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4.

Pourquoi le sexe est-il devenu un problème ?

p. 56
Le désir est « très trompeur, très subtil »

La réaction totale
« La réaction spécifique d’un de nos sens peut, chez nous, primer sur tous les
autres » (celui qui a un tempérament d’artiste voit « les choses d’une manière
particulière » ; une personne qui a une formation d’ingénieur a des « réactions
sensorielles » différentes). « Chacun réagit de manière spécifique, divisée. Est-il
possible de réagir en mobilisant la totalité de nos sens ? […]. Si l’on réagit de
manière totale, en impliquant tous ses sens à la fois, ce centre qu’est l’observateur
est éliminé ». La division commence quand « on réagit à une chose particulière d’une
manière spéciale ».
p. 57
Observer à l’aide de tous les sens. « Ne me demandez pas comment faire, car cela
deviendrait un geste mécanique. Mais cherchez à comprendre, en étant à la fois le
maître et l’élève, ce qu’est une réaction qui mobilise tous les sens ».

Voir une chose (exemple : une chemise verte, ou une robe


verte)réactioncontactla pensée crée une image de moi portant cette chemise ou
cette robedésir
« La source du désir, c'est la pensée en train de créer l’image » (auparavant le désir
n’existe pas).
« Peut-il se faire que la pensée n’intervienne pas, ne crée pas cette image ? C'est
par de telles questions qu’on apprend à explorer le désir, ce qui est en soi une
discipline. Mais la discipline consiste à apprendre ce qu’il en est du désir » ≠ contrôler
le désir.
« Si vous apprenez vraiment à connaître une chose, alors tout est réglé ! ». Quand
on perçoit le mouvement dans sa totalité, la pensée (et l’image) n’intervient plus : / on
ne fait que « voir, éprouver la sensation » (p. 58). Rien de mal à cela.

Saanen, le 19 juillet 1981


The Network of Thought (Le Réseau de la Pensée)

Le désir n’est pas absent, mais l’esprit sait regarder sans décrire
L’« esprit qui ne cesse de se contrôler, de refouler le désir, de le sublimer »,
préoccupé de lui-même – devient « insensible car il ne comprend pas ce qu’il a
refoulé »
« Qu’on brime le désir ou qu’on y cède, cela revient au même, car le désir est
toujours là ». L’élan qui incite à brimer le désir est une forme de désir ! Puisqu’on est
pris « dans les mailles du désir », plutôt que de le qualifier de bon ou de mauvais il
faut le comprendre.
p. 59 : Quel mal y a-t-il à regarder un arbre, un oiseau en vol, une voiture neuve ?
« Quel mal y a-t-il à regarder une jolie personne aux traits harmonieux, dont le visage
respire le bon sens, l’intelligence, la qualité de l’être ? Mais le désir ne s’arrête pas là »
La perception s’accompagne de sensationenvie de toucher, d’être en contactdésir
irrépressible de posséder (« "c'est si beau, il me le faut" »). Peut-on avoir conscience
des « choses de la vie belles, belles ou laides » sans dire « il me le faut » ou « je n’en
veux pas » ? 
« Vous voyez ce que je veux dire ? »
Observer notre femme, enfants, amis en ne faisant rien d’autre que les regarder ;
regarder une fleur « sans l’appeler par son nom », sans avoir envie de la prendre pour
soi.
« Si vous êtes capable d’observer ainsi, en faisant abstraction de toutes les
valeurs qui ne relèvent que de l’esprit, vous vous apercevrez alors que le désir n’est
pas chose si monstrueuse »
Pour observer sans être piégé par le désir, il faut « une formidable intensité dans
l’observation, pas un simple coup d’œil au passage. Le désir n’est pas absent, mais
l’esprit sait simplement regarder sans décrire » (sans « bavardage »).
p. 60
« C'est là, dans cette intensité de l’observation, du ressenti, de l’affection réelle,
que l’amour met en œuvre sa propre action » ≠ activité contradictoire du désir

« Faites l’expérience »
C'est « la nature de l’amour » : l’esprit silencieux. On ne peut pas aimer si l’on
pense sans arrêt à soi-même.
« Aimer quelqu’un de tout son être, de toute son âme, de tout son cœur, de tout
son corps, suppose un élan passionné, et quand l’amour est intense, le désir ne tarde
pas à disparaître » !!
« Nous ne savons pratiquement jamais faire preuve de cette intensité de passion en
aucun domaine – sauf si l’enjeu est notre propre profit, conscient ou inconscient :
jamais notre quête n’est désintéressée ».
La vérité a un mouvement « vif ». Seul « un esprit animé de cette énergie intense »
peut suivre ce mouvement. « La vérité n’est pas statique, elle est plus vive que la
pensée, et l’esprit est totalement incapable de la concevoir ». Comprendre la vérité
exige cette « immense énergie que l’on ne peut ni conserver ni cultiver. La voie de
cette énergie ne passe ni par le déni de soi-même ni par le refoulement. Au contraire,
elle suppose d’être capable d’un abandon total » ; or on ne peut pas s’abandonner
totalement si on est en quête d’un résultat.
Vivre sans envie dans ce monde « basé sur la jalousie, l’âpreté au gain et la quête
du pouvoir, du statut social […] suppose d’être animé / d’une extraordinaire passion,
d’une clarté d’esprit, d’une compréhension lucide hors du commun » (p. 60-61).
« Vous ne pouvez échapper à l’envie que si vous savez vous comprendre vous-
même, c'est donc là, et pas ailleurs, qu’il faut commencer. Et si vous ne commencez
pas par vous-même, vous aurez beau faire, jamais vous ne viendrez à bout de vos
souffrances ».

Bombay, 2è causerie publique


Le 16 février 1957
Collected Works, Vol. X.
Pourquoi faisons-nous de la vie un problème ?
« Tout ce que nous touchons se transforme en problème » (p. 81)
Nous acceptons de vivre avec des problèmes au lieu d’y mettre fin ; nous ne savons
pas « mourir à nos problèmes au lien d’en / subir le fardeau jour après jour, année
après année » (p. 82)
La question du sexe est moins importante que la question de « savoir pourquoi nous
faisons de la vie un problème » (« la question de fond »).
Nous avons fait de l’existence un problème « parce que notre pensée fonctionne
toujours en allant du centre vers la périphérie, or, la plupart d’entre nous confond le
centre et la périphérie, ce qui fait que tout ce que nous touchons reste superficiel. Mais
la vie, elle, n’est pas une chose superficielle : elle demande à être vécue complètement,
et parce que nous ne vivons que de façon superficielle, nous ne savons réagir que
superficiellement ». Toutes nos actions périphériques sont source de problèmes :
« nous vivons dans le superficiel et nous nous contentons de vivre dans ce cadre, avec
tous les problèmes liés à la superficialité. Or, les problèmes n’existent que tant que
nous vivons dans le superficiel, à la périphérie » (périphérie = « le "moi" et ses
sensations » »). Le moi « s’extérioriser ou prendre un tour subjectif », s’identifier à
n’importe quelle notion élaborée par l’esprit (univers, nation, etc.).

L’esprit est la cause des problèmes


« L’esprit n’est autre que la sensation, l’esprit résulte d’une accumulation de
sensations, de réactions, et tout ce à quoi il touche est forcément source de malheur, de
confusion et de problèmes sans fin. L’esprit est la véritable cause de nos problèmes ».
Il fonctionne « mécaniquement », au niveau conscient / et inconscient (p. 82).
« L’esprit est une chose très superficielle » ; mais nous l’avons cultivé durant
longtemps, nous l’avons rendu de plus en plus intelligent, subtil, rusé, malhonnête et
tordu.
« Notre esprit, de par sa nature même, est malhonnête, faux, incapable d’affronter
les faits, c'est lui qui est la source des problèmes : le problème, c'est lui ».

Le problème du sexe n’est pas l’acte sexuel mais le fait d’y songer. On y pense,
on le « [monte] en épingle » ; l’esprit en fait « tout une affaire ».
« Tout concourt à ce que votre pensée soit obnubilée par le sexe » (cinéma,
magazines, « les histoires qui courent, la façon dont les femmes s’habillent »).
« Pourquoi le sexe occupe-t-il toutes nos pensées ? Parce qu’il constitue l’ultime
voie de fuite, n’est-il pas vrai ? C'est la voie de l’oubli de soi absolu. / (p. 83)
L’espace d’un instant, ce bref instant au moins, vous pouvez vous oublier vous-même
– et il n'y a pas d’autre moyen de s’oublier soi-même. Tous les autres actes de votre
vie mettent l’accent sur le "moi", sur l’être individuel ».
« il n'y a qu’un seul acte qui ne donne pas la primauté au "moi" – cet acte-là
pose donc problème, n’est-ce pas ? Lorsque, dans votre existence, il n’existe qu’une
seule chose qui vous ouvre un véritable boulevard vers l’échappatoire ultime, vers
l’oubli total de vous-même, ne serait-ce que l’espace de quelques secondes, vous
vous y accrochez parce que c'est le seul moment où vous soyez heureux […] la seule
chose qui vous apporte ce total oubli de soi que vous qualifiez de bonheur. Mais,
dès lors que vous vous y accrochez, il se mue à son tour en cauchemar, car vous
voulez alors vous en libérer, vous refusez d’en devenir esclave »idéal de chasteté, de
célibat, « et vous vous efforcez à ce célibat, à cette chasteté, grâce au refoulement » =
« manœuvres de l’esprit qui cherche à se couper de la réalité des faits ». Cela donne
beaucoup d’importance au moi en quête de devenirsouffrance.
p. 85
Le sexe ne devient un « problème extrêmement difficile et complexe que dans la
mesure où vous ne comprenez pas l’esprit qui réfléchit au problème »

[Mariage ≈ prostitution !]
Vous tenez à l’acte sexuel et « soit vous avez des mœurs très libres, soit vous
vous livrez à l’acte sexuel dans le cadre du mariage, faisant ainsi de votre femme une
prostituée, ce qui est apparemment tout à fait respectable : cela vous satisfait et vous
vous en tenez là ».
On ne peut résoudre le problème que si on comprend tout le processus, toutes les
structures du moi et du mien (ma femme, etc.). Tant qu’il y a « cette activité
d’expansion du soi » (être ambitieux sur le plan politique, religieux, etc), le sexe est
un problème.

Contradiction :
je crée, alimente, gonfle l’ego je cherche à m’oublier, me perdre, « ne
serait-ce qu’un instant »
« inflation du "moi" » « oubli du "moi" »

L’existence est « écartelée entre cette inflation du "moi" et cet oubli du "moi" ». Le
problème n’est pas le sexe mais « cette contradiction au sein de votre vie » et que
l’esprit est incapable de résoudre, parce qu’il est lui-même contradictoire (il est « lui-
même une contradiction en soi »).
p. 86.
On ne peut comprendre la contradiction au sein de notre vie qu’une fois qu’on a
pleinement compris « l’ensemble du processus de l’existence quotidienne ».

2 attitudes incompatibles :
Plusieurs éléments « encouragent l’esprit Parallèlement, « vous vous efforcez
à une inflation de l’ego » : d’être bon, aimant et tendre »
« le cinéma et les femmes exposées à
l’écran
La lecture de livres qui excitent la pensée
ou de magazines, avec leurs photos de
femmes à demi nues,
La façon dont vous regardez les femmes,
et ces regards furtifs qui captent les
vôtres »
« Les problèmes ne cessent qu’avec l’oubli de soi, lorsque le "moi" n’existe
plus »
« Or, cet état de non-existence du moi n’est pas un acte dicté par la volonté, ce
n’est pas une simple réaction »
Donc « celui qui est ambitieux, sur le plan spirituel ou autre, ne peut jamais être
exempt de problèmes »
« Le sexe devient une réaction : quand l’esprit essaie de résoudre le problème, il
ne fait que le rendre plus confus, plus perturbant, plus douloureux ».
« Le problème, ce n’est pas l’acte sexuel, mais l’esprit, cet esprit qui décrète qu’il
faut être chaste. Or, la chasteté ne relève pas de l’esprit. L’esprit ne peut censurer
que ses propres activités, et le refoulement n’est pas la chasteté. La chasteté n’est pas
une vertu. La chasteté ne se cultive pas ». Celui qui cultive l’humilité n’est pas un
homme humble : « il peut baptiser son orgueil du nom d’humilité, mais il est
orgueilleux, et c'est pour cette raison qu’il voudrait être humble. Jamais l’orgueil ne
peut devenir humble ».
« La chasteté n’est pas une chose qui relève de l’esprit – on ne devient pas
chaste ».
On ne connait la chasteté que quand l’amour est là ; « l’amour ne relève pas de
l’esprit et n’en fait pas partie ».
p. 87
Pour résoudre le « problème du sexe, qui torture tant de personnes dans le
monde », il faut comprendre ce qu’est l’esprit.
« Nous ne pouvons pas mettre fin à l’activité de la pensée, mais la pensée cesse
avec la disparition du penseur »
« La seule condition pour que le penseur disparaisse, c'est la compréhension de
tout le processus »
Division entre le penseur et sa penséela peur apparaît.
Absence de penseur« tout conflit interne à la pensée disparaît »
« Les implications ne sont pas difficiles à comprendre : c'est la pensée qui donne
naissance au penseur ; celui-ci s’emploie ensuite à façonner, à contrôler ses pensées,
ou à y mettre fin ». Mais penseur = « entité fictive, une illusion de l’esprit ».
« Lorsqu’on prend acte de la pensée en tant que fait, il devient inutile de penser
au fait ».
En soumettant le fait au simple regard d’une conscience sans choix, ce qui est
implicite dans le fait commence à se révéler, et c'est ainsi que la pensée en tant que fait
prend fin ».
On voit alors que les problèmes (ceux « qui vous rongent le cœur et l’esprit, les
problèmes liés aux structures mêmes de notre société ») peuvent être résolus.
Le sexe n’est plus un problème : « il trouve sa propre place, il n’est ni pur ni
impur. Le sexe a droit à sa propre place, mais quand l’esprit lui accorde une
importance excessive, il devient un problème. L’esprit donne au sexe une place
prépondérante car il ne peut pas vivre sans un certain bonheur, et c'est pourquoi le sexe
se transforme en problème ; mais quand l’esprit comprend tout le processus qui est le
sien, et finit ainsi par s’abolir, autrement dit lorsque cesse la pensée, alors quelque
chose se crée, et c'est cette création qui nous rend heureux ».
p. 88.
« Etre dans cet état de création est une félicité, car c'est un oubli de soi dans
lequel n’intervient aucune réaction du type de celles liées à l’ego. Il ne s’agit pas ici
d’une réponse abstraite au problème quotidien du sexe – c'est l’unique réponse.
L’esprit est la négation même de l’amour ; or, sans l’amour, point de chasteté : c'est
l’absence d’amour qui vous amène à faire du sexe un problème ».

The First and Last Freedom


(La première et dernière liberté).

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