mesures d'actions positives, perçues par ces groupes comme très
pénalisantes et dévalorisantes, a permis aussi un envol des politiques
de gestion de la diversité articulées autour de l'origine, d'abord en
Amérique du Nord.
Nos sociétés sont depuis longtemps constituées de personnes
d'origines nationales différentes. Leur positionnement sur le marché
de l'emploi est fortement lié au contexte sociopolitique et écono­
mique. Dans une première période (Adam, 2007 ) , l 'immigration
professionnelle était perçue comme temporaire et devant répondre à
des déficits de main-d'œuvre . Dans la plupart des pays, l'accès à
l'emploi des personnes de nationalité étrangère était soutnis à certai­
nes conditions comme l'octroi d'un permis de travail sur base duquel
la personne pouvait obtenir un permis de séjour. Cet appel à une
main-d'œuvre étrangère pour combler les emplois en pénurie a
largement contribué à l'ethnostratification du marché du travail .
"'0
Dans les années 80, l'irréversibilité de l a présence des immigrés et de
0
c
:J
leurs familles génère des politiques publiques visant à une meilleure
0
<X)
intégration sociale et économique de ces populations. On assiste à un
0
0
N
allégement des conditions d'accès au marché du travail, notamment
@ pour ceux qui n'ont pas la nationalité du pays d'accueil mais qui y
.......
..c
Ol
sont nés ou qui ont un conjoint de la nationalité du pays d'accueil.
·c
>
a.
Ceci ne résout pas la problématique de la discrimination sur base de
0
u l'origine. En effet, les discriminations dans l'emploi sont très fortes
pour les personnes d'origine étrangère, qu'elles aient ou non la
nationalité du pays d'accueil, qu'elles soient primo-arrivantes ou
qu'elles soient nées et scolarisées dans le pays d'accueil. La nationa­
lité ne peut à elle seule être mobilisée pour identifier les caractéristi­
ques liées à l'origine qui peuvent générer des discriminations. On en
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 33

vient donc à parler de groupes ethniques ou culturels, de personnes


d'origine étrangère, d'allochtones, de minorités visibles. L'origine
ethnique ( Martiniello, 1 99 5 ) se traduirait au travers de signes
distinctifs tels que des traits physiques, la langue maternelle, l'appar­
tenance religieuse, les habitudes alimentaires et vestimentaires (par
exemple, le port du foulard) , les rituels religieux (notamment l'heure
des prières) ou tout simplement le nom et le prénom.
Les barrières à l'embauche sont multiples. Plusieurs travaux, notam­
ment dans les années 80 et 90, tentent de les expliquer par la thèse
du déficit (Neels et Stoop, 2000) . Les déficits identifiés sont un manque
de scolarisation et de formation, de qualification, de maîtrise de la
langue du pays d'accueil, de motivation et de maîtrise des codes
comportementaux ( distance culturelle par rapport au pays d'immi­
gration), avec, enfin, des déficits de capital social. Dans ces études, le
groupe cible est vu comme la source du problème (Adam, 2007).
Fin des années 90, les études commencent à s'intéresser aux méca­
nismes discriminatoires en lien notamment avec les difficultés que
rencontrent les jeunes d'origine étrangère, nés dans le pays d'accueil
et ayant des diplômes assez élevés, à s'insérer sur le marché du travail .
On en vient alors à s'intéresser à des causes subjectives, construites
autour de stéréotypes et de représentations. Les explications invoquées
par les employeurs pour justifier la sous-représentation des travailleurs
d'origine étrangère sont un manque de confiance, le racisme des
autres travailleurs ou des responsables du personnel et la réticence
de la clientèle (Adam, 2007, p. 2 3 1 ) .
En plus des réactions négatives liées à des signes distinctifs et des
stéréotypes de la population locale et des employeurs, les personnes
.J
d'origine étrangère sont aussi confrontées à des obstacles adminis­
"'0
:..::::
0
c
'<!)
'"0
tratifs parfois difficilement surmontables :
:J c
0 ::::1
<X) ....
"'
- conditions et modalités d'obtention d'un permis de travail ;
0 <!)
<!)
0
N '<!J
.�
- conditions d'accès à certains emplois (par exemple, la fonction
....
@
.......
0
....
::::1
publique, les contrats subsidiés) ;
..c ""
Ol
·c
c
0 - conditions d'obtention des incitants et aides financières à l'intégration
>- c
a.
0
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ï5
professionnelle.
0
..
u
0
u
.... - reconnaissance des diplômes et des compétences acquises par
0
..c 1' expérience .
o.
j
'"0
· Les effets des discriminations commencent aussi à être étudiés de
§ plus en précisément avec les problèmes relatifs à l'accès à l'emploi,
� mais aussi des phénomènes de ségrégation horizontale des métiers et
34 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

des fonctions. On désigne également ces phénomènes en parlant


d'ethnicisation des métiers (De Wenden et Vuddamalay (dir. ), 2003 ;
Bataille, 1 997) et/ou de processus d'ethnostratification ( Martens,
2005 ; Ouali et Rea, 1 995 ), notamment dans les secteurs du nettoyage
industriel, des centres d'appels, de la logistique et du transport. On
constate aussi un taux de chômage plus élevé pour les personnes
d'origine étrangère, ce qui pose des problèmes d'intégration sociale .
Ces discriminations sont encore plus fortes pour les femmes d'origine
étrangère, surtout musulmanes ( Ouali, 2007).
Certains travaux mais aussi des acteurs de terrain pointent aussi la
sous-représentation des personnes d'origine étrangère dans les servi­
ces publics, censés refléter dans leur main-d'œuvre, la population et
donc les usagers de ces services.
Une des premières difficultés, en Europe et plus spécifiquement en
Belgique et en France, porte sur le manque de consensus sur la façon
d'identifier et de nommer cette population. En effet, si l 'Amérique
du Nord et la Grande- Bretagne ont opté pour un repérage de ces
groupes-cibles au travers de mécanismes d'auto-identification dans
des sous-groupes ethniques, un tel repérage a toujours été refusé en
France ( Simon, 2000, 2003) et en Belgique ( Centre pour l'égalité
des chances) . Des pistes sont discutées dans ces deux pays dont nous
reparlerons dans le chapitre portant sur le diagnostic.
Une autre difficulté est celle relative aux différences susceptibles de
créer de la valeur ajoutée, à valoriser dans une politique de gestion de
la diversité . Pour certains, l'atout principal de ce groupe cible est
sa différence culturelle donc sa capacité à agir dans l'emploi avec
d'autres cadres de référence, mais l'association qui se fait alors
"'0 entre certaines caractéristiques (couleur de peau et patronyme, par
0
c
:J
exemple) et 1 'existence d'une différence culturelle peut être totale­
0
<X)
ment gratuite et fausse ! Des personnes peuvent avoir un patronyme
0
0
N
d'origine étrangère et une autre couleur de peau, sans être nécessai­
@ rement porteur d'une autre culture . De plus, les différences culturel­
.......
..c
Ol
les assignées à un individu en fonction de son groupe d'appartenance
·c
>
a.
réel ou supposé sont parfois très stéréotypées. Comme l'explique
0
u Benichou (2006 ) , le risque existe d'essentialiser l'appartenance
collective au sein de l'identité individuelle, de fi ger les identités et
de ne voir l'individu qu'en tant que membre de sa communauté .
Comme le souligne Herbigniaux (2006, p . 3 ) , « en accentuant
plutôt les différences que ce qui nous rassemble, le risque est grand
de maintenir un certain nombre de stéréotypes à l 'encontre des
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 35

populations culturellement différentes. Définir une culture par quel­


ques traits saillants, c'est oublier toute sa diversité, et toutes les
façons de vivre cette culture par chaque individu. Il est alors facile de
rentrer dans un raisonnement stéréotypé et peu nuancé. Gardons
plutôt à l'esprit qu'aucun groupe humain n'est parfaitement homo­
gène et qu'il est réducteur de le penser comme tel. » Pour contour ­
ner les ambiguïtés liées à la culture, certains parlent d'ethnicité, mais
le détour par cette notion est loin de résoudre le problème comme
1' a bien montré Martiniello ( 199 5 ) . Tout ceci a pour conséquence
que ce groupe cible est quelquefois identifié en référence à ses origi­
nes culturelles, à ses origines nationales, à son ethnicité, à son parcours
migratoire (par exemple, primo-arrivants versus deuxième et troisième
générations ) .
Une autre difficulté e n lien avec l a gestion de l a diversité et les
personnes d'origine étrangère est la question du relativisme culturel
(Benichou, 2006) et du seuil de tolérance à adopter dans l'entreprise
en regard de certaines pratiques culturelles. Les politiques de gestion
de la diversité, dans leurs principes, encourageraient à un fort degré
de tolérance pour d'autres styles de vie, valeurs, normes et compor­
tements. Le Québec et le Canada ont d'ailleurs élargi le concept
d'adaptation raisonnable, utilisé dans l 'insertion socioprofessionnelle
des personnes handicapées, à d'autres formes de discriminations,
notamment les discriminations basées sur l'origine ethnique et les
pratiques religieuses et ont créé la notion « d'accommodement
raisonnable » . Ce principe s'applique quand un règlement, une
norme, une situation, ont un effet préjudiciable sur une personne ou
un groupe de personnes. La loi prévoit que les organisations doivent
"'0 ...; rechercher le moyen d'éliminer les conséquences de la discrimina­
0
c
:J
� tion, avec le principe de base de l'entente mutuelle satisfaisante qui
0
<X)
� répond aux principes de la réciprocité (toutes les parties doivent faire
"'

0
0 � un effort pour arriver à cette entente ) , de l'équité (l'entente ne doit
N '0

@
.......
·g comporter ni passe-droit, ni privilège ) , du sens des réalités (la solu-
.....

..c � tion envisagée doit tenir compte des contraintes des deux parties) .
Ol t::
·c
> 8 Ceci doit permettre notamment de répondre à des demandes rel ati-
a.
· g. ves à des spécificités culturelles et/ou religieuses (jour de congé,
0
0
u
u

5 habillement, etc . ) ( Pineau, 2007 ; Durand, 2007) . Ce principe, mis


..t::
o.
en œuvre depuis quelques années, suscite pour l'instant beaucoup de
j

débats au Québec, car certains, y compris des membres des groupes
§ culturels qui ont demandé des accommodements, trouvent que le
� processus est poussé trop loin. Ils mettent en avant le fait qu'il devrait
36 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

être régulé par la compatibilité entre l'accommodement et les règles


de vie qui fondent la société, telles que la laïcité et l'égalité des sexes.
Le livre de Yolande Geadah, Accommodements raisonnables. Droit à
la différence et non différence des droits ( 2007) positionne clairement
le débat en cours, débat fortement utilisé par certains politiques
québécois lors de la dernière campagne électorale. Derrière ces
débats est soulevée la question des limites du relativisme culturel .
Cette théorie soutient que les éléments normatifs, les valeurs et les
institutions d'une société ne trouvent leur explication et leur légiti­
mation qu'à partir de la culture de cette communauté humaine . Elle
oblige à se questionner sur l'ethnocentrisme qui consiste à évaluer la
culture de l'autre avec son propre cadre de référence comme norme
et modèle. Le relativisme culturel entraînerait une sorte d'autonomie
des modèles éthiques. Le relativisme culturel permet certes une atti­
tude positive face à la diversité, une tolérance face aux différences,
mais il interpelle également quand il s'oppose aux valeurs fondamen­
tales d'une société. ( Carrier, 1992 ) .
Ce débat est également lié à celui du communautarisme (Feron et
Auger, 2007). Le risque devient que les politiques de gestion de la
diversité renforcent les communautarismes et soient pénalisantes
pour l'intégration des populations dans la société de référence. Le
terme « communautarisme » désigne toute forme d'ethnocentrisme
ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant
une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un
contexte culturel où l'ouverture, et plus particulièrement l'ouverture
à l'autre, est fortement valorisée. Le communautarisme est défini
comme un projet sociopolitique visant à soumettre les membres
"0
0 d'un groupe défini aux normes supposées propres à ce groupe (telle
c
« communauté » ) , bref à contrôler les opinions et les comportements
:J
0
<X)
0 de tous ceux qui appartiennent en principe à ladite communauté
0
N
(Taguieff, 200 3 ) .
@
.......
..c
Ol
·c • Gestion des âges et diversité
>
a.
u
0 Depuis quelques années, la notion de l'âge en emploi commence à
être traitée tant par les chercheurs que par les acteurs politiques et les
responsables des ressources humaines et associée à la thématique de
la gestion de la diversité. Une conjugaison de facteurs divers est à
l'origine du regain d'intérêt pour cette problématique : facteurs
macroéconomiques, facteurs individuels, facteurs organisationnels.
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 37

D 'un point de vue macroéconomique, deux facteurs semblent stimu-


1er 1 'intérêt pour la gestion des âges et tout particulièrement des
travailleurs âgés : le facteur démographique et la question du finance­
ment du système de retraites. On assiste à un vieillissement de la
population avec le poids démographique des « baby-boomers » et
l'augmentation de l'espérance de vie. Les programmes de préretraite
ont été largement utilisés dans des logiques de gestion de sureffectifs,
ce qui entraîne pour la Belgique et pour la France des taux d'emploi
très faibles des plus de 50 ans, tant chez les femmes que chez les
hommes. Les objectifs de Lisbonne prévoient un taux d'activité plus
élevé des personnes de plus de 5 0 ans pour pouvoir assurer le finan­
cement de la sécurité sociale. La France comme la Belgique sont très
loin d'atteindre les chiffres requis. De plus, les jeunes entrent de plus
en plus tard sur le marché du travail en raison de l'allongement de la
scolarité. Les experts annoncent que la conjugaison de ces deux
phénomènes engendrera dès 2 0 1 0 de sérieuses pénuries de main­
d'œuvre, ce qui risque de porter préjudice à la productivité des pays
industrialisés. Les pouvoirs publics sont, dès lors, mis sous pression
pour « dénicher » des réserves de main-d'œuvre. On veut inciter
les travailleurs à travailler plus longtemps, au-delà de l'âge de la pré­
retraite , voire de la retraite, et les employeurs à les garder, mais
aussi à les recruter. La question du financement du système des
retraites est un autre argument des économistes et décideurs poli ti­
ques. Les systèmes des retraites de plusieurs pays européens dont la
Belgique et la France ne seraient pas viables à terme dans les conditions
actuelles.
Tout ceci a pour effet de générer bon nombre de travaux et de pratiques
"'0 ...; consacrés à une politique de gestion des âges qui vise généralement
0
c
:J
� deux publics :
c
0
<X) �<) - les travailleurs de plus de 5 0 ans ;
0
0 <)
N ''ù
.� - les jeunes ( moins de 30 ans) .
@
....
0
.....
.......
..c
Ol

c
Pour les plus de 5 0 ans, le problème est que l'on reproche à ces
·c
> 8 travailleurs leur coût salarial, qui s'enracine souvent dans un dispo-
a.
· g. si tif de rémunération basé sur 1 'ancienneté . Par ailleurs, ils sont
<J
0
u
u

5 eux aussi victimes de représentations et de stéréotypes parfois


..c
o.
fondés sur des faits objectifs mais aussi sur d'autres totalement infon­
.3
� dés. Ils sont ainsi perçus comme moins productifs, moins enclins à
§ accepter le changement et l'innovation (notamment adaptation aux
� nouvelles technologies) , plus sujets aux accidents du travail et aux
38 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

congés de maladie . Ces facteurs sont essentiellement des facteurs liés


à l'individu et perçus comme le résultat du processus de vieillissement.
Les problèmes rencontrés avec ces travailleurs âgés ont aussi des raci­
nes organisationnelles : manque de reconnaissance, mauvaise entente
avec les supérieurs ( de plus en plus souvent des j eunes diplômés ) ,
stress élevé dû aux modifications dans l 'organisation du travail et
dans le rythme de travail, manque de soutien. Il n'est, par ailleurs, pas
prouvé que le rendement soit lié à l'âge (Volkoff, Molinié et Jolivet,
2000). Le déclin de productivité est parfois imputé à l'âge alors qu'il
vient souvent d'une sous-qualification des travailleurs les plus âgés.
Par ailleurs, les travailleurs âgés, à la faveur des multiples plans de
préretraite et de retraites anticipées ( qui ont été développés pour gérer
au mieux socialement les réductions d'effectifs), ont, eux-mêmes, des
attentes de retrait anticipé du marché du travail et ne souhaitent pas
nécessairement y rester actifs. Ceci peut varier fortement en fonction
des catégories sociales, du niveau de qualification, du degré de péni­
bilité des tâches accomplies (notamment horaires prestés et travail de
nuit), de l'âge d'entrée sur le marché du travail, de l'état de santé
mais aussi, des pratiques organisationnelles ( modes d'organisation
du travail, possibilités d'aménagement du temps et du lieu de travail,
rythme de travail, politiques en manière de formation et de mises à
jour des compétences ) . Peretti et Marbot (2006) parlent d'un senti­
ment de fin de vie professiom1elle qui se traduit par un désengagement
au travail, un recentrage sur soi, une évolution des objectifs de vie (se
consacrer davantage à sa famille, développer de nouvelles compétences
correspondant à sa personnalité, etc . ) , une évolution des rôles
sociaux, une acceptation de l'âge.
"'0
0
c
Pourtant, si on raisonne en termes d'atouts et non plus de handicaps
:J
0 ( Guérin, 2004 ; Peretti et Marbot, 2006 ; Equal-France, 2005 ) ,
<X)
0
0
comme nous encourage à le faire la gestion de la diversité, il apparaît
N
@
que les travailleurs âgés sont perçus comme plus fidèles à l'entreprise.
.......
..c On apprécie leur maturité, leur sagesse et leur expertise. Ils sont aussi
Ol
·c
> la mémoire de l'entreprise et possèdent des connaissances et compé­
a.
u
0 tences tacites à transmettre au travers de processus d'apprentissage et
de coaching. Des études ont, par ailleurs, montré que les travailleurs
âgés seraient prêts à travailler plus s'ils ont le sentiment qu'on a
besoin d'eux, de leurs compétences et connaissances, si on développe
leurs compétences et si on leur offre plus de flexibilité dans l'aména­
gement de leurs horaires ( Dieu et al. , 2007 ; Equal-France, 200 5 ) .
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 39

La problématique des jeunes est, elle , traduite en termes d'inclusion


sociale (favoriser l'emploi des jeunes et une première expérience de
travail) et de pratiques de gestion des ressources humaines permet­
tant une plus grande fidélisation de ce public, perçu comme très
mobile, du moins pour les plus qualifiés au travers notamment des
carrières nomades. Plusieurs études montrent que les jeunes auraient
des valeurs, normes et comportements différents des autres généra­
tions en regard de l'emploi et de l'entreprise (Alexandre Bailly et al.,
2004 ) . Les jeunes aspireraient à un emploi stable (contrat à durée
indéterminée ) , leur garantissant un équilibre entre vie privée et vie
professionnelle, un bon salaire et une bonne protection sociale. Les
jeunes ont admis le changement, ils y aspirent même, mais pas dans
toutes ses formes. Ils sont favorables au changement de métier, et
d'entreprise (carrière-nomade ) . Ils veulent également alterner vie
professionnelle et périodes de formation. En outre, si les jeunes
acceptent volontiers de s'adapter et de se plier aux exigences néces­
sairement mouvantes des entreprises, ils attendent en retour que les
entreprises soient elles-mêmes flexibles dans leurs modes de manage­
ment et fassent une place à leur capacité d'initiative (Montelh,
2000 ) . Les jeunes sont souvent vus par les entreprises comme insta­
bles (c'est chez les jeunes que le turn-over est le plus élevé ) et moins
disciplinés. Ils sont, par contre, appréciés pour leur flexibilité
(souvent subie) et leur grande adaptation. Ils sont aussi souvent plus
éduqués (plus de scolarisation) et plus familiers des nouvelles techno­
logies. On craint parfois leurs comportements « à risque » ( consom­
mation de drogues, etc . ) et les conséquences sur leur productivité .
La génération des juniors ne fait pas l'objet d'une définition
commune en termes d'âge et de génération (Marbot, 2005 ). Ce
"'0
0
...;
:..::::
groupe est, en fait, constitué de deux sous-groupes distincts : le
c
:J
� premier comprend les personnes nées entre 1975 et 1983 (la « géné-
c
0
<X) � ration Internet » ) , le deuxième les jeunes nés après 1983. Ceux-ci
0
0
N
,�.� constituent la « génération mosaïque » : ils connaissent d'autres
@ 8 technologies qu'Internet et, de ce fait, adoptent un mode de raison-
.......
..c
Ol � nement totalement nouveau. En termes de moments, ils ont connu
·c
>
a. � un monde en perpétuelle évolution, où les repères économiques,
u
0
·� idéologiques et technologiques changent régulièrement. Du côté de
5
..c
la gestion des ressources humaines, on se rend compte que les atten-
tes et les besoins particuliers de ce public ne sont pas souvent pris en
j
� considération. Par ailleurs, les conditions d'emploi qui leur sont
§ offertes sont plus souvent précaires ( contrat à durée déterminée ou
� intérim) avec des hauts niveaux d'exigences notamment en termes de
40 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

disponibilité, de flexibilité et de mobilité. Marbot (200 5 ) parle de


l'importance de travailler sur le sentiment d'insertion dans la vie
professionnelle et du contrat psychologique qui définit ce qu'ils atten­
dent de l'entreprise, ce qu'ils peuvent lui donner et ce que l'entre­
prise peut leur apporter.
Si la gestion des âges s'intéresse beaucoup aux seniors et aux jeunes,
elle s'est jusqu'à présent peu intéressée aux quadras qui sont au « mi­
temps » de leur vie professionnelle, avec parfois de profonds boule­
versements dans leur vie familiale . Pourtant une attention parti­
culière à cette tranche d'âge émerge de plus en plus comme un des
défis de la GRH de demain car il s'agit de réfléchir aux outils à mettre
en place pour s'assurer que ces personnes seront aussi motivées et
productives dans leur deuxième partie de carrière que dans leur
première. Guérin (2007) met en évidence qu'il n'y a pas réellement
un sentiment d'existence de cette génération, qui ne s'est pas construite
en opposition avec la génération précédente. Les quadras actuels ne
sont animés par aucun mythe fondateur et ont un rapport spécifique
aux nouvelles technologies : ils ne se sentent pas à l'aise avec ces
outils et se sentent pénalisés sur le marché de l'emploi en regard de
ce manque de maîtrise. Cette génération est entrée sur le marché du
travail alors que la crise avait déjà commencé. Elle veut maintenant
en sortir, mais elle sent que la fin de la carrière lui échappe comme
projet de vie. Soit la sortie sera rapide et dure, suite à des restructu­
rations et licenciements, avec alors toute la question de leur employa­
bilité et de la difficulté de retrouver du travail après 40 ans. Soit la
sortie est encore lointaine car des dispositifs se mettent progressive­
ment en place pour allonger les carrières et retarder l'âge de la
retraite . Ils sont aussi pour la plupart dans des configurations familia­
"'0
0
c
les assez complexes et diverses : couple traditionnel avec des jeunes
:J
0 enfants ou des adolescents et parfois des adultes, familles mono­
<X)
0
0
parentales (majoritairement des femmes) , garde partagée et famille
N
recomposée, génération-tampon sur qui reposent de plus en plus
@
.......
..c les soins aux personnes dépendantes, notamment les personnes âgées .
Ol
·c
>
De plus, le sentiment de l'existence d'un plafond de verre est
a.
u
0 incontestable chez les quadras. Ils estiment qu'ils ne parviendront
pas à progresser davantage, donc se désinvestissent progressivement
de leur travail.
Il faut toutefois souligner que plusieurs travaux remettent en ques­
tion le découpage de la population des travailleurs en catégories
d'âge (Marbot, 2005 ) . Ils mettent en évidence que si l'âge est une
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 41

donnée biologique, ce qui est déterminant dans le milieu de travail ,


ce sont des caractéristiques sociales et organisationnelles qui accen­
tuent le processus de vieillissement ( Damasson & Doyon, 2000 ) . Le
plus déterminant pour une politique de gestion des âges semble être
une réflexion sur l'état de santé physique et psychologique (usure
mentale) des travailleurs et sur leur positionnement en termes de
cycle de vie, notamment en regard de l'histoire familiale mais aussi
de leur trajectoire professionnelle. Ces auteurs proposent plutôt une
approche basée sur des cycles de vie, qui englobent notamment le
cycle du vieillissement mais aussi les besoins différenciés en fonction
des réalités familiales et des conditions de travail.
Plusieurs travaux montrent aussi qu'une politique de gestion de la
diversité articulée autour de la gestion des âges a aussi tout intérêt à
la coupler à une analyse croisée avec le sexe. En effet, les taux d'acti­
vité des hommes et des femmes et leurs réalités socio-économiques
diffèrent selon l'âge . Vers 3 5 ans, le taux d'emploi des hommes est
plus élevé que celui des femmes ( retrait partiel ou complet du
marché du travail lié à la maternité) . Par contre, vers 40 ans, on note
une proportion significative de femmes souhaitant réintégrer et réin­
vestir le marché de l'emploi. On observe ainsi un investissement
accru dans leur carrière . On remarque également une augmentation
du taux d'activité des femmes de 50 à 5 5 ans, notamment pour des
problèmes liés au calcul des retraites mais aussi en raison de l'éclate­
ment des cellules familiales, alors que ce taux d'activité est stable
pour les hommes depuis plusieurs années. Notons encore que
lorsqu'elles décident de prendre ou non leur retraite, les femmes
sont plus susceptibles que les hommes de prendre en considération la
situation de leur conjoint (Fourzly & Gervais, 2002 ) .
"'0 .J
:..::::
0 <!)
c
'
'"0
0
:J c • Personnes handicapées et gestion de la diversité
::::1
....
<X) "'
0
0
<!)
<!)
En France, la loi du l l février 2005 définit le handicap comme
N '<!J
.�
.... « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en
@ 0
....
.......
..c
::::1
"" société subie dans un environnement par une personne en raison
Ol c
·c
>-
0
c d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou de
a. <!)
u
0 ï5
0..
plusieurs fonctions physiques, sensorielles, cognitives, mentales ou
u
0
....
0
psychiques ou d'un trouble de santé invalidant. » ( Reprise dans Levet,
..c
o. 2007, p . 56)
j
'"0
'
Les personnes handicapées occupent une position spécifique dans la
0
c
::::1
gestion de la diversité. En effet, elles ont des handicaps moteurs,

@
sensoriels ou autres, qui peuvent les pénaliser dans l'accès à l'emploi,
42 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

pour autant toutefois qu'aucune adaptation du poste de travail ne


soit envisagée. Dans le cas où il y a aménagement, la plupart d'entre
elles peuvent tout à fait fonctionner dans un environnement de
travail avec la même productivité qu'un autre travailleur. Pour
l'approche du handicap, Levet (2007, p . 5 3 ) identifie deux modèles
dominants :
- Un modèle médical qui conçoit le handicap comme une caractéris­
tique de la personne. Pour améliorer l'intégration de la personne, il
faut donc corriger et compenser le problème de la personne.
- Un modèle social qui considère le handicap comme un problème
créé par la société. C'est l'inadaptation de l'environnement qui crée
en quelque sorte le handicap ou qui , en tout cas, le rend probléma­
tique, notamment pour l'accès à l'emploi.
Une autre spécificité est le fait que les personnes handicapées ont
depuis longtemps bénéficié d'actions et de discriminations positives
avec des politiques de quotas à respecter dans certains secteurs d'acti­
vité et pour certaines entreprises, mais aussi avec des interventions
financières dans les frais causés par l'adaptation des postes de travail .
Force est de constater que ces mesures s'avèrent encore largement
insuffisantes et que les personnes handicapées restent fortement
discriminées sur le marché du travail ( Binamé, 2004 ; Berthelem et
Spinetta, 2007 ; Bachelard et al., 2007).
Par ailleurs, ce groupe cible est très hétérogène. Tout d'abord, il l'est
en ce qui concerne le type de handicap et son impact éventuel sur la
vie professionnelle. Ensuite, il l'est par l'origine des handicaps
(handicap de naissance ou handicap acquis en cours de vie, suite ou
non à des causes professionnelles) . Une des questions qui se pose
"'0
0
c
concerne les solutions proposées par l'entreprise aux personnes qui
:J
0 deviennent handicapées ou malades à la suite de leurs activités
<X)
0
0
professionnelles, en termes financiers mais aussi de reclassement
N
@
professionnel.
.......
..c
Ol
En termes d'atouts, les politiques de gestion de la diversité en faveur
·c
>
a.
des personnes handicapées mettent régulièrement en évidence les
0
u gains partagés liés à une adaptation du poste du travail et des lieux de
travail pour pouvoir accueillir une personne handicapée, notamment
pour les handicaps moteurs. En effet, les adaptations proposées
peuvent bénéficier à d'autres travailleurs à mobilité réduite mais aussi
permettre un meilleur accueil des clients et usagers avec un handicap,
qui revendiquent de plus en plus d'être considérés comme des
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 43

acteurs à part entière de la société et des clients « comme les autres » .


Les dispositifs liés à ce groupe cible sont généralement regroupés
sous le vocable d'aménagement raisonnable. La directive 2000/78/
CE de la Communauté européenne, portant création d'un cadre
général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de
travail, définit l'aménagement raisonnable comme suit :

Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des
besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handi­
capée d'accéwploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation
lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge
disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est
compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la
politique menée dans l' État membre concerné en faveur des personnes
handicapées1.

L'absence d'aménagements raisonnables pour la personne handica­


pée constitue une discrimination, sanctionnée notamment par les lois
françaises et belges. Ce concept implique que la société doit adapter
son environnement aux possibilités d'une personne handicapée, et
non l'inverse. Notons toutefois que cette notion d'adaptation raison­
nable n'est pas offerte aux travailleurs qui ont des limitations tempo­
raires par suite d'une blessure.
Quoi qu'il en soit, tous les auteurs s'accordent pour dire que la situa­
tion sur le marché de l'emploi des travailleurs handicapés reste fragile .
Levet (2007) identifie trois facteurs importants : le déficit de forma­
tion initiale, la sélectivité des employeurs, le sous-marché de l'emploi
des travailleurs handicapés. Par ailleurs, l'engagement de personnes
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0
c
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handicapées reste largement perçu comme une contrainte, ce qui
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0
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::::1 risque de générer essentiellement des stratégies d'évitement ( Berthe­
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leme et Spinetta, 2006 ) .
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Levet souligne, par ailleurs, qu'un regard sur les pratiques montre
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que les entreprises sont souvent peu ou mal préparées à accueillir un
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a.
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travailleur handicapé et cela d'autant plus que « cela requiert des
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compétences collectives qui ont du mal à exister car ces pratiques
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....
0 portent sur très peu de recrutements » ( Levet, 2007, p . 65 ) . Il en
..c
o.
conclut que le handicap défie les pratiques de gestion de par la
j
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0
c l. http://europa.eu.int/comm/employment_social/fundamental_rights/pdf/legisln/
::::1

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2000-78_fr.pdf
44 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

complexité des problèmes à prendre en compte et le nombre de


partenaires à impliquer.

• Orientation sexuelle et gestion de la diversité

Longtemps absents des politiques d'égalité des chances et des plans


de diversité, il semble que les lesbiennes et gays soient de plus en plus
inclus dans ces derniers, notamment en Grande-Bretagne. L'orienta­
tion sexuelle a été identifiée comme une des composantes de la gestion
de la diversité, largement sous l'angle de la lutte contre les discrimi­
nations dans l'emploi. En effet, il apparaissait de plus en plus que les
homosexuel( le )s étaient un groupe cible de pratiques de harcèlement
et de rejet.
Ceci prend d'autant plus d'importance que les études féministes
ont mis en évidence la manière dont le monde de l'entreprise s'est
largement construit avec un cadre de référence masculin ( compé­
tition, performance, virilité, flexibilité, etc . ) (Falcoz, 2004 ) . Ce
système de valeurs a largement participé à l'exclusion des femmes de
certains métiers et fonctions et niveaux hiérarchiques. On peut aisé­
ment supposer que ces mécanismes se reproduisent pour les hommes
et les femmes qui sont perçus comme en dehors de cette norme, qu'il
s'agisse de gays et lesbiennes ou d'individus bisexuels, transsexuels et
trans genres.
L'orientation sexuelle fait partie pour Falcoz (2007) des discrimina­
tions encore trop souvent oubliées et cela d'autant plus que les
données statistiques qui permettraient de les documenter sont très
rares, surtout en Europe (Falcoz, 2007 ; De Biolley & Aslan, 2007).
L'entrée de l'homosexualité dans la famille avec la reconnaissance du
mariage homosexuel en Belgique et le PACS en France a suscité aussi
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0
c
des revendications relatives à une certaine reconnaissance de l'homo­
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0 sexualité dans les milieux professionnels, reconnaissance qui passe
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0
0
par plus de tolérance et moins de harcèlement et de rejet.
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@
L'étude réalisée par Falcoz (2007) révèle l'importance de l'homo­
.......
..c phobie sur le lieu de travail et montre que les images négatives véhi­
Ol
·c
> culées par les personnes homophobes peuvent relever de plusieurs
a.
u
0 registres : homophobie sexuelle, homophobie de genre, homophobie
médicale, homophobie sociale.
La tolérance ou non-tolérance de l'homosexualité ne peut se
comprendre sans réfléchir à son positionnement à la norme qu'est
l'hétérosexualité. Creed (2007, p. 373) parle d'hétérosexisme défini
comme un système idéologique qui nie, dénigre et stigmatise chaque
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 45

forme non-hétérosexuelle de comportements, d'identité, de rela­


tions, de communauté. Le terme est utilisé pour faire référence à une
forme d'oppression institutionnelle dont découle notamment
l'homophobie. L'homophobie peut être définie comme « toute
manifestation, avouée ou non, de discrimination, d'exclusion ou de
violence à 1 'encontre d'individus, de groupes ou de pratiques homo­
sexuels ou perçus comme tels au motif de l'homosexualité » 1 . Elle
peut se manifester par des attitudes/réactions de rejet, des injures,
des violences physiques ou des refus de services (location d'un bien
immobilier par exemple ) . Les manifestations homophobes, latentes
ou explicites, n'épargnent pas la sphère du travail : rumeurs, blagues
douteuses, harcèlement, refus d'accorder une promotion, de prolon­
ger un CDD, licenciement, démission ou incitation à la démission,
menaces. « Ces manifestations sont en fait la partie visible de préju­
gés, de normes, d'idées ou de propos qui pourront donner lieu à des
comportements discriminatoires. [ . . . ] L'homophobie concerne non
seulement les homosexuel( le )s mais aussi toute personne qui est
suspectée de brouiller les stéréotypes de sexe et de genre. » (Falcoz,
2007, pp. 93-94 ) .
L'homophobie est une problématique qui est fortement liée au
genre. En effet, elle se met en place autour du rejet du fait qu'une
personne appartenant à un sexe opte pour des comportements et
attitudes fortement associés à l'autre sexe. Dans la plupart des socié­
tés, le masculin est fortement associé à la notion de virilité (Molinier,
2000) et l'homosexuel remet en question ce modèle et cette construc­
tion sociale . L'idéal masculin se définit avant tout par son opposition
au féminin. Ainsi, un homme aujourd'hui est tout, sauf une femme ;
et un homme « efféminé » , qu'il soit homosexuel ou non, peut être
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0
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suspecté de passivité sexuelle et donc par défi nition de féminité. Ces
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identités de genre sont remises en cause notamment par certain( e )s
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homosexuel( le )s qui font le choix de s'écarter de ces définitions
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forcées. Selon C . Falcoz (2007) manifester de l 'homophobie envers
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un homme ou une femme s'écartant de ces schémas préétablis
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revient donc pour un homme à démontrer son statut de sujet domi­
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a. <!) nant et sa virilité et pour une femme à manifester son statut de sujet
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u 0.. dominé et sa féminité.
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c l. http:/jwww.sos-homophobie.org/index.php?menu=3 & menu_option=33&menu
::::1

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_soption=33l
46 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Comme pour les autres groupes-cibles, les homosexuels sont loin de


constituer un groupe homogène : il y a des lesbiennes, des gays, des
bisexuel( le )s, des transsexuels. Les phénomènes discriminatoires
dont ils peuvent faire l'objet varient potentiellement d'un groupe à
l'autre, d'un contexte à l'autre (pays et contexte culturel mais aussi
secteur d'activité et métiers ou milieu rural versus milieu urbain)
( Lehtonen, 2002 ) . Cette dimension, comme les autres, reste forte­
ment dépendante en termes d'acceptation et d'intégration des
contextes culturels, religieux, juridiques et légaux.
Par ailleurs, la personne peut choisir de vivre son homosexualité dans
sa vie privée sans la faire connaître dans sa vie professionnelle . Elle
peut aussi être, ou non, perçue comme homosexuelle en regard de
certains comportements, attitudes, styles vestimentaires. Elle peut
aussi vouloir cacher son homosexualité sur son lieu de travail mais
être confronté à un dévoilement de cette homosexualité par des
événements survenus dans sa vie privée qui seront reportés par l'un
ou l'autre de ses collègues sur le milieu de travail.
Les homosexuel(le )s optent pour différents types de stratégie dans
leur vie professionnelle (Heikkinen, 2002) :
- L'observation : si le milieu de travail n'est pas clairement ressenti
comme inclusif ou exclusif, la stratégie d'observation consiste à glaner
des informations et à tâter le terrain pour évaluer les risques poten­
tiels à parler de son orientation sexuelle et le degré de réceptivité des
collègues.
- La discrétion : s'ils pensent que parler ouvertement de leur orienta­
tion sexuelle peut être contraire aux attentes de leur organisation et à
sa culture, les individus concernés resteront secrets à ce propos, n'en
"'0
0
parleront qu'à certaines personnes ou ne révéleront que certains détails,
c
0
:J contribuant ainsi à l 'invisibilité des gays et lesbiennes sur le lieu de
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0
travail. Cela peut impliquer par exemple d'éviter d'être accompagné
0
N de son partenaire aux événements liés au travail.
@
.......
..c
- L'ouverture : stratégie adoptée par les individus qui veulent
Ol
·c pouvoir parler de leurs relations de la même façon que leurs autres
>
a.
0 collègues. Dans les cas rapportés par Heikkinen (2002), cette stratégie
u
permet de réduire les rumeurs sur les employés concernés.
On pourrait aussi ajouter les stratégies reprises par Falcoz (2007,
p. 96) sur base des travaux de Goffman ( 1 963) sur les personnes
discréditées à savoir des stratégies de faux-semblant ( être le plus
conforme aux apparences et aux attentes en termes de virilité ou de
GÉRER QUELLE DIVERSITÉ ? 1 47

féminité) et les stratégies de couverture (se mettre en couple avec


une personne de l'autre sexe) . Ces éléments renvoient finalement à
l'idée d'une stratégie du masque où l'individu « joue un rôle » .
Lehtonen ( 2002) met en évidence que les employés homosexuels
font part de détails privés à des collègues hétérosexuels, ils s'adres­
sent majoritairement à des femmes, avec qui les relations semblent
plus simples. « Il semblerait que l'hétéronormativité dans le lieu de
travail limite surtout l'interaction et la coopération entre les hommes
gays et les hommes hétérosexuels » ( Lehtonen, 2002, p . 3 5 ) . Badin­
ter ( 1 992, p. 1 77) fait remarquer à ce propos : « Alors que les
femmes cultivent l'intimité entre elles, les hommes se voient plus
souvent en groupe qu'en tête à tête. Se faisant, ils éloignent d'eux la
tentation homosexuelle, rendent difficile la communication person­
nelle et s'offrent une mutuelle confirmation de leur masculinité ».
Les plaintes pour homophobie sont de plus en plus fréquentes tant à
la Halde qu'au Centre pour l'égalité des chances en Belgique. Enfin,
au Québec, un rapport de la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (2007) a montré que bon nombre de plain­
tes n'aboutissent pas car aucune sanction n'est prise envers les
responsables d'actes homophobes. Peu de soutien est ainsi offert aux
victimes d'actes homophobes, la portée de ceux-ci étant minimisée.
La conséquence est qu'une part significative de gays et lesbiennes ne
se sent pas protégée par leur employeur.

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Chapitre 2

U n di f f i c i le équi li b re e n t r e
des lo g i ques d' a ct i o n s s o c i ales
et éc o n o m i ques

Les portes d'entrée dans la gestion de la diversité sont multiples.


Nous avons regroupé les différents arguments avancés pour justifier
la mise en place de politiques de gestion de la diversité ( Cornet et
Delhaye, 2006 ; Point, 2007 ; Peretti, 2007 ; Kossek et al. , 2006)
autour de logiques d'actions, logiques regroupées dans deux grou­
pes, d'une part des préoccupations économiques et d'autre part, des
préoccupations sociales.
Les logiques d'actions économiques sont généralement retraduites
sous le terme de business case, défini comme la recherche d'une
amélioration des performances financières et sociales de l'organi­
sation. Quatre logiques économiques sont identifiées :
- la recherche d'une plus grande efficacité en regard des buts de mis­
sion de l'organisation : améliorer les produits et/ou le service à la clien­
tèle et aux usagers ;
- la recherche de plus d'efficience qui vise à optimiser l'usage des
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0
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ressources et compétences internes et externes et à améliorer les
c
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:J c processus de travail ;
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<!) - le respect des lois et directives nationales et européennes avec
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comme objectif d'éviter des procès pouvant générer des coûts et être
@ 0
.......
....
::::1 dommageables à l'image de l'organisation ;
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Ol c
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>-
0
c
- la volonté d'améliorer l'image et la légitimité de l 'entreprise ou de
a. <!)
0 ï5 l'organisation avec comme objectif de se différencier comme employeur
u 0..
0
u
....
mais aussi d'attirer une nouvelle clientèle .
0
..c
o.
Les logiques sociales, appelées « social justice case » ( Kirton, Greene,
j
'"0
'
2006 ) , répondent à des préoccupations d'éthique et de justice sociale.
0
c
::::1
Elles ne visent pas à générer des profits mais à se positionner comme

@
acteur, responsable vis-à-vis de son environnement.
50 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Deux logiques sont identifiées :


- La volonté de refléter dans sa main-d'œuvre son environnement
social.
- Des engagements relatifs à la responsabilité sociale et au déve­
loppement durable avec des préoccupations relatives à la lutte
contre les discriminations et l'exclusion sociale, et à l'égalité profes­
sionnelle .
Ces logiques sont représentées dans le schéma 2 . 1 .

Schéma 2 . 1 - Logiques d)action

Image et légitimité

Refléter son
/ environnement
L__ __.

1�-.....:----�..._
_ ______

Respect des lois Gestion


de la
diversité
Responsabilité

�-
E fficience
-________�
�� sociale, lutte contre
les discriminations,
inclusion sociale

Efficacité

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0 LOGIQUES LOGIQUES
c
:J ÉCONOMIQUES SOCIALES
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0 (Business Case) ( Social]ustice Case)
0
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@
.......
..c
Ol
Les portes d'entrée dans la gestion de la diversité varient d'une orga­
·c
> nisation à l'autre. Certains types d'organisation seront plus sensibles
a.
u
0
à certains arguments économiques, d'autres sociaux. On constate aussi
des différences entre les contextes nationaux et régionaux comme le
montre l'analyse des discours se trouvant sur le Web, réalisée par
Singh et Point (Singh et Point, 2004 ; Point, 2007). La porte d'entrée
choisie par 1 'organisation pour se lancer dans les programmes de
gestion de la diversité influence les actions mises en place, le choix
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 51

des formes de diversité qui seront prises en compte, les indicateurs


utilisés pour en mesurer l'efficience et l'efficacité .
Nous allons reprendre chacune de ces logiques et les développer en
l'illustrant par un exemple et en différenciant, pour certaines d'entre
elles, des stratégies réactives et proactives. Nous présenterons ensuite
des zones de tension relatives à certaines de ces logiques pour
clôturer sur l'arbitrage managérial qui en découle.
Nous restons ici au niveau de l 'intention et des discours, présentés
pour justifier la mise en œuvre de ces politiques et convaincre les
employeurs à lancer de tels programmes. Les indicateurs qui
peuvent être utilisés pour évaluer les résultats seront débattus ulté­
rieurement.

1. LOG IQUES ÉCONOMIQUES

Un des arguments, le plus souvent associé à la gestion de la diversité


est sa capacité à créer de la valeur ajoutée en permettant à l'organisa­
tion d'être plus efficace au travers d'une meilleure relation avec les
clients et les usagers, mais aussi en offrant des gains en termes d'effi­
cience par une meilleure utilisation des ressources internes et externes
( Communautés européennes, 200 5 ) .

1 . Recherche de plus d'efficacité


Certaines politiques et pratiques de gestion de la diversité s'inscri­
vent dans des préoccupations d)efficacité ( mieux remplir ses buts de
mission) . Un des schémas classiques tant dans le secteur privé que
dans le secteur public est, dans une vision réactive, de vouloir répon­
"'0 .J
0
c
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' <!)
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dre aux nouveaux défis que pose l'hétérogénéité des usagers et des
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0
c
::::1 clients mais aussi les revendications de certaines catégories de clients
....
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qui veulent dorénavant être considérées comme des acteurs à part
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.... entière de la vie publique et sociale.
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....
....... ::::1
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Ainsi des hôpitaux et des écoles confrontés à une diversité ethnique crois­
·c 0
>- c sante de leurs usagers mettent en place des services de médiation intercul­
a. <!)
u
0 ï5
0..
turelle. Des banques décident de diversifier ethniquement leur personnel de
u
0
....
contact pour attirer les capitaux de certaines communautés culturelles. Des
0
..c
o.
chaînes de grands magasins implantés dans certains quartiers très marqués
j d'un point de vue ethnique s'ouvrent à la diversité culturelle pour le recru­
'"0
0
tement de leurs travailleurs et ouvrent de nouveaux rayons cuisine du
«

c
::::1 monde » pour attirer une clientèle qui fréquentait essentiellement les petits

@
commerces ethniques. Nous pourrions également parler de la police qui
52 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

recrute de manière préférentielle des personnes ayant certaines caractéris­


tiques pour faciliter le dialogue avec certains publics comme les groupes
ethniques dans certains quartiers, mais aussi des femmes pour pouvoir, par
exemple, mieux interagir avec les victimes d'agressions sexuelles et de violence
conjugale .

Dans une vision proactive, l'enjeu devient de créer de l a valeur ajoutée


en développant des nouveaux services et marchés par la mobilisation
des compétences et cadres de référence spécifiques de ce personnel
différencié et diversifié.

À titre d'exemple, des entreprises s'ouvrent à des candidats qui connaissent


bien un autre pays et sa culture du fait de leur histoire de vie pour les engager
dans des métiers liés à l'exportation. Des PME se lancent ainsi sur de nou­
veaux marchés en s'appuyant sur les réseaux et les connaissances de la personne
du pays ciblé.
La police recrute des personnes aveugles pour son service d'écoute téléphonique
car ces personnes auraient des capacités d'écoute beaucoup plus développées
que la moyenne de la population.
Une société informatique recrute des personnes handicapées pour progres­
ser dans le développement de produits adaptés à différentes formes de han­
dicap.

Pour les entreprises du secteur marchand, cette logique d'action est


fortement articulée à l'approche marketing de la diversité . La diver­
sité est perçue comme un atout commercial. Pour les organisations
du non-marchand, l'objectif est de mieux répondre aux besoins et
attentes d'usagers de plus en plus diversifiés et de revoir, dans certains
cas, l'offre de services.
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0
c
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0
<X)
2. Recherche de plus d'efficience
0
0
N
Une deuxième logique d'action économique est la recherche de
@
.......
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plus d'efficience (meilleure utilisation des ressources) .
Ol
ï::::
> Dans sa vision réactive, l'entreprise veut gérer les dysfonctionne­
a.
u
0 ments liés à une diversité croissante de la main-d'œuvre : nouvelles
exigences et demandes de la main-d'œuvre ( aménagement du temps
de travail et congés parentaux, par exemple ou encore, ajustement
des modalités de congés en regard des différentes pratiques culturel­
les du personnel) mais aussi baisse de productivité due à des conflits
entre groupes et parfois du harcèlement.
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 53

Une société de logistique emploie dans son centre de tri, une main-d'œuvre
très diversifiée du point de vue de l'origine (plus de 35 origines nationales
différentes) . Elle a dû développer des pratiques de gestion de la diversité pour
faciliter le bon fonctionnement des équipes et augmenter la motivation et
l'implication des travailleurs.

Dans sa vision proactive, l'employeur veut répondre à des pénuries


de main-d'œuvre structurelles ou conjoncturelles et élargir son vivier
de recrutement. Il est tout à fait intéressant d'observer à ce niveau les
choix posés par les entreprises : revoir leurs procédures pour pouvoir
recruter dans la main-d'œuvre locale (par exemple, des femmes ou
des personnes d'origine étrangère avec les diplômes du pays
d'accueil) ou un appel à de la main-d'œuvre étrangère.
Les entreprises qui sont en contexte de pénurie de main-d'œuvre ont généra­
lement une plus grande diversité dans la main-d'œuvre notamment dans ses
dimensions culturelle, ethnique et origine nationale mais aussi le sexe. C'est
notamment le cas des sociétés pharmaceutiques pour les équipes de R & D et
du secteur de l'informatique, pour les personnes d'origine étrangère mais pas
pour les femmes !

La gestion de la diversité est également présentée comme un moyen


pour rendre l'environnement de travail plus motivant et valorisant et
donc capter une main-d'œuvre performante, mais aussi la garder.
Ainsi, pour Copeland ( 1988 ) , l'individu se sentirait mieux dans sa
peau dans une entreprise au personnel « diversifié » . Il ressentirait
une plus grande reconnaissance de sa valeur intrinsèque, en tant
qu'individu différent des autres. Le résultat de ce bien être se tradui­
rait par une rentabilité optimalisée, c'est dire une production de
meilleure qualité et une atmosphère de travail plus sereine.
"'0 .J
:..::::
L'objectif est de générer plus de créativité en valorisant la constitu­
0 <!)
c
tion d'équipes de projet diversifiées, perçues comme plus innovatri­
'
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0 ::::1
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"'
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ces dans l'analyse d'un problème, l 'identification des solutions et
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des scénarios de mise en œuvre. Pour certains, la recherche d'effi­
....
@
.......
0
....
::::1
cience passe aussi par la valorisation des compétences internes non
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0
mobilisées et l 'échange de connaissances et d'expertises .
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>- c
a. <!)
0 ï5 Un hôpital public demande chaque année à son personnel d'identifier volon­
u 0..
0
u
....
tairement les langues et dialectes parlés. Cette information est encodée dans
0
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o.
une base de données et est utilisée par le service de médiation interculturelle
j quand il est confronté à la nécessité de comprendre ou de se faire comprendre
'"0 par des patients de diverses origines nationales. Plus de 450 langues et dialec­
0
c tes sont couverts au travers de cette utilisation et valorisation de compétences
::::1

@
internes.
54 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

3. Respect des lois


Une troisième motivation économique est le respect des lois qui
visent à sanctionner les discriminations directes mais aussi, de plus en
plus, indirectes ou systémiques. Nous avons classé cette logique
d'action dans le pôle économique car une des motivations importantes
du respect des lois est le coût potentiel d'un procès à la fois en termes
de dommages et intérêts pour la personne discriminée mais aussi pour
l'image de l'entreprise. Landrieux-Kartochian (2007) parle de gestion
des risques juridiques afin d'éviter des plaintes pour discrimination.
Clarifions brièvement les notions de discriminations directes et indi­
rectes :
- La directive européenne 2000/78/CE précise qu'« une discrimina­
tion directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière
moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une
situation comparable, sur la base de sa religion ou ses convictions, son
handicap, son âge ou son orientation sexuelle » . Garner-Moyer (2004,
p. 40) reprend la même définition et ajoute « qu'il s'agit donc d'une
décision intentionnelle, volontaire sur la base de critères illicites ».
- Toujours pour cette directive, « une discrimination indirecte se
produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparem­
ment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier
pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap,
d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rappor t à d'autres
personnes [ . . . ] » . Comme le souligne Legault (2002, p. 34) , la discri­
mination indirecte est systémique. Elle « n'est ni explicite, ni volon­
taire, ni même consciente ou intentionnelle, mais relève le plus
"'0
souvent d'un système de gestion fondé sur des présupposés, le plus
0
c
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souvent implicites, quant aux divers groupes et comprenant un
0
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ensemble de pratiques et de coutumes qui perpétuent une situation
0
0 d'inégalité à l'égard des groupes-cibles » . Ceci peut concerner les
N
@ exigences du poste et les critères d'embauche, l'évaluation des
.......
..c
Ol
emplois et notamment le choix des critères qui servent à pondérer
·c
>
a.
ces emplois, les modes de calcul de la rémunération, l'évaluation du
u
0
rendement, les politiques de formation et de gestion des compéten­
ces, les conditions de travail, les règles en vigueur pour déterminer
les représentants des travailleurs et les règlements de travail. Garner­
Moyer (2004, p . 4 1 ) ajoute que « ce qui est intéressant dans cette
approche, par rapport à la traditionnelle notion de discrimination
directe, c'est qu'on ne préoccupe pas des intentions de l'auteur,
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 55

élément souvent très difficile à déceler et prouver, mais des effets de


la mesure. »
Si en France et en Belgique, les procès restent peu nombreux, la peur
d'un procès « pour discrimination » structure fortement le compor­
tement des directions des ressources humaines nord-américaines. Les
initiatives prises en matière d'équité salariale au Québec sont un
reflet de cette force de la loi et de la mesure des coûts engendrés par
une non-conformité ( Chicha, 200 0 ) . Le renversement de la charge
de la preuve risque d'engendrer chez les employeurs, en Belgique et
en France, un changement de comportements qui reste à documen­
ter. La création de la Halde, en France et l'élargissement du mandat
du Centre pour l'égalité des chances et de l'Institut pour l'égalité des
femmes et des hommes, en Belgique, au suivi des plaintes pourrait
entraîner une montée en puissance des plaintes et des stratégies de
protection juridique des entreprises pour éviter des dommages et
intérêts, parfois très coûteux (Alis et Fesser, 2007 ; Karsfeld, 2007).
En Angleterre, une association d'employeurs propose d'ailleurs toute
une série de conseils et d'outils visant à éviter les plaintes pour discri­
minations liées à l'âge l .
Le tableau 2 . 1 donne les références des lois auxquelles les
employeurs sont tenus de se conformer.

Tableau 2 . 1 - Lois anti-discrimination dans 4 pays et charte des droits


fondamentaux de FUnion européenne
Belgique Loi du 1 0 mai 2007, tendant à lutter contre certaines
formes de discrimination, publication au Moniteur belge le
30 mai 2007 .
"'0 .J
0 :..:
<!)
::: Loi genre du 1 0 mai 2007, publication au Moniteur belge
c
'
'"0
:J
0
c
::::1
le 30 mai 2007.
<X) ...."' Loi antiracisme du 30 juillet 1 9 8 1 , telle que modifiée par la
0 <!)
0 <!)
N '<!J
.�
loi du 10 mai 2007.
....
@ 0
....
....... ::::1 France Loi n° 200 5 - 1 02 du 1 1 février 2005 relative à l'égalité des
..c ""
Ol
·c
c
0
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
>- c
a. <!) personnes handicapées (JORF 1 2 février 2005 ) .
0 ï5
u 0.. Loi n° 200 1 - 1 066 du 1 6 novembre 2001 relative à la lutte
u
....00 contre les discriminations .
..c
o. Loi n° 92- 1 1 79 du 2 novembre 1 992 relative au
j harcèlement sexuel.
'"0
0
�-
c
::::1

l . The Employers Forum on Age, http://www. efa.org.uk/legaljdefault.asp
@
56 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Tableau 2 . 1 - Lois anti-discrimination dans 4 pays et charte des droits


fondamentaux de !)Union européenne (Suite)
----1&·
Québec1 Loi sur les normes de travail, L.R.Q., C.N- 1 . 1 .
Charte des droits et libertés de la personne du Québec
(L.R.Q. C- 1 2 ) .
Suisse2 Loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du
'

24 mars 1995 (Etat le 1 8 avril 2006 ) .


Loi fédérale sur l'élimination des inégalités frappant les
?

personnes handicapées du 1 3 décembre 2002 (Etat le


1 3 juin 2006 ) .
Constitution fédérale d e l a Confédération suisse, article 8 .
Loi fédérale complétant le code civil suisse du 3 0 mars 1 9 1 1
'

(Etat le 1er mai 2007), Livret cinquième : droit des


obligations, art. 328.
Charte des Articles 20 à 26 traitant de l'égalité, de la non-discrimi-
droits nation et de la diversité.
fondamentaux
de l'Union
européenne3

1 . h ttp : /jv.rww. p sc-cfp.gc.cajee/legislation_f.htm ; http://lois.justice.gc.ca/fr/


E - 5 . 40 1 /index . html
2. http : //www. admin.ch/ch/f/rs/index.html
3 . Journal officiel des communautés européennes, C 364/1 , 18/12/2000, pp . 1 3- 14.
http ://ec .europa.eu/employment_social/fundamental_rights/legis/lgms_fr.htm

La plupart des pays ont, par ailleurs, des lois spécifiques qui fixent les
obligations en matière d'emploi pour les personnes handicapées.
Certaines entreprises, notamment les entreprises publiques sont
"0
0 tenues de respecter des quotas, sous peine de sanctions (Bachelard et
c
0
:J al., 2007 ; Binamé, 2004 ) .
<X)
0
0
N
4 . Image de l 'entreprise et notoriété
@
.......
..c
Ol La quatrième logique clairement guidée par des motifs économiques
·c
>
a.
est une volonté d'améliorer l'image de l'entreprise et de l'organisa­
0
u tion, d'asseoir sa légitimité dans son environnement et de montrer
que l'organisation s'aligne sur le système de normes et de valeurs de
son environnement. Telle que mise en évidence dans les théories
institutionnelles (Klarsfeld, 2007 ; Barth, 2007), l'entreprise veut
montrer une image positive et humaniste à ses parties prenantes :
clients et personnel mais aussi actionnaires, fournisseurs, autorités
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 57

publiques et organisations syndicales. Le positionnement de l'entre­


prise comme pionnière en matière de diversité peut aussi être dans
certains secteurs un avantage concurrentiel, notamment pour capter
une main-d'œuvre diversifiée et qualifiée.
Comme le signale Point (2007, p. 248 ) : « En se confor tant aux
normes sociales de la diversité de la main-d'œuvre, l'entreprise peut
bénéficier de nombreux avantages, au-delà de la légitimité, tels
qu'un meilleur accès aux ressources, l'attraction d'un personnel de
qualité ou encore une meilleure réputation. De nombreux bénéfices
à long terme peuvent ainsi être attendus. »
Une entreprise de travail temporaire a développé un programme intitulé
« Handicap et compétences qui consiste à découvrir/mobiliser les compé­
»

tences des candidats handicapés, sensibiliser les collaborateurs internes et pro­


mouvoir la démarche auprès des entreprises utilisatrices. Cela lui donne accès
à un vivier de talents et compétences supplémentaires. Le programme est aussi
pour cette entreprise l'occasion de mettre en avant, auprès de ses clients, son
expertise dans des techniques de recrutement professionnelles, non discrimi­
natoires et centrées sur les compétences. 1

I l . LOG IQUES SOCIALES

Les motivations des employeurs à mettre en place des politiques de


gestion de la diversité peuvent aussi s'inscrire dans des motifs éthi­
ques et des préoccupations de justice sociale avec des préoccupations
relatives à l'égalité professionnelle mais aussi au fait qu'une entre­
prise se doit d'offrir des opportunités d'emploi aux acteurs de son
environnement .
"'0 .J
0 :..::::
<!)
c
1. Responsabilité sociétale et développement durable
'
'"0
:J c
0 ::::1
....
<X) "'
0
0
<!)
<!)
Certaines entreprises entrent dans la gestion de la diversité via une
N '<!J

@
.�
....
0
démarche proactive qui s'inscrit dans des actions menées autour de la
....
....... ::::1 responsabilité sociétale et du développement durable. Les réseaux
..c ""
Ol c
·c
>-
0
c européens CSR ( Corporate Social Responsability) et Business &
a. <!)
u
0 ï5
0..
Société, le label SA 8000 qui couvre l 0 exigences fondamentales rda­
u
0
....
0
rives au droit du travail dont la non -discrimination, le programme
..c
o. Stop-discrimination de 1 'Uni on européenne, le Manifeste européen
j
des entreprises contre l'exclusion sociale s'inscrivent dans ce courant.
'"0
0
c
::::1

1 . http:/jv;rww. adecco.bejresourcesjleafletclientsfr.pdf.
@
58 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Plusieurs agences de travail intérimaire se sont engagées dans une démarche


éthique touchant plusieurs aspects de leur activité faisant l'objet de différentes
certifications : qualité (ISO 9001 ) sécurité (VCU), éthique (label social
,

belge, SA 8000 ) . Est mise en avant la limitation des risques professionnels


pour les travailleurs intérimaires des dispositifs pour éviter les discriminations
et le harcèlement1 .

Ce positionnement « responsable » prend d'autant plus d'impor­


tance qu'il rencontre les préoccupations des hommes et des femmes
politiques et des associations ( Igalens, 2003) voulant augmenter les
taux d'emploi de différentes catégories de travailleurs au nom juste­
ment de l'inclusion et de la justice sociale : personnes d'origine
étrangère, personnes handicapées, personnes avec des faibles niveaux
de qualification ainsi que les travailleurs âgés.
Ce comportement peut aussi être dicté par des principes éthiques
( CEE, 2005 ) qui visent à marquer l'adhésion d'une entreprise ou
d'une organisation aux valeurs fondamentales de la société et sa volonté
de respecter des règles de tolérance, de justice sociale, d'égalité des
chances, de lutte contre les discriminations sur le lieu de travail
( Point, 2007). On retrouve ceci notamment dans les chartes éthiques
et les codes de bonne conduite .

2. Refléter son environnement


Dernière logique, la volonté de refléter l'environnement qui s'inspire
fortement des théories de la contingence : l'enjeu est ici de refléter
en interne l'environnement externe. Une politique de gestion de la
diversité doit permettre que tous les groupes soient équitablement
représentés dans les organisations privées et publiques. On est dans
"'0
0
une logique d'inclusion. Ceci constituerait un facteur d'ancrage et
c
0
:J d'intégration dans son environnement, permettrait une ouverture
<X)
0
vers l'international et améliorerait la satisfaction du personnel et de la
0
N clientèle (Sabeg et Charlotin, 2006) .
@
.....
..c La Défense nationale, la Police, mais aussi la fonction publique2 et les médias
Ol
·c publics entament des actions de gestion de la diversité à partir du constat de
>
a. sous-représentation de certaines catégories de personnes dans leur mam­
0
u
d'œuvre, notamment dans certains métiers et niveaux hiérarchiques.

l. http:/jwv•rw.tracegroup.be/fr/trace_tri.html; http://www.randstad.be/fr/infor­
mations/randstad/nouvelles-et-infos/responsabilite-societale/
2 . http://�rww.pourladiversite.be/egalitedeschances.php ; http://emploi.fi·anceS .fr/
emploijdroit-travail/discrimination/10145 122-fr.php
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 59

I l l . AMBIG UÏTÉS ET LI MITES DES LOGIQUES D'ACTION

Ces logiques d'actions ne sont pas sans ambivalence et ambiguïtés,


elles sont traversées par des tensions dialectiques qui poussent souvent
les gestionnaires à opérer des arbitrages. L'analyse de plusieurs cas
concrets nous a permis d'identifier des limites et tensions en lien avec
certaines logiques d'actions et les équilibres qui se créent en s'appuyant
sur d'autres logiques.

1. M ieux répondre aux attentes de la cl ientèle :


un facteu r d'exclusion
Si 1 'argument d'efficacité ( mieux remplir ses objectifs et ses missions)
peut plaider en faveur d'une intégration d'une main-d'œuvre hétéro­
gène, cet argument peut aussi aller en sens inverse et amener à plus
d'exclusion et à des pratiques discriminatoires. Ainsi, Bataille ( 1 997)
relève des licenciements et/ou des refus d'embauche dans des socié­
tés de service (nettoyage, dépannage, etc . ) en regard de l'origine
nationale et/ou religieuse des travailleurs sur base de demandes
formulées par la clientèle (ne pas vouloir sur le lieu de travail des
personnes de telle ou telle origine) . Les sociétés d'intérim et les
bureaux de recrutement expliquent également qu'ils sont régulière­
ment confrontés à des demandes de clients qui définissent assez
précisément le profil de la personne recherchée et les caractéristiques
qui peuvent expliquer le rejet d'une candidature. Ce profil sort d'une
description des compétences pour inclure des caractéristiques physi­
ques et sociales telles que l'origine ethnique, la couleur de peau, le
sexe, l'âge . Si on se limite à l'argument d'efficacité, la stratégie de ces
.J
"'0
0 :..::::
<!)
entreprises devrait être, dans un souci de conserver leur part de marché
c
'
'"0
0
:J c
::::1
et de « satisfaire la clientèle » , d'exclure les catégories de travailleurs
<X)
0
....
"'
<!) rejetés par les clients et les usagers. Cette explication est d'ailleurs
0 <!)
'<!J
N
.�
....
avancée par plusieurs employeurs pour expliquer et jus tifi er leurs
@ 0
.......
..c
....
::::1
""
comportements discriminatoires .
Ol c
·c
>-
0
c Ce scénario d'adaptation aux exigences de la clientèle au nom de
a. <!)
u
0 ï5
0..
l'efficacité entre en conflit avec les engagements pris en termes de
u
0
....
0
responsabilité sociale par l'employeur et les revendications éventuel­
..c
o. les de certaines parties prenantes. Ce comportement discriminatoire,
j
'"0
' pour autant que la personne discriminée arrive à prouver le traite­
0
c
::::1
ment différencié, sans lien avec ses compétences, peut, de plus, mettre

@
l'employeur sous le coup des lois anti-discrimination.
60 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Face à de tels dilemmes, des actions sont menées pour proposer des
réponses et attitudes face à ces demandes discriminatoires de la part
de la clientèle et des usagers. Elles peuvent viser les clients et les
usagers mais aussi les intermédiaires de l'emploi pour les amener à
réfléchir sur les conséquences de leurs attitudes et à des scénarios
alternatifs .

2. Risque d ' i nstrumentalisation et de segmentation


Un autre problème avec l'argument d'efficacité est le risque d'instru­
mentalisation et de segmentation. Certaines organisations ont une
approche très instrumentale de la diversité en cantonnant, par exem­
ple, les minorités ethniques dans des fonctions impliquant un lien
avec la clientèle ethnique, sans perspective de carrière ou de mobilité
interne. Nous pensons notamment à certains services publics qui
engagent des personnes d'origine étrangère et qui les affectent essen­
tiellement à certains quartiers ; ou encore, à des organismes d'aide
sociale, qui engagent des travailleurs d'origine étrangère pour inter­
agir uniquement avec des personnes du même groupe ethnique. Dans
ce scénario, on enferme en quelque sorte les différentes catégories de
personnel dans un panel de compétences supposées ( compétences
relationnelles supposées pour l'interaction avec certaines minorités
ethniques ou groupes sur base de l'apparence physique et/ou ethni­
que, par exemple) et d'incompétences (incapacité de relation avec
d'autres groupes ethniques que le sien) ( Cornet & Del haye, 2006 ) .
On privilégie les caractéristiques intrinsèques de la personne plus que
ses compétences, avec le postulat qu'à certaines caractéristiques sont
nécessairement associées un potentiel (Feron & Auger, 2007). Ce
"'0 postulat sur les compétences ne garantit en rien que cela produira
0
c
:J plus d'efficacité et que le client ou l'usager sera mieux servi (Feron &
0
<X)
Auger, 2007, p . 2 5 0 ) . Ce scénario n'est potentiellement porteur
0
0
N
d'aucune logique de transformation interne. Le risque d'une telle
@ approche est comme le signale Barth ( 2007, p . 1 5 7 ) que cela reste
.......
..c
Ol une stratégie de diversion qui vise « à parer seulement la fonction
·c
>
a.
vente et marketing des attributs de la diversité » sans réel impact sur
0
u l'ensemble de l'organisation. Un autre risque est que cela reste limité
à des stratégies de façade, appelées aussi stratégies cosmétiques. On
tente un « relooking » de l'image de l'organisation mais sans réelle
volonté de donner sa place et sa chance à la diversité. Plusieurs crai­
gnent également que ces stratégies débouchent sur une vision de
consommation communautariste : « La diversité se fragmente alors
UN DIFFICILE ÉQUILIBRE ENTRE DES LOGIQUES D'ACTIONS SOCIALES ET 1 61

pour perdre sa cohérence, et se vivre dans sa version déqualifiée de


gestion de juxtaposition des différences. » (Barth, 2007, p . 1 60 ) .
L'amélioration de l'efficacité passe sans doute par un dispositif
d'apprentissage organisationnel qui utilise la diversité pour rendre
chacun et chacune plus apte à pouvoir interagir avec une clientèle
elle-même diversifiée.

3. L' homogénéité : une source de stabilité et d'efficacité

Tout comme pour les autres dimensions, la logique d'efficience peut


plaider pour le rejet de la diversité. Un personnel diversifié et hétéro­
gène signifie plus de complexité, de sources de malentendus, de
tensions et désaccords . Comme l'ont montré plusieurs auteurs en
parlant de gestion d'équipe interculturelle liée à des processus
d'internationalisation des entreprises, une équipe diversifiée peut
s'avérer très intéressante si on recherche plus de créativité, de nouvelles
idées et façons de penser. Par contre, si on vise à prolonger l'existant,
un groupe homogène offre beaucoup plus de stabilité et d'efficacité .
Il est donc évident que si c'est la continuité qui est recherchée, en
d'autres termes « le clonage » ou la reproduction de l'existant ( dans
les produits et processus) , diversifier son personnel n'est pas nécessai­
rement accompagné de gains d'efficience. Ces gains ne sont réalistes
et réalisables que si on recherche de l 'im1ovation, d'autres façons de
faire et de penser. Mais il ne faut pas nier et oublier qu'intégrer la
diversité n'est pas simple et que cela risque de susciter des réactions
négatives et des problèmes en interne qu'il va falloir gérer. Le risque
est grand de rester sur des effets d'annonces avec des discours simpli-
"'0 � ficateurs qui laissent à penser que l'intégration de la diversité est
0 '<!)
c
:J � naturelle et facile à réaliser tant pour les individus discriminés que
0 ::::1
<X)
0 ?1 pour les acteurs organisationnels. Ceci risque de créer une dissonance
:� cognitive entre le discours et les réalités de terrain, difficile à vivre et
0
N
....
@
.......
..c
� à intégrer pour les salariés mais pour les clients et usagers ( Barth et
""
Ol
·c
§ Falcoz, 2007 ) .
> c:

·�
a.
u
0 Par ailleurs, l'intégration de la diversité ne signifie pas nécessairement
u

5 qu'on va avoir une organisation diversifiée. Beaucoup d'organisa-


-& rions s'ouvrent à la diversité pour faire face notamment à des pénu­
.3
. ries de main-d'œuvre mais l'intégration de cette diversité se joue
-o

§ dans un scénario d'assimilation, que l'on pourrait recouper avec le


� modèle d'indifférenciation, identifié par Timsit ( 200 1 , p . 1 ) . Celui -ci
62 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

est ancré sur le principe d'unité du corps social. On mesure alors le


degré de réussite de la diversité à l'absence de diversité, donc au fait
que les nouveaux entrants se comportent comme les autres .

4 . L'embellissement social comme stratégie


La gestion de la diversité risque aussi de rester au stade de « l'embel­
lissement social » ( Point, 2007) ou de l'effet de mode (Barth, 2007) .
On reste au stade du discours et des déclarations d'intention. L 'enjeu
devient d'être parmi les premiers à annoncer des actions dans ce sens,
ce qui a pour effet d'être systématiquement cité comme référence, au
travers notamment des répertoires de « bonnes pratiques » (Barth,
2007). Une analyse des discours et pratiques à la lumière des théories
institutionnelles ( Karsfeld, 2007) permet d'éclairer les risques et
lacunes d'une approche qui ne serait qu'un coup publicitaire pour
asseoir ou améliorer sa légitimité dans son environnement ou qu'une
façon de montrer que l'on fait « comme les autres » ( mimétisme).
La gestion de la diversité a une connotation positive et rassuran te.
Elle permet de renvoyer une image consensuelle de l'entreprise,
construite autour de stratégies « gagnant-gagnant. » . On aurait
systématiquement des gains pour les actionnaires et dirigeants (créa­
tivité, nouvelles compétences, hausse de productivité) et pour les
salariés (insertion socioprofessionnelle, carrière, reconnaissance et valo­
risation) . Le risque est grand d'occulter que les organisations et les
entreprises restent des systèmes d'action construits autour de l'inéga­
lité entre les individus (inégalité de statut, de salaire, etc. ) et remplis
de mécanismes de gestion qui laissent une large place à la subjec-
. . / / / / .
t1v1te, aux stereotypes et aux representations.
"'0
0
c
0
:J IV. POUR UN ÉQU I LI BRE ENTR E LES LOG IQUES SOCIALES
<X)
0
ET ÉCONOMIQUES
0
N
@ Cette revue des différentes logiques d'actions et des tensions existan­
.......
..c
Ol tes au sein et entre celles-ci amène à plaider pour une politique de
·c
>
a.
gestion de la diversité qui ne s'enferme pas dans une seule logique
0
u mais qui tente d'articuler les logiques économiques et sociales.
L'avenir de la gestion de la diversité et sa légitimité dépendront de sa
capacité à trouver un point d'équilibre entre ces différentes préoccu­
pations. Ceci suppose d'établir des choix et de mettre des priorités,
cela passe donc par les gestionnaires qui doivent réaliser un arbitrage
entre les différentes priorités et les attentes des parties prenantes .
Chapitre 3

D i s p o s i t i f s d' a ct i o n

Ce chapitre est consacré aux dispositifs d'action. Nous allons identi­


fier les différents niveaux d'action ( micro, mesa et macro) pour
ensuite présenter les différents dispositifs moblisés dans les politiques
de gestion de la diversité. Ceci nous permettra de clarifier des
notions telles que l 'égalité de droit et de fait, l'égalité des chances et
de traitement, les actions et discriminations positives . Une attention
sera ensuite apportée aux acteurs de la gestion de la diversité, avec un
focus sur les syndicats. Nous terminons par un aperçu du schéma
global d'une politique de gestion de la diversité (diagnostic et plan
de gestion de la diversité ) .

1. DIFFÉRENTS NIVEAUX D'ACTION

La gestion de la diversité passe par la mise en place de politiques


visant à augmenter la diversité de la main-d'œuvre et à la gérer. Ceci
passe par des actions qui se situent à différents niveaux :
- Micro : niveau des individus (comportements, connaissances,
.J
"'0
0 :..::::
<!)
compétences, valeurs, stéréotypes et représentations) .
c
'
'"0
:J c
0
<X)
::::1
....
"'
- Méso : niveau du groupe et de l'organisation (structure, processus
0 <!)
0 <!)
'<!J
et culture) .
N
.�
....
@ 0
.......
....
::::1 - Macro : niveau sociétal (institutions, lois et règlements, aides et
..c ""
Ol
·c
c
0 incitants à l'emploi, infrastructures de soutien et d'accompagne­
>- c
a.
0
<!)
ï5
ment, etc . ) .
u 0..
u
0
....
0 Au niveau micro, donc des individus, les actions ont pour objectifs
..c
o.
de modifier les comportements, de développer de nouvelles connais­
j
'"0
'
sances et compétences, d'amener chacun et chacune à se questionner
0
c
::::1
sur ses valeurs et ses cadres de référence, de remettre en cause ses

@
représentations et stéréotypes. Les individus visés par les actions
64 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

sont les membres des groupes-cibles mais aussi les différentes parties
prenantes impliquées dans les processus organisationnels donc
les subordonnés, les collègues et supérieurs hiérarchiques mais
aussi les clients et les usagers, les fournisseurs et les partenaires
d'affaires.

Schéma 3 . 1 - Niveaux d'action

Gestion
de la diversité

Au niveau méso, on cible le niveau organisationnel donc les procédu­


res de travail qui affectent la répartition des tâches entre individus et
départements, mais aussi les mécanismes de coordination, les politi­
gues de gestion des ressources humaines, les pratiques de gestion de
projet et de groupe, les politiques de communication interne et
externe, les stratégies marketing et les politiques de relation avec les
usagers, et enfin, la culture organisationnelle.
Au niveau macro, on arrive au niveau institutionnel et à l'environne­
ment externe qui agit comme contrainte sur l'organisation et l'entre­
prise, notamment au travers des lois, mais aussi comme un élément
structurant des représentations au travers des valeurs transmises dans
"'0 les processus de socialisation (famille, milieu scolaire, médias, etc . ) .
0
c
:J
Le contexte institutionnel propose, par ailleurs, différentes institu­
0
<X)
tions ou services susceptibles de faciliter ou d'entraver certains projets
0
0
N
d'insertion socioprofessionnelle (services pour personnes dépendan­
@ tes, par exemple) . L'environnement comprend aussi bon nombre
.......
..c
Ol
d'associations et d'organismes qui peuvent agir comme support pour
·c
>
a.
des politiques de gestion de la diversité mais aussi comme partie
0
u prenante active, avec un agenda politique lié, par exemple, à des problé­
matiques d'égalité relative à certains groupes-cibles. À ce niveau, il
ne faut pas oublier que, si l 'environnement est une contrainte, il est
aussi construit socialement par les acteurs dans des rapports de force
politiques, économiques et idéologiques. Il constitue donc aussi un
niveau d'action.
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 65

Ainsi, pour intégrer les personnes handicapées dans l'emploi, il faut agir :
- d'une part sur les représentations individuelles des acteurs impliqués dans le
processus : les personnes handicapées elles-mêmes, mais aussi l'environnement
familial et professionnel ;
- sur l'organisation avec notamment des ajustements dans l'organisation du
travail et parfois les infrastructures ;
- auprès des pouvoirs publics pour financer ces adaptations.

I l . DISPOSITIFS D'ACTION

La gestion de la diversité a pour objectif premier de valoriser la diver­


sité de la main-d'œuvre pour une plus grande efficience et efficacité
de l'organisation et de l'entreprise. Ceci passe par des dispositifs
d'action qui dépassent ceux développés pour l'égalité professionnelle
puisqu'il ne s'agit plus seulement de compenser des discriminations
passées mais de repositionner les différences comme atouts.

« La législation relative à l'égalité des chances vise à garantir l'égalité de trai­


tement dans l'emploi et les politiques de gestion de ressources humaines telles
que le recrutement, la formation, la gestion des carrières et les promotions, les
fins de conu·at. Les actions positives sont des plans détaillés qui vont au-delà
des pratiques discriminatoires car elles impliquent une politique proactive de
recrutement et de promotion du groupe visé ces actions positives . À l'inverse,
la gestion de la diversité signifie que l'organisation réalise que les différences
peuvent générer de la valeur ajoutée en permettant plus de créativité, et une
meilleure compréhension des marchés et des consommateurs. Les différences
à valoriser sont le genre, la race, l'ethnicité, l'âge, le handicap, l'orientation
sexuelle, différences qui sont vues comme des handicaps dans l'ancien modèle
mais comme des atouts dans le nouveau modèle. »

"'0 .J Harvey et Allard, 1995, p. 40 .


:..::::
0 <!)
c
'
'"0
:J c
0 ::::1
<X)
0
....
"'
<!) Cela signifie concrètement que l'enjeu n'est plus d'aligner une popu­
0 <!)
N '<!J
.�
lation sur une autre ou de l'assimiler à un modèle qui ne sera pas
....
@ 0
.... questionné (modèle de l'assimilation ) . L'objectif est d'intégrer les
....... ::::1
..c ""
Ol
·c
c
0
individus avec leurs différences et leurs spécificités ( modèle du plura­
>- c
a.
0
<!) lisme) en sachant que cela risque de questionner le modèle dominant
ï5
0..
u
0
u et que c'est justement ces questiom1ements nouveaux qui sont
....
0
..c recherchés (nouveaux regards sur les produits et les services, sur la
o.
j politique commerciale, sur les modes de gestion de l'entreprise, etc . ) .
'"0
0
La différence est affirmée, érigée en valeur à défendre et à préserver,
c
::::1

@
66 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

transformée en atout concurrentiel (Liff et Wacjman, 1 996 ; Prasad


et al., 2006 ) .
Dans les faits, les choses sont loin d'être aussi simples car les disposi­
tifs d'action s'appuient encore largement sur des programmes basés
sur l 'égalité de droit, les actions et discriminations positives. Il
nous semble donc utile de clarifier rapidement ce que ces termes
décrivent.

1. Égal ité des droits


L'égalité des droits est l'affirmation que tous les individus sont égaux
devant le droit donc les lois, mais aussi les règlements et procédures.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1 789 affirme
que les individus naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Selon ce principe, toute pratique de rejet et d'exclusion basée sur des
caractéristiques naturelles telles que le sexe, l'origine ethnique, la
religion ou tout autre caractéristique individuelle est perçue comme
discriminatoire. Les programmes d'action, basés sur ce principe,
débouchent au niveau législatif sur la mise en place de lois et de
règlements sectoriels, nationaux, communautaires, internationaux
qui visent à affirmer les principes d'égalité de droit et à sanctionner
tout comportement discriminatoire . On pense tout naturellement à
la Déclaration des droits de l'homme, mais aussi aux constitutions et
chartes nationales et régionales (par exemple, la Charte des droits de
la personne canadienne ou la Charte des droits et libertés québé­
coise) ou encore à la législation européenne. Ces lois et règlements
ont une influence sur les pratiques de gestion des ressources humai­
nes des entreprises privées et publiques en interdisant et sanctionnant
"'0
certaines pratiques jugées discriminatoires. On retrouve ainsi, dans la
0
c
:J
plupart des pays européens et en Amérique du Nord, des textes légis­
0
<X)
latifs ( tableau 2 . 1 ) qui visent à :
0
0
N - sanctionner les discriminations au niveau du recrutement et de la
@
.......
sélection (interdiction notamment des annonces sexuées, possibilité
..c
Ol de recours juridique en cas de refus d'embauche perçu comme dis­
·c
>
a. criminatoire, etc . ) ;
0
u
- sanctionner les inégalités salariales ;
- sanctionner les pratiques de harcèlement ou les licenciements
abusifs.
Outre les dispositifs légaux, les employeurs peuvent, de manière
proactive, affirmer le principe d'égalité des droits des travailleurs dans
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 67

des chartes, de codes de conduite ( Diller, 1999 ) , des règlements


intérieurs.
À titre d'exemple, une note interne d'une université prévoit que :
« Les comportements suivants, entre autres, sont considérés comme discrimi­
natoires ou harcelants et seront sanctionnés :
- remarques, commentaires, allusions, plaisanteries, insultes dénigrant une
personne en raison de son origine, de la couleur de sa peau, de sa religion, de
sa culture, de son appartenance ethnique, etc. ;
- déni de droits ou d'avantages à une personne, en raison de son origine,
de la couleur de sa peau, de sa religion, de sa culture, de son appartenance
ethnique, etc. ;
- représailles ou menaces de représailles à une personne, en raison de son ori­
gine, de la couleur de sa peau, de sa religion, de sa culture, de son appartenance
ethnique, etc. ;
- de façon générale, toute conduite offensante à l'endroit d'une personne ou
tout déni de droit ou d'avantages à une personne qui repose sur l'origine, la
couleur de peau, la religion, la culture, l'appartenance ethnique, etc., de cette
personne. 1 »

Ces codes et règlements internes constituent un engagement moral.


Tout manquement peut être préjudiciable pour l'image de l'entre­
pnse.

2. Égalité des chances


L'égalité de droit est une condition nécessaire mais rarement suffi­
sante pour garantir l'égalité de fait. En effet, la société et ses institu­
tions, dans leurs modes de fonctionnement, favorisent et, à l'inverse
pénalisent, les individus possédant certaines caractéristiques indivi­
.J
"'0
0 :..::::
<!)
duelles et sociales. L'analyse des déficits en termes d'égalité des
c
'
'"0
0
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::::1
chances se retrouve dans les théories du capital social qui m ettent
....
<X)
0
"'
<!) en évidence que le positionnement d'un individu dans la société
0 <!)
'<!J
N
.�
....
dépend du fait qu'il possède ou non certains atouts ( économique,
@ 0
.......
..c
....
::::1
""
réseau social, scolaire ) , inégalement répartis dans la population. Un
Ol c
·c
>-
0
c
projet égalitaire passe donc par des actions permettant une égalité
a. <!)
u
0 ï5
0..
des chances ( equal opportunities) définie comme la possibilité pour
u
0
....
0
chacun et chacune de participer à part entière et sur un pied d'égalité
..c
o. aux différents domaines de la vie privée et publique (Nussbaum,
j
1 999 ).
'"0
0
c
::::1

l . UQUAM, Montréal, Politique, n° 28, « Politique sur les relations interethniques » .
@
68 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

L'égalité des chances peut être atteinte de plusieurs façons :


- par des programmes de rattrapage qui permettent aux individus de
compenser leur « handicap » , pour se trouver à priori dans une situa­
tion équivalente aux autres (par exemple, un programme de prépara­
rion à des examens d'embauche spécifiques à certains publics identifiés
comme réussissant moins bien ces examens) ( actions positives) ;
- par des programmes qui positionnent chacun sur une ligne de
départ spécifique avec, en quelque sorte, un avantage pour ceux qui
sont perçus comme pouvant être pénalisés ( discriminations positives
et quotas ) .
L'égalité des chances passe aussi par des actions qui visent à limiter le
poids des stéréotypes et représentations qui structurent les relations
entre individus dans l'emploi. Les théories sous-jacentes portent sur
l'impact des représentations dans les relations entre les individus,
sur la tendance à préférer des individus ayant des caractéristiques
similaires, sur les difficultés à communiquer avec des groupes qui
ont d'autres habitudes sociales et référents culturels ( Kulik et al.,
2007 ; Garner-Moyer, 2004 ; Bourhis & Leyens, 1 999 ; Sales­
Wuillemin E . , 2005 ) . Les curriculum vitae ( CV) anonymes s'inscri­
vent dans cette logique. L'idée est que l'anonymat ou, mieux encore,
le retrait dans le CV de toute une série d'informations sans lien avec
les compétences nécessaires pour l'emploi sont susceptibles de garan­
tir une égalité des chances. En effet, différentes études ont montré
que le taux d'emploi augmentait sensiblement pour les publics discri­
minés si les personnes avaient pu avoir un entretien d'embauche.
L'égalité des chances s'inscrit dans un projet politique et social. Elle
est liée à la notion de justice sociale et d'équité ( Peretti, 2004 ) .
"0
0
c
Elle n e signifie pas qu'il n'y a plus d e hiérarchie e t de stratification
:J
0 mais que chacun a la possibilité de concourir sur un pied d'égalité .
<X)
0
0
N
@ « Quand l'égalité des chances prévaut, la place de l'individu dans la hiérarchie
.......
..c sociale est la conséquence d'un processus compétitif et tous les membres de la
Ol
·c
>
société peuvent rentrer dans la compétition avec des chances égales. »

a.
0
u Arneson, 2002.

3. Actions positives
Les actions positives sont des actions qui veulent répondre au prin­
cipe d'égalité des chances. Elles visent un groupe en particulier avec
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 69

comme objectif d'offrir aux membres de ce groupe des moyens


supplémentaires pour « compenser » les handicaps qui sont des freins
à l'égalité des chances et de traitement. C'est le cas, par exemple,
des initiatives qui visent à proposer aux personnes handicapées des
aménagements pour leur permettre de passer des examens de sélec­
tion ou toute adaptation de leur poste de travail ou de leur horaire .
'

A compétences équivalentes, cela peut signifier également engager


ou promouvoir prioritairement des personnes issues des groupes­
cibles, jusqu'à ce qu'un objectif quantitatif ou qualitatif soit atteint.

4. Discriminations positives
Les discriminations positives ( affirmative actions) visent à favoriser
un groupe pour atteindre une situation d'égalité. L'objectif ici n'est
plus seulement l'égalité de droit et des chances mais l'égalité de fait.
Le concept de discriminations positives postule qu'il est légitime de
favoriser un groupe et cela même si ce n'est pas à compétence égale.
Les discriminations positives partent du principe qu'il faut une action
de rattrapage pour permettre au groupe minoritaire de faire ses preu­
ves et de se repositionner sur un pied d'égalité avec les autres grou­
pes. Elles impliquent aussi l'idée de réparation, de compensation
pour les discriminations passées. L'adoption de quotas s'inscrit dans
cette logique. Les discriminations positives ont été largement utili­
sées en Amérique du Nord et dans certains pays nordiques et, dans
une moindre mesure, en France et en Belgique, où elles ont été
surtout mises en œuvre en politique ( lois sur la parité) .
Si l'égalité de droit rencontre facilement l 'adhésion des acteurs poli­
tiques, économiques et sociaux, l'égalité de fait suscite, par contre,
"'0 ...;
:..::::
beaucoup plus de controverses, au nom du principe d'équité, de
0
c
:J
� justice sociale mais aussi de méritocratie. Ainsi, privilégier un groupe
c
0
<X) � pour lui permettre d'obtenir une égalité de fait ( actions et discri-
0
0
N
,�.� minations positives) peut être perçu comme discriminatoire par le
@ 8 groupe qui ne bénéficie pas de ces « privilèges » . De même, les béné-
.......
..c
Ol � ficiaires potentiels peuvent penser qu'ils occupent leurs positions ou
·c
>
a. � fonctions en raison de leurs caractéristiques personnelles (par exem­
u
0
·� ple, être une femme) et non grâce à leurs compétences (Mar tiniello
5 et Rea, 2004). Les discriminations positives suscitent aussi de
j
..c
nombreuses controverses au nom de l'individualisation des pratiques
� de gestion des ressources humaines qui visent à récompenser les indi­
§ vidus en fonction de leur performance et de leurs compétences. Tout
� ceci montre que, même si le Conseil de l 'Europe ( 1998, p . 7 ) affirme
70 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

que le concept d'égalité s'oppose à celui d'inégalité, rien n'est moins


sûr. En fait, l'inégalité est perçue comme injuste si elle est discrimina­
toire. Si, par contre, elle résulte de choix individuels et plus encore
des compétences, des mérites et des efforts de chacun et chacune,
elle est perçue comme juste et tolérable ( Cloutier, 2008 ) .

5. Égal ité de traitement et mainstreaming


Le principe d'égalité de traitement propose de se départir d'un
discours portant sur la neutralité des pratiques ( Laufer, 2007, p . 30)
pour identifier les mécanismes organisationnels, politiques, économi­
ques et sociaux qui génèrent les inégalités. On s'attaque ici directe­
ment aux discriminations indirectes et aux systèmes. Le postulat est
que la neutralité ne serait qu'apparence car les structures et modèles
de gestion sont construits sur base de normes. Or ces normes privilé­
gient le groupe dominant et institutionnalisent la reproduction des
inégalités sociales et des hiérarchies qui structurent les rapports
sociaux qui, eux-mêmes, tentent de justifier les discriminations et
l'exclusion. L'analyse sous-jacente est très proche des théories marxistes
et structuralistes mais aussi du postmodernisme et des théories criti­
gues telles que les théories féministes et les théories postcoloniales
( Prasad et al., 2006 ) . Ces théories s'interrogent sur la façon dont les
organisations et la société assurent la reproduction des inégalités,
d'une part, et sur les relations de pouvoir qui permettent cette repro­
duction, d'autre part.
L'égalité de traitement est très proche de la notion de mainstreaming
ou « approche intégrée de l'égalité » ( Conseil de l'Europe, 1 998 ) .
Cette modalité d'action a été construite autour de l'égalité hommes­
"'0 femmes, mais elle s'étend de plus en plus aux autres formes de
0 '
c
:J discriminations. A partir de la définition du Conseil de l'Europe, on
0
<X)
pourrait définir le mainstreaming comme une démarche préventive
0
0
N
qui a pour objectif d'intégrer l'égalité dès le diagnostic et l'élabora­
@ tion des politiques et des stratégies et, dès lors, de se poser systéma­
.......
..c
Ol tiquement la question de l'impact potentiel des décisions envisagées
·c
>
a.
sur la situation des groupes-cibles. L'idée est d'éviter de produire des
0
u situations d'inégalités. L'approche intégrée et/ou le mainstreaming
défend l'idée que les politiques d'égalité des chances et les actions
positives sont insuffisantes car elles se situent uniquement dans le
champ de la remédiation et que l'égalité passe par une refonte des
systèmes politiques, économiques, sociaux et organisationnels. Les
choix organisationnels et politiques s'avèrent souvent consciemment
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 71

ou inconsciemment pénalisants et discriminatoires pour l'un ou


l'autre groupe et reflètent les stéréotypes relatifs aux habilités, aspira­
tions, compétences et rôles. Si on veut casser la spirale de l'exclusion,
il faut donc s'attaquer aux systèmes et aux processus de décision et
. / .
ag1r preventivement.
Ce courant de pensée présente l'avantage de poser clairement la
question du pouvoir et le fait que les systèmes participent à la repro­
duction des inégalités sociales et des rapports sociaux entre domi­
nants et dominés. Coyle va plus loin en parlant du mythe de l 'égalité,
qui occulte les causes des résistances au changement : « Ces appro­
ches sont silencieuses sur les rapports de pouvoir, elles ont des diffi­
cultés à traiter les dilemmes de la différence et des similarités, avec une
confusion fatale entre action et discrimination positive . L'histoire des
politiques d'égalité des chances, avec leurs mythes et légendes, qui se
sont développées depuis les années 80, nourrit les résistances à traiter
des relations de pouvoir. » ( Coyle, 199 5 ) .
Ce processus de déconstruction s'apparente fortement au courant post­
moderniste : « les postmodernes recommandent de déconstruire tout
ce qui est prétendu être la vérité, de façon à déterminer qui a profité
de l'éclairage particulier que l'on a adopté. [ . . . ] Cette déconstruction
oblige à prendre une distance critique par rapport aux visions du
monde définies socialement et culturellement. » (Hatch, 2000, p. 59).
C'est à la fois son intérêt mais aussi son défi. En effet, un des repro­
ches souvent formulé à l'encontre des théories postmodernistes est
leur manque d'opératiom1alité et leur incapacité à résoudre les problè­
mes concrets des gestionnaires et des hommes politiques (Hatch,
2000 ; Jones & Stablein, 2006 ) .
"'0 .J
0 :..::::
<!)
c
'
'"0
0
:J c
::::1
6. I ndividualisation de la GRH et gestion par les compétences
....
<X) "'
0 <!)
0
N
<!)
'<!J
Les différents dispositifs présentés jusqu'à présent ont pour objectif
.�
....
@ 0
....
l'égalité professionnelle. Cet objectif d'égalité n'est pas nécessaire­
....... ::::1
..c "" ment le fil conducteur de tous les porteurs de projet de gestion de la
Ol c
·c 0
>-
a.
c
<!)
diversité, comme expliqué dans le chapitre sur les logiques d'actions.
0
u
ï5
0..
u
Dans sa version business case, la gestion de la diversité s'enracine
0
.... fortement dans un objectif de valorisation des atouts liés à la diversité
0
..c
o.
avec des préoccupations de valorisation des compétences et des
j
' caractéristiques individuelles ( Peretti, 2005 ) . Sous cet angle, la
'"0
0
c
::::1
gestion de la diversité puise un certain nombre d'outils et de disposi­

@
tifs d'action dans les pratiques d'individualisation de la GRH ( Pichault,
72 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Nizet, 2000) qui visent à gérer les individus en regard de leurs


compétences et performances .
La gestion de l a diversité veut valoriser les compétences d'une main­
d'œuvre diversifiée, compétences qui se déclinent en savoirs
(connaissances), en savoir-faire (pratiques) et en savoir-être (comporte­
ments relationnels) ainsi qu'en des aptitudes physiques. Les liens
entre gestion des compétences et gestion de la diversité restent
encore peu étudiés. Pourtant il serait intéressant de s'y arrêter. En
effet, il existe un risque important de naturaliser les compétences, ce
qui serait à l'opposé du concept même de compétence, définie
comme la possession de savoirs acquis et la capacité à les mettre en
'

œuvre ( Laufer, 2007 ) . A titre d'exemple, certains travaux relatifs au


leadership féminin défendent l'idée que les femmes auraient des
compétences « naturelles » qui seraient des atouts dans les nouveaux
styles de leadership ( leadership transformationnel notamment) et
dans les nouvelles formes d'organisation du travail ( Burke, 2007 ;
Lunghi, 2002 ) . On peut aussi évoquer certaines pratiques de gestion
des ressources humaines basées sur la croyance que toute personne
d'origine étrangère est automatiquement un bon médiateur inter­
culturel en regard de son groupe d'appartenance réel ou supposé
( Cornet et Fossi, 2004 ) .
Une des difficultés vient aussi de l'ambiguïté des dispositifs d'action
liés à la gestion de la diversité qui d'une part, vise à valoriser les
compétences individuelles, donc un mode de gestion des ressources
humaines individualisant mais, en même temps, à positionner cet
individu dans un groupe cible. Pour ce groupe cible, on est aussi
dans l'ambiguïté la plus totale avec d'une part, une dénonciation des
"0
stéréotypes identitaires et catégoriels, perçus et identifiés cotnme
0
c
:J
source de discrimination, mais aussi avec une mise en évidence
0
<X)
d'atouts associés à des caractéristiques de ce groupe (par exemple, des
0
0
N
compétences liées au sexe ou des atouts culturels liés à son origine ) .
@ Ces liens et ambiguïtés restent encore peu étudiés et des travaux ulté­
.......
..c
Ol
rieurs sont nécessaires pour approfondir ces différents aspects .
·c
>
a.
0
u
7. Label et certification
Pour être complet sur les dispositifs, il est utile de parler brièvement
des labels et certifications.
La France a développé, en 2004, le label « É galité » qui vise l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes. Il récompense
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 73

l'exemplarité des pratiques des entreprises, administrations ou asso­


ciations dont le dossier a été jugé recevable par l'organisme de certi­
fication, l'AFAQ. Délivré pour une durée de 3 ans, ce label implique
un contrôle intermédiaire après 1 8 mois afin de vérifier que son
détenteur continue de satisfaire aux critères de labellisation.
L'ANDCP (l'Association nationale des directeurs et cadres de la
fonction personnel) , en France, préconise la création d'un label
« Diversité » sur le modèle du label « Égalité » déjà existant. L'attri­
bution du label diversité se ferait sur la base d'un audit. Elle porterait
sur les objectifs, résultats et améliorations en matière de recrutement,
de formation, de rémunération, de pratiques managériales, de parte­
nariats avec l'éducation nationale et avec des associations actives dans
le champ de la diversité. Les entreprises qui recevraient le label pour­
raient bénéficier de subventions. L'agence Novethic (2005) a dressé
une liste de critères qui peuvent être utilisés pour évaluer les informa­
rions fournies dans les rapports sociaux. L'étude classe les entreprises
du CAC 40 en deux groupes principaux : les entreprises signataires
ou non de la charte de la diversité de l'Institut Montaigne. L'étude
s'appuie directement sur les publications suivantes des entreprises :
rapport annuel (RA), document de référence, rapport développe­
ment durable (RDD ) , information accessible sur et via l'arbores­
cence des sites Internet ( corporate ou dédiés au DD ) . Gavand
Consultants a créé aussi un « Label recrutement & diversité » qui teste
les processus de recrutement. La Belgique a lancé, au niveau fédéral, en
2007, un label « Égalité et diversité » 1 qui certifie un plan d'action
étalé sur 3 ans. Ce plan d'action doit comprendre une analyse de la
diversité dans son organisation, l 'élaboration d'un plan d'action qui
"'0
0
.J
:..::::
<!)
doit couvrir au moins trois thèmes de GRH et deux dimensions de la
c
'
'"0
0
:J c diversité dont le genre, un processus d'implication des travailleurs
::::1
<X)
0
....
"'
<!) dans l'analyse et la mise en place de la politique de diversité .
0 <!)
N '<!J
.�
.... Par ailleurs, plusieurs processus de certification liés à la responsabilité
@ 0
....
.......
..c
::::1
""
sociale contiennent des critères relatifs à l'égalité professionnelle,
Ol c
·c
>-
0
c surtout entre les hommes et les femmes et pour la certification
a. <!)
u
0 ï5
0..
SA 8 000 du BIT un critère de non-discrimination. Des agences de
u
0
....
0
notation s'intéressent aussi à cette dimension ( Sabeg et Charlotin,
..c
o. 2006 ) . Le guide SA 8000 livré aux auditeurs et aux organisations
j
' candidates au label détaille les exigences de la norme, en matière de
'"0
0
c
::::1

l. http://vvww.emploi.belgique.bejdefaultTab.aspx?id=8 1 38
@
74 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

discrimination. L'organisation ne doit pas admettre ni pratiquer la


discrimination. Cette exigence comporte deux volets :
- Le premier concerne la politique de l'entreprise qui doit compor­
ter des clauses d'interdiction des pratiques de la discrimination en
décrivant et mentionnant les critères de la norme. Ce volet n'engage
que les pratiques de l'organisation en question.
- Le second volet vise à responsabiliser l'organisation en regard des
pratiques en vigueur chez ses partenaires d'affaires (parties prenantes).
Le SA 8000 vise tous les aspects du management : embauche, rému­
nération, accès à la formation, promotion, licenciement, retraite, etc.
Les critères indiqués dans la norme sont : la race, la caste, la nationa­
lité, la religion, le handicap, le sexe, l'orientation sexuelle, l'apparte­
nance syndicale et l'engagement politique. Aucune définition du
concept de la discrimination n'est apportée. Des malentendus ou des
contradictions peuvent surgir entre auditeurs et l'organisation audi­
tée au moment de la certification. Il convient de signaler que les
audits SA 8000 se basent généralement sur trois piliers : procédures,
preuves et pratiques ( El Abbou bi, 2007), appelés aussi les « 3 P » .
Chaque élément de la norme est validé sur base de chacun de ses piliers.
Pour la discrimination, son évaluation exige les éléments suivants :
- Existence de Procédures qui garantissent la non-discrimination. Il
est demandé que l'interdiction de toutes les pratiques discriminatoi­
res directes et indirectes soit écrite formellement par l'entreprise
dans un manuel de procédure et qu'elles soient consultables par tous
les utilisateurs actuels et potentiels.
- Possibilité de Preuves : l'organisation doit préparer des preuves qui
attestent de son respect de la norme. Celle-ci est à valider par les
"'0
0 auditeurs lors des certifications et des audits de suivis. Elles peuvent
c
0
:J
être écrites ( documents officiels) ou orales ( entrevues lors des audits
<X)
0 avec les certificateurs) .
0
N
- Existence de Pratiques qui prouvent que les procédures écrites sont
@
.......
..c
appliquées. Ceci peut comprendre une enquête auprès des parties
Ol
·c
>
prenantes. Elle est effectuée par les auditeurs. L'objectif est de se rensei­
a.
0 gner sur la qualité des relations établies par l 'organisation avec ses
u
parties prenantes, ainsi que de sa réputation dans sa communauté.
Lors de l'audit de certification (ou de suivi quand la certification est
acquise) : les auditeurs prévoient des entretiens semi-directifs avec
les employés et la direction de l'organisation auditée . Une analyse
est effectuée dans un but de confrontation des données collectées.
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 75

C'est à travers des dits entretiens que les « pratiques » et les « preuves »

sont validées.

8. Fondements normatifs des dispositifs d'action


Le tableau 3 . 1 résume les fondements de chacune des pistes d'action.

Tableau 3 . 1 - Fondements normatifs des dispositifs d)action

Fondements normatifs
,

Egalité de droit Tradition démocratique : égalité des citoyens


Courant libéral, valorisation des individus
Méritocratie, pas de remise en cause des
structures
,

Egalité des chances Distribution inégale des atouts et handicaps


Logique compensatoire
Volonté d'intégration par l'assimilation
Programmes d'actions É galité des chances
positives Processus compensatoire
Logique de la ressemblance - d'ajustement
/

Programmes de Egalité de fait


discrimination positive Processus compensatoire
Dispositif proactif de rattrapage
Logique de la ressemblance - d'ajustement
Égalité de traitement et Questionnement de l'apparente neutralité
mainstreaming des cadres de référence et des systèmes
Volonté d'agir en amont des processus de
décision
Logique de la différence : prise en compte
.J
des spécificités
"'0
:..::::
0 <!) Volonté de transformation des systèmes
c
'
'"0
:J c
0 ::::1
.... Gestion des compétences et Processus de recherche d'efficience et
<X) "'
0 <!)
0 <!) individualisation de la GRH d'efficacité
N '<!J
.�
.... Valorisation des différences, perçues comme
@ 0
....
.......
..c
::::1
""
un atout, un potentiel de valeur ajoutée
Ol c
·c 0 Individualisation de la GRH
>- c
a. <!) Méritocratie
0 ï5
u 0.. Logique de la différence
u
0
....
0
..c Labels et certification Certification
o.
j Logique normative
'"0 Centrage sur les procédures, l'écrit, le
0
c
::::1 formel

@
76 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

I l l . ACTEURS DE LA G ESTION DE LA DIVERSITÉ

Une politique de gestion de la diversité implique plusieurs catégo­


ries d'acteurs qui peuvent être des acteurs actifs revendiquant
certaines actions mais aussi des acteurs passifs, impliqués plus ou
moins volontairement dans les programmes d'action . Plusieurs
auteurs reprennent l'appellation de parties prenantes, largement
mobilisée dans les écrits sur la responsabilité sociale . Les parties
prenantes étant « tout groupe ou individu qui peut influencer ou
être affecté par l'atteinte des objectifs de l'organisation » (Freeman,
1 994) .
Différentes catégories d'acteurs, internes à l'organisation, sont concer­
nées par les politiques de gestion de la diversité :
- les salariés mais aussi les demandeurs d'emploi ;
- la ligne hiérarchique et l 'équipe de direction ;
- les services de support tels que le service de gestion des ressour-
ces humaines mais aussi les services marketing en lien avec les
usagers et les clients et les services de communication interne et
externe ;
- les délégués syndicaux et les responsables du comité de prévention
de sécurité et hygiène ;
- les personnes-relais pour le harcèlement ;
- les assistants sociaux et médecins du travail.
Une politique de gestion de la diversité implique aussi des actions
avec des partenaires externes tels que :
"'0
0
- les clients et les usagers ;
c
:J
0 - des consultants ;
<X)
0
0
N
- les fournisseurs et les sous-traitants ;
@ - des associations œuvrant dans l'insertion socioprofessionnelle et/
.......
..c
Ol
·c
ou ciblées sur l'accompagnement de certains groupes (personnes
>
a. handicapées, personnes d'origine étrangère, etc . ) ;
0
u
- les pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux ainsi que
1 'Uni on européenne .

Les syndicats constituent une des parties prenantes importantes des


entreprises et des organisations. La plupart des syndicats belges sont
aussi impliqués plus ou moins formellement dans plusieurs chartes,
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 77

dans le label fédéral « É galité et diversité » , dans des accords internes


aux entreprises. En Flandre, les syndicats ont formé des consultants
diversité, en partie financés par la Région Flamande, qui accompa­
gnent les employeurs dans l'élaboration de plans diversité, dans la
formation et la sensibilisation des travailleurs, dans l'accueil et l'inté­
gration dans l'emploi des nouveaux employés. 1 Les syndicats français
( CGT, CFDT, CFTC, Unsa) ont signé, en 2005, une charte « Pour
l'égalité de traitement, la non-discrimination et la diversité » . Toutes
les organisations syndicales et patronales, à l'exception de la CGC, en
France ont approuvé, en octobre 2006, l'accord interprofessionnel
relatif à la diversité (Malys, 2007). L'accord passé en 2006 en France
vise : « dans le domaine de l'emploi, à garantir aux salariés la non­
discrimination et l'égalité de traitement en matière de recrutement,
d'affectation, de rémunération, de formation professionnelle et de
déroulement de carrière sans distinction d'origine, vraie ou suppo­
sée, ou d'appartenance ou de non-appartenance, vraie ou supposée,
à une ethnie, une nation ou une race, et sans distinction selon le
patronyme, l'apparence physique ou le lieu de résidence. » L'accent
est mis sur la sensibilisation des parties prenantes pour remettre en
cause les stéréotypes et préjugés. Vient ensuite une attention parti­
culière au processus de recrutement avec la demande d'une expéri­
mentation du CV anonyme puis des pistes d'action relatives à la
carrière et à la formation.

Pourtant, on doit bien constater que la position des syndicats fran­


çais et belges, mais aussi d'autres pays européens tels que les syndi­
cats anglais ( Greene et al., 2005 ) , face à la gestion de la diversité est
loin d'être claire et unanime. On sent clairement une certaine
"'0 .J
méfiance à l'égard de ces politiques, perçues comme étant avant tout
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0
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' <!)
'"0 des stratégies patronales qui visent à mettre en place des mécanismes
c
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d'autorégulation, pour d'une certaine façon échapper à la loi et aux
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0
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contraintes qui pourraient être imposées, notamment l'obligation de
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0
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quotas. La crainte des syndicats est que ces approches volontaristes,
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"" centrées sur la valorisation des compétences individuelles, occultent
0
·c
>- c la lutte contre les discriminations et une approche légale basée sur
a. <!)
u
0 ï5
0.. l'égalité de droit et de traitement. Ce reproche rejoint celui qui est
u
0
....
0
fait au concept de responsabilité sociale (Lapointe, Champion,
'
..c
o. Gendron, 2003 ) . A titre d'exemple, la CFDT, lors des négociations
j
'"0
0
c
::::1

1 . www.vakbondenvoordiversiteit. be
@
78 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

de 2006, avec le Medef, affirme que « la diversité qui est une réalité,
mais en aucun cas un objectif. [ . . . ] Elle ne peut se confondre avec la
lutte contre les discriminations. Ce qui est essentiel c'est de garantir
aux salariés l'égalité de traitement en matière d'embauche, de salaire,
de formation professionnelle et de déroulement de carrière sans
distinction d'origine vraie ou supposée ou d'appartenance ou de
non -appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou
une race et sans distinction selon le patronyme ou le lieu de rési­
denee » 1 . Le malaise vient aussi du fait que les politiques de gestion
de la diversité, dans leur version nord-américaine, sont fortement
articulées autour d'une individualisation des politiques de gestion
des ressources humaines et d'une valorisation de la méritocratie . La
gestion de la diversité apparaît trop centrée sur les personnes et pas
assez sur les systèmes qui génèrent les inégalités (Bataille, 2007).
Pour les syndicats, la meilleure garantie d'objectivité et de limitation
de l'arbitraire reste l'adoption de procédures claires et transparentes
qui s'appliquent de façon identique à tous, comme le propose le
modèle de GRH objectivant ( Pichault & Nizet, 2000) . Une autre
source de tension porte sur le diagnostic et donc sur les indicateurs
utilisés pour dresser un portrait statistique des employés, avec des
débats très vifs autour des données à collecter pour identifier les
personnes d'origine étrangère. Les syndicats adhèrent à l'idée qu'il
faut « sortir les discriminations de leur invisibilité » ( Malys, 2007,
p. 8 ) mais aussi que le comptage devrait respecter un strict principe
d'anonymat.

Si les syndicats formulent quelques réserves sur les politiques de


gestion de la diversité et les discours qui les entourent, plusieurs
"0 actions ont été et sont menées autour de thèmes et de groupes-cibles
0
c
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spécifiques. On retrouve des pistes d'actions autour du thème de
0
<X)
l'égalité hommes-femmes, des conditions de travail des travailleurs
0
0
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migrants et, plus récemment, de l'accès à l'emploi des personnes
@ d'origine étrangère (2e et 3e générations), des conditions d'emploi des
......
..c
Ol
jeunes et de leurs difficultés d'accès au marché du travail, de l'accès à
ï::::
>
a.
l'emploi des plus de 45 ans, et dans une moindre mesure, de l'accès
0
u à l'emploi des travailleurs handicapés et de l'homophobie sur les lieux
de travail. De nombreuses actions sont menées autour du thème de
l'égalité hommes-femmes avec une implication des syndicats dans les

l. Charte syndicale pour l'égalité de traitement, la non-discrimination et la diversité :


http:/jwww.cfdt.fr/actualite/pressejcommjcomm489 .htm
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 79

politiques d'égalité professionnelle (Ardura & Silvera, 2001 ; Laufer


et Silvera, 2006) mais aussi des actions menées, tant au France qu'en
Belgique mais aussi au Canada, autour de l'égalité salariale 1 . On peut
également relever la signature par les syndicats européens d'une
charte visant à plus d'égalité selon les principes du gender main­
streaming 2 . En ce qui concerne les personnes d'origine étrangère, il
faut différencier les prises de position des syndicats en regard des
travailleurs étrangers et celles relatives au racisme et aux discrimina­
tions dont sont victimes les 2e et 3e générations. En ce qui concerne
les travailleurs étrangers, l'attitude syndicale était au départ très
protectionniste (Alaluf, 2007 ) . Les syndicats dénoncent très tôt le
recrutement systématique d'ouvriers étrangers dans certains secteurs
d'activité . Ils craignent la pression à la baisse sur les salaires et la
dégradation des conditions de travail ainsi que l'atteinte à la solida­
rité ouvrière. Le recours à la main-d'œuvre d'origine étrangère est
perçu comme une stratégie patronale pour déstabiliser et fragiliser les
syndicats . La priorité doit être, selon eux, donnée à la main-d'œuvre
nationale. Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale qu'on voit
progressivement émerger des actions syndicales visant à défendre
l'égalité des droits entre travailleurs étrangers et nationaux et un
début d'intérêt pour des politiques d'intégration, en lien notamment
avec une évolution des mouvements migratoires (regroupement
familial ) . Dans les années 60 et 70, on assiste à une intégration
progressive des ouvriers immigrés dans les syndicats. L'emploi
ouvrier devient un facteur d'intégration (Alaluf, 2007) avec des
projets de mobilité sociale pour les enfants au travers de la scolarisa­
tion. La crise du secteur industriel et la tertiarisation de l'emploi
changent les règles du jeu. Dans les années 70 et 80 apparaissent de
"'0
0
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nouvelles politiques publiques qui visent à réduire les mouvements
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'

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migratoires du Sud vers le Nord et une montée en puissance de
0 ::::1
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l'immigration clandestine attirée par un mieux-être économique et
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par les opportunités du travail clandestin. Cette montée en puissance
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0
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du travail clandestin place les syndicats dans une position difficile car
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0
""
ce travail clandestin participe à une dérégulation du marché du
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c
>-
a. <!) travail . Comme le signale Jacquot (2007) : « faciliter les mobilités
0 ï5
u 0.. choisies, construire des garanties autour des mobilités contraintes,
u
0
....
0
..c
jouer sur les dimensions de la mobilité (professionnelle, sectorielle,
o.
j
'"0 l. Les femmes à l'égalité salariale (Equal Pay Day) http://www.pay-equity.org/
0
c day.html
::::1

2 . http://vvww.etuc.org/a/3805?var_recherche=mainstreaming.
@
80 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

géographique), tels sont les enjeux. » . Au niveau de la gestion des


âges, la position syndicale a été très segmentée selon qu'on parlait
des jeunes ou des travailleurs âgés. Pour les jeunes, les syndicats se sont
battus pour leur plus grande intégration dans l'emploi mais aussi
pour des conditions de travail qui ne soient pas systématiquement
marquées par la précarité (contrat à durée déterminée, salaire mini­
mum, etc.). Pour les travailleurs âgés, par contre, le message est beau­
coup moins clair. En effet, en Belgique comme en France, le système
de préretraite est largement soutenu par les syndicats qui y voient
une possibilité de gérer des projets de restructuration dans de bonnes
conditions de départ. Les positions sont en cours d'évolution à la
lumière des objectifs de Lisbonne qui prévoient un taux d'emploi
bien plus élevé pour les plus de 50 ans. Des actions sont aussi menées
pour l'intégration des personnes handicapées avec notamment le
plan d'action de la Confédération européenne des syndicats euro­
péens pour réussir la mobilisation et la visibilité de l'action syndicale
pour les personnes handicapées 1 mais il faut bien constater que, sur
ce thème, les syndicats restent souvent plus en retrait et n'apparais­
sent pas comme très proactifs . Des actions contre les pratiques de
harcèlement vers les personnes homosexuelles (homophobie) sont
menées dans plusieurs pays.
Une chose est sûre le syndicat revendique le fait d'être consulté et
associé à tout plan de gestion de la diversité . Dans la plupart des
accords et des discussions, le rôle clé du conseil d'entreprise est
rappelé.
Par ailleurs, les syndicats sont aussi interpellés comme employeurs et
organisations avec des voix qui s'élèvent pour réclamer plus de diver­
"0
0
sité dans les structures ( Colgan & Ledwith, 2002 ) . Plusieurs travaux
c
:J se sont ainsi intéressés à la position des femmes dans les syndicats
0
<X) ( Greene & I<irton, 2006 ) .
0
0
N
@
.....
..c
Ol
ï::::
>
a.
0
u

l . http:/jwww. etuc.org/a/ 1 3 1 6 .
DISPOSITIFS D 'ACTION 1 81

IV. ÉTAPES ET COM POSANTES D ES PLANS D 'ACTION

La plupart des guides de gestion de la diversité postulent que les


politiques de gestion de la diversité sont des stratégies planifi ées et
pilotées par l'équipe de direction qui relèvent du modèle classique de
la planification stratégique ( analyse de la situation, identification des
problèmes et des causes, élaboration et choix de scénarios d'action,
mise en œuvre et évaluation). Nous allons nous inscrire dans ce schéma
pour faciliter la lecture de l'ouvrage mais il faut rester conscient que,
dans beaucoup de situations, les politiques de gestion de la diversité
sont le résultat de stratégies émergentes et incrémentales, mises en
place par des individus ou groupes dans l'organisation, avec parfois
une récupération progressive par l'équipe de direction des actions
menées et leur intégration dans les axes stratégiques de l'organisation
( Cornet & Delhaye, 2006 ) .
S i on s'inscrit dans l e modèle de l a planification, la première étape,
identifiée par tous, est la prise en compte de la diversité dans les
orientations stratégiques de l'organisation qui passe par une analyse
des raisons qui poussent l'organisation à mettre en place une politi­
que de gestion de la diversité. Comme nous l'avons vu les logiques
d'actions peuvent être économiques ou sociales. Il peut s'agir de
stratégies proactives, mais on retrouve aussi beaucoup de stratégies
réactives, notamment des mécanismes d'ajustement aux attentes
des parties prenantes ( acteurs politiques, salariés, syndicats, clients et
usagers) et aux lois visant à sanctionner les discriminations directes
et indirectes. L'engagement stratégique se traduit souvent par des
engagements écrits qui peuvent prendre la forme de codes de
"'0
0
.J
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conduite, de chartes .
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c
'
'"0
:J c
0 ::::1
....
Cet engagement stratégique devrait, toujours selon les principes
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0
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<!) de la planification, se construire autour d'un diagnostic qui vise
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....
0
à identifier les forces et faiblesses de l'organisation en termes
....
::::1
.......
..c "" de diversité de la main-d'œuvre et de rencontres des attentes de
Ol c
·c
>-
0
c clients et d'usagers diversifiés, en regard des réalités de son envi­
a. <!)
u
0 ï5
0.. ronnement national, régional et sectoriel. De ce diagnostic devrait
u
0
....
0
découler l'élaboration d'un plan d'action ( plan de gestion de
..c
o. la diversité ) qui devrait idéalement comprendre les objectifs à
j
'"0
'
atteindre et les pistes d'action proposées en regard de différents
0
c
::::1
aspects de la gestion des ressources humaines, tel que schématisé
.
� '
@ c1-apres.
Copyright © 2008 Du nod .

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Schéma 3 .2 - Composantes d)une politique de gestion de la diversité 0


l'Tl'
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I
"T1
"T1
Diagnostic : ::0
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Représentativité - Discriminations directes - Discriminations systémiques ::0
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en
Plan d'actions : :::::!
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Objectifs à atteindre - Moyens mobilisés - Échéances - Tableau de bord c
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l'Tl'
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,Q
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-i

1 Processus GRH
1 (J)
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)>
r
rn
(J)

� Recrutement -
/

Evaluation -
Accueil et Conditions Sensibilisation
sélection - description Rémw1érations gestion
socialisation de travail et formation
de fonction des carrières

� Culture organisationnelle - Attitudes de la hiérarchie - Climat social

Communication interne et externe (relations avec usagers/image de 1 'organisation )


DISPOSITIFS D 'ACTION 1 83

Le diagnostic avec l'identification des besoins d'ajustement est une


étape importante mais aussi diffic ile. L'un des problèmes est la ques­
tion de la construction des indicateurs et des mesures qui seront
utilisées. Nous allons y revenir dans un chapitre spécifique. Le
diagnostic doit permettre de pointer les lieux où il y a sous-représen­
tation ou sur-représentation des catégories discriminées et tenter de
comprendre les mécanismes qui peuvent l 'expliquer. Cela passe par
une analyse des processus de gestion pour débusquer les discrimina­
rions directes et indirectes. Le diagnostic comprend aussi une analyse
du positionnement des personnes appartenant aux groupes-cibles en
vue de traquer les effets de ségrégation par métiers et fonctions
(ségrégation horizontale), les difficultés spécifiques liées à leur
progression de carrière (ségrégation verticale ) , les différences de trai­
tement et de statut qui pourraient les pénaliser (équité dans l'emploi
et justice organisationnelle) .
Le plan d'action devrait idéalement comprendre les objectifs à
atteindre, l'identification des actions à mener avec un échéancier et
une personne responsable de l'action, l'identification des moyens
humains, financiers et logistiques qui peuvent être mobilisés pour les
actions. Dans certains pays, comme le Canada, les É tats-Unis ou la
Grande-Bretagne et certains pays nordiques, les quotas sont accep­
tés, voire encouragés ou contraints, notamment pour les personnes
handicapées mais aussi parfois pour les femmes et certains groupes
ethniques. D'autres pays, comme la Belgique ( du moins pour la
'

partie francophone) et la France, refusent les quotas. A l'exception


de certains publics comme les personnes handicapées, il est alors
conseillé de formuler des objectifs chiffrés visant à évaluer l'impact
des actions menées (par exemple, augmentation de 1 0 % pour la
"'0
0
c
� représentativité des femmes à des postes de responsabilité ; ouverture
0
:J �::::1 de 5 % des postes à des personnes handicapées ) . Ces objectifs servi-
<X)
0 ?] ront pour l 'évaluation et la constitution d'un tableau de bord quan-
0 <.)
N '<ù
.�
....
titatif et qualitatif permettant d'évaluer les progrès réalisés .
@ 0
.......
..c � Les pistes d'action peuvent toucher un ou plusieurs thèmes de
Ol
·c
>
a.
8 gestion des ressources humaines :
·� Les pratiques de recrutement et de sélection du personnel ce qui
<.)
0
u -

5 inclut les descriptions de fonctions et les décisions prises en matière


j d'attribution des emplois et des statuts pour éviter la ghettoïsation
..c:

� de certains emplois. Ce thème inclut les premiers contacts avec


§ l'organisation que sont les stages d'étudiants, les emplois de vacances,

@
le volontariat.
84 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- L'accueil et l'intégration dans l'entreprise et l'organisation.


- Les conditions de travail : aménagement du poste de travail,
aménagement du temps de travail, etc.
- Les rémunérations : salaire mais aussi avantages divers.
- L'évaluation du personnel, la gestion des carrières et de la mobilité.
- La sensibilisation du personnel et la formation.
- La gestion du climat de travail et de la culture organisationnelle :
valeurs, normes, attitudes et comportements valorisés, mais aussi
. /
sanctionnes.
- La communication interne et externe.
Un axe important de toute politique de gestion de la diversité est la
communication interne et externe. Ceci comprend des messages
relatifs aux raisons pour lesquelles l 'entreprise mène une politique de
gestion de la diversité et l'importance qu'ont ces actions en regard
des missions de l'entreprise et de l'organisation, du service et du
département. Une place importante est donnée à la formation. La
gestion de la diversité a aussi des liens étroits avec la culture organi­
sationnelle et le climat social de l'entreprise ou de l'organisation.
Nous allons revenir sur chacun de ces thèmes pour illustrer les
actions qui peuvent être menées tnais aussi pointer leurs limites.

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0
c
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0
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a.
0
u
Chapitre 4

L a g es t i o n de la divers i té en a c t i o n

Nous allons reprendre les différents domaines d'action de la gestion


de la diversité pour pointer le type d'actions qui peuvent être initiées
mais aussi les débats que cela engendre.

1. DIAGNOSTIC

Le diagnostic regroupe les outils utilisés pour évaluer :


- la représentativité statistique des différents publics-cibles dans
l'organisation ;
- les processus internes qui génèrent des discriminations directes et
indirectes ;
- les phénomènes de ségrégation horizontale (cantonnement de
certains publics dans certains métiers et/ou fonctions) ;
- la ségrégation verticale (représentativité des différents groupes­
cibles dans la hiérarchie et aux postes de responsabilité) ;
- les opinions, attitudes et représentations du personnel concernant
"'0
0
.J
:..::::
<!)
les sous ou sur-représentations de certaines catégories de personnel
c
'
'"0
0
:J c dans l'organisation, l'existence ou non de discriminations directes et
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0
....
"'
<!)
indirectes, la nécessité de mettre en œuvre des actions spécifiques
0 <!)
N '<!J
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et l'avis sur les politiques de diversité mises en place ;
....
@ 0
....
.......
..c
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""
- une identification des problèmes spécifiques rencontrés par les
Ol c
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c
publics cibles au sein de l'entreprise.
a. <!)
0 ï5
u 0..
u
Le diagnostic se base sur des données quantitatives et qualitatives, néces­
0
....
0 site un choix dans les méthodes de collecte et d'analyse des données
..c
o.
et une identification des indicateurs qui seront utilisés. Il suppose
j
'"0
'
des ressources humaines et financières. Il n'a de sens que s'il permet
0
c
::::1
d'identifier les lieux d'action prioritaires et les indicateurs qui seront

@
utilisés pour l'évaluation des plans d'action.
86 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Un débat très vif porte sur la question du diagnostic. Pour certains,


il est indispensable de disposer de statistiques qui permettent de
mesurer la représentativité des groupes-cibles dans l'organisation
( Simon, 2005 ; Blivet, 2004 ; Sabeg et Charlotin, 2006). Pour d'autres,
ces données n'ont pas de sens : ce qu'il faut mesurer, ce sont les
discriminations et donc s'intéresser aux processus discriminants
(Amadieu, 2007 ; Augry, Rennequin, Karakas, 2006 ) . Il ne nous
appartient pas de trancher dans ce débat. Ce qu'il ne faut cependant
ne pas perdre de vue c'est que les deux démarches existent et qu'elles
peuvent être mobilisées indépendamment ou de manière complé­
mentaire.
De plus, il faut garder à l'esprit que la diversité de la main-d'œuvre
n'est pas le garant de l'égalité . Si le comptage statistique peut éclairer
la sous-représentation de certains groupes-cibles dans certaines
entreprises ou organisations, dans certains métiers ou fonctions,
dans certains statuts et positions hiérarchiques et donc être le signe
de processus discriminants, la sur-représentation statistique de
certains groupes-cibles n 'est pas nécessairement synonyme
d'égalité . En effet, une forte présence de personnes appartenant à
un groupe cible ( donc, un haut niveau de diversité) peut être le
signe de phénomènes de ségrégation et d' ethnicisation des métiers et
des fonctions, de conditions de travail précaires et de sous-statut
d'emploi.

1. Les données quantitatives


Les méthodes quantitatives sont basées sur :
"'0
0
- une compilation des données statistiques internes disponibles à
c
0
:J partir d'un traitement des informations disponibles dans les bases de
<X)
0
données du personnel ;
0
N
- la réalisation d'enquêtes internes, pour lesquelles l'anonymat appa­
@
.......
..c
raît indispensable donc le plus souvent réalisé avec un partenaire
Ol
·c
>
externe à l'entreprise.
a.
0
u
• La difficile question du choix des indicateurs

Le diagnostic suppose de pouvoir dresser un portrait de la situation


des persom1es appartenant à certains groupes-cibles en regard d'un
groupe de référence. Les indicateurs qui seront utilisés pour classer
les individus comme appartenant ou non à ces groupes-cibles
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 87

doivent être identifiés et les catégories définies. Ce choix des indica­


teurs est un grand sujet de débat dans la mise en œuvre et l'élabo­
ration des politiques de gestion de la diversité.
Pour l'âge et le sexe, la question statistique est simple. La variable est
le sexe avec comme catégorie homme et femme. Pour l'âge, on procède
généralement par catégorie d'âge de 1 0 ans ( moins de 30 ans, 30-40,
40-50, plus de 50 ans) .
En ce qui concerne le handicap et l'origine, la question des indicateurs
et du choix des catégories est beaucoup plus complexe.
Pour l'origine, le critère le plus simple pour obtenir des données est
la nationalité mais ce critère ne dit rien de la représentativité des
personnes d'origine étrangère qui ont la nationalité du pays de réfé­
rence, ni des processus discriminatoires qu'elles peuvent rencontrer.
La Commission nationale de l'Informatique et des Libertés ( CNIL)
a adopté le 5 juillet 2005 des observations et des recommandations
qui indiquent les données pouvant être recueillies et traitées dans le
respect des droits des personnes. Ces variables sont : le nom du
candidat à l'emploi ou de l'employé, son prénom, sa nationalité, sa
nationalité d'origine, son lieu de naissance, la nationalité ou le lieu de
naissance de ses parents, son adresse. Le comptage sur base du
patronyme, s'il est parfois utilisé , pose question car il paraît « aléa­
toire, lacunaire, illégitime, discriminatoire, inadapté » (Haut Conseil
de l'Intégration, 2007). Une autre question est de savoir s'il faut
remonter à la nationalité des parents ou aussi, des grands-parents.
Certains pensent qu'il faut remonter à la troisième génération ( les
grands-parents) mais la plupart des travaux ont montré que la ques­
tion relative à la nationalité à la naissance des parents permettait déjà
"'0 .J
:..::::
de produire des données statistiques intéressantes sur la représentati­
0 <!)
c
:J
'
'"0 vité des personnes d'origine étrangère dans l'organisation. Certains
c
0 ::::1
<X) ....
"'
utilisent également le critère de la langue maternelle. L'enquête
0 <!)
0 <!) « Mesure de la diversité » ( Simon et al., 2006) a tenté de tester diffé­
N '<!J
.�
@
....
0
....
rents modes de déclaration des origines et leur acceptation par les
....... ::::1
..c
Ol c
""
enquêtés. Trois manières de caractériser l'origine ont été utilisées :
·c 0
>-
a.
c
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l'ascendance (pays de naissance et nationalité des personnes, de leurs
0 ï5
u 0..
u
parents et grands-parents) , l'autodéclaration de l'origine et l'autodé­
0
....
0 claration dans une nomenclature ethnique. De cette recherche, il
..c
o.
ressort que l'autodéclaration pose problème même si elle est large­
j
'"0
'
ment utilisée dans certains pays, notamment l 'Amérique du Nord et
0
c
::::1
la Grande-Bretagne (Sabeg & Charlotin, 2006). En France (La Halde

@
et la CNIL), comme en Belgique ( Centre pour l'égalité des chances et
88 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Commission de protection de la vie privée), il est préconisé de ne


pas collecter des variables relatives à l'origine ethnique réelle ou
supposée des personnes sur base d'un référentiel « ethna-racial » .
La CNIL souligne également la sensibilité des indicateurs ethniques
(nationalité d'origine des individus, nationalité ou lieu de naissance
des parents) , en particulier avec le danger de catégorisation des
employés par leur origine ethnique , et exclut leur enregistrement
dans les fichiers de gestion des ressources humaines. Enfin, il est
conseillé de croiser plusieurs critères pour construire les catégories et
réaliser l'analyse.
Pour les personnes handicapées, la question des indicateurs à utiliser
est également difficile. Il est possible :
- de demander à la personne si elle est bénéficiaire d'une allocation
liée à un handicap ;
- de solliciter l'auto-identification des personnes comme personne
handicapée sur base d'une déficience durable ou récurrente soit de sa
capacité physique, mentale ou sensorielle, soit d'ordre psychiatrique
ou en matière d'apprentissage. Les personnes peuvent identifier la
catégorie de handicap concerné : coordination ou dextérité, mobi­
lité, cécité ou malvoyance, surdité ou malentendance, élocution, autre
handicap .
- d'isoler statistiquement les personnes qui souffrent d'un handicap
suite à un accident professionnel ou une maladie professionnelle et
ceux pour lesquels il s'agit d'une cause externe à l'entreprise.
Il ne faut cependant pas oublier que ces informations bénéficient de
la protection des données de type médical. Elles doivent donc rester
anonymes et l'anonymat est beaucoup plus difficile à garantir avec ce
"'0
0
c
type de données.
:J
0 Enfin, pour certains groupes, la question posée dans un souci de
<X)
0
0 représentativité n'a aucun sens, en l 'occurrence pour les personnes
N
@
homosexuelles ou pour les personnes susceptibles d'être discriminées
.......
..c sur base de leur apparence physique. Il est évident ici que l'objectif
Ol
·c
> est d'avoir des informations qualitatives sur l'existence de discrimi­
a.
u
0 nation ou de harcèlement mais pas de mesurer sa représentativité en
regard d'une population de référence .

• Analyse statistique des bases de données internes

La base de données sur le personnel permet de réaliser un certain


nombre de traitements statistiques qui peuvent éclairer sur le
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 89

positionnement de certains groupes-cibles dans l'organisation. Cette


base de données permet, en effet, de produire des statistiques, diffé­
renciées selon le sexe, l'âge, la nationalité .
Dans le cadre de la négociation sur la diversité en entreprise, la
CFTC propose que les grandes entreprises et les PME-PMI via leur
branche ou dans leur bassin d'emplois, complètent leur bilan social
par les sept premiers chiffres du numéro de sécurité sociale de chaque
salarié, lors de leur négociation annuelle obligatoire (NAO ) . Dans
le numéro de sécurité sociale, les deux premiers chiffres identifient le
sexe de la personne. Les quatre suivants déterminent l'année et le mois
de naissance : ils servent de marqueur d'âge. Les sixième et septième
chiffres indiquent le numéro de département ou le pays de nais­
sance : ils permettent de voir s'il y a discrimination par rapport au lieu
de naissance.
Les données existantes dans ces fichiers ( déclarées à la CNIL et dans
le respect de la loi « Informatique et libertés » ) peuvent être utilisées
pour une mesure statistique de la diversité dans le cadre d'un
programme de lutte contre les discriminations. Les employés concer­
nés doivent être informés, leur anonymat ainsi que la confidentialité
des traitements doivent être respectés et une fois l'étude réalisée, les
fichiers de données individuelles doivent être détruits (Augry,
Rennequin, Karakas, 2006) . Les principes proposés sont très similaires
en Belgique.

• L'utilisation ou la réalisation d'enquêtes internes

Les employeurs peuvent utiliser des enquêtes internes pour aller au­
"'0 ...; delà des informations contenues dans les bases de données du
:..::::
0 '<!)
c
0
:J �::::1 personnel. Ainsi, certains réalisent des enquêtes internes qui visent à
<X)
0
?1 pouvoir identifier l'appartenance des membres du personnel à

:�.... certains groupes-cibles, le plus souvent couplées avec des questions


0
N
@
.......
..c
� visant à évaluer les attitudes, opinions, expériences et représentations
""
Ol
·c § en regard de la diversité et des discriminations. Ces questionnaires
> c:

u
a.
0
·5. peuvent avoir pour objectifs de mieux cerner :
0

� - Le vécu des différents publics-cibles en termes d'égalité des chan-


-a ces, de discriminations directes et indirectes venant de collègues,
j
. supérieurs mais aussi de la clientèle et des partenaires d'affaires, leurs
-o

§ attentes en regard des politiques à mettre en œuvre, leurs avis sur les
� actions menées et leur pertinence.
90 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- Les représentations et perceptions des salariés en regard de


l'égalité des chances et de la diversité : comment les salariés vivent
et perçoivent la diversité, leur vécu par rapport aux différentes
formes de discriminations directes et indirectes, la perception de
l'égalité des chances et des actions destinées à certains publics
cibles, leur degré d'adhésion ou de résistance à une diversité
accrue de la main-d'œuvre, leurs craintes et stéréotypes, leurs expé­
riences positives mais aussi négatives de la diversité, leurs attentes
en regard de l'organisation sur ce thème, leurs perceptions de la
pertinence ou non de dispositifs d'actions positives ou de quo tas .
- Il existe ainsi des échelles d'attitudes dont l 'objectif est de com­
prendre les attitudes vis-à-vis de la diversité et de la discrünination
sur le lieu de travail. Les échelles ainsi créées se sont multipliées au
cours des dernières années ( Burkard et al., 2002a). Augry, Renne­
quin, Karakas (2006) en présentent deux : l'échelle nommée WPDI
- Workplace Prejudice/Discrimination Inventory (James et al. ,
1 994) - et l'échelle ODI - Organizational Diversity Inventory
( Hegarty et al., 1 995 ) .
Outre, la réalisation d'enquêtes spécifiques, ce qui est toujours long
et coûteux à réaliser, il peut être intéressant pour les organisations
de réfléchir à la possibilité d'utiliser les enquêtes de satisfaction
menées auprès du personnel dans la plupart des grandes entreprises
et organisations. Il suffit alors d'ajuster leur contenu pour inclure
quelques questions relatives au vécu face à la diversité et aux discri­
minations et d'ajouter des indicateurs permettant de d'identifier les
groupes-cibles identifiés par l'entreprise dans sa politique de gestion
"0
0
de la diversité .
c
:J
0 En vue de garantir l'anonymat, il est conseillé de faire appel à un
<X)
0
0
partenaire externe qui recevra les questionnaires et en assurera
N
@
l'analyse et d'éviter de réaliser des analyses sur des groupes de moins
.......
..c de 50 personnes. Par ailleurs, il est conseillé de demander l'autorisation
Ol
·c
> à la Commission de la protection de la vie privée .
a.
0
u

• Contenu des tableaux de bord statistiques

Ces données statistiques sont récoltées pour disposer de tableaux de


bord qui permettent d'identifier les problèmes et les zones d'action
prioritaires. Pour pouvoir mener une réelle analyse, il est utile, pour
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 91

autant qu'on puisse garder un nombre suffisant d'individus que pour


garantir l'anonymat, de donner une ventilation des groupes-cibles :
- par service et/ou département ;
- par métiers et fonctions (ségrégation horizontale et parois de verre) ;
- par statut (ouvriers, employés, cadres) ;
- par niveau hiérarchique (ségrégation horizontale et plafond de verre).
On peut compléter ces données par une ventilation pour ces publics :
- des données salariales, comparées à la moyenne du groupe de
/ f:/
re1erence ;
- des recrutements de l'année écoulée ;
- des bénéficiaires de la formation ( dernière année de référence) ,
comparées à l a moyenne du groupe de référence ;
- des bénéficiaires d'une promotion ( dernière année de référence) ,
comparées à la moyenne du groupe de référence ;
- des personnes ciblées dans un licenciement collectif.
Pour certaines de ces dimensions, il peut être utile de faire des croi­
sements, entre ces variables, par exemple entre l'âge et le sexe, l'origine
nationale et le sexe.

• Niveau de comparaison

Une autre difficulté pour ces données statistiques est de disposer


d'un niveau de comparaison qui permet de poser le diagnostic de la
sur-représentation ou sous-représentation de certains groupes, en
regard de leur niveau de représentativité dans la population natio­
nale, régionale ou locale. En effet, si de nombreuses statistiques sont
"'0 ...;
:..::::
disponibles pour l'âge et le sexe, et dans une certaine mesure pour les
0
c
:J
� personnes handicapées ( du moins celles qui sont bénéficiaires d'allo-
c
0
<X) � cations), la question de la représentativité des personnes d'origine
0
0
N
,�
.�
étrangère reste entière. Quelques études ont tenté de cerner
@ 8 l'importance de la population d'origine étrangère ayant la nationa-
.......
..c
Ol
·c
� lité du pays d'accueil. Cependant, tant en Belgique qu'en Fran ce,
> 8 aucune donnée n'existe actuellement de manière centralisée. Ceci
a. <!)
u
0
·� s'explique par la difficulté des acteurs politiques et administratifs à se
5
..c
mettre d'accord sur la manière de réaliser de telles statistiques. Des
groupes de travail existent et différentes propositions sont sur la table
j
� des décideurs politiques mais le consensus est très difficile à atteindre
§ ( Centre pour l'égalité des chances, 2007 ; Simon, 2003 ; Eggerickx,
� Perron & Thomsin, 2007).
92 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

• Limites des analyses quantitatives

Il est essentiel de se garder d'une analyse superficielle des statistiques


ainsi collectées. Compter en son sein un nombre important de
travailleurs de différentes nationalités et origines ethniques, ou une
majorité de femmes, ne suffit pas pour affirmer qu'une entreprise est
exemplative en matière de « gestion de la diversité » et qu'elle n'a pas
d'actions à mener. En effet, cette représentativité statistique peut
tout simplement s'expliquer par le fait que certains métiers de cette
entreprise demandent peu de qualifications et de diplômes ou que le
travail est dévalorisé et dévalorisant, que le salaire est très faible et les
conditions de travail difficiles (horaires de nuit et coupés, travaux
pénibles, etc . ) .
Une logique de représentativité statistique peut aussi déboucher
sur de la stigmatisation ( Prasad, P. , Prasad, A., Cavanaugh, 2002 ) a
posteriori. Certaines personnes bien intégrées dans l'entreprise sont
tout d'un coup stigmatisées et présentées comme « différentes »,
pour pouvoir les rentrer dans le comptage statistique.

2. Données qual itatives


Les données chiffrées sont certes intéressantes mais elles ont aussi
leurs limites. Il peut donc être intéressant d'utiliser également des
méthodes qual itatives pour enrichir et/ou construire un diagnostic,
pour mieux comprendre et identifier les processus discriminants.
Plusieurs méthodes existent :
- Le testing (Arrijn et al., 1998 ; BIT, 2007 ; Amadieu, 2004, 2006 ;
Augry, Rennequin, Karakas, 2006). En réponse à une offre d'emploi,
"'0
on enverra deux CV équivalents ( dans la mesure du possible ) , qui ne
0
c
:J
seront différents que pour la variable à tester (l'origine, le sexe, l 'âge,
0
<X)
etc . ) . Ainsi, on pourra tenter d'établir un lien entre le rejet de la can­
0
0
N
didature et cette variable. Cette pratique s'applique à la recherche
@ d'emploi mais aussi à tous les autres aspects du travail (salaire, car­
.......
..c
Ol
rière . . . ) ainsi qu'aux lieux de loisirs et au logement, et virtuellement
·c
>
a.
à toute fourniture de biens ou de services. Elle pourrait donc s'appli­
0
u quer pour évaluer l'attitude du personnel de contact avec la clientèle
et les usagers. Il n'en reste pas moins que « l'évaluation de la discri­
mination est un exercice difficile car la frontière entre discrimination
et différenciation objective est fragile. Tout particulièrement, le
recrutement demande à l'employeur de choisir et donc de diffé­
rencier. » (Augry, Rennequin, Karakas, 2006 ) .
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 93

- Le test d'audit par couple (Amadieu, 2004, 2006 ; Augr y et al. ,


2006 ; Petit, 2004 ) . Ce type d'étude débute de façon comparable
à celle des testings mais se poursuit au-delà de la convocation à
l'entretien. Des candidats se présentent et effectuent l'ensemble du
processus de recrutement. L'idée est de comparer le contenu des
entretiens d'embauche tant au niveau du processus que des résultats.
- L'analyse du processus de recrutement et de sélection en compa­
rant les résultats à chaque étape du processus de recrutement entre
un groupe cible et un groupe de référence (Amadieu, 2007 ; Gavand,
2006 ) . Chaque dossier de personnes appartenant à un groupe cible
est analysé pour comprendre ce qui a pu justifier sa mise à l'écart,
avec des interviews ciblées avec les personnes impliquées dans cette
sélection. L'observatoire des discriminations a effectué pour plusieurs
entreprises françaises de tels tests qui se sont avérés très révélateurs
(Amadieu, 2007 ) . Cela a permis de travailler avec les recruteurs sur
des faits précis et d'identifier les mécanismes de discriminations
indirectes.
- Des entretiens individuels de personnes ressources, notamment
les délégués syndicaux mais aussi les personnes désignées comme
personne-ressource pour le harcèlement, les mentors et les coachs.
- Des entretiens individuels avec les dirigeants, les professionnels des
ressources humaines ainsi qu'auprès d'opérationnels tels que les
chefs d'équipe, pour identifier d'éventuelles situations de discrimina­
tions, repérer des pratiques valorisables, identifier les freins et oppor­
tunités à la démarche de diversité .
"'0 � - Des focus groupes avec des représentants des responsables hié­
0

� rarchiques, avec certaines catégories de personnel ( par exemple, le


c
:J
0
<X) �<) personnel en contact avec les usagers), des représentants des groupes-
0
<)
0
N ''ù
.�
cibles, des représentants d'associations.
@
....
0
.......
..c � - L'analyse de contenu de documents internes à l 'entreprise pour
Ol t::
·c
> 8 identifier s'ils sont porteurs de stéréotypes et la visibilité donnée aux
a.
· g. membres du personnel qui peuvent symboliser l'importance accor-
<)
0
u
u

5 dée à la diversité et sa valorisation. Les documents étudiés peuvent


-& être, par exemple, les sites Internet et intranet, le journal interne à
j
·

-o
l'entreprise et les folders diffusés au public, les supports de co mmuni-
§ cation pour le recrutement, les offres d'emploi et les profils de poste,
� les guides pour les entretiens d'évaluation.
94 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

L'analyse des données récoltées peut se réaliser en interne ou avec


l'aide d'experts qui peuvent apporter un éclairage intéressant pour la
construction de la méthodologie mais aussi l'interprétation des
données et l'identification des pistes d'action. Il est aussi essentiel et
important que ces données soient discutées avec les délégués syndi­
caux, le conseil d'entreprise, le comité de sécurité et d'hygiène pour
la prévention et la protection au travail, les médecins du travail et les
assistants sociaux.
Le diagnostic peut également comporter un inventaire des initiatives
prises dans l'organisation, actuellement et dans le passé, pour lutter
contre les discriminations et favoriser l 'intégration et la carrière des
personnes appartenant aux groupes-cibles. L'expérience a montré
qu'il existait souvent des actions très intéressantes, initiées en interne,
qui restaient peu ou mal connues à l'intérieur de l'organisation alors
qu'elles pourraient être transférées avec succès dans d'autres services
ou départements. Ce volet est important car il participe à la reconnais­
sance et à la valorisation du personnel. Pour chacune des actions, il
est conseillé d'identifier des personnes-ressources pouvant accompa­
gner la mise en œuvre dans d'autres services ou départements ainsi
que les pistes d'amélioration et les facteurs de succès.
Dernier élément à prendre en compte dans le diagnostic, la discrimi­
nation est un phénomène complexe. La discrimination peut être
explicite et manifeste mais aussi subtile et ambiguë . Les formes subti­
les de discrimination sont plus difficiles à détecter que des formes
explicites. Certaines formes de discriminations sont tellement perver­
ses que la victime n'a pas conscience d'en faire l'objet. En sens
inverse, certains individus confondent discrimination et subjectivité.
"0
0 Ces approximations de la notion ont un impact sur les collectes de
c
0
:J
données utilisant l'autodéclaration (Augry, Rennequin, IZarakas,
<X)
0 2006).
0
N
@
.......
..c
Ol Il. PLAN DE DIVERSITÉ
·c
>
a.
0
u Le plan de diversité est un outil pour mettre en œuvre, encourager et
stimuler une politique de diversité dans l'organisation. L'évaluation
montre qu'il n'a de sens que s'il est adapté à la réalité de l'organi­
sation, que s'il ne se cantonne pas à une liste d'intentions non
concrétisées au travers d'actions réelles et que s'il est assorti d'un
budget et de moyens matériels et humains.
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 95

Un plan de diversité comprend généralement les éléments suivants :


- Des objectifs généraux mais aussi spécifiques à chaque axe d'action.
Pour permettre l'évaluation, ces objectifs devraient être, au maximum,
quantifiés mais ils peuvent être complétés par des objectifs qualitatifs . Il
peut comprendre une hiérarchie des priorités des axes d'action.
- L'identification des personnes responsables de l'action et des
partenariats à mettre en œuvre .
- Un échéancier.
- Une identification des ressources nécessaires et des sources de
financement envisagées.
- Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et tableaux de bord qui
doivent permettre de mesurer les progrès réalisés.
La question des objectifs et des indicateurs reste une question délicate.
En effet, la première difficulté vient de l'opportunité ou non de se fixer
des objectifs qui soient des quotas (exemple : 30 % de femmes à des
postes de cadre pour la fin 2009 ) . Certains pensent que les quotas sont
indispensables pour susciter des actions proactives et forcer des change-
'

ments dans les attitudes et comportements. A l'inverse, les bénéficiaires


de ces quotas sont souvent réticents à leur mise en œuvre car cela
risque de les pénaliser dans leurs relations avec les collègues et la
hiérarchie. Ils risquent d'être soupçonnés d'avoir été recrutés grâce à
un traitement de faveur et non en raison de leurs compétences. Certai­
nes organisations contournent la difficulté en ne fixant pas des quotas
mais des objectifs de croissance et d'amélioration, comme par exemple,
une progression de 5 % du nombre de femmes à des postes de
responsabilité et/ou de personnes d'origine étrangère. Dans certains
"'0 ...; cas, le quota est imposé par la loi, c'est le cas pour les services publics
0
c
:J
� pour l'engagement de personnes handicapées. La deuxième difficulté est
0
<X)
� liée au chapitre sur le diagnostic et renvoie à la complexité de la
0
0
N
� mesure, donc du choix des indicateurs, notamment pour les personnes
'0

@
.......
·g handicapées et pour les personnes d'origine étrangère.
.....

..c
Ol � Si le plan d'action se construit autour du diagnostic, il peut aussi
·c
>
a. � s'inspirer de constats et recommandations qui se trouvent dans
u
0
·� différentes études évaluatives et des propositions formulées par les diffé-
5 rents acteurs du secteur, notamment la Halde (Haute Autorité de
j lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et l'Observatoire
..c:

� des discriminations en France, le Centre pour l'égalité des chances et


§ la lutte contre le racisme et l'Institut pour l'égalité des femmes et des
� hommes en Belgique.
96 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

On reproche souvent à ces plans d'actions de rester au niveau du


discours et de tenir lieu de justification des politiques mises en place,
sans qu'il y ait réellement d'actions menées et d'évaluation des résul­
tats et d'impacts. Un autre écueil rencontré est le fait qu'ils sont
largement construits sur le modèle de la planification stratégique.
Ils postulent une large maîtrise de la direction sur les actions ré ali­
sées dans l'entreprise et une convergence entre les objectifs stratégiques
formulés dans le plan et les objectifs individuels des membres de
l'organisation . D'autre part, ce modèle néglige les stratégies émer­
gentes, souvent très importantes dans l'analyse des bonnes prati­
ques en gestion de la diversité . Une telle approche s'inscrit largement
dans une vision instrumentale de la GRH avec l'oubli que toute poli­
tique de gestion des ressources humaines est aussi un jeu politique,
rempli de contradictions et de jeux de pouvoir (Brabet, 199 3 ) .
L'aspect très formel des plans d'action et le temps nécessaire pour les
réaliser risquent aussi de décourager beaucoup d'acteurs organisa­
tionnels, notamment ceux et celles qui évoluent dans des petites et
moyennes entreprises et organisations. Plusieurs études (Bogaert et
Vloegberghs, 2005 ; SüB et Kleiner, 2006 ; Zanoni et Janssens,
200 5 ) montrent, de fait, que les politiques de gestion de la diversité
très formalisées existent surtout dans les grandes entreprises, et
plus spécifiquement encore dans les filiales des multinationales
nord-américaines. Le secteur public, sous la pression de son envi­
ronnement et des acteurs politiques, est aussi de plus en plus actif
dans ce champ d'action. Les PME et le secteur associatif, pourtant
très actif dans l'intégration de la diversité, passent rarement par la
formulation d'un plan, ce qui a pour effet de leur donner peu de visi­
bilité .
"'0
0
c
:J
0
<X) I l l . RECRUTEMENT ET SÉLECTIO N
0
0
N
@ Le processus de recrutement regroupe l'ensemble des activités qui
.......
..c
Ol
visent à rechercher les individus compétents qui répondent le
·c
>
a.
mieux aux exigences d'un poste à pourvoir. Celui -ci aura été géné­
0
u ralement défini dans une description de fonctions qui reprendra les
diplômes exigés mais aussi certaines compétences jugées nécessaires
pour assumer la fonction . Ces compétences peuvent être des savoirs
(par exemple, des connaissances linguistiques) , des compétences
managériales (par exemple, la gestion d'équipe ) et des attitudes
(par exemple, la confiance en soi ) .
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 97

Ce processus passe par :


1 . La rédaction du profil de poste et de la fonction.
2 . Un appel à candidature.
3 . La réception des candidatures.
4. Différentes étapes de sélection qui peuvent varier en fonction du
poste :
- première sélection sur les CV ;
- tests de sélection ;
- entretiens individualisés plus ou moins formalisés, avec ou sans
présence de jurys.
Cette phase a été largement documentée dans la littérature sur les
discriminations dans l'emploi ( Gavand, 2006 ; Sa beg et Charlotin,
2006 ; Amadieu, 2004, 2006). Elle constitue la porte d'entrée dans
l'emploi et on doit bien constater qu'elle est l'un des premiers lieux où
s'expriment les discriminations telles qu'illustrées par plusieurs testings.
Le tableau 4 . 1 résume les différents processus de discrimination liés à
l'étape du recrutement et de la sélection.

Tableau 4.1 - Discriminations liées au processus de recrutement

• Caractéristiques restrictives clairement ou indirectement formulées dans


l'offre d'emploi ou à l'égard d'un intermédiaire du recrutement par rapport à
l'origine, à la couleur de peau, à des signes distinctifs, au genre, à l'âge ou/et
au handicap, à la filière scolaire, au passé professionnel.

•Caractéristiques discriminatoires « déguisées » . Exemple : force physique,


langue( s) alors que pas nécessaire( s) pour le poste à pourvoir, nombre
d'années d'ancienneté .
"'0 .J
:..::::
0 <!)
c
'
'"0
:J c
•Impacts d'éléments pouvant générer des représentations négatives dans les
0 ::::1
<X) ....
"'
CV : photo, patronyme, âge, situation familiale, lieu de naissance, handicap
0 <!)
0 <!)
'<!J
éventuel, état de santé, institutions scolaires, passé professionnel ou syndical.
N
.�
....
@ 0
.......
....
::::1 •Impact et effet de « halo » associé à l'apparence physique ( beauté, maintien,
..c ""
Ol c
0
vêtements, etc . ) .
·c
>- c
a. <!)
u
0 ï5
0..
•Biais liés à l'utilisation exclusive d e certains types de filières de recrutement.
u
0
....
Exemple : une école.
0
..c
o.
Perception réelle ou « fausse » des intermédiaires du recrutement et de la
j

'"0
sélection de l'adéquation entre le profil du candidat et la demande de
0
c l'employeur. Exemple : tel employeur ne voudrait pas une personne
::::1
� handicapée pour un poste de cadre.
@
98 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Tableau 4.1 - Discriminations liées au processus de recrutement (Suite)

•Stratégies de protection du candidat : dans le but de « protéger les »

populations minoritaires d'un rejet supposé, les intermédiaires de l'emploi


anticipent, dans certains cas, les refus que les individus auraient à subir en le
prenant à leur compte, pour ne pas leur faire courir le risque d'être confrontés
à un échec.

• Erreurs d'interprétation des comportements et attitudes des candidats.


Exemple : baisser les yeux, comportement interprété comme un manque de
franchise alors que pour certains c'est une forme de politesse.

• Extension des caractéristiques d'une partie des individus d'un groupe à tout
le groupe : déficit de qualifications/comportements ou exigences
inadéquats/incapacité d'une personne handicapée à pouvoir occuper tel ou
tel poste.

•Tendance à l'uniformité sociale des recrutements : effet « clonage », justifié


par l'idée de minimiser les risques donc de faciliter l'intégration.

• Biais existants dans les tests psychométriques et épreuves de sélection.

• Comportements, préjugés et attitudes des intermédiaires administratifs


(réceptionniste, secrétaire, etc. ) .

• Manque d'accès aux jobs d'été, jobs étudiants et stages.

Nous allons reprendre quelques étapes clés du processus de recrutement


pour identifier les actions proposées.

1. Présentation du poste et de la fonction

"0
Une première action proposée est de réaliser une description des
0
c
:J
emplois et des fonctions à pourvoir de la façon la plus complète
0
<X)
possible. Une des méthodes identifiées comme la plus objective et
0
0
N
qui donne le plus de garanties en matière d'équité est la description
@ des emplois selon les bases de la classification analytique. Ce système
.......
..c
Ol
propose de décrire les fonctions à partir de quatre catégories de critères :
·c
>
a.
0
l. Les qualifications requises : scolarité, expérience de travail, cotmais­
u
sance des langues, capacité rédactionnelle, etc.
2 . Les responsabilités à assumer : supervision du personnel, respon­
sabilité vis-à-vis de la qualité des produits, etc.
3 . Les efforts requis : effort physique, effort mental, complexité de la
tâche, autonomie, concentration, etc.
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 99

4. Les conditions dans lesquelles le travail est effectué : environne­


ment physique, environnement psychologique, rythme de travail,
exigences en matière de mobilité géographique, etc.
Il est également conseillé de réaliser des présentations détaillées des
métiers, en étant attentif aux stéréotypes, notamment sexués, liés à
certains métiers et fonctions. L'objectif est de diffuser une image la
plus concrète possible des métiers . Pour répondre à cet objectif et
capter de nouveaux publics, certaines entreprises organisent des
visites d'entreprise avec la possibilité de rencontrer des personnes qui
occupent ces postes.

2. Appel à candidature
Pour l'appel à candidature, il faut vérifier si l'offre d'emploi ne
contient pas des mentions interdites par la loi (notamment des réfé­
rences au sexe ou à l 'âge ) , ni de biais et stéréotypes sur les profils liés
à certains métiers. Il est conseillé de réaliser une check-list à destina­
tion des personnes qui sont amenées à rédiger les offres d'emploi et
de mettre en place des procédures de contrôle de la qualité interne
et externe du contenu des annonces ( Gavand, 2006 ) .
Pour le sexe, il est recommandé :
- de mentionner les deux sexes, lorsqu'il existe une dénomination au masculin
et au féminin (directeur/directrice ou ouvrier/ouvrière ) .
- Lorsque la dénomination de l'emploi n'existe qu'au masculin o u au fémi­
nin, il est recommandé soit d'ajouter une mention indiquant que l'emploi est
offert aux candidats des deux sexes (un ingénieur H/F), soit d'utiliser des
mots neutres tels que personne chargée de . . .
« ».

- d'accorder systématiquement les articles, adjectifs e t participes passés aux


.J
"'0
0 :..:::: deux genres : é( e )
« ».
<!)
c
'
'"0
0
:J c Pour l'âge, il est conseillé
::::1
....
<X) "' - de ne pas mentionner un âge minimum ou une limite d'âge supérieure, sauf
0 <!)
0 <!)
N '<!J
.�
obligation légale ou réglementaire.
....
@ 0
....
....... ::::1 - de ne pas stipuler une limite pour les années d'expérience, ce qui reviendrait
..c ""
Ol c
0
à limiter l'âge.
·c
>- c
a. <!) - d'éviter les mentions suivantes : senior, junior, jew1e et préférer les expressions
0 ï5
u 0.. « débutant ou expérimenté
» « ».
u
0
....
0
..c
o. D'autres pistes d'action ont été identifiées :
j
� - Mettre en œuvre des stratégies de comtnunication qui précisent
§ que l'organisation est ouverte aux candidats des groupes ciblés par la
� politique de diversité .
100 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- Activer des réseaux qui permettent une ouverture à des candidats


issus des publics-cibles, notamment dans le partenariat avec des asso­
ciations ayant des relations privilégiées avec des personnes d'origine
étrangère et avec des personnes handicapées, les maisons de jeunes et
les organismes d'insertion socioprofessionnelle mais aussi des orga­
nismes spécialisés du secteur public.
- Ouvrir les stages, emplois d'étudiants et pourquoi pas des actions
de volontariat aux personnes issues des groupes-cibles. Ces emplois
temporaires peuvent être une bonne opportunité pour changer les
stéréotypes réciproques, faciliter l'intégration dans l'emploi et déve­
lopper des réseaux auxquels les candidats n'auraient sans doute pas
eu accès sans ces stages/jobs d'été .
- Faciliter les rencontres entre les recruteurs et les candidats : certains
directeurs des ressources humaines se regroupent pour organiser des
rencontres communes de candidats proposés par des associations en
lien avec les personnes habituellement discriminées. Ils donnent un
feed-back au candidat sur ses points forts et points faibles et les pistes
d'amélioration.

3. La réception des candidatures


Pour garantir une plus grande objectivité dans les processus de recru­
tement, il est vivement conseillé de mettre en place une procédure
basée sur les CV anonymes. Certains plaident aussi pour l'adoption
d'un CV universel qui est une version simplifiée du CV européen,
développé par la Commission européenne.
Les mentions supprimées dans nn formulaire ou CV anonyme sont, en général :
"'0
0
c
- le nom ;
:J
0 - le prénom ;
<X)
0
0
- l'adresse ·
'
N
@
- l'âge ;
.......
..c - le sexe ;
Ol
·c
> - la photo.
a.
0
u Peuvent aussi être ôtées les activités extraprofessionnelles (révélatrices du
milieu dans lequel on évolue).
Sont maintenus :
- la formation (sans mention de l'établissement fréquenté) ;
- l'expérience ;
- les compétences informatiques et linguistiques.
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 101

Le candidat envoie son CV complet avec toutes les informations le concer­


« »,

nant, et c'est l'employeur qui procède à l'anonymisation. Il est recommandé


que cette procédure d'anonymisation soit conduite par une entité particulière,
qui ne se confonde pas avec le service chargé de convoquer les candidats pour
un entretien d'embauche . Seule cette entité devrait disposer de la table de cor­
respondance entre l'identifiant porté sur le CV anonyme et le nom du candi­
dat. Les personnes qui corrigent les épreuves écrites ne reçoivent que le code
du candidat et éventuellement certaines informations du CV remises dans un
formulaire standardisé.

Pour le CV universel voir le site Europass. Une version de démonstration


existe à l'adresse www.cvuniversel.org.

Plusieurs acteurs du recrutement en France se sont regroupés dans une


association É thique et recrutement qui plaide notamment pour l'adoption
du CV universel pour fluidifier l'emploi en simplifiant les candidatures
http://www.ethique-et-recrutement.org/

4. La procédure de sélection
Pour les épreuves de recrutement :
- Offrir aux candidats potentiels des sessions de formation pour
améliorer leur performance dans les épreuves de sélection.
- Sensibiliser et former les acteurs internes et externes du recrute­
ment aux stéréotypes à combattre mais aussi à pouvoir identifier les
atouts de la diversité, donc les compétences intéressantes qu'ont
les candidats diversifiés pour le service et l'organisation (connaissance
de certaines langues, un autre réseau, etc . ) .
/

- Emettre des consignes et procédures pour la réalisation d'entretiens


"'0
0
.J
:..::::
centrés sur les compétences .
<!)
c
'
'"0
0
:J c
::::1
- Remplacer ou compléter la sélection sur CV par une sélection basée
....
<X) "' sur un test de compétences avec des exercices ciblés qui reproduisent
0 <!)
0 <!)
N '<!J
.�
....
les conditions de la fonction. En effet, les aptitudes peuvent avoir été
@ 0
....
....... ::::1
""
acquises dans le cadre professionnel ou en dehors et ne transparaissent
..c
Ol
·c
c
0 pas toujours dans le CV du candidat.
>- c
a. <!)
u
0 ï5
0..
- Assurer la diversité dans les jurys de sélection et les équipes de
u
0
....
0
recruteurs pour limiter le poids des stéréotypes en regard de certains
..c
o. publics, notamment la mixité hommes-femmes mais aussi selon
j l'origine.
'"0
0
c
::::1
- Fixer des objectifs de résultats dans les processus de sélection en

@
vue d'assurer un rattrapage en termes de représentativité .
102 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- Informer les recruteurs sur les procédures d'octroi de permis de


travail, de reconnaissance des diplômes et de validation des acquis de
l'expérience (VAE ) .
Une analyse détaillée des processus de recrutement peut souvent
s'avérer révélatrice de discriminations directes et indirectes. En effet,
la plupart des personnes impliquées au niveau du recrutement et de
la sélection pensent qu'elles n'ont pas de comportements discrimina­
toires.
Les tests de sélection et les procédures d' assessment contiennent
souvent des mécanismes de discrimination indirecte. Il est possible
de les tester pour évaluer leur capacité à retenir ou non des personnes
ayant certains profils spécifiques. Ainsi, le service public de recrute­
ment belge ( Le Selor) a lancé, en 2 007, une procédure « Testez le
test » , qui prévoit l'évaluation de tout nouveau matériel de sélection
avec des groupes contrôle.
Pour les personnes handicapées, il est conseillé :
- d'aménager les modalités des épreuves de sélection pour permettre
aux personnes handicapées d'y participer ;
- de s'assurer de l'accessibilité des bâtiments où se tiennent les
épreuves de sélection ;
- d'informer les recruteurs sur les aides possibles pour l'adaptation
des postes de travail pour les personnes ayant un handicap.
Enfin, il peut être intéressant de se questionner sur la pertinence de
certains critères qui sont parfois le reflet de l'histoire de l'organisa­
tion et du métier et qui n'ont plus réellement de sens en fonction de
l'évolution du métier et du contexte. À titre d'exemple, l'ouverture
de la Défense et de la Police aux femmes a permis de revoir certaines
"0
0
c normes physiques. Si les compétences physiques sont essentielles
:J
0 pour certaines tâches, d'autres demandent des compétences relation­
<X)
0
0
nelles. La remise en question des normes ouvre plus largement le réser­
N
@
voir de main-d'œuvre disponible et permet de se concentrer sur les
.......
..c compétences clés .
Ol
·c
>
a.
0
u
IV. ACCUEIL ET SOCIALISATION

Passer l'épreuve du recrutement et de la sélection est une première


étape mais on constate que, si le collectif de travail n'est pas préparé
et accompagné, l'intégration peut être un échec et on assiste à un
phénomène de « portes pivotantes » (Jacobs, 1989) ou « portes
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 103

tournantes » . Plusieurs études ont montré que les membres d'une


minorité rencontrent souvent beaucoup de difficultés à conserver
leurs postes et leurs acquis. Ils sont soumis à des pressions qui les
poussent à quitter ces emplois, qui les expulsent en quelque sorte des
places gagnées. Ce système de « portes pivotantes » permet de main­
tenir intacte la position du groupe dominant dans la structure . Cela
renforce, par ailleurs, les stéréotypes ambiants sur l'incapacité des
minorités à pouvoir assumer les rôles et les fonctions qu'elles r even­
diquent.
Comme le signale Boutrand ( 1 994, p . 14), « la diversité dans un
collectif de travail est un risque. [ . . . ] On peut ainsi identifier un
double risque dans l'expérience de la diversité : risque pour l'équipe
( déstabilisation des habitudes, remises en cause, gêne possible,
conflits éventuels) mais aussi risque pour le cadre qui devra donner
de sa personne et mettre en jeu son autorité pour arbitrer les conflits,
formuler les problèmes, rappeler les règles collectives aux uns et aux
autres » .
Le tableau 4.2 présente les phénomènes discriminatoires l e plus
souvent observés en lien avec l'accueil dans un collectif de travail.

Tableau 4.2 - Discrimination et accueil dans un collectif de travail


• Discriminations allusives, harcèlement, racisme, sexisme, homophobie .
•Rétention d'informations, mise à l'écart des flux de relations et
d'informations, des réseaux informels.
• Mise à l'épreuve des compétences.
• Mise à l'écart pour certains types de contacts (clients, fournisseurs, etc . ) .
•Comportements discriminatoires du responsable hiérarchique (affectation,
"'0 .J horaire, conditions de travail) .
:..::::
0 <!)
c
'

:J
'"0 •Absence de réaction ou dénégation du gestionnaire face à des
c
0 ::::1
<X) ....
"'
comportements discriminatoires.
0 <!)
0
N
<!)
'<!J •Mise à l'écart des discussions informelles, pendant les repas et les pauses,
.�
@
....
0
....
lors des rencontres sur le lieu de travail ou en dehors du lieu de travail.
....... ::::1
..c
Ol c
""
• Niveau d'exigences plus élevé que pour les autres travailleurs en termes de
·c 0
>- c flexibilité, de quantité de travail à produire, de qualité exigée.
a. <!)
0 ï5
u 0..
u
0
....
0
..c
o. On trouve dans la littérature et dans la présentation de bonnes prati­
j ques, différentes activités et étapes qui facilitent l'intégration du
'"0
0
c
travailleur :
::::1

@
- une présentation et introduction auprès des nouveaux collègues ;
104 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- la réalisation d'une brochure d'accueil qui présente l'organisation,


le règlement de travail et les principes de base à respecter dans le
travail au quotidien ;
Des suivis plus individualisés favorisent l'intégration, notamment :
- Le jobcoaching qui vise à accompagner des publics fragilisés face
à l'emploi, en partenariat avec des organismes spécialisés (Flora,
2007).
- Le coaching ou mentorat avec la désignation d'une personne de
référence pour le nouvel engagé.
Une intégration réussie suppose aussi de prévoir une procédure de
plainte et des personnes ressources pour pouvoir parler d'un
comportement discriminatoire. Cette personne peut être interne au
service des ressources humaines et/ou être la personne en charge
du harcèlement. Celle-ci devra alors être formée aux lois sur les
différentes formes de discrimination et aux possibilités de traiter
et d'analyser ce genre de situations. Une collaboration avec les
médecins du travail et les assistants sociaux peut aussi s'avérer très
intéressante.
Enfin, 1 'intégration passe aussi par une valorisation des compétences
apportées par la personne et une mise en évidence des gains de la
diversité.

V. CON DITIONS DE TRAVAIL

Un certain nombre de pistes d' action visent à proposer des


"0 aménagements et accommodements permettant aux travailleurs
0
c
:J de mieux concilier leur vie professionnelle, leurs caractéristiques
0
<X) physiques mais aussi leur réalité familiale et leurs choix, notam­
0
0
N ment religieux. Ainsi, nous avons répertorié des pratiques qui
@
.......
visent à :
..c
Ol
·c - Proposer des aménagements et accommodements raisonnables
>
a.
0 pour les personnes handicapées.
u
- Améliorer la santé et sécurité au travail, tant au niveau de la santé
physique que psychologique, ce qui inclut les problèmes d'ergono­
mie de poste et de qualité des infrastructures, notamment pour les
personnes handicapées mais aussi pour envisager une politique
préventive de gestion des âges.
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 105

- Réfléchir au contenu du travail et de la fonction (processus de


déqualification éventuelle de certains employés) .
- Proposer des modes d'organisation du travail qui permettent
d'améliorer la conciliation vie privée/vie professionnelle.
Il existe plusieurs types d'aménagement raisonnable :
- Aménagements matériels : accessibilité des utilisateurs de fauteuils
roulants, adaptation du poste de travail, etc.
- Aménagements non matériels : accompagnement d'une personne
aveugle, emploi d'une langue simplifiée pour les personnes ayant une
déficience intellectuelle, horaire adapté, etc.
- Aménagements collectifs : placement d'ascenseurs, adaptation
d'infrastructures, etc.
- Aménagements individuels : adaptation d'un poste de travail pour
un travailleur présentant un handicap spécifique.
- Adaptations spécifiques de l'espace de travail auquel le public n'a
pas accès mais bien la personne en situation de handicap.
- Adaptations organisationnelles : réorganisation des tâches, travail
à domicile.
Le fait qu'il s'agisse d'un aménagement raisonnable s'évalue à partir
des critères suivants :
- L'impact financier de l'aménagement.
- L'impact organisationnel de l'aménagement.
- La fréquence et la durée prévues de l'utilisation de l'aménagement
par la personne handicapée.
- L'impact de l'aménagement sur la qualité de vie d'un ( des) utili­
"'0 .J
:..::::
sateur( s) effectif( s) ou potentiel( s) handicapé( s ) .
0 <!)
c
'
'"0
0
:J c - L'impact de l'aménagement sur l'environnement et sur d'autres
::::1
<X)
0
....
"'
<!)
utilisateurs .
0 <!)
'<!J
N
.�
....
- L'absence d'alternatives équivalentes.
@ 0
....
.......
..c
Ol
::::1
"" Des primes de l ' État sont généralement disponibles pour financer
c
·c
>-
0
c toute ou partie de ces investissements. Par ailleurs, différents aména­
a. <!)
u
0 ï5
0..
gements peuvent être réalisés pour faciliter le maintien à l'emploi des
u
0
....
0
travailleurs âgés, notamment en termes de pénibilité des postes de travail
..c
o. mais aussi d'aménagements horaires.
j
'"0
Le Canada et d'autres pays ont élargi la notion d'aménagetnent
0
c
::::1
raisonnable à d'autres groupes, ce qui a donné lieu à la notion

@
d'accommodement raisonnable. Cette disposition n'existe pas dans
106 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

la loi française, ni dans la loi belge . Elle découle de l'application


des chartes, canadienne et québécoise, des droits et libertés. Un
accommodement raisonnable est un effort de compromis substan­
tiel pour s'adapter à une personne ( ou à un groupe) afin d'éliminer
ou d'atténuer un effet de discrimination directe ou indirecte, sans
toutefois subir de contrainte excessive. Cette notion s'applique à
toute personne pouvant être victime de discrimination en raison de
son appartenance à un groupe social ou à cause de ses caractéristiques
sur le plan physique ou sexuel (handicap, sexe, orientation sexuelle,
âge, origine ethnique, etc . ) . L'accommodement est une mesure indi­
viduelle et non collective. Les tribunaux considèrent qu'une demande
d'accommodement devient « déraisonnable » à partir du moment où
elle impose à l'institution ou à l'entreprise une contrainte dite
« excessive » . Il y aurait trois grandes catégories de facteurs que
les tribunaux prennent en considération pour déterminer si une
contrainte est excessive dans le contexte des rapports de travail :
- Les limites des ressources financières et matérielles (par exemple, le
coût réel de l'accommodement demandé) .
- Le bon fonctionnement de l 'entreprise ou de l'institution (par
exemple, l'effet sur la productivité de l'accommodement demandé ) .
- L'atteinte aux droits des autres employés ou du public (par exemple ,
les risques pour la sûreté ou la sécurité d'autrui dans l'environnement
de travail) .
Il a été démontré que l'aménagement d'un poste de travail ou plus
largement d'un environnement de travail, au départ réalisé pour les
publics-cibles, est finalement bénéfique pour d'autres catégories de
personnel.
"'0 Il ne faut pas perdre de vue que les groupes-cibles visés par les politi­
0
c
:J ques de gestion de la diversité sont aussi souvent ceux qui sont
0
<X) confrontés aux conditions de travail les plus précaires, en raison
0
0
N
notamment de leur fragilité sur le marché de l'emploi. Cela se traduit
@ par le type de contrat qui leur est proposé (contrat à durée déter­
.......
..c
Ol minée, statut d'intérimaire, faux indépendant, voir travail en noir),
·c
>
a.
les horaires (demande importante de flexibilité notamment avec des
0
u horaires coupés, du travail de nuit et de week-end), les conditions
de sécurité. Le diagnostic devrait permettre d'identifier ces problè­
mes et d'y remédier, en concertation notamment avec les syndicats.
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 107

VI. ÉQU ITÉ ET ÉGALITÉ SALARIALE

La gestion de la diversité vise à capter mais aussi à garder une main­


d'œuvre diversifiée. Ceci passe notamment par l'égalité et l'équité
salariale. Or, plusieurs études ont montré que les individus appar te­
nant à des groupes minoritaires sont plus susceptibles d'être discriminés,
y compris au niveau de la rémunération ( Peretti, 2004 ) .
Les nombreux travaux menés sur l'égalité e t l'équité salariale des
femmes et des hommes constituent une source importante pour
comprendre et diagnostiquer les problèmes liés aux rémunérations
( Silvera, 1998 ; Lemière et Silvera, 2008 ; Chicha, 2000, 200 3 ) .
Le tableau 4 . 3 résume les lieux de discrimination liés aux rémuné­
rations.

Tableau 4 . 3 - Discriminations et rémunérations

• Inégalité salariale : pas le même salaire pour un travail identique.

• Positionnement de départ défavorable sur échelle salariale .

• Salaire qui n e correspond pas à l a fonction réellement occupée.

•Biais dans les critères utilisés pour l'élaboration du système de classification


de fonctions (choix et pondération des critères) et donc pour l'échelle des
salaires.

• Distribution inégale de divers avantages financiers.

•Biais liés au poids donné à certains critères utilisés pour la partie variable des
rémunérations (ex : flexibilité) .

"'0 .J
0 :..::::
'<!)
c
0
:J � L'égalité salariale consiste à rémunérer toutes les personnes qui
<X)
0 E occupent un même poste et fournissent le même travail de la même
:� manière. L'équité salariale suppose de rémunérer de la même manière
0
N
@
.......
� les emplois de valeur égale, dans le cas de l'égalité des sexes, que
..c
Ol
·c § ceux-ci soient occupés majoritairement par des hommes ou par des
>
a. � femmes.
0 ï5..
u 0

8 L'équité salariale va bien au-delà de l 'égalité salariale. En effet, pour


{ qu'un processus d'équité salariale soit complet, il faut inclure :
j
-o
·
- Une réflexion sur les biais possibles dans l'identification et la valo-
§ risation des critères utilisés pour les classifications de fonctions (y
� compris dans les classifications analytiques) .
108 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- Un travail d'ajustement salarial des fonctions majoritairement


occupées par un groupe cible par rapport à celles occupées majoritai­
rement par le groupe de référence.
Toutes les études1 ont montré que la mise en place de classifications
de fonctions analytiques et la constitution de grilles de salaire à partir
de cette classification améliorent l'équité salariale . Toutefois, il ne
faut pas perdre de vue que, si deux individus sont dans les mêmes
catégories de salaire, leurs rémunérations peuvent varier en fonction
d'éléments connexes tels que la valorisation ou non d'années
d'ancienneté et d'expertise spécifique, les primes liées à la flexibilité
(heures supplémentaires) et aux horaires de travail, les bonus, les
primes liées au rendement, les paiements en nature et les avantages
divers. Ces avantages dépendent souvent d'une négociation salariale
qui contient beaucoup d'arbitraire et de subjectivité et qui est donc
susceptible de mobiliser quantité de stéréotypes défavorables à l'un
ou l'autre groupe cible.
Une évaluation menée par des experts est souvent nécessaire pour
débusquer les discriminations systémiques, sous-jacentes au problème
d'équité salariale. Il faut en effet allier des compétences dans l'analyse
des systèmes de rémunération et dans les mécanismes d'inégalités liés
au genre.
Peu d'études ont été menées pour mesurer les inégalités salariales
dont seraient victimes les personnes appartenant aux autres groupes­
cibles des politiques de gestion de la diversité. Ainsi aucun des ouvrage s
consultés sur la diversité n'évoque cette dimension.

""0
VI l . ÉVALUATION, MOBI LITÉ ET G ESTION DES CARRIÈRES
0
c
:J
0 De plus en plus d'études montrent qu'une politique de gestion de la
<X)
0
0
diversité suppose de lever les barrières à l'entrée dans l'organisation
N
mais aussi d'offrir aux membres des groupes-cibles des possibilités de
@
.......
..c
carrière et de mobilité qui permettent à ces personnes d'occuper
Ol
·c
>
différents types d'emploi et de fonctions dans l'entreprise, y compris
a.
0 des postes à responsabilités.
u
Dans les faits, on doit bien constater que les personnes issues des
groupes-cibles sont confrontées à la ségrégation horizontale et ver ti­
cale. On assiste à un cantonnement des personnes des groupes-cibles

l. Projet EVA - IEFH - \V\vw.iefh.fgov.be


LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 109

dans certains emplois et fonctions et à des difficultés pour celles-ci de


progresser dans leur carrière avec des phénomènes de « plafond de
verre » (Sabeg et Charlotin, 2006), largement documentés en ce qui
concerne les carrières féminines. Mancy et Igalens (2007, p . 74 )
parlent aussi de déclassement et de désajustement. Le déclassement
est le cas où le niveau de l'emploi occupé ne correspond pas à la
formation reçue et le désajustement, au cas où l 'emploi occupé ne
correspond pas à la spécialité dans laquelle on s'est formé. Quelques
études montrent aussi le poids des stéréotypes et représentations
dans les procédures d'évaluation.
La mobilité et la promotion dépendent généralement de l'évaluation.
La plupart des entreprises ont des formulaires pour l'évaluation du
personnel et des entretiens annuels qui constituent un outil important
pour l'évaluation et la gestion des carrières.
Les discriminations identifiées sont reprises dans le tableau 4 . 5 .
Tableau 4 . 5 - Discriminations) évaluation et carrière

• Ségrégation horizontale cantonnement des personnes


=

ayant certaines caractéristiques dans certains types d'emploi


(emploi, fonctions et trajectoires les moins prestigieuses).

• Problèmes de mobilité liés aux caractéristiques des


Carrière
emplois (temps de travail, statut d'emploi, etc . ) .

• Poids des stéréotypes dans l a perception des compétences


et profils nécessaires pour occuper certains postes (âge, sexe,
apparence physique . . . ) .
/

• Evaluations biaisées, faisant intervenir des caractéristiques


externes à la tâche à évaluer et des stéréotypes liés à la
"'0
0 compétence de la personne évaluée.
c
:J ,

0 Evaluation
<X)
• Poids accordé à certains critères qui peuvent être
0
0 pénalisants pour certains groupes (ex : maîtrise de la langue
N
du pays d'accueil, possibilité de mobilité géographique,
@
.......
..c
etc . ) .
Ol
·c
>
a. <!)
u
0
·� La mise en place de systèmes d'évaluation transparents selon des
5 critères objectifs et la formation à 1 'utilisation de ces outils sont des
..c:

j éléments importants pour plus d'équité et de justice et pour soutenir


� une politique d'égalité des chances ( Peretti, 2005 ) . Il y a lieu notam­
§ ment d'être prudent et attentif dans le choix des critères mis en avant
� et dans l'identification des compétences mobilisées et à acquérir.
110 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Certains pays ont dressé des listes de compétences souvent oubliées


dans les métiers perçus comme naturellement féminins, compétences
mobilisées au quotidien mais qui sont encore trop souvent perçues
comme « naturelles » et peu valorisées dans des processus d'évalua­
tion 1 . On risque de retrouver de tels biais pour les métiers associés à
un groupe culturel ou à une origine nationale. Ainsi, on retrouve très
souvent des femmes d'origine africaine dans les métiers de la santé
avec de nombreux stéréotypes sur leurs compétences à interagir avec
des personnes ayant besoin de soins et d'écoute ( Cognet et Fortin,
200 3 ) .
Les personnes appartenant aux groupes-cibles, notamment les
personnes d'origine étrangère , ont souvent des compétences pas ou
peu (re )connues par l'organisation et pas ou peu valorisées dans leur
emploi et leur carrière . Pourtant, leur connaissance d'une ou
plusieurs langues ou dialectes, leur expérience de multiculturalité,
leur trajectoire de vie, et les capacités d'adaptation à différents
contextes qu'elles ont parfois pu développer, constituent un capital
de compétences qui peut s'avérer très intéressant pour le service ou
l'organisation, au sens large . Répertorier ces compétences et les
valoriser est un axe important d'une politique de gestion des
ressources humaines basée sur la reconnaissance et la valorisation de
la diversité.
Par ailleurs, les entretiens prévus dans le cadre du processus
d'évaluation et de fonctionnement annuels peuvent aussi êtr e
traversés par des stéréotypes, attitudes et comportements qui
peuvent pénaliser des personnes appartenant à certains groupes­
cibles. Une sensibilisation et une prise de conscience de ces stéréo­
"0
0 types sont souvent utiles.
c
:J
0 Les actions en faveur de la diversité devraient permettre aux
<X)
0
0
membres de l'organisation de s'interroger sur les discriminations
N
@
directes et indirectes qui peuvent exister dans ces processus d'évalua­
.....
..c tion et de mobilité et sur les actions à mener pour donner des oppor­
Ol
ï::::
>
tunités aux groupes-cibles de mieux réussir dans leur carrière et de
a.
u
0 mieux exploiter et « vendre » leurs compétences. Des opérations de
coaching et de mentorat s'avèrent souvent très profitables.

l. www. ces.gouv.qc .cajpublications/info/inffemiS .pdf


LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 111

VI I I . SENSIBILISATION ET FORMATION

Sous ce thème se cachent deux choses : d'une part, les réalités en


matière de formation pour les personnes appartenant aux groupes­
cibles, d'autre part, la formation à la gestion de la diversité à desti­
nation de tout ou partie du personnel.

1. Formation à la diversité à destination des groupes cibles


Certaines formations sont centrées sur les publics-cibles, pour leur
donner les compétences et atouts qui leur manquent pour être dans
un scénario d'égalité des chances (Mancy et Igalens, 2007 ) , notam­
ment lors d'épreuves de sélection et d'examens permettant l'accès à
un emploi, une promotion et/ou une mobilité professionnelle. Ces
formations peuvent aller au-delà de l'apprentissage de compétences
techniques liées aux métiers et professions envisagés. Elles peuvent se
baser sur des politiques de formation et d'information centrées sur une
meilleure compréhension du marché de l'emploi, sur les codes en
vigueur, sur les législations à respecter, sur la législation sociale et sur
les comportements et attitudes favorables au recrutement et à la carrière.
Les études montrent aussi des phénomènes discriminatoires à l'écart
des groupes-cibles en regard des opportunités de formation qui peut
concerner le nombre de formations accessibles et proposées mais aussi
leur contenu, leur durée et leur intérêt stratégique pour l'emploi et la
carrière. Plusieurs travaux montrent ainsi que les travailleurs âgés
sont largement discriminés dans les processus de formation, ce qui
renforce la perception qu'ils ont et qu'ils donnent de ne plus avoir les
.J
compétences nécessaires pour l'emploi (Marbot, 2005 ) .
"'0
:..::::
0 <!)
c
:J
'
'"0 L'adaptation des modalités de formation à certains publics doit aussi
c
0 ::::1
<X) ....
"'
être examinée : accessibilité et adaptation des modalités de la forma­
0 <!)
0
N
<!)
'<!J tion pour certains handicaps, travail sur l'adéquation des modalités
.�
@
....
0
.... d'apprentissage à certains publics cibles. Ainsi, il a été mis en
....... ::::1
..c
Ol c
""
évidence que les seniors dans l'entreprise sont généralement deman­
·c 0
c
>-
a. <!) deurs de programmes de formation plus adaptés dans leur forme et leur
0 ï5
u 0.. contenu ( Dieu et al., 2007 ; Marbot, 200 5 ) .
u
0
....
0
..c
o.
j
'
2. Formation à la diversité à destination du personnel
'"0
0
c
::::1
La formation vise à apporter de nouvelles connaissances et à appren­

@
dre de nouveaux comportements et attitudes. Elle espère également
112 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

changer les représentations et cadres de référence qui structurent les


jugements et stéréotypes.
Elle peut concerner plusieurs catégories de personnel :
l. l'équipe de direction et les responsables hiérarchiques ;
2 . les personnes travaillant dans un service de ressources humaines ;
3 . les responsables de la communication interne et externe ;
4. les personnes travaillant dans certains services de support ( respon­
sable qualité, sécurité et hygiène, etc . ) avec une attention particulière
aux personnes de contact pour les situations de harcèlement ;
5 . les collègues et l'ensemble du collectif de travail ;
6. les personnes en lien avec la clientèle et les usagers ;
7. les personnes en charge des aspects « gestion des bâtiments » ,
notamment pour les sensibiliser à l'accessibilité des bâtiments aux
personnes à mobilité réduite qu'elles soient clientes ou usagers,
membres du personnel ou invités ;
8 . les services formation et communication.
Les contenus de formation en « gestion de la diversité » sont multi­
ples : formations informatives, formations centrées sur les attitudes et
comportements, formations centrées sur la maîtrise d'outils permet­
tant de gérer des équipes diversifiées.
En ce qui concerne les formations qui ont surtout une visée informa­
tive, elles peuvent avoir divers contenus tels que :
- les raisons pour lesquelles l'organisation veut plus de diversité ;
"0
0 - les contraintes légales à respecter ;
c
:J
0 - les aides à l'emploi pour les personnes handicapées et les normes
<X)
0
0 relatives à l'accès des bâtiments pour les personnes à mobilité
N
@
réduite ·
'

.......
..c
Ol - les procédures d'octroi de permis de travail, de reconnaissance des
·c
>
a. diplômes et de validation des acquis de l'expérience (VAE ) ;
0
u
- des informations relatives aux réalités à certains publics-cibles
(handicap, culture, etc . ) .
Un autre aspect plus complexe de la formation vise à susciter un
changement dans les attitudes et les comportements, ce qui passe par
une prise de conscience des phénomènes discriminatoires (directs et
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 113

indirects) , de ses représentations, de ses attitudes, de ses stéréotypes


et de leur influence sur les comportements.
Certaines formations visent à développer des compétences spécifi ­
ques qui peuvent être très utiles pour gérer des équipes diversifiées.
On trouvera ici la communication interculturelle, la gestion des
conflits interpersonnels, le tutorat, le mentorat et le coaching. Des
formations sont centrées sur l'élaboration d'un diagnostic et d'un
plan d'action avec une réflexion sur le choix des indicateurs et sur les
méthodes à mobiliser pour détecter les discriminations directes mais
aussi indirectes ( analyse des systèmes mis en place) . Des formations
sont aussi à proposer à certaines catégories de professionnels, en lien
avec leur métier et leur fonction, notamment :
- les professionnels de la GRH et du recrutement pour poser un dia­
gnostic mais aussi identifier les discriminations directes et surtout
indirectes qui existent dans les processus de GRH ;
- les personnes chargées de la gestion des bâtiments et des cahiers
des charges avec une formation relative à la conception et à l'aména­
gement de bâtiments accessibles aux personnes à mobilité réduite ou
ayant certains types de handicap ;
- le personnel en contact avec les clients et les usagers avec tout un
travail sur la façon de réagir à des comportements de rejet de la clien­
tèle et des usagers mais aussi des compétences et connaissances
permettant de mieux interagir avec des segments de clientèle et
d'usagers diversifiés (handicap, culture, etc. ) 1 ;
- le personnel affecté à la communication et à la formation qu'il est
utile de sensibiliser aux poids des stéréotypes et à la façon dont on
"'0
0
c
:..:.J<!):::
' peut concevoir des contenus et supports qui laissent une place à la
'"0
:J
0
c
....<!)
::::1 diversité .
<X) "'
0
0 <!)
Certains ont développé un travail autour des préjugés, stéréotypes,
........ attitudes discriminatoires que les salariés peuvent avoir avec un client
N '<!J
.�

.......
@
..c
0
::::1
Ol c
""
ou un usager. Des conseils généraux sont proposés pour améliorer la
·c 0
c
>-
a. <!) relation (marquer son écoute, personnaliser la relation, reprendre les
0 ï5
u 0.. mots de son interlocuteur, parler au présent, privilégier les tournures
....00
u

« positives » ) . On explique la fabrication du stéréotype. Des outils


..c
o.
j
'"0
0
l. Référentiel formation :
Faire face aux discriminations dans la relation commer­
«

c ciale cofinancé par le FSE. http://latitudequal-discrimination.eu/PDF/


»,
::::1

ADECCO_guide_animation. pdf
@
114 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

concrets sont développés à partir d'un argument ou d'une situation


discriminatoire pour ensuite montrer comment le réfuter.
Ce travail de formation peut être utilement complété par une super­
vision individuelle ou de groupe pour voir avec les participants
comment les apports théoriques ont été mis en pratique et exprimer
les difficultés rencontrées au quotidien.

3. Évaluation des contenus de formation


Certains travaux se sont aussi intéressés aux stéréotypes dispensés
dans les contenus de formation en référence aux groupes-cibles
( Cavazza, 2002) mais aussi à l 'impact que peut avoir le manque de
référence dans les contenus à des personnes ayant les mêmes caracté­
ristiques, qui participent d'une invisibilité des groupes-cibles comme
acteur à part entière de la vie économique et de la vie de l'entreprise.
Le manque de diversité dans le profil des formateurs( triees) et des
expert( e )s est lui aussi mis en évidence. Ceci plaide pour des équipes
de formateurs mixtes et diversifiés mais aussi pour une évaluation des
stéréotypes pouvant subsister dans les contenus de formation (stéréo­
types liés au sexe, aux cultures et aux origines, à l'âge, à l'homo­
sexualité) .

IX. CULTU RE ORGAN ISATIONN ELLE

Un des supports indispensable de toute politique de gestion de la


diversité est le climat organisationnel. La gestion de la diversité
suppose une culture organisationnelle basée sur les principes de
"'0
0
c
respect des différences, de lutte contre les discriminations et, sur des
:J
0 discours stratégiques qui positionnent les différences individuelles
<X)
0
0
comme des atouts, susceptibles de rendre l 'organisation plus perfor­
N
@
mante.
.......
.c
Ol
Cela passe par :
·c
>
a.
0
l. un positionnement clair de l'équipe de direction sur les valeurs de
u
base en lien avec la diversité (charte diversité, codes de conduite,
label) ;
2. un vocabulaire commun et des règles de vie communes ;
3 . des actions de sensibilisation à destination du personnel mais aussi
des usagers et des partenaires des services publics ;
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 115

4. des réunions et rencontres autour de la diversité pour sensibiliser


chacun à l'importance de cette préoccupation et des groupes de
travail thématiques visant à améliorer les processus internes ;
5 . la mise en place de réseaux interne et externe où chacun peut
échanger sur ce qu'il vit et être soutenu ;
6. des actions visant à améliorer les relations avec la clientèle, elle­
même diversifié e.
La sensibilisation doit pouvoir utiliser plusieurs types de suppor ts.
Une combinaison entre des supports ludiques (par exemple, théâtre
action, fête, cartoons, etc . ) et des informations plus structurées est
fréquemment proposée.

X. COMMUNICATION

Les produits habituels de communication véhiculent, souvent


inconsciemment de nombreux stéréotypes :
- en renvoyant des images très homogènes de la main-d'œuvre ;
- mais aussi en omettant de refléter notamment dans les images et
dans les mots, la diversité de la main-d'œuvre et des usagers.
Certains ont réalisé des check-lists reprenant les principaux points
d'attention à inclure dans le cahier des charges de toute campagne de
communication interne et externe afin d'éviter de reproduire des
stéréotypes. Une analyse de contenu des photos proposées, des images,
des illustrations est réalisée. Concrètement, on regarde si les personnes
mises en scène reflètent la diversité, notamment en ce qui concerne
"'0 ...; l'âge, l'origine, le sexe, le handicap. Au-delà de l'image, une réflexion
:..::::
0
c
:J
� est menée sur les scènes que représentent ces images. On regarde si ces
c
0
<X) : images ne sont pas susceptibles de renforcer des stéréotypes relatifs à
"'
0
0
N
,� l'un ou l'autre public-cible comme :
.�
....
@
....... � - la ségrégation des métiers et des fonctions (par exemple, une
..c ""
Ol
·c § image de secrétaire systématiquement féminine) ;
> c
a. <!)
u
0 ï5
0..
- la ségrégation verticale (par exemple, des chefs toujours représentés
u
0
.... par un homme blanc) ;
0
..c
o.
- ou encore, une situation de dépendance d'une personne issue
j

d'une minorité par rapport à une autre, issue d'un groupe dominant
§ (par exemple, un homme d'origine européenne qui vient en aide à
� une personne d'une autre origine ou à une personne handicapée ) .
116 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

La formulation des phrases et le choix des mots peuvent aussi avoir


de l'importance. C'est toute la question de la féminisation des textes
et des titres, mais cela peut aller au-delà par l'usage de certains mots
systématiquement associés à certains publics. L'humour mobilise
énormément de stéréotypes, la prudence est donc de rigueur.
Par ailleurs, des actions peuvent être menées au niveau de la commu­
nication interne et externe :
- pour expliquer les raisons d'une politique de gestion de la diver­
sité ;
- pour marquer l'adhésion de l'équipe dirigeante et des délégués
syndicaux aux principes d'égalité et de lutte contre les discrimi­
nations ;
- pour expliquer le plan d'action ;
- pour casser les stéréotypes relatifs aux groupes-cibles ;
- pour lever les craintes et les freins à l'intégration et faciliter la
communication ;
- pour informer les travailleurs de leurs droits et devoirs.
Une politique de communication peut comprendre des rappels juri­
diques (lois à respecter et risques pour l'entreprise, et les individus,
qui discriminent et ont des comportements racistes, sexistes ou
homophobes) . Plusieurs entreprises et organisations ont créé des
outils d'information pour expliquer les stéréotypes et les mécanismes
discriminatoires. La politique de communication peut comprendre
aussi des témoignages de personnes issues des groupes-cibles et des
porteurs de projet qui parlent des gains et difficultés rencontrées. On
peut aussi dans une politique de communication interne et externe
"'0
0
c donner la parole à des experts qui apportent un éclairage nouveau et
:J
0 intéressant sur une problématique. Certaines actions de communi­
<X)
0
0
cation visent à améliorer la communication avec les usagers issus
N
@
des groupes-cibles, en traduisant les documents ou en utilisant des
.......
..c médiateurs ou interprètes. Il peut s'agir aussi d'actions visant à faci­
Ol
·c
>
liter la communication avec des personnes souffrant de handicaps
a.
u
0 sensoriels.
Un facteur de succès est que la problématique « diversité » soit inté­
grée dans tout projet de communication interne et externe et ne
reste pas cantonnée à des messages ponctuels et spécifiques. Cela
implique un partenariat suivi avec les acteurs de la communication
interne mais aussi avec les personnes qui diffusent les messages en
LA GESTION DE LA DIVERSITÉ EN ACTION 1 117

externe vers la population au sens large mais aussi vers la clientèle et


les usagers des services publics .
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que la communication vient en
support d'une politique de gestion de la diversité mais qu'elle ne
peut, à elle seule, faire office de politique !

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:..::::
0 <!)
c
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0 ::::1
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0
u
Chapi tre 5

Fa c t eurs de s u c c è s et évalua t i o n

Il ne faut pas perdre de vue que la mise en place d'une politique de


gestion de la diversité passe par des actions visant :
- Les individus (les persotmes des groupes-cibles, les salariés, les clients
et les usagers, etc . ) .
- Les procédures e t l'organisation d u travail.
Les deux axes d'action sont complémentaires et nécessaires. Un plan
d'action qui ne vise que des changements comportementaux des
individus sans un travail de transformation des procédures et de
l'organisation du travail a peu de chances de donner des résultats
satisfaisants et inversement. Enfin, mettre en place un politique de
gestion de la diversité, c'est se lancer dans la gestion de projet et dans
l'accompagnement d'un projet de changement. Certains facteurs de
succès sont donc fortement liés aux capacités des acteurs à pouvoir
initier, piloter et superviser de tels projets.
Nous allons présenter les facteurs de succès en décomposant ceux qui
sont centrés sur les individus, ceux qui sont liés à l 'examen des procé­
dures et à l'organisation du travail et enfin, ceux qui influencent le
"'0 .J
:..::::
processus en lui-même .
0 <!)
c
'
'"0
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1. FACTEURS DE SUCCÈS DES ACTIONS CENTRÉES
N
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0
....
SUR LES I NDIVI DUS
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Ol
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c
0
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À partir de l'inventaire des actions menées dans différents pays,
a. <!)
u
0 ï5
0..
plusieurs éléments ont été inventoriés :
u
0
....
0
..c
- avoir des programmes de formation permettant à ces groupes­
o.
cibles d'acquérir les compétences nécessaires : linguistiques, techni­
j
'"0
'
ques, préparation physique. Ces formations peuvent se réaliser en
0
c
::::1
interne ou en partenariat avec d'autres acteurs du secteur public ou

@
associatif ;
120 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- proposer des possibilités d'adaptation des épreuves de sélection, du


poste de travail qui permettent à la personne avec un handicap de
s'inscrire et de participer ;
- se donner des outils qui permettent d'identifier les compétences
des personnes appartenant aux groupes-cibles qui pourraient être
utiles et intéressantes pour l'organisation ;
- mettre en place des partenariats avec le secteur public et le secteur
associatif ;
- activer de nouveaux réseaux de recrutement pour toucher un
nouveau public et valoriser un premier contact avec l'organisation
via des stages, jobs d'étudiants, services volontaires. ;
- mettre en place des structures d'accueil et de soutien en interne
(personnes de référence, mentorat, groupes de soutien, etc . ) ;
- mettre en place un suivi relatif à l'intégration dans le milieu de
travail ( via les cercles de développement et l'entretien de fonction­
nement) .
I l est important de réfléchir à des pistes d'action qui permettent de
capter ces publics-cibles, si nécessaire par des actions positives, tout
en évitant de stigmatiser les membres de ces groupes-cibles et de les
instrumentaliser. Une personne appartenant à un groupe cible peut
ou non demander à bénéficier de tel ou tel axe du programme, elle
est la mieux placée pour évaluer si ce support a ou non du sens pour
elle. Il faut donc éviter un programme qui supposerait que toute
personne issue d'un des &roupes-cibles est demandeuse de soutien
ou de support spécifique . A l'inverse, les actions menées sont souvent
bénéfiques pour l'ensemble des salariés et des usagers. Une personne
"'0
n'appartenant pas à un groupe cible doit aussi pouvoir en bénéficier
0
c si elle en fait la demande.
:J
0
<X)
Le changement passe aussi par un changement dans des comporte­
0
0
N
ments mais aussi des valeurs, des représentations, des stéréotypes et
@ des attitudes du personnel, des responsables hiérarchiques, des parte­
.......
..c
Ol naires internes et externes, des clients et des usagers. Pour faciliter
·c
>
a.
ces changements, outre la formation et la sensibilisation, il apparaît
0
u indispensable de valoriser les succès et réussites mais aussi d'écouter
les difficultés, les craintes et les peurs. Ceci passe aussi par la mise en
place d'un processus de reconnaissance de l'expertise acquise sur le
terrain, de la pertinence du vécu des agents, du temps passé à investir
dans de telles actions. Un élément essentiel mais encore peu étudié
est d'intégrer ces changements dans un processus d'apprentissage
FACTEURS DE SUCCÈS ET ÉVALUATION 1 121

organisationnel basé sur l 'échange d'expériences et de pratiques,


mais aussi sur la construction commune de référentiels, de codes de
conduite, de modèles d'interactions tels qu'imaginé notamment
dans les communautés de pratiques.

I l . FACTEURS DE SUCCÈS LIÉS À LA REMISE EN CAUSE


DES STRUCTURES

Changer les individus sans rien changer aux structures sera insuffi­
sant et contre-productif. Il faut donc aussi accepter de remettre en
cause les procédures, les modes d'organisation du travail, les politi­
ques de gestion de ressources humaines, la communication interne et
externe et les relations avec les usagers et clients.
Cela suppose de poser un diagnostic qui permette d'identifier les
phénomènes discriminatoires ( discriminations directes mais aussi et
surtout indirectes et systémiques) . Ceci passe souvent par l'appui
d'experts capable de débusquer les biais existants dans les outils de
gestion tels que les tests et procédures de recrutement, les grilles et
procédures d'évaluation, les programmes de formation, les systèmes
de rémunération, les politiques de mobilité et de promotion. Cela
suppose également que des objectifs relatifs à la politique de gestion
de la diversité se retrouvent dans les objectifs annuels de la ligne
hiérarchique et soient pris en compte dans les évaluations annuelles.
La transformation des structures sera plus ou moins simple selon le
type d'organisations et il apparaît essentiel que l'argumentation et
l'intégration d'une politique de gestion de la diversité tiennent
compte des contextes organisationnels. Ainsi, dans les grandes entre­
"'0 .J
:..::::
prises privées, une articulation forte de la politique de gestion de la
0 <!)
c
:J
'
'"0
c
diversité aux arguments d'efficience et d'efficacité est généralement
0 ::::1
<X) ....
"'
mise en avant, avec dans la plupart des cas, la désignation de respon­
0 <!)
0
N
<!)
'<!J sable diversité et des plans de diversité fortement articulés et précis.
@
.�
....
0
....
À l'inverse, les PME ont souvent beaucoup moins de politique
....... ::::1
..c
Ol c
""
formalisée mais mènent, par ailleurs, des initiatives intéressantes
·c 0
>-
a.
c
<!)
autour de ce thème. Une réflexion est d'ailleurs en cours à l'Union
0 ï5
u 0..
u
européenne pour tenter de dégager les spécificités liées à ce type
0
....
0
..c
d'organisation et les soutenir dans leur démarche ( Garside P. &
o.
Townley B . , 2006 ) . Les services publics offrent un terrain propice à
j
'"0
'
la mise en place de politiques de gestion de la diversité sur base géné­
0
c
::::1
ralement de l'argument de l'importance d'avoir une main-d'œuvre

@
qui reflète la population desservie . Toutefois, dans la mesure où cela
122 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

passe généralement par une individualisation des pratiques de la GRH ,


cela risque d'entrer en conflit avec le modèle de gestion des ressources
humaines dominant. Cela suppose donc généralement que ces
politiques aient pu s'intégrer dans les pratiques mises en œuvre
autour du nouveau management public et du renouveau des services
publics (McLaughlin K. , Osborne S . P. , Ferlie E . , 2002 ) .

I l l . FACTEURS D E SUCCÈS LIÉS À LA CON DU ITE


DU PROCESSUS DE CHANG EMENT

Nous avons souligné qu'une politique de gestion de la diversité est


un projet de changement organisationnel. Sa réussite dépend donc
de la façon dont les responsables gèrent et pilotent ce processus de
transformation organisationnelle, susceptible d'affecter les modes
d'organisation du travail, les politiques de GRH mais aussi les
services commerciaux et ceux et celles qui sont en contact avec les
usagers.
On retrouve donc plusieurs facteurs de succès liés au suivi de tout
processus de changement :
- un soutien clair de l'équipe dirigeante sur l'importance des objec­
tifs recherchés qui se traduit par une clarification des raisons qui
pousse à agir, par une réelle mise à disposition de ressources finan­
cières et humaines qui permettent la réalisation des actions, par une
écoute aux réalités de terrain, par une valorisation des actions
menées ;
- un soutien et un suivi de la part de la ligne hiérarchique directe ;
"'0
0
- une adhésion des parties prenantes au diagnostic et aux raisons
c
0
:J d'agir, y compris avec des personnes issues des publics-cibles et avec
<X)
0
les représentants des travailleurs.
0
N
@
Un point trop souvent oublié est la recherche d'un compromis entre
.......
..c
Ol
une politique proactive, pilotée par la direction et articulée autour
·c
> d'un diagnostic et d'un plan d'actions et la recherche, la reconnais­
a.
u
0 sance et la valorisation des initiatives locales rentrant dans les préoc­
cupations d'une politique de la diversité. En effet, plusieurs actions
sont des stratégies émergentes, initiées par des acteurs locaux qui ont
perçu l'intérêt et l'utilité de développer des pistes d'actions en lien
avec cette problématique mais qui le plus souvent travaillent isolé­
ment sans beaucoup de reconnaissance en interne, alors qu'ils ont de
FACTEURS DE SUCCÈS ET ÉVALUATION 1 123

la visibilité en externe. Il y a là un vivier de bonnes pratiques et d'initia­


tives novatrices.
Toujours au niveau du processus, il apparaît essentiel, mais encore
trop rare, de mettre en place une structure participative qui donne la
parole aux publics-cibles et les associe au processus de décision,
autrement le risque est grand de développer des actions paternalistes
et éloignées des attentes et besoins des membres de ces groupes­
cibles.
La sensibilisation et la formation sont indispensables tant en interne
qu'en externe. Les objectifs sont de casser les stéréotypes, de
renvoyer une image positive de la diversité, de visibiliser les acquis et
gains pour l'organisation.
La gestion de la diversité est un défi complexe qui suscite de l'intérêt
mais aussi beaucoup de difficultés car on touche souvent à des aspects
assez fondamentaux tels que les valeurs et les cadres de référence
construits au travers des processus de socialisation. Il s'avère donc
nécessaire d'assurer un suivi des projets et un accompagnement des
chefs de projet, avec une attention donnée aux difficultés rencontrées,
aux actions à envisager pour les surmonter et aux moyens supplé­
mentaires nécessaires. Cela suppose aussi d'avoir une certaine flexi­
bilité pour pouvoir ajuster le plan d'actions aux réalités de terrain
mais aussi pour permettre aux porteurs de projet de saisir des opportu­
nités qui peuvent émerger en interne mais aussi en externe .
Un des défis est également la capitalisation des acquis et le transfer t
des connaissances ( knowledge management) dans des réseaux internes
mais aussi ouverts à l'extérieur pour pouvoir comparer les réalités
dans différents contextes organisationnels .
"'0 .J
0
c
:..::::
'<!)
'"0
Le partenariat avec les organisations syndicales apparaît comme
:J
0
c
::::1
....
incontournable. Il est donc nécessaire de les associer sur la question
<X) "'
0
0
<!)
<!)
du diagnostic (indicateurs, analyse des problèmes et des causes), sur
N '<!J

@
.�
0
l'identification des pistes d'action prioritaires, sur la construction
....
....
.......
..c
::::1
"" d'indicateurs de suivi et sur l 'évaluation des actions menées. Le chal­
Ol c
·c
>-
0
c lenge est de taille car il faut, comme dans toute négociation sociale,
a. <!)
u
0 ï5
0..
construire un langage commun et obtenir une adhésion sur chacun
u
0
....
0
de ces points. Des outils existent au niveau des organisations syndicales
..c
o. et des expertises peuvent être mobilisées pour asseoir la crédibilité du
j, processus.
'"0

§ L'importance du partenariat avec le secteur associatif et d'autres


� parties prenantes est lui aussi fréquemment mis en évidence ( Sabeg
124 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

et Charlotin, 2006 ) . Les associations peuvent servir de relais pour


aider à capter et identifier des candidats potentiels mais aussi aider
l'individu et l'organisation dans son processus d'intégration profes­
sionnelle. Certaines associations se sont, par ailleurs, spécialisées dans
l'aide administrative comme l'obtention de permis de travail, la vali­
dation et reconnaissance de diplôme, l'obtention de primes pour des
aménagements de poste de travail.
Un débat est de savoir s'il y a lieu de désigner une personne ou un
service en interne chargée de la politique de gestion de la diversité
qui aurait pour mission d'initier des actions, mais aussi et surtout de
coordonner les actions menées et de les rendre plus visibles. Si on
opte pour ce scénario, il faut rester attentif au fait que cela peut
déboucher sur un processus de déresponsabilisation des autres sala­
riés, de la ligne hiérarchique et des services de support. Un tel risque
a été clairement observé dans plusieurs initiatives visant à intégrer des
préoccupations relatives au genre. Il serait intéressant d'éviter de
refaire les mêmes erreurs.
Si on veut ne pas rester au niveau du discours qui sert uniquement
un processus de légitimation externe, il faut mettre à disposition des
ressources suffisantes et adéquates, à la fois en termes financiers mais
aussi humains.
Le dernier facteur de succès et non des moindres est 1'importance
d'intégrer et de valoriser ces pratiques et initiatives dans les poli­
tiques de gestion des ressources humaines ( Benschop, 200 l ; Kossek
et al., 2006). Cela suppose que les personnes travaillant sur de tels
projets voient leurs tâches prises en compte dans leur entretien de
fonction et de planification et que leur implication soit évaluée et
"0
0
valorisée lors de l'entretien fonctionnel et d'évaluation. Dans le cas
c
:J contraire, il paraît évident que ceci restera perçu comme accessoire et
0
<X)
0
secondaire.
0
N
@
.......
..c
Ol
IV. LA DI FFICILE QUESTION DE L' ÉVALUATION
·c
>
a.
u
0 Nous terminerons par la difficile question de l 'évaluation des politi­
ques de gestion de la diversité . Elle renvoie à la question des
objectifs mais aussi de la construction des indicateurs mobilisés dans
le diagnostic.
Pour faire simple, rappelons qu'une politique de gestion de la diversité
peut et doit s'évaluer en regard des différentes catégories d'objectifs
FACTEURS DE SUCCÈS ET ÉVALUATION 1 125

identifiés dans la première partie avec d'une part, des objectifs


économiques et d'autre part, des objectifs sociaux.
Concrètement, on évalue et mesure :
- les gains au niveau de l'efficacité, donc l'impact d'une telle politi­
que sur les résultats de l'entreprise, mais aussi sur la qualité de la
relation avec la clientèle et les usagers ;
- les gains au niveau de l'efficience, donc d'un meilleur usage des
ressources internes et externes ;
- le respect des lois et directives nationales et européennes ;
- l'effet sur l'image interne et externe de l'organisation.
- les impacts en regard d'objectifs sociaux de lutte contre les discri-
minations et 1' exclusion sociale ;
- la capacité de l'organisation à refléter son environnement social .
Kossek, Lobel et Braun (2006, pp. 5 5 - 5 8 ) proposent une batterie
d'indicateurs en regard de ces objectifs. On y retrouve :
- le résultat d'enquêtes auprès des parties prenantes internes et
externes sur l'image de l'organisation en regard de cette problé­
matique ;
- la réputation acquise dans les médias et les prix ou certifications
obtenus ;
- des indicateurs d'efficience tels que le taux d'absentéisme, décliné
par groupes-cibles, le turn-over, la productivité ;
- le nombre de plaintes internes (personne-ressource pour le harcè­
lement) mais aussi externe et les coûts associés à ces plaintes et au
"'0
0
.J
:..::::
<!)
traitement de l'affaire ;
c
'
'"0
:J
0
c
::::1 - des indicateurs ressources humaines en regard des groupes-cibles
....
<X)
0
0
"'
<!)
<!)
notamment pour le recrutement, la formation, les promotions, les
N '<!J
.�
.... résultats des évaluations ;
@ 0
....
....... ::::1
..c
Ol c
""
- le nombre d'actions menées avec le notnbre de personnes concernées
·c 0
>-
a.
c
<!)
et l'évaluation de la satisfaction des bénéficiaires de ces programmes et
0
u
ï5
0..
u
des résultats ;
0
....
0
..c
o.
- l'évaluation des investissements financiers consentis ;
j - le degré d'intégration transversale de la diversité ;
'"0
0
c
::::1
- le degré de support de la hiérarchie avec notamment le nombre et

@
profil des managers impliqués dans l'une ou l'autre des actions ;
126 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

- les réactions et attitudes des clients et usagers, positives mais aussi


négatives avec une analyse de la procédure de suivi si réactions né ga­
rives ;
- l'évolution des parts de marché ;
- le nombre de processus internes évalués sous l'angle des discri-
minations indirectes avec une identification des modifications
apportées ;
- l'existence de processus d'échanges de savoirs et de compétences
( knowledge management) ;
- enquête sur l'évolution des stéréotypes et représentations à l'égard
des publics-cibles.
Une liste d'indicateurs a été aussi élaborée par l 'agence Novethic
(200 5 ) pour évaluer les informations fournies dans les rapports
sociaux. On retrouve des indicateurs permettant de mesurer la
présence de l'approche de la diversité dans les documents officiels,
des indicateurs permettant de mesurer l'égalité hommes-femmes, des
indicateurs relatifs à l'âge avec une attention particulière à la place
des seniors, des informations relatives à l'emploi des personnes
handicapées et à la place des minorités visibles (le principal indicateur
étant la nationalité ) .
Peretti & Saüt (2007, p . 2 79 ) proposent un schéma pour des audits
diversité qui peuvent répondre à trois objectifs : identifier l'absence
des risques liés aux carences en matière de respect de la réglementa­
tion contre les discriminations, vérifier l'existence effective et la mise en
œuvre de politiques formalisées de gestion de la diversité , perti­
nente et en ligne avec la stratégie, évaluer les résultats par rapport
"'0
0
aux objectifs fixés.
c
:J
0 Milliken & Martins ( 1 996) proposent de différencier :
<X)
0
0
N
- les effets cognitifs : plus de créativité et d'innovation, temps néces­
@ saire à la prise de décision ;
.......
..c
Ol - les effets affectifs : sentiment d'appartenance et identification au
·c
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a. groupe ; qualité de la communication avec les collègues, avec les clients
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u et les usagers ;
- les effets symboliques : meilleure image publique et élargissement
de la clientèle.
Dans l'analyse des gains d'une politique de gestion de la diversité,
plusieurs auteurs essayent généralement de distinguer les gains
FACTEURS DE SUCCÈS ET ÉVALUATION 1 127

individuels, les gains au niveau des groupes et les gains organisation­


nels (Kossek, Lobel et Braun, 2006 ) .
• Au niveau individuel, des pistes sont sans doute à creuser du côté

de l'évaluation de l'équité et de la perception qu'ont les individus de


la justice organisationnelle ( Cloutier, 2008 ; Peretti, 2004 ) . Elle
renvoie à deux principales formes de justice : la justice distributive et
la justice procédurale . La justice procédurale se rapporte aux moyens
utilisés pour déterminer les rétributions, alors que la justice dis tri­
butive concerne les rétributions, elles-mêmes.
• Les effets sur les groupes de travail donc les performances des

équipes de travail diversifiées est le niveau qui a été le plus étudié avec
des résultats très contradictoires. Pour certains, la performance d'un
groupe diversifié est renforcée ( qualité et variété de l'analyse, mode
de résolution de problèmes, mise en œuvre de décisions) , pour
d'autres, c'est loin d'être évident (perte d'efficacité ) . De toutes ces
études, il ressort que les facteurs déterminants sont la nature de la
tâche ainsi que l'attitude et le style de management du chef de
projet, plus spécifiquement sa capacité à gérer les conflits, à créer une
cohésion dans le groupe, à définir des objectifs communs ( Cavaretta,
2007 ; Falcoz, 2007 ; Shaw et al. , 1998).
• Au niveau organisationnel, Ely & Thomas (200 1 ) mettent en

évidence que dans plusieurs organisations, il n'y a pas de gains car la


diversité s'est jouée uniquement au niveau de la composition du
personnel dans une politique d'assimilation, donc sans réelle valorisa­
tion des apports que pouvait apporter cette diversité . Barth et Falcoz
(2007) parlent aussi de politique de l'alibi qui se traduit par une
instrumentalisation et une juxtaposition, sans recherche d'échanges
et d'enrichissement mutuel autour de la diversité . On observe ainsi
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un manque de capitalisation des connaissances et d'apprentissage
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et dans le temps.
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Con clusion

Notre objectif était de faire l e point sur l a notion de gestion de la


diversité, d'en montrer les différentes facettes, d'aider dans la compré­
hension de cet outil de gestion, de susciter un intérêt mais aussi une
distance critique.

La gestion de la diversité propose de s'attaquer à des défis importants


pour le devenir de nos sociétés. On y parle d'intégration sociale et
économique, d'égalité, de respect et de valorisation des différences.
Le risque est grand pourtant que ces outils soient totalement instru­
mentalisés pour atteindre uniquement des objectifs économiques
avec comme conséquences, non plus l'inclusion mais l'exclusion,
non plus l'égalité mais le renforcement des inégalités. La vigilance et
l'esprit critique sont donc de rigueur.

Les politiques et outils mobilisés autour de la gestion de la diversité


sont remplis de contradictions et d'ambiguïtés, comme beaucoup
d'autres outils de gestion d'ailleurs. Le rôle du gestionnaire n 'en est
que plus important, il lui faut trouver un point d'équilibre entre des
politiques qui visent à valoriser des individus et, en même temps, à
reconnaître des groupes, comme étant potentiellement exclus et
marginalisés en raison de caractéristiques communes. Une des diffi­
cultés sera notamment d'identifier les formes de diversité qui seront
incluses dans un plan d'action en sachant que les catégories ainsi
construites seront fragiles, incomplètes et remplies de contradictions.
De plus, il y a lieu d'éviter le piège de la « naturalisation » des
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� compétences avec une association trop rapide entre une caractéristique
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� mais aussi des grilles d'analyse théorique qui s'appuient sur un regard
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§ pluridisciplinaire . Il y a lieu de puiser dans la gestion et le mana-

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gement mais aussi dans la sociologie, la psychologie, la philosophie et
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j L'analyse des pratiques et des écrits montre aussi l'importance de


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� rester vigilant aux contextes organisationnels, sectoriels, culturels


§ et nationaux qui vont ou non donner sens aux pratiques et aux
� politiques .
130 1 GESTION DE LA DIVERSITÉ DANS LES ENTREPRISES ET LES ORGANISATIONS

Un autre équilibre à construire est l 'équilibre entre des préoccupa­


tions sociales, construites autour de l'équité, de l'égalité des chances
et de traitement et des préoccupations économiques, visant à générer
des profits et à mieux remplir ses missions et ses objectifs. Le fait que
l'égalité ne soit plus un but risque d'amener à des dérives. On pense,
par exemple, à la mise en place de scénarios où la diversité serait valo­
risée dans certains contextes, ceux où il peut y avoir création de
valeur ajoutée mais au contraire, rejetée dans d'autres, au nom
justement de l 'efficacité économique.

Au niveau des cadres théoriques, il y a lieu de susciter de la créativité


et de l'innovation pour sortir d'orientations trop simplistes. Deux
orientations s'offrent à nous : une vision positiviste et instrumentale
de la gestion de la diversité ou une vision constructiviste et postmo­
derniste qui part du postulat que ces politiques et pratiques sont
perpétuellement en construction et qu'elles ne peuvent évacuer les
questions relatives aux rapports de pouvoir et de domination et à la
remise en cause des fondements idéologiques qui construisent les
cadres de référence.

Nous restons persuadés que la gestion de la diversité est un vecteur


de changement intéressant dans les organisations, de par son poten­
tiel à interroger les structures, procédures et pratiques ainsi que les
cadres de référence. Cela suppose qu'on ne reste pas à une vision
cosmétique et ponctuelle de la gestion de la diversité et qu'on accepte
d'en faire un outil de lecture transversal des procédures, structures et
processus . Dans ce sens, il est fondamental de faire comprendre que
la gestion de la diversité n'est pas du patchwork (une juxtaposition
de pièces de tailles et couleurs différentes pour créer un ensemble)
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0 mais bien plus un scoubidou ou un bracelet indien qui mélange les
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:J couleurs et les textures pour créer un produit original.
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