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STRATEGIE

et ORGANISATION : le Cas ZODIAC

Dossier Usine Nouvelle 2015

C’est à une grande opération de transparence que s’est livré le groupe Zodiac mardi 16 mars. A l’occasion
d’une conférence téléphonique sur ses résultats du premier semestre de l’exercice 2015/2016, l’équipementier
aéronautique a fait montre d’un souci du détail concernant ses dysfonctionnements industriels – et les
solutions à y apporter – dont il était pour le moment peu coutumier. Son patron, Olivier Zarrouati a annoncé
"un délai de 18 mois avant un retour à la normale". Soit un retard d'environ deux ans par rapport au calendrier
initial. Cela valait bien quelques explications de sa part.

"La transformation industrielle du groupe nécessite plus de temps et d’efforts que ce que nous avions prévu", a-
t-il admis. Le mal est connu : victime d’une crise de croissance dû à des succès commerciaux à répétition et des
acquisitions menées tambour battant ces dernières années, Zodiac ne parvient plus à livrer ses clients en
temps et en heure. La croissance de son chiffre d’affaires pour le premier semestre 2015-2016 (2,488 milliards
d’euros), établit à 7,1%, est en trompe l’œil : elle s’explique avant tout par un taux de change euros/dollars
favorable. A périmètre et taux de change constants, le chiffre d’affaires recule de 1,8%. Il est en baisse dans
presque toutes les divisions du groupe.

Encore 300 places en retard

Les difficultés de la division Systems (-2,8% en organique, à 969,9 millions d’euros) s’expliquent par l’atonie
réelle des secteurs de l’aviation d’affaires et des hélicoptères.

Quant à la seconde division de Zodiac, spécialisée dans l’aménagement intérieur des avions, elle reste aux
prises avec de profonds dérèglements industriels, qu’un client aussi puissant qu’Airbus ne cesse de dénoncer
par la voix de son patron, Fabrice Brégier, à chacune de ses apparitions publiques. Comme pour regagner la
confiance de ses clients, Zodiac a décrit par le menu les différentes actions de redressement de son outil
industriel. Elles viennent compléter son plan Focus visant, entre autres, à améliorer le reporting et à
généraliser les bonnes pratiques.

Côté production de sièges, Zodiac n’a toujours pas résorbé ses retards de livraison. "Ils s’élèvent en moyenne à
300 places depuis trois mois", a précisé Jean-Michel Billig, responsable de la branche. Une précision : un siège
en classe éco équivaut à trois places (une banquette) mais un siège business une seule et unique place. Les
retards concernent essentiellement les sièges business pour l’A350 et un autre programme, pour lequel Zodiac
ne donne pas plus de détails. L'industriel a nettement réduit les retards : de 6000 places en souffrance début
2015 à 2200 en avril, puis 1700 en juin. D’autant que chaque année, l’équipementier produit au total 150 000
places. Reste que l’objectif de résorber tous les retards en août, comme annoncé au printemps 2015, est
définitivement tombé dans les limbes.

Des sites américains en cause

Le nœud du problème se situe, selon l'industriel, dans l’usine américaine de Santa Maria (1800 salariés), où la
production des coques en matériaux composites des sièges business ne se fait pas sans problème. Ces coques
concentrent à elles seules entre 50 et 60% de la valeur d’un siège. L'usine a doublé de taille en deux ans, et les
embauches ont suivies. Mais, du côté de l'ingénierie du design des pièces et du savoir-faire, Zodiac rencontre
des difficultés. Une croissance mal contrôlée qui se paie aujourd’hui par d’importants surcoûts de production.

Le groupe pointe aussi du doigt une exigence accrue des compagnies aériennes, soucieuses d'avoir chacune
des produits différents, et une complexité croissante des opérations de certification. Pour y remédier, Zodiac a
annoncé la création d’un centre de compétence de design de coques. Son site d’implantation n’est pas encore
connu. L'industriel va également se tourner vers d’autres fournisseurs et mettre en œuvre des transferts
internes de production pour délester le site de Santa Maria.
Autre activité, autres difficultés : la seconde branche de l’aménagement intérieur, dédiée aux équipements de
la cabine et pilotée par Yannick Assouad, est aussi à la peine. Les retards se concentrent là encore sur l’A350 et
concernent les cabinets de toilettes. C’est également un site américain qui fait des siennes, celui de Cypress
(Californie). L'usine est confrontée à la fois à la montée en cadence du dernier-né d’Airbus et à la hausse des
opérations de rénovation d’avions existants. Résultat, le site tire la langue, victime entre autres d’importants
surcoûts de non-qualité.

L'efficacité des mesures en question

Fin 2015, les dirigeants de Zodiac ont donc décidé de mettre en place une seconde ligne d’assemblage sur le
site Canadien de Montréal. Il produit déjà des toilettes pour l’aviation d’affaires. La baisse d’activité dans ce
segment autorise un surcroît d’activité venu de l’aviation commerciale. Objectif ? Passer d’une cadence de
deux à huit shipsets (jeux de toilettes embarqués dans un avion). La cadence de cinq shipsets a été atteinte en
février 2016. La restructuration industrielle de cette branche concerne l’ensemble des sites américains où le
plan Focus doit encore être mis en application. Le groupe compte aussi généraliser des plans de formation
dédiés aux systèmes d’information de production (ERP).

Zodiac emprunte-t-il bel et bien la voie de la rédemption industrielle ? Si l’effort de clarté opéré donne enfin à
voir les solutions concrètes que le groupe met en œuvre pour redresser la barre, son incapacité à résorber ses
retards de livraisons posent questions.

Combien de temps encore faudra-t-il à Olivier Zarrouati et son équipe resserrée de dirigeants pour donner à
Zodiac l’envergure industrielle correspondant à ses succès commerciaux ? Ont-ils enfin pris la mesure des
dysfonctionnements, alors qu'ils estimaient que "le gros du combat avait été livré en 2014-2015"? Zodiac, dont
les rumeurs de rachat vont bon train ces derniers temps, va devoir dans les prochains mois faire la preuve de
l’efficacité de ses mesures. Stupeur générale, le meilleur élève de la classe se retrouve avec le bonnet d’âne.
Habitué aux louanges sur sa rentabilité (environ 14 %) et sa croissance constante (multiplication du chiffre
d’affaires par deux en sept ans), l’équipementier aéronautique Zodiac ploie depuis un an sous les critiques
assassines. "Cela devient inacceptable, s’émeut en avril le patron d’Airbus, Fabrice Brégier. Les fournisseurs
d’équipements de cabine sont maintenant de grands industriels, pas des PME".

Chez Boeing, autre grand client, Zodiac a "profondément agacé" et "perdu sa réputation", assure-t-on en
interne. La nécessité pour l’avionneur, fin 2014, de stocker deux 787 en attente de leurs sièges, dans le désert
américain de Mojave a laissé des séquelles. Mi-septembre, lorsque l’équipementier français anticipe une chute
de 40 % de sa rentabilité sur l’exercice 2014-2015, les investisseurs à leur tour décrochent et laissent choir le
cours de Bourse. L’origine de ces turpitudes est connue, Zodiac accuse d’importants retards dans la livraison de
ses sièges et fait ainsi face à de sérieux surcoûts. Jeudi 24 septembre, American Airlines a de son côté annoncé
qu’il ne commanderait plus de sièges haut de gamme à Zodiac pour ses B777 et B787.

Ce qui a fait le succès est devenu un handicap

Pour soigner le mal, il faut établir le diagnostic. Dans l’entretien qu’il a accordée à L’Usine Nouvelle,
Olivier Zarrouati, le président du directoire, pointe du doigt les faiblesses du reporting opérationnel. Les yeux
rivés sur les acquisitions et la croissance du chiffre d’affaires, les dirigeants ont perdu de vue le terrain.
Empilement d’activités indépendantes plus que véritable groupe international structuré – de l’avis du panel
d’experts interviewés, tous exigeant l’anonymat –, Zodiac laisse sa centaine d’usines réparties dans le monde
avancer en ordre dispersé. De quoi offrir à chaque directeur d’usine une importante marge de manœuvre.
Notamment celle de taire les difficultés. Le succès longtemps les cache : il y a quelque chose de grippé dans le
royaume de Zodiac. "La marque et son chiffre d’affaires conséquent ont fait oublier que le groupe était
constitué d’une agglomération de petites entités, décrypte un consultant indépendant. Les demandes et
exigences des clients sont devenues plus fortes, les commandes se sont amassées. Et le groupe n’en a pas pris
la mesure. » Trop vite, trop fort pour le champion français ? En 2015, les ratés prennent de l’ampleur dans la
branche sièges, surtout dans les usines américaines qui produisent des sièges pour la classe business. « À Santa
Maria, en Californie, les ruptures d’approvisionnements sont régulières et la production souvent arrêtée »,
confie un expert de l’aéronautique. Durant l’été, des ingénieurs d’Airbus se sont rendus dans des usines de son
fournisseur pour apporter des améliorations dans les process.
La grenouille a-t-elle voulu se faire plus grosse que le bœuf ? « L’organisation humaine et industrielle n’a pas
suivi le succès commercial du groupe », résume un consultant. Sans donner davantage de précisions, le groupe
assure que les retards de livraison sont en passe d’être résorbés, alors qu’ils devaient l’être au 31?août.
Fortement réduits ces derniers mois, ils sont tout de même passés de 6 000 sièges en mars à 2 200 en avril et 1
700 en juin, soit moins de trois jours de production. Simple « accident de parcours », comme le qualifie un
membre du conseil de surveillance ? Rien n’est moins sûr. Car les turpitudes que connaît Zodiac ne se
cantonnent pas à la seule activité de production de sièges, de l’aveu même d’Olivier Zarrouati.

Pour preuve, le plan de redressement Focus – lancé en avril, un « plan de combat » – englobe l’ensemble des
métiers du groupe (sièges, mais aussi toboggans, toilettes…). Ce qu’il vise : améliorer le reporting opérationnel,
généraliser les mêmes procédures à l’ensemble des sites (gestion supply chain, inventaire, qualité…), garantir
l’approvisionnement des usines et planifier toutes les ventes et les opérations. Les usines doivent se mettre au
diapason. « Nous ne pouvons en la matière laisser de place à l’initiative, assume Olivier Zarrouati. Sinon, cela
offrirait la possibilité aux moins rigoureux, et il y en a toujours un ou deux sur la centaine de nos sites, de ne
plus appliquer ces basiques. » Le patron de Zodiac serre les boulons, uniformise les bonnes pratiques. La
livraison en temps et en heure, qui n’est pas toujours allée de soi, n’est plus une option. Tout à sa volonté de
redresser l’entreprise, Olivier Zarrouati doit trancher un nœud gordien. Ce qui a fait le succès de
l’équipementier est devenu son handicap : la personnalisation des sièges d’avions. Exigée par les compagnies
aériennes, elle oblige à la différenciation et donc à une production sur mesure, quand les hausses de cadences
poussent, à l’inverse, à automatiser les chaînes de fabrication. Des vents contraires qui forcent les acteurs
spécialisés dans l’aménagement des cabines d’avions à un subtil pilotage. « Le groupe doit atteindre la
maturité industrielle qui consiste à déterminer un noyau central pour ses sièges sur lequel il peut proposer des
options, commente un analyste. Cette logique de conception modulaire a été poussée très loin dans le secteur
automobile, par des groupes comme Faurecia. » Exercice délicat tant le marché des sièges est segmenté.

Comité exécutif resserré et renouvellement en interne

Cet impératif d’industrialisation n’a pas échappé, malgré un retard certain, aux dirigeants de Zodiac : le plan
Focus est piloté par François Feugier, ancien de Faurecia et Valeo, installé en mai au nouveau poste de
directeur des opérations. Quant à l’activité sièges, elle est dorénavant dirigée par Jean-Michel Billig, passé par
la case Renault. Soucieux de rationaliser l’organisation, Olivier Zarrouati a resserré le comité exécutif et
renouvelé intégralement les patrons d’activités (à l’exception de Yannick Assouad, chargé des équipements
cabine). Depuis septembre, le groupe a scindé en deux pôles distincts ses activités aux contraintes industrielles
différentes : d’un côté celles qui concernent les compagnies aériennes (gros volumes et cycle industriel court),
de l’autre celles dédiées aux constructeurs d’avions (petits volumes et cycle industriel plus long). À marche
forcée, Zodiac passe du stade artisanal au monde industriel. Le plan de redressement, défini avec le cabinet
McKinsey, sera-t-il à la hauteur ? « La volonté de la direction n’est pas toujours suivie au niveau opérationnel
en interne, lâche de son côté un autre expert. Les postes de dirigeants étant instables, les actions correctives
nécessaires ne sont pas toutes mises en place et suivies d’effet. » De l’avis général, la remise à flot prendra au
minimum deux ou trois ans. Seulement voilà, le temps presse.

Une source proche de Boeing assure que Zodiac pourrait être écarté de certains appels d’offres, de quoi
émoustiller des concurrents comme l’américain B / E Aerospace ou l’allemand Recaro. Un autre expert
s’interroge déjà sur les risques de retards liés aux équipements de l’A 350, dernier-né d’Airbus, dont la montée
en cadence de production est l’une des plus importantes jamais réalisée dans l’aéronautique. Zodiac est l’un
des grands fournisseurs d’équipements cabine de l’appareil. Réponse d’Olivier Zarrouati : « Les risques sont
gérés. » L’échéance du mois de novembre sera déterminante : le groupe présentera ses résultats annuels pour
l’exercice 2014-2015 et le mandat d’Olivier Zarrouati doit être renouvelé. « Il semble avoir bien cerné les
problématiques du groupe et affiche une volonté claire de changement, reconnaît un expert. Va-t-on
seulement lui donner les moyens de ses ambitions et le temps de mener à bien le plan ? » Olivier Zarrouati, aux
manettes depuis 2007, semble avoir gardé la confiance du conseil de surveillance, lui qui a hissé le groupe à
une échelle internationale. Attendu au tournant par une partie de la filière aéronautique française, il doit
manœuvrer vite. « Si dans six mois les problèmes ne sont pas réglés, des questions se poseront autour de la
gouvernance et de l’adossement à un plus gros groupe », assène un consultant indépendant. En amateur avisé
de « Guerre et Paix » de Tolstoï, Olivier Zarrouati le sait : les plus grandes victoires ne sont jamais loin des plus
grandes défaites.

Croissance Forte, rentabilité en berne

• 4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 18,1 % en 2014-2015)


• 13,2 % de rentabilité en 2013 – 2014 (- 40 % prévus pour 2014-2015)
• 30 000 employés
• 100 sites mondiaux

Un groupe de sept familles

D’envergure internationale, Zodiac n’en reste pas moins piloté par un groupe restreint de sept familles. Celles-
ci détiennent 24 % du capital et plus de 38 % des droits de vote. Leur présence témoigne du passé d’un groupe
créé en 1896, longtemps à cheval entre le nautisme et l’aéronautique. Le rééquilibrage en faveur du second
secteur s’opère dans les années?1970 sous l’impulsion du PDG Didier Domanges, depuis représenté par la
famille Domanges. En pleine crise, il fait appel en 1973, à Jean-Louis Gerondeau, venu de McKinsey, qui dirigera
le groupe 35 années durant et qui reste toujours présent au capital. Anciens managers, Maurice Pinault et
Marc Schelcher représentent toujours leurs familles au sein du conseil de surveillance. Robert Maréchal et sa
famille sont entrés dans le capital au moment de l’acquisition d’Intertechnique, en 1998. Depuis, deux autres
familles complètent ce cercle fermé : Louis Desanges (dirigeant de la société de conseil Fidya Partners) et
Olivier Zarrouati lui-même. En dehors de ces sept familles, à noter la présence de la holding du groupe Peugeot
(FFP Invest) et celle récente (juin) du Fonds stratégique de participations (FSP). C’est l’annonce que devaient
redouter les dirigeants de Zodiac : celle d’une grande compagnie aérienne qui décide de ne plus acheter leurs
sièges.

Jeudi 24 septembre, American Airlines a déclaré être à la recherche d'un autre équipementier pour lui fournir
des sièges haut de gamme destinés à ses Boeing B777 et B787, selon l’agence Bloomberg. Un coup dur porté
au champion français, qui semble toujours empêtré dans ses retards de livraison, une semaine seulement après
avoir anticipé une forte baisse de sa rentabilité de 40% pour l’exercice 2014/2015, malgré une hausse de 18,1%
de son chiffre d’affaires (4,9 milliards d’euros).

"Zodiac n'a pas été en mesure de livrer les nouveaux sièges en temps voulu conformément aux termes de son
contrat", a dit une porte-parole d’American Airlines au site spécialisé RGN. Des propos qui rappellent ceux
tenus par les constructeurs Airbus et Boeing ces derniers mois. Le patron de l’avionneur européen, Fabrice
Brégier, avait jugé en avril ces retards de production "inacceptables". Chez Boeing, une source interne assure
que Zodiac a "perdu en réputation". Une autre source proche du constructeur américain évoque la possibilité
que l’équipementier soit écarté de certains appels d’offre.

Il faut dire que Zodiac, parmi les trois plus grands industriels mondiaux des sièges d’avion, ne semble pas
réussir à résorber ses retards de production. L’objectif d’un retour à la normale, fixé au 31 août, n’a pas été
atteint. En mars, l'équipementier affichait un retard de 6000 sièges, 2200 en avril et 1700 en juin, selon les
derniers chiffres communiqués, soit environ trois jours de production. "Les retards sont en train d’être
résorbés, ce ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir", a toutefois assuré Olivier Zarrouati, le président du
Directoire, dans un entretien accordé à L’Usine Nouvelle.

Des concurrents en embuscade

Des propos qui visent à rassurer clients et investisseurs mais qui, visiblement, peinent à convaincre. Une
er
enquête publiée par L’Usine Nouvelle (à paraitre dans le numéro N°3438 du 1 octobre 2015) montre que
l’incroyable succès commercial de Zodiac de ces dernières années n’a pas été suivi des évolutions industrielles
nécessaires à ce changement d’échelle. En cause, "une perte de vue globale avec le terrain", admet Olivier
Zarrouati. A gros traits, de l'avis de plusieurs experts, Zodiac s'apparente davantage à une agglomération de
petites entités indépendantes qu'à un grand groupe international structuré. Conscient de cette situation,
Olivier Zarrouati tente de transformer Zodiac à marche forcée en faisant fonctionner sa centaine d’usines
réparties dans le monde au diapason et en minimisant les prises d’initiatives locales. Ce sont les grands
objectifs du plan Focus, lancé en avril par les dirigeants pour redresser la situation, mais qui pourrait prendre
de deux à trois ans pour remettre le groupe d’aplomb. Le patron de Zodiac va devoir s’ingénier à faire
appliquer ces bonnes pratiques industrielles le plus rapidement possible afin d’éviter des déconvenues
commerciales comme avec d’American Airlines.

Car les concurrents de Zodiac, comme l’américain B/E Aerospace ou l’allemand Recaro, ne manqueront pas
d’affûter leurs arguments pour gagner de nouvelles parts de marché. Tant que Zodiac accuse des retards de
livraisons et que les effets du plan Focus ne se feront pas ressentir, il risque à tout moment de perdre des
clients. Alors que fin novembre se profile la présentation des résultats annuels du groupe et le renouvellement
de mandat d’Olivier Zarrouati, les prochains mois seront décisif pour l’avenir du champion français.

"Nos retards sont dus à une perte de vue du terrain", affirme le patron de Zodiac

Publié le 23/09/2015 À 10H43

L'équipementier aéronautique Zodiac connaît une passe difficile. Les retards de livraisons de sièges, en passe
d'être résorbés, ont créé des tensions avec ses deux principaux clients, Airbus et Boeing. Olivier Zarrouati, le
président du Directoire, répond aux questions de L'Usine Nouvelle.

Depuis un an, l’équipementier aéronautique Zodiac doit gérer d’importants retards de livraisons de ses sièges
d’avions. S’ils sont en passe d’être résorbés, le retour à la normale prévu fin août ne semble pas encore
d’actualité. A la mi-septembre, le groupe, souvent considéré comme un bon élève du secteur aéronautique, a
fait état d’une chute anticipée de 40% de sa rentabilité pour l’exercice 2014/2015. Après avoir subi les foudres
de Boeing et d’Airbus, ses principaux clients, c’est au tour des investisseurs de faire grise mine. Aujourd’hui, le
président du Directoire, Olivier Zarrouati, assure que le plan Focus lancé en avril dernier permettra au groupe
de renouer avec le succès industriel et de relever le défi de la hausse vertigineuse des cadences de production
du secteur aéronautique.

L'Usine Nouvelle - Quand pensez-vous résoudre les retards de livraisons de sièges et les problèmes de
certifications ?

Olivier Zarrouati - Les retards sont en train d’être résorbés, ce ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Les
retards résiduels en début d’exercice sont dus à des modifications mineures que nous devons apporter sur sept
ensembles de sièges de classe économique du même modèle, suite à un problème de certification survenu en
août, et résolu depuis. Ce qui s’est passé il y a un an dans notre activité sièges est de nature très différente.

Quelles sont les causes de ces retards de livraisons ? De manière schématique, c’est une perte de vue globale
avec le terrain. Nous avons découvert, il y a un an, des difficultés d’organisation locales allant très au-delà de la
normale. Nos managers ont toujours eu l’habitude de passer du temps dans leurs usines. Avec l’accroissement
constant de la taille du groupe, ces visites sont devenues moins fréquentes, et n’ont plus permis de compenser
un reporting opérationnel, qui à la lueur des difficultés rencontrées, était insuffisant.

Comment comptez-vous résoudre ces problèmes ? Le premier pilier de notre plan de redressement Focus est
justement de densifier le reporting opérationnel. Et pas seulement concernant l’activité sièges. Quand je me
suis penché sur ces problèmes, j’ai très vite eu le sentiment que les sièges n’étaient pas les seuls à être
susceptibles de présenter ce genre de difficultés. Nous avons développé le plan Focus pour l’ensemble du
groupe. Le deuxième pilier est le "back to basics", qui porte sur les procédures opérationnelles. Soyons clairs,
les basiques sont appliqués dans la vaste majorité des usines du groupe, mais nous devons nous assurer que
tous ces basiques sont mis en place avec la même rigueur et la même forme partout dans le groupe.

N’avez-vous pas pêché par excès de confiance, fort de vos bons résultats ? L’humilité est l’une des valeurs
fondamentales du groupe. Je ne pense pas que l’équipe de management ait fait preuve d’arrogance, ce n’est
pas dans notre culture. Vous dites que notre marge est exceptionnelle mais certains industriels anglo-saxons
comparables à nous sont bien meilleurs que nous en termes de rentabilité. Malgré notre succès, nous ne nous
sommes pas dit que nous marchions sur les eaux ou que nous avions trouvé la pierre philosophale. Pour piloter
le plan Focus, nous avons d’ailleurs fait appel au cabinet McKinsey. Nous avions intérêt à faire venir une
ressource externe et qu’elle soit crédible.

Dans quelle mesure pouvez-vous vous inspirer du secteur automobile ? L’automobile est allé plus vite et plus
loin que nous dans la direction des procédures normalisées et des modèles automatisées voire robotisés. La
notion de "production system" développée par Toyota est intéressante. Elle implique l’idée d’un système
unique et standardisé dans toute l’entreprise. Mais n’oubliez pas qu’environ 2500 avions civils sont produits
chaque année dans le monde, contre 80 millions de véhicules. De nombreux processus d’automatisation qui
ont un sens économique dans l’automobile, ne seraient pas amortis dans l’aéronautique. Nous sommes obligés
d’accepter une certaine quantité de travail qui ne peut être automatisée. Et c’est là que se trouve le risque
industriel.

N’aurait-il pas fallu réagir plus tôt ? Evidemment ! Ce serait manquer de lucidité et d’honnêteté que d’affirmer
que nous n’avons pas commis d’erreurs. Nous avons eu un temps de retard dans le traitement de cette
situation. Dans un premier temps, nous avons sous-estimé la criticité de la situation. Ce n’est qu’ensuite que
nous avons apprécié plus justement les mesures qu’il fallait prendre.

Avez-vous conservé la confiance de Boeing et d’Airbus ? Ce qui est certain, c’est que tant qu’un seul siège sera
livré en retard, nous aurons des clients mécontents. Ils l’expriment de toute sorte de façons. Les surcoûts
élevés, qui se traduisent par un résultat attendu en forte baisse, sont dû à notre volonté de protéger nos
clients, et c’est notre priorité.

Pourquoi Zodiac doit-il se réinventer ?


Olivier James Aéronautique , Aviation civile , Zodiac Aerospace

Publié le 16/09/2015 À 16H31

Zodiac, qui vient de publier ses résultats financiers, fait les frais de ses retards dans la production de sièges
d'avions. L’équipementier connaît une crise de croissance qui l’oblige à se réorganiser en profondeur

Ils avaient beaux être attendus, les mauvais résultats de Zodiac n’en sont pas moins cinglants. A l’occasion de la
publication mardi 15 septembre de son chiffre d’affaires du quatrième trimestre pour l’exercice
2014/2015, l’équipementier aéronautique a anticipé un recul de l’ordre 40% de son résultat opérationnel pour
l’ensemble de cet exercice. Dans un communiqué, le groupe – l’un des champions mondiaux du siège d’avions
– évoque un "exercice difficile sur le plan opérationnel". La cause principale de cette chute de la rentabilité est
bien connue. Depuis plusieurs mois, Zodiac est confronté à de sérieux retards de production de ses sièges
d’avions. Ils n’ont pas manqué de susciter l’agacement, voire l’inquiétude, chez les grands constructeurs
(Airbus et Boeing en tête), mais seraient en passe d’être résorbés. Le plan de redressement mis en œuvre dans
la foulée a lui aussi pesé sur les résultats. Comme si ces retards ne suffisaient pas, l’équipementier
aéronautique a été confronté à un nouveau problème, qui concernerait cette fois la certification d’un modèle
de siège. Difficile pour le moment d’en savoir davantage.

Une violente crise de croissance

Sans prendre de pincettes, à l’issue de la publication de ces résultats, les analystes de CM-CIC Securities parlent
d’une situation "catastrophique". La chute du cours de bourse montre bien une défiance de la part des
investisseurs. "Les surcoûts opérationnels de l’exercice 2014/2015 devraient coûter environ 5 points de marge",
prévient Zodiac. Qui plus est, l’endettement financier atteint 1,3 milliard d’euros. "Les surcoûts de production
n’ont pas pu être résorbés aussi rapidement que prévu, argue-t-on au sein de CM-CIC Securities. Zodiac connaît
une crise de croissance très violente." Une crise de croissance que reconnaît volontiers Olivier Zarrouati, le
président du directoire de Zodiac, lorsqu’on l’interroge sur le sujet. C’est la raison pour laquelle il a lancé le
plan Focus qui devrait, selon lui, permettre au groupe de sortir renforcer de cette crise. En un mot, Zodiac doit
pour faire fructifier le succès de ses sièges, passer d’un modèle artisanal à un modèle industriel.

Les résultats annuels très attendus


Raison pour laquelle Olivier Zarrouati cherche à introduire davantage de modularités dans les process
industriels : comme il l’a expliqué à L’Usine Nouvelle, le sur-mesure qui régnait jusque-là dans cette activité
n’est plus adapté à la hausse vertigineuse des cadences de production de l’aéronautique. Le management du
groupe est lui aussi en cours de transformation. Un directeur des opérations a été nommé, François Feugier,
passé par Faiveley et Faurecia, qui devrait resserrer les liens entre la direction et le terrain. Et éviter les
mauvaises surprises. Ce plan Focus sera-t-il suffisant pour permettre à Zodiac de regagner la confiance de ses
clients, Airbus et Boeing en tête, et des investisseurs ? Cette chute de la rentabilité est d’autant plus
malencontreuse pour l’équipementier que son activité reste soutenue : le chiffre d’affaires de l’exercice
2014/2015 progresse de 18,1%, flirtant avec les 5 milliards d’euros. Olivier Zarrouati, dont le mandat doit être
renouvelé en novembre, sait que son groupe est attendu au tournant. La publication des résultats annuels de
l’exercice 20104/2015, le 24 novembre, sera décisive.

Le patron de Zodiac répond à celui d’Airbus sur les retards de livraisons

Publié le 08/06/2015 À 17H35

Alors que le patron d’Airbus juge "inacceptables" les retards de livraison de Zodiac, le PDG de
l’équipementier a confié à L’Usine Nouvelle sa version des faits.

"Cela devient inacceptable !" En avril, Fabrice Brégier n’y était pas allé de main morte. Prenant soin de ne pas
citer nommément Zodiac, le PDG d’Airbus répondait bien à une question qui concernait cet équipementier et
ses importants retards de livraison de sièges d’avions. Ces derniers mois, Airbus comme Boeing ont dû prendre
leur mal en patience, ne voyant pas arriver à temps dans leur ligne d’assemblages des milliers de sièges. Les
résultats financiers de Zodiac s’en sont aussi fait ressentir.

Dans une interview accordée à L’Usine Nouvelle (N°3427 du 11 juin), le PDG d’Airbus enfonce le clou, toujours
sans clairement pointer Zodiac du doigt. "Nous attendons des entreprises […] une performance industrielle qui
ne soit plus artisanale. Sinon, ils n’auront plus la possibilité de travailler pour Airbus, en tout cas plus dans les
mêmes conditions. Mon message est un message d’alerte, pas de menace". Et d’ajouter dans la foulée : "Par
exemple, nos partenaires dans l’aménagement de cabine doivent se mettre à niveau par rapport aux
spécialistes des aérostructures rompus aux méthodes de développement d’Airbus »

La cabine, haute couture de l'aéronautique

Qu’en pense le principal intéressé, Olivier Zarrouati, le PDG de Zodiac ? La distinction entre ces deux catégories
de sous-traitants est-elle pertinente ? "Fabrice Brégier a raison de dire que les métiers de la cabine vont devoir
évoluer", admettait-t-il, en aparté du lancement du Falcon 5X de Dassault Aviation à Merignac (Gironde), mardi
2 juin dernier. Mea culpa, donc. Mais si distinction il y a, elle est à chercher d’après lui du côté des contraintes,
bien plus lourdes côté cabine que côté aérostructures… Explications d’Olivier Zarrouati : "Le métier des
compagnies aériennes est difficile dans la mesure où elles passent par les mêmes aéroports, possèdent les
mêmes avions, supportent le même coût du carburant et sont régies par la même réglementation. Je ne connais
pas d’industrie au monde dans laquelle l’impossibilité de se différencier atteint un tel degré". Quel est le donc le
seul moyen de se distinguer ? Réponse : la cabine d’avion. "Elle est au centre du jeu, résume Olivier Zarrouati.
Chaque compagnie exige quelque chose que les autres n’ont pas".

Conséquence pour les spécialistes de la cabine d’avion ? "Nous sommes naturellement conduit, et cela en
permanence, à produire des sièges différents et de plus en plus complexes, résume Olivier Zarrouati. Notre
métier est en cela très différent des structures d’avion". Faites donc du sur-mesure pour voir, semble dire le
patron de Zodiac. Loin de s’apitoyer sur cet impératif industriel, le patron de Zodiac a lancé Focus, "un plan de
combat", pour redresser le tir. Il vise en particulier à injecter dans les process du groupe une bonne dose de
flexibilité et de modularité. Et devrait permettre au groupe, malgré ses spécificités, d’avancer au même rythme
que celui impulsé par les avionneurs.

Quand le patron d’Airbus remonte les bretelles de Zodiac…


Olivier James Dirigeants , L'Usine de l'Aéro , France , Airbus Group , Zodiac Aerospace

Publié le 17/04/2015 À 18H19

Fabrice Brégier, le pdg d’Airbus, juge "inacceptable" les retards de livraisons des fournisseurs d’équipements
cabine des avions. Des propos qui visent clairement le groupe Zodiac.

Airbus hausse le ton. Alors que l’avionneur fait état à demi-mots, et ce depuis plusieurs mois, de son
mécontentement vis-à-vis de Zodiac, le patron d’Airbus fait désormais connaître son courroux publiquement.
"Je pense que les fournisseurs d’équipements de cabine feraient bien d’avoir un niveau de maturité industriel
équivalent à ceux des fournisseurs d’avions !", a asséné Fabrice Brégier, à l’occasion d’une rencontre organisée
vendredi 17 avril par l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace (AJPAE). Si
Fabrice Brégier prend soin de ne pas nommer Zodiac, il répondait bien à une question qui concernait les
importants retards de livraisons de sièges d’avions de l’équipementier. "Ce n’est pas une exception, a toutefois
précisé Fabrice Brégier. [Ces fournisseurs d’équipements de cabine] sont maintenant de grands industriels, pas
des PME. Ils doivent mettre en place les dispositifs pour tenir leurs engagements". Et de lâcher enfin : "Cela
devient inacceptable »

Les équipes d’Airbus et de Boeing à la rescousse

Des propos qui reflètent un niveau de tension croissant entre les constructeurs d’avions soucieux d’honorer
leurs commandes et leurs fournisseurs, en pleine montée en cadence de production. Fabrice Brégier a
d’ailleurs affirmé que le rythme de 60 A320 produits chaque mois à l’horizon 2020, contre 42 aujourd’hui,
n’était "pas aberrant". L’avionneur européen gère en parallèle la hausse des cadences de l’A350, son dernier-
né, qui devrait atteindre la barre des dix avions produits par mois en 2018. Au vu des retards de livraisons de
Zodiac, Airbus et Boeing auraient selon l’agence Reuters dépêché des équipes chez l’équipementier pour aider
l'entreprise à accélérer sa production. Olivier Zarrouati, le PDG de Zodiac, a récemment fait savoir que les
problèmes seraient réglés d’ici la fin de l’été. Des problèmes qui prouvent que les maillons faibles de la chaine
d’approvisionnement aéronautique ne sont pas seulement dans les PME.


Zodiac Aerospace revient en forme avant son rachat par Safran
Par Fabrice Gliszczynski | 31/10/2017

(La Tribune)

En passe d'être racheté par Safran, Zodiac Aerospace a annoncé mardi un résultat opérationnel
courant annuel de 217,6 millions d'euros, en recul de 19,3% mais dans le haut de la fourchette de ses
dernières prévisions. La performance traduit la reprise de contrôle de la production de sièges d'avion
dont le dérapage à partir de l'hiver 2015 avait plombé le groupe.

Enfin du mieux pour Zodiac Aerospace avant son rachat par Safran début 2018. En difficulté
financière après l'accident industriel qui a fait déraper la production de sièges d'avion à partir de
l'hiver 2015, l'équipementier aéronautique français en passe d'être racheté par Safran a publié ce
lundi des résultats annuels (septembre-août) encourageants qui traduisent la reprise de contrôle de
la production industrielle.

Génération de cash

Le groupe a certes annoncé un résultat annuel courant en recul de 19,3% à 217,6 millions d'euros, ce
dernier se situe néanmoins dans « le haut de l'objectif de 200-220 millions » fixé en mars dernier par
la direction après une énième alerte sur ses résultats. Cette performance s'explique par un "fort
second semestre" au cours duquel Zodiac a enregistré un bénéfice opérationnel de 229 millions
d'euros alors qu'il affichait une perte de 11 millions au premier semestre.

Mieux, le groupe, désormais piloté par l'ex-Pdg de Faurecia Yann Delabrière, montre sa capacité à
générer du cash. Ce qui lui permettra d'accélérer les investissements pour suivre les hausses de
cadences de production d'avions. Au second semestre, Zodiac a généré 445 millions d'euros de
trésorerie et entend continuer sur ce rythme au cours de l'exercice 2017-2018. Pour l'exercice en
cours, le groupe table en effet sur une génération de trésorerie qui « devrait rester forte".

La direction table aussi pour cette période sur "un chiffre d'affaires en légère baisse" (après un recul
de 1,6% en 2016-2017), et sur un résultat opérationnel courant « en progression significative ». Les
analystes anticipent en moyenne un rebond du bénéfice opérationnel à 403 millions d'euros en
moyenne en 2017-2018, puis 514 millions en 2018-2019 et 586 millions en 2019-2020, selon le
consensus Thomson Reuters I/B/E/S.

"Les problèmes de livraison sont réglés"

Dans un entretien aux Echos, Yann Delabrière a confirmé que le groupe était en capacité d'atteindre
une marge autour de 15% à l'horizon 2020 comme l'avait fixé l'ancien président du directoire, Olivier
Zarrouati. Pour rappel, le record de 14,5% date de 2013.

"Le redressement industriel et la transformation du groupe sont engagés", a indiqué Zodiac. Affichant
sa confiance pour les prochaines étapes du développement de Zodiac, Yann Delabrière souhaite
"atteindre un niveau de performance durable, tant sur le plan de la satisfaction de nos clients que sur
le plan financier".

Dans cet entretien aux Echos, il a déclaré que "les problèmes de livraison étaient réglés": "Il n'y a plus
d'écart majeur dans les dates de livraison des équipements de cabines et des sièges. C'était le
problème le plus urgent à résoudre et nous y sommes parvenus. Derrière cela, il nous reste encore
du travail à faire, notamment en matière de qualité", a-t-il indiqué.
Usine Nouvelle, avril 2018
"Il serait présomptueux de dire que Zodiac est sur les rails", reconnaît le patron de Safran

Dans un entretien donné à L’Usine Nouvelle, le patron de Safran, Philippe Petitcolin, détaille sa
stratégie pour redresser Zodiac que le groupe vient juste d’acquérir. Quant aux relations plus
musclées avec les avionneurs, elles vont obliger Safran à innover encore davantage.

Année historique pour Safran. Avec l’acquisition effective de Zodiac un peu plus d’un an après son
lancement, Safran devient l’un des géants du secteur : le troisième acteur mondial, hors avionneurs,
avec 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et le numéro deux mondial des équipementiers, derrière
le géant américain UTC. Une course à la taille qui n’est pas une fin en soi, alors que Safran va devoir
relever de nombreux défis : assurer le redressement industriel de Zodiac, accélérer les livraisons du
moteur Leap, contrer l’offensive des avionneurs qui comptent réinternaliser certains équipements,
maintenir à flot le moteur Silvercrest dédié à l’aviation d’affaires… Dans un entretien accordé à
L’Usine Nouvelle, Philippe Petitcolin, directeur général de Safran, détaille les grands enjeux pour
l’avenir du groupe.

L'Usine Nouvelle - Où en êtes-vous de l’acquisition de Zodiac ?

Philippe Petitcolin - L’acquisition est finalisée. Nous avons pris le contrôle de l’entreprise le 13
février, puis nous avons réussi à passer le cap de détention de 95 % du capital. Ce qui a nous a
permis de retirer Zodiac de la cote. Nous sommes aujourd’hui dans la phase d’intégration. Les
synergies que nous visons s’établissent à un minimum de 200 millions d’euros par an, comme nous
l’avions déjà annoncé. Nous restons focalisés sur cet objectif réaliste à horizon de trois ans.

Comment comptez-vous y parvenir ?

Les achats hors production représentent à eux seuls plus de 90 millions d’euros sur les 200. Zodiac
achète pour plus d’un milliard d’euros par an. L’effet de levier avec Safran permet de viser une
réduction comprise entre 8 et 10 % sur ces achats. Nous avions défini des objectifs très conservateurs
dans le domaine des achats de production, qui représentent 1,9 milliard d’euros pour Zodiac, et sur
lesquels nous visons 1 % de baisse, soit 19 millions d’euros. C’est un objectif prudent qui s’explique
par le réseau très vaste de fournisseurs de l’équipementier, entre 6 000 et 7 000, ce qui n’offre pas un
effet levier très important. En outre, très peu de fournisseurs sont communs entre Safran et Zodiac.
Pour le reste, cela concerne quelques domaines redondants dans la R&T, la fusion des deux sièges
sociaux et la réduction du nombre de sites chez Zodiac. Le groupe Zodiac compte 120 sites
aujourd’hui pour 32 000 personnes. Il y aura de la consolidation à réaliser, soit avec des sites Zodiac
proches, soit avec des sites Safran.

La consolidation concernera-t-elle aussi bien les Etats-Unis que l’Europe ?

Elle concerne avant tout les Etats-Unis, mais également l’Europe dans une moindre mesure. Le plus
grand potentiel d’économies se trouve aujourd’hui aux Etats-Unis.

Le redressement industriel de Zodiac est-il enfin sur les rails ?

Il est trop tôt pour se prononcer. Nous sommes dans des cycles longs, les développements de
produits s’effectuent en trois ou quatre ans. Il serait présomptueux de dire que l’entreprise est sur les
rails. Nous faisons tout pour l’amener à un niveau de compétitivité digne de son statut, mais nous n’y
sommes pas encore.

Pourquoi ce redressement prend-t-il autant de temps à se concrétiser, alors que les problèmes
sont apparus il y a déjà trois ans ?

Lorsque la performance d’une entreprise entre dans une spirale négative, il est difficile de l’arrêter,
parce qu’il n’y a pas qu’un seul facteur. On croit au début trouver la solution, on change telle ou telle
personne, on fait appel à des consultants et au final, ça ne marche pas. Dans nos métiers, les causes
de tels problèmes sont très profondes. Il faut vraiment remettre l’ensemble des bases à niveau avant
de pouvoir en tirer de l’amélioration et restaurer les profits. Je ne crois pas au coup de baguette
magique d’une simple nomination. Cela doit venir de l’ensemble du personnel qui doit s’approprier de
nouvelles méthodes. Il faut que les salariés comprennent, acceptent le diagnostic et travaillent à
l’amélioration.

Quelles seront les premières étapes de votre prise de contrôle ?

Les problèmes de Zodiac se concentrent dans les activités d’intérieur d’avions, la cabine et les sièges.
Les autres activités fonctionnent bien, avec environ 15 % de rentabilité. Pour les activités défaillantes,
tout part de l’engineering. Il n’a pas été suffisamment structuré chez Zodiac. Chez Safran, chaque
business correspond à un programme d’un avionneur. Ce n’est pas le cas des équipements intérieurs,
pour lesquels un business correspond à un projet. Il faut mener en parallèle des dizaines de projets
pour telle ou telle compagnie aérienne, avec des durées variant de 18 à 36 mois. Les compagnies
aériennes commandent de nouvelles cabines et de nouveaux sièges pour leurs avions neufs et en
profitent pour moderniser leurs avions existants. C’est le cas de United Airlines qui vient de lancer
une nouvelle cabine pour ses 787 et qui modernise en même temps ses 777. Quand un projet
s’achève, un autre commence. Il faut mener en parallèle entre 20 et 40 projets. La phase
d’engineering est clé dans la performance globale d’autant que les compagnies aériennes exigent des
équipements de plus en plus personnalisés pour se différencier de la concurrence. Chez Zodiac,
pendant un certain temps, on a sous-estimé cette phase.

Vous allez faire différemment ?

Nous allons essayer d’imposer des règles beaucoup plus strictes de passages de jalons par exemple.
Dans la phase d’engineering, au niveau des sièges, il n’y avait pas d’établissement de liste
d’approvisionnements. C’était seulement lors de la phase d’industrialisation que l’on se demandait
quel fournisseur livrerait telle ou telle pièce. Ce qui ne permettait pas de connaître le coût d’une pièce,
ni d’ailleurs sa faisabilité et le délai pour l’obtenir. Ainsi, nous venons d’imposer que cette phase
d’engineering démarre par la définition d’une liste d’approvisionnements, même si celle-ci n’est pas
définitive.

Ce rapprochement va-t-il apporter de la valeur en France ?

Là encore, il est trop tôt pour le dire. Zodiac est relativement peu implanté en France, le groupe n’y
emploie que 7 000 personnes sur un effectif total de 32 000 salariés. Ce qui n’est pas le cas de
Safran, avec plus de 36 000 salariés dans l’Hexagone sur un total de 58 000. Zodiac est
essentiellement nord-américain, avec 50 % de ses effectifs aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada.

Safran a donné l’impression, ces derniers mois, de se concentrer sur le moteur Leap, au
détriment de l’avion plus électrique…

C’est une perception ! Le moteur Leap est notre produit de référence pour le court et moyen terme de
Safran. A-t-on pour autant moins travaillé sur l’avion plus électrique ? Non, au contraire. Nous
augmentons depuis deux ans les dépenses dans la Recherche & Technologie, qui se situe en amont
du développement des produits : nous sommes passés de 350 millions d’euros en 2016 à 420 millions
d’euros cette année. Mon ambition est d’atteindre 500 millions d’euros en 2020. Et l’avion plus
électrique est au cœur de cette R&T. Notre futur passe par l’innovation.

Où en êtes-vous de la montée en puissance du Leap?

Nous sommes en retard, ce n’est pas un scoop. Nous avons six semaines de retard par rapport à
l’échéancier de nos clients, Airbus et Boeing. En revanche, nous n’avons pas de problèmes
techniques à résoudre pour livrer nos moteurs. Notre retard est dû à la tension de notre chaîne
d’approvisionnement qui éprouve quelques difficultés à tenir ses engagements. Nous livrons de plus
en plus de moteurs, mais la vitesse à laquelle nous continuons à augmenter nos livraisons est
inférieure à ce que demandent nos clients. Je rappelle en outre que nous livrons aujourd’hui
beaucoup plus de CFM56 que ceux prévus initialement.

Combien livrez-vous de moteurs par mois?

La production est suivie à un rythme hebdomadaire. Aujourd’hui, nous livrons en moyenne chez
Airbus et Boeing une douzaine de moteurs Leap par semaine. En fin d’année, les cadences seront
très supérieures, avec un objectif de 2 000 moteurs livrés en 2020.

Au-delà de cette date, quels sont les scénarios que les avionneurs vous demandent
d’envisager?

On parle de 70 ou 75 avions par mois à l’horizon 2020.

Ce sur quoi vous ne vous êtes pas encore engagé…

Ce n’est pas de la résistance pour montrer que l’on existe. Nous gérons aujourd’hui nos contraintes et
faisons des efforts au quotidien pour respecter les cadences sur lesquelles nous nous sommes
engagés. Nous aurons une meilleure connaissance de la résistance de notre chaîne
d’approvisionnement à la fin de cette année. A ce moment-là, nous serons quasiment au niveau de la
production moyenne de l’année 2019, date à laquelle nous sommes censés livrer 1 800 moteurs en
année pleine. Si nous tenons notre objectif en 2018, je maintiens que nous pourrons plus facilement
nous engager sur la résistance de notre chaîne d’approvisionnement et sur sa capacité à atteindre
une cadence de 70 ou 75 avions par mois à l’horizon 2021-2022.

Comment expliquer de telles difficultés dans la chaîne d’approvisionnement?

Deux facteurs nous différencient du reste des fournisseurs. L’A320neo et le 737 MAX ont très peu
changé en dehors de leurs moteurs. Les chaînes d’approvisionnements étaient déjà totalement
stabilisées sur des productions de 40 ou 50 avions par mois. Quand vous êtes à ce niveau depuis des
années et qu’il faut passer à 60 ou 70, ça limite les problèmes. Nous partons de notre côté sur un
produit complètement nouveau, le moteur Leap. Avec des fournisseurs accaparés par la production
du moteur précédent, le CFM56, qui doivent en même temps monter à une vitesse très importante sur
le Leap. Cet exercice ne s’est jamais fait dans l’histoire de l’aéronautique. Nous avons encore produit
1 700 CFM56 en 2016, 1 400 en 2017 et nous en prévoyons 1 000 cette année. Or 80 % de notre
chaîne d’approvisionnement est identique pour ces deux moteurs. Il est vrai que certaines choses ne
se déroulent pas comme nous l’avions imaginé. Et en particulier concernant la matière première. Tous
les motoristes s’adressent aux mêmes forgerons et aux mêmes fondeurs, or leurs capacités ne sont
pas infinies.

Quand un concurrent chinois pourrait-il vous faire concurrence?

La société AECC a été créée fin 2016, et emploie plus de 100 000 personnes. C’est potentiellement
un grand concurrent. Je ne voudrais pas faire preuve d’arrogance, mais je ne pense pas qu’avant 15
ans nous puissions avoir une concurrence frontale avec une source chinoise dans les moteurs
d’avions commerciaux.

Diriez-vous que le dialogue est devenu plus rugueux ces derniers mois avec les avionneurs,
suite aux opérations de consolidation chez les équipementiers?

Je parlerais plutôt d’un dialogue plus mature. Lorsque nous avons décidé de racheter Zodiac, nous
avons reçu des avis de nos clients, positifs car notre expertise permettrait de ramener Zodiac à un
niveau de performance plus acceptable même s’ils n’appréciaient pas toujours de voir des
fournisseurs devenir peut-être trop incontournables dans leurs chaînes d’approvisionnements.
Aujourd’hui, nous entretenons des relations tout à fait normales avec Airbus, Boeing, Embraer ou
encore Bombardier.
Mais les équipes Airbus ne cachent pas leur insatisfaction à ce que vous soyez deux fois plus
rentable. Il y a la volonté chez l’avionneur de rééquilibrer la relation. Comment pouvez-vous
contrer cette tendance?

Par l’innovation. Si Safran n’innove pas, nous n’aurons plus aucun avantage par rapport aux
avionneurs qui souhaitent réintégrer des équipements ou à des sociétés plus petites. Reste que si l’on
compare nos modèles économiques, ils sont très différents. Notre activité de services est par
définition plus importante que la partie structurelle d’un avion. Dès lors que l’on prend les risques en
payant les frais de développement et que l’on vend aux avionneurs à des prix extrêmement bas, notre
business se fait dans les activités de services. C’est là que nous dégageons les marges que vous
évoquez. Nous ne prenons pas de l’argent contre nos clients. Nous essayons de développer notre
modèle qui intègre une part de services importante.

Comment êtes-vous parvenus à conserver la production des nacelles du Leap qu’Airbus a


envisagé un temps de réinternaliser?

Nous avons fait un effort commercial, bien entendu. Notre relation est particulière avec Airbus sur les
nacelles, car je vous rappelle que dans les années 90, nous avions à leur demande créé une joint-
venture avec eux, dénommée Aircelle.

Vous attendez-vous à devoir vous battre sur certains équipements?

Bien sûr. Je me dois d’être le plus compétitif possible. Nous sommes le troisième acteur mondial, hors
avionneurs, avec 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de 90 000 personnes. On doit
innover pour être sûrs d’être les meilleurs. Si ce n’est pas le cas, en termes de coûts de production,
de services et d’innovations, à terme, nous sommes à risque. Ce qui compte, c’est de ne pas perdre
de parts de marché.

Quels enseignements tirez-vous de l’échec du Silvercrest avec Dassault Aviation, ce moteur


dédié à l’aviation d’affaires?

Ce n’est pas agréable. Mais je ne peux pas encore répondre à votre question, et ce n’est pas pour me
défiler. J’espère que le produit sur lequel nous nous sommes engagés était fabricable, je n’ai pas
encore la réponse à cette question. Quand je suis arrivé en 2015 à la tête de Safran, ce programme
avait déjà du retard, que nous avons essayé de rattraper. Mais je vous rappelle que le programme
continue, Cessna est toujours client de ce moteur.

Où en sont vos différentes initiatives touchant à l’innovation, tels que Safran Analytics, le
fonds dédié aux start-up, le fablab dédié aux services?

Regardez le green taxiing, ça n’existait pas. Nous sommes en train de définir un produit qui va
permettre d’économiser à peu près 5 % de carburant sur des trajets d’une heure. J’espère que l’on va
trouver d’autres produits innovants pour rendre le transport aérien encore plus compétitif et
respectueux de l’environnement. On cherche entres autres à connaître l’état de l’avion pour mettre en
place de la maintenance préventive, à hybrider nos moteurs. On se demande si les trains
d’atterrissage, très lourds et très chers, peuvent être remplacés. On essaie de se projeter dans le long
et le très long terme. Nous sommes aussi dans les projets de taxis volants. Cela nous intéresse,
même si ces ruptures ne changeront pas totalement le visage de Safran dans les 10-15 ans à venir.
1/12/2018, par Olivier Sancerre

Le groupe Safran a une grosse ambition : devenir le premier équipementier aéronautique au


monde d’ici 15 ans. Un pari qui passe par des investissements massifs dans la recherche et le
développement, et par l’absorption des activités de Zodiac.
Cette semaine, l’assemblée générale des actionnaires a voté à une écrasante majorité (99,88% !)
l’intégration des activités de Zodiac au sein de Safran. Cela va passer par la disparition de la marque
Zodiac ce 1er décembre, au profit de celle de Safran. Toutes les filiales de l’entreprise vont y passer,
à l’exception de quelques unes dont les activités ne cadrent pas avec la feuille de route de Safran,
comme les pansements Novesil par exemple.

Pour supplanter le numéro un du secteur, l’américain United Technologies, Safran mise sur les
investissements dans la recherche et le développement : ils vont augmenter de 30%. Le groupe, qui
produit des équipements de cabines, des systèmes électriques, des trains d’atterrissage ou encore
des moteurs, va appuyer une bonne partie de sa croissance sur le projet de nouvel avion de taille
moyenne en développement chez Boeing. En attendant, Safran va devoir compléter son intégration
de Zodiac, qui sera d’ailleurs la dernière acquisition d’importance de l’entreprise avant longtemps.

Là aussi, il s’agit d’un défi pour les équipes de Safran. La culture de gestion de Zodiac, « à l’ancienne
» est aux antipodes de celle de son propriétaire. Le groupe a dépêché des équipes dans les
principaux lieux de production de Zodiac afin que ce dernier accorde ses violons sur la partition de
Safran. Cela prendra deux ans, plus longtemps que prévu. Une fois ces ajustements terminés, cela
permettra de dégager 200 millions d’euros d’économies. À terme, Safran veut générer un chiffre
d’affaires de 20 milliards d’euros…

Voir aussi : https://www.zodiacaerospace.com/fr/



SUGGESTION DE QUESTIONS

• Quels ont été les choix stratégiques successifs de Zodiac ?


• Comment peut-on caractériser les différents marchés sur lesquels évolue Zodiac ?

• Comment expliquer les dysfonctionnements industriels qui ont commencé à se
manifester fin 2014? Quelles actions ont été menées pour y remédier?

• En utilisant des synergies avec les activités existantes, quelles pistes de
développement proposeriez-vous à l’entreprise Zodiac en 2015-2016 ?

• Quels sont les enjeux et les défis à venir après le rachat de Zodiac par Safran fin
2018 ?

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