Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Introduction
Nous n’avons jamais été mieux informés qu’aujourd’hui de ce qui se passe dans le
monde. La télévision « couvre » en direct et à l’échelle planétaire chaque catastrophe
naturelle, chaque guerre, chaque attaque terroriste, chaque compétition sportive.
S’il est vrai que les reportages ont une prédilection pour les événements à caractère
sensationnel impliquant des conflits et des morts, ils nous confrontent aussi
inéluctablement à la réalité brute du monde dans lequel nous vivons. Les guerres
provoquées par de violents différends territoriaux, mêlés de religion et de
nationalisme, le choc des cultures, chacune sûre de l’universalité de ses valeurs, le
nouveau paroxysme de violence dont témoignent les attentats suicide, tout cela
inaugure de manière peu encourageante le nouveau millénaire. Et la conjoncture est
d’autant moins encourageante que l’interdépendance économique croissante, les
catastrophes écologiques, les conflits liés à l’approvisionnement en eau et le
changement climatique exigent une nouvelle prise de conscience de nos intérêts
communs, une nouvelle fraternité, essentielle si nous voulons éviter un désastre
planétaire. Les allégeances d’autrefois à la patrie, à la religion, à une idéologie
politique semblent être dangereusement incompatibles avec une réalité qui exige de se
vouer à l’humanité tout entière et non plus à une fraction que l’on privilégie.
Au cours des années 1970, Jiddu Krishnamurti, qui parlait en public dans le monde
entier depuis plus de cinquante ans, n’a cessé de répéter que le premier pas vers
l’observation de la manière de vivre de chacun d’entre nous commence par
l’observation de l’état du monde. Se désintéresser des événements mondiaux, croire
que « ce qui se passe à l’extérieur ne me concerne pas », c’était, pour lui, ne pas être à
l’écoute de ce que la vie doit nous apprendre, c’était fuir de façon erronée la vaste
scène où nous sommes tous acteurs, que cela nous plaise ou pas. Se dérober à la
violence du monde et rester à l’écart – chose que nous ne faisons pas, évidemment,
quand il s’agit des plaisirs de la vie – est un grave manque de discernement, une
incapacité à voir et à sentir intimement que « nous sommes tous dans le même
bateau ». Cette erreur, selon lui, conduit inévitablement à une action vaine et au
conflit.
Le point de vue énoncé ainsi par le philosophe Thomas Hobbes (« Quiconque
regarde en lui connaît les pensées et les passions de tous les autres hommes ») ou par
Montaigne (« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition »),
Krishnamurti l’exprime par la phrase : « Nous sommes le monde. » Ne se bornant pas
à énoncer cette maxime, il examine en profondeur et en détail ses implications et nous
demande, chacun de nous étant acteur, quelle est notre réaction face à l’état présent
d’insécurité, de désordre du monde.
Mais il soulève ensuite un problème plus fondamental : quelle sorte d’esprit
est capable de réagir de manière adéquate à cet état de choses et qu’est-ce qui nous
empêche d’avoir un tel état d’esprit ? Cela n’est pas sans évoquer la démarche d’un
scientifique qui, avant d’étudier un phénomène, se préoccupe de la qualité des
instruments qu’il utilisera pour l’observer. Dans la première partie de ce livre,
Krishnamurti examine ces obstacles. Il suggère qu’une vision pénétrante de leur nature
non seulement suscite une réaction juste aux événements politiques, économiques et
religieux, mais révèle aussi leurs origines psychologiques dans notre vie et nos
relations personnelles. Sur le plan psychologique, la frontière séparant l’individu et la
société disparaît. De manière poétique, il décrit souvent cela comme « le flux et le
reflux de la marée ».
Si le lecteur attend des réponses toutes faites d’une autorité en qui il place sa foi, il
risque fort d’être déçu. Pour Krishnamurti, une telle attitude atrophie le cerveau mais
profite aussi dangereusement à la tyrannie tant politique que religieuse. Et, dans nos
relations personnelles, elle peut facilement conduire à la domination d’une personne
sur une autre. Il ne nous fournit ni théories ni explications, mais des assertions à
confronter à notre expérience ou des questions propres à susciter des interrogations.
C’est par soi-même qu’il faut explorer la vie ; elle est plus grande, dit-il, que n’importe
quel enseignant ou enseignement. La percevoir autrement, c’est être un « humain de
seconde main ».
Beaucoup ont qualifié Krishnamurti de mystique, terme qui peut servir soit à lui
conférer un statut supérieur, soit à le rejeter en remettant en cause la pertinence de son
approche. En fait, ce qu’il dit s’applique toujours avec beaucoup de pertinence aux
relations personnelles et à la politique. Dans presque chaque causerie il évoque le
caractère destructeur des images qui s’interposent au sein de la relation entre l’homme
et la femme. Quant aux systèmes politiques autoritaires, il est intéressant de noter que
les historiens ont décrit les cinq conditions préalables à leur émergence. La première
condition est d’inculquer le sentiment du « nous » et du « eux » ; la deuxième
d’accepter de s’y conformer ; la troisième de ne pas s’opposer au mal qui « leur » est
fait et de se décharger de cette responsabilité sur les autorités, ce qui suppose qu’« ils »
ne sont pas humains comme « nous » le sommes ; la quatrième condition est de ne pas
s’opposer à la suppression de la dissidence ; la cinquième de consentir à « leur »
extermination, ou de la soutenir. Cela n’est pas seulement un scénario psychologique
destiné à faire céder à la tyrannie politique ou à favoriser la persécution d’une minorité
ethnique. C’est aussi un scénario psychologique propre à inciter toute une nation à
entrer en guerre avec une autre.
En quoi les propos de Krishnamurti remettent-ils en question ce triste processus ? Il
met sans cesse en lumière l’absence de réalité de cette division des êtres humains en
« eux et nous », la fausseté de telles images et les allégeances névrotiques qu’elles
suscitent. Tout en reconnaissant qu’il est socialement nécessaire de se soumettre à
certaines règles, il voit dans la soumission et la croyance en l’autorité politique et
religieuse – y compris celle qui pourrait lui être personnellement attribuée – une forme
d’oppression sociale et psychologique qui atrophie le cerveau. Ce faisant, il nous
propose de développer en nous des barrières potentielles aux formes de systèmes
politiques qui ont causé des ravages au XX e siècle et dont les ferments sont encore
actifs aujourd’hui.
Un mystique est habituellement considéré comme quelqu’un qui se préoccupe de la
réalité et des vérités ultimes qui ne sont pas du tout d’ordre intellectuel : c’était le cas
de Krishnamurti. Pourtant, la pertinence de ses propos sur l’autoritarisme montre
qu’en même temps il avait bien les pieds sur terre. Plus que beaucoup d’entre nous en
vérité, pourrait-on dire. Nous qui, nous croyant tout à fait rationnels et nullement
mystiques, avons succombé à une foi aveugle en des dirigeants ou des croyances qui
sont à l’origine de souffrances sans précédent.
Ceux qui lisent Krishnamurti pour la première fois peuvent trouver déconcertant le
libre éventail de ses propos. Bien qu’il soit attentif à leur enchaînement, il répond
toujours aux questions de son auditoire, même en plein discours et même si elles
semblent parfois n’avoir aucun rapport avec le sujet principal de sa causerie. Mais,
comme il a été dit, c’est lui l’orateur qui, contrairement à l’habitude, interroge son
auditoire et non l’inverse. Comme on le verra, il refuse parfois fermement de répondre
à ses propres questions. À d’autres moments, il soutient que la réponse à la question
est contenue dans la question elle-même et il entreprend d’en explorer les termes.
Constamment, il met en garde contre l’approbation ou la désapprobation intellectuelle
de ce qu’il dit au lieu de le vérifier par sa propre expérience. On a donc souvent besoin
de fouiller derrière ses mots car, il l’a souvent répété, « le mot n’est pas la chose ».
On a souvent l’impression qu’il veut stimuler notre cerveau pour le tirer d’une
léthargie complaisante que prisonniers des limitations que nous nous sommes
imposées à notre insu, nous considérons, à tort, comme allant de soi. Une fois encore,
les problèmes doivent, selon lui, être examinés par chacun de nous et personne n’a le
droit de les résoudre à notre place.
Lors d’une causerie en Inde en 1965, après que Krishnamurti eut parlé de la
nécessité d’un changement radical et profond de l’être humain, un membre de
l’auditoire émit une protestation : « Nous sommes tous des êtres humains ordinaires »,
ce à quoi il répondit : « Nous ne pouvons plus nous permettre de l’être… l’enjeu est
trop immense. » Une autre fois, un interlocuteur affirma qu’aucun des grands maîtres
religieux n’avait fondamentalement changé le monde et que Krishnamurti n’y
parviendrait pas non plus. Sa réponse fut : « Pouvons-nous cesser immédiatement et
totalement de penser en termes de devenir ? C’est la seule nouvelle approche
possible. » Peut-être est-il bon d’expliquer aux nouveaux lecteurs que le désir de
devenir quelque chose ou quelqu’un était pour Krishnamurti le principal obstacle à la
compréhension de notre état d’être actuel, qu’il appelait ce qui est. Et la
compréhension permanente de cela, suggérait-il, est essentielle non seulement à celle
de notre propre conscience mais aussi à celle de la conscience humaine en général et
de bien d’autres choses encore.
Le problème qu’il a soulevé est-il soluble ? Il a affirmé qu’il l’est s’il suscite en
nous un immense intérêt, et si nous abordons chaque nouveau problème avec une
totale fraîcheur en y mettant tout notre cœur et tout notre être. L’expression « relever
le gant » vient à l’esprit.
La deuxième partie de ce livre contient les quatre dernières causeries, mises au point
et légèrement abrégées, ainsi que deux séances de questions-réponses que
Krishnamurti a données en Angleterre en 1985, année qui précéda sa mort à l’âge de
quatre-vingt-onze ans. Il avait parlé pendant plus de cinquante ans dans le monde
entier et, même si on l’ignorait à l’époque, ces causeries devaient être un adieu à son
auditoire européen. Sont-elles le résumé ou le dernier témoignage d’une enquête sans
fin ? Il a, en vérité, soulevé la question la plus fondamentale de toutes en demandant
quelle est l’origine de la création, l’origine de toute chose – et le lecteur trouvera peut-
être surprenant ce qu’il dit à ce propos. Son style est plus simple et plus direct. Les
sujets qu’il traite apportent des nuances à des thèmes qui font écho à ce qu’il a dit au
cours des décennies précédentes, mais on y trouve aussi des éléments entièrement
nouveaux. Quelle que soit l’ampleur du défi auquel l’humanité est, selon lui,
confrontée, il était conscient comme jamais de la beauté de la terre, de la vie en tant
qu’enseignant suprême, de la vie en tant qu’immensité.
Krishnamurti a beaucoup parlé de la nécessité de prendre la vie au sérieux, mais
aussi du caractère indissociable de l’apprentissage et de la joie : « J’ai appris avec
bonheur les effets de mes attachements sur l’esprit. » « Qu’entendons-nous
par conscience ? C’est passionnant de sonder ce terrain-là. » « Il est véritablement
plaisant, si je peux employer ce mot, de découvrir pourquoi mon esprit est attaché aux
biens. » Pour lui, débusquer une illusion et démêler une erreur de perception semble
tout aussi délectable que pour un mathématicien résoudre une équation. Peut-être nous
délivre-t-il ainsi le message suivant : le déploiement naturel de la conscience, cet
apprentissage sans fin – auquel nous pouvons, sans le savoir, faire obstacle –, ne
constitue-t-il pas ce que signifie être véritablement vivant ?
David SKITT
1. Etre seul
p. 17
« Je me demande pourquoi vous êtes venus » : par curiosité ? pour que vos soucis
soient réglés par quelqu’un d’autre ? « Etes-vous sérieusement préoccupés par tout ce
qui se passe dans le monde et désirez-vous ardemment résoudre les épouvantables, les
effrayants problèmes qui nous entourent ? »
2 raisons différentes de venir écouter K. :
1. « par pure curiosité ou par désir de voir résolus vos problèmes personnels »
2. « parce que vous percevez la souffrance, la violence, la division entre
nationalités, les clivages politiques et religieux et tous les problèmes qui nous
séparent »
« On doit, me semble-t-il, être très clair à ce sujet. Pour ma part, je tiens à expliquer
clairement les choses une fois pour toutes ».
« J’ai parlé pendant cinquante ans dans le monde entier, excepté en Russie et en
Chine »on voit que le problème est « surtout intérieur ».
« Se préoccuper des phénomènes extérieurs sans s’atteler aux problèmes intérieurs,
particulièrement complexes, n’a pas grand sens ».
p. 18
Il faut être totalement indépendant (n’appartenir à aucune religion établie, pays, parti
politique) pour pouvoir « regard clairement, objectivement, sainement tous les
phénomènes qui se produisent à l’extérieur et à l’intérieur de nous ».
« Si vous êtes sérieux, ce que j’espère, une véritable communication s’instaurera entre
nous ; sinon, il n’y en aura aucune. C'est clair, n’est-ce pas ? Si vous et moi accordons
toute notre attention à comprendre l’ensemble du phénomène de l’existence, non
seulement de l’extérieur mais aussi de l’intérieur et en profondeur, et si nous nous
attachons pleinement à résoudre ce problème, il existera entre vous et moi une relation
authentique ; nous pourrons alors bouger ensemble, penser ensemble, partager. Et
partager, penser, chercher ensemble, et donc créer ensemble, c'est cela la
communication ».
« J’espère que je me fais bien comprendre. Nous ne pouvons pas communiquer entre
nous si la seule chose qui vous intéresse est de résoudre le petit problème particulier
qui vous concerne, que nous pourrons aborder plus tard, ou si vous êtes simplement
curieux d’apprendre ce que cet Indien à la philosophie étranger a à dire ou si vous
portez votre intérêt sur quelque ineptie exotique. Si c'est le cas, je crains que nous ne
puissions communiquer. Parce que l’orateur ne vous apporte pas, ne vous parle pas
d’un système philosophique particulier – le vrai sens de la philosophie est de
comprendre la vérité dans notre vie quotidienne et dans notre comportement de tous
les jours, ce qui n’a rien à voir avec le christianisme, le bouddhisme, l’hindouisme ou
toute autre chose ».1
p. 19
« Donc, si nous sommes vraiment très consciencieux, et l’époque exige que nous le
soyons, alors nous devons voir très clairement, objectivement, avec détachement, le
monde tel qu’il est – divisé, fragmenté par les nationalismes, les croyances religieuses,
les convictions politiques sectaires ou les différentes idéologies, chacune combattant
l’autre et s’efforçant de créer une unité tout en se maintenant à l’écart. Il y a les
guerres, toutes ces querelles politiques et la lenteur avec laquelle la politique rapproche
les êtres humains. Vous savez tout cela. Je me demande pourtant si cette conscience
reste à un niveau intellectuel, verbal ou si elle vous vient du cœur, de l’esprit tout
entier.
Il nous faut donc d’abord découvrir par nous-mêmes dans quelle mesure nous
sommes conscients du clivage qui existe entre les êtres humains, qu’il résulte de
l’appartenance à des nationalités, à telle ou telle secte, de l’adhésion à des croyances
religieuses, à tel ou tel système ou de la soumission à un gourou – tout cela est facteur
de division. Et, dès lors qu’apparaît la division, l’humanité ne peut pas être unie. Mais
à quel point est-on conscient de ce phénomène ? Intellectuellement, on peut admettre
qu’il existe et l’affirmer verbalement, mais est-ce que l’on ressent profondément la
division extraordinaire qui existe entre les êtres humains, entre mari et femme, entre
amis, entre couleurs de peau, races, classes sociales, etc. ? À quelle profondeur en est-
1
Jiddu Krishnamurti, Vivre dans un Monde en Crise, Pocket Spiritualité, 2008, I, ch. 1 (« Etre seul »), p. 18 (Extrait de
l’enregistrement de la causerie publique du 16 juillet 1972 à Saanen, Grande-Bretagne, copyright © 1972 Krishnamurti
Fondation Trust, Ltd.).
on conscient ? Et si l’on en est conscient au sens habituel du terme – c’est-à-dire si
l’on se sent concerné, si l’on connaît les effets de cette division – alors, que peut-on
faire ?
p. 20
Qu’est-ce qu’un être humain, vous par exemple, pouvez faire dans un monde si
divisé ? Divisé entre l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient, le riche et le
pauvre, l’érudit et l’ignorant, le technicien et le profane, l’artiste, l’homme d’affaires,
le hippie aux cheveux longs, aux cheveux courts. Que peut-on faire lorsqu’on est
conscient de cela ? Vous posez-vous cette question en passant, en supposant que tout
cela cessera dans quelques milliers d’années et que cela dépend donc de
l’environnement, des systèmes politiques, etc. ? Ou alors est-ce un problème qui
requiert de votre part une attention, une action immédiate, autrement dit, est-ce qu’il
vous préoccupe au point que vous vouliez y impliquer tout votre être pour le
résoudre ? C’est pourquoi nous avons demandé où se trouve votre intérêt. Êtes-vous
conscients de la division qui règne entre les êtres humains depuis des millénaires, non
seulement à l’extérieur de vous mais aussi en chacun de nous, divisé en lui-même, en
conflit avec lui-même, en lutte avec lui-même, pour devenir, pour être, se réaliser,
s’affirmer, dominer ?
La question est donc celle-ci : que doit-on faire, comment peut-on agir ? Miser sur
une action collective ou bien sur une réponse issue de la liberté propre à l’être humain
et, dans cet état de liberté, agir ensuite à un niveau collectif ? Nous devons agir
collectivement car de grands changements sont nécessaires, mais une révolution
psychologique en profondeur est essentielle, non pas une révolution qui consiste à jeter
des bombes et à tuer des milliers de personnes au nom de l’ordre, d’une nouvelle
société ou de la paix. La nécessité d’une profonde révolution psychologique de cet
ordre n’est pas une affirmation dogmatique de (p. 20) l’orateur ; elle est indispensable,
l’observation le prouve. Est-ce qu’une action collective peut induire une telle
révolution, c’est-à-dire par le biais de l’éducation, du conditionnement, obliger
l’individu, l’être humain à se conduire convenablement ? C’est ce qui se fait au
détriment de la liberté totale de l’individu, même si cela conduit à une action
collective. Ou alors est-ce que la révolution consiste à libérer l’esprit de son
conditionnement et, dans cette liberté, amener une coopération dans l’action ? Est-ce
que je me fais bien comprendre ?
Donc, nous ne sommes pas en train d’opposer l’individuel et le collectif puisque le
monde est divisé ainsi, ni d’insister sur la liberté de l’individu qui lui permettrait de
faire ce qu’il veut, ou de vanter une action collective qui étoufferait l’individu. Nous
parlons de quelque chose de radicalement différent, qui n’est ni ceci ni cela ».
« Les êtres humains vivent dans un tel désordre, ils sont si préoccupés d’eux-mêmes, si
profondément égoïstes que les religions du monde entier avec leurs croyances, leurs
dogmes, leurs rituels, leurs sauveurs et tout ce cirque les ont conditionnés à vivre dans
la peur. C'est vrai du christianisme, du bouddhisme et de toute religion organisée.
Quant aux psychologues, si mes renseignements sont bons, ils s’efforcent de
conditionner l’être humain en maniant non pas le bâton mais la carotte. Ce qui revient
au même, ce sont les deux côtés ‘une même médaille »
p. 22
« Vous me suivez ? Puis-je continuer ? Je vais continuer quoi qu’il en soit, parce que
cela m’intéresse énormément, parce qu’il est de notre devoir de créer un autre homme,
un esprit humain différent qui n’appartienne pas au passé, qui ne soit ni de droite ni de
gauche, qui soit radicalement différent »
« Quand on considère tout cela, une action collective s’impose donc dans laquelle
l’être humain sera totalement libre ». Ce changement prend-il du temps ou est-il
instantané ?
p. 23
« Je vous en prie, vous n’êtes pas seulement en train de m’écouter, cela vous concerne
aussi. Si vous m’écoutez d’une oreille distraite en prenant et rejetant certains mots, en
approuvant ou désapprouvant mes propos, cela n’aura guère de portée. Alors que, si
vous vous impliquez, nous aurons un vrai partage et vous devrez découvrir par vous-
même si la résolution de ce problème demande du temps »
« Qu’en pensez-vous ? Comment voyez-vous le problème ? Car nous sommes en train
de réfléchir et de chercher tous ensemble. L’orateur n’est ni une autorité, ni un affreux
gourous, et vous n’êtes pas ses disciples. Nous sommes des êtres humains qui essaient
de résoudre cet immense problème qu’est l’existence. Donc, si vous êtes sérieux, nous
devons partager tout ceci. Il faut être à l’écoute non seulement de ce qui est dit mais
également de vos réactions, de vos pensées et de vos ressentis ».
24
L’idée que l’esprit ne peut changer instantanément et radicalement n’est qu’une
théorie, « or le sens étymologique du mot théorie, c'est la capacité à saisir
instantanément une vérité ».
« Vous percevez intuitivement quelque chose et, à partir de là, vous formulez une idée,
un concept et vous agissez en accord avec lui ».
« Le conditionnement étant le passé, qu’il date d’hier ou de mille ans »
« Etre seul en ce monde est l’une des choses les plus difficiles : n’appartenir à aucune
nation, si ce n’est peut-être en ayant un passeport ; n’adhérer à aucune idéologie,
n’avoir aucune activité politique à gauche (p. 25) comme à droite ; ne répéter aucun
mot dont on ne connaisse personnellement le sens, afin de conserver son intégrité »
« Comment un tel esprit [conditionné] peut-il se libérer, c'est-à-dire être complètement
libre et sain ? »
p. 26
p. 27
Car suivre une autorité, « c'est gaspiller mon énergie. Alors que, si mon
comportement, mon intégrité, mon honnêteté, ma rectitude de jugement ne dépendent
de personne, je dispose d’une énergie colossale pour observer ce que je suis. Le faites-
vous en ce moment ? Faites-le. Dans ce cas, ce sera amusant de discuter avec vous ».
« Si vous vous posez sérieusement cette question [l’esprit peut-il être radicalement
transformé ?], alors vous et moi sommes en relation pour l’explorer. Vous ne vous
rangez d’aucun côté. C'est vous qui menez l’enquête sans passer par le filtre du regard
d’autrui ».
Je ne peux pas mener cette enquête si j’ai un objectif. « Si je dis que je le fais pour
atteindre un état différent, pour être libre, ce n’est plus une recherche. Vous avez déjà
une intention et elle va diriger votre enquête.
Pour enquêter, l’esprit doit donc être libre de tout mobile. Est-ce le cas ? ». On ressent
la souffrance « et il faut réagir à cela, il faut résoudre le problème ».
P. 28
p. 73
Problème :
- La pensée a un rôle destructeur dans les relations quotidiennes
- Le savoir, la pensée et son expression dans l’action sont absolument nécessaires
« Je ne sais pas jusqu’où vous êtes allés mais, si nous voulons être sérieux, il me
semble nécessaire d’approfondir la question » ; pour 2 raisons :
- « l’époque existe de nous que nous soyons extrêmement consciencieux »
- Nous sommes superficiels :
« nous menons des vies assez superficielles, au sens où nous donnons libre cours,
pleine expression à tout le champ de la pensée dans la vie de tous les jours, ce que
j’appelle la superficialité »
Questions :
« Quelle place a la pensée dans l’ensemble de la conscience ? Et dans quel mesure les
replis cachés, inconscients de notre esprit sont-ils contaminés par le milieu, par la
société dans laquelle nous vivons, par l’éducation, etc. ? A quelle profondeur l’esprit
tout entier est-il pollué et est-il possible de le débarrasser totalement de la souille de la
"civilisation" ? L’esprit peut-il être libre au vrai sens du terme ? »
p. 74
Il s’agit de « découvrir le degré de conditionnement de l’esprit par la pensée, voir
dans quelle mesure notre culture a façonné toute la logique de la pensée, car celle-ci
est un processus matériel ».
p. 75.
L’esprit peut-il « être libre de tout conditionnement, donc agir en toute liberté et
pourtant de concert avec les autres » ? La société a créé en nous une image.
p. 76
p. 77.
p. 78
La vulnérabilité
Pour surmonter mes blessures, « je peux résister, construire un mur autour de moi,
m’isoler pour qu’on ne me fasse plus jamais mal, je me crée une carapace – c'est ce
que font la plupart des gens. Mais sous cette cuirasse, ils sont profondément
meurtris ». Mais « on peut parer à toute blessure sans élever de défense, en restant
superficiellement vulnérable. Car seul un esprit vulnérable, souple, ne peut
jamais être blessé ». Exemple de vulnérabilité : une feuille nouvelle qui pointe après
un hiver rigoureux, délicate, « si fraîche que la brise, le vent ne / (p. 79) peut pas la
déchirer, elle reste intacte ».
p. 79
« On peut donc ramener avec intelligence les blessures à l’extérieur, à la surface ».
Mais jusqu’à quelle profondeur les blessures inconscientes et profondes peuvent-elles
être effacées ? Peuvent-elles être supprimées grâce à l’analyse ?
Critique de l’analyse
« L’étymologie du mot analyse donne le sens de "décomposer". En analysant, vous
décomposez ». Mais l’entité qui analyse les fragments décomposés est « une autre
partie de la pensée » ; la pensée elle-même n’est qu’un fragment de l’ensemble du
mécanisme de la pensée : « une partie de la pensée examine, ana les divers fragments
des autres pensées et, par conséquent, perpétue la fragmentation ».
« Qui dit analyse dit analyste et du temps pour mener le travail à terme, sinon il reste
des bribes et c'est être reliquat qui va se livrer à l’examen le lendemain ». Nous avons
« toujours affaire à des reliquats » : l’analyse n’aboutit jamais (elle peut prendre « des
années »). Si on comprend le danger que cela représente, on ne se livre plus jamais à
l’analyse.
p. 80
Le travail sur les rêves ne permettent pas de guérir des blessures inconscientes
« Comment ramener au jour les blessures secrètes, profondes ? ». Pas par les rêves : ils
ne sont pas nécessaires.
« Les psychanalystes et les psychologues affirment qu’il faut rêver pour ne pas devenir
fou. Les rêves sont à l’évidence le prolongement de nos actions de la journée. Si
pendant la journée nous sommes conscients de ce que nous faisons, à l’écoute de nos
sentiments, de nos réactions, attentifs à leur jeu, vigilants sans y attacher trop de
sérieux, les rêves sont-ils encore nécessaires quand nous dormons ? ».
p. 81
p. 82.
p. 83
Autre exemple : ce n’est que lorsque je veux traverser une rivière puissante pour me
rendre sur l’autre rive (qui me paraît mieux) que le problème se pose. Si je vois que je
ne peux pas la traverser, mon esprit « n’est certes pas content de rester sur cette rive,
pourtant aucun problème ne se pose à lui ».
« Alors ma blessure n’est pas un problème. En conséquence, je ne suis pas blessé. Oh,
c'est tellement simple si vous le voyez ! C'est si simple que nous refusons de le
voir »
« Mais laissons cela pour le moment et tournons-nous vers une autre question ».
Comparaison et mesure
Notre « héritage culturel » nous procure une image de nous-même ainsi que l’habitude
de nous comparer aux autres (« cette manie d’évaluer fait partie de notre héritage
culturel »). « La mesure que vous établissez dépend d’une échelle de valeurs où il
existe toujours le plus ou le moins […]. C'est inhérent à notre culture ». Ce « besoin de
mesurer » m’a été inculqué, ou je l’ai « cultivé moi-même soigneusement » (« j’ai la
plus grosse voiture », etc.). « Tout le processus de notre existence se fonde sur la
mesure » (riche/pauvre, santé/maladie, sainteté/péché).
p. 84
Vivre sans que l’esprit ne se mesure, se prête à la comparaison, sans « jamais établir
de comparaison au niveau psychologique » (vs. mesure dans le domaine matériel :
prendre des mesures lorsqu’on achète de nouveaux vêtements, faire des mesures
lorsqu’on construit une maison).
« Dès l’enfance, on nous a conditionnés à nous comparer. Et cela contribue à nous
blesser. Si je ne me comparer pas, je ne suis pas blessé ».
Exemple de comparaison : « Vous êtes assis là, en contrebas, et l’orateur est assis sur
l’estrade, en hauteur ; il y a une séparation entre le haut et le bas. Et vous vous dites :
"Bon sang, comment cet homme qui est assis là en sait-il autant ? J’en sais si peu."
Une comparaison incessante s’opère ».
p. 85
Est-il « possible de vivre sans me livrer à aucune comparaison et sans pour autant me
sentir satisfait ? ». Quand je cesse de comparer, je ne suis pas « satisfait » de ce qui est,
mais je suis « face à ce qui est ». Quand je compare, je m’échappe de ce qui est et il y
a perte d’énergie ; on gaspille de l’énergie en se comparant ; or il faut de l’énergie pour
faire face à ce qui est. Si je perçois que je gaspille de l’énergie en me comparant, je ne
perds plus mon énergie « dans la comparaison, la mesure, le sentiment d’infériorité, de
supériorité, dans la dépression ». « Alors vous avez suffisamment d’énergie pour
affronter ce qui est vraiment, autrement dit vous-même ». On sait qu’on est
insignifiant ou intelligent parce qu’on se compare aux autres ; sinon on n’en a aucune
idée et on commence « à voir les choses en face ».
Nous portons en nous beaucoup d’images, qui « émanent de jugements profondément
enfouis ». « Si je suis vigilant au cours de la journée, le problème ne se pose pas » ; le
problème vient de la pensée qui se dit qu’elle compare, qu’elle a des images, qu’elle a
subi des blessures et qu’elle doit les dépasser.
p. 86
Pourtant c'est la pensée qui a créé les images. Elle fait des images un problème.
Lorsqu’on voit la vérité de cela, la pensée cesse d’en faire un problème.
« Pour l’amour du ciel, voyez comme c'est extraordinairement simple, subtil et
beau ! Il vous suffit de le percevoir une seule fois, et la question est réglée ! » (on a
l’énergie d’affronter ce qui est).
Si je compare, j’imite : « La comparaison entraîne l’imitation et le conformisme »
La pensée a créé les images mais elle affirme qu’elle doit les dépasser pour atteindre
l’éveil. « Mais ce n’est pas l’éveil, ce n’est que l’idée de l’éveil ».
Si je ne compare plus, n’imite plus, n’ai plus de blessures, de conclusion, d’image, que
suis-je ? Je suis le mot, la description, « la pensée qui est la réaction de cette mémoire
accumulée, de l’expérience, du savoir, qui ne sont que des mots, des symboles et des
idées ». L’esprit devient entièrement vide. « C'est la volonté d’être qui crée le
problème.
« Je ne sais pas si vous comprenez. Désolé. Prenez ce que vous pouvez, laissez tomber
le reste, je dois poursuivre ».
p. 87
2 types de conformisme :
1. Conforme extérieur : « je me conforme lorsque je mets un pantalon, d’accord ?
Lorsque je vais en Inde, je m’habille autrement. Je suis tenu de me conformer
dans une certaine mesure aux règles locales, de conduire à droite ou à gauche »
2. Conformisme « au niveau psychologique »
« L’esprit peut-il existe sans se comparer, sans vouloir se conformer ? […] Au niveau
psychologique, ce besoin de conformité n’existe plus, car il est le fruit de la société
dans laquelle je vis, l’image que j’ai construite en moi-même avec l’aide des autres ».
Cette image peut être blessée, c'est elle qui est victime de la blessure, c'est elle qui (par
la comparaison) procure un sentiment de grandeur (de supériorité) ou de petitesse
(d’infériorité). Sans comparaison, l’image n’existe plus : l’esprit peut vivre sans image
et il ne peut plus être blessé.
p. 88.
« C'est seulement à ce moment que je peux établir une relation ». Si l’un a une image
de l’autre, ou si l’autre a une image de lui-même, la relation n’existe pas. « Vous dites
avoir besoin de relations, le névrosé affirme que l’on doit nouer des relations avec tout
le monde. Mais comment le puis-je ? Comment pouvez-vous en avoir une avec moi,
qui ai déjà une image de moi-même à laquelle je tiens ? ».
« L’esprit est capable de vivre sans image et donc de ne tirer aucune conclusion. De
sorte qu’il ne peut jamais être blessé ou se trouver pris par le besoin de comparer. Seul
un tel esprit est innocent et donc libre ».
« Voulez-vous poser des questions à ce sujet ?
Vous savez, l’orateur a dit précédemment que le contenu de la conscience est la
conscience. Avez-vous compris cela ? ».
p. 89
p. 90
« Le conditionnement implique la division qui induit elle-même le conflit. Si vous êtes
mon épouse, et moi votre mari ou l’inverse, vous êtes ambitieuse et avide comme je
peux l’être moi-même. Je suis conditionné à votre conditionnement ». La division
nait « de conclusions, d’images, de comparaisons ». La division entraine
inévitablement le conflit ; quand je le perçois, j’ai assez d’énergie pour agir de façon
totalement différente.
p. 91
Question : « Vous dites : libre et ensemble. Pourriez-vous, s’il vous plaît, approfondir
cette idée ? »
K. : « Je ne peux pas approfondir l’idée d’être ensemble, sinon cela restera une idée.
Et comment peut-on creuser une idée si ce n’est en faisant appel à d’autres idées ? On
ne peut aller au cœur des choses que lorsqu’on n’a pas d’idée. Vous suivez ? »
Nous partageons nos problèmes, nous en discutons ensemble. « Cela signifie qu’ils
nous intéressent vous et moi. Ils nous préoccupent tous et nous les examinons
ensemble – il ne s’agit pas pour moi de le faire et vous de partager ce que je dis. Cela,
ce n’est pas être ensemble. Ensemble suppose de progresser en même temps, votre
pensée accompagnant ma pensée, mon sentiment votre sentiment. Cela suppose que
nous y mettions la même intensité. Savez-vous ce que l’on entend par être ensemble ?
J’en doute. Cela veut dire partager, participer, chercher, s’interroger, penser de toute
sorte qu’il n'y ait aucune séparation entre celui qui pense et celui qui ne pense
pas. Si vous et moi nous penchons sur le problème au même moment, au même
niveau, avec la même intensité, alors, nous sommes ensemble. Ce n’est possible que si
vous consacrez toute votre vie à cela – car cela c'est votre vie ».
Réponse à une question sur le pouvoir de l’argent. La question du commencement
« Par où vais-je commencer ? Est-ce que nous nous comprenons bien ?
Comment vais-je m’attaquer à cette gigantesque question si complexe de l’autorité qui
se manifeste aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de nous ? Vous avez posé la
question et elle mérite qu’on s’y arrête sérieusement. Par où commencer ? Par
l’autorité que procurent l’argent, les biens, par celle que possèdent le pauvre et le riche
à des degrés divers ? Comment allez-vous vous y prendre ? Vous voilà bien
silencieux. Ma question est : par où commencer ? Je vois le pouvoir de l’argent –
restons-en à cela car l’argent sous-entend tout le reste. Mais nous pouvons mettre sur
le même plan le pouvoir des idées et celui des croyances ».
p. 93
« Je vois le danger du pouvoir car il asservit l’esprit ». La pauvreté est dégradante,
destructrice. Le pouvoir de l’argent est énorme, comme le pouvoir idéologique (Marx,
Jésus, Bouddha). « Alors, je me demande sous quel angle aborder ce problème vaste et
complexe : vais-je m’attaquer à l’argent ? » Vais-je être violent parce que je pense,
d’autorité, qu’être riche c'est mal ? « Alors, par où vais-je commencer ? Par ici ou
par là ? Le "là" est engendré par ce qui est "ici", autrement dit par l’esprit qui
vénère l’autorité. Autorité que je désire car je veux, moi aussi, jouir du pouvoir de
l’argent et des biens.
Je dois donc m’attaquer à la question du pouvoir, de l’autorité telle qu’elle se présente
à moi. Car là où je suis c'est le plus près, c'est donc ici même que je peux
commencer et non pas là-bas, car là-bas je ne peux rien y faire ». Je crois que je peux
faire quelque chose en votant pour un président ou député, mais je ne dois pas placer
ma confiance en eux. Je ne fais plus confiance à personne ni à une idée ou un pouvoir.
« Je me dis donc : "Je dois commencer ici même." En d’autres termes, je cherche à
comprendre pourquoi mon esprit vénère autant l’autorité qui est en moi que celle qui
m’est extérieure ».
p. 94
Je réclame l’autorité, peut-être parce que c'est « la condition essentielle du plaisir » :
j’éprouve du plaisir à posséder des biens, cela procure du prestige, une position
sociale ; un homme célèbre, qui est plein d’idées, qui a écrit des livres, possède du
pouvoir : je rêve peut-être d’être comme lui.
« Nous vénérons tous le pouvoir, quelle que soit sa forme ».
p. 95
Le problème de la souffrance
Les êtres sont humains sont confrontés aux souffrances psychologiques « depuis
la nuit des temps et ils ne les ont apparemment toujours pas résolues. Certains les ont
fuies, d’autres se sont tournés vers différentes explications, mais les explications ne
sont pas l’expression de la réalité. On l’a éludée, rationalisée, pourtant la souffrance
perdure ».
- Evénements récents
- + souffrances passées (exemple : « ces millions de personnes qui ont été tuées
en Russie pendant la Seconde Guerre Mondiale »). « Vous savez tout cela ».
« Cette immense douleur collective plane comme un énorme nuage ».
p. 97
Sans mettre fin à la souffrance on ne peut pas découvrir ce qu’est l’amour, peu
importe combien on s’interroge sur son sujet.
« Voyons cela de près »
p. 98
« Je vous rappelle que nous discutons ensemble – ce n’est pas mon problème, c'est le
vôtre ».
3 questions :
1. Qu’est-ce que la souffrance (psychologique) ?
2. Pourquoi souffre-t-on ?
3. « La découverte de la cause de la souffrance supprime-t-elle cette souffrance ? »
p. 99
2
« Si j’ai une douleur physique constante, je peux parvenir à en comprendre la cause et vivre avec sans me torturer l’esprit,
sans agir de façon névrotique ou de façon incohérente, agressive, violente ».
« C'est une occasion merveilleuse de s’échapper de ce profond désespoir, de
cette existence solitaire ». Mais même marié, avec des enfants, « cet isolement
persiste, nous l’avons soigneusement fabriqué tout au long de nos activités
quotidiennes : une existence centrée sur soi qui aboutit à l’isolement ».
p. 100
La solitude n’est « qu’un blocage d’énergie ». J’étais conscient d’être seul « et je
gaspillais mon énergie en me réfugiant dans diverses activités – sans intérêt, absurdes,
violentes ou soi-disant spirituelles. J’ai tenu grâce à ce déploiement d’énergie,
pourtant, je souffre toujours de solitude et mon énergie est totalement entravée. Je ne
sais pas si vous vous en rendez compte. C'est très intéressant. Si l’énergie n’est pas
dispersée, elle se concentre. Et, lorsqu’on ne se fuit pas, la passion naît. La passion
recouvre différentes formes : passion sexuelle, passion de la grandeur, passion de la
perfection, et celle qui consiste à devenir quelqu’un de totalement stupide » !!
On se rend compte que la fuite (« subtile, consciente, inconsciente, délibérée)
ne résout pas le problème mais « elle l’aggrave, car en voulant s’échapper on se lance
dans toutes sortes d’activités irrationnelles et absurdes ». Mais « si on ne s’échape pas
parce qu’on a perçu cette vérité, si on en a une vision pénétrante, alors le sentiment
d’isolement disparaît complètement, remplacé par autre chose, par la passion. Saviez-
vous que le sens étymologique du mot passion est souffrance ? C'est plutôt curieux,
non ? S’il n'y a n’y a aucun moyen, si subtil soit-il, d’échapper à la souffrance, celle-ci
se mue en passion ». On se demùande aussi quelle est la raison de la notre souffrance
(en dehors de la solitude) : est-ce l’apitoiement sur soi ? Cet apitoiement est « souci de
soi-même ». Vous menez la belle vie, moi pas. Vous êtes brillant, célèbre, etc., alors
que ma vie est mesquine, étroite, médiocre ». Comparaisons et évaluations/(p. 101)
« je me sens inférieur » = une des causes de la souffrance.
p. 101
« L’esprit, qui est pensée en tant que mesure, peut-il cesser de fonctionner, mettre fin à
lui-même de sorte que l’apitoiement prenne fin ? Je vous en pries, faites-en
l’expérience pendant que nous parlons ».
Une fleur ne demande pas qu’on la regarde ou qu’on la sente, mais « elle est là. »
(belle est belle et parfumée). Mais les humains ont « ce mécanisme de la pensée qui
dit : "Je dois être aimé, je ne reçois pas assez d’amour", ou : "Je dois t’aimer ». On
veut que cet amour s’exprime d’une certaine manière (« sexuellement ou dans la
camaraderie, l’amitié, platoniquement ou physiquement ») = l’esprit « exige d’avoir
une relation à l’autre fondée / (p. 102) sur son propre besoin et cela empêche l’éclosion
de l’amour. Nous l’avons dit : l’amour ne peut se manifester que lorsque la souffrance
a pris fin. L’amour ne peut pas exister à l’intérieur du cercle, du champ de la
souffrance ».
p. 102
ii. La peur
Pourquoi avons-nous peur ? De quoi avons-nous peur en particulier ?
C'est un sentiment d’insécurité. « L’enfant a besoin de sécurité absolue. Or le père
et la mère travaillent de plus en plus, et le foyer se délite ». Les parents sont très
préoccupés d’eux-mêmes, de leur réussite sociale, très soucieux de gagner plus
d’argent, d’élever leur standing : « ils n’ont plus le temps de procurer ce sentiment de
sécurité totale dont a besoin l’enfant. Ne savez-vous pas tout cela ? »
« La sécurité est une chose essentielle, non pas simplement pour vous et moi
mais pour tout le monde […] La sécurité est primordiale, sinon le cerveau ne peut
pas fonctionner de manière efficace et saine » (qu’on vive dans un ghetto ou un
palais). « Observez ce processus, la façon dont il se produit ».
- Tout le monde a besoin de sécurité = besoins matériels (nourriture, vêtements,
abri) et si j’ai de la chance je peux y subvenir.
- Mais « acquérir la sécurité au niveau psychologique se révèle être beaucoup
plus difficile ».
Donc je la cherche dans différents lieux (dans une croyance, une idée préconçue,
l’appartenance à une nation, à une famille, dans mon expérience). « La peur apparaît
lorsque je dois affronter le danger, le danger psychologique de l’incertitude », / (p.
103) quand je dois faire face à l’inconnu ou au futur ; ou quand je me compare à
quelqu’un qui me paraît plus talentueux.
p. 103
« Le cerveau peut-il connaître une sécurité absolue d’où toute forme de peur a
disparu ? »
3
« La pensée de ne pas être aimé est terriblement douloureuse » (K. décrit ce
sentiment).
« Ecoutez bien ceci, je vous prie. J’ai peur car je vois bien que mon cerveau réclame
une sécurité qui ne puisse pas être troublée afin de pouvoir fonctionner
efficacement, sainement, rationnellement. Lorsqu’il en est incapable, la peur apparaît.
Je vois cela très clairement. Maintenant, comment le cerveau peut-il trouver une
sécurité absolue de sorte que la peur n’existe pas ? ». Esprit = cerveaupensée et
existence (« votre esprit, votre cerveau – qui sont une seule et même chose, à partir
desquels naissent votre pensée, tout votre être »). On ne trouvera pas la sécurité dans
une croyance, des conclusions, des opinions, le savoir.
« L’esprit peut-il percevoir qu’il n’y a aucune sécurité dans les projections de la
pensée – les croyances, les conclusions ? ». Pensée« productions psychologiques
extérieures » sur lesquelles la pensée s’appuie (dogmes, rituels, sauveurs).
Lorsqu’elles sont menacées la peur apparaît. « La plupart des personnes intelligentes,
éveillées, ont balayé tout cela, certaines / (p. 104) peut-être complètement » (elles ne
sont pas adeptes d’une religion ou d’un parti politique).
p. 104
p. 105
Pb :
- Je sais qu’il me faut une sécurité totale
- Je suis en pleine confusion
Je cesse d’agir : « je suis perturbé parce que je croyais pouvoir faire quelque chose
pour chasser cette confusion. Je croyais pouvoir dépasser cet état mais l’entité qui
me dit que j’y suis parvenu fait partie de la confusion elle-même et est elle-même
créatrice de confusion. C'est pourquoi la pensée créatrice de la confusion dit : "Je ne
peux rien faire." ». Si elle prend conscience qu’elle ne peut rien faire, la confusion
cesse : l’esprit devient « très clair ».
4
Explication : « si l’esprit est capable d’affronter la vie intelligemment, tenter de découvrir ce qu’est
l’intelligence et s’il est éveillé, il peut affronter sans peur n’importe quelle situation ».
Tout ce en quoi nous avons mis notre foi a échoué (« si nous ne le voyez pas, vous
manquez de lucidité »).
L’esprit trouve la sécurité « lorsqu’il voit ce qui est faux, illusoire, quand il se
rend compte qu’il n’a pas de vision claire ». Vision véritable5 = sécurité =
intelligence.
Exemple : je vois que toute religion organisée est destructrice = vérité : cette
perception est la sécurité.
Autre exemple : je vois que si une imagine s’interpose entre vous et moi elle
empêche toute relation
Autre exemple : je vois que toute fuite de la solitude est destructrice et vaine.
p. 106
p. 107
Il faut observer une peur, « l’objectiver et la regarder en face sans la fuir », l’étudier, la
pénétrer pas à pas, trouver sa racine ; puis le faire pour une autre peur et se demander
si « sa racine » est différente, ou s’il n'y a « qu’une racine avec différentes branches,
comme un arbre ». « Si j’arrive à comprendre cette unique racine totalement, alors la
peur s’efface définitivement » (peur de la mort, de la solitude, de perdre son travail,
peur « de mon incapacité à assurer ma causerie après-demain, de tomber malade ». Ce
sont « diverses manifestations de cette peur centrale ». « Il n'y a qu’une seule peur,
qu’une seule racine, comme pour l’arbre qui se déploie ». Si l’esprit peut comprendre
« ce système racinaire très complexe », inutile de s’attarder sur « les peurs
périphériques ».
L’esprit ne peut observer « le système racinaire dans son ensemble » (vs. « les
différents manifestations de la racine ») que s’il ne cherche pas à se délivrer d’une
peur particulière. J’examine chacune de mes peurs et parviens à la racine = « le désir,
la volonté d’être, la volonté de s’affirmer », le « besoin d’exister présent dans le
5
« Je vois, j’ai une vision pénétrante, je suis conscient, je perçois la vérité que »…
système racinaire » = vecteur des autres peurs. L’esprit peut-il regarder cette peur,
« vivre avec elle sans essayer de s’en défaire » ? « Dès que je la prends pour cible, que
j’exerce ma volonté sur elle, mon esprit opère dans la confusion, à partir d’une
conclusion en s’efforçant de / (p. 108) la dépasser, ce qui entraîne un conflit », lequel
alimente la peur.
p. 108.
Regarder la racine de la peur (vs. ses manifestations) = « considérer dans son ensemble
l’arbre de l’existence dont l’une des branches est la peur ». « La peur racine […] la
peur dans sa totalité » (vs. une peur particulière, mes « peurs personnelles avec leurs
différents visages »).
p. 109.
Le plaisir
« Vous savez, quand on parle de la peur, une autre question surgit, celle du plaisir, de
la jouissance, de la joie et du sentiment de la beauté sans aucune exigence
d’expression ».
« La plupart d’entre nous recherchent le plaisir et le cultivent » (plus loin : « tout le
monde » le recherche). Dire que le plaisir est bien ou mal ce n’est pas émettre un
jugement de valeur : « nous nous contentons de chercher, d’observer ». Le plaisir
6
moi/non-moi, nous/eux, ma maison/votre maison, mon Dieu/votre Dieu, etc.
fonde la philosophie, la religion, l’organisation sociale et notre moralité ! Plaisir
suprême : Dieu.
Plaisir et peur = « les deux principaux moteurs de notre existence »
Le plaisir n’a pas de rapport avec l’amour, la jouissance, la joie : plaisir et quête du
plaisir sont le produit de la pensée. Exemple : le souvenir de la joie prise à contempler
une montagne / (p. 109) est cultivée par la pensée et devient plaisir. (« la mémoire, en
tant que pensée, dit : "Je veux demain retourner voir ce spectacle »).
p. 110
« Qu’est-ce que la joie ? ». L’amour n’est pas le désir ni le plaisir. Pas d’amour sans
« compréhension du fait d’aller au-delà de la souffrance », compréhension de la peur et
du plaisir. L’esprit ne peut convier la joie : elle survient lorsqu’on ne la recherche pas.
Quand la joie apparaît, la pensée en veut davantage et « la joie se transforme en plaisir.
Vous voyez comme c'est extraordinaire ce dont est capable la pensée ? ». L’amour ne
peut exister que si le plaisir n’est pas. « Par le négatif vous arrivez au positif ». On
découvre l’amour quand on comprend ce qu’est la peur, la sécurité, la souffrance, la
quête du plaisir sans fin, quand on voit tout ça dans sa totalité et qu’on le dépasse.
p. 111
p. 112.
Tout ce que je peux faire est peut-être « de garder le silence et, si vous avez de
l’amour, si vous savez ce que signifie aimer, rester dans cet état de silence aimant ».
Aimer = « avoir ce sentiment de compassion cette passion, cet amour universel »
Pour aimer, il faut se comprendre et se connaître = connaître que je suis la peur,
l’égoïsme, etc. « Si vous vous comprenez vous-même, votre sagesse vous dira
comment vous comporter avec l’autre ». Mais il ne vaut mieux pas partir avec l’idée
de vouloir aider (comme les missionnaires en Orient, qui ne font qu’apporter d’autres
fardeaux aux gens).
Question : « Est-ce parce que nous n’avons pas votre vision pénétrante que nous vous
demandons de faire quelque chose que nous incapables de faire ? »
p. 113
K. : « Je n’ai aucune vision. Qui vous a dit que j’en avais une ? Je ne plaisante pas.
Qui vous a dit cela ? Nous partageons la même vision ; ce n’est ni la mienne, ni la
vôtre. Comprenez cela, je vous en prie. Je ne partage pas ma vision avec vous ; c'est
une vision qui nous est commune. Ce n’est ni la mienne ni la vôtre. C'est la vision
pénétrante, l’intelligence. S’il règne cette intelligence entre nous, alors nous agirons de
façon juste, nous créerons un nouveau monde, de nouveaux êtres humains, etc. »
p. 114
il s’agit de savoir quelle chose choisir entre deux choses. C'est la pensée qui décide :
« la pensé a créé cette division. La pensée a créé l’incertitude entre les deux
possibilités de choix ». Il y a là de l’indécision : « il n'y a indécision qu’en l’absence
de clarté ».7 Liberté = « l’esprit est assez clair pour ne pas avoir à demander, à décider
quoi que ce soit ».
« Mon esprit, habituellement si confus, fragmenté et dispersé, peut-il aspirer à une
clarté parfaite ? Il ne le peut que si je le vois en totalité » (vs. « les différents fragments
qui le composent, mis bout à bout pour en faire un tout »). Description de la vision
totale :
« lorsque mon esprit voit toute cette fragmentation, qu’il voit comment les fragments
sont rassemblés et pourquoi ils sont en contradiction les uns avec les autres, ma vision
n’est pas analytique – elle englobe tout à la fois, d’un seul coup d’œil ». Cela n’arrive
que lorsque l’esprit ne laisse pas la pensée intervenir, « lorsque la pensée ne s’ingère
pas dans l’observation » (pensée = « le facteur de la fragmentation »).
p. 115
« Un esprit qui n’a pas peur, qui n’est pas en quête de plaisir, qui peut connaître la
joie sans la transformer en plaisir ». Il s’agit de découvrir par nous-mêmes quel est
cet état. Il est important de se sentir totalement en sécurité pour « fonctionner
normalement, sainement. […] Le cerveau cherche à se rassurer avec des croyances,
des dogmes et des conclusions et, ce faisant, il s’y attache. Et, s’il est le moins du
monde éveillé, il découvre que la sécurité, la certitude ne résident dans aucune de ces
choses chose, et tente alors d’inventer une illusion qui le satisfasse, à la fois sur le plan
intellectuel et émotionnel ».
Un processus « se reproduit constamment dans notre existence : après avoir en vain
cherché la (p. 116) sécurité, une certitude dans la relation, le cerveau parvient à une
conclusion à laquelle il s’accroche. Puis, lorsque cette conclusion est remise en
question, battue en brèche, il en adopte une autre puis une autre et, peu à peu, il en
vient à s’attacher aux choses » = naissance de l’attachement aux biens, gens et idées.
Creuser la question de l’attachement permet de mieux comprendre « le sens profond »
du mot « mort ».
L’esprit est attaché aux biens, personnes, idées
Idées = « des conclusions, des opinions, des traditions, une formule, toutes
forgées par la pensée soit sous forme d’une image, d’un mot qui est symbole,
soit sous forme d’une illusion nébuleuse, née de l’imagination ».
« Si on se contente de rechercher la cause, l’esprit n’est pas pour autant libéré de
cette cause ». Le phénomène de l’attachement ne disparaît pas si on le « décortique »
intellectuellement. « Il ne prend fin que lorsque nous avons la vision pénétrante du
7
Exemple : « si je ne sais pas comment me rendre à Berne ou Montreux, alors, je demande mon chemin. Si je
sais, je ne demande pas. Il n'y a de décision à prendre, je me mets en route ».
processus global de l’attachement ». Vision pénétrante, voir la vérité de quelque
choseliberté, intelligence.
p. 117
Attachementconflit : « on s’aperçoit, au bout d’un moment, que cela n’en vaut pas la
peine et l’on se met à cultiver le détachement »détachement.
« Je vous en prie, ne vous contentez pas d’écouter une succession de mots, d’idées et
de conclusions ; nous cherchons ensemble ce qu’implique le fait d’écouter et de
prendre plaisir à la chose que l’on étudie car, ainsi, on apprend beaucoup plus
vite, alors qu’en se faisant une montagne de tout on n’apprend pas. Pour moi, c'est
une vraie joie, si je peux utiliser ce terme, que de comprendre pourquoi mon esprit
est attaché aux biens. Je veux le savoir sans en faire un problème, car si j’en fais un
problème je vais vouloir le dépasser et mon esprit va créer l’idée du détachement ».
Dans cette situation, l’esprit est incapable d’apprendre. « Il peut comprendre les effets
de ce conflit, mais il ne peut pas remonter à la "cause racine" de l’attachement ».
Plaisir ≠ joie.
PLAISIR JOIE
A une cause : « la joie surgit d’instant en instant »
« La recherche du plaisir est liée à la
mémoire d’un plaisir antérieur que l’on
veut prolonger »
« On peut cultiver le plaisir » « On ne peut pas cultiver la joie »
« Le cerveau se détend ».
p. 118
« L’autre jour, une personne qui semblait avoir quelque connaissance du sujet m’a dit
que les scientifiques ont récemment découvert qu’au moment où l’on ressent de la joie,
une glande située à l’arrière de la tête rend le cerveau plus actif sans qu’il soit soumis à
un effort supplémentaire ».
La joie est nécessaire à l’apprentissage. On ne peut pas « éprouver de la joie, être
heureux en apprenant lorsqu’on compare, juge, évalue ou lorsqu’on emmagasine ce
que l’on apprend afin d’en jouir davantage ».
« Je vous en prie, soyez attentifs au fonctionnement de vos cellules cérébrales ! Cela
fait partie de la méditation : observer sans faire intervenir la volonté. La volonté
engendre le conflit ».
« Ce que nous essayons de faire maintenant – n’employons pas le mot "essayons",
désolé. Je ne l’aime pas : le fait d’essayer sous-entend un effort. Je dirais plutôt : ce
que nous faisons. Si vous le faites, cela se poursuit ».
« Ce que nous faisons, c'est observer la raison de l’attachement de l’esprit aux biens
parce que, si l’esprit n’en comprend pas la raison, la mort devient terrifiante ».
i. L’esprit s’attache-t-il tant aux biens « parce que rien n’est plus durable que
les biens matériels ? ».
« Observez et vous verre. […] Creusez la question et vous verrez par vous-mêmes ».
« Les relations humaines sont incertaines ». Relationsconflit, querelles ».
p. 119
Les relations sont teintées de jalousie, d’anxiété, de peur, de plaisir sexuel ou autre, de
camaraderie et de suite ». Les idées sont incertaines, parfois obscures. Seuls les biens
matériels semblent m’offrir « une certaine permanence ». Mêmes les pauvres gens du
Vietnam ont des biens et y sont attachés.
ii. L’esprit s’attache aux biens « parce qu’il a besoin d’être occupé »
Il n’est jamais calme et immobile, mais occupé et cette occupation devient très
importante. On va à son travail pendant de nombreuses années et « quand cette
occupation prend fin, l’esprit aussi prend fin ». « L’esprit a besoin d’être accaparé par
quelque chose ».
p. 120
L’esprit a besoin d’être occupé « parce qu’il ne semble pas avoir d’existence propre en
dehors des choses auxquelles il est attaché ». Contenu de la conscience = bien
possédés, idées, images de soi ou d’autres. L’esprit « n’a pas d’existence en soi si ce
n’est son contenu » (« les meubles sont l’esprit »). « L’esprit n’a pas de qualité
propre », donc l’attachement devient très important. « L’esprit étant dépourvu
d’existence propre, en trouve une dans son contenu » (attachements, idées).
« Vérifiez-le par vous-mêmes ».
Solitudel’esprit a besoin de s’occuperattachement aux biens.
p. 121
« L’esprit, n’ayant aucune qualité, aucune vitalité, existence, énergie qui lui soient
propres, s’évertue à trouver tout cela dans le cadre de la relation ».
« Observez cela en vous-même, je vous en prie, ne vous contentez pas seulement
d’écouter l’orateur. Regardez vraiment ce qui se passe en vous ».
Confusion entre l’amour et ce qui n’est pas l’amour (« la résponsabilité, le
comportement névrotique »)images créées par la pensées et rassemblées sous forme
d’idées (« toute la gamme d’idéation, d’intellectualisation »)
Idée = « l’expression raisonnée et l’affirmation verbale d’une pensée ».
Pensé être= « l’écho de la mémoire et du passé »
Nous vivons dans le passé (qui peut peut-être se projeter dans le futur). « Nous
sommes donc ligotés au passé.
Pourquoi l’esprit vit-il, agit-il en fonction des conclusions (ou « une formule ») de la
pensée ?
p. 122
p. 124
p. 125
Le caractère
Il est fondé en partie sur l’expérience.
Les particularités sont une construction
« Nous avons tous des traits de caractère et un tempérament différent mais, au fond,
nous sommes tous conditionnés ». Notre conditionnement influe sur notre
tempérament et notre singularité, donc les tempéraments et traits de caractère diffèrent.
On ne peut jamais trouver un équilibre entre ceux des uns et des autres pour créer une
harmonie entre nous : l’harmonie entre nous suppose la vision pénétrante de la totalité
du conditionnement.
« Faisons une pause car il est fondamental de réfléchir à cette question ». Problème :
différences de tempéraments et de particularités (conditionnement intérieur) +
tentative d’instaurer de l’extérieur l’harmonie entre nous (effort d’ajustement).
p. 126
p. 127
La mort
Pour avoir une vision pénétrante de la question de la mort, il faut ne pas avoir peur. La
peur ne se manifeste que lorsqu’on est attaché aux choses connues. Comprendre la
nature de la mort nous effraie : « C'est comme une machine très complexe, on n’ose
pas y toucher parce qu’on ne connaît rien à son sujet. Mais si vous l’abordez très
simplement, c'est-à-dire en essayant vraiment d’apprendre à son sujet, en goûtant cette
démarche, cette recherche, alors vous apprenez. Mais vous ne pourrez pas apprendre si
elle vous dérange et vous effraie ».
p. 128
« Je ne sais pas par où commencer ». Savoir s’il existe quelque chose de permanent (=
« qui a une continuité ») en tant que « moi ». Le moi est le nom et ce nom n’a aucune
permanence, « mais la pensée, en s’identifiant au corps, à l’image, au savoir, à toutes
les expériences vécues, aux malheurs, aux plaisirs, aux angoisses […] lui confère une
qualité de permanence ». « Ce sujet vous intéresse-t-il ? Que cela vous plaise ou non,
vous y serez confrontés » (accident, maladie, épuisement des forces de l’organisme).
« A la fin, le fait est là ».
Y a-t-il quelque chose de permanent au-delà de la mort, c'est-à-dire « hors du temps,
quelque chose qui ne peut être corrompu ni par la civilisation ni par la culture, (p. 129)
quelque chose qui, en dépit de toutes les expériences, du savoir, des stimuli, des
réactions, a une existence propre et qui perdure en tant que "moi" ».
p. 129
C'est la pensée qui croit à l’âme ou à Dieu. « C'est la pensée qui a peur de l’inconnu
car la pensée est le connu, elle est le temps, elle s’identifie à l’ancien, la pensée n’est
jamais libre ». Description de la façon dont la pensée construit la croyance à une
continuité après la mort. Si on se demande comment voir clair dans tout cela, c'est
encore un acte de la pensée, fondé sur la peur, l’imagination, le passé.
p. 130
Comme la pensée n’a pas trouvé la sécurité dans le passé, elle se restreint au cadre du
connu, elle considère le connu comme son territoire ; elle en connait les limites =
conscience, contenu. C'est familier à la pensée, alors que la mort lui est inconnue, donc
elle n’en veut pas. « Ma vie se résume donc au passé, je vis dans le passé, j’agis par le
biais du passé ; c'est ma vie » = « vie mort ». L’esprit qui vit dans le passé est un
« esprit mort ». Mais la pensée considère que c'est le futur qui est la mort. Je vois cela
« comme un fait, comme quelque chose d’indubitablement réel ». Donc l’esprit meurt
au passé. « Il continue à s’en servir mais le passé a perdu son emprise, sa valeur, sa
vitalité. L’esprit a alors sa propre énergie, qui ne provient plus du passé. Par
conséquent, vivre, c'est mourir, mourir au passé. Vivre, c'est aimer, c'est-à-dire
aussi mourir. Car l’amour n’apparaît qu’en l’absence d’attachement ». On n’est plus
attaché au passé mais il « reste précieux et utile en tant que savoir accumulé. Ma vie
est alors un mouvement constant de renouveau, un mouvement constant dans le champ
de l’inconnu où il m’est possible d’apprendre, de bouger. Mourir est donc un état de
suprême solitude qui donne à la vie une qualité totalement différente ».
p. 131
K. évite d’utiliser les mots de « renoncement » et d’« abdication ». Dire qu’on ne doit
pas être attaché est « un acte de volonté accompli par la pensée, dans lequel il n'y a
donc pas de liberté. Mais si vous percevez cela, la liberté est totale ».
« Toute conversion est une ineptie ». Il ne faut pas croire ce qu’un autre nous dit ;
mais celui qui dit d’observer par nous-mêmes n’exerce pas une autorité.
p. 132
Les images
« Comment des images peuvent-elles traduire des sentiments réels alors qu’elles-
mêmes sont mortes ? ». Chaque image « est appelée à susciter une réaction et des
sentiments névrotiques ». Ce sont les images qui nous apportent « vitalité,
sensibilité », qui nous soutiennent, nourrissent et elles continuent « à provoquer des
réactions névrotiques » tant qu’on n’a pas une vision pénétrante du mécanisme qui
fabrique des images (même si l’intellect dit que « ces stimuli sont faux et réels »).
« Le sommeil sans rêves est un état de l’esprit dans lequel il n'y a ni images ni
conditionnement ni temps ». K. semble reformuler par là la pensée d’un interlocuteur
qui trouve cela évident.
p. 133
Les rêves
« Ce qui est évident n’est pas nécessairement réel. Ce qui est réel, c'est de voir si j’ai
des images », etc. « Mes nuits sont ce que sont mes journées. La dynamique de ma
journée se prolonge dans mes rêves lorsque je dors. Ne pas avoir de rêves est l’une des
choses les plus importantes car, lorsque l’esprit est au repos, lorsqu’il est dans un état
de parfaite quiétude, il se régénère. Mais, s’il prolonge le désordre de la journée, alors
il lutte pour mettre de l’ordre ». « Le cerveau ne peut fonctionner normalement,
sainement, de manière non névrotique, qu’en l’absence d’images, lorsqu’il n’est pas en
conflit et est totalement en ordre. Mais si, pendant la journée, vous vivez de façon
désordonnée, il essaiera d’instaurer un ordre la nuit, au travers du rêve ».
Sommeil sans rêve si :
- la journée se déroule en pleine conscience,
- si on tente de découvrir et d’apprendre,
- s’il y a apprentissage, vision pénétrante et la joie qu’elle procure (= l’esprit a
établi l’ordre pendant le jour »)
dynamique et vitalité de l’esprit tout à fait différentes.
p. 134
Question : changer la nature de nos relations conduit à être égoïste et à faire du mal
aux autres.
K. : « Quelle est la réponse ? C'est la question, n’est-ce pas ? ». Voir le danger de
quelque chose (par exemple le nationalisme) n’est pas de l’égoïsme.
p. 135
Importance et danger des mots
« Les mots sont nécessaires pour communiquer. […] Les mots sont donc importants
dans la communication, si nous parlons tous deux la même langue et si nous leur
donnons la même signification. […] Les mots sont donc importants car ils ont un
référent qui nous est commun, mais ils représentent aussi un danger car ils sont les
vecteurs des pensées : je pense à une chose, je la mets en mots et par l’intermédiaire
des mots je vous la transmets. Si ma pensée est informe, confuse, j’utilise alors des
mots qui vous sont clairs en apparence, mais en réalité trompeurs » ; ou je peux
vouloir vous tromper. [Les mots ne sont pas le moyen de communication le plus
efficace :] On peut lire la pensée de quelqu’un sans qu’elle soit mise en mots.
p. 136
p. 137
« Découvrir quelque chose qui n’est peut-être pas de la nature des visions ou
"expériences", mais une dimension réelle où la pensée ne peut pénétrer ».
« Nos existences sont généralement assez ennuyeuses, mornes et dénuées de sens ».
Essayer de lui donner un sens intellectuel « n’a guère plus de sens. « Alors, pour tenter
d’enrichir notre vie, lui donner davantage de consistance, nous nous tournons vers
l’occulte ou la magie […] ou nous nous abandonnons à toutes formes de distractions.
Car notre façon de vivre est passablement étriquée, répétitive, ennuyeuse, timorée,
anxieuse, etc. ». Quand nous parlons de religion « cela prend davantage allure
d’échappatoire » plutôt que de réalité ».
p. 138
« Mettons de côté » les religions organisées et leurs croyances, dogmes, prêtres,
organisations = produits de la pensée.
« Qu’est-ce qu’un esprit religieux ? Que veut dire vivre dans un esprit religieux ? Cette
question est vitale, au même titre que sont l’amour, la mort, la souffrance et les
relations humaines ».
« Religion signifie "relier", de même que le mot yoga signifie "jonction", c'est l’idée
de deux bœufs unis sous le joug. Dans le sens courant, religion et yoga expriment la
même chose : réunir, joindre, relier – le haut et le bas, l’esprit et la matière et ainsi de
suite ».
« Lorsqu’on dit joindre et relier, cela sous-entend, en premier lieu, une division.
Pourquoi a-t-on opéré un clivage entre ce qui est religieux et ce qui ne l’est pas, entre
l’esprit et la matière, le supérieur et l’inférieur ? Pourquoi une telle fragmentation de
notre existence ? La distinction entre l’esprit, le cœur et le corps a toujours existé.
Nous ne considérons pas l’existence dans sa globalité ; nous la divisons pour ensuite
rassembler les éléments épars ». Cette reconstitution suppose l’existence d’un agent
qui, par des pratiques, ressoudera notre existence fragmentée et divisée.
« Suivez-moi bien, si ce sujet vous intéresse. Nous partageons tout ceci ».
p. 139
La religion ne peut apporter l’harmonie en nous : cette harmonie n’a rien à voir avec la
croyance, un sauveur, un gourou, un agent extérieur (dont on suppose l’existence) ou
un effort extérieur. « Suis-je clair ? Vous semblez perplexes. Bon, je vais exprimer
cela autrement ».
« Je vois par moi-même que l’esprit, avec le cerveau, ne peut fonctionner que dans une
complète harmonie (p. 140) intérieure – une harmonie totale et non fragmentaire ».
p. 140
p. 141.
Il faut du temps pour cultiver l’harmonie, par des exercices (mentaux ou physiques) ou
en contrôlant ma pensée, ou en se traçant et en suivant une ligne de conduite par un
acte de volonté.
« Je vois que l’esprit, le cerveau, le cœur, le corps peuvent fonctionner à merveille,
facilement, sans heurts quand il y a un sentiment de globalité, sans division. Je vois
cela très clairement. Je le comprends d'abord intellectuellement, puis je l’exprime et je
me rends compte que cela ne vaut rien. Alors comment l’esprit amène-t-il cette
harmonie ? Cette question a-t-elle un sens pour vous ? ».
« Vivre dans un esprit religieux », avoir « une vie religieuse » ≠ croire ou ne pas
croire en Dieu/Des dieux, avoir des visions et des « "expériences" »
« Je dois donc être très clair et trouver ce que signifie vivre dans un esprit religieux.
Car je pressens que » si c'est possible mon actions sera harmonieuse et sans
contradiction.
Peur et illusionstructure de la croyance. L’esprit rejette l’ensemble de cette
structure.
« S’il vous plaît, je vous rappelle que nous faisons route ensemble, que vous partagez
cela avec moi, que nous réfléchissons, que nous créons tous ensemble et qu’en
conséquence nous établissons une communication juste entre nous ».
Je rejette « toute autorité, car elle est toujours extérieure à moi-même, elle représente
toujours l’acte de la pensée qui cherche un guide en quelqu’un d’autre », lequel me dit
ce que je dois faire et me dicte ma ligne de
conduitedivisionconflitdysharmonie.
p. 142.
p. 143
p. 144
p. 145
p. 146
« S’il vous plaît, ne croyez pas sur parole ce que je dis, ce que dit l’orateur – vérifiez-
le par vous-mêmes ».
p. 147.
« Je vois qu’il faut se débarrasser du connu ». « La pensée doit fonctionner à un certain
niveau, sinon je ne peux rien faire mais, si nous nous interrogeons pour découvrir ce
qui n’est pas mesurable – si le non-mesurable existe –, la pensée doit rester totalement
silencieuse » pour permette de voir. « La perception de quelque chose de neuf est
création » ≠ peinture, écriture, production de ce genre : cela reste dans la limite du
connu, du schéma de la pensée avec son imagination, ses procédés, ses souvenirs.
L’esprit doit être complètement silencieux « sans être réduit au silence », car c'est le
désir d’avoir l’esprit au repos qui lui impose le silence = divisionconflit et
dysharmonie.
Comment l’esprit peut-il être totalement au repos ?
« L’esprit, c'est-à-dire les cellules cérébrales elles-mêmes ».
« Les cellules cérébrales sont les dépositaires des souvenirs et, si elles sont saines, ces
souvenirs réagiront sainement ». Mais si elles ne sont pas saines, « on se comporte de
façon névrotique ou alors on se laisse prendre dans les mailles de l’illusion ».
« Le cerveau doit donc être calme mais actif en cas de nécessité. Pourtant, avoir un
esprit parfaitement calme, subtil, souple, vif, sensible, libéré du connu tout en
fonctionnant dans le cadre du connu pose problème. Les deux états doivent
coexister en permanence, sinon il y a dysharmonie ». Le savoir, mémoire, expérience
« sont absolument nécessaires, sinon on ne pourrait pas communiquer ».
p. 148
Le danger apparaît quand la pensée fait appel au savoir dans son activité autocentrée,
par désir de sécurité.
Il n'y a pas de méthode pour que l’esprit devienne silencieux. C'est la pensée qui
met en pratique la méthode. D’où vient « ce besoin constant d’expérience ». Pourquoi
l’esprit réclame-t-il des expériences ? « Parce que vous vous ennuyez dans votre
existence routinière et mécanique ? Parce que vous voulez vivre quelque chose qui
sorte de l’ordinaire ? ». On utilise un moyen mécanique pour faire l’expérience de
quelque chose qui n’est pas mécanique ! « Si vous en faites l’expérience, elle devient
mécanique puisque la pensée en est à l’origine ».
p. 149
Tout besoin d’expérience fait partie de la pensée, qui veut retirer du plaisir de
l’expérience. « Vous ne voulez pas vivre des choses laides ou pénibles ; vous ne
voulez vivre que des expériences agréables et Dieu, bien sûr, représente le plaisir
suprême ». Quand l’esprit le comprend, il ne réclame plus d’expérience et l’illusion
disparaît.
Métaphore de l’éveil
Exemple du gadget « Alpha Méditation » aux Etats-Unis : grâce à une mesure
électronique, il indique si l’esprit est calme ou pas, même si dans la vie quotidienne, je
suis « idiot, stupide, borné, illogique ».
Les techniques de méditation permettent de savoir si l’esprit est calme
p. 150
On ne peut pas savoir si l’esprit est calme : « si vous savez qu’il est calme, il n'y a plus
de calme puisque vous êtes en train d’observer votre esprit que vous croyez calme. Il
est donc impossible de faire l’expérience d’un esprit calme – voyez la beauté de
cela ». Idem pour la joie ou le bonheur. « Lorsque l’esprit est au repos, il n'y a pas
d’observateur pour le vérifier ». On n’en a pas conscience. « Vous pouvez vous rendre
compte que vous êtes heureux lorsque vous n’en faites pas un problème. Le problème
n’apparaît que si votre volonté vous intime d’avoir l’esprit calme ». On ne peut pas
empêcher le penseur de penser, mais seulement apprendre ce qu’est la nature de la
pensée, son fonctionnement et son mouvement. Alors le calme de l’esprit apparaît.
« Cela se passe ainsi lorsque le cerveau, l’esprit et le corps sont parfaitement calmes,
c'est-à-dire lorsqu’il n'y a pas d’entité en train d’évaluer, de comparer en
permanence ».
« Le silence, le calme impliquent de l’espace ». Chacun dispose de « peu d’espace
intérieur et extérieur ».
p. 151
Quand on vit dans un petit appartement, dans un espace clos et réduit, « on a envie de
tout casser » : ça fait partie de notre violence = « la violence que nous avons héritée,
propre à l’animal agressif que nous sommes » + violence « engendrée par le
confinement et l’espace restreint qui caractérise la vie citadine » (vacances). « A
passer quarante ans de sa vie enfermés dans un bureau, les uns sur les autres, tout le
corps se révolte ». Les oiseaux perchés sur les fils téléphoniques « laissent entre eux
un espace régulier. C'est pour eux un besoin ». Mais « nous ne voulons pas d’espace,
nous voulons vivre les uns sur les autres car nous avons peur d’être seuls ».
Nous manquons d’espace sur le plan émotionnel parce que nous sommes attachés.
Manquant d’espace, on devient violent ou on fuit en adoptant des positions sectaires,
en rejoignant des organisations religieuses, en suivant des gourous. « Nous nous
fuyons nous-mêmes ».
« L’espace est une expansion qui peut contenir des objets ou en être dépourvu ».
L’esprit est encombré d’objets. « Les pensées aussi sont des objets ».
p. 152
« L’esprit absolument silencieux est un espace vide. Dès qu’un objet s’y introduit, il
crée un espace autour de lui et il n’existe plus d’autre espace. Dès qu’un nouvel
élément pénètre dans l’esprit […] chaque élément crée son propre espace ». « Nous
essayons d’agrandir ces petits espaces dans l’espoir de capturer l’espace immense ».
« Je me demande si vous suivez ».
L’esprit silencieux « possède un espace dans lequel il n'y a rien », donc où « l’attention
n’est plus accaparée par quoi que ce soit, c'est simplement un état d’attention », qui
contient « un espace extraordinaire ». « Ce n’est que lorsqu’il y a inattention que
l’objet prend de l’importance. L’attention ne se cultive pas ». « C'est totalement
stupide » d’aller dans une école, au Japon ou en Inde, etc., pour apprendre à être
attentif. « L’attention est cet extraordinaire sentiment d’espace ». Il implique que
l’esprit soit silencieux. « Ce silence est harmonie parfaite ». Alors l’esprit cesse de
dépenser son énergie inutilement. « Nous avons besoin de déployer une énergie
colossale pour transformer ce qui est », « dépasser ce qui est ».
p. 153
La vie est « un mouvement harmonieux lorsque l’esprit ne gaspille plus son énergie à
vouloir dépasser ce qui est. Car l’attention est la concentration de toute énergie ».
C'est de la méditation. « Existe-t-il quelque chose au-delà de toute pensée, quelque
chose d’incommensurable, d’innommable, qu’aucun mot ne peut décrire ? ». Si on ne
place pas sa foi en quelque chose ou quelqu’un, on est libre : l’esprit ne gaspille plus
son énergie, il « se remplit d’une énergie extraordinaire sans avoir besoin de stimuli
extérieurs. L’incommensurable ou l’innommable n’apparaît que dans cet état. Et
personne ne peut vous le décrire ».
p. 154
p. 155
p. 156
« Ecoutez bien, je vous prie. Nous cherchons tous ensemble. Je ne suis pas en train de
fixer la loi, je ne suis pas l’oracle de Delphes ».
Je cherche un emploi en fonction de mon caractère = un emploi que j’aime. Or mon
tempérament, mon caractère sont le résultat de mon conditionnement ; ils sont produits
par la société. Je choisis mon travail en fonction de mon conditionnement.
« Je me demande alors ce que doit faire quelqu’un de sérieux qui vit dans une société
aussi complexe »
p. 157
DEUXIEME PARTIE
« Débattre implique non seulement de considérer, peser, réfléchir tous ensemble mais
aussi d’approfondir les problèmes, pas à pas, méticuleusement, connaissant nos
préjugés, nos lubies, c'est-à-dire en étant attentif, non seulement à l’orateur mais aussi
à nos propres réactions, aux partis pris et à nos sottises – pardonnez-moi de dire les
choses ainsi. De telle façon qu’avec sérieux, sans nous séparer, nous diviser, sans
prendre parti, vous d’un côté et l’orateur de l’autre, nous observions ce qui se passe
dans le monde. Pas uniquement dans ce pays mais dans le monde entier : en matière
d’économie, de science et de politique, chez les socialistes, les libéraux et les
conservateurs. Par conséquent, cela n’est pas un séminaire de week-end, mais quelque
chose de très sérieux ; non un sérieux de gens d’Eglise, mais un sérieux qui se
poursuive après que nous nous serons séparés.
« Débattre implique encore de bien cerner le problème, de prendre des décisions puis
d’agir. Tout cela est contenu dans ce seul mot. Ensemble, et donc pas simplement
intellectuellement, sur le monde affectif ou fantaisiste, observons attentivement ce qui
se passe pour nous tous.
p. 162
En délibérant ensemble il faut se rappeler qu’« il n'y a pas d’aide extérieure. L’orateur
n’essaie pas de vous aider, de vous influencer, de vous convaincre, de vous flatter ou
de faire pression sur vous ». Nous sommes « ensemble dans cet état d’esprit où
n’existe aucune pression ou tentative de persuasion de la part des uns ou des autres.
Nous sommes ici pour affronter ensemble ces problèmes très importants et très
graves ».
Si on aborde ces problèmes « d’un point de vue particulier » (en tant que Français,
etc.), « c'est que nous sommes conditionnés par une motivation, connue ou inconnue »,
ce qui limite notre approche.
p. 163
« Défi » = « une chose que vous devez regarder en face, résoudre pour ensuite agir sur
elle ».
Comment aborde-t-on un problème en tant que tel (vs. problème particulier) ? Qu’est-
ce qu’un problème ? « Quelque chose qu’on vous lance, à quoi vous devez faire face
et répondre » (sens étymologique), « non par une réponse dictée par l’époque, les
circonstances, d’une manière pragmatique, fortuite » ou avec arrogance ou des partis
pris.
« Je vous rappelle que nous débattons ensemble : oubliez l’orateur. La personnalité n’a
pas du tout de place ici, laissez-la complètement de côté ».
p. 164
« Pouvons-nous creuser la question ensemble sans que l’orateur explique quoi que ce
soit, sans que vous acceptiez ou rejetiez ce qu’il dit mais en débattant, en délibérant, en
pesant le pour et le contre tous ensemble ? »
« Un problème, c'est quelque chose qu’on vous lance. C'est un défi que vous devez
relever, auquel vous devez appliquer toutes vos capacités intellectuelles, sans vous
contenter d’y répondre impulsivement ».
Notre cerveau est conditionné depuis l’enfance à résoudre des problèmes.
« Je ne suis pas en train d’expliquer les faits et vous de les tenir pour acquis. Nous
sommes tous dans le même bateau. Il se peut que certains rament plus vite, aient plus
de force, plus de talent que d’autres qui sont plus faibles, mais nous sommes tous dans
le même bateau ».
p. 165
p. 166
« Que comptez-vous faire ? Quoi que vous fassiez, ce sera un autre problème ». « Il
nous incombe de chercher d'abord si notre cerveau peut être libéré des problèmes
pour ensuite les comprendre et les résoudre » (quand on dit : je vais faire ceci, je ne
ferai pas cela, etc., cela crée davantage de problèmes).
Si on n’a jamais réfléchi à cette question et qu’on prend le temps d’y réfléchir, c'est-à-
dire « si je prends mon temps pour résoudre un problème qui doit être résolu
immédiatement, instantanément, d’autres problèmes » vont se présenter. Il faut
« trouver instantanément la solution ».
p. 167.
p. 168
« Tout cela [être aidé, conseillé, suivre quelqu’un, croire en quelque chose] devient
vain lorsque vous devez affronter la réalité. La réalité est ce que nous sommes, avec
nos multiples problèmes », etc.
Nous avons besoin les uns des autres
« … voir directement par nous-mêmes que notre esprit est conditionné, de le voir sans
qu’on nous le dise, sans l’avoir lu dans un livre ni en avoir été convaincu par
personne ».
Même les moines ne sont « occupés que d’eux-mêmes et de leurs petits dieux ».
« Est-il possible de voir directement par nous-même que notre esprit est conditionné,
de le voir sans qu’on nous le dise, sans l’avoir lu dans un livre ni en avoir été
convaincu par quelqu’un ? »
p. 169
Il faut le voir non « comme l’observateur qui regarde dans un microscope mais tout
simplement en étant conscients que notre esprit est terriblement conditionné à vivre
avec des problèmes ».
Si je n’en suis pas conscient, que « je n’y aie jamais pensé auparavant » et « n’aie
jamais entendu parler d’une chose pareille », si vous demandez si c'est possible ou
non, si mon cerveau est « assez vif, ni trop borné, ni trop dépendant de quelque
chose », il « commence à se demander s’il peut observer sa propre activité ».
« Pouvez-vous l’observer comme vous faites pour vous raser ou vous maquiller –
pardon ! […] Non pas comme quelqu’un qui observe de l’extérieur car cet
observateur-là est aussi l’observé. Il n'y a aucune différence entre celui qui est à
l’extérieur et celui qui est à l’intérieur. Vous ne dites pas lorsque vous vous rasez que
vous regardez votre visage de l’extérieur ; vous êtes là dans le miroir […] et votre
image c'est vous. Vous ne dites pas : "Eh bien, là-dedans, je ne me ressemble pas."
Vous êtes ce que vous êtes ».
Le cerveau est « le centre de toute notre activité […]. C'est le centre de toutes nos
réactions nerveuses, de tous nos conditionnements, de nos sentiments », etc.
p. 170
« Tout est là ». Si je ne le comprends pas, « tout ce que j’entreprendrai sera dénué de
sens ».
Sommes-nous conscients « de ce qui nous fait penser à une chose en particulier, de ce
que sont nos réactions, pourquoi nous si extravagants, psychopathes, pourquoi nous
nous accrochons à quelque chose, pourquoi nous éprouvons cette solitude, cette
tristesse, cette douleur, ce chagrin, cette anxiété et cette incertitude ? »
Cerveau = « cet organe qui est toujours agité, qui évolue sans cesse entre la surface et
les profondeurs obscures, qui ne recherche que son intérêt propre [...] cet arrière-plan
est toujours présent. En sommes-nous conscients ? Si je ne le suis pas, que vais-je
faire ? Aidez-moi ! Désolé, cela m’a échappé (rires), non, je ne demande pas votre
aide. Discutons de tout cela.
Nous avons cherché de l’aide partout » (livres, prêtres, psychologues, hommes
politiques), mais elle s’est révélée inutile « puisque nous sommes ce que nous sommes
maintenant ». Nous avons peut-être « changé un peu ici et là mais, en fait, nous
sommes restés ce que nous sommes ». Peut-on se « défaire définitivement de ce besoin
de chercher de l’aide extérieure ? Ce qui ne (/p. 170) veut pas dire que nous ne
devrions pas, vous comme moi, être ici ».
p. 171
« La pensée est-elle conscience d’elle-même en train de penser ? Cela n’a rien
d’intellectuel. Comprenez-vous ma question ? »
Que faire ou ne pas faire « pour devenir pleinement conscient de chaque mouvement
de la pensée ? ». Inutile de prier ou demander de l’aide à quelqu’un, mais on peut
« rester silencieux et observer. Par observer, nous voulons dire qu’il n'y a aucune
intrusion de mot, d’image, de symbole qui, par essence, soient de la pensée ».
« Observer sans le moindre mouvement du passé […] sans aucun mouvement de la
pensée […] sans y [à l’activité du cerveau que l’on observe] adjoindre des mots, des
affirmations, des négations » ; observer « avec une totale attention » et non pas avec
des images qu’on a construite de la personne observée, « car alors il ne s’agit pas
d’observation mais d’une simple projection des activités de votre cerveau qui ont
abouti à l’image qui s’interpose entre vous et lui ou elle ».
p. 172
Il ne peut y avoir perception, observation, « que lorsqu’il n'y a pas de mobile ». « Si
j’ai une intention, cette intention contrôle, façonne et modèle la perception,
l’observation. Alors peut-il exister une observation sans intention ». L’intention
« dissimule souvent l’intérêt personnel ».
« L’intérêt personnel est à l’origine de tous les processus de division, c'est-à-dire de
corruption. Il est la cause de tout conflit ».
Le conflit
« Le conflit est une déformation, il déforme tout point de vue. Le conflit est
essentiellement désordre. Sommes-nous ensemble en train de délibérer sur la question,
de la soupeser, de l’examiner en vue d’agir ? C'est le sens de ce mot ».
« Notre cerveau a un potentiel énorme que nous restreignons, que nous rétrécissons par
l’effet de l’intérêt personnel et du conflit ».
Le conflit vient du désaccord « entre l’idéal et les faits », « entre ce qui devrait être et
ce qui est », « le processus dualiste en chacun de nous ».
« Je vous en prie, nous faisons route ensemble, nous sommes dans le même bateau ».
p. 175
« Alors, avez-vous vraiment planté cette graine ? Ce qui signifie que chacun de nous a
écouté la question. Non seulement avec l’oreille mais en étant attentif à la réalité du
fait qu’elle représente. Le fait est que nous vivons sur cette planète depuis quarante-
cinq mille ans ou plus – et pas seulement quatre mille ans comme aiment à le penser
les fondamentalistes – et nous sommes toujours en proie au conflit ».
« Ne dites pas : "Je dois comprendre ce que Krishnamurti veut dire." K. ne veut rien
dire si ce n’est que nous sommes ensemble. Et il demande si la graine d’une vie sans
conflit a été plantée en profondeur dans le cerveau dont le terreau est bien plus fertile
que celui de la terre. Si c'est le cas, elle peut se développer, faire éclore la réponse, la
décision et l’action ».
« N’attendez pas, je vous prie, que l’orateur vous explique tout. C'est une question qui
s’adresse à chacun de nous, comme toutes les questions que nous allons examiner
ensemble »
La beauté
La beauté apparaît « spontanément lorsque le moi est absent »
p. 179
Le temps
« Le temps espoir, le temps passé, le temps lié à (p. 180) tous les événements de notre
vie »
p. 180
« Le temps psychologique du devenir : "Je suis ceci et je deviendrai cela. Je ne suis pas
heureux, mais un jour je le serai. Je comprendrai un jour" ».
On pense en termes de temps (ce qu’on a été, ce qu’on est et ce qu’on sera). « La
continuité de l’expérience, du savoir, en tant que mémoire », est « un seul mouvement
[…] un mouvement permanent qui oscille entre passé, présent et futur ». Ce
mouvement très important dans notre vie est source de problèmes : « on est dans
l’attente de quelque chose ».
Ce mouvement peut-il cesser ? « Laissons la question répondre par elle-même, ce
n’est pas à vous d’y répondre ».
« Le temps, ce mouvement, ce cycle, cet engrenage dans lequel nous sommes pris
depuis toutes ces années qu’il y a des hommes sur terre ».
p. 181
La sénilité
Même des jeunes peuvent être séniles. La répétition (par exemple celle du culte
religieux) est « un signe de sénilité ». Répétition « dans les habitudes, dans les façons
de penser », dans le trajet que l’on fait pour se rendre au travail, dans les relations : on
est si habitué à l’autre « que l’on n’éprouve plus jamais ce sentiment d’être
entièrement seul avec soi-même. Notre cerveau est captif de la routine qui garantit
sécurité, solidité, protection mais qui, dans la sphère psychologique, implique que l’on
ressasse les souvenirs et que l’on agisse toujours selon le même vieux schéma » =
sénilité.
« N’acquiescez pas, je vous en prie. Il ne s’agit ni d’approuver ni de désapprouver. Ce
serait une bonne chose que de se débarrasser de ces deux mots approuver et
désapprouver. Il s’agit de voir ce qui se passe réellement en (p. 182) nous »,
d’observer nos habitudes acquises depuis longtemps.
p. 182
p. 184
p. 184
« Vous êtes assis là, l’orateur est assis sur cette malheureuse estrade et nous
réfléchissons ensemble. Que veut dire penser ? L’orateur dit quelque chose, une
question vous est posée et le cerveau s’active. Il est mis au défi, en mouvement,
poussé, pressé, alors il se réveille et oui ou non. Et cela continue ainsi. Nous ne
creusons jamais en nous-mêmes car nous dépendons de beaucoup trop de choses :
livres, professeurs, gourous, chefs. Ici, il n'y a pas de chef, pas d’aide, aucun soutien
pragmatique et personnalisé. Vous devez trouver par vous-même ce qu’est penser,
quelle est l’origine de toute pensée et non pas d’une pensée particulière. La pensée a
évidemment une cause et l’on peut toujours remédier à ce qui a une cause. Quelle
est cette cause ? Si on la comprend, on peut la supprimer ».
« Si on en découvre la cause, la raison d’être, la racine, on peut la déraciner, la laisser
s’étioler et mourir. Si l’on découvre la cause, l’effet n’a plus de sens et la cause
meurt d’elle-même.
La pensée est associée au souvenir, à la mémoire, aux images qu’elle a assemblées.
Son fondement est l’expérience et le savoir. L’expérience engendre le savoir, qui est
« stocké dans le cerveau en tant que mémoire » et « cette mémoire réagit en tant que
pensée ». « Est-ce aussi simple ? ».
p. 185
« Si vous n’aviez aucun souvenir, vous ne penseriez pas, d’accord ? Soyons très
simples ! ».
La pensée se fonde sur le savoir : « plus vous avez de connaissances, plus vous
pensez ».
« C'est la question qui est importante, pas la réponse ».
« La réalité, c'est l’image que j’ai construite de ma femme (p. 186) et l’image qu’elle
s’est faite de moi ».
p. 186
« Ces images sont des réalités fonctionnelles qui n’ont rien à voir avec une relation
authentique ».
La pensée, « étant fondée sur le savoir, est donc constamment limitée et parcellaire. Il
n’existe pas de pensée globale, n’est-ce pas ? »
« Nous demandons : la pensée, le temps peuvent-ils prendre fin ? Vous ne vous êtes
sans doute jamais posé la question et vous ne pouvez donc pas y répondre parce que
vous n’avez pas fouillé profondément en vous-même, examiné, regardé, observé, et
non pas analysé, les profondeurs de votre existence et de votre cerveau ».
Peur et maladie
La peur est liée au temps et à la pensée. « La maladie qui nous effraie tant » a « une
valeur ou une signification », « un sens » : « lorsque la peur interfère avec la
maladie », on apprend quelque chose.
p. 187
p. 188
« Nous ne parlons pas d’une peur en particulier, car si l’on saisit la racine de la peur,
tout son contenu, alors on peut s’attaquer à ses diverses manifestations »
« … depuis deux millions d’années d’évolution »
p. 189
Réflexion communetrouver la causey mettre fin immédiatementlibertévérité
« S’il vous plaît, n’acceptez rien de ce que dit l’orateur et ne répétez pas les termes
qu’il emploie, mais creusez la question. Pour découvrir quoi que ce soit sans vous
borner à accepter les paroles d’un autre et vous livrer à lui, il vous faut une formidable
énergie que seule la passion peut vous donner ».
La pensée-temps est la racine de la peur. « La pensée qui a le temps pour origine est la
racine de la peur ». « C'est évident quand on y songe ».
« La "pensée-temps" ». « Il faut voir cela [la fin de la pensée-temps provoque la fin de
la peur] par soi-même et non le recevoir d’un autre comme un mendiant. Ici
personne ne donne ou ne prend. Ici, personne ne vous tend la main pour vous faire
bouger ».
p. 190
Il faut une énergie « et cette énergie a sa propre dynamique. L’orateur affirme – et
vous n’avez pas à l’accepter ou le rejeter, simplement écouter – que la peur prend
totalement fin au niveau psychologique s’il n’y a ni pensée ni temps. Toute cette
recherche sur la cause de la peur, la découverte de ce qu’elle est, le fait de la garder, de
demeurer avec elle, cette capacité porte en elle-même sa propre énergie. Mais, si vous
fuyez, vous jouez avec vous-même ».
« Nous parlerons plus tard d’autre chose » (plaisir, chagrin, méditation, religion, etc.),
« mais si la peur n’a pas complètement pris fin, le reste n’a guère de sens ». Lorsqu’on
découvre la cause de la peur (pensée et temps), « demeurez avec elle, gardez-la bien,
ne la laissez pas échapper ».
10 Questions et réponses - 1
p. 191
Pourquoi êtes-vous ici ? « Etes-vous ici pour être stimulés, pour vous livrer seulement
à une sorte de flirt intellectuel – voilà un bon mot ! ou attendez-vous une aide d’ordre
sentiment, affectif ?
« Vous pourriez, vous aussi, demander à l’orateur pourquoi il parle tant. Est-ce par
habitude ou parce qu’il a besoin d’un auditoire pour se sentir heureux, comblé ? La
question peut en effet se poser quand on sait qu’il parle depuis soixante ou soixante-
dix ans sur les cinq continents. Alors, est-ce devenu pour lui une habitude ? Il est resté
silencieux pendant plus d’un an pour examiner soigneusement s’il dépendait des autres
pour s’accomplir, être, devenir célèbre et toutes ces sottises. C'est pourquoi, en retour,
il vous demande tout à fait respectueusement pourquoi vous êtes là.
Est-ce donc parce que nous n’avons rien de mieux à faire ou parce que nous cherchons
vraiment à nous comprendre en profondeur ? L’orateur se borne à vous tendre un
miroir dans lequel vous pouvez vous voir tel que vous êtes, sans vous sentir déprimé
ou transporté de joie. Dans ce miroir, chaque trait apparaît avec (p. 192) clarté,
précision, sans aucune déformation ? »
p. 192
« Si le miroir est net et que vous vous voyez exactement tel que vous êtes, ce miroir
n’a alors aucune importance ».
Il n’y a « rien d’original en nous au sens premier du terme ».
« Pouvons-nous découvrir en nous la graine profondément enfouie de ce que nous
sommes, non seulement la semence culturelle, traditionnelle, religieuse et tout ce qui
en est issu, mais aussi l’origine de toute chose ? »
Voulez-vous approfondir cette question ? Pourquoi ? « Parce que cela vous amuse, que
c'est pour vous une forme de jeu, quelque chose de nouveau ? Je crains qu’il ne
s’agisse de cela.
Notre cerveau a un potentiel extraordinaire, celui d’aller au-delà de l’ordinaire ».
Preuve : les avancées technologiques.et leurs effets.
p. 193
« L’ordinateur va de plus en plus remplacer toutes nos activités, sauf dans le domaine
de la sexualité et, sans doute, ne pourra-t-il jamais contempler les étoiles comme nous
le faisons. En revanche, il se peut qu’il donne naissance à de nouvelles formes
d’activité, une nouvelle façon de vivre. Une compétition féroce fait rage entre
l’Amérique et le Japon dans ce domaine. Nous allons tous être esclaves du nouveau
dieu ordinateur ».
Les facultés du cerveau « ont été limitées, retreintes par notre éduction et notre
égoïsme. Notre cerveau, qui a évolué pendant des millions d’années, est devenu ce
qu’il est maintenant : vieux, fatigué, en proie à de nombreux soucis, conflits et
angoisses »
Le cerveau est « le centre de toute notre existence, de tout notre être, qui est à la fois le
futur et le passé ». Il veut découvrir « l’origine, la source, le commencement »,
« trouver ce qu’est la source de la vie, le commencement de toute création, de toute
chose ».
K. dit qu’il s’est trouvé en face d’un tigre en pleine nature, presque au point de le
toucher. « Qui a engendré cette nature inépuisable, les rivières, les montagnes, les
arbres, les prés, les bois, les verges et nous-mêmes ? Posez-vous cette question.
Comment des êtres humains aussi ordinaires que nous vont-ils trouver ce que les
scientifiques, les biologistes et les archéologues cherchent à savoir depuis si
longtemps ? »
p. 194
« Puis-je vous laisser avec cette question ? » Pour le découvrir, il faut y mettre toute
notre énergie, notre enthousiasme, notre passion, y consacrer tout notre temps.
p. 195.
L’expérience
L’expérience implique de reconnaître quelque chose. Sans expérimentateur, il n'y a pas
d’expérience.
« Creusons-nous la question ensemble ou attendons-nous que l’orateur l’explore ?
Avançons-nous pas à pas ? Dans ce cas, nous discutons de ce problème entre amis ».
Dans l’expérience il y a reconnaissance, c'est-à-dire « un souvenir et une identification
à ce que j’appelle l’expérience, j’ai nécessairement le sentiment de l’avoir connue,
sinon je ne la reconnaîtrais pas. C'est plutôt simple, n’est-ce pas ? »
p. 196
« Tant qu’il y a quelqu’un pour vivre une expérience […] c'est l’expérimentateur qui
aura le plus d’importance. Il amasse. L’expérience l’enrichit », donc il devient de plus
en plus égotiste sans s’en rendre compte.
Nous recherchons « ce qui diffère radicalement de notre vie quotidienne […] parce que
notre vie quotidienne nous ennuie avec ses habitudes, sa solitude, son désespoir, ses
attachements, le pouvoir et tout ce qui s’ensuit ». « Nous avons le chic pour nous
berner incroyablement nous-même ».
« Désolé, je ne veux blesser personne en disant cela [« le christianisme se fonde sur la
croyance et la foi »], je ne fais que montrer ce qui est […] C'est toujours le même
processus, qui consiste à vendre Dieu ».
p. 197
La réalité
« La réalité vraie, le fait, c'est que maintenant, à midi, vous et moi sommes assis ici.
Cela est le fait réel […]. Qu’est-ce qui, en nous, est réel ? Y a-t-il quelque chose de
réel, d’authentique en nous ? Ou tout n’est-il que mouvement, changement ? L’autre
jour, en Suisse, lorsque nous avons mis fin aux rencontres de Saanen, certaines
personnes m’ont dit : "Nous sommes très tristes que ce soit fini." Et l’orateur a
répondu : "Si vous êtes tristes, il est grand temps qu’on finisse." Très peu d’entre nous
aspirent à un changement fondamental ».
« L’intervenant dit : "Si je connaissais la réalité, je saurais ce qu’est l’illusion". Nous
devons donc nous arrêter sur le mot illusion. Qu’est-ce que l’illusion ? Le mot vient du
latin ludere, qui signifie jouer. C'est donc quelque chose que l’on invente et qui nous
amuse : je suis Dieu, je suis un grand homme, Napoléon, qui vous voudrez. Vous
jouez avec quelque chose qui n’a pas de réalité. Pourtant, lorsqu’on souffre, lorsqu’on
est désespéré, que l’on éprouve un sentiment inexplicable de terrible solitude, ça c'est
réel, précis. Et nous nous berçons de l’illusion que quelqu’un va nous aider, nous
donner un sentiment de complétude », etc.
p. 198.
La maladie
p. 199
p. 200
La responsabilité
K. : « A qui posez-vous cette question ? Quelle est ma responsabilité, votre
responsabilité ? Pourquoi employons-nous le mot responsabilité ? […] Si vous
éliminiez le mot responsabilité, parce que ce mot vous implique vous et la
responsabilité, poseriez-vous cette question ? […] Si nous ôtons de notre tête les mots
devoir et responsabilité, comment répondez-vous à la question ? […] Qu’arrive-t-il en
l’absence de cette dualité qu’implique la responsabilité ? Sommes-nous encore
ensemble ? Le mot responsabilité implique que je suis responsable de vous, de (p.
201) mes enfants, de ma femme, de mon travail, etc. J’ai la responsabilité de vous faire
connaître Dieu. (K. laisse tomber la liste des questions.) Bannissez ce mot comme je
laisse tomber cette feuille de papier ! L’avez-vous fait ? Non. Vous écoutez, vous
regardez, mais vous n’agissez pas. Je ne suis pas responsable de Brockwood. Moi,
l’orateur, je n’ai pas le sentiment de l’être. Je ne me sens pas obligé, responsable de
vous dire quoi que ce soit. Mais, si ce mot n’est pas là, autrement dit s’il n'y a pas de
"je" ni de "responsabilité" à votre égard, il n'y a plus que vous et moi, alors, qu’est-ce
qu’il se passe ? »
p. 201
K. : « Pour quelle raison vient-on écouter K. ? Il n'y a aucune raison. Si vous êtes
honnêtes avec vous-même, vous admettrez que vous ne l’écoutez pas, vous venez
vérifier si vous êtes oui ou non d’accord avec ce qu’il dit. Vous tournez ses propos à
votre convenance, vous les accordez à votre conditionnement. Mais, lorsque vous
l’écoutez vraiment, vous n’écoutez pas K. mais vous-même. K. ne dit rien
d’extraordinaire. L’extraordinaire se trouve bien au-delà de tout cela, mais ce n’est pas
son propos maintenant. Vous êtes à l’écoute de vous-mêmes […] Je vous tends un
miroir. Vous pouvez le déformer, l’altérer ou dire : "Je n’aime pas ce miroir, je n’aime
pas ce que j’y vois" et le casser, mais vous restez toujours ce que vous êtes.
Donc, n’écoutez pas K. N’essayez pas de comprendre ce qu’il dit. Soyez vraiment à
l’écoute de vous-même. Si c'est la première fois, c'est la plus grande chose qui puisse
vous arriver. En revanche, si vous vous contentez de l’écouter, il n'y a plus qu’un flot
de mots, de réactions, etc. » (inutile, absurde). « Si vous êtes attentifs à ce qui est dit,
avec une écoute plus fine [que pour tout ce qu’on a entendu auparavant], celle-ci vous
permettra de tout percevoir. Vous écouterez vraiment ce que K. a à dire, soit vous
vivrez (p. 203) avec et cela deviendra réel, vrai, factuel, soit ses propos resteront pour
vous à un niveau purement verbal, intellectuel et ils auront donc peu d’incidence sur
votre existence.
p. 203.
La compréhension
« S’il vous plaît, je ne veux pas être insolent, je pose seulement la question. Je
comprends le français parce que je connais un peu la langue. Dans ce cas, c'est une
communication verbale, intellectuelle. Une forme de compréhension. Nous employons
un langage commun : vous parlez anglais et l’orateur parle anglais, il y a une
communication verbale si nous faisons référence aux mêmes et ne donnons pas aux
mots des sens différents ».
Compréhension :
1. Communication verbale, « compréhension intellectuelle d’un concept, d’une
idée »
2. Communication verbale et non verbale :
« Ecouter vraiment ce que dit l’orateur, sans essayer d’interpréter, de changer, de
modifier ses propos mais d’écouter réellement ce qu’il dit, non seulement
intellectuellement mais avec beaucoup d’attention et de tout son être ? Ce qui n’a plus
rien d’intellectuel, de sentimental ou d’affectif, vous êtes totalement présent. Alors, il
y a communication à la fois verbale et non verbale ».
p. 204
« Etes-vous sous l’influence d’un guide à l’heure actuelle ? Soyez honnête. Vous
sentez-vous guidé en ce moment ? Ou sommes-nous ensemble en train de nous
interroger, vous et moi, d’explorer, de communiquer, vous disant parfois : "Je ne
comprends pas ce que vous dites", et moi "je vais vous expliquer" ; puis vous
m’expliquez quelque chose et je réponds : "Oui." Nous avançons du même pas.
Personne n’est guidé ».
« Ici personne ne joue le rôle de guide, nous parlons ensemble comme deux amis, c'est
totalement différent. Recevoir des conseils empêche la compréhension, au sens
profond du terme parce que, si vous me guidez sans cesse, si vous me dites de faire
ceci, de ne pas faire cela, je suis incapable de voir ce que j’ai en moi, j’écoute
seulement ce que vous me dites ». Je deviens l’esclave (« l’esclave psychologique »)
d’une autorité. « Les ashrams sont de véritables camps de concentration. On vous dit
ce qu’il faut faire, comment faire la salutation, toutes ces âneries. Je ne condamne pas,
c'est ainsi ».
p. 205
La simplicité
« Pourquoi ne pas rester simple, voir les choses telles qu’elles sont, les regarder, y
faire face réellement au lieu d’emprunter tous ces détours ? […] Pourquoi ne
regardons-nous pas tout simplement les choses telles qu’elles sont ? Notre cerveau est
si impotent, si rusé, si désespérément tortueux qu’il est devenu incapable de voir ce
qu’il a sous les yeux ? Si vous êtes psychologiquement simple, sans détour, cette
simplicité même recèle bien plus de subtilité que toute l’habileté du cerveau. Mais
nous ne sommes jamais simples. S’il pleut, il pleut et c'est tout. Si je me sens seul – ce
n’est pas le cas de l’orateur -, je me sens seul, c'est un fait. Pourquoi épiloguer ?
La vision totale
K. : « Exprimons les choses simplement : voyons-nous quoi que ce soit entier ? »
[Cela semble plus facile pour la nature : « mis à part les arbres et la nature »]. Les
préjugés, la peur, l’anxiété rendent la vision partielle. « Pour voir quelqu’un ou
quelque chose de façon holistique – si je peux employer ce mot –, complètement,
globalement, cela suppose que ce que je vois ne comporte pas de contradiction, que
c'est ainsi ».
p. 206
Voir simplement que je suis en colère ≠ penser que je ne devrais pas être en colère
empêche d’avoir une vision globale.
Le fait que l’attention soit dirigée « sur un point particulier, qui présente pour moi un
certain intérêt », empêche la vision globale. Etre attaché à un certain endroit (« si mes
racines se trouvent être à cet endroit spécifique de la terre ») empêche de voir la terre
en globalité. « C'est aussi simple que cela ». Quand je vois la vérité de cela, je saisis
l’absurdité de ma vision antérieure.
Voir est plus que ça : « c'est observer en silence, sans laisser la pensée interférer, c'est
seulement voir. Avec les yeux d’abord, puis en portant un regard intérieur sur les
choses telles qu’elles sont et, de là, aller beaucoup plus loin », c'est-à-dire se demander
ce qu’est la vision pénétrante. p. 207 : « C'est avoir une vérité absolue et agir
instantanément. Arrêtons-nous là maintenant. Tout cela demande réflexion et
observation mais sans passer par l’analyse de soi. Dès lors, l’esprit ne connaît plus
aucune limite, il n'y a plus ni commencement ni fin ».
p. 209
Nous ne sommes pas influencés seulement par l’hérédité : « tout ce qui existe semble
engagé dans un mode d’influence réciproque – l’air, la pollution, la beauté de la
terre, tout ce qui nous environne […] Nous exerçons les uns sur les autres une
pression » = « modelage », « façonnage […] constant ». Peut-on s’affranchir de toute
influence, « trouver l’origine, le commencement de tout ce qui existe qui ne doit
avoir ni cause ni effet » ?
« Nous en discutons entre nous sans chercher à nous influencer mutuellement. Nous
sommes comme deux amis qui marchent sur un sentier forestier, attentifs aux taches de
lumière et à la beauté des arbres et de la terre, tout en débattant non pas de (p. 210)
questions spirituelles mais de choses ordinaires »
p. 210
p. 211
Nécessité du scepticisme : douter « au sujet des autres mais aussi de nous-mêmes en ce
qui concerne nos désirs, nos convictions, nos croyances, notre foi et nos objectifs bien
définis et ciblés ». Pouvons-nous « voir jusqu’où ce doute, ce questionnement, cette
interrogation, cette exploration peuvent aller ? ».
« Il nous faut faire preuve de doute et de scepticisme car leurs effets sont extrêmement
dynamique et purificateurs […] Quand on doute, c'est comme tenir un chien en laisse :
parfois, au bon endroit, vous le laissez courir librement et sauter, sinon il perd instinct
et intelligence.
Le scepticisme aussi a sa juste place et sa vérité propre […]. Il faut parfois tenir le
doute en laisse, mais parfois aussi lui laisser libre cours ».
p. 212
La savoir
« Le savoir est toujours limité […] on le constate dans le domaine scientifique » ; on
l’enrichit en lui ajoutant quelque chose de limité. « Si j’ajoute constamment des
éléments nouveaux au savoir, cela prouve bien qu’il est limité puisqu’il y a aura
toujours quelque chose à lui ajouter.
Pourtant, le savoir est ce qui nous guide, nous façonne et nous dicte notre ligne de
conduite », sauf si on s’en remet à « l’intuition ». « Voilà un de nos termes favoris
mais qui est à employer avec prudence, car l’intuition peut être un souhait ou un désir
sublimé ». Dans la relation, le savoir est un obstacle.
p. 213
L’amour n’est pas savoir : il n’est pas lié au souvenir du passé ; car « ce savoir est
facteur de division […] Il sépare »
« Bien que nous nous retrouvions dans le même lit, nous sommes pareils à deux rails
qui ne se rencontrent jamais ».
p. 214
« La réponse n’est pas à rechercher en dehors de la question, elle se trouve en elle ».
« Constamment, nous cherchons une réponse qui soit satisfaisante, commode,
heureuse, plaisante, etc., en dehors du problème. Voyons si nous pouvons ne pas fuir
le problème mais, au contraire, l’examiner ensemble ». Il ne s’agit pas de croire
qu’aucun chemin ne mène à la vérité.
« Personne ne sait au juste ce qu’a dit Jésus ou Bouddha »
p. 215
p. 216
« Nous n’admettons aucun changement. Pourtant nous sommes sans cesse en train de
changer », biologiquement et psychologiquement. Je veux la permanence et la
sécuritéje constate que cette sécurité n’existe pas« la vérité se présente alors
comme une entité permanente vers laquelle je tends » : prêtres et gourous proposent
leur aide.
« Dès que j’ai un moyen d’atteindre la vérité, le moyen devient la fin et je tiens déjà la
vérité à laquelle j’aspirais ». Outil et moyen supposent de savoir déjà ce qu’est la
vérité, donc l’outil est inutile ! « Voyons-nous cela ? Est-ce trop logique ? Ou est-ce
trop raisonnable ? Le moyen ne diffère pas de la fin : le moyen est la fin ».
« On se donne beaucoup de mal pour chercher du pétrole, on creuse très
profondément, mais on ne veut pas consacrer une seule minute à chercher en soi-
même ».
La conscience n’est pas différente du moi.
p. 217
p. 218.
p. 219
Changement :
- Passage « de ce qui est vers ce qui devrait être »
- « Instaurer un changement au sein de mes vieux schémas tout en restant dans
leur cadre »
- Bouger, se déplacer dans l’espace, aller d’un coin à l’autre d’un champ en
restant à l’intérieur de ses fils barbelés.
- « Au niveau biologique, un changement continuel s’effectue dans le sang ; une
cellule meurt et une autre prend sa place, ce changement est constant au niveau
physique ».
Le changement est constant, pourtant nous en avons peur. « Pourrions-nous laisser
tomber les mots "changer" et "changement" ? Ils impliquent le temps » (changer pour
devenir autre chose ; ou un événement me transforme). Le changement implique « un
mouvement dans le temps ». « Si nous abandonnions les termes "changement",
"révolution", "mutation" – mots que l’orateur a tous employés –, nous serions
seulement face à ce qui est. »
p. 220
Si je reste face à ce qui est (par exemple mon envie), il n'y a plus de conflit, « je
dispose d’une énergie énorme. L’énergie, c'est comme un faisceau lumineux dirigé
vers quelque chose et qui l’éclaire très nettement. Et, parce que c'est clair, on n’a plus
peur ».
p. 221
Si on reste face à ce qui est, « la chose elle-même commence à révéler tout son
contenu ».
« Dès que vous dépendez de quelqu’un, vous devenez son esclave. Dès que vous êtes
attaché, vous êtes fichu ».
p. 222
Comment « être totalement inattaquable, sans élever de mur autour de moi » ? « Je
peux construire un mur protecteur autour de moi, m’en excuser, me montrer
affectueux, mais il y a toujours un mur. Autrement dit, une limite. M’est-il possible
d’être très sensible sans être pour autant blessé, sans réagir de quelque manière que ce
soit en fonction de mes attachements ? »
p. 223
K. : « Je n’ai rien à dire à ce sujet. Vous, qu’en dites-vous ? Nous débattons de la vie
dans son ensemble et non pas d’une partie, de l’immense sphère psychologique et pas
seulement des réactions physiques, nerveuses et des souvenirs. Tout cela fait partie de
la structure psychologique mais cette dernière va beaucoup plus profondément, si vous
pouvez y pénétrer. Et nous avons aussi affaire non seulement au domaine
psychologique mais aussi à la violence physique qui se manifeste partout dans le
monde, cette effroyable violence qui se répand, tue par plaisir, pour s’amuser, non
seulement avec des armes à feu mais aussi en détruisant ceux qui se soumettent à
l’oppression ».
p. 224.
p. 225
« Nous sommes les représentants de toute l’humanité, […] croyants, non-croyants,
musulmans, hindous, bouddhistes ou chrétiens, nous ne faisons qu’un… Nous sommes
tous soumis à de terribles épreuves. Alors, la recherche de la liberté individuelle, du
plaisir individuel, etc., paraît quelque peu puéril – à mes yeux du moins ».
K. : « Cela n’a rien à voir avec la discipline et l’effort. Vous pouvez, bien sûr, être
d’accord ou pas, mais essayons de bien comprendre de quoi nous parlons ». « D’après
le dictionnaire, le mot "discipline" signifie apprentissage. Le disciple apprend, non
en suivant un maître (p. 226) mais en évitant tout conformisme, toute imitation,
toute obéissance. Voilà ce qu’est apprendre. Cet apprentissage porte en lui sa propre
discipline ».
p. 226
La liberté
p. 227
La liberté par rapport à quelque chose est « une liberté conditionnée, car à l’égard de
quelque chose ».
La liberté en soi provient de « la compassion et l’amour et cette intelligence suprême
qui n’a rien à voir avec l’intelligence de la pensée ». Elle suppose d’être affranchi de la
peur.
« Si cela vous intéresse, appliquez-y toute votre énergie, il vous faut mettre votre
vie, votre maison totalement en ordre ; il ne s’agit pas de ranger, de cirer les
meubles de la maison que vous habitez – même si cela en fait partie – mais de mettre
de l’ordre dans votre maison intérieure, la maison profonde qui n’a ni toit ni fondation.
Vous ne pouvez pas convoquer à votre guise l’immesurable – sinon cela devient un
jouet. Vous ne pouvez pas tracer le chemin pour quelqu’un d’autre. Il n'y a pas de mots
pour l’exprimer. Nous mesurons tout avec des mots. Nous employons le mot
"immesurable" pour le désigner. Il n’est certainement pas le mot. C'est quelque chose
d’entièrement différent ».
« Aucune autorité, aucun spécialiste ne préside à la conversation que nous allons avoir.
Nous sommes tous profanes et ensemble, sérieusement, allons parler de liberté », etc.
« Et, s’il nous reste du temps, nous parlerons également de la mort ».
« Nous sommes un groupe de gens relativement sérieux : l’orateur, du moins, est
sérieux. Il a donné des causeries au cours des soixante-dix dernières années. Mais
assister à une ou deux d’entre elles ou lire quelques lignes ne va pas suffire à régler
nos problèmes et ne va pas nous aider ». « Si vous cherchez de l’aide […] vous laissez
les autres résoudre les problèmes à votre place et ils le feront conformément à leurs
propres désirs, leurs propres intérêts, leur pouvoir, leur position sociale et tout le reste.
Nous sommes donc des gens ordinaires et, comme tels, nous (p. 230) allons aborder
les choses ensemble ».
p. 230.
« Nous allons examiner les faits ensemble, affronter non pas des idées les concernant,
mais les faits eux-mêmes. Les idéologies, les théories, les spéculations ne nous
intéressent pas – elles n’ont aucun sens ». Approfondir la question de la liberté, sa
relation au temps, à la pensée et à l’action, « car notre vie est action, tout ce que nous
faisons est action ».
La liberté implique l’amour, « pas seulement le droit de faire ce qu’on veut, quand on
veut, où on veut ».
Chacun a ses propres croyances. « Notre liberté est donc très limitée. Or ce mot est
utilisé avec désinvolture par tous les psychopathes et par tous les hommes, qu’ils
vivent en Russie ou dans un pays soi-disant démocratique car chacun, consciemment
ou inconsciemment, a besoin de liberté, a besoin de (p. 231) dignité, d’amour, tout
comme l’arbre a besoin de liberté pour croître ».
p. 231.
« Je vous en prie, nous cherchons ensemble : vous ne vous contenez pas d’écouter
l’orateur juché sur son estrade. Il n’a aucune importance et tient à le souligner.
Cependant, vous pouvez prêter une oreille attentive à ce qu’il dit, comme dans une
conversation sérieuse entre amis ».
Etre libre, ce n’est pas satisfaire ses ambitions, son avidité, sa jalousie, etc.
L’intérêt personnel peut consister « à rechercher l’illumination – comme si
l’illumination était quelque chose que l’on pouvait chercher ! ». L’intérêt personnel
est omniprésent dans nos vies.
p. 232.
L’intérêt personnel divise les gens. Les intérêts sont opposés. Peut-on vivre « en
voyant clairement dans quels domaines l’intérêt personnel est physiquement nécessaire
– j’emploie ce mot avec prudence – mais en l’excluant totalement du domaine
intérieur, psychologique ? ». « On peut en parler sans fin, assister à des conférences et
aller écouter quelqu’un d’autre mais ici nous devons examiner la question ensemble.
Nous devons non seulement être attentifs à ce que nous nous disons les uns aux autres,
mais aussi fouiller profondément en soi pour découvrir sur quoi repose notre intérêt
personnel ainsi que l’intérêt personnel en général ».
p. 233
La liberté
« La liberté comprend l’amour ; elle n’est pas synonyme d’irresponsabilité : elle ne
veut pas dire que l’on peut faire tout ce qu’on veut car c'est cela qui a semé la pagaille
partout dans le monde ». Quel rapport entre l’intérêt personnel, le temps et la pensée ?
Le temps recouvre le passé, le présent et le futur, « le passé modifiant le présent et
donc le futur – demain sera ce que je suis aujourd’hui. Alors que vous êtes tous là,
maintenant à écouter et peut-être à donner votre attention, le "maintenant" contient
l’intégralité du temps. Si l’on comprend cela réellement et profondément, le
changement perd tout son sens. Vous êtes ce que vous êtes maintenant. Et restez avec
cela sans dire : "J’espère changer. Je vais de venir ceci" », etc. « Ne soyez pas
perplexes, c'est très simple. C'est extrêmement simple si vous y réfléchissez ».
p. 234
« Nous avons été violents pendant deux millions et demi d’années. Nous avons essayé
de dissimuler cette violence avec des mots, des explications, des conclusions logiques
mais nous sommes toujours aussi violents, barbares, animés du même esprit de
compétition, nous continuons à nous entre-tuer, à nous faire du mal physiquement et
psychologiquement ».
« Si une transformation n’a pas lieu maintenant – à l’instant, à la seconde même –,
demain nous serons toujours aussi violents. C'est logique, rationnel. Prêtez attention à
ceci s’il vous plaît ». Si je suis coléreux aujourd’hui, je le serai demain. « Cela tombe
sous le sens. Donc, le maintenant contient le passé, le présent et le futur ». Dire « je
vais changer » implique un mouvement du temps, « ce qui veut dire que je n’ai pas
vraiment saisi la signification du temps. Mais, si je demeure avec ce qui est,
complètement, sans m’en écarter, alors, ce que j’observe, que je tiens, reste avec
moi, est moi. La violence ne fait qu’un avec moi ; je suis la violence […]. C'est parce
que nous nous en sommes séparés qu’il y a conflit.
Tout cela est très simple. Est-ce un tant soit peu clair pour nous ? Non que je clarifie
la question à votre place. C'est vous qui le faites. La question n’est pas de comprendre
l’orateur, ni qu’il vous explique ce qu’il veut dire, pour ensuite que vous déclariez : "Je
ne vous (p. 235) comprends pas." Vous ne comprenez pas l’orateur, vous vous
comprenez vous-même ; vous vous observez, à condition de n’être ni trop déprimé, ni
trop paresseux, ni trop occupé par des choses superficielles ».
p. 235 :
Il n'y a pas de liberté « tant que nous sommes asservis au temps-pensée et à l’intérêt
personnel […]. C'est simple et évident si on le regarde attentivement. Et, plus c'est
simple, plus c'est subtil et extraordinairement profond ».
La simplicité
« Notre difficulté vient de ce que nous sommes trop compliqués dans notre
manière de penser, sans cesse en train de chercher, de vouloir résoudre des problèmes :
"Comment vais-je m’y prendre ?". Nous manquons toujours de simplicité ».
Amour et intelligence
« L’amour peut-il être compassion et ne pas se réduire à : "Je t’aime, et toi
m’aimes-tu ?". L’amour n’est ni à vous, ni à moi, il est l’amour ». L’amour n’est pas le
fait d’être marié, d’avoir des enfants, des rapports sexuels, qu’il y ait de la tendresse,
de la générosité, de la courtoisie, de la gentillesse, de la complaisance, de la tolérance.
Amour = compassion, qui a sa propre intelligence. L’amour n’est pas « la compassion
du missionnaire qui se rend en Inde ou en Afrique / pour sauver les plus pauvres » (p.
240-241). L’amour implique la « liberté absolue, qui n’est pas celle de faire ce qui
vous plaît, vous affirmer ou convertir autrui. Tout cela n’est que sottise ! ».
L’intelligence de la compassion n’est pas l’intelligence de la pensée :
i. L’intelligence nécessaire pour aller sur la lune, pour construire un sous-
marin ou un ordinateur « n’est que partielle » (intelligence du
scientifique, du peintre, du poète, du boulanger. Leur action aussi est
partielle).
ii. L’« intelligence totale », l’« intelligence holistique » est amour et elle
« ne peut se manifester que lorsque la souffrance a pris fin. Alors, elle
agit et ce n’est plus une action partielle issue de la pensée et du temps ».
« Pouvons-nous garder le silence un moment ? Nous ne pouvons pas nous tenir les
mains, mais restons assis tranquillement quelques minutes. Le voulez-vous ? –
L’auditoire : Oui. – K. : Bien. Pas méditer, simplement rester assis dans le calme ».
p. 243
« Tel est notre lot commun et nous endurons tout cela depuis des millénaires. Il
suffit d’observer notre évolution : nous étions, dans un passé lointain, des barbares, des
sauvages, et voyez ce qui se passe aujourd’hui : nous sommes toujours des barbares,
nous portons toujours en nous cette violence, nous sommes toujours préoccupés de
nous-mêmes, de notre propre plaisir, de nos petits problèmes, etc. »
Identité individu-monde
p. 244 : « Vous êtes le monde et le monde, c'est vous ». Cf. p. 245 : « Nous
sommes ce qui se passe » = tant qu’on ne prend pas conscience de ces faits (la
souffrance des hommes) et qu’on en reste « à un niveau purement conceptuel et figé,
nous façonnerons un monde effroyable, ce que nous sommes déjà en train de faire ».
p. 244
Il faudrait prendre conscience du fait qu’on est le monde « de la même façon
que nous prenons conscience de la douleur physique ou des sentiments que nous
éprouvons lorsque nous sommes aimants, tendres, paisibles ». Il s’agit de le ressentir
« dans notre cœur et notre esprit »
Je souffre comme le reste de l’humanité ; je suis violent comme le reste du
monde
« Nous avons examiné tout cela, au cours de ces soixante-dix dernières années –
je suis désolé de le rappeler – et nous le faisons encore maintenant ».
« Si l’on en prend pleinement conscience, non comme d’une théorie, une idée,
mais comme d’un fait authentique, quotidien, alors une nouvelle façon de vivre s’offre
à nous » : on n’appartient à aucun pays, groupe religieux, on n’accepte aucune autorité
spirituelle (« y compris venant de ceux qui prétendent interpréter ce que dit
l’orateur »). Quand on ressent qu’on est l’humanité, on ne tue ni ne blesse
psychologiquement plus personne, « consciemment, délibérément ou de manière
inconsciente ».
« S’il vous plaît, tout cela est très sérieux, vous n’êtes pas à un sermon du
dimanche. Nous sommes tous dans le même bateau ».
p. 245.
L’intelligence de l’amour
Intelligence de l’amour et de la intelligence « de la pensée habile qui
compassion comptabilise et mémorise »
Se manifeste lorsque la souffrance prend
fin et que « nous ressentons dans tout
notre être, avec tout notre cœur et notre
esprit, que nous sommes l’humanité » et
que nous n’appartenons à aucun groupe
p. 246 :
« Nous avons déjà très souvent parlé du conflit. Et nous avons dit que »…
Tant qu’il y a conflit, il ne peut pas il y avoir l’amour.
Le cerveau + remarque sur l’écoute
« Notre cerveau, le cerveau de chacun qui a évolué pendant des millions
d’années possède d’extraordinaires capacités. Nous les avons utilisées dans la sphère
technologique, dans celle de l’informatique, mais nous ne nous sommes jamais
vraiment penchés sur le monde psychologique, qui est beaucoup plus important –
sur l’ensemble du processus psychologique, subjectif qui se déroule en nous. Nous
ne l’avons jamais considéré, observé en profondeur, par nous-même et non selon les
autres, K. y compris, nous en avons seulement gratté la surface. Ainsi, nous ne nous
sommes jamais posé les questions essentielles. Nous en débattons maintenant tous
ensemble – l’orateur ne se livre pas à un monologue et vous ne vous bornez pas à
l’écouter pour oublier, en partant, ce qu’il a dit et y repenser dix ans plus tard. Il s’agit
de votre vie, de la nôtre et vous avez bien sûr la possibilité de la prendre au sérieux ou
avec désinvolture et légèreté, c'est votre affaire ».
La liberté
1. « Liberté partielle » :
« Liberté à l’égard de l’anxiété, de la souffrance, de la douleur, de toutes les difficultés
de la vie ». Elle naît « de la volonté de se libérer de quelque chose ».
p. 247 :
La mort
« La mort n’a rien de morbide »
p. 248
« Suivez-vous tout cela ? L’orateur ne vous dirige pas, ne cherche pas à vous
persuader. Je suis las de vous le répéter ».
On ne doit pas considérer « seulement le fait de mourir », mais considérer la mort « en
totalité » : la naissance et toutes les années d’existence, « prendre en compte tout
l’ensemble et non pas se limiter à se demander ce qu’est la mort ».
« Il est assez stupide de s’interroger sur la mort puis de se lamenter sur elle, d’en avoir
peur ou encore de la vénérer comme le font les chrétiens. D’élaborer des théories
comme l’ont fait les Grecs, Pythagore et autres, dans tout le monde occidental ou
encore de croire en la réincarnation comme les hindous de l’Inde ancienne, croyance
qui s’est propagée dans toute l’Asie. Nous parlerons de cela tout à l’heure ».
p. 249
« Dès le début, notre vie n’est qu’un cortège de problèmes où se mêlent
luttes, souffrances, anxiétés, incertitude, confusion, mais aussi succès, échecs, foi,
croyances, Dieu et la sempiternelle répétition de rituels ainsi que le culte rendu à
quelque symbole – ce que nous appelons religion. Voilà ce que nous appelons
vivre. C'est une réalité qui inclut aussi le plaisir, la sexualité et tout le reste. Ce que
nous appelons vivre, c'est aller au bureau ou à l’usine de neuf heures à dix-sept heures
ou travailler dans une boutique à vendre des livres, des vêtements, des aliments, etc.
C'est en cela que consiste notre vie quotidienne, monotone, soi-disant disciplinée.
9
Toute la scolarité des enfants « baigne dans les problèmes » : ils doivent apprendre à lire et écrire, puis apprendre les
mathématiques, la chimie et la biologie « et tout cela devient problème »
N’êtes-vous pas d’accord ? Ou croyez-vous au contraire qu’il s’agit d’un fait et qu’il
n’est pas question de s’en tenir à sa seule description mais de voir qu’il est la réalité de
notre existence ? Et il semble que nous ne l’ayons pas compris. Nous ne l’avons pas
exploré afin de voir s’il est possible de mener une vie entièrement différente ».
L’énergie
On doit s’attaquer d'abord avec toute notre énergie au vivre plutôt qu’au mourir.
« Certains veulent libérer l’énergie grâce à l’acupuncture ou l’accroître par
divers autres moyens ».
« Comme nous sommes incapables d’utiliser l’énergie dont nous disposons,
nous en réclamons davantage. Mais vous avez beaucoup d’énergie quand vous voulez
faire quelque chose ». Exemple : il faut de l’énergie pour aller sur la lune, « parler,
penser, faire l’amour. Toute chose, la vie elle-même, est énergie mais, par notre
égoïsme, notre tendance à nous spécialiser, notre volonté de réussite, nos peurs, nous
l’avons restreinte. Nous l’avons rendue si ténue, si particularisée, si dérisoire.
Pardonnez-moi ! Et la spécialisation a rendu notre cerveau étriqué. Pourtant, l’énergie
est là. Lorsque nous nous comprenons nous-même, cette énergie jaillit et se transforme
en passion ardente, pas seulement la passion de quelque chose, c'est l’épanouissement
d’une passion qui ne s’altère jamais. Et cela n’apparaît que s’il y a compassion ».
p. 251.
p. 252.
p. 253.
« C'est dès maintenant que nous devons vivre avec elle [la mort] et mettre fin à
la vie chaque jour »
« Vivre chaque minute, chaque seconde comme si c'était la dernière, de façon à
ce qu’il n’y ait plus de continuité du passé ou du futur »
p. 254.
La religion est liée à la création. Les idées religieuses et les paroles entendues
ont conditionné notre cerveau. « Ce cerveau est-il capable de comprendre ce qu’est la
création ou se fonde-t-il exclusivement sur le savoir en tant qu’expérience,
accumulation, apprentissage, mémorisation, etc. ? Un tel cerveau peut-il comprendre
l’incommensurable ? Sommes-nous ensemble sur ce point ? »
p. 255 :
L’invention est fondée sur le savoir. Pas d’invention sans savoir. « Il nous faut
un bagage de connaissances pour trouver quelque chose de nouveau ».
« S’il vous plaît, nous nous entretenons ensemble ».
Attention et concentration
Il « est assez facile » de réduire l’esprit au silence ; mais il faut « l’attention
globale » ≠ « l’attention à quelque chose ou concentration ». La concentration exige
un effort
p. 256
La concentration « devient une habitude comme celle du pilote qui conduit son
avion ».
« Est-il possible d’être attentif ? Il n'y a aucune hypocrisie ou arrogance dans
cette question ».
p. 257
Le cerveau « a été réduit à quelque chose de très petit malgré ses immenses
capacités ». Description de l’empire de l’ordinateur… « Lorsque les ordinateurs
régneront sur notre existence, qu’arrivera-t-il à notre cerveau ? ». Le cerveau risque de
s’atrophier ou de « s’immerger complètement dans des jeux et des divertissements […]
c'est ce qui se passe ». Exemple : les programmes télévisés accordent plus de temps
d’antenne au sport qu’à de graves conflits ; « l’industrie du divertissement prend de
plus en plus d’ampleur […]. Et le divertissement religieux en fait autant ».
p. 258
« Nous sommes donc sans cesse divertis, distraits » ; mais cette réunion n’est
pas du même ordre : « Tout cela est terriblement sérieux ».