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École doctorale no 564 : Physique en Île de France (PIF)

THÈSE
pour obtenir le grade de docteur de

l’Université Paris Diderot


Spécialité « Physique »

Modèle de gaz actifs sur réseaux :


Étude des phénomènes collectifs

présentée et soutenue publiquement par

Mourtaza Kourbane-Houssene

le 8 octobre 2018 devant un jury composé de :


Rapporteur Éric Bertin Directeur de Recherche, CNRS
Rapporteur Ludovic Berthier Directeur de Recherche, CNRS
Examinateur José Halloy Professeur, Université Paris Diderot
Examinatrice Silke Henkes Professeure , University of Bristol
Directeur de thèse Julien Tailleur Directeur de Recherche, CNRS
Table des matières

1 Introduction 2
1.1 Physique statistique hors équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 La matière active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2.1 Un exemple micrométrique : Escherichia Coli . . . . . . . . . 4
1.2.2 Un exemple nanométrique dans le vivant : les moteurs mo-
léculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2.3 La matière active synthétique . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.3 Les comportements collectifs en matière active . . . . . . . . . . . . 8
1.3.1 De nouveaux comportements collectifs . . . . . . . . . . . . 9
1.3.1.1 Nageurs et rhéologie . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3.1.2 Les nématiques actifs . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3.1.3 Une transition de phase hors équilibre : MIPS . . . 11
1.3.2 Les mouvements collectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3.2.1 Un phénomène naturel . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3.2.2 L’intérêt des physiciens et le modèle de Vicsek . . 14
1.3.2.3 Une simplification du modèle de Vicsek : le modèle
d’Ising actif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4 Les Modèles sur réseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.1 Les cristaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.2 Les phénomènes critiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.4.3 Un modèle de particules hors équilibre sur réseaux . . . . . . 21

2 Équations hydrodynamiques exactes 22


2.1 Description mésoscopique de la matière active . . . . . . . . . . . . 24
2.2 Méthode exacte de renormalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.3 La séparation de phase induite par la motilité . . . . . . . . . . . . 29
2.3.1 Dynamique microscopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.3.2 Equations hydrodynamiques exactes . . . . . . . . . . . . . 31
2.3.3 Simulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.3.3.1 Simulations microscopiques . . . . . . . . . . . . . 34

i
Principe de la simulation en temps continu
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Implémentation de la dynamique microscopique . . . 35
2.3.3.2 Résolution des équations aux dérivées partielles . . 36
2.3.4 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3.4.1 Des simulations microscopiques à la résolution de
PDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.3.4.2 Analyse de stabilité linéaire . . . . . . . . . . . . . 38
2.3.4.3 Diagramme des phases . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.4 La transition vers le mouvement collectif . . . . . . . . . . . . . . . 44
2.4.1 Dynamique microscopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2.4.2 Equations hydrodynamiques exactes . . . . . . . . . . . . . 45
2.4.3 Simulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.4.3.1 Simulation microscopique . . . . . . . . . . . . . . 48
2.4.4 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3 Mouvement Collectif en 1D 53
3.1 Mouvement collectif en une dimension . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.1.1 Les modèles de mouvement collectif en 1D . . . . . . . . . . 55
3.1.1.1 Le Modèle d’Ising Actif . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.1.1.2 Le Modèle d’électeurs actifs . . . . . . . . . . . . . 56
3.1.1.3 Phénoménologies des modèles de mouvements col-
lectifs en 1D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.2 Les nuées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.2.1 Déstabilisation de la phase ordonnée . . . . . . . . . . . . . 60
3.2.2 Temps de retournement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
3.2.3 les mouvements collectifs en quasi-1D . . . . . . . . . . . . . 65
3.3 Les asters . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
3.3.1 Limite T = 0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
3.3.2 La limite des faibles températures. . . . . . . . . . . . . . . 70
3.3.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

4 Modèle d’horloges à q heures 76


4.1 Définition du modèle microscopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4.1.1 La dynamique de saut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4.1.2 Dynamique d’alignement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
4.2 Dynamique sur un site . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
4.2.1 Équations dynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
4.2.1.1 Équation maîtresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
4.2.1.2 Paramètre d’ordre complexe . . . . . . . . . . . . . 88
4.2.1.3 Dynamique pour différentes valeurs de q . . . . . . 90

ii
4.2.2 Diagramme des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
4.2.3 Fluctuations de densités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
4.3 Activité et anisotropie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
4.3.1 Le cas d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
4.3.2 Activité et ordre à longue portée . . . . . . . . . . . . . . . 96

5 Conclusion 98

iii
1
Chapitre 1

Introduction

2
1.1 Physique statistique hors équilibre
La thermodynamique permet de décrire les transformations des propriétés ma-
croscopiques des systèmes à l’équilibre. Ces propriétés sont caractérisées par des
grandeurs comme la pression, la température, le volume ou l’entropie. Ces gran-
deurs sont reliées entre elles à travers des lois phénoménologiques déduites de
manière empirique. Ainsi, les équations d’états et les principes thermodynamiques
permettent de décrire un système et, avec des hypothèses fortes, permettent de
prévoir l’état de ce système à travers une transformation. Néanmoins, la ther-
modynamique n’offre pas d’éclairage sur le contenu physique de ces grandeurs
macroscopiques, ni de limite claire quant à son cadre d’application. Pour cela, il
faut s’intéresser à la matière d’un point de vue microscopique.
La physique statistique d’équilibre, quant à elle, permet de donner un sens
précis à ces grandeurs macroscopiques et de construire les équations d’état à travers
une étude des comportements microscopiques de la matière. En 1738, Bernouilli
propose une première interprétation de la pression dans un fluide en assimilant les
particules constituant ce fluide à des sphères dures et en utilisant des hypothèses
statistiques. Cette description est ensuite développée par les travaux d’Avogadro,
de Maxwell et évidemment de Boltzmann. Ce dernier propose une description
statistique du gaz à travers des hypothèses très fortes comme l’équiprobabilité des
micro-états d’un système. Il donne, en outre, une expression de l’entropie :

S(E) = kb log Ω(E)

où kb est la constante de Boltzmann et Ω est le nombre de micro-états d’énergie


E que le système peut atteindre. En partant de ces travaux, Gibbs formalise la
thermodynamique d’équilibre à partir de descriptions microscopiques de la matière.
En plus de retrouver les résultats de la thermodynamique à l’équilibre et de
donner un sens microscopique aux grandeurs thermodynamiques, la physique sta-
tistique va se marier avec une autre théorie microscopique qui se développe au
début du XXe siècle : la mécanique quantique. Ainsi, de nombreuses propriétés
macroscopiques des matériaux pourront être expliquées grâce à un traitement
statistique des propriétés quantiques de la matière. Un exemple de ce genre de
développement est le calcul de la constante de Stefan. 1
La physique statistique permet de relier le comportement microscopique de
la matière à ses propriétés macroscopiques à l’équilibre thermodynamique. Plus
précisément, l’équilibre thermodynamique rend compte d’un système qui ne perd
ni ne gagne d’énergie en moyenne et dans lequel tous les flux (énergie et matière)
1. φ = σT 4 avec φ le flux rayonné par un corps noir de température T . σ = 5.67 ×
10 W.m−2 K−4 est la constante de Stephan-Boltzman et s’exprime en fonction de la constante
−8

de Boltzmann et de la constante de Planck à travers un calcul de physique statistique simple.

3
sont nuls en moyenne. Au niveau microscopique, on parle de dynamique d’équilibre
si le système vérifie le bilan détaillé.
Cela dit, nombreux sont les systèmes qui ne sont pas à l’équilibre. Les systèmes
radioactifs, les verres et la matière vivante sont des exemples de systèmes hors
d’équilibre. Sur des échelles de temps suffisamment longues, ces systèmes seront
thermalisés. La matière radioactive se dégrade jusqu’à atteindre un état stable et
la matière vivante meurt puis se dégrade atteignant ainsi l’équilibre. Les verres
relaxent vers l’équilibre en un temps infini à l’échelle humaine. Entre temps, ces
systèmes présentent des phénomènes intrinsèquement liés à leur caractère hors-
équilibre et intéressent beaucoup les physiciens.
Dans cette thèse, je vais m’intéresser à la modélisation d’une classe particulière
des systèmes hors-équilibres, la matière active.

1.2 La matière active


À travers l’expression "matière active", les physiciens désignent tous les sys-
tèmes dont les constituants dissipent de l’énergie au niveau microscopique afin
d’exercer des forces sur leur environnement [1]. Au niveau microscopique, ces sys-
tèmes sont caractérisés par un flux d’énergie (dissipée pour produire le mouvement)
et de quantité de mouvement (qui résulte de la force motrice). À la différence des
systèmes forcés hors de l’équilibre par un champ extérieur, telles des particules
chargées dans un champ électrique, les particules qui constituent la matière active
sont propulsées selon un degré de liberté interne animé d’une dynamique propre.
Les systèmes étudiés sous ce label sont nombreux et divers. Ils existent à toutes
les échelles. On peut citer les assemblées d’animaux, tels les vols d’étourneaux
ou les bancs de poissons (à l’échelle métrique), mais également les nuées d’in-
sectes, les tissus cellulaires (à l’échelle centimétrique), les colonies de bactéries (à
l’échelle micrométrique), ou encore les moteurs moléculaires (à l’échelle nanomé-
trique). Avant de parler des comportements collectifs rencontrés dans les systèmes
actifs, qui constituent le sujet d’étude de cette thèse, je décris ci-dessous briève-
ment quelques classes de systèmes actifs paradigmatiques en m’intéressant plus
particulièrement à l’origine des forces actives.

1.2.1 Un exemple micrométrique : Escherichia Coli


Les systèmes de matières actives sont, par définition, hors équilibre thermique.
Afin d’être plus précis, intéressons-nous, au contraire, à un colloïde passif dans un
bain. Cette petite particule, de quelques dizaines de nanomètres à quelques micro-
mètres, suit un mouvement erratique, une marche aléatoire. Ce mouvement a été
remarqué par Needham, il suppose que cette petite particule est animée d’une force

4
vitale. Décrit par Brown au XV III e siècle, le mouvement brownien est théorisé
par Einstein en 1905 et Langevin en 1908. Le mouvement de la particule est alors
expliqué de la manière suivante : les chocs répétés des molécules sur la particule
agitent cette dernière générant une diffusion caractérisée par une constante de dif-
fusion D. Par ailleurs, le colloïde est soumis aux frottements fluides et sa vitesse
est, en moyenne, amortie par ces mêmes chocs caractérisés par un coefficient de
frottement γ. Si le fluide est à l’équilibre, ces deux constantes sont reliées par le
célèbre théorème de fluctuation-dissipation dont une expression est simplement :
D
= kb T.
γ
La source du frottement est la même que ce qui provoque la diffusion, l’injec-
tion et la dissipation d’énergie ont la même origine : un fluide à l’équilibre. Ceci
contraint fortement la dynamique qui satisfait le bilan détaillé et force le système
à relaxer vers la distribution de Boltzmann
A contrario, une particule active est auto-propulsée. Ainsi, la source du mou-
vement est différente de ce qui provoque la dissipation de l’énergie. On ne peut
plus écrire la relation de fluctuation-dissipation thermique et le système est dit
hors équilibre. Par exemple, la bactérie E. Coli (figure 1) se déplace en agitant
des flagelles. En effet, l’énergie produite par la dégradation de l’ATP (adénosine
triphosphate) permet de maintenir un potentiel de membrane qui génère un flux
de protons. Ce flux passe au travers d’un rotor qui entraine les flagelles [2]. Un
autre mécanisme fait que la bactérie change subitement de direction (figure 1). Si
le mouvement de la bactérie reste erratique, et est diffusif à grande échelle, il n’a
rien de commun avec une dynamique d’équilibre. La distribution stationnaire est
inconnue et la dynamique ne satisfait pas le bilan détaillé.

Figure 1 – Gauche : dessin d’une bactérie E. Coli dont on constate la forme al-
longée et les flagelles. Droite : trajectoire d’une bactérie E. coli. Elle est propulsée
et change spontanément de direction.

5
1.2.2 Un exemple nanométrique dans le vivant : les moteurs
moléculaires
Les moteurs moléculaires constituent un autre exemple classique de système
actif. Les stratégies mises en place à l’échelle micrométrique pour propulser une
bactérie ne sont évidemment pas accessibles à de simples protéines vivant à l’échelle
nanométrique, et la manière dont un mouvement rectifié est produit est donc
différente. Un modèle classique proposé pour expliquer le mouvement des moteurs
moléculaires est celui de cliquet thermique.
Les moteurs moléculaires, plus précisément les moteurs protéiques, sont des
molécules qui se déplacent le long de micro-filaments comme l’actine ou les mi-
crotubules. L’énergie produite par la dégratation de l’ATP en ADP+P permet au
moteur moléculaire de s’attacher au filament le long duquel il se déplace [3]. La
dynamique stochastique de la molécule peut être modélisée de la manière suivante
[4],[5] :
— État A : un moteur attaché suit une marche aléatoire dans un potentiel en
dents de scie Wa
— État D : un moteur détaché suit une marche aléatoire dans un potentiel
plat Wd .
— le taux de passage de A à D (ωa ) vaut ωa = ωd exp((Wa − Wd )/T ) + ΩΘ
avec Ω l’amplitude de l’excitation et Θ, la concentration en ATP.
Ici, c’est le second terme dans l’expression de ωa qui brise le bilan détaillé.
Cela va permettre à la particule, grâce à un Ω bien choisi, de passer les maxima
du potentiel Wa et ainsi suivre une marche aléatoire biaisée, selon la forme du
potentiel Wa (figure 2)

Figure 2 – Gauche : Schéma de la dynamique du déplacement d’un moteur


moléculaire. Dans la section où Θ 6= 0 les transitions de a vers d sont plus fré-
quentes. Droite : Représentation de différentes protéines qui assurent la fonction
de moteur moléculaire.

6
1.2.3 La matière active synthétique
L’étude de la physique statistique d’équilibre a permis une compréhension fine
de la matière molle passive. On a pu, entre autre, contrôler la rhéologie du dentifrice
ou le comportement des cristaux liquides des écrans LCD. Une maîtrise similaire
de la physique de la matière active semble offrir des perspectives industrielles
excitantes.
Pour créer de la matière active synthétique, il faut créer des entités propulsées
au moyen d’un mécanisme qui leur est propre. Une des stratégies pour obtenir de
telles particules consiste à utiliser un mécanisme auto-phorétique. Pour cela il faut
qu’au voisinage de la particule se développe le gradient d’un champ, par exemple
d’un champ électrique ou de concentration. Ce déséquilibre local va créer un flux
autour de la particule qui entrera alors en mouvement [6].
Par exemple, des bâtonnets microscopiques, dont une moitié est recouverte
d’or et l’autre de platine, plongés dans l’eau oxygénée, avancent spontanément [7]
par diffusiophorèse. En effet, le platine catalyse la réaction d’oxydation de l’eau
oxygénée tandis que l’or agit comme une cathode et en catalyse la réduction. Le
flux de protons qui va de l’anode à la cathode provoque alors un déplacement du
batônnet par conservation de la quantité de mouvement.
Une stratégie, autre que l’auto-phorèse, pour obtenir des particules actives
est de plonger des particules dans un champ, dont elles tirent de la quantité de
mouvement dans une direction qui n’est pas déterminée par le champ : c’est le
cas des Quincke Rollers, dont le déplacement est orthogonal au champ et résulte
d’une brisure spontanée de symétrie [8]. Si on plonge une bille isolante dans un
bain conducteur, l’application d’un champ électrique créera un gradient d’électrons
autour de la bille et celle-ci sera alors soumise à un couple orthogonale au champ :
c’est l’effet de Quincke qui met le colloïde en rotation. Posée sur une électrode,
cette rotation transforme la particule en une micro "roue" autopropulsée.
Un autre exemple est celui des grains vibrés : un support vibre uniformément
et des grains, dont la forme est asymétrique, en tirent une quantité de mouvement
suivant une direction propre. On pose, sur un support vibrant, une assemblée de
petits "grains". En contrôlant leur agitation et leur forme on peut contrôler la
phénoménologie [9]. Par exemple si un grain symétrique seul opère une diffusion
classique, un grain asymétrique a un comportement super-diffusif [10].

7
Figure 3 – Gauche : schéma d’un grain vibré asymétrique. Droite : une as-
semblée de grains vibrés présente un phénomène de mouvement collectif (images
issues de [10])

1.3 Les comportements collectifs en matière active


Les dynamiques des systèmes à l’équilibre thermodynamique satisfont le bilan
détaillé, signature de l’invariance par renversement du temps qu’atteindront ces
dynamiques dans l’état stationnaire. Au contraire, les dynamiques des systèmes qui
ne relaxent pas vers l’équilibre sont libres de cette contrainte, ce qui leur permet
d’exhiber un panel nettement plus large de comportements collectifs. Ainsi, l’ob-
servation des systèmes actifs a mis en exergue une phénoménologie riche qui serait
impossible à observer à l’équilibre. La rhéologie d’un bain de particules actives,
la dynamique de particules nématiques actives ou la condensation en l’absence
d’interactions attractives en sont autant d’exemples.
Notons que la compréhension des mécanismes qui permettent l’activité d’un
système requiert la description de celui-ci de manière précise sur de petites échelles,
nous venons de le voir dans la section précédente. Au contraire, une fois l’origine
de cette activité comprise, on ignore souvent les degrés de liberté microscopiques
donnant naissance à la force active pour modéliser l’activité par une simple force,
orientée suivant une polarité à laquelle on associe une dynamique idoine. Ainsi,
dans cette thèse, nous étudierons des modèles actifs simplifiés dans le but de com-
prendre les phénomènes émergents permis par l’activité et ignorerons tout des
ingrédients microscopiques qui permettent l’existence de cette dernière. Cette dé-
marche est justifiée tant que l’on n’oublie aucun détail microscopique important.
C’est la comparaison avec des modèles plus complexes ou des expériences qui nous
renseigne alors sur la validité de l’approche suivie.
Notons que rendre compte de phénoménologies complexes à l’aide de modèles
simples, mais microscopiques, reste un problème ardu. Une étape supplémentaire
peut alors être de construire une description mésoscopique, encore plus simplifiée,

8
sous forme d’équations aux dérivées partielles (parfois stochastiques). Un exemple
simple de ces différents niveaux de description est fourni par le cas des moteurs
moléculaires. La compréhension du mouvement d’un moteur unique se fait souvent
à l’aide de modèles de cliquets [5], comme décrit dans la section précédente. Les
comportements collectifs de moteurs peuvent ensuite être étudiés à l’aide d’un
modèle de gaz sur réseau, comme le TASEP [11]. À une échelle supérieure, la
description du cytosquelette se fait avec des modèles coarse-grainés comme les gels
actifs [12, 13].
Avant de présenter les classes de modèles étudiés dans cette thèse, je donne
dans la section suivante quelques exemples de comportements collectifs observés
dans les systèmes actifs, puis la transition vers le mouvement collectif, laquelle est
au coeur de cette thèse.

1.3.1 De nouveaux comportements collectifs


1.3.1.1 Nageurs et rhéologie
Pour décrire les écoulements, les mécaniciens des fluides utilisent des équations
macroscopiques de conservation, les équations de Navier-Stokes. Pour les exprimer,
ils ont besoin de connaître les caractéristiques intrinsèques du fluide étudié, leur
capacité calorifique, leur densité ou leur viscosité par exemple. Si ces grandeurs
sont calculées grâce à la physique statistique d’équilibre pour des fluides inertes, les
conséquences de l’ajout de particules actives dans ces fluides sont importantes et
vont d’un simple changement de viscosité à l’émergence d’un écoulement spontané.
En effet, si on considère un bain de bactéries très dilué, le modèle développé
dans [14] montre que l’activité influe sur la viscosité η d’un terme

δη ∝ f `φτ

où f est la force exercée par le nageur sur le fluide, ` la taille de la bactérie, φ la


concentration de bactéries et τ le temps de course caractéristique d’une bactérie
entre deux changements de direction. Ainsi on voit que la viscosité change selon la
nage des bactéries : on distingue deux types de nageurs. Les "pushers" se propulsent
en poussant le liquide derrière eux, comme E. Coli ou un nageur qui bat des
pieds pour avancer. Les "pullers", quant à eux, se propulsent en tirant le liquide
devant eux, comme les algues Chlamydomonas reinhardtii. Ces faits sont vérifiés
expérimentalement : la diminution de la viscosité est observée pour les pushers [15]
et l’augmentation pour les pullers est confirmée [16] !
D’autant plus caractéristique du caractère hors équilibre de ces suspensions,
à haute concentration en particules actives, on observe parfois des tubulences
auto-entretenues [17]. Ces turbulences pourraient être expliquées par une visco-

9
sité effective négative [18], elle-même directement issue de l’activité des bactéries.

Figure 4 – Image d’un flot turbulent de bactéries observé au moyen de traceurs


fluorescents.

1.3.1.2 Les nématiques actifs


Les cristaux liquides sont une forme particulière de la matière, constitués de
molécules allongées. Ils présentent une propriété optique particulière pour des li-
quides, la biréfringence, propre aux cristaux. Les différentes phases des cristaux
liquides : isotrope, nématique et smectique sont décrites au moyen de méthodes
propres à la physique statistique [19].
La phase nématique désigne la phase pour des particules allongées dans laquelle,
bien qu’il n’y ait pas d’ordre positionnel entre les particules, il existe un ordre
orientationnel à longue portée. Cette phase est très intéressante car elle présente
des applications technologiques très célèbres 2 . En outre, cette phase présente des
défauts dont la dynamique est très étudiée [13, 20, 21].
Pour la matière active, on retrouve ces problématiques lorsque l’on observe
une assemblée de particules allongées autopropulsées. Par exemple, les expériences
de Narayan, Menom et Ramaswamy [9] consistent à agiter grâce à une surface
vibrante des grains de riz basmati ou d’autres particules allongées. Cette expérience
montre une phénoménologie riche qui présente une transition entre une phase
nématique ordonnée et une phase désordonnée. À cela s’ajoutent des effets propres
au caractère hors équilibre du système. On observe notamment des fluctuations
géantes de densité [22], prédites par des équations phénoménologiques [23]. Une
des différences notables de ce modèle par rapport à la description à l’équilibre des
cristaux-liquides est le tenseur des contraintes. En effet, à l’équilibre, le tenseur
2. les afficheurs à cristaux liquides, dont les molécules ont pour particularité de présenter une
phase nématique à température ambiante.

10
des contraintes est obtenu à partir de la dérivée d’une énergie libre 3 . Ici, ce terme
est déduit à travers des considérations géométriques [23]. En effet, le système étant
hors équilibre, il ne présente pas d’autres contraintes.

1.3.1.3 Une transition de phase hors équilibre : MIPS


La transition liquide-gaz à l’équilibre est bien comprise. On sait que si on choisit
un modèle de gaz parfait, alors on n’observe pas de transition de phase. Si on ajoute
des interactions attractives entre les particules, alors la condensation est possible.
En effet, la minimalisation de l’énergie E crée de la cohésion et la maximalisation
de l’entropie S(E) créé du désordre. L’équilibre entre ces deux grandeurs, à une
température T , est donné par la minimisation de l’énergie libre F = E − T S(E).
On note qu’à basse température la minimalisation de l’énergie sera déterminante
pour sélectionner la phase du système (phase liquide, dense), tandis qu’à haute
température, c’est l’entropie (phase gazeuse, moins dense) 4 .
Dans un système de particules autopropulsées soumises à des interactions ré-
pulsives, on observe aussi une transition entre un état gazeux et un état dense,
liquide. Dans ce système, l’énergie et l’entropie favoriseraient l’état gazeux qui
est plus désordonné et moins favorable énergétiquement aux vues des interactions
entre les particules. La compréhension du phénomène est donc intrinsèquement
différente de la transition liquide-gaz d’équilibre, la description de l’état station-
naire fait intervenir des grandeurs encore inconnues. Néanmoins, ce phénomène est
maintenant bien compris au niveau microscopique et phénoménologique [24] :
Pour une assemblée de particules autopropulsées, on note ρ le champ de densité
de particules et v le champ de vitesse des particules. La vitesse décroit lorsque
la densité augmente. Enfin, on constate qu’il est plus probable de trouver une
particule là où elle se déplace lentement. La suite du raisonement met en évidence
la boucle de rétroaction suivante : au voisinage d’un point x,
1. plus la densité est élevé
2. moins la vitesse est grande
3. plus les particules s’accumulent.
Cette transition de phase est appelée "Motility Induced Phase Separation".
Elle est observée numériquement pour de nombreux systèmes, que les particules
soient des particules Run And Tumble (comme E. Coli qui changent de direction
subitement), ou des Actives Brownian Particles (comme les Quincke Roller qui
changent de direction continûment). La transition se produit pour des interactions
3. On prend en général l’énergie de Frank-Oseen [19]
4. Dans l’ensemble canonique, la conservation de la masse totale donne lieu à une coexistence
des phases denses et diluées à basse température

11
répulsives (par exemple stériques) ou de quorum sensing. Expérimentalement, il
y a beaucoup moins de preuves de ce phénomène et on observe une tendance au
clustering [25] . Cependant ces expériences sont réalisées à des densités si faibles
qu’aucune transition de phase n’est attendue. Récemment, ce phénomène semble
avoir été observé pour des systèmes de bactéries [26], cela reste néanmoins à confir-
mer.

Figure 5 – Gauche : MIPS observé par une simulation numérique d’une dy-
namique microscopique qui respecte v(ρ). Droite : image de l’expérience de [25]
montrant des "cristaux actifs"

Se conclut ici ce rapide survol de la littérature. Dans la section suivante je


décris la transition vers le mouvement collectif qui est au coeur de cette thèse.

1.3.2 Les mouvements collectifs


Une caractéristique des systèmes à l’équilibre est qu’ils sont invariants par ren-
versement du temps. Ainsi, dans l’état stationnaire, pour un système présentant
une transition ferromagnétique, quelque soit la phase observée, le flux de parti-
cules est nul. Dans un système hors équilibre, cette invariance par renversement
n’est plus une contrainte. Prenons une assemblée de particules auto-propulsées
qui présentent une interaction d’alignement des vitesses. Si on observe une phase
désordonnée, alors le flux de particules à travers une surface est nul, cela dit, dans
l’état ordonné il ne l’est plus : c’est un mouvement collectif. Plus généralement,
pour un système dans lequel on peut observer une brisure de symétrie, si le para-
mètre d’ordre est couplé à la force active, alors on observe un mouvement collectif
et ce, même dans l’état stationnaire.

1.3.2.1 Un phénomène naturel


L’origine de l’étude des mouvements collectifs ne nous vient pas de l’idée d’une
brisure de symétrie temporelle mais bien de l’observation de la nature. Ce sont les

12
bancs de poissons, les troupeaux d’animaux, les nuées d’étourneaux, les essaims
d’abeilles ou de criquets qui s’orientent soudainement dans une direction précise
avec seulement des interactions locales qui suscitent notre intérêt de physicien. En
effet, comment atteindre une telle réactivité avec des interactions limitées, chaque
individu ne pouvant essentiellement réagir qu’à l’information transmise par ses
voisins les plus directs ?

Figure 6 – Un banc de poissons, un vol d’oiseaux ou un essaim de sauterelles sont


autant d’exemples de mouvements collectifs

Dans un premier temps, c’est la reproduction du mouvement de ces ensembles


qui a été au coeur des préoccupations des scientifiques. En 1986, (figure 7) Reynolds
écrit un Modèle Basé sur des Agents (ABM) pour reproduire des mouvements col-
lectifs. Les ABM sont des modèles dans lesquels chaque entité (agent) est autonome
et réagit avec son environnement en fonction de règles précises. Ces modèles sont
très utilisés en jeux vidéos par exemple, pour simuler les intelligences artificielles
des petits ennemis rigolos qu’on rencontre au hasard et qui nous poursuivent. Le
modèle de Boids (bird-oids) introduit par Reynolds présente trois règles :
— la cohésion : un agent se rapproche le plus possible des autres.
— la séparation : un agent évite les collisions avec les autres agents
— l’alignement : un agent aligne sa vitesse avec celles de ses voisins.
Ces modèles reproduisent visuellement les phénomènes collectifs si bien qu’ils

13
sont utilisés en cinéma pour générer toutes sortes de mouvements collectifs. Par
exemple, l’armée de pingouins dans Batman, Le Défi de Tim Burton ou la course
des gnous dans la célèbre scène du (Le) Roi Lion ont été créées grâce à des pro-
grammes qui vérifiaient ces règles.

Figure 7 – Scène du Roi Lion dans laquelle le mouvement des gnous à été calculé
grâce à des boids.

Quelle que soit la simplicité de ces modèles et leur capacité à reproduire les
morphologies observées dans le vivant, la simple simulation de ces modèles ne nous
renseigne pas sur les mécanismes sous-jacents au mouvement collectif. L’étude de
cette question par des physiciens date des travaux de Vicsek et collaborateurs, qui
ont introduit un modèle encore plus minimal en 1995 [27].

1.3.2.2 L’intérêt des physiciens et le modèle de Vicsek


Afin de comprendre intrinsèquement ce qui produit les mouvements collectifs, il
convient de tenter de trouver un modèle minimal qui présente un tel phénomène.
C’est ce que font Vicsek et ses collaborateurs à travers le modèle suivant : une
assemblée de N particules, définies par leur position xi et leur vitesse vi de norme
constante v0 et d’angle Θi , évolue à chaque pas de temps (figure 8) :
1. Chaque particule aligne sa vitesse avec la moyenne de celles des particules
voisines :
Θi (t + ∆t) = hΘj (t)ir + ηi (t)
ηi est un bruit blanc gaussien qui s’ajoute comme une erreur sur l’aligne-
ment et hΘj (t)ir est l’angle moyen des vitesses des
 particules à unedistance
hsin(Θj (t))i|xi −xj <r|
inférieure à r de i, définit par hΘj (t)ir = arctan hcos(Θj (t))i|xi −xj <r|

14
2. Toutes les particules avancent :

xi (t + ∆t) = xi (t) + vi (t + ∆t)∆t

θ̄ θ̄

θi = θ̄+η

alignement ajout du bruit déplacement

Figure 8 – Schéma de l’évolution d’une particule pour le modèle de Vicsek et


collaborateurs. Dans la simulation, toutes les particules sont mises à jour en pa-
rallèle.

Ce modèle repose sur trois paramètres : l’intensité du bruit (assimilée à une


température), la densité de particules et la vitesse des particules. Les simulations
nous montrent une brisure de symétrie. En effet, à fort bruit et à faible densité,
on observe une phase homogène et désordonnée de particules actives. À basse
température et à forte densité, on observe une phase homogène ordonnée. Pour un
modèle qui présente de l’alignement local, en deux dimensions, cette observation
est une conséquence directe du caractère hors équilibre du système. En effet, le
théorème de Mermin-Wagner stipule qu’à l’équilibre, en dimension deux ou moins,
si le paramètre d’ordre est associé à une symétrie continue et que les interactions
sont de courtes portées, il ne peut pas y avoir d’ordre à longue portée.
Cette phase qui présente de l’ordre à longue portée en deux dimensions a été
décrite par Toner et Tu [28]. Leurs équations phénoménologiques, qui représentent
le système, permettent en effet de retrouver une phase ordonnée et de calculer
exactement les coefficients critiques pour le cas en deux dimensions en se basant
sur une méthode de renormalisation dynamique. Cette phase présente aussi des
fluctuations géantes de densité :

σn = hni0.8 ,

un phénomène qui est retrouvé numériquement dans certaines simulations [29].


Dans les travaux initiaux sur le modèle de Vicsek, la transition entre la phase
désordonnée et la phase ordonnée avait été décrite comme une transition conti-
nue. Toutefois, des études numériques ultérieures ont mis en évidence le caractère
discontinu de cette transition [30], en découvrant une phase intermédiaire dans
laquelle le système n’est pas dans une phase homogène, mais est traversé par des

15
Figure 9 – Schéma représentant la dynamique du modèle d’Ising Actif

bandes denses et ordonnées qui se propagent dans un environnement désordonné


(figure 11) [31]. Ces résultats ont été confirmés par des travaux analytiques menant
à la construction de théories hydrodynamiques du modèle de Vicsek [32, 33], et
grâce à l’étude de modèles phénoménologiques de transition vers le mouvement
collectif [34]. Si le caractère discontinu fût clairement établi, la nature de la tran-
sition de phase est restée longtemps mal décrite, le modèle de Vicsek résistant,
malgré sa simplicité apparente, à la communauté de la matière active.

1.3.2.3 Une simplification du modèle de Vicsek : le modèle d’Ising actif


Afin de simplifier encore le problème, on peut définir un nouveau modèle, le
modèle d’Ising Actif sur réseaux, de la manière suivante : Sur un réseau de L × L
sites évoluent N particules de spin s = ±1. En un point i ∈ J0, LK2 du résaux

on note nsi le nombre de particule de spin s. ρi = n+i + ni designe la densité et

m = n+ i − ni la magnétisation locale. Le système évolue suivant la dynamique
stochastique suivante (figure 9)
— un spin s se transforme en −s avec un taux
mi
Wf lip = exp(−βs )
ρi
où β est l’inverse d’une température.
— une particule de spin s au site i d’abscisse x saute en x ± 1 avec un taux

Wjump (x, x ± 1) = D(1 ± s)

où D est une constante de diffusion et  un biais sur la diffusion qui repré-


sente l’activité des particules.
— une particule diffuse dans la direction transverse avec un taux D

16
Ce modèle est présenté dans [35] par Solon et Tailleur. Il montre une phéno-
mènologie très riche et la transition de phase se comprend comme une transition
liquide-gaz dans l’ensemble canonique. Pour toute température T = β1 < Tc , on
rencontre 4 densités successives : ρg < ρ1 < ρ2 < ρ` (figure 1.3.2.3). Les phases
homogènes sont linéairement instables (dans l’approximation champ moyen) entre
les densités ρ1 et ρ2 . Si on commence une simulation avec une densité ρ comprise
entre ces deux densité, alors on voit une séparation en deux phases de densité ρg et
ρ` . La valeur de ρ fixe la taille des domaines de forte ou faible densité par la règle
du levier. À la différence de la transition liquide-gaz d’équilibre, les deux phases de
ce système ne présentent pas les mêmes symétries. Par conséquent, on ne peut pas
passer continûment de la phase liquide à la phase gazeuse. Cela explique pourquoi
le point critique est atteint seulement pour une densité infinie.

Figure 10 – Diagramme de phase du modèle d’Ising Actif. Les courbes ρ1 et ρ2


représentent les spinodales et ρ` et ρh sont les binodales.

La phénoménologie de ce modèle est proche de celle du modèle de Vicsek sur


deux points : d’une part il existe une phase désordonnée et une phase ordonnée
avec un ordre à longue portée ; d’autre part, entre ces deux états, il y a une zone
de coexistence des phases. Cela dit, la forme des nuées n’est pas la même : si
on rajoute des particules dans un système d’Ising, la taille de la nuée dense va
augmenter selon la règle du levier. Si on ajoute des particules dans le modèle de
Vicsek, le nombre de nuées dense de particules ordonnées augmente, mais pas leur
taille (figure 11). Bien que ce phénomème ne soit pas complètement compris des
études numériques montrent que les fluctuations jouent un rôle dans la sélection
des nuées [36].

17
On constate par ailleurs que les fluctuations de densité dans le modèle d’Ising
Actif sont normales et que :
σn = hni0.5

Figure 11 – En haut : instantanés d’une simulation du modèle de Vicsek et al.


En bas : instantanés d’une simulation de modèle d’Ising Actif.

L’engouement pour la matière active et notamment pour les mouvements col-


lectifs vient du paradoxe entre la simplicité apparente des modèles et la complexité
des phénomènes qui en résultent. La question de la forme des bandes dans le mo-
dèle de Vicsek, laquelle n’est toujours pas tranchée, en témoigne. Par ailleurs, si
les modèles de mouvements collectifs ont été très étudiés en deux dimensions, très
peu d’études ont été menées en une dimension. En effet, les quelques articles sur
le sujet débattent encore de la criticalité [37] ou non [35] de la transition ! Une
des raisons pour laquelle ces débats sont difficiles à clore est le manque de modèle
hors équilibre dont les calculs peuvent être menés exactement et pouvant ensuite
guider l’intuition.
Dans la première partie de ma thèse je présente un modèle de MIPS et un
modèle de transition de phase vers le mouvement collectif pour lesquels les équa-
tions hydrodynamiques peuvent être construites exactement. Dans la deuxième
partie, j’étudie deux phénomènes caractéristiques des modèles de mouvements col-
lectifs en une dimension : un phénomène d’asters dans lesquels les particules sont
bloquées et le phénomène de retournement des nuées ordonnées. Enfin, dans une
troisième partie, je développe un nouveau modèle de mouvement collectif qui vise
à interpoler entre le modèle d’Ising actif et un modèle XY actif, comme celui de
Vicsek et ses collaborateurs.

18
Avant de présenter le corps de mon travail, dans la dernière partie de cette
introduction, il convient d’introduire la philosophie générale des modèles présentés.
En effet, les modèles discutés ci-après sont tous définis sur réseau.

1.4 Les Modèles sur réseau


Les modèles sur réseaux sont avantageux pour les physiciens principalement
pour trois raisons. D’une part, bien que discret et idéaux, ils rendent compte des
phénomènes étudiés, d’autre part ces modèles peuvent être exprimés de manière
suffisamment simple pour que des calculs puissent être menés à bien. Enfin, ces
modèles sont bien plus simples à simuler numériquement, la géométrie du système
simulé étant alors la même que celle avec laquelle on représente le problème in
silico.

1.4.1 Les cristaux


En 1912, Debye développe le modèle de solide cristallin monoatomique intro-
duit en 1907 par Einstein, afin de comprendre le lien entre la température et la
capacité calorifique des matériaux. Pour cela, il s’intéresse aux vibrations propres
du matériaux. Le modèle est défini de la manière suivante : on assimile le solide
à un réseau en trois dimensions dont les noeuds sont des masses reliées par des
ressorts. Le pas a du réseau représente la distance inter-atomique à l’équilibre.
On voit alors que ces oscillateurs harmoniques couplés présentent trois modes de
vibrations acoustiques. Dans le modèle de Debye, on considère que les vibrations
transverses se propagent toutes à la même vitesse. On a donc deux vitesses de pro-
pagation : ct pour les modes transverses et c` pour les modes longitudinaux. Pour
terminer de décrire ce modèle, on associe ces oscillations à une quasi-particule,
le phonon. Le matériau peut alors être décrit comme un gaz constitué de cette
particule.
On trouve alors le comportement limite de la capacité thermique à volume
constant, à haute température :
CV ∼ 3N k
+∞

qui redonne la loi de Dulong et Petit, et à basse température :


12π 4 N k 3
CV ∼ T
5θd
avec N le nombre d’atomes, k la constante de Boltzmann, θd la température de
Debye, qui contient les détails microscopiques du modèle. On note qu’on retrouve
le comportement en T 3 conforme à l’expérience.

19
Cet accord entre le modèle de Debye et la loi de Dulong et Petit confirme, à
postériori, que l’utilisation d’un modèle si régulier pour représenter le matériau
n’est pas aberrant. Cette représentation semble extrêmement pertinente lorsqu’il
s’agit de décrire des cristaux. En effet, la structure même des réseaux cristallins,
en mailles identiques répétées, mise en évidence par la diffraction de rayon X 5
justifie l’idée de cette description.
Cela dit, bien que la simplification des modèles ne permette pas toujours d’avoir
un accord quantitatif, elle permet néanmoins de développer un point de vue qua-
litatif pertinent.

1.4.2 Les phénomènes critiques


Afin d’étudier la transition de phase ferromagnétique, on représente un aimant
comme un réseau R dont chaque site i contient
P un électron de spin σi = ±1 couplé
par une énergie d’interaction Hi,j = Ji.j σi σj aux autres sites du réseau. Ce
j
modèle est extrêmement important en physique statistique car il est exactement
soluble en dimension 1 i(thèse d’Ising) et en dimension 2 (solution d’Onsager,
1944).
Dans ce modèle, il y a une compétition entre l’ordre dû aux interactions entre
les spins et au désordre lié à la température. À haute
P température, le système
est désordonné et la magnétisation totale M = σj est nulle. Ainsi, à basse
j∈R
température on observe une brisure de symétrie spontanée de notre système et la
magnétisation est non nulle.
Entre les deux, il existe une température critique, Tc = β1c , pour laquelle la
magnétisation s’annule continûment. C’est la température critique.
Au voisinage de ce point critique, la longueur de corrélation du système diverge.
C’est-à-dire que proche du point critique, l’évolution des valeurs macroscopiques
par rapport au paramètre de contrôle ne dépend pas des détails microscopiques du
modèle. On parle d’universalité. Par exemple, pour le modèle d’Ising, proche du
point critique par valeur inférieur :

M ∼ (T − Tc )β

où β est un exposant critique. L’ensemble des transitions de phase qui présentent


les mêmes exposants critiques sont dans une même classe d’universalité.
S’il semble pertinent de modéliser un métal ferromagnétique par un ensemble
d’électrons disposés régulièrement sur un réseau en faisant simplement une hypo-
thèse sur la conformation spatiale du métal, il est plus difficile de concevoir cela
pour un gaz.
5. Prix nobel 1915 Bragg père et fils

20
Néanmoins, l’étude de la transition de phase liquide-gaz dans l’ensemble grand
canonique, au delà du point critique présente la même criticalité que le modèle
d’Ising :
ρ − ρc = (T − Tc )β
Cela permet de justifier un modèle sur réseaux pour un gaz.

1.4.3 Un modèle de particules hors équilibre sur réseaux


Outre les phénomènes statiques, des phénomènes dynamiques peuvent aussi
être décrits par des modèles sur réseau. Par exemple, le phénomène de réaction
diffusion et les méthodes utilisées pour décrire les phénomènes d’équilibre au point
critique peuvent être ré-exploitées, notamment les groupes de renormalisations.
En outre, la description de la matière active, dans un premier temps à travers
des méthodes continues [27, 28, 33, 32] commence à se faire sur réseaux.
Par exemple, si on considère une particule de type run and tumble comme
E. coli (figure 1), une description classique de sa dynamique, est la suivante : la
bactérie nage avec une vitesse (v) dans une direction donnée et change de direction
avec un taux γ. L’équation maîtresse qui en découle, dans un espace continu est
la suivante :
Z 2π
Ṗ (r, θ) = v∇P (r, θ) − γP (r, θ) + γ P (r, α)dα
0

On peut décrire le mouvement des bactéries sur un réseaux à deux dimensions


de L2 sites de la manière suivante : chaque particule à une direction ~s où ~s est un
vecteur unitaire d’angle, θs = 2sπ
q
, s ∈ [[0, q − 1]]
Une particule de direction ~s au site k saute sur le site k + ~i avec un taux λ~i · ~s
et se transforme en particule s0 avec un taux γ. L’équation maîtresse s’écrit :
q−1
X X X
Ṗs (k) = λ (~s · ~i)Ps (k − ~i) − λ (~s · ~i)λPs (k) + γ Ps0 (k) − γPs (k)
~i ~i s0 =0,s6=s

Si on note dx = L1 , λ = vdx et x = Lk , en faisant tendre q → +∞ et L → +∞ , on


obtient : Z 2π
Ṗ (x, θ) = v∇P (x, θ) + γ dηP (x, η) − γP (x, θ)
0
On voit alors que dans la limite des grands L et des grands q, le modèle sur
réseau décrit le même système que le modèle continu. Ainsi, on pourra simuler ce
système sur réseau. C’est moins coûteux numériquement mais cela se fait au prix
d’une erreur dû à l’approximation ainsi réalisée.

21
Chapitre 2

Équations hydrodynamiques exactes

22
Résumé : équations hydrodynamiques exactes

La matière peut être décrite à plusieurs niveaux. Pour 1.2


1
time 0.00 time 0.05

la décrire au niveau mésoscopique, plusieurs stratégies


0.8
0.6
0.4

sont envisageables. Une description phénoménologique 0.2


0
1
0.9
0.8

est très difficile hors équilibre car les relations entre les 1.2 time 0.20 time 0.50 0.7
0.6

ρ0
1
0.5
coefficients sont difficiles à deviner. Une autre méthode 0.8
0.6
0.4
0.3
0.4
consiste à écrire la dynamique de moyenne d’observable
0.2
0.2 0.1
3 4 5 6 7 8 9 10
0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 Peclet
microscopique pertinentes et d’en construire explicite-
ment une description macroscopique. Afin de pouvoir Figure 2: À gauche : simulations microscopiques (en rouge)
calculer exactement ces moyennes locales une méthode et macroscopiques (en bleu). À droite : diagramme des
exacte de renormalisation est décrite. Elle permet de trai- phases de MIPS. On voit en bleu, les spinodales, en rouge,
ter les cas de la séparation de phase induite par la motilité les lignes binodales calculées analytiquement, les points re-
et de la transition de phase vers le mouvement collectif. présentent les densités de coexistence mesurées sur les simu-
lations microscopiques.

La séparation de phase induite par la motilité

On définit un modèle de particules autopropulsées avec


exclusion suivant la dynamique microscopique décrite fi-
gure 1, sur un réseau de αL sites.
Suite à une procédure de coarse-graining exacte et Figure 3: Schéma de la dynamique des particules dans le
après adimensionalisation on obtient les équations hy- modèle transition vers le mouvement collectif.
drodynamiques :
mique microscopique ainsi définie on obtient les équations
∂t ρ = ∆ρ − Pe∇(m(1 − ρ)) (1) hydrodynamiques exactes pour la densité, ρ, et l’aiman-
(2) tation (direction),m, locales des particules :
∂t m = ∆m − Pe∇(ρ(1 − ρ)) − 2m (3)
∂t ρ = ∆ρ + λ∇m (5)
Où Pe est le nombre de Péclet qui mesure l’importance m+ρ m−ρ
∂t m = ∆m + λ∇ρ − 2F ( , ) (6)
des effets convectifs par rapport aux effets diffusifs. 2 2
λ Une étude de la stabilité des solutions homogènes de ce
Pe = √ (4) système nous permet de déduire qu’il existe une plage de

paramètres pour laquelle ni la solution homogène ordon-
Les simulations microscopiques et la résolution numé- née ni désordonnée n’est stable. Cela définit les lignes
rique des équations aux dérivées partielles sont quanti- spinodales (figure 4 droite). La simulation du système
tativement comparables (figure 2 gauche). En outre, on microscopique et la résolution des équations hydrodyna-
peut prévoir exactement le diagramme des phases (fi- miques (figure 4 gauche) entre ces lignes spinodales per-
gure 2 droite). mettent de mesurer les lignes binodales et montrent un
accord quantitatif entre les deux approches.

La transition de phase vers le mouvement collectif

On introduit un modèle microscopique, sur réseau, 2


density

de particules autopropuslées qui interagissent localement 1.5

afin d’aligner leur vitesse (figure 3). À partir de la dyna- 0.5

0
0 100 200 300 400 500 600
2

1.5

0.5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

Figure 4: Diagramme des phases de la transition vers le mou-


vement collectif. Sont représentées : les lignes spinodales (en
bleu), les binodales calculées numériquement (en rouge, ins-
Figure 1: Schéma de la dynamique microscopique pour le tantané de simulation en haut) et les densités de coexistence
système MIPS mesurées sur les simulations (en vert, instantané en bas).
2.1 Description mésoscopique de la matière active
En fonction des phénomènes étudiés, il peut être pertinent de décrire la ma-
tière à différentes échelles. Prenons l’exemple d’un verre que l’on remplit d’eau. Un
premier niveau de description peut être de donner simplement la hauteur d’eau
dans le verre. Cela donne une description macroscopique de la manière dont se
remplit le verre d’eau. On peut, plus précisément, décider de donner la position
de chaque molécule d’eau qui entre dans le verre au cours du temps. On imagine
facilement pourquoi une telle information serait inexploitable et, de toute façon,
complètement inaccessible. Une échelle pertinente pour étudier la manière dont ce
se remplit ce verre d’eau pourrait être l’échelle mésoscopique. À cette échelle, on
ne décrit pas chaque molécule mais un ensemble suffisamment grand de particules
pour en faire une moyenne et décrire la matière continûment, dans un espace suffi-
samment petit pour que la description soit précise devant l’échelle macroscopique.
Ceci permet de rendre compte des écoulements à l’intérieur du verre ou de la forme
de la surface libre par exemple.
Notre intêret pour la matière active réside en grande partie dans les phéno-
mènes émergents. En effet, la dynamique qui régit de tels systèmes est souvent
surprenante, notamment vis-à-vis de notre intuition construite sur la physique
d’équilibre. Ainsi, même si c’est au niveau macroscopique que nous voulons être
capable de prédire le comportement du système, il est pertinent de décrire celui-ci
à une échelle mésoscopique.
Il y a deux stratégies communément utilisées. Soit on utilise une approche phé-
noménologique : on intuite les équations qui régissent la dynamique des différents
champs qui semblent pertinents pour représenter le phénomène. Cette approche
à eu énormément de succès à l’équilibre. Les systèmes sont étudiés dans un état
stationnaire d’équilibre, caractérisé par une énergie libre. Cette dernière est alors
construite en fonction des quantités conservées et des symétries du système [38].
Soit on cherche, à partir d’un modèle microscopique, à obtenir un système d’équa-
tions fermées sur les différents champs qu’on construit en moyennant localement
les variables discrètes.
La première solution est facile à mettre en oeuvre pour les systèmes actifs mais
relativement "risquée". Hors équilibre, les contraintes sur les différents termes de
l’équation sont peu nombreuses. La formulation du problème est alors trop libre
pour être certain d’avoir écrit tous les termes pertinents (et seulement eux). Ainsi,
J. Toner et ses collaborateurs ont proposé une description phénoménologique de
la transition vers le mouvement collectif qui a évolué au fil des années [28, 23].
En outre, certains phénomènes reposent sur des relations entre les coefficients qui
ne sont pas simples à deviner et dont l’origine microscopique n’est, par principe,
pas expliquée par une approche phénoménologique. Par exemple, le phénomène
de MIPS apparait suite à une annulation du coefficient de diffusion effectif. Le

24
fait qu’une équation de diffusion avec un coefficient de diffusion négatif mène à
une instabilité est trivial. C’est dans l’origine microscopique de ce coefficient de
diffusion de négatif que réside l’intérêt de cette transition. Néanmoins, pour un
système dont on connait la dynamique microscopique, il est très difficile de passer
à une description mésoscopique fermée [33, 32]. En effet, les approximations néces-
saires à la clôture des équations hydrodynamiques sont mal maitrisées. Bien que
des études sérieuses aient été menées sur la transition MIPS [24], seul le cas du
quorum sensing, dans lequel les particules interagissent via une vitesse dépendant
explicitement de la densité, v(ρ), est compris qualitativement. Aucune description
exacte de ce cas au niveau mésoscopique n’existe. Quand au cas où des particules
actives interagissent via des forces répulsives, les équations proposées ont des li-
mitations tant quantitatives que qualitatives. Afin d’aiguiser notre sens physique,
je propose dans la suite de cette partie de développer des modèles dont on peut
calculer exactement les équations hydrodynamiques. Dans un premier temps j’ex-
plique les résultats mathématiques qui permettent un tel calcul. Fort de cet outil,
j’exhibe deux modèles, l’un présentant la transition MIPS l’autre montrant une
transition vers le mouvement collectif. Je présenterai la dynamique microscopique
et les équations hydrodynamiques obtenues. Enfin, je montre que ces équations
permettent de rendre compte de manière simple de la phénoménologie observée.

2.2 Méthode exacte de renormalisation


Ce travail a été réalisé avec la collaboration de deux collègues mathématiciens,
Thierry Bodineau et Clément Erignoux. Le théorème mathématique sur lequel re-
pose nos résultats a été démontré par Clément Erignoux dans [39]. Je résume l’idée
de ce théorème dans cette section, co-écrite avec Clément, par soucis de complétion
d’une part, mais également pour indiquer au lecteur physicien les chemins que nos
collègues mathématiciens savent emprunter. Cette section peut-être omise dans
une première lecture, les résultats étant repris dans les sections 2.3, et 2.4.

Considérons un réseau torique (avec des conditions aux bords périodiques) en d


dimensions, de N d sites : TdN = {1, · · · , N }d . Sur ce réseau, évoluent des particules
de type +, d’autres de type −, et des trous (notés 0). Les configurations sur ce
d
réseau sont données par η = (ηx ) ∈ {−1, 0, 1}TN . Les particules évoluent selon le
processus stochastique défini par la dynamique suivante :
– une particule, quel que soit son type ±, saute de x à x + z à un taux
N 2 cs (ηx , ηx+z ). z représente ici un vecteur unitaire quelconque du réseau
et le taux de saut peut dépendre des occupations des sites de départ et
d’arrivée. Ces taux satisfont le bilan détaillé vis-à-vis d’une mesure produit.
– une particule ± saute de x à x ± e1 à un taux N ca,± (ηx , ηx±e1 ) où e1 est un

25
vecteur unitaire dans une direction donnée de TdN .
– une particule ± se transforme en une particule ∓ à un taux fx (η).
Nous voulons montrer que, dans la limite N → ∞, la dynamique du système
est bien décrite, dans un sens que l’on précisera ci-dessous, par des équations de
réaction-diffusion couplées :

∂t ρ± = ∆d± (ρ+ , ρ− ) − ∂u1 σ ± (ρ+ , ρ− ) ± F (ρ+ , ρ− ). (2.2.1)

où ρ± sont les champs de densité de particules ±, ρ = ρ+ + ρ− est la densité locale


de particules, d± représente la contribution macroscopique de la partie symétrique
des déplacements, σ ± sont des termes de transport asymétriques, et F est un terme
d’alignement.
Pour donner un sens à cette convergence, on considère la mesure empirique du
processus, définie par
1 X
πt±,N = d δx/N ηx± (t) (2.2.2)
N d
TN

où δu est la mesure de Dirac centrée en u ∈ Td := [0, 1]d et ηx± est la fonction


indicatrice de la présence de particules ± : ηx± = 1ηx =±1 . Pour toute fonction test
suffisament régulière G ∈ C 2 (Td ), on peut calculer la valeur moyenne de G de la
manière suivante 1 :
Z
±,N 1 X
hπt , Gi = G(u)πt±,N (du) = d G(x/N )ηx± (t). (2.2.3)
Td N d
TN

L’idée est de montrer qu’à la limite N → ∞, cette intégrale converge vers


Z
±,N
hπt , Gi −→ G(u)ρ± (u, t)du (2.2.4)
N →∞ Td

où ρ± sont solutions de (2.2.1). Ceci revient à remplacer, dans la limite N → ∞,


la mesure fluctuante πt±,N par une mesure admettant une densité (déterministe)
par rapport à Lebesgue : ρ± . En pratique, on montre de manière équivalente
Z t Z
±,N ±,N
hπt , Gi − hπ0 , Gi −→ ds G(u)∂t ρ± (u, t)du (2.2.5)
N →∞ s=0 Td

où ∂t ρ± est donné par (2.2.1).


1. Les parenthèses autours du "du" sont simplement là pour rappeler qu’une distribution de
Dirac n’est pas absolument continue par rapport à Lebesgue.

26
Pour montrer cette convergence, on utilise tout d’abord l’identité de Dynkin
[40]
Z t hX i
±,N ±,N 1 X
hπt , Gi−hπ0 , Gi = d
G(x/N ) [jx−ei ,x (s)−jx,x+ei (s)]+rx (s) ds+Mt±,G,N
± ± ±
s=0 N d i x∈TN
(2.2.6)
où Mt±,G,N
est un terme de fluctuation d’ordre supérieur qui disparaît dans la
±
limite hydrodynamique 2 , jx−ei ,x
est le courant instantané de particules, qui peut
être décomposé en :
±
jx−e i ,x
= N 2 s± ±
x−ei ,x + δi,1 N ax−e1 ,x , (2.2.7)

où s± ±
x−ei ,x et ax−e1 ,x sont les contributions symétriques et antisymétriques au cou-
rant de particules :

s± s s
x−ei ,x = c (ηx−ei , ηx ) − c (ηx , ηx−ei ), (2.2.8)
a+
x−e1 ,x = c
a,+
(ηx−e1 , ηx ) (2.2.9)
− a,−
ax−e1 ,x = −c (ηx , ηx−e1 ) (2.2.10)

Finalement rx± est le taux création algébrique de particules ± au site x :

rx± = ±(ηx− − ηx+ )fx (η)

L’idée est alors de remplacer l’intégrande de (2.2.6) par une intégrale spatiale de
G contre une expression dépendant des solutions ρ+ et ρ− de (2.2.1).
Pour les modèles étudiés dans cette thèse, le courant symétrique prend la forme
d’un gradient microscopique s± ± ±
x−ei ,x = hx − hx−ei . Des intégrations par parties
successives permettent alors de réécrire (2.2.6) sous la forme :
Z
1 Xh N
t
hπt±,N , Gt i − hπ0±,N , G0 i = d
∆ Gs (x/N )h± x (s)
s=0 N d
x∈TN
i
+ ∇N
1 Gs (x/N )a ±
x,x+e1 + Gs (x/N )rx
±
(s) ds + Mt±,G,N (2.2.11)

On note tout d’abord que, dans ce qui précède, les dérivées discrètes tendent vers
leur limite continue lorsque N → ∞ :
X
∆N G(x/N ) ≡ N 2 [G(y/N ) − G(x/N )] −→ ∆G(x/N ), (2.2.12)
y∼x

∇N
1 G(x/N ) ≡ N G((x + e1 )/N ) − G(x/N ) −→ ∂u1 G(x/N ) (2.2.13)
2. Mais qui réapparaît dans les hydrodynamiques fluctuantes !

27
Afin de pouvoir prendre la limite N → ∞ dans (2.2.6), il faut, en premier lieu,
remplacer les courants microscopiques h± , a± et rx± par des fonctions de la densité
"mésoscopique" du nombre de particules.
Les fonctions ∆G, ∂u1 G et G de l’équation 2.2.11 étant suffisament régulières,
±
les fonctions microscopiques h± ±
x (s), ax,x+ei et rx (s) peuvent être remplacées par
leur moyenne spatiale dans une boite B` (x) de taille 2`+1 autour de x. Dans ce cas,
la limite ` → ∞ sera prise après la limite N → ∞. Une question naturelle est donc
de savoir quelle mesure utiliser pour calculer ces valeurs moyennes. Un résultat
fort démontré dans [39] est que, grâce aux séparations d’échelles de temps, on
peut utiliser la mesure d’équilibre associée au processus symétrique, conditionnée
à avoir la bonne densité de particules + et − dans la boîte mésoscopique. On
obtient alors ce que l’on appelle une estimation à un bloc, par exemple :
1 X
h± ±
y ' Eνρ± (η) (hx ). (2.2.14)
|B` (x)| `
y∈B` (x)

où νρ± (η) est une mesure produit qui place une particule ± au site y avec une
`
probabilité ρ± . De même, cette relation peut être écrite pour a± ±
x,x+e1 et rx au lieu
de hx .
Pour passer formellement à la limite macroscopique, il faut ensuite remplacer
le calcul de la moyenne dans une boite microscopique de taille ` par le même calcul
dans une boîte mésoscopique de taille N . C’est l’objet de ce que les mathémati-
ciens appellent l’estimation à deux blocs, qui grâce à (2.2.14), donne :
1 X
h± ±
y ' Eνρ± (x,x) (hx ), (2.2.15)
|B` (x)| εN
y∈B` (x)

lorsque N → ∞, puis ε → 0 et enfin ` → ∞.


Grâce à cette estimation et à l’équation (2.2.11), on obtient donc :
Z
1 Xh N
t
hπt±,N , Gt i
− hπ0±,N , G0 i
= d
∆ Gs (x/N )Eνρ± (x,s) (h± x)
s=0 N εN
x∈TdN
i
N ± ±
+ ∇1 Gs (x/N )Eνρ± (x,s) (ax,x+e1 ) + Gs (x/N )Eνρ± (x,s) (rx ) ds + qN,ε (2.2.16)
εN εN

où qN,ε disparait à la limite N → ∞, puis ε → 0.


À la limite N → ∞, on peut montrer que la densité empirique πt±,N converge
vers une mesure πt± = f ± (u, t)du absolument continue par rapport à la mesure de
Lebesgue. On peut alors passer à la limite N → ∞ puis ε → 0 dans l’équation
(2.2.16), pour finalement obtenir que les densités f ± satisfont pour toute fonction
G ∈ C 2 (Td ),

28
Z Z Z t Z h
± ±
f (u, t)G(u)du − f (u, 0)G(u)du = ∆G(u)d(f + , f − )(u, s)
Td Td s=0 Td
i
+ ∂u1 G(u)σ(f , f )(u, s) + G(u)F (f + , f − )(u, s) duds (2.2.17)
+ −

avec
d(f + , f − ) = Eνf ± (h±
0 ), σ(f + , f − ) = Eνf ± (s,u) (a±
0,e1 ),

F (f + , f − ) = Eνf ± (s,u) (r0± ).


L’équation (2.2.17) est en fait exactement une réecriture de l’équation (2.2.1),
intégrée par parties en temps et en espace contre une fonction test G. Cela montre,
comme souhaité, que f ± = ρ± est bien la solution de l’équation (2.2.1), c’est à dire
que (2.2.4) est satisfaite.

2.3 La séparation de phase induite par la motilité


Montrons désormais que la classe des modèles dont on sait construire exacte-
ment les équations hydrodynamiques contient les phénoménologies des systèmes
actifs qui nous intéressent. Dans un premier temps le phénomène de séparation de
phase induite par la motilité (MIPS) est étudié. Un modèle de particules actives,
sur réseau, qui présentent des interactions stériques est défini. Cette dynamique
microscopique est coarse-grainée afin d’obtenir des équations hydrodynamiques
exactes. Ces équations sont alors testées contre des simulations du phénomène mi-
crocsopique. Par ailleurs, grâce à ces équations on obtient les premiers résultats
exacts sur le diagramme des phases de ce phénomène.

2.3.1 Dynamique microscopique


Dans un premier temps, le système est présenté en une dimension, la générali-
sation en plusieurs dimensions se faisant relativement simplement.
Sur un réseau discret, annulaire, en une dimension, de αL sites, N particules
évoluent. Ces particules sont auto-propulsées, c’est-à-dire que leur diffusion est
biaisée soit vers la droite (particules +) soit vers la gauche (particules −). On
décrit le réseau de la manière suivante : à chaque site i on associe une valeur
σi ∈ {−1, 1, 0} qui indique si le site est occupé par une particule −, + ou vide.
Ces nombres d’occupations évoluent de la manière suivante (figure 1) :
1. pour chaque lien (i, i + 1) du réseau, les valeurs σi et σi+1 sont échangées
avec un taux D.
2. pour chaque lien (i, i + 1) une particule + saute du site i au site i + 1 avec
un taux λ/L si σi+1 = 0 ; de même, une particule − saute du site i + 1 au
site i avec le même taux, si le site d’arrivé est libre.

29
Figure 1 – Schéma de la dynamique microscopique pour le système MIPS

3. une particule change de direction avec un taux γ/L2 : σi → −σi .


On note que l’exclusion n’a lieu que pour le processus asymétrique et est par
conséquent très rare.
Afin de décrire le système de manière continue, l’espace sera décrit par une
variable x = i/L ∈ [0, α]. L’échelle temporelle est choisie de sorte qu’une diffusion
macroscopique se produise sur un temps macroscopique d’ordre 1 : le temps ma-
croscopique est donc τ = t/L2 où t est microscopique. Cela signifie, que sur un
temps d’ordre 1 à l’échelle macroscopique, une particule se déplace sur une distance
macroscopique d’ordre 1 grâce au seul phénomène de diffusion. Les taux de saut et
de retournement sont choisis de manière à contribuer de la même manière que la
diffusion, à l’échelle macroscopique. Ainsi, en un temps macroscopique d’ordre 1,
la dynamique de saut permet à une particule de parcourir en moyenne la distance
λ, de même, elle se retourne en moyenne γ fois. Ainsi chaque phénomène contribue
de manière égale à la dynamique au niveau macroscopique. Ceci se traduira par la
coexistence de tous ces processus dans les équations dynamiques.
L’équation de la dynamique de la densité microscopique d’un site ρ± i (t) =
1{σi (t)=±1} est donnée directement, depuis l’équations maîtresse par

γ  + −

∂t hρ+ + + +
i i =D[hρi+1 i + hρi−1 i − 2hρi i] − hρ i i − hρi i
L2
λ 
+ 
 
+ ρi−1 1 − |ρi | − ρ+i 1 − |ρi+1 | (2.3.1)
L

avec ρi = ρ+i + ρi
On voit que l’équation (2.3.1) n’est pas fermée car elle met en jeu les corrélations
à deux points hρ+ +
i ρi+1 i et hρi−1 ρi i. Cela dit, les mathématiciens montrent qu’il est
possible d’écrire, au niveau macroscopique, grâce à la manière dont les taux ont
été définis, un système d’équations fermées.

30
2.3.2 Equations hydrodynamiques exactes
Afin d’écrire les équations hydrodynamiques qui décrivent le système, des champs
de densités ρ+ et ρ− de particules + et − sont définis. Autour d’un point x = i/L
on définit une boite de taille Lδ , grande devant 1 et petite devant L. On calcule la
moyenne du nombre de particules par site dans cette boite :
1 X
ρ± (x, τ ) ' 1{σi (τ L2 )=±1} , (2.3.2)
2Lδ
|i−Lx| 6 Lδ

On sait que sur les temps microscopiques la dynamique de diffusion symétrique


est très rapide. On montre alors que, à l’échelle d’une boite de taille Lδ , la mesure
microscopique du processus est la mesure d’équilibre dans l’ensemble canonique :

P (σ = ±1) = ρ± (2.3.3)

L’échelle à laquelle le système est regardé est définie par δ et lorsque L tend
vers l’infini, x évolue sur le segment [0, α]. Grâce à cette mesure d’équilibre locale,
on peut calculer les termes non-linéaires dans l’équation (2.3.1) et il en résulte les
équations hydrodynamiques suivantes sur les champs de densité ρ+ et ρ− :

∂τ ρ+ = D∂x2 ρ+ − λ∂x [ρ+ (1 − ρ)] − γ(ρ+ − ρ− ), (2.3.4)


∂τ ρ− = D∂x2 ρ− + λ∂x [ρ− (1 − ρ)] + γ(ρ+ − ρ− ), (2.3.5)

On peut réexprimer ces équations en utilisant les champs ρ(x, t) = ρ+ + ρ− la


densité locale de particules, et m(x, t) = ρ+ − ρ− leur orientation (si on interprète
les particules + et - comme des spins, m est une aimantation) :

∂t ρ = D∆ρ − ∇(v(ρ)m) (2.3.6)


∂t m = D∆m − ∇(v(ρ)ρ) − 2γm (2.3.7)
avec v(ρ) = λ(1 − ρ) (2.3.8)

Ces équations se composent d’un terme lié à la diffusion, d’un terme lié à la
convection et d’un troisième, lié à la dynamique de retournement. Le terme de dif-
fusion représente directement le processus symétrique. Le terme de convection est,
quant à lui, plus compliqué à interpréter : il traduit le déplacement des particules
à une vitesse v(ρ) = λ(1 − ρ). Cette vitesse décroit avec la densité et s’annule
si la densité vaut 1, ce qui rend compte du phénomène d’exclusion asymétrique.

31
Le troisième terme de l’équation (2.3.7) rend compte de la dynamique de retour-
nements. Les particules étant équiprobablement de signe + ou −, on obtient, au
niveau macroscopique un amortissement de la magnétisation.
Afin d’identifier les paramètres physiques qui contrôlent la phénoménologie de
ce système, on réécrit les équations (2.3.6, 2.3.7) sous forme adimensionelle. Pour
cela on introduit les variables suivantes :

ρ = ρ0 ρ̃
m = ρ0 m̃
x = `x̃
t = τ t̃

où les variables tildées sont sans dimension et ρ0 , `, τ sont une densité, une
longueur et un temps caractéristique. On réexprime alors (2.3.6,2.3.7) en utilisant
ces nouvelles variables :

ρ0 ρ0 D ˜ ρ0 λ ˜
∂ ρ̃ = ∆ρ̃ + ∇(m̃(1 − ρ0 ρ̃)) (2.3.9)
τ t̃ `2 `
ρ0 ρ0 D ˜ ρ0 λ ˜
∂ m̃ = ∆m̃ + ∇(ρ̃(1 − ρ0 ρ̃)) − 2ρ0 m̃γ (2.3.10)
τ t̃ `2 `
En choisissant ρ0 = 1, γτ = 1 et Dτ `2 = 1, on obtient ρ0`λ = √Dγ λ
. i.e x ∈
 pγ
0, α D , ρ ∈ [0, 1], m ∈ [−1, 1]. Le temps t est remis à l’échelle avec un facteur
γ −1 .
Dans ce nouveau système d’unité, en omettant les tildes sur les variables par
commodité, les équations précédentes deviennent :

∂t ρ = ∆ρ − Pe∇(m(1 − ρ)) (2.3.11)


(2.3.12)
∂t m = ∆m − Pe∇(ρ(1 − ρ)) − 2m (2.3.13)

Où Pe est le nombre de Péclet :


`c λ
=√
Pe = (2.3.14)
`d Dγ
q
Ce nombre compare la longeur `d = Dγ que parcourt la particule par diffusion
λ
entre deux changements de direction, à la longueur `c = γ
que parcourt la particule
à cause de la propulsion asymétrique.

32
Pour une densité fixée, c’est le nombre de Péclet qui contrôle toute la phé-
noménologie. À une densité suffisament grande, si le nombre de Péclet est grand
(Pe  1) alors les effets dus à l’activité des particules seront les plus visibles. Pour
un nombre de Peclet faible, la diffusion sera dominante.
Utilisons la fin de cette section pour généraliser notre système à d > 1 dimen-
sions : l’étude porte alors sur un tore discret en d dimensions avec L sites dans
chaque direction. La dynamique ne diffère que très peu :
1. pour chaque lien (x, x + ei ) du réseau, les valeurs σx et σx+ei sont échangées
avec un taux D.
2. pour chaque lien (x, x + e1 ), une particule + saute du site x au site x + e1
avec un taux λ/L si σx+e1 0 ; de même, une particule − saute du site x + e1
au site x avec le même taux, si le site d’arrivée est libre.
3. une particule change de direction avec un taux γ/L2 : σx → −σx .
On constate qu’ici les particules ne sont propulsées que dans une direction. Suivant
une procédure de coarse-graining similaire à celles employées précédemment, on
obtient les équations :

∂t ρ = D∆ρ − λ∇e1 (m(1 − ρ)) (2.3.15)


∂t m = D∆m − λ∇e1 (ρ(1 − ρ)) − 2m (2.3.16)

Ces équations (2.3.15,2.3.16) sont alors les mêmes que les équations (2.3.6,2.3.7).
les résultats mathématiques de nos collaborateurs assurent que, lorsque L →
∞, la dynamique des champs ρ± définit à l’équation (2.3.2) converge au sens faible
vers (2.3.6,2.3.7) pour des temps macroscopiques d’ordre 1. Pour obtenir une com-
préhension plus concrête de ces résultats et des échelles de temps et d’espaces
pertinentes, nous comparons dans la section 2.3.3 des simulations du phénomène
microscopique et des solutions numériques des équations (2.3.6,2.3.7). Nous mon-
trons ensuite comment les équations hydrodynamiques permettent de prédire (sec-
tion 2.3.4.2) et de rendre compte d’une séparation de phase induite par la motilité
observée dans ce système (section 2.3.4.3).

2.3.3 Simulations
Afin de pouvoir comparer les résultats des simulations numériques et des réso-
lutions des équations aux dérivées partielles, il faut simuler le système au niveau
microscopique de manière exacte et résoudre les équations numériquement. Dans
les deux paragraphes suivant je présente brièvement les méthodes mises en oeuvre
dans cette thèse pour obtenir les résultats.

33
2.3.3.1 Simulations microscopiques
Il existe de nombreuses méthodes pour simuler des processus stochastiques mar-
koviens [41], ici on emploie une méthode de simulation exacte en temps continue.
Dans un premier temps j’explique le principe général de la simulation en temps
continu, ensuite j’explique comment je l’implémente dans notre cas précis.

Principe de la simulation en temps continu


Imaginons qu’une action a se produise avec un taux W . On discrètise le temps
en intervalle dt, la probabilité que a se produise entre τ = ndt et τ + dt est donnée
par :

P (a, τ ) = (1 − W dt)n W dt (2.3.17)


(2.3.18)

dans la limite n → ∞ (i.e. dt → 0) on obtient

P (a, τ ) = W exp(−W τ )dt (2.3.19)

On réalise alors une simulation en temps continu de la manière suivante : on


tire au sort, suivant la loi exponentielle de paramètre W , une durée τ au bout de
laquelle l’action a va se produire. L’action est réalisée et le temps total t de la
simulation est mis à jour et vaut alors t + τ . On connait alors exactement l’état
du système à chaque instant.
S’il y a un nombre fini n d’actions ai , qui se produisent chacune avec un taux
Wi avec i ∈ {1..n}, deux stratégies sont possibles pour simuler le processus en
P
n
temps continu. D’une part on peut utiliser une seule horloge de taux W = Wi
i
et tirer au sort l’action qui a lieu à chaque instant indiqué par l’horloge ; chaque
action ayant une probabilité P (ai ) = WW
i
d’avoir lieu. D’autre part on peut utiliser
une horloge par action et réaliser à chaque fois l’action dont l’horloge associée
affiche le temps le plus petit.
Montrons que ces approches sont équivalentes :
À nouveau, on coupe R en intervalle de longueur dt. On calcule la probabilité
qu’il ne se produise pas l’action ai sur un intervalle dt :

p(āi , dt) = 1 − W dt + W dt(1 − P (ai )) (2.3.20)


Wi
= 1 − W dt + W dt(1 − ) (2.3.21)
W
= 1 − Wi dt (2.3.22)
(2.3.23)

34
Ainsi on obtient que p(ai ) = Wi dt et par conséquent :

P (ai , τ = ndt) = (1 − Wi dt)n Wi dt (2.3.24)

ce qui nous ramène au cas précédent.

Implémentation de la dynamique microscopique Dans notre cas, il y a trois


actions possibles : le saut, le flip (retournement d’une particule) et la diffusion. Le
taux total de flip est constant Wf lip = N γ/L2 . Le taux total de diffusion symétrique
vaut Wd = Nd ∗ D avec Nd le nombre de lien entre les sites qui contient au moins
une particule. Le taux total de saut vaut Wj = Nj λ/L où Nj est le nombre
de particules pouvant sauter. Pour simuler ce système on choisit d’utiliser trois
horloges. Une fois l’action déterminée (par l’horloge qui affiche le temps le plus
petit), la particule qui la réalisera est tirée au sort parmi les particules éligibles à
réaliser cette action.
Cela dit, pour simplifier l’implémentation de ce système et ne pas avoir à tenir
le compte de Nd et Nj , on sur-évalue les taux Wd et Wj de la manière suivante :
Wj0 = N Λ/L et Wd0 = N D. Les horloges ont alors des taux constants. La particule
qui réalisera l’action est tirée au sort parmi toutes les particules. Pour rectifier les
taux, certaines actions sont rejetées avec une probabilité donnée :
En effet, si un saut doit avoir lieu, on va tirer, en pratique, des particules
ne pouvant pas sauter (avec une probabilité p = 1 − Nj /N ) On rejette alors
le mouvemement et on tire un temps pour le prochain saut. Le processus étant
Markovien, le fait de tirer un nouveau temps ne change pas la probabilité d’une
trajectoire.
De même, si un échange entre deux sites doit se produire, au lieu de tirer un
lien (i, j), on tire une particule au hasard. On choisit alors la direction du swap.
Si le site avec lequel doit avoir lieu l’échange contient lui aussi une particule, alors
le lien entre ces deux sites avait deux fois plus de chance d’être choisi. On rejette
alors l’action avec une probabilité p = 21 .
Montrons que grâce à ces rejets on rétablit la statistique attendue :
Prenons un évènement a qui a lieu suivant un taux W , supposons alors qu’on
rejette cet évènement avec une probabilité 1−p. Montrons alors que le taux effectif
auquel a a lieu est Wef f = pW . La probabilité P (a, τ ) que l’événement a ait lieu
après une durée τ :
τ
P (a, τ ) = (1 − W dt + (1 − p)W dt) dt pW dt
τ
= (1 − pW dt) dt pW dt
τ τ
= (1 − pW )n pW dt avec n =
n dt
= pW exp(pW τ )dt dans la limite n → ∞

35
Par identification, on obtient le résultat attendu : Wef f = pW .
La stratégie décrite précédemment permet de ne garder en mémoire que la
configuration à un instant du réseau, et de faire évoluer celui-ci sans tenir compte,
a priori, des détails du réseau. Ainsi il n’y a pas besoin de tenir à jour des listes
de sites occupées ou de particules pouvant sauter. Cela simplifie l’implémentation
du code sans nuire significativement à sa vitesse d’execution.

2.3.3.2 Résolution des équations aux dérivées partielles


Une autre partie du travail consiste à résoudre numériquement les équations
2.3.6,2.3.7. Il existe de nombreuses méthodes pour résoudre numériquement des
équations aux dérivées partielles [42]. Sans s’attarder sur les détails mathématiques
liés à ces méthodes, je présente brièvement la stratégie générale mise en oeuvre
dans ma thèse. par souci de simplicité, je ne présente que le cas en une dimension.
Les dimensions plus élevées se déduisent simplement de celui-ci.
Les schémas aux différences finies consistent à discrétiser explicitement, l’espace
et le temps. Pour résoudre ces équations, une méthode de résolution semi-spectrale
a été utilisée. C’est-à-dire que la composante spatiale est projetée sur l’espace de
Fourrier et, pour chaque composante spectrale, la dynamique est résolue grâce à un
schéma d’intégration aux différences finies : la méthode d’Euler implicite. Pour un
champs spatio-temporel f on définit ∀k ∈ Z fk la k-ième composante de fourrier :

X
N
n
fk (t) = f (n/N α, t) exp(2kπα ) (2.3.25)
n=−N
N

où N est le nombre de modes qui seront simulés. De fait, N détermine aussi le


pas spatial du schéma utilisé. Dans un premier temps, les équations sont exprimées
dans l’espace de Fourrier. Pour tout k entier relatif,

∂t ρk = −Dk 2 ρk − λikmk + λikT Fk [mρ] (2.3.26)


∂t mk = −Dk 2 mk − λikρk − 2γmk + λikT Fk [ρ2 ] (2.3.27)

où ρk et mk sont la k-ième composante de la transformée de Fourrier des champs


ρ et m. T Fk [f ] est la k-ième composante de la transformée de Fourrier de la
fonction f . Le nombre Nf de mode de Fourrier utilisés détermine la discrétisation
spatiale. Sur un espace de taille α, la précision spatiale de la résolution vaut alors
dx = 2πα/Nf .
On voit alors que, pour chaque pulsation spatiale, on doit résoudre une équation
différentielle ordinaire non-linéaire. Réecrivons le système (2.3.26,2.3.27) sous sa
forme vectorielle :

36
   
ρk ρk
∂t =A + N L(ρ, m) (2.3.28)
mk mk
 
−Dk 2 −λik
Où A = et N L(ρ, m) désigne la partie non linéaire de
−λik −Dk 2  − 2γ 
T Fk [mρ]
l’équation : N L(ρ, m) = λik
T Fk [ρ2 ]
Il s’agit donc de résoudre cette équation numériquement. Pour cela, nous al-
lons utiliser un schéma d’Euler semi-implicite (la partie non-linéaire est calculée
directement). La matrice A ne dépendant pas du temps, mettre en place ce schéma
d’intégration n’est pas plus coûteux que le schéma d’Euler classique et présente
l’avantage d’être stable.
 
ρk
On pose X(t) = à l’instant t, note dt le pas d’intégration temporel et
mk
α ∈]0; 1[ le degré d’implicite du schéma.

X(t + dt) − X(t)


=A(αX(t + dt) + (1 − α)X(t)) + N L(ρ(t), m(t))
dt
⇔(I2 − αdtA)X(t + dt) =(dt(1 − α) + I2 )X(t) + dtN L(ρ(t), m(t))
⇔ X(t + dt) =(I2 − αdtA)−1 (dt(1 − α) + I2 )X(t) + dt(I2 − αdtA)−1 N L(ρ(t), m(t))
(2.3.29)
Ainsi l’algorithme de résolution est le suivant : à chaque instant t, on possède
la donnée des champs ρ et m :
1. calcul de m(x, t)ρ(x, t) et ρ(x, t)2
2. transformée de Fourrier de ρ(x, t), m(x, t), ρ(x, t)2 et de m(t, x)ρ(t, x).
3. calcul pour tous les k de ρk (t + dt) et de mk (t + dt) donné par l’équation
2.3.29
4. calcul de la transformée de Fourrier inverse des champs ρ et m
5. incrémentation du temps.

2.3.4 Résultats
Dans un premier temps, en comparant les simulations microscopiques exactes
et la solution numérique des équations 2.3.6,2.3.7, on valide tant les méthodes nu-
mériques employées que les gammes de tailles et de temps sur lesquelles la conver-
gence entre les simulations macroscopiques et microscopiques est établie. Ensuite,
pour comprendre plus finement le système, les solutions homogènes du système
sont étudiées, les lignes spinodales et binodales sont calculées analytiquement et
vérifiées numériquement.

37
2.3.4.1 Des simulations microscopiques à la résolution de PDE
Les équations hydrodynamiques permettent d’étudier la dynamique du phéno-
mène en moyenne. Afin de comparer les résultats des simulations microscopiques
aux solutions issues de la résolution des PDE, on crée de nombreuses réalisations
du système microscopique à partir d’une même distribution de densité initiale et
on fait la moyenne de ces réalisations. On voit (figure 4) que les résultats sont
complètement superposables à ceux de la résolution des EDP.

2.3.4.2 Analyse de stabilité linéaire


Pour étudier la phénoménologie de notre système, on peut alors se réferrer à
l’étude des équations hydrodynamiques. On peut affirmer, sans calcul, que ρ(x, t) =
ρs in[0, 1] and m(x, t) = 0 pour tout x et pour tout t est une solution constante
du problème. Pour tester la stabilité de ce système, on linéarise le système 2.3.12,
2.3.13 autour de cette solution :

∂t δρ = ∆δρ + Pe(1 − ρ0 )∇δm (2.3.30)


∂t δm = ∆δm + Pe(1 − 2ρ0 )∇δρ − 2δm (2.3.31)

ce qui, exprimé dans l’espace de Fourier, donne, pour tout k ∈ R :

∂t δρ = −k 2 δρ + iPe(1 − ρ0 )kδm (2.3.32)


∂t δm = −(k 2 + 2)δm + iPe(1 − 2ρ0 )kδρ (2.3.33)

et s’écrit :
     
δρ δρ −k 2 iPe(1 − ρ0 )k
∂t =A avec A = (2.3.34)
δm δm iPe(1 − 2ρ0 )k −(k 2 + 2)

sous forme vectorielle. On sait que l’étude du signe de la partie réelle des valeurs
propres de cette matrice A nous donne la stabilité linéaire de la solution constante
et homogène.
Comme Tr(A) < 0∀k, le système est stable si ∀k, Det(M ) > 0 :

k 2 (k 2 + 2) + Pe2 (1 − ρ0 )(1 − 2ρ0 )k 2 > 0 ∀k


k 2 + Pe2 (1 − ρ0 )(1 − 2ρ0 ) + 2 > 0 ∀k
2 2
k > Pe (1 − ρ0 )(2ρ0 − 1) − 2 ∀k

38
α=1 α=2 α=3 α=4 α=5

Figure 2 – Simulation microscopique (en haut) et macroscopique (en bas) à l’état


stationnaire, pour Pe = 10 avec γ = 1, D = 1, λ = 10 et ρs = 0.75. `p ' 1.9.

Cela signifie que le système est instable dès que Pe2 (1 − ρ0 )(2ρ0 − 1) − 2 > 0.
C’est-à-dire pour Pe > 4 et ρ ∈ [ρs` , ρsg ] avec :
r
3 1 16
ρ` = − 1− 2 (2.3.35)
4 4 Pe
r
3 1 16
ρh = + 1− 2 (2.3.36)
4 4 Pe
Ce sont les équations des lignes spinodales. Entre ces lignes la solution homo-
gène est linéairement instable.
À ce point de l’exposé il est important de rappeler que le système est de taille
finie. Or, comme suggéré
p par l’analyse de stabilité linéaire, il y existe une pulsa-
tion minimale kp = Pe2 (1 − ρ0 )(2ρ0 − 1) − 2 à atteindre afin que le système se
déstabilise. Pour que le système atteigne une telle pulsation, il doit mesurer une
taille minimale `p = 2π
kp
La figure 2.3.4.2, nous montre que le système, pour Pe = 10 et ρs = 0.75, se

sépare de phase seulement si α γD > `p (il faut noter que dans le système d’unité

adimensionalisée x ∈ [0, α γD]). De même, la simulation microscopique en deux
dimensions, simulée entre les deux spinodales, nous donne une séparation de phase
(figure 3).
Par ailleurs, on constate que même dans la zone d’instabilité, la moyenne de
N simulations microscopiques suit la même dynamique que celle décrite par les
équations macroscopiques (figure 4)
Cela dit, après un certain temps, la moyenne des simulations microscopiques
s’effondre vers un profil plat. Ce phénomène s’explique parce que le cluster de haute

39
0
100
200
300
400
0 100 200 300 400
Figure 3 – simulation microscopique en deux dimensions. Les points bleus re-
présentent les particules + et les points rouges les particules -. Paramètres :
L = 100, α = 4, ρ0 = 0.65, D = 1, γ = 10 et λ = 40

1.2 time 0.00 time 0.05


1
0.8
0.6
0.4
0.2
0

1.2 time 0.20 time 0.50


1
0.8
0.6
0.4
0.2
0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4

Figure 4 – Images successives de simulation en une dimension. Les simulations


microscopiques (en rouge) et macroscopiques (en bleu) s’accordent quantitative-
ment. Paramètre de simulations : D = 1, λ = 5, γ = 0.1, ρ0 = 0.75, α = 4.
Simulation microscopique : la simulation microscopique a été réalisée avec
L = 1000. Le profil de densité de la simulation microscopique est obtenue en fai-
sant la moyenne de 200 réalisations du système à partir de la même distribution de
densité initiale. ; Simulation macroscopique : la méthode semi-spectrale a été
réalisée avec n = 50 modes et le schéma d’Euler avec un pas temporel dt = 10−4 .

40
densité se déplace aléatoirement suivant l’axe des abscisses. Ainsi, lorsqu’on prend
la moyenne sur un grand nombre de réalisations, cela homogénéïse la densité.
On sait que si le cluster se déplace c’est que sa Pmagnétisation est non-nulle.
Étudions la magnétisation totale du système : M = σi . L’équation maîtresse
06i6L
qui régit P (M ) est :

Nγ Nγ
∂t P (M ) = 2
(P (M + 2) + P (M − 2) − P (M )) + 2 ((M + 2)P (M + 2) + (M − 2)P (M − 2))
2L 2L
(2.3.37)

On calcule alors la moyenne et la variance de la magnétisation totale :

γ
hM i = M (0)e− L2 t (2.3.38)
γ
2 − t
hM i = N (1 − e L2 ) (2.3.39)

On voit que si la moyenne s’effondre vers zéro, les effets dus aux fluctuations
de M sont visibles après un temps d’ordre L2 /γ. Dans la suite, on cherche à
caractériser la solution séparée de phase, c’est à dire à calculer les densités ρg et
ρ` de coexistence.

2.3.4.3 Diagramme des phases


Nous savons maintenant que pour P e > 4 et ρ0 ∈ [ρs` , ρsg ] le système subit une
séparation de phase. On cherche maintenant à la caratériser complètement. On
cherche donc les valeur ρ` et ρg .
Pour cela on cherche à construire deux équations qui mettent en relation ces
grandeurs. l’idée est donc de trouver des quantités qui soient conservées à travers
l’interface. Considérons les équations (2.3.6,2.3.7) à l’état stationnaire :

ρ̇ = 0 = ∇J avec J = −(∇ρ + m(1 − ρ)) (2.3.40)


Z
ṁ = 0 = ∇(∇m + λ(ρ(1 − ρ)) − 2γ m) (2.3.41)

Par symétrie du système on a J = 0, ce qui donne :

1
m= ∇ log(1 − ρ) (2.3.42)
λ
ainsi l’équation (2.3.41) nous permet d’écrire ∀x ∈ [0, α] :

41
Λ(ρ)(∇ρ)2 − κ(ρ)∆ρ + g(ρ) = ḡ (2.3.43)
1 1
où ḡ est une constante, Λ(ρ) = − λ(1−ρ) 2 , κ(ρ) = λ(1−ρ) et g(ρ) = λ(ρ(1 − ρ)) −

2 λγ log(1 − ρ).
On a donc une première quantité ḡ qui est constante. Au milieu de la phase
liquide et de la phase gazeuse ∇ρ = 0, on peut donc écrire la relation :

g(ρg ) = g(ρ` ) = ḡ (2.3.44)

entre ρg et ρ` .
Pour trouver une deuxième relation, on pose l’intégrale suivante :

Zxg
ḡ∇R(ρ) = ḡ(R(ρ` ) − R(ρg )) (2.3.45)
x`

où R(ρ) est une fonction choisie.


l’intégrande de droite peut être réécrite grâce à l’équation (2.3.43)

Zxg Zxg
g(ρ)∇R(ρ) + (Λ(ρ)(∇ρ)2 − κ(ρ)∆ρ)∇R(ρ) = ḡ(R(ρ` ) − R(ρg )) (2.3.46)
x` x`

La première intégrale est réécrite de la manière suivante :


Zxg
g(ρ))∇R(ρ) = Φ(R` ) − Φ(Rg ) (2.3.47)
x`


avec Φ tel que dR = g.
On choisit alors R(ρ) de sorte que la deuxième intégrale de l’équation 2.3.46
s’annule :
Zxg Zxg
1
dx(Λ(ρ)(∇ρ)2 − κ(ρ)∆ρ)∇R(ρ) = dx∇( R0 κ(ρ)(∇ρ)2 ) = 0 (2.3.48)
2
x` x`

Ce qui donne comme condition sur R0 :

2ΛR0 = R00 κ + R0 κ0 (2.3.49)

42
Φ(R)
30

20

10

-8 -6 -4 -2
R
-10

-20

-30

-40

Figure 5 – La construction de la tangente commune entre les deux phases.

La fonction R : ρ → R(ρ) = log(1 − ρ) convient.


À partir de là, g(ρ) peut se réexprimer en fonction de R, g(ρ) = g̃(R) =
λeR (1 − eR ) − 2γ
λ
R = Φ0 (R). Cela donne aussi l’expression de la fonction Φ en
R
fonction R : Φ(R) = λeR (1 − e2 ) − λγ R2

L’évaluation de l’intégrale (2.3.46) nous permet d’établir la deuxième relation :

Φ(R` ) − Φ(Rg ) = Φ0 (R` )(R` − Rg )


Φ(R` ) − Φ0 (R` )R` = Φ(Rg ) − Φ0 (Rg )Rg (2.3.50)

La première condition (2.3.44) peut alors être réécrite avec les variables Φ et
R:

Φ0 (Rl ) = Φ0 (Rg ) (2.3.51)

Les équations (2.3.51,2.3.50) montrent que la tangente à la représentation gra-


phique de la fontion Φ aux points d’abscisses R` , Rg , admet comme tangente la
même droite 2.3.4.3. À la différence de la séparation liquide-gaz d’équilibre pour
laquelle une telle construction est possible et où les rôles de Φ, R et Φ0 sont respec-
tivement joués par l’énergie libre, la densité, et le potentiel chimique, on ne sait
pas interpréter les grandeurs mises en jeu dans notre cas. Bien que nous manquions
d’intuition physique sur les quantité R et Φ, la résolution du système (2.3.51,2.3.50)

43
1
0.9
0.8
0.7
0.6
ρ0

0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
3 4 5 6 7 8 9 10
Peclet

Figure 6 – Diagramme de phase présentant, en bleu, les spinodales, en rouge, les


lignes binodales calculées à partir des équations (2.3.51,2.3.50). Les points sont les
densités hautes et basses mesurées sur les simulations microscopiques.

nous permet d’obtenir R` , Rg et, à travers ces quantités, on peut obtenir les densi-
tés de coexistence ρ` et ρg . La résolution numérique (par une méthode de Newton)
de ces équations peut alors être comparée aux mesures des densités de coexistence,
c’est ce qui est représenté sur la figure 6

2.4 La transition vers le mouvement collectif


Comme second modèle, nous voulons définir un modèle minimal dans lequel
l’interaction entre l’autopropulsion et l’alignement mène à une transition de phase
entre état désordonné et état ordonné, ce dernier est alors un mouvement collectif.
Nous allons définir la dynamique microscopique qui régit notre modèle, en extraire
des équations hydrodynamiques et, à l’instar de ce qui a été fait pour MIPS,
comparer les résultats macroscopiques et microscopiques.

2.4.1 Dynamique microscopique


On définit un réseau annulaire discret de αL sites et N particules. Chaque
particule est repérée par sa position i ∈ 0...L et sa direction s = ±1. Ainsi à
chaque site du réseau on associe un couple (ηi+ , ηi− ) ∈ N2 qui dénote le nombre de
particules de chaque type au site i. Ces particules évoluent de la manière suivante :
1. une particule en i saute sur un site voisin i ± 1 avec un taux D
2. une particule de direction s = ±1 en i saute sur le site i ± 1 avec un taux
λ/L.
3. une particule de direction s = ±1 change de direction avec un taux c± + −
i (ηi , ηi )

44
Figure 7 – Schéma de la dynamique des particules dans le modèle transition vers
le mouvement collectif.

avec

c± + − + −
i (ηi , ηi ) = exp[∓β(ηi − ηi )] (2.4.1)

On notera par ailleurs que β fonctionne ici comme l’inverse d’une "tempéra-
ture" T . Les taux c±
i sont tels qu’à basse température, l’alignement est très effectif
et on observe une phase ordonnée. À haute température, il n’y a plus d’alignement.
Encore une fois, les taux sont choisis de manière à ce qu’au niveau hydrodyna-
mique chaque terme ait la même contribution si on réechellone l’espace par L et
le temps par L2 .

2.4.2 Equations hydrodynamiques exactes


On cherche alors à coarse-grainer, le réseau décrit ci-dessus : on pose ρ+ et ρ−
la densité locale des particules + et − respectivement. On obtient alors :

∂t ρ+ = ∆ρ+ + λ∇ρ+ − F (ρ+ , ρ− ) (2.4.2)


∂t ρ− = ∆ρ− − λ∇ρ− + F (ρ+ , ρ− ) (2.4.3)

F est la fonction telle que

F (ρ+ , ρ− ) = f + (ρ+ , ρ− ) − f − (ρ+ , ρ− ) avec f ± = hc± (n, m)i

où les moyennes sont calculées suivant une distribution produit de distribution


de Poisson :
(ρ+ )k (ρ− )n
νρ+ ,ρ− (k.n) = exp(−ρ+ − ρ− ) (2.4.4)
k! n!
qui est la distribution canonique d’équilibre pour ce système. Ainsi
− − − −
F (ρ+ , ρ− ) = hn+ + + +
i c (ni , ni ) − ni c (ni , ni )i (2.4.5)

45
= ρ+ e−β exp(ρ+ (e−β − 1) + ρ− (eβ − 1)) − ρ− e−β exp(ρ+ (eβ − 1) + ρ− (e−β − 1))
(2.4.6)
+ − + −
Les équations (2.4.3) sont réécrites suivant les champs ρ = ρ +ρ 2
et m = ρ −ρ2
qui représentent la densité et la direction locale des particules, ou par analogie avec
le système d’Ising d’équilibre, la magnétisation :
∂t ρ = ∆ρ + λ∇m (2.4.7)
m+ρ m−ρ
∂t m = ∆m + λ∇ρ − 2F ( , ) (2.4.8)
2 2
Dans la suite, on assimile F ( m+ρ
2
, m−ρ
2
)) et F̃ (ρ, m) avec
m+ρ m−ρ e−β
F( , )) = F̃ (ρ, m) = exp(ρ( ch(β) − 1)) [−ρ sh(m sh(β)) + m ch(m sh(β))]
2 2 2
(2.4.9)
Le système (2.4.7, 2.4.8) décrit donc la dynamique au niveau mésoscopique. Il com-
bine un terme diffusif qui témoigne des sauts symétriques, un terme de convection
qui provient du caractère actif des particules étudiées et un terme non-linéaire
F (ρ, m), qui rend compte de la dynamique d’alignement.
Étudions la stabilité linéaire des solutions homogènes de cette équation. Le
couple ρ(x, t) = ρs et m(x, t) = 0 est solution de (2.4.7, 2.4.8). C’est une solution
homogène désordonnée, on peut linéariser le système autour de cette solution et
l’exprimer dans l’espace de Fourrier, ainsi, ∀k ∈ R :
   
ρk ρk
∂t =M (2.4.10)
mk mk
 2 
−k λik
Avec M = . La solution
λik (−k 2 − 2e−β exp(ρs ( ch(β) − 1)) (1 − ρs sh(β)))
étudiée est instable si la partie réelle d’une des valeurs propres de M , X1 ou X2 ,
est positive :

q
X1 = −k 2 + e−β+ρs (−1+ ch(β)) (ρs sh(β) − 1) − −k 2 λ2 + e−2(β+ρs −ρs ch(β)) (−1 + ρs sh(β))2
(2.4.11)
q
X2 = −k 2 + e−β+ρs (−1+ ch(β)) (ρs sh(β) − 1) + −k 2 λ2 + e−2(β+ρs −ρs ch(β)) (−1 + ρs sh(β))2
(2.4.12)
Pour k = 0, X1 = 0, par contre, X2 = 0 si ρs sh(β) < 1 et X2 > 0 sinon. La
solution homogène ρ(x, t) = ρs , m(x, t) = 0 est linéairement instable si ρs = ρ`s +δρ
ρ`s sh(β) < 1 (2.4.13)

46
On suppose alors que la solution se déstabilise vers une solution homogène
désordonnée ρ(x, t) = ρs et m = m0 avec m0 une solution non nulle de

F (m0 , ρs ) = 0
⇔ − ρs sh(m0 sh(β)) + m0 ch(m0 sh(β)) = 0 (2.4.14)
m0
⇔ − tanh(m0 sh(β)) = 0 (2.4.15)
ρs
On retrouve une nouvelle condition d’instabilité autour de ce point de fonc-
tionnement. En effet, pour chaque β, on cherche la plus petite valeur de ρhs telle
que, quel que soit k ∈ R, la partie réelle d’aucune des valeurs propres de la matrice
M (k) ne soit positive. Avec M (k) la matrice :
 
−k 2 λik
M = 
λik + ∂F −k 2
+ ∂F
∂ρ ∂m
ρs ,m0 ρs ,m0

obtenue en linéarisant le système (2.4.7, 2.4.8) autour d’un point de fonctionnement


homogène, ordonnée.
Pour ce choix de F , nous n’avons pas de solution analytique à l’équation
(2.4.15). Un choix des taux d’alignement c± i différent permettrait de procéder ana-
lytiquement. Ici nous préférons garder ces expressions classiques et permettant
néanmoins de calculer F . Le calcul de la deuxième spinodale se fait alors numéri-
quement grâce à la procédure suivante, mise en oeuvre sous Mathematica : on fixe
β, on se donne un ρs initial et un pas ∆ρ :
1. On calcule m0 en résolvant l’équation 2.4.15
2. On calcule les valeurs propres de la matrice M (k)
3. On extrait les parties réelles r1 (k) et r2 (k)
4. Si max(r1 (k), r2 (k)) 6 0 alors on a trouvé ρhs sinon on ajoute δρ à ρs et on
∀k
retourne en 1.
La donnée des couples (β, ρhs ) nous indique la deuxième ligne de stabilité de notre
système. Les solutions homogènes du système sont linéairement instables pour :

ρ`s (β) 6 ρs 6 ρhs (β) (2.4.16)

On propose d’étudier l’état du système entre les deux lignes qui fixent la stabi-
lité linéaire des solutions homogènes. Afin d’observer le phénomène et de mieux le
comprendre, nous allons simuler le système au niveau microscopique et résoudre
les équations hydrodynamiques numériquement.

47
2.4.3 Simulations
Pour simuler le système, nous allons utiliser, comme précédemment, un algo-
rithme en temps continu du processus markovien décrit à la section 2.4.1. Les
grandes lignes de l’algorithme utilisé sont expliquées un peu plus bas.
Pour résoudre les équations hydrodynamiques, la même méthode que celle pré-
sentée section 2.3.3.2 a été utilisée, seul le terme non linéaire de l’équation ayant
changé, nous ne nous y attarderons pas plus.

2.4.3.1 Simulation microscopique


La simulation de la dynamique microscopique de ce système diffère de celle
employée pour le cas précédent ; ici les taux de retournement des particules dé-
pendent des particules voisines, c’est-à-dire celles présentes sur le même site. Le
taux de retournement d’une action dépend donc de la position des particules. Pour
continuer à simuler l’évolution du réseau en temps continu exactement, on définit
donc des horloges locales :

On associe une horloge ti à chaque site i qui contient n+ i particules + et ni
particules −. La durée τi après laquelle une action aura lieu sur ce site est tirée
− −
suivant une loi exponentielle de paramètre Wi = n+ + + + + +
i c (ni , ni ) + ni c (ni , ni ) +
− λ
(n+
i + ni )( L + D) qui est la somme du taux de changement de chaque particule
présente sur le site c’est-à-dire le taux auquel une action se produit sur ce site là.
La simulation se produit de la manière suivante : on choisit le site qui affiche le
temps ti le plus petit, on le fait évoluer grâce à un algorithme de tower sampling :
supposons que le site i évolue, les actions suivantes sont susceptibles de se produire :
une particule ± se retourne avec une probabilité n± ± + −
i c (ni , ni )/Wi , une particule
± diffuse vers la gauche ou la droite avec une probabilité n± i D/Wi et une particule
± saute dans la direction determinée par son signe avec une probabilité n± i λ/Wi .
Selon l’action, les taux des sites voisins sont mis à jour, et les temps associés
sont tirés derechef sans problème puisque le processus est markovien.

2.4.4 Résultats
Dans un premier temps, on vérifie la convergence entre les simulations microsco-
piques et le résultat de la résolution numérique. On choisit donc une distribution
initiale de la densité en forme de bosse, on part d’une situation ordonnée dans
une direction à une température basse et une densité assez haute. On réalise cette
expérience de nombreuses fois au niveau microscopique et on compare la moyenne
de ces réalisations au résultat macroscopique (figure 8). On voit qu’au cours du
temps, la bosse relaxe vers un état homogène et ordonné.

48
5 time 0.00 time 0.20

4
3
2
1
0

5 time 0.40 time 1.00

4
3
2
1
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

Figure 8 – Images successives de simulation en une dimension. Les simulations


microscopiques (en rouge) et macroscopiques (en bleu) s’accordent quantitative-
ment. Le système part d’une condition initiale ordonnée ρ(x, t) = ρ0 [1 + cos(2πx)]
Simulation microscopique : La simulation microscopique a été réalisée avec
L = 1000 et α = 1. Le profil de densité de la simulation microscopique est obtenue
en faisant la moyenne de 300 réalisations du système à partir de la même distribu-
tion de densité initiale. Simulation macroscopique : la méthode semi-spectrale
a été réalisée avec n = 50 modes et le schéma d’Euler avec un pas temporel
dt = 10−4 . Les paramètres de la simulations sont : D = 0.5, λ = 4, β = 0.8

49
2
density
1.5

0.5

0
0 100 200 300 400 500 600
2

1.5

0.5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

Figure 9 – En haut : résolution des équations hydrodynamiques (2.4.7, 2.4.8)


avec α = 600. En bas simulation microscopique dans l’état stationnaire avec
α = 200. Les simulations sont faites pour ρs = 0.75, β = 1.16, λ = 1 et D = 0.5.
On constate que malgré les tailles différentes des réseaux les valeurs des binodales
sont inchangées.

D’autre part, l’état de la simulation entre les deux spinodales est montré sur
la figure 9. On voit alors qu’il coexiste deux phases : une phase de faible densité
désordonnée et une phase ordonnée de haute densité. On se demande alors quelles
sont les densités de coexistence des phases. On réalise alors numériquement un
diagramme des phases (figure 10).
Les densités de coexistence des phases ne sont, à ce jour, pas calculées analy-
tiquement. On remarquera que ce diagramme des phases ne montre pas d’asymp-
tote horizontale pour une certaine température au-delà de laquelle le système reste
désordonné tel qu’on l’observe pour le modèle d’Ising actif [35] ou dans la suite
de cette thèse section 4.2.2. Cela provient du fait que les taux de flip ne sont pas
bornés. Ainsi, quelque soit la température, avec une densité suffisament grande, le
système pourra s’ordonner ! Enfin, on notera la précision de la correspondance entre
les simulations microscopiques et macroscopiques qui sont le coeur de cette partie
et montrent l’intérêt de la construction d’équations hydrodynamiques exactes pour
les physiciens.
Dans cette partie, nous avons montré qu’il est possible de dériver des équations
hydrodynamiques exactes pour des systèmes de matière active, à partir de modèles
microscopiques minimaux. L’étude des équations obtenues montre alors qu’on peut
comprendre la physique du système étudié. Elle valide l’utilisation de ce procédé

50
Figure 10 – Diagramme des phases de la transition vers le mouvement collectif.
On voit en bleu les lignes spinodales à l’intérieur desquelles les solutions homogènes
sont linéairement instables. En rouge on montre les densités de coexistence de phase
calculées en résolvant numériquement les équations (2.4.7, 2.4.8) et en vert celles
mesurées grâce aux simulations microscopiques. HD et HO montrent les zones dans
lesquelles les les solutions homogènes désordonnées et ordonnées sont stables.

51
de coarse-graining en physique.

52
Chapitre 3

Mouvement Collectif en 1D

53
Résumé : mouvement collectif en une dimension

Les modèles microscopiques de mouvements collectifs


1x106
Ising model
Evans Model
3000

associent au moins deux ingrédients : l’alignement local 100000 2500

des vitesses et l’auto-propulsion des particules. Ces mo-

mean time
2000

10000 -1 1500

dèles ont été étudiés en deux et trois dimensions afin de

Time
1000

reproduire une phénoménologie proche de celle observée


1000
500

dans la nature. Cela dit, ils présentent, en une dimension


0

100
100 1000 10000 -500
100 1000 10000 100000
Lattice Size

aussi, une phénoménologie riche.


Size

On regarde deux modèles de particules actives sur ré-


seau en une dimension : un modèle d’Ising Actif dans Figure 2: À gauche : temps moyen de déstabilisation de la
lequel l’alignement se fait, sur chaque site, suivant un phase ordonnée en fonction de la taille du système. À droite :
alignement ferromagnétique et un modèle d’électeurs ac- temps moyen de retournement d’une nuée en fonction de la
tifs dans lequel une particule s’aligne, avec une certaine taille du système pour le modèle d’Ising Actif. .
probabilité, avec la direction de la majorité des particules
présentes sur son site et les deux sites voisins.
Lors de la simulation de ces modèles, on observe trois
phases : une phase désordonée à faible densité et fort
bruit sur l’alignement, puis à plus bas bruit ou plus haute
densitée on voit une phase qui présente des nuées denses
et ordonnées qui se déplacent sur un fond peu dense et
désordonné. À très bas bruit sur l’alignement on observe
des asters, situations bloquées où des particules aux di-
rections antagonistes se font face (figure 1). Figure 3: Taille moyenne des asters et nombre d’asters au
cours du temps (à gauche) lorsque le courant de particules
sortantes est croissant en fonction de la taille de l’aster (à
Les nuées droite).

Dans un premier temps on montre que la phase com-


Par ailleurs on constate que les nuées changent de di-
plètement ordonnée est métastable. Pour cela on calcule
rection. Il y a deux régimes : soit la nuée s’étale diffusive-
sa durée de vie moyenne Td en fonction de la taille du
ment et le temps de retournement croit avec la taille du
système L (figure 2) :
système, soit la nuée a une densité fixée et le temps de
1 retournement est constant. On observe les deux régimes
Td ∝ (1) pour le modèle d’Ising Actif (figure 2).
L

Les asters

On appelle "aster" les objets de forme étoilée : fleurs,


défauts dans les cristaux liquides actifs, etc. Dans le cas
du mouvement collectif en 1D, elles désignent ainsi des
situations de blocage dans lesquels les particules sautent
sur le site voisin, se retournent, reviennent sur le site
d’origine, se retournent...
À température nulle (les particules s’alignent systèma-
tiquement avec la majorité) : On montre grâce à une ap-
proche WKB, qu’un aster de 2N particules met un temps
TN à se résorber :
TN ∼ 22N (2)

Figure 1: À gauche : simulations du modèle d’électeurs ac- À très basse température (les particules peuvent quitter
tifs. En haut : graphique représentant la densité pour une l’aster) : si le courant de particules sortantes est croissant
simulation montrant une nuée. En bas : graphique mon- avec la taille des asters, on n’observe pas d’asters de taille
trant l’aimantation dans une phase présentant des asters. À macroscopique mais une multitude d’asters de taille finie
droite : simulation du modèle d’Ising avec la même phéno- (figure 3). Si ce courant est décroissant, alors on voit la
ménologie. formation d’asters de taille macroscopique.
3.1 Mouvement collectif en une dimension
Les mouvements collectifs ont principalement été étudiés en dimension n > 2
[27, 43]. Il y a plusieurs raisons à cela : historiquement, le problème étant la
simulation et la représentation des mouvements collectifs observés dans la nature,
les études en dimension deux ou trois étaient plus pertinentes. D’autre part, le cas
n = 2 a concentré l’attention des physiciens car on y observe l’émergence d’un ordre
à longue portée. Ceci serait impossible à l’équilibre, comme le stipule le théorème
de Mermin-Wagner et l’étude fine des caractéristiques du cas hors d’équilibre, qui
permettent à ce théorème de ne pas s’appliquer, a fortement attiré l’attention des
physiciens. Il faut néanmoins souligner qu’en une dimension, à l’équilibre, pour des
systèmes de particules interagissant à courte portée, il est impossible, d’après le
théorème de van Hove d’observer des transitions de phases [44]. Néanmoins, dans
les systèmes hors d’équilibre en 1 dimension, tels que le TASEP, il peut y avoir
des transitions de phases, avec notamment un rôle important des conditions aux
bords [45]. L’étude du mouvement collectif en une dimension permet de voir un
nouveau cas de transition de phase hors équilibre en une dimension. La littérature
montre que la phénoménologie de ces modèles n’est pas complètement similaire à
celle observée en deux dimensions, notamment parce que le rôle des fluctuations
est accru en 1D [35].
Dans cette partie, nous étudierons des modèles de mouvement collectif en une
dimension. Nous nous baserons sur différents modèles qui auront tous, au niveau
microscopique, les mêmes types d’ingrédients : l’auto-propulsion et l’alignement
des vitesses. On étudiera alors la phase ordonnée elle-même, lorsque les règles qui
régissent la dynamique microscopique changent. Définissons les différents modèles
que nous allons utiliser.

3.1.1 Les modèles de mouvement collectif en 1D


Pour chaque modèle, nous allons faire évoluer N particules sur un réseau pé-
riodique de L sites. Chaque particule est définie par sa position i sur le réseau et
son orientation s = ±1 (parfois appelée spin, par analogie avec les modèles ferro-

magnétiques). On notera ρ+ i , ρi , le nombre de particules de signe + et − au site i.
− −
ρi = ρ+ +
i + ρi représente la densité de particules au site i et mi = ρi − ρi l’aiman-
tation locale. Les particules évoluent sur le réseau selon les règles microscopiques
choisies qui définissent le modèle.
Les différents “ingrédients” que nous utiliserons pour définir les modèles sont
les suivants : la diffusion, la propulsion et l’alignement. La diffusion représente le
déplacement passif de la particule, elle est modélisée par un taux de saut uniforme
vers un site voisin quelle que soit la direction du mouvement. La propulsion, quant
à elle, représente le caractère actif des particules. Elle est modélisée par un taux

55
de saut dont la valeur dépend du spin de la particule et de la direction du saut.
L’alignement représente la tendance des particules à s’aligner avec les particules
voisines. Son implémentation dépend des modèles étudiés.

3.1.1.1 Le Modèle d’Ising Actif


Le modèle d’Ising Actif est défini par Solon et Tailleur dans [35]. On en définit
ici une variante :
— une particule au site i diffuse sur le site i + 1 ou i − 1 avec un taux D.
— une particule + au site i saute sur le site i + 1 avec un taux λ
— une particule − au site i saute sur le site i − 1 avec un taux λ
— une particule ± change de direction et devient une particule ∓ avec un taux
W (±, i) = exp(∓β mρii ), où β est un paramètre qui agit comme l’inverse d’une
température.
On notera que, pour ce modèle, la dynamique d’alignement est une dynamique
d’équilibre car elle satisfait le bilan détaillé vis à vis de l’hamiltonien d’interaction
X X
H= sk sl
site i spin k,l

De même, la diffusion suit une dynamique d’équilibre pour le même hamiltonien


mais avec une température infinie, le taux de saut diffusif étant indépendant des
spins. Ainsi, pour λ = 0, à température infinie (i.e. β = 0) on retrouve un simple
modèle de diffusion. À diffusion nulle, on retrouve un modèle d’Ising indépendant
en chacun des sites du réseau.

3.1.1.2 Le Modèle d’électeurs actifs


Pour le modèle d’électeurs actifs, décrit par Evans dans [37], la dynamique est
un peu différente car il n’y a pas de diffusion pour les particules.
— Une particule ± au site i saute sur le site i ± 1 avec un taux λ.
— Une particule ± se transforme en une particule ∓ avec un taux γ2 [1 ∓ (1 − 2η)U (i)]
où U (i) est le signe de la majorité des particules sur le site i, i + 1 et i − 1.
On choisit U (i) = 0 en cas d’égalité.
Dans ce modèle, le taux de changement de direction d’une particule dépend de
la direction de la majorité des particules voisines. Par exemple une particule de
spin s entourée de particules identiques se retournera avec un taux Wf = γη tandis
qu’une particule entourée d’une majorité de particules de directions différentes
changera de direction avec un taux Wf = γ(1 − η). Ainsi le paramètre qui contrôle
l’efficacité de l’alignement est η. Pour η = 0, l’alignement est parfait, pour η = 21 , il
n’y a pas d’alignement et pour η = 1, l’alignement est antiferromagnétique. l’étude
à été menée pour η ∈ [0, 12 ].

56
Bien que le modèle initiale ait été défini en temps discret, nous avons choisi
de mener les simulations en temps continu, afin de pouvoir comparer les résultats
issus de la simulation de ce modèle et de ceux issus de la simulation du modèle
d’Ising actif.

3.1.1.3 Phénoménologies des modèles de mouvements collectifs en 1D


Pour ces deux modèles, à haute température et faible densité, le système est
désordonné. À un peu plus basse température, on voit se former des nuées (figure 1)
qui se retournent de manière aléatoire. Ces retournements ont été en partie étudiés
dans [46, 35]. Par ailleurs, à très basse température, pour le modèle d’Ising, on
observe un phénomène nouveau : une situation dans laquelle les particules sont
bloquées sur deux sites contigus (figure 2). On note qu’il n’y a pas d’aster dans le
modèle d’électeurs actifs puisqu’on tient compte de la densité des sites voisins pour
calculer le taux de flip. Néanmoins, si on calcule le taux de flip d’une particule en ne
tenant compte que des sites derrière la particule (le spin de la particule indiquant
son sens), alors on retrouve une phase avec des asters.
Ce sont ces deux derniers phénomènes que nous voulons caractériser. Dans
un premier temps nous étudierons les nuées. En partant d’un état complètement
ordonné, nous observerons leur formation puis nous regarderons le mécanisme de
retournement. Ensuite, nous étudierons les asters, leur formation et leur dynamique
en fonction des taux d’alignements, en se concentrant sur des variations du modèle
d’Ising Actif.

57
Figure 1 – Instantanés de différentes simulations : à gauche, la simulation du
modèle d’Evans, à droite, celle du modèle d’Ising. En haut : À haute tempéra-
ture les systèmes sont complètement désordonnés. En bas : Lorsqu’on baisse la
température, on voit se former une bande dense et ordonnée de particules.

58
Figure 2 – À très basse température, pour le modèle d’Ising (à gauche), ap-
paraissent des asters. Pour le modèle d’électeurs actifs (à droite) on observe des
asters pour une variation du modèle d’électeur actif. Ici, la fonction majorité ne
tient compte que des sites derrière la particule (le sens de la particule est fixé par
son spin).

3.2 Les nuées


Les nuées sont le phénomène le plus caractéristique des mouvements collectifs.
En effet, qui voudrait vulgariser le sujet commencerait par parler de nuées d’oi-
seaux ou bien d’insectes ; le déplacement en masse des étourneaux à l’automne
ou les images des nuées de criquets dans le désert sont des références qui parlent
à tout le monde. Les premières questions qui viennent à l’esprit sont souvent :
"Est-ce qu’il y a un leader ?", ou encore "Quelles sont les interaction sociales qui
régissent ces nuées ?". Ces questions, inspirantes et intéressantes, forment un pan
de recherche très important en bio-informatique ou en science cognitive et sociale,
l’idée sous-jacente étant de comprendre comment les animaux interagissent [47],
en vue d’organiser un banc ou nuée [48, 49]. Ces études permettent d’expliquer
certains phénomènes précis ou d’étudier le comportement de ces structures face à
des pressions extérieures telles que les prédateurs [50]. Ces études sont néanmoins
très précises et ne permettent pas de dissocier le phénomène de nuées de l’animal
étudié.
Ici, on étudie ce phénomène en une dimension sur des modèles dans lesquels
l’interaction est simplement une interaction d’alignement. Dans un premier temps
(section 3.2.1) on voit qu’en une dimension il n’existe pas de phase complètement
ordonnée. En effet, celle-ci est instable et donne lieu à une phase dans laquelle
on voit des nuées qui changent de direction de manière intermittente. Dans un
deuxième temps (section 3.2.2) nous nous intéresserons à ce phénomène qui res-

59
semble à ce qui est observé pour des criquets dans [51] ou pour les poissons dans
[50].

3.2.1 Déstabilisation de la phase ordonnée


Dans un premier temps, à basse température, on part d’un système complè-
tement ordonné. On observe que cet état est métastable. En effet, à un certain
instant, la solution homogène se déstabilise et on voit apparaitre une nuée. Sur la
figure 3, je montre une réalisation d’une simulation en une dimension du modèle
d’Ising Actif. Lorsqu’on part d’une situation homogène ordonnée ( pour tout x,
m(x) = m0 > 0), on voit, qu’à un instant de la simulation, une fluctuation en un
point x0 , change la signe de la magnétisation d’un site ( m(x0 ) < 0 ). Cette fluc-
tuation va alors grandir et donner lieu à une nuée dense et ordonnée se propageant
vers la droite. On note P0 la probabilité qu’une telle fluctuation apparaisse dans
un bloc de taille `, grande devant la longueur de corrélation du système. Plus ρ0 (la
densité initiale de particules dans le système) est grande, plus on peut s’attendre
à ce que P0 soit petite. Néanmoins, elle n’a aucune raison de dépendre de la taille
du système. La probabilité qu’une telle fluctuation n’ait lieu dans aucune des L`
boites qui composent le système est donc :
L
(1 − P0 ) ` −−−→ 0 (3.2.1)
L→∞

Ainsi, pour des tailles de système grandes, le système ne sera presque jamais
complètement ordonné : quelle que soit la rareté d’une fluctuation suffisament
grande pour retourner un état ordonné d’aimantation m0 , sa probabilité P0 est
finie. L’entropie d’une telle fluctuation diverge avec la taille du système de telle
sorte que l’état ordonné est globalement instable dans cette limite. Notons que c’est
une instabilité de nucléation, l’état homogène ordonné étant linéairement stable
au dessus de la spinodale ρ` (cf section 2.4.2) En outre, si le taux d’apparition
d’une telle fluctuation dans une boite de taille ` est noté τ0 , pour n = L` boites
indépendantes on trouve un taux τ = nτ0 . Ainsi le temps moyen avant la première
nucléation, Td , est inversement proportionnel à la taille du système :
1
Td ∝ (3.2.2)
L
Cette loi se vérifie in silico (figure 4).

3.2.2 Temps de retournement


Lorsque le système est dans un état séparé de phase, la nuée, dense et ordon-
née, change de direction de manière aléatoire. On s’intéresse au temps moyen de
retournement de la nuée en fonction de la taille du système.

60
Figure 3 – Instantanés d’une réalisation d’une simulation en 1D du modèle d’Ising
Actif. Paramètres :ρ = 5, D = 1, λ = 1, β = 3. En vert : la magnétisation. En
rouge : la densité de particule.

61
1x106
Ising model
Evans Model

100000

mean time
10000 -1

1000

100
100 1000 10000
Lattice Size

Figure 4 – Temps moyen de déstabilisation de la phase ordonnée pour le modèle


d’Evans et pour le modèle d’Ising en fonction de la taille du système. . En pointillé,
une droite de pente −1 en échelle logarithmique

Pour retourner la nuée, en imaginant un cas limite pour lequel les particules
prennent systématiquement la direction des particules majoritaires, il faut une
fluctuation de l’aimantation de taille ∆ en x∆ telle que (cf figure 5) :

Z x
∀x > x∆ , ∆ + ρ(u)du > ρ(x) (3.2.3)
x∆

Dans l’article [46], Evans, prédit un temps moyen hτ i entre chaque retourne-
ment :
hτ i ∝ ln L (3.2.4)
pour un système de taille L. Cet argument repose sur l’idée qu’une nuée s’étale
diffusivement au cours du temps. Après un temps d’ordre ln L la bande est suffi-
samment étalée pour que des fluctuations δρ d’ordre 1 retournent la nuée (figure 7).
En revanche, Solon et Tailleur [35], prédisent qu’après un étalement diffusif
initial, une phase liquide de densité finie et de taille extensive apparait. La taille
de la fluctuation pour retourner cette phase ne dépend alors plus de L. Dans les
simulations, pour le modèle d’Ising actif on peut observer un crossover entre ces
deux régimes (figure 6).
Pour le modèle d’électeurs actifs, les paramètres qui permettent d’observer ce
changement de régimes sont difficiles à trouver. Néanmoins, en choisissant ρ et η, il
est possible d’observer le régime dans lequel, à l’avant de la nuée, on peut observer
une phase liquide densité donnée (figure 8). Le scaling du temps de retournement
devrait alors être indépendant de L mais un test de cette prédiction est au delà
de ce que nous pouvons faire numériquement.

62
Figure 5 – Sur ces séries d’images on voit, en bleu, une nuée qui se déplace vers
la gauche, en rouge une fluctuation qui se déplace vers la droite (dont la taille en
fonction de la position est calculée grâce à l’équation 3.2.3. En haut la fluctuation
est suffisament grande pour retourner toute la nuée. En bas la fluctuation n’est
pas assez grande et est alors elle meme retourné par la nuée.

3000

2500

2000

1500
Time

1000

500

-500
100 1000 10000 100000
Size

Figure 6 – Temps moyen entre deux retournement pour le modèle d’Ising.

63
4000
η=0.01
η=0.02
η=0.04
3500

3000

2500

2000

Time
1500

1000

500

-500
10 100 1000 10000 100000
Size

Figure 7 – Temps moyen entre deux retournements pour le modèle d’Evans à bas
bruit.

Figure 8 – Sur cette simulation on voit deux nuées, un zoom sur l’avant d’une
des nuées nous montre la phase liquide de densité fixé ρ = 1, η = 0.12, λ = 1,
γ=1

64
Figure 9 – Temps moyen entre deux retournements pour le modèle d’Ising en
fonction de la largeur (Ly ) du système pour différentes longueurs (Lx ) de système.

3.2.3 les mouvements collectifs en quasi-1D


L’étude des systèmes de mouvement collectif en une dimension sont pertinents
seulement pour des systèmes réels extrêmement contraints. On peut alors se de-
mander à quel point cette phénoménologie change lorsque l’extension du système
augmente dans la direction transverse.
Pour les simulations suivantes, menées pour explorer la phénoménologie, on
s’apperçoit que le temps entre deux retournemements, croit très rapidemment avec
la largeur du système (figure 9). Un modèle simple demandant la nucléation spon-
tanée de fluctuations sur chaque site ayant la même abscisse prédit ln τ ∝ Ly ce
qui semble vérifié qualitativement.

3.3 Les asters


En partant de l’état désordonné, si on refroidit le système, on voit des nuées
de particules ordonnées se déplacer sur un fond gazeux désordonné. Si on refroidit
encore le système, il se forme un aster. Un aster est un défaut ponctuel qui prend
la forme d’une structure étoilée (figure 10).
Dans le cas de modèles de mouvement collectif en une dimension, que se passe-
t-il ? À très basse température, les taux d’alignment deviennent très grands. Tant
et si bien que, lorsqu’une particule de signe s saute sur un site qui contient plus de
particules de signe −s, elle s’aligne presque automatiquement avec ses nouvelles
voisines et repart alors dans l’autre sens. Ainsi, deux sites consécutifs, le premier
avec des particules + et le suivant avec des particules −, échangent des particules

65
66
Figure 10 – En haut : abeille butinant une fleur de la famille des Astéracées
(Aster en langage vernaculaire) qui doivent leur nom à la disposition en étoile de
leurs pétales. Au milieu : le centrosome et les microtubules sont des structures
protéïniques qui, au cours de la mitose, forment un système nommé aster. En
bas : défaut étoilé dans gel actif [52].
Figure 11 – Exemple de la dynamique interne à un aster : quand une parti-
cule saute sur le site voisin, elle change de direction et finalement on revient à la
situation initiale.

qui se retournent sans cesse et créent ainsi un aster (figure 11) !


Ces structures émergentes sont-elles stables ? Peut-on résoudre ces situations
de blocage en un temps fini ? Dans un premier temps on étudie la durée de vie
des asters dans la limite de température nulle, c’est-à-dire lorsque les particules
prennent automatiquement le signe des particules majoritaires sur le site. Ensuite,
on étudiera le cas où les particules peuvent s’échapper de la structure dans le cas
des températures basses mais finies.

3.3.1 Limite T = 0
À température nulle, si une particule arrive sur un site d’aimantation contraire,
elle va s’aligner instantanément avec celle-ci. Ainsi, dans la situation d’un aster
mettant en jeu 2N particules sur deux sites on voit que les particules auront
tendance à sauter d’un site à l’autre sans cesse. Une telle situation se débloque si, à
un moment donné, un des deux sites se vide complètement (figure 12). La question
qui se pose naturellement est de savoir combien de temps, une telle situation, met
à se débloquer.
Prenons un modèle de particules autopropulsées (avec un taux de saut Wj = 1),
sans diffusion, avec un alignement parfait. On observe les sites a et a+1 sur lesquels
on voit un aster constitué de 2N particules au total. on note na (t) le nombre de
particules sur le site a à l’instant T.
La probabilité P (n, t) que na (t) = n vérifie l’équation maîtresse suivante :

Ṗ (n, t) = (2N − n + 1)P (n − 1, t) + (n + 1)P (n + 1, t) − 2N P (n, t) (3.3.1)

En effet, le premier terme vient d’une situation dans laquelle une particule
saute de a + 1 vers a pour rétablir la configuration dans laquelle na (t) = n. Le
deuxième terme représente la probabilité qu’une particule saute du site a vers a+1

67
Figure 12 – Configurations dans lesquelles les particules peuvent avancer : il n’y
a plus d’aster.

afin de rétablir n(a) = n. Le dernier terme représente le taux auquel, étant déjà
dans la configuration n(a) = n, une des 2N particules de l’aster change de position
et fuit la configuration.
En moyenne, quelque soit na (t = 0). Un tel système relaxe vers na = N expo-
nentiellement :
n0
hna (t)i = N (( − 1)e−2t + 1) (3.3.2)
N
Intéressons-nous maintenant au temps que met le système à atteindre une des
configurations représentées figure 12, qui permettent la dissolution de l’aster.
Nous montrons que le système que nous étudions est équivalent, pour N grand,
à une marche aléatoire dans un potentiel quadratique : en effet, notons N1 = dx,
n
N
= x et passons à la limite continue dans l’équation 3.3.4 en rééchelant l’espace
par N :

dxṖ (x, t) = (2 − x + dx)P (x − dx, t) + (x + dx)P (x + dx, t) − 2P (x, t) (3.3.3)


(3.3.4)

Puis en développant P (x ± dx, t) à l’ordre 2 :

∂P (x, t) ∂ 2 P (x, t)
dxṖ (x, t) =(2 − x + dx)[P (x, t) − dx + dx2 ]
∂x ∂x2
2
∂P (x, t) 2 ∂ P (x, t)
+ (x + dx)[P (x, t) + dx + dx ]
∂x ∂x2
− 2P (x, t) (3.3.5)

68
Figure 13 – À température nulle, les asters ont la même dynamique qu’une par-
ticule qui effectuerait une marche aléatoire dans un potentiel quadratique.

∂P (x, t) ∂ 2 P (x, t)
dxṖ (x, t) =2dxP (x, t) + 2dx(x − 1) + dx2 (2 + 2dx)
∂x ∂x2
(3.3.6)

Ce qui donne, à l’ordre 1 en dx l’équation de Fockker-Planck suivante :

Ṗ (x, t) = ∇(V 0 (x)P (x, t)) + 2dx∆P (x, t) (3.3.7)

L’équation (3.3.7) représente la diffusion d’une particule dans un potentiel qua-


dratique V (x) = (x − 1)2 avec comme coefficient de diffusion dx = N1 (figure
13).
Nous cherchons le temps au bout duquel une particule qui se déplacerait dans
un tel système mettrait pour atteindre une des extremités du système en 0 ou
en 2N (figure 12), d’àprès la loi d’Arhennius, on s’attend à trouver un temps
caractéristique
∆V
ln τ ∝ 'N
kT
On peut calculer τ de manière plus satisfaisainte. On note Fn (t) = P (n, t),
qn = 2Nn
la probabilité que la particule en n saute en n − 1 et pn = 2N2N−n la
probabilité que la particule aille de n en n + 1. On sait qu’au bout d’un temps très
long, on aura soit F0 = 1 et Fn = 0 pour tout n 0 < n 6 2N , soit F2N = 1 et
Fn = 0 pour tout n < 2N , car les états 0 et 2N sont absorbants. Idéalement, nous
voulons résoudre l’équation maîtresse suivante :

dFn
= pn−1 Fn−1 + qn+1 Fn+1 − Fn (3.3.8)
dt
69
La distribution de probabilité va approcher la distribution stationnaire en un
temps caratéristique T très grand devant le temps entre deux sauts, ainsi nous
allons chercher à calculer cette constante de temps suivant une approche WKB.
On cherche donc une solution quasi-stationaire sous la forme Fn = eSn où Sn est
une fonction suffisamment régulière de n telle que Sn±1 = Sn ± dSn dn
. On note
dSn
Ψn = exp( dn ), et on obtient :

Fn
0 = pn−1 + qn+1 Ψn Fn − Fn (3.3.9)
Ψn
0 = pn Ψ2n + qn − Ψn (3.3.10)

Ψsol
n
1
= 1 et Ψsol
n
2
= 2Nn−n , sont les solutions de 3.3.10. Comme la distribution
de probabilité n’est pas homogène, la solution homogène Ψsol n
1
n’est pas acceptable,
sol2 sol2
on choisit alors Ψn . On intégre logΨn et on obtient :

Sn = 2N ln 2N − (2N − n) ln(2N − n) − n ln n (3.3.11)

On a choisi la constante d’intégration de telle sorte que S0 = S2N = 0. On note


que Sn = Smax est maximale pour n = N .
On prend maintenant en compte l’évolution temporelle de la distribution de
probabilité. Elle relaxera inéluctablement vers un état absorbant en un temps
caractéristique T . On réécrit 3.3.8 avec Fn de la forme Fn = e−t/T eSn . En sommant
les équations 3.3.8 pour tout n on obtient :

T −1 = q1 F1 + p2N −1 F2N −1 (3.3.12)


= 2q1 F1 (3.3.13)

par symétrie du problème.


les fonctions Fn ne sont pas normalisées. La distribution étant très piquée au
voisinage de n = N , en première approximation, il suffit de remplacer F1 par
F1
FN
= e−Smax , cela permet d’obtenir :

T ∼ 22N (3.3.14)

Ce résultat est clairement vérifié par les simulations (figure 14), le coefficient
de proportionalité k = 21 peut être retrouvé par un calcul exact bien plus lourd à
présenter.

3.3.2 La limite des faibles températures.


À T = 0 on observe ce nouvel objet macroscopique. Cette nouvelle phase conte-
nant des asters macroscopiques existe-t-elle pour des températures faibles ou bien

70
Figure 14 – Chaque point représente la moyenne sur 10000 occurrences du temps
de résorbtion de l’aster. le coefficient k = 1/2 peut être retrouvé de manière exacte.

est-ce une singularité qui n’apparait qu’à température nulle ? En effet, à tempéra-
ture très basse et non nulle, les particules ne se retournent plus systématiquement
lorsqu’elles arrivent sur le site opposé ; elles peuvent continuer à sauter. Cette fuite
peut être mesurée et dépend de la fonction qui fixe les taux d’alignements.
Plaçons-nous dans la situation (figure 15) où, dans un aster, une particule + a
sauté sur le site contenant une majorité de particules −. Les taux Wj de saut et
Wf de retournement, sont finis. Ainsi, au prochain changement de configuration
cette particule aura une probabilité
Wf
Pf =
Wf + Wj
de se retourner et ainsi de rester dans l’aster et une probabilité
Wj
Pj =
Wf + Wj
de sauter ainsi de quitter l’Aster.
Si on part de la situation initiale présenté figure 15, alors on voit que les ρ
particules piégées dans l’aster sont susceptibles de sauter sur le site voisin. Cela
donne le courant de particules sortantes :
js (ρ) ∝ ρWj Pj

71
Figure 15 – Le schéma représente ici un cas de fuite (ou non) d’un aster pour
une particule +. Les mêmes scénarii peuvent se produire pour une particule −.

Notons qu’à température non nulle, il existe aussi la possibilité qu’une particule
se retourne spontannément et s’échappe de l’aster. Ce processus donne lieu une
contribution négligeable au courant de particules sortantes.
Si js (ρ) est une fonction croissante de ρ, alors plus l’aster grandit plus le courant
de particules sortantes augmente. Les grands asters fuient plus que les petits et
font grandir ces derniers. Ainsi il va se créer un nombre extensif d’asters de tailles
finies qui s’équilibrent. En revanche, si js (ρ) est une fonction décroissante de ρ
alors les particules fuient plus facilement les petits asters que les grands et on voit
un coarse-graining vers un nombre fini de clusters de taille macroscopique.
Plus précisement, supposons que le courant de fuite soit décroissant avec la
densité de l’aster : plus ce dernier est grand, plus il est difficile pour les particules
de le quitter. Ainsi, dans un système de taille L, les particules des petits asters
vont s’échapper plus facilement jusqu’à se piéger dans les asters les plus gros. On
observe alors un coarse-graining. Par exemple, si on choisit :

Wf (mi , ρi , s) = exp(−βsmi ) (3.3.15)

Si smi > 0 alors Wf est une fonction croissante, non bornée de smi et par
extension du nombre de particule dans l’aster (dans un aster ρ ' |m|). Les taux

72
Figure 16 – Mesure de l’évolution du nombre moyen de particules par aster au
cours du temps pour une simulation commençant avec 10 asters de taille ρ = 18.

de saut étant constant, le courant de particule est décroissant en fonction de la


densité :

js (ρ) ∝ ρ exp(−βρ) (3.3.16)

Cela conduit à un coarse-graining : les petits asters se résorbent et les particules


se trouvent piégées dans un autre aster, plus grand, dont il est plus difficile de
s’échapper. Par exemple, la figure 16 nous montre comment évolue la taille des
asters et leur nombre dans un système utilisant la fonction d’alignement (3.3.15).
On voit bien que le nombre d’asters décroit et que leur taille croit.
En revanche, si on choisit un taux d’alignement de Ising :
mi
Wf (mi , ρi , s) = exp(−βs ) (3.3.17)
ρi
Ce taux est borné, ainsi lorsque les asters grandissent, le courant de fuite de l’aster
est :

js (ρ) ∝ ρ (3.3.18)

On peut mesurer ce courant de fuite : on observe que la fonction croît avec la taille
de l’aster (figure 17), cela signifie que plus l’aster est grand, moins les particules
mettent de temps à en sortir. Cela permet d’équilibrer les asters qui peuvent alors

73
Figure 17 – Mesure du taux de sortie d’un Aster en fonction de la taille de celui-ci
et dont la règle d’alignement est régie par l’équation (3.3.17). On voit que ce taux
est croissant en fonction du nombre de particules piégées.

coexister. La figure 18 nous montre bien comment, si on part avec un seul grand
aster, ce dernier fond. Lorsque la densité est suffisament élevée dans le reste du
système, on voit de nouveaux asters se former.

3.3.3 Conclusion
Dans cette partie, on a montré que la phase ordonnée est métastable avec un
temps caractéristique de déstabilisation τd ∝ L1 . Cette instabilité donne lieu à
un régime dans lequel une phase dense et ordonnée se déplace sur un fond peu
dense et désordonné. En outre, ces nuées se retournent de manière aléatoire avec
un temps caractéristique τr , on identifie deux régimes en fonction de la taille du
système : τ ∝ ln(L) pour les systèmes de petites tailles et τ ∝ O(1) lorsque L
grandit. Lorsqu’on abbaisse encore la température, on voit apparaitre un nouvelle
objet : les asters. Ces situations de blocages existent à température nulle et ont un
temps de vie moyen τv ∝ 2N où N est le nombre de particules piégées. À très faible
température, ces objets sont de taille macroscopique seulement si les taux de saut
permettent d’avoir un courant de fuite décroissant en fonction de la population des
asters. Dans ce cas, une question naturelle est de savoir s’il existe une transition de
phase entre la présence d’asters et de nuée. Dans le cas contraire, la limite T = 0
est probablement singulière.

74
Figure 18 – Mesure de l’evolution de la taille et du nombre d’aster dans une
simulation partant d’un aster de taille 1000 avec évoluant avec des taux de retour-
nement bornée (équation (3.3.17)) .

75
Chapitre 4

Modèle d’horloges à q heures

76
Résumé : modèle d’horloge à q-heure

Parmi les modèles minimaux de mouvement collectif, 0.3

0.2
120

105
0.06

0.04
720
640

le modèle de Vicsek et al. et celui d’Ising actif, présentent, 0.1


90

75
0.02
560
480

au delà de leur similarité (une transition de phase du pre-

Counts

Counts
0.0 60 0.00 400

y
320
45
0.1 0.02 240

mier ordre vers le mouvement collectif), deux différences


30
160
0.2 0.04
15 80

phénoménologiques : le premier présente une séparation


0.3 0.06
0.3 0.2 0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40
x x

en microphase et, dans la phase ordonnée, des fluctua-


tions géantes de densité, tandis que le second montre une Figure 2: Histogramme représentant l’aimantation au cours
séparation de phase et des fluctuations normales de la de la simulation pour q = 7 (à gauche) et q = 4 (à droite) à
une température proche de T = 0.48.
densité dans la phase ordonnée.
Afin d’interpoler entre ces deux modèles, une dé-
marche, inspirée du passage du modèle d’Ising au mo-
dèle XY à l’équilibre, nous pousse à définir un modèle
d’horloges actives.
Sur un réseau, en deux dimensions, de L2 sites, évo-
luent N particules ayant des spins ~sk pouvant prendre ρ = 0.5 ρ=5 ρ = 12.5
q directions discrètes d’angle θk = 2kπ q suivant la dyna- Figure 3: Instantanés de simulation du système pour q = 7,
mique suivante : T = 0.28, D = 1,  = 0.9 à différente densité. pour ρ = 0.5 on
1. Une particule de spin ~s diffuse dans la direction ~i a un système homogène d’aimantation nulle, pour ρ = 5, on
du réseau avec un taux d~i,~s = D(1 + ~s · ~i) voit une nuée orienté de grande densité, pour ρ = 12.5 on un
système homogène ordonné.
2. Sur un site, le spin d’une particule s’aligne avec
celui des autres en suivant une dynamique fer-
romagnétique
P définit par un hamiltonien H = redeviennent normales pour des systèmes de taille suffi-
1
− 2ρ si · ~sj où ρ est la densité de particule au
i6=j ~ sament grande (figure 4).
site considéré. Discussion
Dynamique sur un site
À l’équilibre, si on ajoute à un système
R de spin XY
L’étude du modèle sur un site nous montre que le sys- un champ Hq de la forme Hq = d2 r cos(qθ(r)) qui
tème se comporte comme un système d’Ising pour q ≤ 4 contraint la direction des spins, alors, dans la phase de
et comme un système XY pour q ≥ 5. En effet pour basse température (phase BKT ), ce champ est signifi-
q ≤ 4, à faible température (T = β1 ) l’aimantation du catif pour q < 5. Hors équilibre, si on réalise la même
site fluctue autour d’une position donnée, le système est perturbation à basse température (phase ordonnée), on
ordonné. En revanche pour q ≥ 5 le vecteur aimantation, calcule la moyenne ∆Hq du champ :
bien que de norme non nulle, tourne. On retrouve une h q2 σ i
phénoménologie propre au modèle XY (figure 2). ∆Hq = L2 exp −
r
(1)
Simulation 2
ce qui permet de voir que, quelque soit q fini, pour un sys-
La simulation du système nous montre néanmoins une tème suffisament grand, la discrétisation des directions
phénoménologie proche de celle d’Ising : on observe une des spins à une influence significative.
séparation de phase pour q = 7 (figure 3) et les fluctua-
tions de densité sont grandes pour les petits systèmes et

Figure 4: Taille des fluctuations de densité. On voit que pour


Figure 1: Schéma, pour q = 8, représentant les deux flips q = 4 ces fluctuations sont normales et que, pour q > 4, on
possibles (à droite) et les taux de sauts (à gauche) d’une par- a d’abord un régime de fluctuations géantes puis un plateau
ticule de spin orienté initialement selon θ = π4 . pour lequel les fluctuations sont normales.
Un modèle extrêmement important en physique statistique hors équilibre est
le modèle de Vicsek introduit par Tamas Vicsek et ses collaborateurs en 1995 [27].
Je le décris précisément dans l’introduction (section 1.3.2.2). Afin de comprendre
plus précisément la transition de phase vers le mouvement collectif que présente ce
modèle, Tailleur et Solon introduisent le modèle d’Ising Actif dans [35], présenté
section 1.3.2.3. Dans ce modèle les particules ne sont propulsées que suivant deux
directions et se déplacent sur un réseau. Cela permet d’aborder les calculs plus sim-
plement. Néanmoins, il y a des différences phénoménologiques importantes entre
ces deux modèles qui présentent tous deux une transition de phase de premier ordre
vers les mouvements collectifs. Cela semble lié à la différence fondamentale entre
les deux modèles microscopiques : la symétrie, continue ou discrète, des spins.
Cette différence existe à l’équilibre entre le modèle XY et le modèle d’Ising. En
effet, les spins du modèle d’Ising ne peuvent prendre que deux directions tandis
que ceux du modèle XY peuvent choisir une orientation parmi un continuum
de directions. Cela dit, les conséquences de ces choix à l’équilibre sont aujourd’hui
assez claires : pour le modèle d’Ising on observe une brisure spontannée de symétrie
pour une certaine température, tandis que cela est impossible pour le modèle XY
dans lequel il y aura toujours une onde de spin qui brisera l’ordre du système.
On note que, pour le modèle XY , il existe une transition de phase topologique, la
transition Berezinky-Kosterlitz-Thouless (BKT ), qui atteste l’existence d’un ordre
à "presque longue portée" en-dessous d’une certaine température TBKT .
À l’équilibre, pour interpoler entre ces deux modèles, on introduit des modèles
d’horloges à q directions. En partant du modèle d’Ising, on augmente le nombre
de directions discrètes que peuvent prendre les spins. Ces derniers ne sont plus
seulement up et down mais sont orientés selon q directions discrètes d’angle θk =
2πk
. Il est montré [53, 54] que, pour ces modèles d’horloges dont l’hamiltonien
q P
d’interactions est de la forme H = −J cos(θi − θj ), on retrouve en partie la
hi,ji
phénoménologie du modèle XY dans la limite des grands q.
Plus précisément, de q = 2 à q = 4 on observe une transition de l’ordre au
désordre. Pour q > 4 on observe deux transitions : une transition du désordre à
une phase BKT dans laquelle on voit des vortex et, tandis qu’on refroidit encore
le système, une transition de cette phase à une phase complètement ordonnée
(figure 2) apparait à la température T1 (figure 1). La température T1 décroit avec
q et la phase ordonnée disparait asymptotiquement.
Une idée pour comprendre les différences entre le modèle de Vicsek et d’Ising ac-
tif est alors d’écrire un modèle qui, en variant un paramètre, permettrait de passer
de l’un à l’autre. Dans la suite de ce texte, je décris un modèle d’horloges actives.
J’étudie, dans un premier temps, dans l’approximation de champ moyen, les chan-
gements de phénoménologie lorsque q augmente. Ensuite je dérive les équations
hydrodynamiques en fonction de q. Puis, à travers une étude numérique, j’étudie

78
Figure 1 – Diagramme des phase d’un modèle d’horloge à q états, extrait de [53].
On voit que pour q 6 4 on est dans la classe d’universalité du modèle d’Ising. La
ligne T1 montre la ligne de transition de phase vers l’ordre, T2 montre la ligne de
transition vers la phase BKT .

les diagrammes de phases et les fluctuations de densité dans la phase ordonnée.


Enfin, je discute ce modèle et les résultats obtenus.

79
Figure 2 – Sur cette figure issue de [54], on voit des histogrammes représentant
l’aimantation pour un modèle d’horloges à q = 8 heures dans le plan complexe. À
faible température (a) la magnétisation est nulle, lorsqu’on baisse la température
on observe une phase quasi-liquide (b) puis une phase ordonnée (c).

4.1 Définition du modèle microscopique


On propose le modèle suivant : sur un réseau à maille carré de Lx × Ly sites
évoluent N = ρLx Ly particules. Chaque particule à un spin ~s qui peut pointer
dans un nombre fini, q, de directions u(θk ) ≡ (cos(θk ), sin(θk )) avec θk = 2πk
q
, et
0 6 k 6 q − 1. Notons que ces directions sont discrètes et ne suivent pas néces-
sairement les directions du réseaux. Ces particules évoluent via divers processus
dynamiques :
1. Les particules diffusent avec un taux constant D.
2. Les particules sont propulsées dans la direction dans laquelle pointe le spin
de la particule. Cela se traduira par un biais dans la diffusion.
3. Le spin d’une particule s’aligne avec celui de ses proches voisines (celles
présentes sur le même site) en suivant une dynamique d’alignement de type
“ferromagnétique”.

4.1.1 La dynamique de saut


Les particules se déplacent sur le réseau suivant une marche aléatoire biaisée
par la direction de leur spin. Plus précisément, une particule de spin ~s saute dans
une direction du réseau ~i avec le taux de saut d~i,~s suivant :

d~i,~s = D~i (1 + ~s · ~i) (4.1.1)

80
Ainsi, une particule qui pointe dans une direction intermédiaire aura un dé-
placement moyen dans cette direction, mais se déplacera à chaque pas suivant les
directions du réseau (Figure 3).

Figure 3 – Schéma pour q = 8 des sauts possibles d’une particule et les taux
associés.

Dans (4.1.1) D~i est un “coefficient de diffusion” reéchellé dans la direction du


saut afin de conserver l’isotropie du milieu. Par exemple, si on autorise
√ des sauts sur
la diagonale d’un réseau à maille carré, on prend Ddiagonal = D/ 2.LL’expression
(4.1.1) du taux de saut permet de favoriser les directions du réseau qui sont proches
de celle du spin de la particule.

4.1.2 Dynamique d’alignement


Les spins des particules peuvent changer de direction. On autorise seulement
deux changements de direction : une "heure" dans le sens positif ou une "heure"
dans le sens négatif et les simulations se feront en temps continu (figure 4). Afin
d’obtenir un mouvement collectif, on implémente une dynamique d’alignement
ferromagnétique entre les spins. L’alignement se fait sur un site suivant une dyna-
mique qui respecte le bilan détaillé. On choisit l’hamiltonien H suivant :
1 X
H=− ~si · ~sj (4.1.2)
2ρ i6=j

81
Figure 4 – Schéma pour q = 8 des deux flips possibles d’une particule d’un spin
orienté initialement selon θ = π4 .

On voit que, si toute les particules sur un site ont le même spin, alors H est
P
q−1
minimal. On peut noter m ~ = ni s~i la direction globale (on l’appellera aussi
i=0
l’aimantation du site, par analogie avec les modèles pour le ferromagnétisme) pour
P
q−1
un site, et ρ = ni le nombre de particules sur un site. En remarquant que
P P
i=0 P
~ 2 = i k~si k2 + i6=j ~si~sj = ρ + i6=j ~si~sj on obtient :
m

m2 − ρ
H=− (4.1.3)

où l’on a noté m = ||m||.


~ La probabilité d’équilibre d’avoir une aimantation m
~ sur
un site est donnée par
m2 −ρ
~ ∝ eβ
P (m) 2ρ (4.1.4)

La propriété de bilan détaillée pour les taux de transitions s’écrit :

~ →m
W (m ~ + δ m)P
~ (m)
~ = W (m ~ → m)P
~ + δm ~ (m~ + δ m)
~ (4.1.5)

Il s’ensuit qu’un des taux de flip possible qui satisfait le bilan détaillé est :
β ~2
δm
~ →m
W (m ~ = γe 2ρ (m·δ
~ + δ m) ~ m+~ 2
)
(4.1.6)

82
~2
βδ m
Ainsi écrit, (4.1.5) peut se simplifier par e 4ρ , ce facteur étant absorbé dans γ (il
ne dépend pas de ~s.)
Le choix d’une dynamique d’équilibre pour les changements de direction est
pertinent pour deux raisons. D’une part cela nous donne une idée intuitive de ce que
fera le modèle lorsque la température variera puisque les modèles ferromagnétiques
d’équilibre sont maintenant connus. D’autre part, lorsqu’on supprime l’activité, on
s’attend à ce que la phénoménologie soit celle de l’équilibre [55].
Cela dit, nous allons dans un premier temps vérifier qu’au niveau champ moyen
on observe effectivement un changement de comportement de notre système à
mesure que q augmente.

4.2 Dynamique sur un site


On étudie dans cette partie un système consitué d’un seul site sur lequel on
place N spins de q heures. On réecrit l’hamiltonien
1 X
H=− ~si · ~sj
2N i6=j

On note Z la fonction de partition de ce système.


X
Z= e−βH(C) (4.2.1)
{C}

On calcule la magnétisation moyenne


1 X
m
~ = ~si = h~si i (4.2.2)
N i

Dans l’approximation de champ moyen, on considère que chaque particule est sou-
mise à une aimantation moyenne, qui est la moyenne de toutes les autres particules.
Dans le cas où tous les spins sont connectés, les prédictions des calculs en champ
moyen sont exactes dans la limite N → ∞. Si on note P (~si = (cos θi , sin θi )) =
eβ m·
~ s~i
q−1 ; où les ~sk sont les vecteurs unitaires d’angle θk = 2kπ
q
. On obtient :
eβ m·
~ s~k
P
k=0

P
q−1
s~k eβ m·
~ s~k
k=0
h~si i = m
~ = (4.2.3)
P
q−1
eβ m·
~ s~k
k=0

83
À partir de l’équation 4.2.3), on peut calculer la température critique pour les
différents q. En effet si on note m = kmk
~ et φ = arg(m),
~ on obtient en développant
à l’ordre 3 en m et pour tout q > 1 (en notation complexe et en effectuant les
produits scalaires) :

q−1  
X 2kπ 1 2 2 2kπ
iφ 2
me 1 + βm cos(φ − ) + β m cos (φ − ) =
k=0
q 2 q
q−1
X  
i 2kπ 2kπ 1 2 2 2 2kπ 1 3 3 3 2kπ
e q 1 + βm cos(φ − ) + β m cos (φ − ) + β m cos (φ − ) + o(β 4 m4 )
k=0
q 2 q 6 q
(4.2.4)
Les sommes qui apparaissent dans l’équation (4.2.4) peuvent être calculées pour
les différentes valeurs de q :
— q=2:
1
meiφ (2 + m2 β 2 cos2 (φ)) = 2βm cos(φ) + β 3 m3 cos3 (φ) (4.2.5)
6
— q=3:
m2 β 2 3 3 3
3meiφ (1 + ) = βmeiφ + β 2 m2 e−i2φ + β 3 m3 eiφ (4.2.6)
4 2 8 16
— q=4:
m2 β 2 β 3 m3 iφ
4meiφ (1 + ) = 2βmeiφ + (3e + e−3iφ ) (4.2.7)
4 12
— q>4:
m2 β 2 βm β 3 m3
qmeiφ (1 + ) = qeiφ ( + ) (4.2.8)
4 2 16
Ces équations permettent d’une part de trouver la température critique Tc = β1c
et d’autre part de trouver les phases φ possibles pour l’aimantation. En effet,
pour toutes ces équations m = 0 est une solution évidente. Il existe, lorsque la
température est inférieure à une température critique Tc , des solutions m 6= 0. On
montre que β1c = Tc = 1 pour q = 2 et Tc = 12 pour tout q > 3. Quant à la phase,
on s’aperçoit que si celle ci est contrainte pour les équations q = 2, 3 et 4, et qu’elle
ne l’est plus pour tout q > 4. En effet, de l’équation 4.2.5, on déduit que eiφ est
réel et ainsi que φ = 0 ou φ = π modulo 2π. On trouve, pour m > 0, l’équation :
1
2(β − 1) = (β − )β 2 m2 , (4.2.9)
6
qui n’a de solution que si β > 1. De même, les équations (4.2.6) et (4.2.7) peuvent
être simplifiées par eiφ , on obtient alors :

84
— q=3:

m2 β 2 3 3 3
3(1 + ) = β + β 2 me−i3φ + β 3 m2 (4.2.10)
4 2 8 16
— q=4:

m2 β 2 β 3 m2
4(1 + ) = 2β + (3 + e−4iφ ) (4.2.11)
4 12
qui n’admettent de solution que si les parties imaginaires de e−i3φ et de e−4iφ sont
nulles. Pour les valeurs de q > 4, il n’y a plus aucune contrainte sur φ. Le vecteur
aimantation m ~ peut prendre toutes les directions. Au cours de la simulation, m(t)
~
tourne 5, on retrouve la phénomènologie classiquement associée à un mode de
Goldstone, et donc celle des spins d’Heisenberg.

0.3 120 0.06


720
105
0.2 0.04 640
90 560
0.1 0.02
75 480
Counts

Counts
0.0 60 0.00 400
y

320
45
0.1 0.02 240
30
160
0.2 0.04
15 80
0.3 0.06
0.3 0.2 0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40
x x

Figure 5 – Histogramme représentant l’aimantation au cours de la simulation


pour q = 7 et q = 4 à une température proche de T = 0.48. On voit que pour
q = 7, la magétisation tourne au cours du temps tandis que pour q = 4 elle fluctue
autour d’une position donnée.

Par ailleurs, l’équation 4.2.8, montre que pour q > 5 le comportement au voisi-
nage du point critique est le même quel que soit q (figure 6). En effet, simplifions
l’équation 4.2.8 et calculons la température critique (on suppose m > 0) :

m2 β 2 β β 3 m2
1+ = +
4 2 16
2
β β β
⇔1 − = m2 ( − 1)
2 4 4
β β2
⇔2 − β − 1 = m2 (4.2.12)
4 2
Qui n’a de solution que pour 2 < β < 4 et ainsi Tc = 21 .

85
Figure 6 – Comportement de l’aimantation pour les modèles allant de q = 5 à
q = 8 proches du point critique.

4.2.1 Équations dynamiques


Pour étudier la dynamique du modèle hors équilibre, on peut, à partir de
l’équation maîtresse, écrire "naïvement" des équations hydrodynamique de champs
moyen du phénomène. On sait d’après le chapitre 2 que celles-ci ne seront pas
exactes, mais on peut espérer capturer qualitativement la physique du modèle,
quitte à rajouter des fluctuations par la suite, de manière phénoménologique,
comme dans [36].
On verra qu’à partir de q > 5, les paramètres d’ordre de pulsation supérieure
ne sont plus redondants et l’équation de fermeture du système sera obtenue en les
négligeants (en supposant un régime de faible aimantation).
On écrit, dans un premier temps, l’équation maîtresse de notre système. À
partir de celle-ci, on construit les équations de la dynamique des champs perti-
nents. Pour faire ces calculs, on considérera un système en une dimension spatiale
(bien que les spins soient orientés dans le plan). Cela ne posera pas de problème
fondamental et simplifiera les calculs.
~k les vecteurs unitaires
On note nki le nombre de particules de spin k au site i et S
2kπ
de direction θk = q . On introduit les champs ρi , de densité, et mi , d’aimantation,
locaux :

X
ρi = nki (4.2.13)
k

et
X
m
~i= ~k
nki S (4.2.14)
k

86
±
On note Wjump ~k · ~ux ) le taux de saut d’une particule de spin
(k) = D(1 ± S
~ i ·~
βm δk,k±1
k du site i vers le site i ± 1. On note Wfi lip (k, k ± 1) = e− 2ρ le taux de flip
d’une particule de spin k du site i vers le spin k ± 1 avec ~δk,k±1 = S
~k − S~k±1
Dans un premier temps, on écrit l’équation maîtresse du système, puis on
construit les équations dynamiques des champs ρi et mi . Cela fait apparaître les
équations des modes d’ordre supérieur. Pour les traiter de manière plus astucieuse,
nous introduirons un paramètre d’ordre complexe. Cela permettra de construire
les équations dynamiques dans l’approximation de champ moyen pour différentes
valeurs de q.

4.2.1.1 Équation maîtresse


La probabilité P (nki ) de trouver le système dans la configuration {n0 , ..., ni , ..., nL −
1} évolue selon l’équation maîtresse suivante :

q−1 h
X
L−1 X
+
Ṗ ({nki }) = (nki−1 + 1)P ({nki−1 + 1, nki − 1})Wjump (k)
i=0 k=0

+ (nki+1 + 1)P ({nki+1 + 1, nki − 1})Wjump (k)
+ (nk+1
i + 1)P ({nk+1
i + 1, nki − 1})Wfi lip (k + 1, k)
+ (nik−1 + 1)P ({nk−1
i + 1, nki − 1})Wfi lip (k − 1, k)
+ −
i
− nki P ({nki }) Wjump (k) + Wjump (k) + Wfi lip (k, k − 1) + Wfi lip (k, k + 1)
(4.2.15)

Dans les accolades sont notées les différences avec la configuration initiale.
Les deux premiers termes représentent les sauts qui permettent d’arriver dans la
configuration et les deux suivants les flips qui le permettent. Le dernier terme
représente l’ensemble des mouvements de particules qui permettent de quitter la
configuration.
Grâce à cette équation on peut étudier la dynamique de toutes les variables de
ce système. Par exemple si on cherche l’évolution du nombre moyen de particules
au site i, hni i. On dérive cette quantité par rapport au temps :
X
hṅki i = nki Ṗ ({nkj }) (4.2.16)
{nkj }

Et en réinjectant l’équation (4.2.15) dans l’équation (4.2.16) on obtient :


+ − + −
hṅki i =hnki−1 iWjump (k) + hnki+1 iWjump (k) − hnki i[Wjump (k) + Wjump (k)] (4.2.17)

87
~ i ·~
βm δk+1,k ~ i ·~
βm δk−1,k ~ i ·~
βm δk,k+1 ~ i ·~
βm δk,k−1
+ hnk+1
i e− i + hnik−1 e− 2ρ
2ρ i − hnki (e− 2ρ + e− 2ρ i
2πk ~ ~k i]
=D∆hnki i − 2D cos( )∂x [ux · hnki S
q
~ i ·~
βm δk+1,k ~ i ·~
βm δk−1,k ~ i ·~
βm δk,k+1 ~ i ·~
βm δk,k−1
+ hnk+1
i e− 2ρ i + hnik−1 e− 2ρ i − hnki (e− 2ρ + e− 2ρ i
(4.2.18)
où le premier terme est un terme purement diffusif, le second un terme de convec-
tion lié au caractère actif du système et les derniers sont des termes non-linéaires
liés aux flips. Les opérateurs ∆· ou ∇· peuvent être lu soit comme les opérateurs
laplacien et gradient discrets, soit comme un passage à la limite continue, dans
la limite des grands L et des faibles gradients. On écrit alors l’équation de la
dynamique du champ ρi en dérivant 4.2.13 et en injectant 4.2.18 :

ρi = D∆hρi i − D∂x [~ux · hm


~ i i] (4.2.19)

Les termes d’alignement se suppriment les uns les autres puisqu’on somme sur tous
les k possibles. Néanmoins cette équation fait apparaitre le champ d’aimantation
m
~ i . On écrit alors la dynamique pour ce champ :

ṁyi = D∆hmyi i + 2D∂x hQxy i + D∂x ρ + termes d’alignement (4.2.20)


P k i j 1
Où Q est le tenseur Qi,j = n (Sk Sk − 2 δi,j ) avec δi,j le symbole de Kronecker
k
et Skila i−ème composante du vecteur S ~k . Ce tenseur est le paramètre d’ordre
nématique. On pourrait alors écrire une équation dynamique pour Q, mais on
peut aussi utiliser une approche alternative plus astucieuse.

4.2.1.2 Paramètre d’ordre complexe


Afin de simplifier les notations de ce calcul et de le faire pour toutes les har-
moniques en une seule fois, on introduit des nouveaux paramètres d’ordre. Le
problème étant planaire, on choisit des paramètres complexes qui rendront compte
de tous les champs qui pourront intervenir dans un système à q heures :
q
X 2πnk
χn = nki ei q (4.2.21)
k=0

P
q
avec n ∈ J−q+1, q−1K On note que χ0 = ρ. On voit aussi que χ1 = nki (cos( 2πk
q
)+
k=0
P
q
i sin( 2πk
q
)) = mxi + imyi . En outre χ2 = nki (cos( 4πk
q
) + i sin( 4πk
q
)) = Qxx xy
i + iQi .
k=0

88
~ i · ~δk,k±1 peut se réécrire
On note que sous ces notations, le produit scalaire m
sous la forme
π 2πk π π 2πk π π
~ i · ~δk,k±1 = sin( )[χ1 e−i( q ± 2 ± q ) + χ¯1 ei( q ± 2 ± q ) ]
m
q
Dans la suite on se place dans une approximation de champ moyen qui permet
négliger les corrélations ; on abandonne la notation h·i. En dérivant χn par rapport
au temps, on écrit la dynamique de ces champs pour chaque n, 0 6 n < q :
q
X 2πnk
χ̇n = ṅki ei q

k=0
Xh
q
2πnk 2πnk β ~
~ i ·δk,k+1 i
2πn(k+1) 2πnk
= D∆nki ei q + 2D∇nki ei q + nki e 2ρ m (e q − ei q )
k=0
β ~ 2πn(k−1) 2πnk
i
~ i ·δk,k−1 i
+ nki e 2ρ m (e q − ei q )
q
X 2πnk β ~
~ i ·δk,k+1 i 2πn β ~
~ i ·δk,k−1 −i 2πn
=D∆χn − D(∇χn−1 + χn+1 ) + nki ei q [e 2ρ m (e q − 1) + e 2ρ m (e q − 1)]
k=0
(4.2.22)
β ~
~ i ·δk,k−1
Puis on développe l’exponentielle e 2ρ m en série. Par la suite nous irons jusqu’à
l’ordre trois en supposant que ρ est grand devant kmi k.
2πn
χ̇n =D∆χn − D(∇χn−1 + χn+1 ) + 2(cos( − 1))χn
q
q ∞
i 2πn
X 2πnk X 1 β
+ (e q − 1) nki ei q ( m ~ i · ~δk,k+1 )`
k=0 `=1
`! 2ρ
q ∞
2πn X 2πnk X 1 β
+ (e−i q − 1) nki ei q ( m ~ i · ~δk,k−1 )` (4.2.23)
k=0 `=1
`! 2ρ

On calcule la contribution du terme d’alignement à l’ordre 1 :


q q
i 2πn
X 2πnk β 2πn X 2πnk β
(e q − 1) nki ei q ( ~ i · ~δk,k+1 ) + (e q − 1)
m −i
nki ei q ( m ~ i · ~δk,k−1 )
k=0
2ρ k=0

π β π 2πn π π 2πn π
= sin( ) [χ1 χn−1 (sin( ) − sin( − )) + χ1 χn+1 (sin( ) − sin( + ))]
q ρ q q q q q q
(4.2.24)

et à l’ordre 2 :

89
q q
i 2πn
X 2πnk 1 β −i 2πn
X 2πnk 1 β
(e q − 1) nki ei q ( m ~ 2
~ i · δk,k+1 ) + (e q − 1) nki ei q ( m ~ i · ~δk,k−1 )2
k=0
2 2ρ k=0
2 2ρ
1 β2 π 2π 2πn 2π 2π 2πn 2π
= 2 sin2 ( )[χ21 χn−2 (cos( ) − cos( − )) + χ21 χn+2 (cos( ) − cos( + ))
4ρ q q q q q q q
2πn
+ 2χ1 χ̄1 χn (cos( − 1))] (4.2.25)
q
Je passe sur les détails des calculs de ces résultats qui viennent d’une dou-
loureuse application des formules de trigonométrie. À partir ce ces formules assez
générales, developpées à l’ordre trois en mρi , on peut écrire la dynamique pour tout
q (en additionant tous ces termes).

4.2.1.3 Dynamique pour différentes valeurs de q


Dans cette partie, j’écris pour les différentes valeurs de q les équations en champ
moyen des différents champs mis en jeu. Dans un premier temps nous remarquons
que pour tout n ∈ Z les champs χ−n = χ̄n , où χ̄n est le complexe conjugé de χn .
De même, on remarque que pour chaque q ∈ N, pour tout n ∈ Z, χn = χk avec
k = n mod q. On voit que pour q = 2 il n’y a que deux champs mis en jeu : χ0 et
χ1 (car χ2 = χ0 et les équations d’évolution des champs sont les suivantes :
χ̇0 =D∆χ0 − D(∇χ−1 + ∇χ1 ) (4.2.26)
β2 3
χ̇1 =D∆χ1 − 2D∇χ0 + 4(β − 1)χ1 − 2 χ (4.2.27)
ρ2 1
Pour q = 3, on note que χ2 = χ−1 et que χ1 = χ−2 il n’y a donc toujours que
deux champs indépendants mais la forme du terme d’alignement est distincte du
cas q = 2 :
χ̇0 =D∆χ0 − D(∇χ−1 + ∇χ1 ) (4.2.28)
2
β 3β 9β 2
χ̇1 =D∆χ1 − D(∇χ0 + ∇χ−1 ) + 3( − 1)χ1 + χ1 χ̄1 − χ χ̄−1 (4.2.29)
2 4ρ 8 ρ2 1
Pour q = 4, on note que χ1 = χ−3 et il y a cette fois-ci trois champs indépen-
dants.

χ̇0 =D∆χ0 − D(∇χ−1 + ∇χ1 ) (4.2.30)


2
β 1β
χ̇1 =D∆χ1 − D(∇χ0 + ∇χ2 ) + 2( − 1)χ1 − [(χ2 + χ2−1 )χ̄1 + 2χ21 χ̄1 ]
2 8 ρ2 1
(4.2.31)

90
β 2
χ̇2 =D∆χ2 − D(∇χ1 + ∇χ3 ) − 4χ2 + (χ + χ1 χ3 ) (4.2.32)
ρ 1
On voit que pour q = 4, le paramètre d’ordre χ2 qui mesure l’ordre nématique
relaxe rapidement. En effet, si on suppose que l’on puisse trouver un régime où la
longueur de corrélation est grande et le mode χ1 associé à une brisure spontanée
de symétrie à cette échelle, on peut traiter χ2 comme un mode rapide et écrire la
relation de fermeture suivante :

1β 2
χ2 = (χ + χ1 χ3 ) (4.2.33)
4ρ 1
que l’on peut réinjecter dans (4.2.31) pour obtenir un système autoconsistant pour
χ0 et χ1 . On note que, pour arriver à un système d’équations fermées, il n’est pas
nécessaire de négliger de paramètre d’ordre. Pour les cas q > 6, afin d’écrire une
équation fermée pour χ0 et χ1 , on néglige les χn tel que n > 3 comme pour le cas
du modèle de Vicsek présenté dans l’article [56].
Cela nous permet d’écrire le système suivant :

χ̇0 =D∆χ0 − D(∇χ−1 + ∇χ1 ) (4.2.34)


2π π β π 3π
χ̇1 =D∆χ1 − D(∇χ0 + ∇χ2 ) + (cos( ) − 1)(β − 2)χ1 + sin( ) χ1 χ2 (sin( ) − sin( ))
q q ρ q q
(4.2.35)
1 β2 2 π 2 2π 2 2π 4π
+ sin ( )[χ 1 χ̄1 (cos( ) − 1) + χ 1 χ 3 (cos( ) − cos( ))
4 ρ2 q q q q

+ 2χ21 χ̄1 (cos( − 1))]
q
2π π β π 3π
χ̇2 =D∆χ2 + D(∇χ1 ) + 2(cos( ) − 1)χ2 + sin( ) (sin( ) − sin( ))χ21
q q ρ q q
(4.2.36)
1 π β2 4π
+ sin2 ( ) 2 (cos( ) − 1)χ1 χ̄1 χ2
2 q ρ q
De même que précédement on suppose que la dynamique de χ2 est rapide
devant celle de χ1 et χ0 , les longueurs caractéristiques divergent et on peut alors
négliger les gradients et obtenir la relation de fermeture pour χ2 à l’ordre le plus
bas en χ1 :

β
2 ρ
(sin( πq ) − sin( 3π
q
))
χ2 = χ1 (4.2.37)
2(cos( 2π q
) − 1)

91
De manière interessante, les formes pour q = 2, 3, et 4 sont distinctes mais
toutes les équations ont des dynamiques dont les coefficients dépendent de q,
contrairement aux solutions du champ moyen statique pour q > 5. il est donc
possible que la dynamique de ces modèles restent sensibles à q. Nous nous tour-
nons maintenant vers une étude numérique de ce système.

4.2.2 Diagramme des phases


Pour ces modèles, pour chaque q on simule le système, on observe différentes
phases. Les phases observées sont les phases attendues : à faible densité et à haut
bruit, on observe une phase désordonnée. À bas bruit et haute densité on ob-
serbe une phase complètement ordonnée. Entre ces deux régimes on observe une
coexistence de phases (figures 7 et figure 8).
Une des différences fondamentales entre le modèle d’Ising et le modèle de Vicsek
réside dans la forme de la phase dense lorsqu’il y a coexistence de phase. En
effet, si on observe une phase dense pour le modèle d’Ising qui grandit lorsqu’on
augmente la taille du système. Pour le modèle de Vicsek, on observe une séparation
en microphase : de nombreuses bande espacées régulièrement apparaissent. Si la
taille du système est doublée, le nombre de bandes est doublé et non leur taille (cf
section 1.3.2.2).

Figure 7 – Diagramme de phase pour q = 4.

D’après ce qui est observé numériquement, malgré de nombreux test, il semble


que pour tout q fini on n’observe seulement une séparation de phase. Par exemple,
si on laisse évoluer la phase dense telle que sur la figure 8 au milieu et qu’on rajoute,
au fur et à mesure, de manière quasistatique, des particules, alors la bande grandit
jusqu’à ce que l’ensemble du domaine ait atteint la densité de la nuée. Des tests
de ce genre furent menés pour des valeurs de q allant de q = 4 à q = 8 pendant

92
plusieurs mois sur des simulations dont la durée d’éxecutions était de l’ordre du
mois.

ρ = 0.5 ρ=5 ρ = 12.5

Figure 8 – Instantanées de simulations du système pour q = 7, T = 0.28, D = 1,


 = 0.9 à différente densité. pour ρ = 0.5 on a un système homogène d’aimantation
nulle, pour ρ = 5, on voit une nuée orienté de grande densité, pour ρ = 12.5 on un
système homogène ordonné.

4.2.3 Fluctuations de densités


Une autre différence entre Vicsek et Ising Actif est, comme présentée succin-
tement dans l’introduction, la taille des fluctuations dans la phase complètement
ordonnée. Afin de mesurer cela, on simule un système très grand à une densité ρ
suffisament grande afin de se placer dans la phase ordonnée. Ensuite on compte le
nombre moyen de particule hn` i dans des boites de taille ` et la variance autour de
cette moyenne σ(hn` i). Suite à une campagne de simulation relativement lourde,
afin d’obtenir suffisamment de données pour calculer les moyennes, on trace les
courbes (figure 9). On voit que lorsqu’on mesure la taille des fluctations dans des
boites de tailles suffisament grandes, on retrouve des fluctuations normales pour
tout q. Néanmoins, pour qgeq5, on voit des fluctuations géantes de densité à petite
taille. Il semblerait donc qu’il y ait, pour qgeq5, un crossover entre un régime à la
Vicsek pour des "petites" tailles, puis un régime à la Ising dans la limite de grande
taille.

93
Figure 9 – Taille des fluctuations de densité divisé par la racine de la taille du
système en fonction de la taille du système. On voit que pour q = 4 ces fluctuations
sont normales et que pour q > 4 on a d’abord un régime de fluctuations géantes
puis un plateau dans lequel les fluctuations sont normales.

4.3 Activité et anisotropie


La phénoménologie observée section 4.2.2 est un peu mieux comprise lorsqu’on
regarde les fluctuations géantes de densité (figure 9). En effet, pour un modèle à
q heures, lorsque la taille L de la boite augmente, on observe une transition d’une
phénoménologie à la Vicsek à une phénomènologie à la Ising actif.
Dans cette partie, issue d’une discussion que nous avons eu avec John Toner,
nous allons dans un premier temps revenir sur un argument qui montre l’existence
d’une phase BKT , pour les q suffisament grands, à l’équilibre. Nous verrons ensuite
en quoi le scénario est changé lors de l’ajout de l’activité dans le modèle.
La discussion que j’expose ici reste phénoménologique et gagnerait à être menée
de manière plus rigoureuse suivant une théorie de renormalisation [57]

94
4.3.1 Le cas d’équilibre
Afin de comprendre le rôle de la discrétisation des directions des spins, le pro-
blème est légèrement modifié : on considère un modèle XY , dont les spins sont
influencés par un Hamiltonien qui favorise l’alignement suivant les directions des
"heures" de modèle d’horloges. On cherche donc à comprendre l’influence d’un
hamiltonien de la forme :
Z
Hq = d2 r cos(qθ(r)) (4.3.1)

à l’équilibre, dans la phase d’ordre de quasi longue portée. Dans ce cas, la distri-
bution de probabilité est donnée par :
βK
d2 r(∇θ(r))2
R
P [{θ(r)}] = Z −1 e− 2 (4.3.2)

Afin de comprendre l’influence de ce hamiltonien, nous cherchons à calculer hHq i


dans un système de taille L. Notons dans un premier temps que :
Z Z R 0
2 iqθ(r) 0 0
∆H ≡ hHi ' d rhe i = d2 rhe dr iqθ(r )δ(r−bf r ) i (4.3.3)

La mesure de la probabilité des configurations {θ(r)} est gaussienne et peut s’écrire :


h 1Z i
−1
P [{θ(r)}] = Z exp − d2 r00 d2 r0 θ(r00 )(−βK∆)δ(r00 − r0 )θ(r0 ) (4.3.4)
2
h 1Z i
−1
= Z exp − d2 r00 d2 r0 θ(r00 )Γ(r00 − r0 )θ(r0 ) (4.3.5)
2
où nous avons introduit l’opérateur Γ(r00 − r0 ) = −βK∆δ(r00 − r0 ). Le calcul de
∆H revenant à évaluer une intégrale de chemin gaussienne :
Z Z hZ Z i
D[θ] 0 0 0 1
∆H = d r 2
exp dr iqδ(r − r )θ(r ) − d2 r00 d2 r0 θ(r00 )Γ(r00 − r0 )θ(r0 )
Z 2
R 00 (4.3.6)
On introduit alors l’opérateur G défini par dr Γ(r − r )G(r , r ) = δ(r − r0 ), on
00 00 0

obtient alors :
Z h1 Z i Z
2 0 0 0 00 00 q2
∆H = d r exp dr iqδ(r − r )G(r , r )iqδ(r − r ) = d2 r exp[− G(r, r)]
2 2
(4.3.7)
Afin de calculer G, il est préférable de se placer dans l’espace de fourrier où l’inverse
du Laplacien est simplement :
T
Ĝ(k) = (4.3.8)
Kk 2
95
Pour évaluer ∆H, nous réintroduisons le pas du réseau Λ et la taille du système
L afin de calculer G(r − r)
Z Z 1/Λ Z 1/Λ
d2 k T ik·(r−r) 2πdk T T 1 T log(L/Λ)
G(r − r) = e = = =
(2π)2 Kk 2 1/L
2
(2π) Kk 2 2πK 1/L k 2πK
(4.3.9)
En fin de compte, on trouve :
Z h q 2 T log(L/Λ) i q2 T
∆H = d2 r exp − ∼ L2 L− 4πK (4.3.10)
4πK
On remarque alors que ∆H joue un rôle de plus en plus important à mesure
q2 T
que le taille du sytème augmente seulement si 2 − 4πK > 0. Au premier ordre dans
cette théorie perturbative, le champs Hq est pertinent 1 lorsque :

8πK
T < T1 ≡ (4.3.11)
q2
Dans l’intégralité de ce calcul on suppose que la distribution de θ(r) est donné
par l’hamiltonien d’onde de spin (4.3.1). Ainsi T est nécéssairement plus petit
TBKT = cK, la température de transtion de phase du désordre vers la phase BKT .
la constante c dépend du modèle, pour le modèle XY c ' 0.89. Dans le diagramme
des phases on observe une phase dans lequel ce champs n’est plus pertinent dès
lors que
T1 < TKT (4.3.12)
Il s’ensuit que : r

q> ' 5.28, (4.3.13)
c
Qui est une prédiction qu’on retrouve en utilisant une théorie de renormalisa-
tion [57].

4.3.2 Activité et ordre à longue portée


La discussion ci dessus repose sur le fait que pour le modèle XY , dans la phase
BKT , il existe un ordre à presque longue portée. Ce point crucial se retrouve dans
la divergence en 1/k 2 de l’opérateur de Green Ĝ(k) et donc dans la dépendance
en log(L) que l’on retrouve dans G(r, r). Pour le modèle de Vicsek on s’attend à
avoir un véritable ordre à longue portée. Bien que cela rende la phénoménologie
plus compliquée en de nombreux points, cela va cette fois-ci grandement simplifier
les calculs. Nous supposons ici que le système est ordonné. θ(r) est localement
1. Traduit de l’anglais relevant

96
distribuée, autour de sa moyenne θ0 , suivant une distribution gaussienne. Cette
hypothèse n’aura sur nos prédictions qu’un impact quantitatif. ∆H est alors calculé
en prenant en compte que logheiqθ(r) i est la fonction génératrice des cumulants de
θ(r) et ainsi :
q 2 σr
heiqθ(r) i = e− 2 (4.3.14)
où σr est la variance de θ(r). Remarquons que pour toute autre distribution qu’une
gaussienne, on verrait dans l’exposant une somme prenant en compte les cumulants
d’ordre supérieurs.
Il s’ensuit que :
h q2σ i
2 r
∆H = L exp − (4.3.15)
2
À la différence du cas d’équilibre, le champs Hq est toujours pertinent dans la
limite des grands L. On s’attend néanmoins à passer doucement (continuement)
q 2 σr
d’un régime dans lequel ce champ est négligeable, pour L  Lq ≡ e 4 et où l’on
observe un comportement tel que celui du modèle de Vicsek, à un régime dans
lequel l’anisotropie est dominante. Cela est compatible avec la dépendandce des
fluctuations géantes de densité avec la taille du système mesuré figure 9 pour notre
modèle. On observe clairement une croissance de Lq avec q et une transition des
fluctuations géantes de densité aux petites échelles vers les fluctuations normales de
densité pour les grandes tailles de systèmes conformément à la discussion ci-dessus.

97
Chapitre 5

Conclusion

98
Au terme de ces trois années de recherches, j’écris la conclusion de cette thèse.
Je présente, à travers ce manuscript, trois sujets liés à la matière active, axés sur
l’étude des mouvements collectifs : la construction d’équations hydrodynamiques
exactes à partir de processus microscopiques, l’étude phénoménologique des mo-
dèles de mouvement collectif en une dimension et l’étude d’un modèle d’horloges
actives présentant une phase de mouvement collectif. Ce travail vise à permettre
une compréhension plus globale du phénomène de mouvement collectif en se ba-
sant sur des processus microscopiques et en étudiant l’influence de ces derniers au
niveau macroscopique.
Au chapitre 2, la dérivation d’équations hydrodynamiques exactes permet de
se détacher du modèle microscopique pour néanmoins retrouver quantitativement
les résultats des simulations microscopiques. Pour le modèle exhibant MIPS 1 le
diagramme des phases peut être calculé analytiquement à partir des équations
hydrodynamiques associées. Il serait intéressant, pour poursuivre sur cette voie,
de trouver des taux d’alignement permettant de calculer exactement le diagramme
des phases du modèle d’Ising actif, ou bien de réaliser cette étude pour d’autres
modèles tels des modèles avec alignement nématique, ou un modèle XY actif. Sur
le plan mathématique, on pourrait calculer les termes fluctuants qui correspondent
aux corrections de tailles finies des équations hydrodynamiques. Cela permettrait
de retrouver avec encore plus de précisions la phénoménologie observées dans les
simulations microscopiques. Par ailleurs, les termes de bruit sont responsables de la
sélection des nuées (séparation de phase ou en microphases [36]). Leur construction
rigoureuse est donc une piste de recherche intéressante, même si la communauté
de la matière active ne sait pas, pour l’instant, comment étudier analytiquement
ce processus de sélection.
Au chapitre 3, pour plusieurs modèles de mouvements collectifs, définis au
niveau microscopique par des particules propulsées sur un réseau munie d’une
dynamique d’alignement des vitesses, j’observe des phénomènes macroscopiques
similaires. Dans un premier temps, on observe que la phase complètement ordonnée
n’est pas stable et donne lieu à des nuées denses de particules ordonnées, puis, que
la dynamique des nuées, qui se retournent de manière intermitente, semble être
indépendante du modèle microscopique étudié. On pourrait, afin d’aller plus loin
et de confirmer cette hypothèse, mener l’étude pour des modèles avec d’autres taux
d’alignement, par exemple avec un alignement de Potts ou des spins d’Heisenberg.
En outre, on pourrait tester ces résultats expérimentalement sur des systèmes
présentant des mouvements collectifs sur des géométries fortement contraintes.
Par ailleurs, on observe une phase présentant des asters, situations bloquées où
des particules de directions antagonistes se font face. On voit que l’existence des
asters, au niveau macroscopique, dépend des détails microscopiques du modèle
1. Motility Induced Phase Separation

99
étudié. En outre, on se demande s’il existe une transition de phase entre les asters
et les nuées. Comment peut-on caractériser ce phénomène ?
Enfin au chapitre 4, je cherche à interpoler entre le modèle de Vicsek et d’Ising
Actif. Suite à une étude numérique du modèle d’horloges actives, on observe que
la phénoménologie change à mesure que le système grandit : elle passe d’une phé-
noménologie de type Vicsek, avec des fluctuations géantes de densité, à une phé-
noménologie de type Ising, avec des fluctuations normales. On intuite, grâce à des
arguments utilisés pour l’étude des modèles d’horloges à l’équilibre, que tant que
le nombre de directions que peuvent prendre les spins actifs du modèle est fini,
pour un système de taille suffisament grande, on observe la phénomènologie du
modèle d’Ising. On pourra, pour aller plus loin dans l’étude de ce modèle, écrire
les équations hydrodynamiques fluctuantes et observer numériquement leur phé-
noménologie, retrouver les résultat sus-cités de manière plus rigoureuse suivant
une procédure de renormalisation ou même mener une campagne de simulations
suffisament précises qui permettrait de caractériser la dépendance entre le nombre
directions et la taille du système à laquelle s’opère le cross-over entre les phénomé-
nologies. En outre, on se demande si c’est la dimension parallèle ou perpendiculaire
à l’ordre qui pilote la phénoménologie du système : si l’on augmente la taille Lx ou
Ly du sytème, peut-on passer d’un système où les bandes sont instables à un sys-
tèmes où les bandes sont stables ? S’il existe une longueur microscopique minimale
pour voir des bandes se briser, il est possible qu’il faille aller à des valeurs de q
relativement grandes pour pouvoir observer ce phénomène. Ces questions ouvertes,
issues de ma thèse, trouveront peut-être leur réponse dans les travaux futurs de
notre groupe, ou plus généralement de la communauté de la matière active.

100
Liste des figures

1 Gauche : dessin d’une bactérie E. Coli dont on constate la forme


allongée et les flagelles. Droite : trajectoire d’une bactérie E. coli.
Elle est propulsée et change spontanément de direction. . . . . . . 5
2 Gauche : Schéma de la dynamique du déplacement d’un moteur
moléculaire. Dans la section où Θ 6= 0 les transitions de a vers d sont
plus fréquentes. Droite : Représentation de différentes protéines qui
assurent la fonction de moteur moléculaire. . . . . . . . . . . . . . 6
3 Gauche : schéma d’un grain vibré asymétrique. Droite : une as-
semblée de grains vibrés présente un phénomène de mouvement col-
lectif (images issues de [10]) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
4 Image d’un flot turbulent de bactéries observé au moyen de traceurs
fluorescents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
5 Gauche : MIPS observé par une simulation numérique d’une dy-
namique microscopique qui respecte v(ρ). Droite : image de l’ex-
périence de [25] montrant des "cristaux actifs" . . . . . . . . . . . . 12
6 Un banc de poissons, un vol d’oiseaux ou un essaim de sauterelles
sont autant d’exemples de mouvements collectifs . . . . . . . . . . . 13
7 Scène du Roi Lion dans laquelle le mouvement des gnous à été
calculé grâce à des boids. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
8 Schéma de l’évolution d’une particule pour le modèle de Vicsek et
collaborateurs. Dans la simulation, toutes les particules sont mises
à jour en parallèle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
9 Schéma représentant la dynamique du modèle d’Ising Actif . . . . 16
10 Diagramme de phase du modèle d’Ising Actif. Les courbes ρ1 et ρ2
représentent les spinodales et ρ` et ρh sont les binodales. . . . . . . 17
11 En haut : instantanés d’une simulation du modèle de Vicsek et al.
En bas : instantanés d’une simulation de modèle d’Ising Actif. . . 18

1 Schéma de la dynamique microscopique pour le système MIPS . . . 30

101
2 Simulation microscopique (en haut) et macroscopique (en bas) à
l’état stationnaire, pour Pe = 10 avec γ = 1, D = 1, λ = 10 et
ρs = 0.75. `p ' 1.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3 simulation microscopique en deux dimensions. Les points bleus re-
présentent les particules + et les points rouges les particules -. Pa-
ramètres : L = 100, α = 4, ρ0 = 0.65, D = 1, γ = 10 et λ = 40
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
4 Images successives de simulation en une dimension. Les simulations
microscopiques (en rouge) et macroscopiques (en bleu) s’accordent
quantitativement. Paramètre de simulations : D = 1, λ = 5, γ = 0.1,
ρ0 = 0.75, α = 4. Simulation microscopique : la simulation
microscopique a été réalisée avec L = 1000. Le profil de densité
de la simulation microscopique est obtenue en faisant la moyenne
de 200 réalisations du système à partir de la même distribution de
densité initiale. ; Simulation macroscopique : la méthode semi-
spectrale a été réalisée avec n = 50 modes et le schéma d’Euler avec
un pas temporel dt = 10−4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
5 La construction de la tangente commune entre les deux phases. . . . 43
6 Diagramme de phase présentant, en bleu, les spinodales, en rouge,
les lignes binodales calculées à partir des équations (2.3.51,2.3.50).
Les points sont les densités hautes et basses mesurées sur les simu-
lations microscopiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
7 Schéma de la dynamique des particules dans le modèle transition
vers le mouvement collectif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
8 Images successives de simulation en une dimension. Les simulations
microscopiques (en rouge) et macroscopiques (en bleu) s’accordent
quantitativement. Le système part d’une condition initiale ordonnée
ρ(x, t) = ρ0 [1 + cos(2πx)] Simulation microscopique : La simu-
lation microscopique a été réalisée avec L = 1000 et α = 1. Le profil
de densité de la simulation microscopique est obtenue en faisant la
moyenne de 300 réalisations du système à partir de la même distribu-
tion de densité initiale. Simulation macroscopique : la méthode
semi-spectrale a été réalisée avec n = 50 modes et le schéma d’Euler
avec un pas temporel dt = 10−4 . Les paramètres de la simulations
sont : D = 0.5, λ = 4, β = 0.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
9 En haut : résolution des équations hydrodynamiques (2.4.7, 2.4.8)
avec α = 600. En bas simulation microscopique dans l’état sta-
tionnaire avec α = 200. Les simulations sont faites pour ρs = 0.75,
β = 1.16, λ = 1 et D = 0.5. On constate que malgré les tailles
différentes des réseaux les valeurs des binodales sont inchangées. . . 50

102
10 Diagramme des phases de la transition vers le mouvement collectif.
On voit en bleu les lignes spinodales à l’intérieur desquelles les solu-
tions homogènes sont linéairement instables. En rouge on montre les
densités de coexistence de phase calculées en résolvant numérique-
ment les équations (2.4.7, 2.4.8) et en vert celles mesurées grâce aux
simulations microscopiques. HD et HO montrent les zones dans les-
quelles les les solutions homogènes désordonnées et ordonnées sont
stables. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

1 Instantanés de différentes simulations : à gauche, la simulation du


modèle d’Evans, à droite, celle du modèle d’Ising. En haut : À
haute température les systèmes sont complètement désordonnés. En
bas : Lorsqu’on baisse la température, on voit se former une bande
dense et ordonnée de particules. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
2 À très basse température, pour le modèle d’Ising (à gauche), appa-
raissent des asters. Pour le modèle d’électeurs actifs (à droite) on
observe des asters pour une variation du modèle d’électeur actif.
Ici, la fonction majorité ne tient compte que des sites derrière la
particule (le sens de la particule est fixé par son spin). . . . . . . . 59
3 Instantanés d’une réalisation d’une simulation en 1D du modèle
d’Ising Actif. Paramètres :ρ = 5, D = 1, λ = 1, β = 3. En vert :
la magnétisation. En rouge : la densité de particule. . . . . . . . . 61
4 Temps moyen de déstabilisation de la phase ordonnée pour le modèle
d’Evans et pour le modèle d’Ising en fonction de la taille du système.
. En pointillé, une droite de pente −1 en échelle logarithmique . . . 62
5 Sur ces séries d’images on voit, en bleu, une nuée qui se déplace vers
la gauche, en rouge une fluctuation qui se déplace vers la droite (dont
la taille en fonction de la position est calculée grâce à l’équation
3.2.3. En haut la fluctuation est suffisament grande pour retourner
toute la nuée. En bas la fluctuation n’est pas assez grande et est
alors elle meme retourné par la nuée. . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
6 Temps moyen entre deux retournement pour le modèle d’Ising. . . 63
7 Temps moyen entre deux retournements pour le modèle d’Evans à
bas bruit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
8 Sur cette simulation on voit deux nuées, un zoom sur l’avant d’une
des nuées nous montre la phase liquide de densité fixé ρ = 1, η =
0.12, λ = 1, γ = 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
9 Temps moyen entre deux retournements pour le modèle d’Ising en
fonction de la largeur (Ly ) du système pour différentes longueurs
(Lx ) de système. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

103
10 En haut : abeille butinant une fleur de la famille des Astéracées
(Aster en langage vernaculaire) qui doivent leur nom à la disposi-
tion en étoile de leurs pétales. Au milieu : le centrosome et les
microtubules sont des structures protéïniques qui, au cours de la
mitose, forment un système nommé aster. En bas : défaut étoilé
dans gel actif [52]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
11 Exemple de la dynamique interne à un aster : quand une particule
saute sur le site voisin, elle change de direction et finalement on
revient à la situation initiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
12 Configurations dans lesquelles les particules peuvent avancer : il n’y
a plus d’aster. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
13 À température nulle, les asters ont la même dynamique qu’une par-
ticule qui effectuerait une marche aléatoire dans un potentiel qua-
dratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
14 Chaque point représente la moyenne sur 10000 occurrences du temps
de résorbtion de l’aster. le coefficient k = 1/2 peut être retrouvé de
manière exacte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
15 Le schéma représente ici un cas de fuite (ou non) d’un aster pour
une particule +. Les mêmes scénarii peuvent se produire pour une
particule −. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
16 Mesure de l’évolution du nombre moyen de particules par aster au
cours du temps pour une simulation commençant avec 10 asters de
taille ρ = 18. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
17 Mesure du taux de sortie d’un Aster en fonction de la taille de celui-
ci et dont la règle d’alignement est régie par l’équation (3.3.17). On
voit que ce taux est croissant en fonction du nombre de particules
piégées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
18 Mesure de l’evolution de la taille et du nombre d’aster dans une
simulation partant d’un aster de taille 1000 avec évoluant avec des
taux de retournement bornée (équation (3.3.17)) . . . . . . . . . . . 75

1 Diagramme des phase d’un modèle d’horloge à q états, extrait de


[53]. On voit que pour q 6 4 on est dans la classe d’universalité du
modèle d’Ising. La ligne T1 montre la ligne de transition de phase
vers l’ordre, T2 montre la ligne de transition vers la phase BKT . . 79
2 Sur cette figure issue de [54], on voit des histogrammes représentant
l’aimantation pour un modèle d’horloges à q = 8 heures dans le
plan complexe. À faible température (a) la magnétisation est nulle,
lorsqu’on baisse la température on observe une phase quasi-liquide
(b) puis une phase ordonnée (c). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

104
3 Schéma pour q = 8 des sauts possibles d’une particule et les taux
associés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
4 Schéma pour q = 8 des deux flips possibles d’une particule d’un
spin orienté initialement selon θ = π4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
5 Histogramme représentant l’aimantation au cours de la simulation
pour q = 7 et q = 4 à une température proche de T = 0.48. On voit
que pour q = 7, la magétisation tourne au cours du temps tandis
que pour q = 4 elle fluctue autour d’une position donnée. . . . . . . 85
6 Comportement de l’aimantation pour les modèles allant de q = 5 à
q = 8 proches du point critique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
7 Diagramme de phase pour q = 4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
8 Instantanées de simulations du système pour q = 7, T = 0.28,
D = 1,  = 0.9 à différente densité. pour ρ = 0.5 on a un système
homogène d’aimantation nulle, pour ρ = 5, on voit une nuée orienté
de grande densité, pour ρ = 12.5 on un système homogène ordonné. 93
9 Taille des fluctuations de densité divisé par la racine de la taille
du système en fonction de la taille du système. On voit que pour
q = 4 ces fluctuations sont normales et que pour q > 4 on a d’abord
un régime de fluctuations géantes puis un plateau dans lequel les
fluctuations sont normales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

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