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Epée Longue selon Johannes Liechtenauer

Synthèse des principes et techniques principales

David GIRARD – L’Ost du Griffon Noir

Laurent LAREDO – L’Ost du Griffon Noir


1. Introduction
Le but de cette synthèse n’est pas de détailler en profondeur les techniques et principes décrits dans
le corpus de tradition Liechtenauerienne – ces quelques pages ne suffisent largement pas – mais de
donner un support au cours prodigué à l’Ost du Griffon noir.

2. Les bases
2.1. Les 5 mots clés

Les maîtres de l’école Liechtenauer définissent 5 principes qui synthétisent la « philosophie »


Liechtenauer : 3 principe temporels et deux principes de ressentie.

Principes temporels
Vor – l’avant. Liechtenauer préconise d’agir dans l’ « avant », c’est-à-dire de prendre l’initiative de
l’adversaire, afin de pouvoir dérouler son propre jeu et non de subir le jeu de l’adversaire. Etre dans
le Vor, c’est anticiper les actes de l’adversaire, en contrant les attaques qu’il compte faire avant
même qu’il la lance (comme les Obsessio en I.33) ou en réagissant à sa défense en modifiant
l’attaque qu’on vient de lancer (Durchwechsel, Sturzhau, …).

Nach – l’après. On est dans l’ « après » lorsqu’on agit en réaction à l’adversaire. Tout le jeu consiste
alors de reprendre l’avantage afin de ne pas subir celui de l’adversaire. Les techniques élaborées
dans ce but (Nachreissen par exemple) sont qualifiés de Nach.

Indes – la simultanéité. Agir en même temps que son adversaire. Ainsi sont qualifiées les techniques
qui permettent de repasser du Nach dans le Vor, i.e. de reprendre l’initiative. Contrer un Oberhau
par un Schielhau ou un Zwerchhau est agir Indes.

Principe de ressentie
Les principes de ressentie sont à la base des développements qui suivent en général la première
frappe, lorsque les adversaires lutte lame contre lame, tentant, sans quitter le fer, d’estoquer ou de
trancher l’autre. Celui qui aura le meilleur ressentie du fort et du faible et saura y réagir aura le plus
de chance de vaincre. C’est principe sont à la base de nombreuse technique (Winden, Duplieren,
Mutieren, …)

Stärke – le fort. De la garde à la moitié de la lame.

Swchäche – le faible. De la moitié de la lame à la pointe.

2.2. Les trois façons de blesser l’adversaire – les trois prodiges

Liechtenauer est ses glossateurs présentent trois façon de blesser son adversaire avec une épée
longue :

 Der Hau – la frappe : coup de taille avec le tranchant. Il s’accompagne d’un mouvement de
cisaillement pour simultanément couper l’adversaire.
 Der Stich – l‘estoc : coup de pointe. Toujours commencer en avançant les bras puis
accompagner de tout le corps pour donner de la puissance au coup.
 Der Schnitt – la coupe : mouvement de cisaillement (en avant ou en arrière) pour couper
l’adversaire.
2.3. Les gardes

Le système Liechtenauer décrit 4 gardes principales. Les différents glossateurs et autres Maîtres
décriront par la suite une multitude de gardes secondaires, certaines assez exotiques.

Il est important de noter que les gardes sont des positions de transition entre les frappes, et non des
positions à tenir de façon fixe "Celui qui se pose là, celui-là est mort; celui qui se déplace, celui-là vit
encore". C’est la raison pour laquelle il est important de savoir mener les attaques principales à partir
de chaque garde, pour ensuite, lors d’un combat, enchainer une phrase d’arme complète.

Les 4 gardes principales :

Ochs – le Bœuf : Garde haute. L’Ochs à droite se pratique comme suit : pied gauche est en avant,
l’épée est tenue à droite, la garde au-dessus de la tête, le pouce sur le plat de la lame et la pointe
vers la tête de l’adversaire. Les bras sont croisés. Le principal point de divergence entre les différents
pratiquants concerne la position en roulis qui peut varier de 0° à 90°. Pour ma part, je me place en
général à 45°, ce qui est un bon compromis entre une position solide et la protection des doigts.
L’Ochs à gauche se tient de la même façon, mais le pied droit en avant et l’épée à gauche. Les bras
sont décroisés.

Pflug – La Charrue : Garde médiane. La garde Pflug à droite se pratique comme suit : pied gauche en
avant, la main gauche, qui tient le pommeau, est sur le côté droit au niveau de la hanche. La pointe
vise la partie supérieure de l’adversaire. Dans la Pflug à gauche, le pied droit est en avant et l’épée
est tenue du côté gauche. D’un point de vue très personnel, la garde Pflug est une garde assez
neutre et multifonction, vers laquelle on peut se tourner lorsqu’on est un peu perdu dans un combat.

Vom Tag – Le Toit : Les gardes vom Tag regroupent plusieurs variantes. Vom Tag über dem Kopf (le
Toit au-dessus de la tête) : tenir l’épée la garde au-dessus de la tête de façon à ne pas gêner la vision,
pointe vers le haut très légèrement incliné vers l’arrière. Vom Tag auf der Schulter (le Toit à l’épaule)
: pour la version à droite, pied gauche en avant, l’épée sur le côté droit, la lame pointe vers le haut et
est posée sur l’épaule droite. Les mains sont à hauteur d’estomac. La version gauche est symétrique.
Herbert Schmidt donne une troisième version de la garde : la lame est tenue droite pointe vers le
haut, l’épée tenue au côté droit pour la version à droite, les quillons tenues au niveau du visage.

Alber – Le Fou : Garde basse simple. L’épée est tenue en avant, la pointe vers le sol, le court
tranchant vers le haut. Le pied droit ou le pied gauche peuvent être en avant. Cette garde est une
invite à attaquer le haut du corps. Attention au Scheitelhau…

Quelques gardes secondaires :

Langort – La Longue Pointe : Garde médiane. Partir de la garde Alber et lever l’épée la pointe vers le
haut du buste ou la tête de l’adversaire, bras quasi tendu.

Nebenhut – la garde Latérale : Garde basse arrière. Pour la version à droite, le pied gauche est en
avant. L’épée est tenue à droite, la pointe vers l’arrière et vers le bas. Le long tranchant est orienté
vers le haut. La version à gauche est la symétrique miroir de la version à droite. Les mains sont alors
croisées. L’avantage de cette garde est de dissimuler sa lame, permettant de bénéficier d’un effet de
surprise.

Schrankhut – La Barrière : Garde basse. Pour la version à droite : le pied gauche est en avant et l’épée
est tenue de biais devant soi, la pointe au sol sur sa droite. De ce fait, on présente le plat de la lame à
l’adversaire. Les quillons sont à hauteur de genou. Cette garde est un point de départ
particulièrement rapide du Krumphau. La version à gauche est symétrique miroir, les mains sont
alors croisées.

2.4. Les frappes de base

Je n’ai trouvé aucune description détaillée des coups de bases dans les textes originaux auquel j’ai eu
accès. Ils y sont parfois juste mentionnés. Toutefois, la plupart des exégètes ayant travaillé sur les
sources Liechtenauer s’accordent sur la définition de 12 coups de base (8 de taille, 4 estocs) :

Oberhäue (sing. Oberhau) – Au nombre de trois, ceux sont des coups de taille allant de haut en bas.
L’Oberhau droit (resp. gauche) part du côté droit (resp. gauche), suit une diagonale pour finir dans la
position Pflug à gauche (resp. droit), l’Oberhau médian décrit la verticale et se termine dans la
position Alber.

Unterhäue (sing. Unterhau) – Coups de taille allant du bas vers le haut, également au nombre de
trois. L’Unterhau droit (resp. gauche) part du côté droit (resp. gauche), suit une diagonale pour finir
dans la position Ochs à gauche (resp. droit). L’Unterhau médian n’est pas aussi simple que l’Oberhau
correspondant, car le coup est donné avec le long tranchant. Il se termine donc également dans une
position proche de l’Ochs, et non en vom Tag.

Mittelhäue (sing. Mittelhau) – Les deux coups de taille horizontaux, légèrement au-dessus des
hanches.

Stiche (sing. Stich) – Les quatre estocs, visant les ouvertures supérieures, inférieures, droites et
gauches. Les gardes

H A B
A  E : Oberhau médian
B  F : Oberhau à droite
H  D : Oberhau à gauche

E  A : Unterhau médian
G C D  H : Unterhau à droite
F  B : Unterhau à gauche

C  D : Mittelhau à droite
D  C : Mittelhau à gauche

F E D

Remarque : Il est possible de trouver des dénominations différentes de ces frappes. Joachim Meyer
appelle Oberhau l’Oberhau médian et Zornhau les Oberhäue diagonaux.

2.5. Les 5 coups de Maître

La maitrise d’un ou plusieurs des 5 coups de maitres est censée mener de façon quasi certaine à la
victoire. Chaque coup fera l’objet d’un développement ultérieur. Voici juste leur nom :

Zornhau – le coup furieux.


Zwerchhau – le coup transversal.
Schielhau – le coup lorgnant.
Krumphau – le coup tordu.
Scheitelhau – le coup crânien.

2.6. Se défendre

« Vor vesetzen huett dich, geschicht das auch sere müetzs dich » - Garde toi de la parade, si cela doit
t’arriver, tu seras en difficulté.

Voilà sûrement l’origine de la réputation agressive et « fonce dedans » du style Allemand


Liechtenauer. Une interprétation rapide peut en effet laisser penser que Liechtenauer déconseille de
se défendre. Les choses sont évidemment plus complexes. En effet, Peter von Danzing écrira plus
tard :

« Tu ne dois pas te défendre (contrer ?) comme le font les escrimeurs habituels. Lorsqu’ils défendent
(contrent ?), ils tiennent leurs pointent vers le haut ou vers les côtés. Cela signifie qu’ils ne peuvent
pas attaquer les quatre ouvertures en se défendant. Pour cette raison sont-ils souvent battus. »
[Manuscrit 44A8].

Dans son manuscrit de 1570, Joachim Meyer ira plus loin et définira deux façons de se défendre :

 La première, la mauvaise façon, est une défense réflexe générée par la peur. Elle peut avoir
son utilité par le fait qu’elle peut sauver la vie, mais a l’inconvénient d’être non contrôler et
donc, souvent, ne permet pas de reprendre l’avantage en se replaçant de le Vor. Joachim
Meyer conseille d’accompagner cette défense réflexe d’une retraite afin de se mettre hors
de porter d’un second coup et de pouvoir espérer reprendre l’initiative.
 La bonne défense est celle qui permet de se placer avantageusement pour placer une
riposte, et idéalement de blesser en même temps qu’on se défend (« Versetzen und verletzen
gleichzeitig »). C’est une technique Indes qui permet de revenir dans le Vor. La plupart des
coups de Maître (toutes sauf le Scheitelhau) peuvent ainsi être utilisé en contre, ainsi que
certaine technique spécifique tel que la technique Absetzen, le Wechselhau ou Streichen de
Sigmund Ringeck, Verhängen/Bogen de Joachim Meyer et Johannes Lecküchner.

Absetzen
L’action « absetzen » est une technique Indes consistant simplement à parer une frappe ou un estoc
adverse en se plaçant en Ochs ou en Pflug, suivant d’où vient l’attaque, afin :

 De se placer de façon à pouvoir enchainer immédiatement avec un estoc, i.e. que la parade
doit se faire la pointe orienté vers l’adversaire,
 de canaliser la lame adverse contre son quillon afin de se protéger.

Il est à noter que l’action d’Absetzen se fait en général avec un déplacement vers l’avant (penser à
sortir de la ligne).

Par exemple :

 Sur un Oberhau arrivant sur sa gauche, passer d’une garde basse à gauche (Schrankhut,
Nebenhut ou Alber) à la position d’Ochs à droite en tentant simultanément de tailler le bras,
le torse ou la tête. Si l’adversaire est trop loin pour être tailler, on sera en position pour
enchainer sur un estoc.
 Sur un estoc arrivant par la gauche, passer d’une position de Pflug à droite à une position de
Pflug à gauche puis estoquer.
 Sur un Unterhau venant sur la gauche, parer par une position de Plug à gauche puis
estoquer.
 …

Streichen
Cette action permet de contrer un Oberhau. Le point de départ idéal est d’être en garde basse à
gauche pour contrer un Oberhau droit de l’adversaire. Lorsque l’adversaire lance sa frappe, on va
venir cherche sa lame par derrière avec son court tranchant pour la dévier, tout en se déplaçant vers
l’avant-gauche. Le mouvement consiste simplement à passer de la garde basse à une garde vom Tag
à droite. On se trouve alors dans une position extrêmement avantageuse pour riposter.

Bogen/verhängen
A venir
3. Winden
3.1. Principe

Le terme Winden (litt. Enroulement ou rotation) qualifie le travail de liement, i.e. le travail au fer une
fois les lames en contact. C’est une notion fondamentale du corpus Liechtenauer, basée sur les
notions de ressentie de la pression qu’exerce l’adversaire, qu’elle soit forte ou faible, orienté vers
soit ou vers le côté. Le liement peut se faire vers l’intérieur – son côté gauche lorsqu’on a effectué un
Oberhau par la droite – ou l’extérieur. Le travail autour du liement est très varié, mais deux notions
se démarquent : le doublement (Duplieren) et la mutation (Mutieren).

3.2. Les 24 Winden

On décompte 24 Winden :

 2 directions : vers l’intérieur ou l’extérieur suivant que l’adversaire est fort ou faible (sur un
lien suite à un Oberhau droit, l’intérieur est sur la gauche et l’extérieur sur la droite).
 4 ouvertures : hautes et basses, droite et gauche.
 3 wundern : les trois façons de blesser, la frappe, l’estoc et coupe, chacune d’entre elle
pouvant être utilisées lors du travail au fer.

3.3. Duplieren

Le principe du doublement est en quelques sortes de donner deux coup en un. La position optimale
pour effectuer un doublement est d’être au liement fort contre fort avec pression de l’adversaire
vers le côté. Le but est alors d’aller toucher l’adversaire à la tête derrière sa propre lame en se
déplaçant vers sur le côté (droite ou gauche suivant la frappe initiale) pour finir dans une position
intermédiaire entre la Plug et l’Ochs.

3.4. Mutieren

Contrairement au doublement, la technique Mutieren s’applique lorsque son adversaire est faible.
Cela consiste en un changement, lors du liement, de l’ouverture visée, en allant par exemple
estoquer une ouverture basse après avoir tenté un Oberhau. La bonne application de la technique
nécessite impérativement d’avoir le contrôle de la lame adverse.

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