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du partenariat euro-mediterranéen
20 +10
30 Propositions pour définir
20 +10 une véritable dimension sociale du
Partenariat euro-méditerranéen
Iván Martín
Larabi Jaidi Abdallah Khattab Erwan Lannon
Kinda Mohamadieh Souad Triki
20 +10
30 propositions
pour définir une véritable dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen
Pré-presse : Babel com
Impression : El Maârif Al Jadida
ISBN : 978-9981-76-038-7
Dépôt légal : 2010 MO 1478
20 +10
30 propositions
pour définir une véritable dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen
Avant-propos
Ulrich Storck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Prologue
Abdelmaksoud Rachdi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
politiques tangibles. Ces propositions ont déjà fait l’objet d’un débat et ont été
améliorées lors d’un atelier d’experts régional et d’une conférence régionale de
la société civile euro-méditerranéenne, organisée dans le cadre de la Plate-forme
non gouvernementale EuroMed.
Elles couvrent l’impact de la crise financière internationale, l’impact social de la
zone euro-méditerranéenne de libre-échange et l’emploi des femmes dans les pays
arabes méditerranéens. De plus, elles mettent en relief une éventuelle Stratégie
euro-méditerranéenne pour l’emploi et de la mobilité et proposent un système de
suivi euro-méditerranéen dans le domaine de la politique sociale.
Cette publication fait partie du « FES Dialogue Méditerranée » et sera utilisée
comme référence dans les futurs débats organisés par la FES et ses partenaires
politiques et sociaux de la région méditerranéenne.
Nos remerciements spéciaux s’adressent aux auteurs des articles et tout
particulièrement au coordinateur scientifique, Iván Martín, pour les efforts sans
cesse déployés pour la réussite de ce projet.
Ulrich Storck
Fondation Friedrich Ebert
Maroc
Prologue
Abdelmaksoud Rachdi
Président de la Plate-forme
non gouvernementale EuroMed
Introduction
Quelle dimension sociale pour quel
Partenariat euro-méditerranéen ?
Iván Martín *
() Cf., pour un aperçu sur les développements et initiatives dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen
depuis 2005, Lannon, E. et I. Martin (2009) : Rapport sur les progrès du Partenariat euro-méditerranéen,
http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/2/48/17/48/Fichiers-pdf/Rapport_enquete_Euromed.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 13
Ceci étant, aucune mesure concrète n’a été adoptée pour atteindre ces
objectifs ; de la même manière, aucun système de suivi n’a été mis en place
pour évaluer et garantir les progrès réalisés. Les actions sont restées éparses, en
fait insuffisantes, et le suivi inapproprié, non institutionnalisé et souvent, tout
simplement inexistant. Ce n’est qu’à la fin de l’année 2008, dans le sillage de
la création de l’Union pour la Méditerranée, que la première Conférence euro-
méditerranéenne sur l’emploi et le travail, qui s’est tenue les 9 et 10 novembre
2008 () à Marrakech, a planché sur des initiatives et des propositions concrètes
pour promouvoir la création d’emplois, la modernisation des marchés du travail
et le travail décent, adoptant un ‘cadre d’actions qui contribuerait à l’intégration
d’une véritable dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen’. Ainsi, même
si l’on peut aisément soutenir que l’Union pour la Méditerranée, mise en place à
Paris en juillet 2008, n’a rien apporté à la dimension sociale du Partenariat en tant
que telle, force est de reconnaître qu’elle a déclenché une nouvelle dynamique
dans ce domaine, en particulier depuis la Déclaration de Marseille des Ministres des
Affaires étrangères EuroMed, qui ont adopté la déclaration et l’agenda suivantes
sur la « définition d’une véritable dimension sociale » :
L’atelier consacré à la politique de l’emploi, qui s’est tenu en 2007, a permis de mieux
comprendre les enjeux actuels pour les marchés du travail et les politiques de l’emploi
dans un contexte de mondialisation, d’évolution technologique et de mutation
démographique. La première conférence des ministres de l’emploi et du travail, qui aura
lieu à Marrakech les 9 et 10 novembre prochains, sera une occasion unique de définir
une véritable dimension sociale dans le partenariat, fondée sur une approche intégrée
associant croissance économique, emploi et cohésion sociale. Les ministres feront le
point sur l’évolution de la situation socio-économique dans la région et examineront
des initiatives et des propositions concrètes visant à promouvoir la création d’emplois,
la modernisation des marchés du travail et le travail décent. Ils devraient approuver
un cadre d’action définissant des objectifs-clés en matière de politique de l’emploi,
d’employabilité et de perspectives d’emploi décent. Ce cadre concernera également
des questions horizontales essentielles, telles que le renforcement de la participation
des femmes au marché du travail, la non-discrimination, l’intégration des jeunes sur
le marché du travail, la transformation du travail informel en emplois réguliers et la
migration professionnelle. Les ministres chargés de l’emploi et du travail devraient
également approuver la création d’un mécanisme de suivi efficace incluant des
comptes rendus sur les progrès réalisés au niveau national ainsi que des échanges de
pratiques.
Le succès des politiques sociales et des politiques de l’emploi nécessite le concours de
toutes les parties concernées, en particulier des partenaires sociaux. Dans ce contexte,
il convient d’intensifier la coopération entre les partenaires sociaux dans la région
euro-méditerranéenne.
Les ministres réaffirment l’engagement qu’ils ont pris de faciliter la circulation légale
des personnes et reconnaissent que cela a une forte incidence sur la dimension sociale
du partenariat. À cette fin, les ministres chargent les hauts fonctionnaires de déterminer
les moyens de mettre en œuvre cet objectif.
() Conclusions :
http://ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1103_ministerielle_Euromed/Declaration_finale_
Union_mediterranee_FR.pdf.
14 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Malgré cette démarche globale, nous n’avons d’autre choix que de délimiter
notre champ d’action pour nous focaliser surtout sur les problèmes liés à l’emploi,
afin de les aborder avec la rigueur et la précision requises. Ceci ne signifie pas que
les autres domaines d’action, comme la sécurité sociale, l’éducation ou la lutte
contre la pauvreté, doivent être négligés, mais tout simplement que l’emploi est
reconnu comme le principal enjeu social de la région méditerranéenne au cours
des deux décennies à venir ().
() La définition est extraite du rapport d’information sur la « Dimension sociale des relations entre l’Union
européenne et les pays partenaires méditerranéens », publié par le Conseil économique et social européen
en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_
FIN_REV_RI_fr.doc).
() Cf. la contribution de Iván Martín ci-dessous, ainsi que celle de Martín, I. (2009), « L’emploi des jeunes
dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur » dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247-
250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf.
() S’agissant de ces tensions entre l’intégration économique et sociale et la dimension sociale de l’UE,
cf . Erdmenger, Katharina, Stefan Gran, Wolfgang Kowalski et Ursula Polzer (2009) : Die soziale Dimension
der EU. Binnenmarkt und faire Arbeitsbedingungen – ein Gegensatz?, International Policy Analysis, Friedrich
Ebert Stiftung. Toutefois, cette analyse se fonde sur une approche juridique qui est loin d’être pertinente au
regard du modèle actuel d’intégration euro-méditerranéenne sans fondement juridique commun.
16 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
(10) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique
européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/
pressdata/fr/ec/92224.pdf.
18 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
(11) Cf. Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens. 35 propositions
pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert,
(http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ).
(12) Pour une analyse de l’impact de la crise économique mondiale sur les pays arabes méditerranéens, cf.
le rapport FEMISE (2009) : Les Pays partenaires méditerranéens face à la crise, http://www.femise.org/PDF/
Femise_A2008-9fr.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 19
les limites du modèle économique actuel pour les pays développés et son manque
de potentiel comme moteur du développement des pays moins développés, y
compris ceux de la rive sud de la Méditerranée. Il est nécessaire que toutes les
parties prenantes et tous les acteurs sociaux participent à un large débat sur le
modèle économique, le rôle de l’Etat et des marchés, les investissements étrangers
et la libéralisation des échanges comme moteurs de croissance et sur les politiques
sociales. Le modèle européen de l’Etat providence (en dépit de ses échecs et de ses
carences observées dans une perspective européenne), caractérisé par un système
plus cohésif et redistributif, ainsi qu’un ensemble de droits économiques et sociaux
attachés à la citoyenneté et considérés comme faisant partie intégrante de la
démocratie, pourrait nous fournir quelques orientations à cet égard. La nécessité
d’intégrer les pays arabes méditerranéens dans la réponse européenne à la crise et
dans les nouveaux mécanismes de supervision qui ont été créés, constitue un autre
impératif, si tant est que les décideurs politiques veulent sérieusement honorer
leur engagement de créer une « zone de stabilité et de prospérité partagées » en
Méditerranée (le mantra du Partenariat euro-méditerranéen) ; au lieu de cela, l’UE
a géré la crise sans consulter d’une quelconque manière ses voisins du Sud. De
plus, les pays arabes méditerranéens ne se sont pas non plus consultés entre eux,
dans leurs réactions face à la crise, montrant ainsi l’inexistence de mécanismes de
partenariat efficaces. Quoiqu’il en soit, il ressort clairement pour les auteurs de cet
ouvrage que la réponse à la crise mondiale actuelle requiert plus, et non pas moins,
de partenariat dans l’espace euro-méditerranéen.
Proposition 1
Un débat à l’échelle régionale sur le modèle économique et le modèle
de relations économiques UE – pays arabes méditerranéens (PAM)
La crise a mis en évidence des dysfonctionnements profonds dans le modèle de
politique économique mis en œuvre dans les pays arabes méditerranéens au cours
des 20 dernières années. Il remet en question la sagesse conventionnelle sur des
questions telles que le rôle de l’État dans l’économie, ou le commerce extérieur et les
investissements directs étrangers en tant que principaux moteurs de la croissance.
Beaucoup considèrent la crise actuelle non pas comme un accident de parcours, mais
comme une panne systémique, un symptôme des contradictions internes du modèle
économique actuel. Un tel modèle a certainement entraîné une généralisation des
politiques macro-économiques saines et une bonne performance dans ce domaine
(notamment en termes d’inflation, de maîtrise du déficit public et même de croissance).
Mais la combinaison d’une libéralisation économique (et donc l’impératif de la
compétitivité) et l’ancrage du taux de change sur l’euro (empêchant les dévaluations)
rend la convergence des salaires exclusivement dépendante des hausses de productivité,
une voie très difficile pour des pays souffrant de systèmes éducatifs très inefficaces.
Le modèle économique axé sur les exportations à bas salaires, faibles impôts, barrières
peu élevées et une faible valeur ajoutée mis en oeuvre au cours des vingt dernières
années dans de nombreux pays méditerranéens ne semblent garantir ni la convergence
des revenues à long terme ni le niveau de création d’emplois requis par les tendances
démographiques des PAM. En effet, nous pouvons affirmer que la relation entre
la dynamique économique et démographique n’a pas été maîtrisée et que l’écart
20 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
de revenus entre les deux rives de la Méditerranée n’a pas été réduit au cours des
15 années du Partenariat euro-méditerranéen. Ainsi, un débat à grande échelle sur les
implications en matière de développement (et d’emploi) de ce modèle économique
n’a que trop tardé.
Ce débat doit également s’étendre au :
– modèle actuel des relations économiques nord-sud entre les deux rives de la
Méditerranée ;
– système actuel du Code du travail et de la protection sociale dans les pays
arabes méditerranéens, qui impose un degré élevé de rigidité et de coûts, mais qui,
curieusement, ne protège que faiblement la majorité des travailleurs, créant ainsi un
marché du travail à deux vitesses et fortement segmenté.
Le débat devra s’articuler à deux niveaux : au niveau national dans chaque pays arabe
méditerranéen – facilitant ainsi l’émergence d’un consensus social et politique sur les
politiques économiques et les réformes requises, lequel est loin d’exister dans grand
nombre de ces pays – et au niveau euro-méditerranéen, dans le but de dissiper le
sentiment que les politiques économiques sont souvent imposées par des organisations
financières internationales ou des pays développés. Tous les acteurs sociaux concernés
de la région euro-méditerranéenne doivent y être impliqués : les gouvernements et
organisations internationales, les partenaires sociaux, la société civile et les experts, tout
comme les groupes de réflexion, les collectivités locales et régionales, etc.
(13) Cf. Martin, Iván (2004) : « The Social Impact of Euro-Mediterranean Free Trade Areas : A First Approach
with Special Reference to the Case of Morocco », (L’impact social des zones de libre-échange euro-
méditerranéennes : une première approche avec une référence spéciale au Maroc) dans Mediterranean Politics,
vol. 9.3, automne 2004, p. 422-458.
(14) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=326&langId=fr. .
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 21
sur l’emploi des travailleurs les plus vulnérables et les moins qualifiés. Ses objectifs
ne pourraient être plus pertinents dans le contexte de l’établissement de la zone
de libre-échange euro-méditerranéenne ; en fait, il peut être considéré comme
la condition préalable à sa viabilité (cf. proposition 10) (15). Comme l’indique
le rapport du Conseil économique et social cité ci-dessus : « les sociétés civiles
peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans la gestion de l’impact social des
réformes économiques. Ceci étant, elles doivent être en mesure non seulement
de participer à la mise en œuvre des programmes gouvernementaux, mais aussi
à leur conception ».
– La promotion de l’emploi des femmes dans les pays arabes méditerranéens.
Les taux de participation à l’emploi dans les PAM sont les plus bas dans le monde :
seulement un habitant sur quatre parmi les 180 millions d’habitants de ces pays a
un emploi, ce qui donne un ratio de dépendance de 3 pour 1. Le principal facteur
expliquant cette situation est le taux de participation des femmes au monde du
travail le plus faible dans le monde : seule une femme en âge de travailler sur
quatre est sur le marché de l’emploi et une moyenne de 20 % d’entre elles sont
sans emploi. Ceci signifie une exclusion de facto des marchés de l’emploi de 85 %
des femmes en âge de travailler dans la région. La perte en termes d’investissement
éducatif qui en découle est énorme, pour ne pas mentionner la contrainte imposée
ainsi à leur droit à l’émancipation économique et sociale. Cependant, l’action du
Partenariat euro-méditerranéen dans ce domaine a été très faible (même si une
volonté politique plus forte semble émerger depuis la Conférence ministérielle
d’Istanbul de 2006) ; un plan d’action global pour réaliser des progrès dans ce
domaine est donc requis. La présente crise économique a touché la main-d’œuvre
féminine plus durement que les hommes, d’autant que leurs emplois sont souvent
plus précaires.
– La dimension sociale de la Politique européenne de voisinage. La PEV est
devenue le principal cadre de coopération bilatérale entre l’UE et les Pays arabes
méditerranéens. En tant que cadre de coopération basé sur la méthodologie
d’adhésion, la PEV a introduit nominalement dans la coopération entre l’UE et
les PAM toute une série de nouveaux aspects sociaux (dialogue sur la politique
sociale, politique de l’emploi, droits économiques et sociaux, ratification et mise en
œuvre des conventions internationales…). Mais la prise en compte effective de ces
aspects a été inégale dans les pays et, d’une manière ou d’une autre, très limitée
à ce jour. Au moment où les plans d’action de la première génération arrivent à
expiration et que la Commission prépare les nouveaux programmes indicatifs
nationaux pour 2011-2013, il est important de faire le bilan des instruments de
la PEV (documents de stratégie, rapports de progrès…) et de la manière dont les
questions sociales sont effectivement traitées dans le cadre de la PEV. L’extension
à tous les pays arabes méditerranéens des meilleures pratiques dans ce domaine
(comme le nouveau Programme bilatéral annoncé de modernisation du marché
(15) Il convient de noter que depuis 2006, l’UE a financé en Egypte un projet de placement des travailleurs
dans les industries textiles afin d’assister jusqu’à 5 000 travailleurs au chômage touchés par la privatisation
des entreprises textiles publiques et les reconvertir professionnellement.
22 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 2
Lancer un exercice annuel de suivi par la société civile des progrès
réalisés dans la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen
Par définition, le système de monitoring des politiques sociales et de l’emploi et des
performances dans ces domaines préconisé dans le présent document (cf. proposition
28) est de type intergouvernemental. Ceci étant, la société civile doit avoir son mot à
dire dans ce processus, en mettant le doigt sur les points faibles, en encourageant les
décideurs politiques à tenir leurs engagements et à prendre au sérieux la dimension
sociale, et en donnant une voix aux intérêts des citoyens. Par conséquent, au-delà du
Forum pour le dialogue social devant être formellement organisé (ou mis en place)
d’après la décision des Ministres du travail et de l’emploi, qui se concentrera sur
les aspects traditionnels du dialogue social, un élément essentiel de la dimension
sociale qui garantira une évaluation critique des progrès réalisés dans le domaine du
développement social sera le lancement d’un exercice annuel de suivi des progrès
réalisés dans le cadre de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen par
la société civile elle-même.
24 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Cet exercice pourrait être basé sur un rapport annuel sur la dimension sociale du
Partenariat euro-méditerranéen, rédigé par une équipe d’experts indépendants pour
évaluer l’évolution de la situation socio-économique des États-membres de l’UE et des
pays partenaires méditerranéens, l’état d’avancement et les progrès de la dimension
sociale du Partenariat (mise en œuvre des engagements, réalisation des objectifs,
etc.) et proposer de nouvelles pistes en vue de la développer plus en profondeur
(éventuellement en se concentrant sur un thème chaque année).
Ce rapport pourrait être discuté et validé lors d’une conférence annuelle des
représentants de la société civile et des partenaires sociaux, avant d’être publié et
transmis aux institutions euro-méditerranéennes (ministres, Secrétariat de l’UPM,
Parlement européen et Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne…). La
supervision du processus (sélection de l’équipe d’experts, la matrice de l’analyse,
l’organisation de la conférence, etc.) relèverait de la responsabilité d’un «comité de suivi
de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen », composé de représentants
de la société civile organisée (Plate-forme NG EuroMed et ses membres), syndicats
et organisations professionnelles et conseils économiques et sociaux et institutions
similaires (18).
Une telle évaluation annuelle ne serait pas très coûteuse : elle pourrait être réalisée avec
un budget qui ne dépasserait pas 200 000 € par an (pour deux réunions annuelles du
comité de suivi, la production et la diffusion du rapport et l’organisation de la conférence
annuelle), soit un tiers du coût d’une conférence ministérielle ordinaire et une fraction
du budget de la plupart des programmes thématiques régionaux soutenus par l’UE
dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat.
29 +1 propositions
Les questions devant être abordées dans cet ouvrage ont été convenues par
la Fondation Friedrich Ebert et le bureau de la Plate-forme non gouvernementale
EuroMed et le coordinateur de cet exercice. Pour garantir la cohérence sur
l’ensemble des six contributions et procéder à un test initial des propositions qui
y sont formulées, la FES a organisé un séminaire, le 30 septembre 2009 à Rabat,
au cours duquel des représentants de la Fondation et de la Plate-forme non
gouvernementale EuroMed, ainsi qu’une sélection d’experts, ont discuté de ses
six contributions (19). Les deuxièmes versions de celles-ci qui en ont découlé
ont été présentées et discutées lors d’ateliers thématiques organisés dans le cadre
du séminaire « Vers une véritable dimension sociale du PEM : la contribution de la
(18) Dans le rapport d’information sur « La dimension sociale des relations entre l’Union européenne et les
pays partenaires méditerranéens » publié par le Comité économique et social européen et un groupe de
travail des comités économiques et sociaux méditerranéens en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/
euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_FIN_REV_RI_en.doc), une proposition avait
déjà été formulée sur « la création d’un réseau pour procéder au suivi de la dimension sociale des relations
de l’UE avec les PPM, dans lequel seraient représentés les institutions concernées, les conseils économiques
et sociaux et organisations de la société civile des PPM ainsi que leurs organisations ».
(19) Les participants à cette réunion étaient ; Ulrich Storck, Abdelmaksoud Rachdi, Ivan Martin, Larabi Jaïdi,
Abdellah Shehata Khattab, Souad Triki, Abdelhamid Magdy, Merin Abbass, Abdelkader Azria, Aisha Belarbi,
Mohamed Benhammou, Hocine Bensaid, Mourad Errarhib, Julia Galaski, Ihssan Iraqui, Riad Al Khouri, Hamid
Lamris, Abdellah Saaf et Abderrahim Sakhi.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 25
société civile », organisé au Caire les 31 octobre et 1 novembre 2009 par la Plate-
forme non gouvernementale EuroMed, avec le soutien de la Fondation Friedrich
Ebert et de la Commission européenne. Quelques 70 participants ont discuté
les propositions des experts au nom des organisations de la société civile euro-
méditerranéenne.
Le présent ouvrage est le résultat de ce processus. Il s’articule autour de
30 propositions numérotées dans l’ordre, en commençant par les propositions 1
et 2 de cette Introduction et mises en évidence dans les différentes contributions
dans des encadrés. Elles s’adressent principalement aux gouvernements des
États membres de l’UE et des pays partenaires méditerranéens et aux institutions
européennes, mais aussi à la société civile et aux partenaires sociaux eux-mêmes
(des propositions comme la proposition 2 : suivi de la dimension sociale par la
société civile ou la proposition 11 : plaidoyer et campagne en faveur de l’égalité,
ne requièrent pas d’action gouvernementale pour être mises en œuvre) et même
aux experts, qui ont un rôle important à jouer dans tout ce processus.
Par souci de visibilité, les 30 propositions ont été classées en six niveaux
d’intervention : le niveau structurel (propositions liées au cadre d’action au
sein du Partenariat euro-méditerranéen), le niveau des principes du partenariat
(cf. ci-dessus), le niveau institutionnel (propositions relatives au cadre institutionnel
requis pour élaborer une véritable dimension sociale), les interventions politiques
(c’est-à-dire les propositions d’action directe en vue de relever les défis sociaux
dans la région), le suivi et, enfin la conjoncture (c’est-à-dire, les propositions visant
à surmonter les problèmes de transition ou de compensation pour les effets
transitoires des actions structurelles). Le tableau ci-dessous donne un aperçu de
toutes les propositions formulées dans le cadre de ce projet et qui sont précisées
et discutées plus en détail dans les différentes contributions thématiques. Douze
propositions ont été mises en évidence dans le tableau pour souligner leur
importance en tant que tremplins et pierres angulaires de la dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen.
Dans l’ensemble, ces 30 propositions constituent un programme ambitieux
de développement de la dimension sociale du Partenariat. Il semble évident
que le choix des propositions aurait pu être différent et que la pertinence de
l’une ou l’autre pourrait être remise en question. Certaines peuvent manquer.
Quoiqu’il en soit, chacune d’entre elles devrait être l’objet d’une analyse de
faisabilité technique plus poussée avant de pouvoir être mise en œuvre. Mais
le mérite de ce projet consiste à brosser un premier aperçu des composantes
requises pour développer une véritable dimension sociale, telle que décidée par
les ministres EuroMed et, finalement, à donner aux acteurs et décideurs politiques
quelques idées sur la manière de procéder. Un premier plan d’action pour le
développement de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen est
ainsi soumis au débat public et mis à la disposition des acteurs de la société
civile et des partenaires sociaux en vue d’un lobbying public (à la fois dans les
institutions de l’UE et dans les gouvernements européens et des pays partenaires
méditerranéens). Cet ouvrage fournisse aussi une grille de base pour évaluer les
progrès réalisés dans le développement de la dimension sociale du Partenariat
26 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
est également fournie (et le prochain Forum civil EuroMed qui se tiendra à
Alicante, Espagne, en mai 2010 sera une bonne occasion pour procéder à une
première évaluation).
Notre analyse a évité, à dessein, de mettre l’accent sur la question des
ressources financières : la plupart de nos propositions sont liées à des processus,
des institutions et des politiques et non à des moyens supplémentaires. Mais cela
ne devrait pas nous faire oublier que la création d’un espace euro-méditerranéen
de sécurité et de prospérité partagées est irréalisable sans mise en place
progressive de mécanismes de redistribution des revenus au niveau régional
(comme ceux mis en place dans l’UE grâce à la politique régionale de l’Union)
et sans une augmentation « substantielle » de l’assistance financière aux pays
arabes méditerranéens, pour utiliser le terme réitéré à maintes reprises dans la
Déclaration de Barcelone de 1995, dans le document fondateur de la PEV de 2003
et dans le Document conjoint UE – Maroc sur le Statut avancé de 2008. Les niveaux
actuels de coopération financière de l’UE dans la région, malgré leur montant
appréciable en termes absolus (près de 1 milliard d’euros par an plus des crédits
de la Banque européenne d’investissements, d’un montant supplémentaire de
2 milliards d’euros) sont, en fait, très modestes en termes par habitant (environ
5 euros par habitant et par an), et ne sont certainement pas suffisants pour assurer
une cohésion économique sur les deux rives de la Méditerranée. Compte tenu
de ce niveau de ressources, il n’est guère réaliste de viser des transformations
économiques structurelles. Dans le contexte plus développé de l’UE, de telles
transformations structurelles d’envergure absorbent des ressources de l’ordre de
200 € par an et par habitant en fonds structurels alloués par le budget de l’UE aux
régions les moins développées dans ses frontières. Le débat autour de la faisabilité
politique de la mobilisation de ressources aussi considérables sur fond de crise
économique et précisément au moment où le budget de l’UE tend à se contracter
et non pas à croître, devrait être placé dans le contexte de l’analyse du « coût du la
non-Euroméditerranée », tout comme au début des années 1980, le marché unique
européen était appuyé par le rapport Ceccini sur les « coûts de la non-Europe » ;
l’Europe a fait preuve d’une remarquable capacité à mobiliser ses ressources dès
lors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental et la question réelle n’est pas tant de savoir
si des ressources sont disponibles, mais si les politiques comprennent que l’avenir
de l’Europe est étroitement lié à celui de la Méditerranée, comme en font souvent
état les discours publics.
En lisant ces propositions, vous constaterez qu’en fait, nous n’en avons formulé
que 29 et non pas 30. Il ne s’agit pas d’une erreur ou d’un manque d’idées, mais
d’un appel à toutes les parties prenantes, les décideurs politiques, les acteurs de la
société civile, tout comme aux citoyens, qui sont les plus directement touchés par
la dimension sociale du Partenariat EuroMed, afin qu’ils formulent leurs propres
propositions. Dans l’espace euro-méditerranéen, il y a un déséquilibre récurrent
entre le montant (élevé) de ressources consacrées à l’analyse et le nombre (limité)
de propositions politiques concrètes mises en circulation. Le principal effort de ce
projet était, en partie, de compenser ce déséquilibre.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 27
Pour finir, mes vifs remerciements s’adressent à Larabi Jaidi, Abdallah Khattab,
Erwan Lannon, Kinda Mohamadieh et Souad Triki, les cinq experts qui ont contribué
à cet ouvrage, à Julia Galaski de la FES à Rabat, pour les rapports qu’elle a rédigés
sur les réunions de Rabat et du Caire. Il m’importe également de souligner la
contribution, tout au long du projet, d’Abdelmaksoud Rachdi, Président de la
Plate-forme non gouvernementale EuroMed et d’Ulrich Storck, Représentant
Résident de la Fondation Friedrich Ebert au Maroc. En travaillant avec eux tous
au cours de ces mois, j’ai approfondi ou développé avec eux une relation d’amitié
au-delà des frontières, des cultures et des générations. C’est certainement un
moyen de contribuer aussi, à un niveau micro, aux objectifs du Partenariat euro-
méditerranéen.
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30 propositions pour définir une véritable dimension sociale dans le Partenariat euro-méditerranéen
Principes de Interventions
Structurelles Institutionnelles Suivi Conjoncture
partenariat politiques
Introduction
En 2008 (), l’économie mondiale a connu une crise financière et économique
sans pareille en envergure et en ampleur. Bien que la crise actuelle ait été
déclenchée par des évènements aux marchés de l’immobilier aux Etats-Unis et en
Europe, elle s’est étalée dans toutes les régions du monde accompagnée par des
conséquences directes sur le commerce mondial, l’investissement et la croissance.
Les pays développés et en développement ont commencé à connaître un
ralentissement économique considérable. Il est prévu que la croissance mondiale
se ralentisse de 3,4 % en 2008 à 0,5 % en 2009, chutant de la vitesse robuste de 5 %
maintenue tout au long des quatre années précédentes. La production industrielle
a chuté précipitamment dans l’ensemble de l’économie mondiale, dans un déclin
de quelques 15-20 % dans le dernier trimestre de 2008 ; de même les exportations
des marchandises ont baissé de quelque 30-40 % ().
La chute de la demande mondiale a provoqué un effondrement des prix des
marchandises. Les prix du pétrole ont baissé de plus que 60 % après avoir atteint
leur point culminant en juillet 2008, bien qu’ils demeurent en réalité plus élevés
qu’aux années 90. Le coût de base du pétrole selon le FMI prévoit une chute de 50 $
par baril en 2009 et 60 $ en 2010 (). De même, les prix des denrées alimentaires
et des métaux ont décliné de 35 % et 50 % respectivement en dessous de leurs
points culminants enregistrés en mars 2008.
On peut soutenir que l’impact de la chute des demandes extérieures a été plus
vaste en Europe qu’au-delà de l’Atlantique et que les politiques de relance ont
été plus lentes et modérées. Un rétrécissement de 2 % en 2009 et une croissance
légèrement positive en 2010 () sont attendus dans la zone euro.
* Maître assistant au département d’économie, Faculté d’Economie et des Sciences Politiques, Université du
Caire. email : abdouk95@yahoo.com. L’auteur souhaite remercier Mlle Esraa Ahmad et M. Amgad Hegazy
pour leur soutien précieux.
() La crise financière a paru en 2007 et s’est aggravée considérablement en automne 2008.
() Perspectives du monde économique, 2009.
() Ces prévisions font l’objet d’une révision régulière.
() La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale dans les pays voisins de l’UE ».
Direction générale des affaires économiques et financières, Etudes occasionnelles, 48.
30 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() Ibid.
() Nations Unies, Conseil Economique et Social, Commission Economique pour l’Afrique (2009). « La crise
financière mondiale : impact, réactions et perspectives d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire.
() Ibid., note de bas de page 4.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 31
L’impact de la crise sur les pays voisins de l’UE a été canalisé à travers des
moyens directs et indirects. Les voisins de l’UE ont été particulièrement atteints
par la chute spectaculaire des échanges mondiaux, de la décrue des transferts de
l’étranger, de la hausse des coûts financiers, de la montée des incertitudes, de la
chute des apports en crédits et capitaux et de la balance des paiements, etc. On
estime que l’impact sur les voisins de l’UE peut être observé à travers trois canaux
principaux : celui du commerce, des cours des produits de base et des transferts
financiers. Les échanges des voisins de l’UE ont été négativement affectés, au
moment où la crise a affaibli la demande mondiale et partant leurs exportations.
La chute des cours des produits de base a non seulement diminué les recettes
d’exportation de nombreux pays méditerranéens, mais, une fois contenue par
des vulnérabilités sous-jacentes, a également conduit à de graves corrections à la
baisse des marchés boursiers et des cours de change. Finalement, les partenaires
méditerranéens de l’UE ont subi une influence négative en raison d’un ensemble
de canaux de transferts financiers, notamment la réduction de l’afflux des capitaux
et les corrections des cours sur les marchés boursiers ().
Cependant, l’intégration relativement faible des économies euro-
méditerranéennes dans l’économie mondiale ainsi que leurs liens encore plus
faibles avec le système financier mondial ont, en quelque sorte, protégé les pays
arabes méditerranéens partenaires de l’UE des conséquences sévères de la crise.
Ils sont susceptibles de souffrir des effets secondaires résultant de la baisse de
l’afflux des capitaux, et de s’enfoncer davantage dans la pauvreté et la hausse du
chômage. Les pays voisins de l’UE, qui sont importateurs de pétrole (dont le Maroc,
la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban) ont tardivement subi l’impact
de cette crise. Les économistes prévoient que la pression augmentera tout au long
de l’année 2009, vu que les principaux secteurs de ces pays souffrent des effets
de la baisse des transferts de fonds qui représentent une source importante des
recettes de ces pays (). On pense aussi que ces pays vont subir une baisse générale
des investissements directs étrangers et une décrue des recettes du tourisme
– notamment la Jordanie et le Maroc, où le tourisme international a représenté
respectivement 10 et 9 pour cent du PIB en 2008. Les transferts de fonds se sont
élevés à 33,7 milliards de dollars US dans les pays importateurs de pétrole au Moyen
Orient en 2008, soit 8 % du PIB au Maroc, 14 % en Jordanie et un pourcentage
remarquable de 20 % au Liban. On s’attend à ce que ces montants chutent de
33,7 milliards de dollars en 2008 à 29 milliards de dollars en 2009. Malgré la légère
baisse des transferts, les effets d’une telle baisse, combinés à une chute prévue
de 11 milliards de dollars dans les investissements directes étrangers dans ces
économies de 2008 à 2009, risquent d’être douloureux pour les ménages (10).
() ODI, 2008 « La crise financière mondiale et les pays en développement », informations de base, Overseas
Development Institute.
() Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante »,
Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban. (Saif, I and Choucair,
F. (2009). « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic Crisis », Carnegie Endowment for
International Peace, Middle East program, Lebanon).
(10) Ibid. note 9.
32 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Sources : Perspectives économiques mondiales (2009), (…) « Chiffres préliminaires ». Les parties en gris indiquent les projections.
34 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Tableau 2
Un exemple des réponses politiques à la crise par les pays arabes
méditerranéens partenaires de l’UE
Pays méditerranéen Mesures de facilitation monétaire Surveillance des liquidités Mesures fiscales
Egypte ✔ ✔ ✔
Jordanie ✔ ✔
Liban ✔
Syrie ✔ ✔
Maroc ✔ ✔ ✔
Tunisie ✔ ✔ ✔
Source : Le Ministère des Finances (Egypte), Article IV, Rapports de consultation, Saif, moi et Choucair, F.
(2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante », Fondation Carnegie pour la
Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban.
Les résultats préliminaires indiquent que les mesures prises par les arabes
méditerranéens partenaires de l’UE ont permis à ces pays de mieux résister que
d’autres à la crise dans le court terme. Bien que sur le long-terme, les effets de la
récession pourraient créer les conditions d’une instabilité politique et sociale. Ce qui
nous pousse à demander si les instruments et les moyens fournis par le partenariat
de l’UE offrent des moyens susceptibles d’aider ces pays à réduire les effets de la
crise. Dans le chapitre suivant, cet article examinera le cadre du Partenariat euro-
méditerranéen (PEM) en vue d’évaluer cette possibilité.
et politique des capacités de négociation inégales entre l’UE et les pays voisins.16
Tandis que la PEV et ses plans d’action prévoient des exigences en matière de
libéralisation et de et de réforme qui vont parfois au-delà des politiques adoptées
au sein de l’UE elle-même, alors que les pays arabes méditerranéens partenaires
eux-mêmes (17) pensent que le partenariat avec l’UE est un moyen de développer
de fortes relations commerciales et économiques susceptibles de renforcer les
relations entre les deux parties. Ainsi, ils souhaitent établir un climat plus favorable
au sein duquel ils pourront augmenter leurs exportations aux marchés de l’UE et
d’œuvrer ensemble à attirer davantage d’investissements du nord vers le sud.
l Deuxièmement, le degré de développement du processus euro-
des fonds alloués à la coopération bilatérale est marginale, car les pays
méditerranéens doivent encore passer par un long processus pour restructurer
leurs économies afin d’être à la hauteur des normes des politiques et structures
économiques de l’UE. En effet, les cadres de financement prévus pour le soutien au
processus de réforme des partenaires de l’UE y compris les structures économiques
(16) Hall, D. (2009), « Politique de voisinage de l’UE : Implications pour les services publics et les syndicats,
Rapport commandé par la FSESP, disponible à www.epsu.org
(17) Le gouvernement égyptien, « Partenariat euro-méditerranéen : Perspective égyptienne », disponible à
www.cabinet.gov.eg
(18) Ibid., note 16.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 37
(21) Outre les facilités offertes par les instruments de la PEV, ils sont soumis à des activités d'autres
institutions multilatérales qui promeuvent la libéralisation de l'économie, tels ceux de la Banque Mondiale,
le Programme PPMI : Programme de participation du secteur privé aux infrastructures méditerranéennes
(rejoint par la BM/CE), et les agences de l'ONU y compris la Commission Economique pour l’Europe des
Nations Unies (UNECE), le PNUE, et le PNUD.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 39
Proposition 3
Elaboration d’un cadre stratégique de réforme comprenant
un filet de sécurité euro-méditerranéen
Bien que les plans d’actions de la PEV énumèrent la série des réformes requises
des partenaires arabes méditerranéens, il manque un cadre stratégique capable
de façonner ces réformes. Par conséquent, il est nécessaire de disposer d’un cadre
stratégique qui trace le chemin de la réforme en termes de politiques, de timing
et de moyens, etc. Un tel cadre pourra aider les partenaires méditerranéens à se
conformer aux normes de l’UE et à développer leur tissu économique et social.
Pour réussir, ce cadre doit :
1. adopter une approche graduelle dans la mise en œuvre des réformes ;
2. prendre en considération tous les résultats du processus de restructuration
et du soutien requis ;
3. mettre au point un ensemble de mécanismes et d’instruments qui ciblent
les conséquences sociales négatives du processus de la réforme.
La mise en place d’un filet de sécurité euro-méditerranéen est une condition
sine qua non pour assurer un soutien au processus de réforme dans la région.
Ce mécanisme permettra aux partenaires méditerranéens d’atténuer les impacts
sociaux négatifs qui accompagnent la restructuration du tissu économique des
partenaires méditerranéens. L’instauration d’un système d’assurance contre le
chômage semble être un outil primordial à cet effet, étant donné que la crise a
révélé la gravité des effets sociaux sur les ménages en raison de l’absence d’un tel
système chez les partenaires méditerranéens.
40 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 4
Initiation d’un système d'alerte économique précoce
dans la région
Proposition 5
Mise en place d’un fonds anti-crise
Ce fonds doit être conçu pour fonctionner comme un mécanisme par lequel
les partenaires méditerranéens peuvent atténuer une crise lorsqu’elle se manifeste,
ce qui aidera à contrecarrer les crises liées aux taux de change, à la balance des
paiements, l’alimentation, l’énergie, etc. Il peut également cibler la probabilité
de crises futures pendant que la réforme continue. Ce fonds devrait être en
concordance avec le système d'alerte précoce qui doit être établi. Pour ce qui est
du financement, les deux parties sont appelées à y contribuer. Toutefois, la part
de l’UE devrait être au moins de 80 % et pour les partenaires méditerranéens, le
montant reçu dépendra de la part de chaque partenaire.
Conclusion
Cet article a examiné l’impact de la crise financière mondiale sur les relations
économiques entre l’UE et les partenaires méditerranéens dans le but de mettre
en relief une première série d’outils susceptibles de fructifier les efforts menés au
sein même du cadre de partenariat. L’article soutient que, selon l’UE, l’aggravation
de la crise financière et économique mondiale souligne la nécessité pour les pays
partenaires de maintenir le rythme des réformes économiques et d’éliminer les
mesures nuisibles au commerce, alors que les partenaires euro-méditerranéens
appellent à un appui financier significatif.
L’analyse indique que l’UE peut contribuer de manière plus efficace à
l’atténuation de l’impact de la crise sur les partenaires méditerranéens à travers
un ensemble de mesures à court et long terme. A court-terme, l’UE devra fournir
un soutien financier et institutionnel significatif aux pays méditerranéens. Le
soutien financier paraît primordial pour ceux des pays partenaires qui souffrent
des contraintes budgétaires difficiles.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 41
Références
Achy, L. (2009), « Le Maghreb et la crise économique mondiale : où se termine le
tunnel ? », Bulletin économique international.
Hall, D. (2009), « Les implications de la politique de voisinage de l’UE pour les
services publics et les syndicats », un rapport de la Fédération des syndicats
européens des services publics (FSESP), disponible sur www.epsu.org
La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale sur les pays
voisins de l’UE ». Direction générale des affaires économiques et financières,
Documents occasionnels 48.
Le FMI, Article IV du FMI Rapports de consultation pour l’Egypte, le Maroc, le Liban,
la Tunisie et la Jordanie. (Dernier rapport disponible pour chaque pays).
FMI (2009), Perspectives économiques mondiales 2009.
Ministère du développement économique (Egypte), Rapport de suivi, disponible
au : www.moed.gov.eg.
ODI, (2008), « La crise financière mondiale et les pays en développement », Note
d’information, Overseas Development Institute.
Radwan, S. et Reiffers, J. L., (2005) « Le Partenariat euro-méditerranéen, 10 ans
après Barcelone : Réalisations et Perspectives », disponible au http ://www.
femise.net
Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise
économique croissante », Fondation Carnegie pour la Paix Internationale,
Programme du Moyen-Orient, Liban.
Nations Unies, Conseil économique et social, Commission Economique pour
l’Afrique (2009). « La crise financière mondiale : impact, réactions et perspectives
d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire.
Liens internet :
http ://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/index.htm
http ://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do
“EuroMed Partnership : Egyptian Perspective”, Egyptian Cabinet, available at
www.cabinet.gov.eg
www.mof.gov.eg,
www.cabinet.gov.eg
www.moed.gov.eg
www.imf.org
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne
2010 : enjeux, défis et propositions relatifs
à l’emploi dans les pays de la rive Sud
de la Méditerranée
Kinda Mohamadieh *
I. Introduction
L’Union Européenne (UE) et les pays partenaires méditerranéens (PPM) se sont
réunis en 2005 à l’occasion du 10e anniversaire de la Déclaration de Barcelone
du Sommet euro-méditerranéen (1995). Lors de ce sommet, les PPM et l’UE ont
développé un Programme de travail quinquennal () au titre duquel le travail et
la création d’emplois ont été placés au cœur des objectifs à traiter dans le domaine
du « développement et de la réforme socio-économiques durables ».
Un des objectifs du programme de travail quinquennal est d’œuvrer « en vue de
la création de plus de possibilités d’emploi pour le nombre croissant de jeunes dans la
région, de réduire les taux de pauvreté régionale, de combler le fossé de la prospérité et
d’accroître les taux de croissance du PIB ». Dans le programme, cet objectif est associé
à des mesures visant à renforcer une feuille de route pour la création d’une zone
de libre-échange euro-méditerranéenne (ZLEEM) à l’horizon 2010, y compris la
libéralisation progressive des échanges dans le domaine de l’agriculture (). Ceci
comprend également la libéralisation progressive des échanges dans le domaine
des services, en tenant compte du Protocole Cadre non contraignant adopté à
Istanbul en 2004 ().
Ce programme est considéré par les pays partenaires comme une étape franchie
sur la voie de l’opérationnalisation des approches politiques adoptées par le
Partenariat euro-méditerranéen (PEM) lancé par le processus de Barcelone en
1995. Le PEM vise une approche globale par l’intégration de trois pistes majeures :
le dialogue politique et la sécurité, les relations économiques et la coopération
* Réseau des ONG arabes pour le développement (ANND). Remerciements à Bihter Moschini et Omar Seoud
de l’ANND pour l’aide apportée dans la collecte des données et l’élaboration des graphiques.
() http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/summit1105/five_years_en.pdf.
() Le programme couvre le développement rural et la productivité et qualité dans l’agricultural, ainsi que
le développement durable. Il comprend les produits agricoles transformés et de la pêche, avec une série
d’exceptions convenues et de calendriers de mise en œuvre progressive et asymétrique dans le secteur de
l’agriculture, tenant compte des différences et caractéristiques des secteurs agricoles des pays et abordant
des aspects non tarifaires de la libéralisation des échanges dans l’agriculture.
() Extrait du texte du programme de travail quinquennal ; veuillez vous référer au document pour
davantage de détails sur les autres questions soulignées dans ce chapitre.
44 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
sur les aspects sociaux, culturels et humains (). Le PEM a associé ces objectifs à
la réalisation d’une zone de libre-échange commune (connue aujourd’hui sous
l’acronyme ZLEEM), aux côtés de la coopération économique et de l’assistance
financière, comme principaux outils.
Dans ce contexte, huit pays arabes ont conclu des accords d’association (AA) avec
l’UE, à savoir l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité Palestinienne, la
Tunisie et la Syrie (plus de détails sur le type d’accord et les dates y afférentes figurent
au tableau 1). Il est prévu d’établir une zone de libre-échange entre l’ensemble
des membres du PEM (15 pays membres de l’UE initialement parties à l’accord,
12 nouveaux pays membres de l’UE après les derniers élargissements de 2004 et
de 2007 et 10 pays de la rive Sud de la Méditerranée) à l’horizon 2010. Jusqu’ici,
ces accords prévoient la libéralisation de la circulation des marchandises et une
augmentation des fonds d’aide accordée dans le cadre de la coopération. La
libéralisation des marchandises au titre des AA a été axée sur les partenaires du Sud,
dans la mesure où l’UE avait déjà accordé à ceux-ci un accès préférentiel à ses marchés
dans le cadre d’accords précédemment conclus dans les années 1970. Par ailleurs, des
négociations sur la libéralisation des services sont actuellement en cours au niveau
bilatéral. Les AA ne portaient que sur une libéralisation partielle dans le secteur
agricole, mais la libre circulation des personnes n’y est pas encore prévue. ()
Tableau 1
Accords d’association UE – PPM au titre de le ZLEEM
Bien que l’agenda commercial des pays du PEM ait été actif et que ses
processus soient efficaces en termes de négociation et de ratification des accords
() Au titre de ses objectifs économiques et financiers, le PEM est axé sur le développement socio-
économique durable, l’amélioration des conditions de vie, la hausse de l’emploi et la réduction du fossé de
développement dans la région euro-méditerranéenne.
() L’accord d’association UE-Syrie a été paraphé le 14 décembre 2008, avec des négociations couvrant les
échanges de biens et de services entre la Syrie et l'UE.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 45
d’association, les politiques de l’emploi n’ont pas fait l’objet d’autant d’attention à
l’échelon régional. En effet, ce n’est qu’en 2008 que les Ministres de l’emploi et du
travail des pays euro-méditerranéens se sont rencontrés au Maroc, pour la première
fois depuis le démarrage du processus de Barcelone. Leurs travaux ont réitéré le
contenu du programme de travail quinquennal EuroMed.
Dans leurs conclusions, les Ministres de l’emploi ont lancé un appel timide à
la prise en compte de l’impact social et en matière d’emplois d’une éventuelle
zone de libre-échange () et ont prôné « une approche intégrée combinant de
manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale,
sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et de formation ». Un
des objectifs au cœur du cadre d’action EuroMed inclus par les Ministres était « de
créer un nombre considérable d’emplois » qu’ils jugeaient « nécessaires pour réduire le
chômage », mis à part l’amélioration de l’employabilité, ainsi qu’un « investissement
dans le capital humain » et la « promotion du travail décent » ().
Ce document traitera de l’interface entre les agendas « commerce » et « emploi »
dans la région EuroMed. Dans un premier temps, il mettra en exergue les défis de
l’emploi dans les PPM arabes et l’importance de prendre en compte l’impact des
accords commerciaux sur l’emploi et les marchés du travail. Ensuite, il discutera
des enjeux et défis induits par la libéralisation des secteurs de l’agriculture et
des services sur l’emploi dans les PPM arabes. Il conclura par cinq propositions
susceptibles de stimuler la prise en compte de l’emploi dans les négociations, les
évaluations et les révisions de la ZLEEM.
l’exclusion de l’Egypte) jusqu’à huit millions environ dans la région d’ici la fin de
l’année ().
Dans l’ensemble, même pendant les années de croissance régulière, le chômage
a été élevé et à la hausse dans la région arabe. Ceci tend à montrer le manque de
redistribution des gains économiques dans les activités économiques durables
génératrices d’emplois Par conséquent, on peut en déduire que la croissance
économique et les outils politiques qui la sous-tendent (y compris la libéralisation du
commerce) n’ont pas réussi à traiter les problèmes de limites de la région en matière
de création d’emplois, augmentant ainsi les instabilités politiques et sociales. De
plus, les pays de la région n’ont pas été en mesure de développer des structures de
coopération intrarégionales efficaces, susceptibles de contribuer à réduire la pauvreté
et le chômage (10). Plusieurs facteurs font des taux de chômage à la hausse l’une
des principales préoccupations à la lumière de la crise mondiale, notamment :
(1) les taux de natalité élevés et les populations relativement jeunes de la région, ce
qui signifie que de nombreux nouveaux diplômés et jeunes quittant les bancs de
l’école entrent sur le marché du travail avec des perspectives qui s’amenuisent et
(2) la concentration de l’activité économique dans des secteurs à faible capacité de
création d’emplois, comme ceux de l’immobilier et des finances (11).
() Rapport sur les tendances mondiales de l’emploi de l’OIT (2007). Le rapport fait état d’une très forte
croissance de la main-d’œuvre dans la région arabe, avoisinant les 3,7 % annuellement entre 2000 et 2005.
En 2005-2007, le taux de chômage a dépassé la barre des 13 %, alors que le chômage des jeunes dans les
pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est estimé le plus élevé dans le monde, autour de 25,7 % en
2003 selon les estimations de l’OIT (de 46 % en Algérie à 6,3 % aux Emirats Arabes Unis). II convient de
noter que ces données officielles cumulées sous-estiment probablement le taux de chômage général qui
prévaut dans la région et masquent également les taux plus élevés des pays plus pauvres comme l’Egypte,
où un taux de 20 pour cent signifierait plus de 10 millions de citoyens au chômage et à la recherche d’un
emploi. L’emploi dans les PPM a enregistré une hausse d’un peu moins de 1 % par an entre 1994 et 2004.
Ce taux, combiné à la dynamique démographique devrait générer quelques 1 million et demi de nouveaux
chômeurs tous les ans. Référence : Ivan Martin, « In Search of Development along the Southern Border :
The Economic Models Underlying the Euro-Mediterranean Partnership and the European Neighbourhood
Policy. »
(10) D’après Hoekman et Sekkat (ERF paper ; « Deeper integration of goods, services, capital, and labour
markets »), la région est caractérisée par une intégration limitée des marchés de produits, mais les flux
de capitaux et de main-d’œuvre sont importants et peuvent avoir un potentiel plus important que les
échanges traditionnels de produits (manufacturés) pour égaliser les prix de production.
(11) Kinda Mohamadieh et Oliver Pearce ; « Facing Challenges of Poverty, Unemployment, and Inequalities
in the Arab Region. Do Policy Choices of Arab Governments Still Hold after the Crisis? » ; un article du réseau
des ONG arabes pour le développement ANND et l’Aide Chrétienne (juin 2009).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 47
des travailleurs migrants (12). Il n’en demeure pas moins que les préoccupations en
matière d’emplois n’ont pas été intégrées dans les politiques commerciales menées
par les pays arabes et dans la région euro-méditerranéenne dans son ensemble. Les
décideurs des politiques du commerce et du travail ne se mélangent et ne dialoguent
pas souvent entre eux ; une telle interaction au niveau EuroMed n’est jusqu’à présent
pas intervenue. De plus, la politique commerciale, pour sa part, a été relativement
bien développée dans la région EuroMed, compte tenu des progrès enregistrés dans
la conclusion des AA méditerranéens, alors que les politiques en matière d’emploi,
pour leur part, n’ont pas été discutées et développées avec efficacité au niveau
régional. Le Cadre d’action des Ministres de l’emploi (intégré dans la déclaration
des Ministres de l’emploi à l’issue du Sommet des ministres de l’emploi et du travail
de novembre 2008) pourrait être un pas dans cette direction. Par ailleurs, alors que
la politique de l’emploi de l’UE est relativement bien développée dans les pays
membres et au niveau communautaire, les pays partenaires méditerranéens arabes
n’ont pas discuté de manière appropriée de politiques de l’emploi communes, en
dépit d’une mobilité importante de la main-d’œuvre dans la région.
Au niveau mondial, les questions relatives au commerce et à l’emploi sont de
plus en plus débattues, à la suite de l’engagement croissant des syndicats dans les
questions commerciales et l’état d’avancement du système commercial mondial.
Depuis les manifestations de Seattle contre l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC), cet engagement s’est renforcé et couvre notamment l’impact des accords de
l’OMC ainsi que les accords commerciaux bilatéraux et régionaux. En 2007, l’OMC et
l’OIT ont publié le premier rapport commun intitulé « Le commerce et l’emploi : un
défi pour la recherche sur les politiques » (13). Ce rapport a couvert plusieurs
aspects de la discussion multidimensionnelle, y compris l’impact du commerce sur les
niveaux de revenu et les inégalités de salaire, l’impact du commerce sur la création et
la destruction des emplois, le commerce et la demande de différents types d’emploi,
l’impact sur la demande en main-d’œuvre ou le pouvoir de négociation des salariés
et le rôle des syndicats, la réforme du commerce et le secteur informel.
La discussion sur les politiques commerciales et du travail à l’échelle mondiale
ne s’est pas faite sans complications ; alors que les pays industrialisés ont accusé les
pays en développement d’exploiter des normes de travail limitées et de restreindre
les droits des travailleurs dans leurs processus de production pour avoir un avantage
compétitif, les pays en développement ont accusé les pays industrialisés d’utiliser
les droits des travailleurs comme mesure protectionniste pour les empêcher
d’accéder aux marchés. De plus, les liens entre le droit commercial international et
le droit international du travail ont également été controversés. Dans l’ensemble,
les détracteurs de la libéralisation des échanges lui ont reproché d’être à l’origine
de la montée du chômage et de l’inégalité des salaires dans les pays avancés,
de l’exploitation accrue des travailleurs dans les pays en développement et
d’une « course à la baisse » pour ce qui concerne les conditions et normes de
(12) La Banque mondiale a indiqué dans plusieurs de ses rapports que la croissance du PIB dans les pays arabes
pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre a enregistré un bond impulsé par de forts revenus dans le
secteur du tourisme, des transferts importants de fonds des travailleurs migrants et des IDE en hausse.
(13) Consultable à l’adresse url : www.ilo.org/publns ou http://onlinebookshop.wto.org.
48 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
travail (14). Dans ce contexte des voix se sont faites entendre, demandant
l’inclusion des dispositions sur les droits des travailleurs dans les accords de
libre-échange, le but étant de protéger les travailleurs et de faire appliquer les
conventions de l’OIT. Cette question est d’une importance non négligeable et elle
est souvent critiquée en raison de la tendance des pays développés à exploiter les
normes de travail de manière protectionniste. En effet, cet appel a été critiqué par
d’aucuns invoquant l’argument que le moyen d’appliquer les droits des travailleurs
ne devraient pas être des accords commerciaux, mais plutôt le renforcement des
conventions et organes des NU pour ce faire.
En principe, plusieurs facteurs reflètent l’importance de tenir compte des
politiques de l’emploi et du travail dans l’élaboration des politiques et des accords
commerciaux, y compris :
– Les accords commerciaux jouent un rôle dans la restructuration des marchés
de production aux niveaux national et régional, changeant ainsi le marché de
l’emploi et le type d’emploi proposés.
– Les accords commerciaux influent sur l’espace politique et les instruments
politiques à la disposition des gouvernements pour élaborer des politiques tenant
compte des secteurs productifs et de la création d’emplois. Ils ont aussi un impact
sur le niveau des investissements dans ces secteurs et les marchés publics. Ils sont
directement liés aux politiques de l’emploi qu’un gouvernement peut mettre en
place.
– Compte tenu de l’absence dans la plupart des PPM arabes de politiques
globales dans les secteurs industriel, agricole et des services, décider une
libéralisation plus poussée dans ces secteurs signifierait renoncer à leur espace
politique et ouvrir le secteur à des facteurs de risques non calculés. Les accords
commerciaux menacent de bloquer les capacités productives des pays au niveau du
développement préalable à leur entrée en vigueur. Ils peuvent, par ailleurs, avoir un
effet restrictif sur les capacités de création d’emplois des économies nationales.
– Dans de telles conditions, la réalisation progressive du droit au travail, ancré
dans la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, serait fortement
compromise. En effet, les gouvernements ne disposent pas des mécanismes leur
permettant de garantir que le droit au travail est protégé face à la libéralisation
des échanges, en particulier lorsque les effets de cette libéralisation n’ont été ni
prévus ni prévisibles par des évaluations ex-ante.
– Les informations restent limitées ; les évaluations ex-post qui pourraient
aider à informer les gouvernements de la création de nouveaux emplois et de
l’ampleur de la réduction ou hausse des taux de chômage réels dans le sillage de
cette libéralisation, ne sont pas une pratique courante (15).
– Les processus de libéralisation des échanges sont rarement associés aux
réformes nécessaires des politiques de l’emploi et du travail, lesquelles pourraient
aider à saisir les bénéfices commerciaux, y compris la valeur ajoutée d’un flux accru
d’investissements directs étrangers.
(14) Libéralisation des échanges et emploi (Document de travail DESA No. 5 Octobre 2005) par Eddy Lee.
(15) Cf. le rapport du Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels ; liste de
questions du Salvador 2005.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 49
Les droits des travailleurs dans les accords de libre-échange conclus par
les Etats-Unis
Si l’on tient compte du fait que l’Union européenne a adopté le modèle social de l’Etat-
providence comme l’une de ses pierre angulaires, il est intéressant et paradoxal de noter
que les accords de libre-échange conclus par certains pays de la région, notamment la
Jordanie et le Maroc, avec les Etats-Unis, règlementent les questions du droit du travail
et des droits des salariés de manière bien plus détaillée que les accords d’association
euro-méditerranéens. Depuis 1993, les Etats-Unis ont intégré dans tous leurs accords de
libre-échange bilatéraux et régionaux des dispositions en matière de travail. La plupart
des dispositions en matière de travail des accords commerciaux prévoient, au moins, la
couverture des droits fondamentaux du travail suivants : liberté d’association, droit de
constituer des syndicats et de négocier collectivement, limitation du travail des enfants
et interdiction des travaux forcés (1). Elles excluent aussi les exemptions du droit national
du travail accordées par les pays partenaires pour attirer les investissements étrangers
directs.
En dehors de la sphère du commerce, l’accord de libre-échange (ALE) conclu avec la
Jordanie inclut, pour la première fois, des dispositions qui reconfirment le lien entre le
libre-échange et la protection des droits des travailleurs. L’accord de libre-échange Etats-
Unis-Jordanie, tout en réaffirmant l’engagement souscrit par les deux pays vis-à-vis des
normes fondamentales de l’OIT en matière de travail, n’en impose pas de nouvelles, tout
comme il n’interdit pas d’amendement ou de réforme des lois nationales, jugés nécessaires
par les pays. Il permet toutefois aux deux partenaires de demander des consultations et, le
cas échéant, un règlement impartial du litige dans le cas où l’un des partenaires de l’ALE
estimerait que l’autre se soustrait à la mise en œuvre les législations nationales existantes,
dans l’intention d’en tirer un avantage commercial ou en termes d’investissements.
Ceci étant, les experts ont de sérieux doutes sur l’efficacité de tels accords commerciaux
pour protéger les droits des travailleurs, compte tenu principalement des mécanismes
de mise en œuvre prévus dans ces accords. Ils sont basés sur un examen supranational
et pénalisent les parties qui dérogent à l’exécution de leurs obligations. Les accords les
plus stricts à cet égard, comme l’accord de libre-échange Etats-Unis-Jordanie, considèrent
les dispositions du travail comme des obligations de travail pleinement exécutoires,
qui jouissent du même statut que les obligations commerciales et autres obligations
de l’accord commercial concerné. Ils prévoient le droit à un pays, partie à l’accord, de
contester l’incapacité alléguée par l’autre partie de protéger les droits du travail de ses
ressortissants. Ces contestations sont tranchées par une instance internationale neutre
de règlement des litiges, laquelle détermine le bien-fondé de l’incapacité alléguée. Si elle
conclut à une incapacité, la partie plaignante peut exiger des bénéfices commerciaux de
la partie contrevenante, ou prendre toute autre mesure appropriée jusqu’à ce que cette
dernière se conforme à ses obligations en matière de droit du travail, généralement en
améliorant l’application de sa législation du travail. Mais un des gouvernements partenaires
doit réclamer l’application de ces dispositions ; les salariés ou les syndicats n’ont pas le
droit de déposer plainte (2).
En tout état de cause, le fait est que les accords de libre-échange signés par les Etats-Unis
incluent des dispositions visant à protéger le droit du travail dans les pays partenaires.
(1) Cf. POLASKI, Sandra (2004) « Protecting Labour Rights Through Trade Agreements : An Analytical
Guide », Journal of International Law and Policy, vol.10 :13, p. 13-25.
(2) Cf. CHARNOVITZ, Steve (2005), « The Labor Dimension of the Emerging Free Trade Area of the
Americas », in Alston, Philip (ed). Labour Rights as Human Rights, p.143-176.
Iván Martín
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 51
(24) Banque mondiale (2007). Economic Development and Prospects : Job Creation in an Era of High Growth,
p. 2.
(25) La région MENA inclut les économies pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre (RPLA) comme
Djibouti, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Tunisie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, des économies
riches en ressources et riches en main-d’œuvre (RRLA) comme l’Algérie, l’Iran, l’Iraq, la Syrie et le Yémen, et
des économies riches en ressources et importatrices de main-d’œuvre (RRLI) comme Bahrein, le Koweït, la
Libye, Oman, Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis).
(26) Les exportateurs arabes ont eu des difficultés à rester compétitifs après l’arrivée à expiration de l’accord
sur les textiles et l’habillement, les marges préférentielles accordées au titre des ALE ne semblant pas
suffire à maintenir un avantage compétitif par rapport aux fournisseurs asiatiques, surtout qu’ils sont aussi
handicapés par des règles d’origine rigoureuses (par exemple « à partir du fil »). Des programmes destinés
à améliorer la compétitivité pourraient prévoir une accumulation plus souple des règles d’origine, pour
permettre un approvisionnement plus large des tissus, l’utilisation de labels d’origine EuroMed, de labels
sur les conditions de travail ou de labels écologiques, des formations améliorées en design et marketing, le
transfert de technologies et des investissements dans une corrélation en amont (exemple : le finissage des
tissus) (Gibbs et Mehalaine 2006).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 53
Graphique 1
Tendances de croissance dans les différents pays – secteur manufacturier
15
10
Pourcentage croissance
0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
–5
– 10
Tableau 2
Part du PIB par secteurs
1998 2006
Part du PIB
Agriculture Industrie Services Agriculture Industrie Services
Algérie 12,5 46,1 41,3 8,5 61,5 30,1
Egypte 17,1 30,9 52,0 14,1 38,4 47,5
Jordanie 3,1 26,4 70,5 3,1 29,5 67,4
Liban 6,9 28,9 64,3 6,7 23,7 69,6
Maroc 20,2 27,7 52,1 15,7 27,8 56,5
Syrie 30,6 27,6 41,8 18,3 32,2 49,5
Tunisie 12,7 28,4 58,9 11,3 28,4 60,3
Les passages qui suivent sont principalement axés sur les propositions de
libéralisation du secteur agricole et des services ainsi que sur les implications
y afférentes sur l’emploi. Le secteur industriel n’est pas étudié, d’autant que les
négociations avec l’UE sur les biens industriels ont d’ores et déjà eu lieu dans le
contexte des accords d’association existants et que des négociations bilatérales
sont en cours entre l’UE et plusieurs des PPM arabes. Par conséquent, les
recommandations en découlant pour ces deux domaines peuvent toujours être
prises en compte dans les processus actuels en cours.
54 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Agriculture
Mis à part son caractère essentiel en termes de revenus, de nutrition et de
sécurité alimentaire (27), l’agriculture a été au cœur de l’emploi dans la région
arabe dans son ensemble. Dans les PPM arabes, l’agriculture génère environ 20 % des
emplois (28) dans certains pays et contribue aux moyens de subsistance d’environ
40 % de la population. L’agriculture reste concentrée dans de petites exploitations
agricoles traditionnelles, généralement étouffées par les dettes, sous-équipées, mal
organisées et, par conséquent, très vulnérables à la libéralisation (29). Entre 1995 et
2007, la part de l’agriculture dans le PIB et l’emploi a suivi une tendance à la baisse
ou à la stagnation (cf. Graphiques 2 et 3 ci-dessous ; davantage de données sur les
tendances de la croissance dans le secteur agricole figurent en Annexe).
Graphique 2
L’agriculture en % du PIB
25
20,2
20
17,1
16,8
15,7
15,1
14,1
15
12,7
12,5
12,4
13
11,4
11,3
10,9
10,5
10
8,5
7,3
6,9
6,7
6,1
4,3
5
1995
3,1
3,1
3,1
1998
2005/2006
2007
0
0
Algérie Egypte Maroc Liban Tunisie Jordanie
(27) Dans de nombreux pays arabes comme le Maroc, la Tunisie, la Syrie et l’Egypte, un pourcentage
important des tâches est accompli par des travailleuses non rémunérées dans le secteur de la production
alimentaire traditionnelle. Ceci étant, certains secteurs de produits destinés à l’exportation, comme les
fruits et les fleurs, peuvent employer une main-d’œuvre féminine plus importante, dans des conditions
qui peuvent toutefois être moins saines et un niveau de vie plus faible que dans l’agriculture traditionnelle
(SIA-ZLEEM, http://www.sia-trade.org/emfta/en/reports/Phase2FinalreportMar06.pdf )
(28) L’agriculture génère plus de 20 % des emplois en Syrie, en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Egypte
(« Which Road to Liberalization : A First Assessment for the EuroMed Association Agreement », C. dell’Aquila
et M. Kuiper, Document de travail No. 2, ENAPRI, Center for European Policy Studies, octobre 2003).
(29) Cf. Samir Radwan et Jean Louis Reiffers (2003), « L’impact de la libéralisation agricole dans le
contexte du Partenariat euro-méditerranéen », rapport du Femise, www.femise.org/PDF/femise-agri-
gb.pdf.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 55
Graphique 3
Changement dans les tendances de l’emploi dans le secteur agricole
dans les pays de la rive sud de la Méditerranée
70
60
50
40
1980
30 1994
2000-2005
20
10
0
Iran
Algérie
Egypte
Jordanie
Liban
Maroc
Tunisie
Yémen
100
80
1980
60 1994
2000-2005
40
20
0
Iran
Algérie
Egypte
Jordanie
Liban
Maroc
Tunisie
Yémen
Source : Données obtenues des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2000. Tableaux
compilés par Bihter Moschini (ANND).
56 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
La protection des produits agricoles reste élevée dans un grand nombre de PPM
arabes, notamment pour le cheptel, les céréales et les fruits et légumes en Afrique
du Nord. De plus, les exportations des pays arabes dans ce domaine dépendent
des accords préférentiels conclus avec les pays développés, comme l’UE. Dans ce
contexte, l’élimination de ces tarifs préférentiels et une libéralisation plus poussée
du secteur agricole, y compris la levée des subventions nationales sur la production
et les exportations, induirait une détérioration du secteur agricole de la région et
des termes de l’échange dans ce domaine (30). La libéralisation des échanges
agricoles devrait affecter tout particulièrement les fermiers de subsistance et
les producteurs de cultures sur les petits lopins, engagés dans les productions
subventionnées de cultures non irriguées à faible productivité et les petits éleveurs
de bétail pauvres. Par conséquent, la sécurité de subsistance sera vulnérable aux
chocs sévères en cas de perturbations provoquées par les importations.
Une libéralisation de l’agriculture mal étudiée pourrait également accélérer les
migrations des zones rurales vers les zones urbaines et, par conséquent, accroître le
déplacement de main-d’œuvre et la demande d’emplois dans les zones urbaines.
Les pressions exercées sur les décideurs politiques dans des pays enregistrant
déjà des taux de chômage élevés (31) en seraient exacerbées, tout comme la
pression environnementale dans les villes. Ce constat anticipé est réitéré par la
SIA, qui prévoit un déclin de l’emploi rural dans les PPM, où un effet négatif sur
l’emploi est anticipé à court terme, en raison des déplacements de production
entre les secteurs. Ces tendances pourraient renforcer les tendances migratoires
traditionnelles d’Afrique du Nord vers la France ou le Sud de l’Espagne, à la
recherche de possibilités d’emplois dans l’agriculture. Les migrants potentiels du
Machreq se dirigent plutôt vers les pays du Golfe, à la recherche d’emplois dans les
secteurs du gaz et du pétrole et en tant que travailleurs non qualifiés. Une tendance
importante à la migration interne dans certains pays partenaires est également
attendue, pour la plupart une main-d’œuvre faiblement qualifiée.
Sur le front des prix et des salaires, le prix des produits alimentaires de base
devrait baisser et avoir ainsi, un effet bénéfique sur la pauvreté. Même si certaines
études, y compris la SIA, anticipent une augmentation des salaires agricoles
commerciaux à long terme dans les PPM grâce à des incitations de productivité
accrue, elle restera accompagnée d’une baisse de l’emploi dans l’agriculture et
d’une hausse de la migration des zones rurales vers les zones urbaines. Il est
anticipé que ceci se reflètera dans un chômage global plus élevé, compte tenu
du manque de perspectives d’emploi dans les zones urbaines pour compenser les
pertes dans le secteur de l’agriculture.
Dans le même temps, les tarifs préférentiels que les pays arabes pourraient
tenter d’obtenir au travers d’accords bilatéraux pour stimuler le secteur de
l’agriculture et l’emploi de manière générale, comme une libéralisation bilatérale
(30) Dans ce contexte, l’élimination des distorsions des politiques agricoles dans le monde et des subventions
nationales sur la production et les exportations pourraient induire, en termes nets, une détérioration des
termes de l’échange dans la région, au travers de la hausse attendue des prix d’importation des produits
agricoles (Gibbs et Mehalaine 2006).
(31) Gibbs et Mehalaine 2006.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 57
accrue avec l’UE, reste irréaliste. Ceci, dans la mesure où toute offre dans ce domaine
devra faire face à une réaction politique violente de la part de groupes de lobby
comme l’industrie agroalimentaire, les entreprises alimentaires, les syndicats et
les entreprises des pays de l’UE. De plus, il est difficile aux pays développés de
supprimer les subventions sur les exportations agricoles et les subventions locales
sur les produits que leurs partenaires en développement exportent, dans la mesure
où elles devraient être supprimées pour tous les produits, ce qui profiterait ainsi
également aux partenaires non parties à l’ALE. Ce type de décisions ne peut être
négocié que dans le cadre de l’OMC (32).
Services
Les économies des pays arabes deviennent de plus en plus dépendantes des
services (33). Le secteur des services est celui dont la croissance est la plus
rapide dans les pays en développement, dans les pays arabes également. Les
échanges dans les services dans les pays arabes, y compris les importations et les
exportations, représentent au total plus de 20 % de leur PIB conjoint (34). Dans
ce contexte, les services sont devenus le plus grand créateur d’emplois dans la
majorité des pays arabes (35) (cf. Tableau 3 ci-dessous pour le cas de l’Algérie
et le Graphique 4 sur les tendances de l’emploi dans le secteur des services).
Tableau 3
Population active par secteur en Algérie (1985-2003)
1985 ( %) 2003 ( %)
Agriculture 25,1 21,1
Industrie 18,2 12,0
Construction 23,8 11,9
Services 32,8 54,8
Total 100 100
Graphique 4
Tendances de l’emploi dans le secteur des services
dans les Pays Partenaires Méditerranéens
Emploi dans le secteur des services (masculin)
80
70
60
50 1980
40 1994
2000-2005
30
20
10
0
Iran
Algérie
Egypte
Jordanie
Liban
Maroc
Tunisie
Yémen
90
80
70
60
1980
50 1994
40 2000-2005
30
20
10
0
Iran
Jordanie
Algérie
Egypte
Liban
Maroc
Tunisie
Yémen
Source : Données extraites des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2007. Tableaux compilés
par Bihter Moschini (ANND).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 59
(36) Protocole cadre d’Istanbul en vue de la libéralisation des échanges dans le secteur des services entre les
partenaires euro-méditerranéens ; http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2004/july/tradedoc_1182225.pdf.
(37) Au titre de l’accord général sur le commerce des services (AGCS), les échanges dans le secteur des
services sont catégorisés en quatre types ou « modes » différents d’approvisionnement en services.
Le mode 1 s’applique à la prestation de services avec passage de frontières, par exemple, les services
postaux transnationaux. Le mode 2 se réfère à l’utilisation des services à l’étranger, par exemple, à travers
le tourisme. Le mode 3, une présence commerciale, signifie communément des IDE dans des secteurs
comme les services bancaires, les télécommunications et les services publics. Des services de base comme
les filiales d’établissements d’enseignement étrangers ou d’hôpitaux et de régies de distribution des eaux
sont pour la plupart couverts par le mode 3. Et le mode 4 décrit le mouvement de prestataires de services
individuels, y compris la migration de main-d’œuvre. La prestation de services au titre du mode 4 est d’un
intérêt particulier pour les pays en développement.
(38) En se basant sur l’accord de partenariat économique entre les pays du Cariforum et la CE et ses Etats-
membres.
(39) Gibbs et Mehalaine 2006.
60 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
libéralisation avec l’UE, alors que les pays arabes n’ont pas encore développé de
compréhension propre du potentiel dans leurs secteurs des services, ou défini des
stratégies pour les développer, menace de limiter la portée d’un développement
effectif de ce secteur aux niveaux national et régional. Il convient de noter que
les pays arabes négocient entre eux également un accord de services au niveau
régional. Ainsi, la libéralisation que l’UE préconise peut restreindre une série
d’outils politiques à disposition des gouvernements arabes pour développer des
secteurs de services forts et compétitifs, et limiter la nature, la fonction et les
objectifs des services ainsi que le droit des gouvernements à les réguler dans le
but de leur développement. La libéralisation est ainsi poussée dans des secteurs
qui ne sont pas encore bien régulés, comme les services financiers, d’une manière
qui affaiblit la capacité des gouvernements à les protéger de chocs externes. Par
ailleurs, il est important de comprendre que l’UE négocie et libéralise certes les
services avec les pays partenaires de la rive sud de la Méditerranée, mais qu’elle
est également engagée dans des négociations d’accords de libre-échange avec
d’autres régions, y compris, l’Afrique, les Caraïbes et des pays asiatiques. En d’autres
termes, le traitement préférentiel que les pays arabes pourraient obtenir de la
ZLEEM pourrait s’éroder.
A côté de ces considérations, l’une des principales menaces qui limite les
résultats positifs de la libéralisation des services entre les pays de l’UE et les pays
arabes, susceptibles d’avoir des implications directes sur le niveau de contribution à
l’emploi, est la manière dont les négociations traitent le mode 4 de la libéralisation
des services. La précédence de l’UE à négocier ces domaines avec d’autres régions,
comme les pays africains dans le cadre des accords de partenariat économique
(APE), tend à rétrécir le champ de la présence temporaire de travailleurs dans le
secteur des services (mode 4 de l’AGCS (40)) en une approche AGCS-moins, pour
ne couvrir que l’élite managériale, les professionnels, les experts techniques et une
catégorie limitée de prestataires de services contractuels. Ainsi, ils limitent l’entrée
de travailleurs étrangers du secteur des services, à faibles qualifications et dans les
emplois à faible valeur de l’immigration (non commerciale) (41).
En fait, l’immigration reste au cœur des discussions sur la libéralisation du
mouvement des travailleurs. Mais la libéralisation au titre du mode 4 diffère de
l’immigration en ce sens qu’elle est temporaire et non pas permanente. Elle pourrait
remplacer la migration irrégulière et être considérée comme un pas franchi dans
la résolution du problème de la migration dans la région EuroMed. De plus, elle
a contribué à organiser le mouvement des travailleurs dans un cadre juridique
contraignant, c’est-à-dire, l’accord.
Le mouvement de personnes transfrontières pour fournir des services (mode 4)
est une source de revenus potentiels importante pour les pays en développement
et les communautés plus pauvres. Globalement, les études qui ont traité de l’impact
de la libéralisation au titre du mode 4 ont fréquemment fait ressortir des avantages
positifs, à la fois pour les pays développés et pour les pays en développement,
découlant non pas du mouvement de la main-d’œuvre qualifiée, mais plutôt non
qualifiée (42).
Dans ce contexte, les envois de fonds peuvent être utilisés comme des
indicateurs montrant le degré d’intégration d’un pays dans l’économie mondiale
grâce à la mobilité des travailleurs et, ainsi, évaluer à quel point il bénéficierait d’une
libéralisation au titre du mode 4. En effet, les envois de fonds des migrants sont
élevés et en hausse dans la plupart des pays arabes (43). En 2007, ils avoisinaient
les 9 % du PIB au Maroc, 5 % en Tunisie, 2,2 % en Algérie (44) et au moins 10 % du
PIB de la Palestine, de la Jordanie et du Liban (45). Selon la Banque mondiale, les
envois de fonds des travailleurs migrants ont enregistré une tendance à la hausse
dans les pays arabes à faibles ressources et main-d’œuvre abondante, y compris en
Egypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Tunisie et dans les Territoires Palestiniens
Occupés. Ces pays ont observé une augmentation de l’envoi des fonds de 8 milliards
USD en 1996-99 à 13,9 milliards en 2006 (46). Ceci permet de comprendre les
avantages possibles du mode 4 de la libéralisation des services pour les économies
des PPM arabes. En Tunisie, par exemple, les études font ressortir des gains en
termes de bien-être résultant d’un mouvement accru de travailleurs temporaires,
permettant également de combler le fossé entre les salaires dans le pays hôte
(entre la main-d’œuvre temporaire et permanente) (47). Ainsi, le mouvement
des personnes peut être un facteur permettant d’accroître l’équité, dans la mesure
où les envois de fonds des travailleurs migrants génèrent parfois des revenus
(42) Examen d’une étude empirique de Romdhane. Cf. Rodrik, Dany (2002) ‘Feasible Globalisation’, Working
Paper 9129, Cambridge, MA : National Bureau of Economic Research (NBER). Cette étude montre que la
libéralisation du mode 4 étend l’emploi de travailleurs faiblement qualifiés à plus de secteurs de l’économie
et accroît les effets positifs cumulés de la libéralisation du mouvement de travailleurs non qualifiés. Rodrik
explique que l’origine de ces avantages est le petit écart de salaires entre les pays riches et les pays pauvres.
La libéralisation de la mobilité de la main-d’œuvre temporaire dans les services est, en général, escomptée
plus importante qu’une libéralisation plus poussée du commerce des biens (référencé dans Romdhane).
(43) Les envois de fonds des travailleurs émigrés ont joué un rôle croissant dans le soutien des économies
de nombreux pays, tout particulièrement des pays non producteurs de pétrole (notamment les huit pays
arabes ayant conclu des accords d’association avec l’UE). Selon la Commission économique et sociale de
l’Asie de l’Ouest, le taux de transferts affluant dans les pays arabes a enregistré une hausse brusque entre
2003 et 2007. De la même manière, dans les pays riches en ressources et à forte main-d’œuvre, comme
la Syrie et l’Algérie, les envois de fonds sont passés de 0,5 à 0,9 milliard, et de 1 milliard à 2,5 milliards,
respectivement, au cours de la même période.
(44) Ibrahim Saif et Farah Choucair (2009), « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic
Crisis », Carnegie Endowment.
(45) Cf. l’étude UN-DESA International Migration in the Arab Region UN/POP/2006/14, 11 mai 2006 ; référencée
dans Gibbs et Mehalaine 2006.
(46) Banque mondiale (2007), « Economic Developments and Prospects ; Job Creation in an Era of High
Growth », p. 115 (les calculs incluent Djibouti).
(47) Les estimations montrent que le total des échanges mesurables en services, tels que définis par les
divers « modes de fourniture des services » et soumis aux disciplines multilatérales au titre de l’Accord
Général sur le Commerce des Services (AGCS), s’élevait à quelques 3,5 billions USD en 2003. Ce chiffre
représentait plus d’un tiers du total des échanges de biens et de services. C’est la composante du commerce
et des investissements étrangers à la croissance la plus rapide (Economic Research Forum ERF, Saoussen
Ben Romdhane).
62 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 6
Comité transsectoriel de politique commerciale et en matière d’emploi
Proposition 7
Mécanismes renforcés permettant de garantir la cohérence entre
l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole
(53) Lors de leur réunion de Marseille, les ministres ont proposé qu’après Marseille, le « Processus de
Barcelone : Union pour la Méditerranée » soit appelé « Union pour la Méditerranée ».
(54) Déclaration finale de la réunion ministérielle de Marseille en novembre 2008. Les ministres sont
convenus d’organiser une réunion ministérielle de l’agriculture sur ces thèmes et « … définir et encourager
des projets relatifs au développement durable en milieu rural, au développement et à la promotion de
produits de qualité ainsi qu’à la coordination de la recherche agricole sur des questions telles que … la
gestion des ressources hydriques… »
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 65
développement agricole reste faible dans les PPM, sachant que les négociations
sur le démantèlement tarifaire et la libéralisation du secteur agricole modifieront
le système de production et la structure du secteur (55). Par ailleurs, l’étude
SIA (56) fait ressortir un manque d’informations sur des sujets essentiels et la
nécessité de poursuivre les recherches dans tous les PPM sur les capacités sociales
et économiques des différentes communautés rurales et tout particulièrement des
femmes et des jeunes.
Dans la mesure où les négociations sur la libéralisation du secteur agricole sont
déjà en cours, le renforcement des mécanismes destinés à assurer la cohérence
entre l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole pourrait comprendre
les éléments suivants :
– Démarrer une évaluation sur l’incidence de la transition vers l’agriculture
commerciale et la nécessité de soutenir les petits agriculteurs de subsistance
qui constituent la majorité des communautés d’exploitants dans les pays arabes.
Cette évaluation identifierait les secteurs devant se voir accorder un traitement
ou faire l’objet d’arrangements spéciaux, y compris les secteurs dans lesquels des
changements de production importants sont anticipés. Ces arrangements peuvent
être optimisés par une évaluation en profondeur des alternatives, y compris : la
mise en place de mécanismes de sauvegarde appropriés, susceptibles de traiter
les vagues d’importations importantes dans les PPM de la rive Sud, l’identification
des secteurs générateurs d’emplois pour contrebalancer les pertes d’emplois dans
le secteur agricole, la promotion de sources alternatives de revenus dans les zones
rurales (pour éviter la migration), en mettant à disposition les subventions ciblées
nécessaires (qui peuvent être ciblées à travers le programme MEDA), et l’octroi
d’une attention toute particulière aux femmes qui perdent leurs opportunités dans
l’agriculture. Une telle évaluation contribuerait au développement de stratégies de
développement agricole globales, intégrant le développement rural (57).
– Prendre des mesures de précaution en fonction des résultats de l’évaluation,
notamment réduire le rythme de la libéralisation, surtout dans les secteurs
identifiés comme hautement sensibles et susceptibles d’avoir des conséquences
négatives sur l’emploi. L’étude SIA a d’ores et déjà noté qu’un grand nombre des
impacts négatifs pouvaient être atténués en réduisant le rythme de libéralisation,
de manière à permettre à d’autres mesures de prendre effet (58). Pour certains
secteurs, il serait nécessaire d’envisager une approche de libéralisation unilatérale,
avec ouverture des marchés agricoles de l’UE aux produits des PPM. Cette démarche
(55) Comme cela a été noté dans les chapitres précédents, la libéralisation de l’agriculture pourrait avoir des
conséquences graves sur l’emploi, d’autant que de larges pans de la population impliqués dans ce secteur
ne pourront pas facilement se tourner vers d’autres secteurs.
(56) Sur la base d’une étude de cas entreprise par l’étude SIA au Maroc.
(57) Le rapport SIA Phase 2 et le rapport Etape 1 de la Phase 3 soutiennent que tous les PPM devraient
élaborer une stratégie de développement national intégrant pleinement le développement rural au
développement urbain. La Stratégie 2020 du développement rural au Maroc est un exemple d’étape dans
cette direction.
(58) L’étude d’impact de durabilité de l’Union Européenne (SIA) relative à la zone de libre-échange euro-
méditerranéenne (ZLEEM) ; p 36.
66 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 8
Dispositions spéciales pour créer une valeur ajoutée
dans les services fournis au titre du mode 4
Proposition 9
Evaluations d’impact intégrées ex-ante et ex-post sur
les droits de l’homme des négociations ZLEEM
Les évaluations d’impact ex-ante et ex-post, axées sur des approches fondées
sur les droits de l’homme (y compris les droits économiques et sociaux comme
le droit au travail), sont nécessaires pour identifier les moyens de bénéficier des
accords commerciaux, notamment sur le front du développement humain. La SIA
avait noté, à juste titre, la nécessité de mette en place un mécanisme de suivi, de
reporting et de diffusion des informations sur l’évolution future de la ZLEEM et son
impact sur le développement durable. S’agissant de l’emploi, un tel mécanisme
pourrait intégrer le suivi du droit au travail et l’impact du changement des
structures et capacités d’emploi des divers secteurs couverts par la ZLEEM.
Ces évaluations basées sur les droits de l’homme devraient être cohérentes
et relever de la responsabilité d’un mécanisme régional intégré dans les
mécanismes déjà en place du PEM (avec possibilité de regroupement avec le
comité intersectoriel abordé ci-dessus). Elle bénéficierait d’une relation formelle
(59) La ‘Global Approach to Migration : Rhetoric or Reality?' par Elizabeth Collett ; le European Policy Center.
La Commission s’est penchée sur les ‘migrations circulaires et partenariats pour la mobilité entre l’Union
Européenne et les pays tiers’, en examinant de manière générale deux nouveaux concepts du lexique
migratoire de l’UE. Les partenariats pour la mobilité visent à fournir le cadre de gestion de la migration
avec certains pays émetteurs, sur la base de leur coopération en matière de migration irrégulière et de
réadmission.
68 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
entre les organes conjoints CE-PPM chargés du suivi des plans d’action au titre de
la politique de voisinage, tel que noté par l’étude SIA (60). Ainsi, ses conclusions
pourraient plus facilement être appliquées au niveau politique.
Ces mécanismes de suivi régionaux devraient refléter une approche
participative, et comprendre les représentants des gouvernements et de la société
civile. Ces processus de consultation commenceraient également aux niveaux
nationaux.
Il serait judicieux que ces mécanismes participatifs développent une méthode
de suivi de la cohérence des politiques de l’emploi et commerciales dans le
cadre de la ZLEEM et le PEM en général. Une telle contribution méthodologique
bénéficierait des nombreuses parties prenantes à la ZLEEM, dès lors qu’elle
établirait des directives d’évaluation consensuelles dans ce domaine. Ces directives
garantiraient l’uniformité des processus d’évaluation menés dans les différents pays
et par de nombreux acteurs, qu’il s’agisse de gouvernements ou d’organisations
de la société civile.
La méthodologie proposée61 pourrait être le fruit d’un travail commun des
experts des domaines du commerce et du travail et impliquer des groupes de la
société civile des différents pays de la région ZLEEM. Elle répondrait à l’appel lancé
par le projet « EuroMed Emploi » (62) sur l’importance de créer un système de
suivi et d’évaluation multilatéral pour la situation économique et sociale dans la
perspective des droits.
Proposition 10
Fonds destiné à atténuer les pertes d’emplois dues à la mise
en œuvre des accords de libre-échange
Ce Fonds serait axé sur la région EuroMed et traiterait de cette question dans
les pays de la rive sud et de la rive nord participant à la ZLEEM. Son objectif ne
serait pas d’offrir un filet de sécurité afin d’adapter l’impact de la libéralisation du
commerce sur les travailleurs, si l’on part de l’hypothèse que cette libéralisation
est un processus préalablement défini et qu’il ne peut, par conséquent, pas être
adapté. Ainsi, il n’aurait pas un effet d’esthétique, destiné uniquement à rehausser
l’image de la ZLEEM et des gouvernements concernés.
En revanche, il viserait des interventions à court terme, axées sur la mise en
œuvre d’ALE pour lesquels une évaluation adéquate de l’impact sur l’emploi n’a
(60) La SIA a indiqué que la CE et chaque gouvernement des PPM devraient mettre en place un comité
directeur interministériel similaire à celui établi par la CE pour la SIA, pour superviser sa participation dans
le mécanisme de suivi.
(61) Plusieurs groupes de la société civile se sont embarqués dans des exercices similaires, comme le projet
de WWF et la fondation Heinrich Böll sur l’élaboration et la mise à l’épreuve d’un manuel pour évaluer la
mise en œuvre de plans d’action dans le domaine de l’environnement (2008).
(62) Renvoie à la note de bas de page 55
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 69
pas été réalisée. Les interventions du fonds ne se limiteraient pas à une simple
indemnisation, dès lors qu’il serait actif et chercherait des possibilités d’emploi
alternatives et adéquates pour les citoyens touchés.
Ce Fonds ne serait pas une solution indépendante ; il accompagnerait un
changement général de l’approche des questions de l’emploi sur le front du
commerce dans le partenariat EuroMed. Ainsi, il complèterait les processus
de création de mécanismes, de législations et de réglementations adéquats,
susceptibles de gérer les implications éventuelles de la ZLEEM sur le développement
humain. Un tel mécanisme serait mis en place avant le démarrage des négociations
sur les biens et marchandises objets de la libéralisation du commerce.
Le budget du Fonds serait dédié au financement rapide de projets destinés
à créer et à maintenir des emplois dans les industries ou secteurs touchés. Il
permettrait ainsi de réduire les impacts des restructurations associées aux accords
de commerce.
Outre ces services de soutien, le Fonds serait chargé de documenter les cas
d’employés perdant leur emploi suite aux processus de libéralisation du commerce
liés à la ZLEEM, lesquels seront utilisés pour les évaluations ex-post et pour mieux
comprendre l’impact des mesures commerciales sur les tendances et structures
des marchés.
La direction du Fonds engagerait des représentants des syndicats et du patronat,
qui participeront à l’élaboration des critères d’admissibilité. Son objectif sera de
limiter les frais administratifs ; il pourrait ainsi être hébergé par les administrations
déjà engagées dans des processus liées à la ZLEEM comme les ministères de
l’économie et du commerce ainsi que la DG Commerce de la Commission.
70 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Annexes
100
80
60
Pourcentage croissance
40
20
– 20 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
– 40
– 60
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Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 73
Introduction
La question de l’emploi () des femmes est cruciale et actuelle. Elle ne
représente plus la seule préoccupation des seules populations féminines et des
féministes. Elle n’est plus considérée comme une question sectorielle, mais comme
une problématique transversale qui se hisse aux niveaux des questions prioritaires
dans l’agenda du développement durable de la communauté internationale et
d’un nombre croissant de nations.
Une nouvelle cible a été, en effet, ajouté récemment à l’OMD1 qui est celle
d’atteindre le plein emploi productif et décent pour tous, y compris les femmes
et les jeunes. Quatre principaux indicateurs d’emploi y ont été retenus, et qui
tiennent compte d’une analyse en termes de genre.
Hormis le fait que la question des droits au travail des femmes constitue
une question de principe de droits humains, une question d’égalité, d’équité,
et sur laquelle le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) a pris des engagements
clairs, ce qu’il faut souligner, par ailleurs, c’est que le contexte actuel de crise et
de récession, en acculant les responsables du développement à la recherche
de nouvelles sources de productivité et à réduire les niches de gaspillage des
ressources humaines et naturelles, fait de plus, de cette question, un problème
prioritaire d’efficacité économique et sociale.
Or, comme l’indiquent plusieurs études, il s’avère de plus en plus, que le
potentiel inexploité des femmes et leur faible participation à la population active
représente un coût économique, non seulement pour ces femmes, mais aussi
un manque à gagner pour l’ensemble de la société, au niveau des revenus des
ménages, du PNB et du revenu national.
Or, dans la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient), cette participation
féminine à la population active a le niveau le plus bas dans le monde et il devient
urgent de planifier pour l’augmentation des taux d’activité des femmes dans la
() Entendu au sens du BIT 2008, à savoir : Les termes « travaille(nt)/travaillai(en)t » ou « au travail » rendent
compte de toutes les personnes employées selon la définition du BIT, qui comprend les travailleurs
autonomes, les employés, les employeurs ainsi que les travailleurs familiaux non rémunérés. Ainsi, il n’existe
aucune distinction entre l’emploi dans le secteur formel et celui dans le secteur informel. Les termes et
expressions « employés », « au travail », « travaillant » et « ayant un travail » sont utilisés comme synonymes
(Tendances mondiales de l’emploi des femmes 2008, BIT).
76 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
I. État des lieux sur l’emploi des femmes dans les PPM
Pour étudier la question de l’emploi féminin dans les Pays partenaires
méditerranéens, on commencera par la situer dans le contexte des tendances
générales de l’emploi des femmes dans le monde, pour pouvoir saisir sa spécificité.
a. Au niveau mondial
Des avancées, mais des lenteurs, et on est loin de l’égalité entre les hommes et
les femmes
Le tableau de bord des tendances mondiales de l’emploi des femmes, durant
la dernière décennie, peut être décrit à partir des statistiques essentielles et
significatives que nous présente le rapport 2008 du Bureau international du travail
(BIT).
Sur le nombre des femmes qui travaillent dans le monde, on enregistre durant
la dernière décennie, une augmentation de 18,4 %. En revanche, le nombre des
femmes sans emploi dans le monde a, pour la même période, progressé, passant
de 70,2 millions à 81,6 millions.
En 2007, cela correspond à moins de 67 femmes économiquement actives
sur 100 hommes actifs, sur les marchés du travail, au niveau mondial. Le ratio
emploi- population des femmes, représente 49,1 % en 2007 ; ce qui correspond à
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 77
la proportion des femmes qui sont employées, parmi celles qui sont d’âge actif
(15 ans et plus), alors que ce ratio représente 74,3 pour cent, pour les hommes soit
une fois et demie celui des femmes.
Généralement, la différence entre les sexes pour les jeunes (de 15 à 24 ans)
à la recherche d’un travail, n’est pas importante, le taux de chômage des jeunes
femmes est de 12,5 % contre 12,2 % pour les jeunes hommes de cette cohorte.
Mais la probabilité d’une personne jeune d’être au chômage continue d’être trois
fois supérieurs à celle d’une personne adulte.
Au plan du chômage, le taux de chômage des femmes au niveau mondial
représente 6,4 %, et il est supérieur à celui des hommes 5,7 %. Mais, souvent le
travail des femmes est plus précaire, car elles se trouvent plus que les hommes
dans les secteurs moins protégés, dans le travail à temps partiel ou saisonnier, où la
couverture sociale fait défaut et où les rémunérations sont plus faibles et où elles
ont, par voie de conséquence, moins de chance d’avoir accès à un travail décent.
Plusieurs facteurs interviennent dans l’explication de la discrimination des
femmes sur le marché du travail, et ce n’est pas tant le propos de ce travail de
s’y attarder, mais de signaler juste que les motivations « du choix des femmes »
de ne pas travailler, sont variables selon les contextes sociaux économiques et
culturels.
Certaines femmes, dans les pays développés, qui ont les moyens de rester sans
travail choisiraient librement de rester au foyer. Mais pour la majorité des femmes
dans des régions du monde moins développées, rester sans travail à l’extérieur
n’est pas un choix. « Ces femmes choisiraient de travailler s’il était socialement
et culturellement admissible de le faire », autrement dit si les us et coutumes, les
normes juridiques et sociales le permettaient, d’une part, et si d’autre part elles
pouvaient être relayées dans leurs travaux domestiques, de prise en charge du
groupe familial.
Ce qui ne signifie pas que les femmes au foyer sont oisives. Mais ces travaux
des femmes dits invisibles, parce non marchands et non rémunérés ne sont pas
reconnus socialement, ni comptabilisés économiquement. Seuls certains pays
développés du Nord, ont fait des progrès à ce niveau en instituant la régularité
des enquêtes Budget-temps qui permettent d’estimer le nombre d’heures de
travaux domestiques non rémunérés effectués généralement par les femmes et de
les valoriser en comptabilisant la part de la contribution du travail non rémunéré
dans le PIB. Et si le fait de comptabiliser et de valoriser ce travail gratuit est en
soi un progrès, il n’en demeure pas moins que ce travail reste sans rémunération
pour les femmes.
Les analystes de la question de l’emploi féminin déduisent des études de
régression portant sur 108 pays et sur trois dates (1980, 1990, et 2000) () que
l’éducation, la fécondité et la pyramide des âges de la population sont d’importants
déterminants de la participation des femmes à la population active, et expliquent
ainsi les tendances mondiales de l’évolution de cette participation dans les différentes
() Inégalité entre les sexes et développement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, Banque Mondiale, 2004.
78 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
régions du monde. Or ces trois facteurs, représentent eux aussi, la résultante des
caractéristiques culturelles sociales et économiques du pays concerné.
– Pour le Maghreb
Le changement au niveau de l’instruction des femmes, au Maghreb en termes
quantitatif et qualitatif a beaucoup influencé leur comportement au niveau de
la nuptialité et de leur fécondité (). Le recul de l’âge moyen au mariage pour
les filles (environ la trentaine par exemple en Tunisie), et la baisse de l’indice
synthétique de fécondité, qui de 7 à 8 en 1966 est tombé actuellement entre 2
et 2,5, représentent des facteurs de corrélation positive de la participation des
femmes à la population active.
En dépit de ces avancées socio-démographiques, et malgré une croissance
soutenue dépassant les 6 % au cours des cinq dernières années, les évaluations
récentes par les indicateurs du marché du travail pour les femmes au Maghreb
révèlent que ce marché ne suit toujours pas les rythmes d’évolution des
caractéristiques des pays de la région, en matière d’éducation, de fécondité et de
structure démographique, ni celui de la croissance économique.
() Le travail des maghrébines, l'autre enjeu, Collectif 95 égalité, GTZ, 2006.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 79
Les principales tendances en 2007 de l’emploi des femmes dans cette région
se résument ainsi (BIT, 2008) :
− Un ratio population-emploi le plus faible du monde et plus faible que pour
le Moyen Orient, avec seulement 2 femmes sur 10 en âge de travailler (21,9 %) ont
un emploi, contre 7 hommes sur 10 (69,1 %).
− Un écart considérable entre les hommes et les femmes pour la participation
au marché du travail. Pour 100 hommes économiquement actifs en Afrique du Nord,
on ne trouve que 35 femmes dans la même situation, ce qui représente l'écart entre
les sexes le plus élevé du monde 65 % contre 43 % d'écart au niveau mondial.
− Le nombre de jeunes femmes qui travaillent est encore plus faible :
seulement 1,5 sur 10 femmes (14,7 %) âgées de 15 à 24 ans sont employées. Ceci
est particulièrement préoccupant dans la mesure où les efforts d’investissement
accomplis pour l’éducation des filles ne sont pas rentabilisés par un taux
d’employabilité des jeunes femmes, ce qui dénote d’une certaine inefficacité et
d’une faiblesse de la capacité de l’économie à absorber la demande croissante
de l’emploi féminin.
− Pour le chômage, la situation est particulièrement préoccupante pour les
femmes dans la région. Le taux de chômage des femmes représente 16,2 %
contre 9 % pour les hommes. La situation la plus difficile est celle des jeunes
femmes avec un taux de chômage de 32,3 %, allant jusqu’à 38 % pour les jeunes
femmes diplômées en Tunisie. Pour celles qui recherchent un emploi ce processus
reste long et difficile et rarement couronner de succès.
− Ce chômage particulièrement élevé dans la région s'explique par les
distorsions entre l'offre et la demande de l'emploi féminin : du coté de la demande
l'attitude des employeurs affiche une certaine préférence aux hommes, pour les
emploi qualifiés, notamment, et une ségrégation professionnelle, voir une certaine
discrimination à l'égard des femmes, surtout celles qui sont mariées ; du coté de
l'offre, les femmes de plus en plus instruites, acceptent de moins en moins, des
emplois qui ne correspondent pas à leur niveau éducatif et culturel. En effet, les
étudiantes représentent plus de 50 % des inscrits à l'université dans les pays du
Maghreb, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie (où 59 % sont des étudiantes).
− En fait certains employeurs préfèrent en revanche embaucher des femmes
mais les emplois qui leur sont proposés sont peu qualifiés et mal rémunérés.
certaines femmes préfèrent rester au chômage en attendant de trouver le « bon »
emploi, tandis que la plupart des femmes qui n'ont qu'un choix très limité sortent
de la population, active, c'est ainsi qu'on peut comprendre le taux élevé d'inactivité
des femmes qui peut atteindre 73,9 %.
− Les projections pour 2015 indiquent que la proportion de jeunes dans la
population d'âge actif de la région atteindra encore plus de 25 % de la population
d'âge actif total. Étant donné le degré élevé de gaspillage affiché par la région en
termes de perte de contribution économique des jeunes femmes, on peut prévoir
80 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
que cette situation ne sera pas tenable à long termes (Tendances mondiales de
l’emploi, BIT 2008).
− Par rapport à la répartition sectorielle, le tiers des femmes occupées le sont
dans l'agriculture, c'est la seule région où la proportion des femmes travaillant
dans l'agriculture a augmenté durant la dernière décennie, surtout au Maroc. Dans
l'industrie, la proportion des femmes s'est réduite de 19,1 % à 15, 2 % entre 1997
et 2007 Et les services emploient plus que la moitié des femmes de l'Afrique du
Nord (52,2 %).
– Pour le Moyen-Orient
En dépit du climat politique et social marqué par des tensions politiques et
des conflits, les pays du MO ont enregistré, en moyenne, une forte croissance de
4,5 %, entre 1997-2007, et de 6 % entre 2003-2007, et cette croissance s’explique
dans une large mesure par les hausses des prix de pétrole. Mais les tendances du
marché du travail se sont révélés assez hétérogènes entre les pays pétroliers du
Golf et ceux orientés vers l’exportation de la main-d’œuvre.
Par rapport à ces moyennes régionales les disparités demeurent importantes
entre les États du Golf producteurs de pétrole et les pays comme le Liban, la
Palestine et d’autres.
La région a vu considérablement augmenter son ratio emploi-population
au cours de ces 5 dernières années passant de 46,0 % à 50,1 % en 2007.
L’augmentation viendrait pour une bonne part, de la hausse de plus de
7 points de pourcentage pour les femmes (BIT, 2008). Mais les inégalités entre
les hommes et les femmes sont si fortes qu’en dépit de cette augmentation, on
enregistre sur 10 jeunes femmes, deux seulement qui travaillent effectivement,
et à peine plus de quatre jeunes hommes sur 10. Selon les projections du BIT,
si cette tendance se confirme, la région atteindra la moyenne mondiale en une
génération.
Les emplois vulnérables restent pour l’essentiel le lot des femmes, en 2007, ils
représentent 43,2 % pour les femmes et 28,2 % pour les hommes, et dans le groupe
des travailleurs familiaux non rémunérés, les femmes représentent 25,3 % contre
5,2 % pour cent pour les hommes.
Néanmoins, il est important de souligner le paradoxe en matière de chômage,
où on observe un chômage durable des ressortissants nationaux malgré un
taux d’emploi assez élevé. L’une des particularités de la région notamment dans
les États du Golf, est qu’un bon nombre des emplois générés par la croissance va
aux travailleurs migrants (en particulier dans le bâtiment mais aussi dans bien
d’autres secteurs économiques).
Le nombre de chômeurs en 2007 est d’un tiers de plus qu’il y a 10 ans, et le
chômage des femmes a augmenté de 50 %. Presque 2 femmes sur dix et un homme
sur 10 ne trouvent pas d’emplois. Le chômage des jeunes est plus préoccupant, il
est 3 fois supérieur à celui des adultes.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 81
() Par exemple en 1997 en Égypte, les taux de chômage étaient de 7 % pour les hommes et de 21 % pour les
femmes. On a identifié chez les hommes 2 % supplémentaires qui se trouvaient en dehors de la population
active, car s'ils voulaient travailler, ils ne pensaient pas pouvoir trouver du travail et donc ils ne se donnaient
pas la peine de chercher. Parmi les femmes 11 % relevaient de cette catégorie des « travailleurs découragés ».
Si le taux de chômage tenait compte de cette catégorie de travailleurs découragés on comptabiliserait
comme chômeuses 21 + 11 = 32 % des femmes (Banque Mondiale, 2004).
82 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Taux d’activité des hommes et des femmes, 1997 et 2007, et écart entre les sexes des femmes
économiquement actives pour 100 hommes, 2007
Nombre
Taux Taux
des femmes
d’activité d’activité
économiquement
des femmes des hommes
actives pour
( %) ( %)
100 hommes
Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI 50,7 49,7 70,9 69,8 80,5
Taux de chômage des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et 2007
Economies développées et
8,1 6,7 6,9 6,2 15,0 12,5 14,4 13,8
Union européenne
Asie de l’Est 3,1 2,7 4,2 3,8 6,3 5,8 8,7 7,9
Asie du Sud-Est et Pacifique 4,2 6,9 3,9 5,6 10,2 16,7 9,8 16,0
Asie du Sud 5,3 5,8 4,4 4,8 10,9 9,9 9,9 9,8
Amérique latine et Caraïbes 10,7 10,9 6,3 6,9 19,3 21,6 11,9 14,0
Afrique du Nord 16,5 16,2 10,1 9,0 30,3 32,3 22,2 21,2
Afrique subsaharienne 9,6 9,1 7,7 7,5 14,9 13,9 14,5 13,6
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 83
Ratio emploi-population des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et
2007
Conclusion
Aujourd’hui, si les taux d’activités globaux dans la région sont les plus bas
du monde, si les taux de chômage globaux sont les plus élevés, c’est bien parce
qu’ils sont tirés par les taux respectifs des jeunes et des femmes en particulier.
Ces indicateurs sexo-spécifiques décrivant la situation des femmes, au niveau du
marché du travail, dans ces pays, les classent en dernières positions dans le monde.
Ils se répercutent par ailleurs, directement dans leurs indicateurs économiques et
sociaux globaux, et se traduisent dans le retard et le déclassement général (Gender
Gap report 2009).
Mais au delà de cet aspect comparatif au niveau international, il est
admis aujourd’hui par plusieurs études théoriques et empiriques (), que la
discrimination en général et entre les sexes en particulier a un coût. Et les coûts
de la discrimination, dans ces pays se répercutent dans plusieurs domaines de la
vie sociale et économique. De ce fait, les PEM, et cela en dépit de leurs différences
et des spécificités qu’ils présentent, ne peuvent plus se permettre de considérer
aujourd’hui la question de l’activité économique des femmes et celle des inégalités
entre les sexes comme un problème marginal et secondaire dans les stratégies du
développement durable.
() A titre indicatif on rappel les théories de G. Becker et d'autres sur les coûts de la discrimination, ainsi que
toutes les études sur les discriminations salariales et les coûts qu'elles impliquent.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 85
Au début du processus
femmes de la rive sud de la Méditerranée comme des êtres uniformes, résignées à leurs
conditions de vie. Les compétences et les expertises féminines du sud sont également
méconnues et, par conséquent, peu associées à l’élaboration et au suivi des programmes
et projets du Partenariat… » (Rabéa Naciri).
Quelques initiatives positives d’intégration des droits des femmes dans le PEM
commencent à être enregistrées en 2001 et 2002. Après une recommandation de la
Réunion euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères en novembre
2001, relative à la prise en compte des principes de l’égalité des chances dans
tous les aspects du Partenariat, cette question a, pour la première fois, été inscrite
à l’ordre du jour de la réunion du Comité d’association UE-Maroc, tenue en mars
2002. L'importance de l'intégration des genres a également été soulignée en ce
qui concerne la coopération bilatérale à l'intérieur du PEM. Sous la présidence
belge, il a été demandé à la Commission européenne d'évaluer les programmes
du Partenariat euro-méditerranéen du point de vue de l'égalité, pour estimer dans
quelle mesure ils impliquent des programmes relatifs aux femmes et l'effet que les
activités menées ont pu avoir sur la vie de ces dernières. Il s'agit donc d'évaluer
les programmes du PEM à travers l'intégration des genres.
Il résulte de la quasi-absence de mention des femmes dans la Déclaration de
Barcelone et dans les accords d’association, que les projets relatifs aux droits des
femmes n’ont reçu qu’un financement modeste de la part des programmes MEDA.
Bien que les engagements MEDA I et MEDA II aient tous deux prévu des fonds
spéciaux pour la promotion des droits des femmes. Le Programme régional MEDA
I sur le renforcement du rôle des femmes dans la vie économique, en 2004, très
modeste (5 millions d’euros).
Le règlement MEDA I (1995-99) faisait déjà en principe une place à l’égalité
hommes femmes dans le cadre de projets spécifiques centrés : sur l’éducation
(accès des filles à l’éducation de base, intégration et maintien des filles dans le
système scolaire) ; sur l’accès des femmes à la santé, notamment maternelle et
infantile, quelques actions de promotion du planning familial s’y ajoutant ; sur
des activités génératrices de revenus pour les femmes (la première génération
de fonds sociaux pour le développement prévoyait des micro crédits ayant pour
objet de favoriser l’accès au financement et le renforcement des capacités à gérer,
notamment en Égypte et en Jordanie).
Mais dans cette première génération de programmes, hormis le caractère
parcellaire et éclectique des projets, en dehors de toute stratégie de cohérence, il était
extrêmement difficile de discerner la part des fonds ayant effectivement bénéficié
aux femmes.
Les organisations de défense des droits des femmes, surtout sur la rive sud de
la Méditerranée, ont souvent une base institutionnelle fragile et ont beaucoup de
difficultés à accéder à l'information sur les procédures et structures de l'UE, ce qui
rend difficile l'accès au financement de l'UE (R. Naciri).
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 87
Barcelone + 10
protection des droits des femmes et de l’égalité des sexes a été mis en place pour
la première fois par les 35 représentants des membres de l’UE et ses partenaires
méditerranéens… Le PAI a fait naître de grands espoirs, dans les organisations de
la société civile quant aux possibilités que créerait ce nouveau mécanisme pour
améliorer la situation des femmes dans les pays du PEM.
Toutefois, les domaines clés abordés par l’évaluation du REMDH, ne comptaient
pas la question de l’emploi des femmes parmi ces domaines (). Cinq rapports
préliminaires pour faire un état des lieux préliminaire, afin de présenter les progrès
réalisés entre 2006 et 2008. Ces rapports concernent le Mashreq, le Maghreb,
l’Égypte, la Turquie, et le dernier relatif à l’Europe répondant à des termes de
référence légèrement différents.
Pour le rapport Européen, en plus du cahier des charges, une note d’orientation
spécifique a été émise et validée. Celle ci identifie la participation des femmes dans
la vie politique, l’égalité professionnelle (salaire et accès à des responsabilités) et
la violence domestique comme des points majeurs (REMDH, 2009).
Conclusion
Les différentes évaluations indiquent que la prise en charge des questions
des femmes par le PEM, notamment sur le plan économique reste un phénomène
assez récent. Et lorsqu’on regarde de près les programmes, sur la participation
économique de la femme, cités plus haut et en dépit des différentes actions
entreprises, on ne trouve guère d’actions particulièrement significatives à même
d’engager des politiques d’envergure nationale et des programmes nationaux
qui seraient axés sur l’emploi des femmes dans les PEM et sur leur travail décent,
tout en étant réellement en mesure d’aider à trouver les solutions au grand déficit
de l’emploi féminin et de la participation des femmes à la population active.
Néanmoins, l’impact même de ces programmes reste à évaluer au niveau des
PEM.
Une nouvelle initiative a aussi été lancée par le biais du nouveau Programme
régional pour les pays du Sud de la PEV « Améliorer l’égalité entre les hommes et
90 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() La mise en œuvre du Programme régional EuroMed Égalité Hommes-Femmes (EGEP), financé par la
Commission européenne, a été confiée à un consortium de deux organismes, situés sur l’une et l’autre
rive de la Méditerranée : le cabinet conseil Transtec et le Centre de la femme arabe pour la formation et la
recherche, CAWTAR.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 91
() L'égalité entre les sexes n'est pas encore au cœur du Partenariat euro-méditerranéen ou de la Politique
européenne de voisinage (PEV), et demeure absente de l'Union pour la Méditerranée. Il convient d'accorder
plus d'importance à cette question dans les dialogues politiques et les programmes.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 93
Proposition 11
ACTION (1) : Un Plaidoyer et une Campagne
a. Justifications et objectifs
() Les résultats de la décomposition par les experts de la Banque mondiale de l'évolution de la participation
des femmes à la population active dans les pays de la région MENA indiquent que la croissance des taux
de participation entre 1980 et 2000 s'expliquent pour 21 % par le progrès de l'éducation des femmes et
pour plus de 37 % par la baisse du taux global de fécondité. L'effet global de l'évolution de la pyramide des
âges a représenté près de 15 % de l'augmentation de la participation des femmes, sur cette augmentation,
18 % ne s'explique ni par les effets de l'éducation, ni par ceux de la fécondité, ni par ceux de la répartition
des âges.
Dans la région MENA, les taux observés de participation des femmes à la population active sont plus
faibles – souvent d'une marge substantielle – que ce que l'on aurait pu attendre en fonction des autres
caractéristiques de la population féminine en âge de travailler. Cette observation indique que le potentiel
d'intégration des femmes dans l'économie de la région déterminé par l'investissement passé dans
l'éducation des femmes et par les tendances récentes en matière de fécondité réalisé est très grand.
Si la tendance générale pour déterminer l'offre de la main-d'œuvre féminine que les analystes de la BM ont
trouvé au niveau du monde s'appliquent à la région MENA, les ratios des taux réels sur les taux prédictibles,
devraient être proche de 1 pour les pays de la région, or ils sont tous inférieurs à 1. Toutefois, dans les pays
où la comparaison dans le temps pouvaient être faites, les ratios ont connu une progression entre 1980 et
2000 sauf en Tunisie, mais ils restent tous inférieur à 1 (Banque mondiale 2004).
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 95
les années 90, Cette perte en terme de potentiel est significative, compte tenu
d’une croissance annuelle du revenu moyen par habitant de 1,9 % sur la décennie
(Banque mondiale (10), 2004).
La faiblesse de la participation des femmes à la population active, se traduit par
une moindre efficacité et une faible rentabilité de l’investissement dans l’éducation
des femmes, ce qui représente un gaspillage des dépenses publiques consenties
par la communauté nationale à l’éducation estimées à 5,3 % du PIB.
(10) Inégalité entre les sexes et développement au MO et en AN, Banque mondiale, 2004.
96 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 12
ACTION (2) : Des Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin (P.A.E.F.)
Justifications et objectif
Les taux d’activité des femmes dans le Maghreb et le Mashreq nous l’avons vu
sont les plus bas du monde, et leurs taux de chômage sont les plus élevés, malgré
des avancées aux niveaux de leur éducation et de la maîtrise de leur fécondité. Les
écarts entre les taux masculins et les taux féminins sont encore très levés.
Cependant, les politiques de développement en général, et les politiques
d’emploi en particulier, ne traitent pas la question de l’emploi des femmes de
manière spécifique et ciblée. Comme si l’emploi était une seule variable compacte
et indivisible.
D’abord, il faut indiquer que les politiques d’appuis à l’emploi dans les PEM
étudiés sont généralement faiblement élaborées et peu développées à l’exception
du Maroc et de la Tunisie.
L’objectif de rectifier le tir dans des tendances de l’emploi des femmes dans la
région, exige aujourd’hui plus que jamais la mise en œuvre de Politiques d’Appui
à l’Emploi Féminin (PAEF) qui ciblent les besoins spécifiques des femmes et des
jeunes femmes diplômées en particuliers qui ont les taux de chômage les plus
élevés, et ce pour réduire le chômage féminin, promouvoir l’activité des femmes
et l’entrepreneuriat féminin et solidaire.
L’entrepreneuriat féminin plus que l’entrepreneuriat masculin est créateur
d’emplois féminins comme cela a été établi récemment par le dernier rapport
du BIT.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 97
Pour chaque pays, ces Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin seront basées sur
les sous actions suivantes :
Sous-action (2.1) : Un Observatoire Contre la Discrimination de l’Emploi
des Femmes. C’est un Mécanisme de veille, d’observation et de lutte contre la
discrimination des femmes lors de l’accès au marché de l’emploi.
Sous-action (2.2) : Un Programme de renforcement des capacités des jeunes
femmes diplômées dans leur recherche d’un emploi décent, par des actions
de formations, d’information, de coaching, d’estime de soi. La conception et la
réalisation de ces programmes seront ouvertes à la contribution de la société civile
(11) et les associations de femmes habilitées à le faire.
Sous-action (2.3) : Un Programme d’encouragement et de promotion de
l’Entrepreneuriat Féminin solidaire (12) et d’égalité d’accès aux ressources
(crédits, propriété foncières, services, marchés, égalité successorale).
Proposition 13
ACTION (3) : Stratégie de lutte contre la discrimination salariale (SLDS)
Justification et objectifs
Les femmes dans le monde entier sont moins biens payés que les hommes,
les raisons de cet écart s’explique en partie par la différence de qualification et
de compétences entre les deux sexes et en partie par la discrimination sexiste.
Même lorsque la législation du travail est égalitaire, ce qui est souvent le cas,
la discrimination salariale et l’inégalité à l’embauche persiste avec des écarts
importants.
Les études de la Banque Mondiale pour les années 2000 indiquent le
pourcentage de hausse des salaires des femmes si la discrimination disparaissait.
Cette hausse des salaires est estimée en moyenne à 25 % pour les pays industrialisés,
et serait la plus élevée pour la région MENA avec 32 % du manque à gagner dans
les salaires féminins.
La réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, au
delà de la contribution à la mise en place d’une société plus juste et égalitaire,
s’avère tout à fait sensée sur le plan de l’efficience économique et social.
L’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes génère
une rentabilité accrue de l’économie dans son ensemble.
(11) Il s'agit d'initier des expériences inédites et aussi de renforcer les expériences pilotes qui existent par
exemple les maisons des femmes qui ont des projets sur l'empowerment économique des femmes en,
Algérie, au Maroc et en Tunisie (AFTURD).
(12) La construction d'un concept qu'on dénommera « entrepreneuriat solidaire » se réfère de notre point
de vue aux principes de solidarité qui sont à la base de ce qu'on appelle l'économie solidaire fondée sur
l'élimination de l'exploitation du travail par le capital.
98 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
La Mission du Réseau :
1. Renforcer les législations nationales par des Directives contre la discrimination
et pour l’obligation de l’égalité salariale.
(13) La Feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010 a été
adoptée le 1er mars 2006. Elle s'inspire de l'expérience de la stratégie cadre pour l'égalité entre les femmes
et les hommes pour la période 2001-2005. Elle associe le lancement de nouvelles actions au renforcement
des activités existantes qui ont fait leurs preuves. Elle réaffirme également la double approche de l'égalité
qui consiste en la prise en compte de la dimension de genre (la promotion de l'égalité entre les sexes
dans tous les domaines et activités politiques) et en l'adoption de mesures spécifiques pour le sexe sous-
représenté.
La Feuille de route représente l’engagement de la Commission à faire progresser la politique d’égalité entre
les femmes et les hommes en partenariats avec les Etats membres et d’autres acteurs. La Feuille de route
pour l’égalité entre les femmes et les hommes met en avant six domaines prioritaires pour l’action de l’UE
relative à l’égalité :
• une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes ;
• la conciliation de la vie privée et professionnelle ;
• une représentation égale dans la prise de décision ;
• l’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre et de la traite d’êtres humains ;
• l’élimination des stéréotypes de genre ;
• la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de
développement.
La Feuille de route prévoit l’amélioration de la gouvernance pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour chaque domaine, elle identifie des objectifs prioritaires et des actions. Elle fera l’objet d’un rapport sur
l’état d’avancement en 2008 et d’une évaluation accompagnée d’une proposition de suivi en 2010.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 99
2. Inscrire les Directives de salaire égal à travail égal pour les hommes et les
femmes dans les Programmes des Politiques Actives d’Emploi des gouvernements
et dans l’agenda des patronats.
3. Accomplir un travail de normalisation sur les méthodes et les normes de
mesure des écarts de salaire entre les sexes et observation annuelle de l’évolution
des écarts dans les différents secteurs.
4. Estimation de ces écarts pour chaque pays et mesure des impacts sur les
revenus des ménages (études).
5. Sensibilisation des syndicats et des patronats sur la question.
6. Rejoindre le combat des femmes de la rive Nord pour la réduction des écarts
des salaires.
Proposition 14
ACTION (4) : Stratégie du caring (garde des enfants)
Justification et objectifs
La plupart des études réalisées dans les pays industrialisés, vont dans le sens
du principe selon lequel, le fait de disposer davantage de possibilités attractives
de gardes des enfants entraîne une hausse de l’emploi des mères (par exemple
l’étude de Gornick, Meyers et Ross. 1996 cité par la Banque mondiale).
Dans certains pays industrialisés, comme l’Allemagne la manière de résoudre
un des grands problèmes de développement pourrait s’appliquer aux cas de la
région sud-méditerranéene.
En 2000, le taux de fécondité des femmes allemandes était de
1,36 enfants, un taux des plus faibles d’Europe. Le faible taux de natalité affecte la
dynamique économique et risque de provoquer dans l’avenir des problèmes de
financement des soins et des retraites. Un certain nombre de jeunes femmes ont
le sentiment qu’entre les enfants et leur carrière, elles sont obligées de choisir.
Tant que les parents qui travaillent n’auront pas de solutions pour la garde
de leurs enfants, la participation des femmes à la population active devrait rester
limitée aux dépens de la croissance économique du pays. Consciente des risques à
venir l’Allemagne prévoit de grandes dépenses pour la garde des enfants et pour
les écoles ouverte toute la journée, pour trouver un équilibre entre le nombre
des décès et de celui des naissances. Il s’agit d’une rupture volontaire avec la
conception selon laquelle il faudrait choisir entre le porte document et le landau
(Banque mondiale, 2004).
Pour favoriser le changement dans les rôles traditionnel des hommes et des
femmes et afin de promouvoir une nouvelle division sexuelle du travail où les
femmes puissent devenir autonomes et actives, il devient urgent de planifier pour
les relayer dans la tâche qui leur incombe dans la prise en charge des enfants et
des autres membres dépendants de la famille.
100 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 15
ACTION (5) : La Budgétisation Sensible au Genre au service
de l’égalité dans l’emploi
Objectifs et justificatifs
La BSG fait partie des bonnes pratiques budgétaires depuis les premières
initiatives mi-80 à 90 par l’Australie et l’Afrique du Sud, pionniers dans ce domaine.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 101
Depuis, ces exemples ont été suivi par un nombre de plus en plus grands de pays
partout dans le monde, la BSG est devenue ainsi un mouvement. Tous les pays
ne sont pas au même point d‘état d’avancement, certains sont plus avancés que
d’autres. En Afrique, les pays comme le Maroc, le Sénégal ont eu des initiatives et
sont à une étape plus ou moins avancée dans la mise en œuvre de la BSG. Haïti,
le Mali, la Côte d’Ivoire, la Sierra Léone, le Bénin et le Burkina Faso sont en bonne
voix. D’autres pays comme la Guinée Bissau, le Cape Vert et la Gambie ont déjà
demandé le soutien de l’UNIFEM à cet effet. Les demandes proviennent soit du
Gouvernement, du Parlement, de la Société Civile, des Agences du SNU ou même
des autres partenaires au développement en appui aux pays en développement.
La BSG signifie (14) l’introduction d’un outil d’analyse genre dans le processus
de programmation et d’élaboration/exécution/évaluation du budget. La BSG :
– reconnaît les façons dont les femmes contribuent à la société et à l’économie
par leur travail non rémunéré ;
– reconnaît l’intersection entre les politiques budgétaires et le bien-être des
femmes ;
– étudie les effets de répartition des recettes et des dépenses des hommes et
des femmes ;
– veille à répondre de manière équitable aux besoins pratiques et stratégiques
des femmes et des hommes de différentes couches de la société ;
– vise à réduire les inégalités socio-économiques entre ces couches et à
considérer les principes de l’équité et de l’égalité.
Dans un contexte de discrimination et d’exclusion basées sur le genre, la BSG
constitue un outil pour garantir que :
– les priorités des femmes pauvres sont reflétées non seulement dans les
politiques, plans et programmes, mais aussi dans les allocations budgétaires,
dépenses et revenus ;
– les acteurs, organisations, systèmes et processus budgétaires reflètent mieux
les intérêts des femmes pauvres et fournissent un espace à la voix des femmes, la
transparence et la responsabilité envers les engagements sensibles au genre.
Dans le contexte des PSM, il y a le Maroc qui est le plus avancé, son initiative
de BSG a commencé depuis près de cinq ans, il est soutenu par l’UNIFEM. Il serait
intéressant, que l’expérience du Maroc se généralise à l’ensemble des PEM.
Notre proposition dans ce cadre consiste dans les sous actions suivantes pour
chaque PSM.
Sous-action (5.1) : Réaliser une Réforme Budgétaire introduisant la BSG.
Sous action (5.2) : Un Appui Institutionnel à la Comptabilité Nationale pour
la prise en compte du travail non rémunéré des ménages et l’élaboration d’un
compte satellite ménage de la production non marchande.
Sous-action (5.3) : Généraliser les Enquêtes Budget temps dans tous les
PSM.
(14) Définition de l'atelier sur la BSG (UNIFEM, Rabat 2009) ; S. Saïdi et Fazouane.
102 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Références
Banque mondiale, 2004, Inégalité entre les sexes et développement au Moyen-Orient
et en Afrique du Nord.
BIT, 2008, Tendances mondiales de l’emploi, Genève
BIT, 2008, Rapport sur le travail dans le monde, les inégalités de revenu à l’épreuve
de la mondialisation.
CES en France, 2005, « Les droits des femmes dans le PEM », France.
Collectif 95 égalité et GTZ, 2006, « Le travail des Maghrébines, l’autre enjeu »,
Rabat.
Euromesco, 2006, « Les femmes en tant que participantes à part entière à la
Communauté euro-méditerranéenne d’États démocratiques ».
Forum économique des femmes, 2008, « The Global Gender Gap », World
Economic Forum, 2008, The Global Gender Gap.
Cassina, Giacomina, « Rôle des femmes dans la vie économique et sociale et
leur intégration dans le marché du travail », Comité économique et social
européen.
OCDE, Perspectives de l’emploi 2007.
Naciri, Rabéa et Isis Nusair, 2003, « L’intégration des droits des femmes au Moyen
Orient et de l’Afrique du nord dans le Partenariat euro-méditerranéen ? »,
REMDH.
REMDH, 2009, Rapport parallèle sur la mise en œuvre du plan d’action d’Istanbul,
« l’égalité des sexes dans la région euro-méditerranéenne : du plan d’action à
l’action ? »
Nations Unies, 22-10-2009, document internet de la deuxième commission de l’AG,
sur l’autonomisation économique des femmes.
UNIFEM, 2008-2009, Qui est responsable devant les femmes ?
UNIFEM, atelier Budgétisation sensible au Genre, Rabat 2009
Site RWEL. Programme EuroMed : rôle des femmes dans la vie économique
est le premier Programme régional de la Commission européenne axé sur
l’autonomisation économique des femmes.
La politique européenne de voisinage et
les initiatives en matière d’emploi, de migrations
et de politiques sociales au sud et
à l’est de la Méditerranée
Erwan Lannon *
Introduction
Cette étude porte au sens large sur les questions socio-économiques des
relations euro-méditerranéennes et plus particulièrement sur la Politique
européenne de voisinage, les questions des migrations et des politiques d‘emploi
et de formation et les perspectives dans le domaine social au sens large. Il s’agit
de faire un état des progrès réalisés dans ces domaines pour ensuite faire une
série de propositions concrètes.
L’accent est mis sur les programmes ou initiatives menées dans le cadre de la
Politique Européenne de Voisinage (PEV) telles que mise en place progressivement
ces dernières années. Les propositions sont de nature opérationnelle. C’est la raison
pour laquelle cette analyse se focalise sur les Programmes Indicatifs Nationaux
(PIN) et les Documents Stratégie Pays (DSP) des partenaires méditerranéens dans
la mesure où il s’agit précisément de document à vocation opérationnelle.
La PEV doit être lue aujourd’hui au travers les déclarations issues du sommet
de Paris pour la Méditerranée du 13 juillet 2008 et de la réunion des ministres
euro-méditerranéens des affaires étrangères de Marseille des 3 et 4 novembre
2008. C’est dans ce nouveau contexte que vont se développer certaines des futures
initiatives socio-économiques prévues dans le cadre des propositions de PIN qui
seront analysées dans le cœur de cette étude.
Au niveau de la déclaration conjointe de Paris, les chefs d’Etat ou de
gouvernement font directement référence à la question de l’emploi, que « la
volonté résolue des partenaires de favoriser le développement des ressources humaines
et l’emploi, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement ». La
« promotion des droits économiques, sociaux », est aussi évoquée et il faut rappeler
que parmi les projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée (UpM) figure
« l’Enseignement supérieur et recherche, université euro-méditerranéenne ». Il
est souligné à ce propos qu’« une attention particulière devrait être accordée à
l’amélioration de la qualité et à l’adéquation entre la formation professionnelle et les
besoins du marché du travail ».
ii) la mise en place d’une approché inclusive avec les plans et stratégies existants
au niveau « interne » de l’UE (stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi,
Stratégie européenne de l’emploi) et la promotion du « travail décent pour tous dans
les relations extérieures de l’UE, surtout dans le cadre de sa politique européenne de
voisinage (PEV) et du processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » ;
iii) la promotion de l’application des normes et des cadres politiques
internationaux établis au sein de l’OIT et de l’ONU dans les domaines de l’emploi,
du travail décent et du développement durable » () ;
iv) la création d’un cadre d’action euro-méditerranéen dans le domaine de
l’emploi, de l’employabilité et du travail décent.
Reste maintenant à vérifier si ces objectifs se retrouvent au niveau opérationnel.
L’étude qui suit est de nature prospective. Elle s’appuie donc essentiellement
sur les « concept notes » qui servent de base de réflexion pour la période 2011-
2013 et qui doivent donc prendre en compte les objectifs de dernières réunions
intergouvernementales euro-méditerranéennes.
Il faut préciser que sont étudiés ici les concepts notes de la Tunisie, du Maroc,
de l’Algérie, de la Syrie, de l’Egypte, de la Jordanie et du Liban. Celle des territoires
palestiniens n’était pas, au moment ou ce policy paper a été rédigé, disponible
et la situation socio-économique d’Israël fait que ce pays est intégré dans la
catégorie des pays développés et donc les actions de coopération se limitent à
des domaines très spécifiques. La Turquie qui est toujours membre du Partenariat
EuroMed-Union pour la Méditerranée ne bénéficie pas de l’IEVP mais des fonds
dévolus à la stratégie de pré-adhésion.
La révision des DSP se fait donc en consultation avec des acteurs tels que les
administrations nationales, des partenaires locaux et des organisations de la société
civile le processus étant mené par la DG RELEX de la Commissions européenne et
les délégations dans les pays partenaires ().
() The Mid-Term Review of ENPI Strategy Papers and Indicative Programmes, Information Note for Civil
Society Organisations.
() Concept note, Tunisie, page 3.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 107
6. Conclusions
Contrairement à d’autres concept notes la Commission européenne ne fournit
pas de ventilation budgétaire moyenne annuelle par secteur prioritaire. Ceci pose
un problème pour effectuer une analyse comparative (V. tableau à la fin de l’étude)
et pour affiner l’analyse.
On peut toutefois constater le lien important entre la stabilité politique et la
situation socio-économique qui est mentionné par la Commission européenne. La
protection sociale et la lutte contre le chômage demeurent des priorités essentielles
qui prennent en compte les priorités nationales de la Tunisie.
Il faut toutefois aussi noter que la Commission européenne souligne que la
« participation de la société civile (au sens large) dans l’élaboration et la mise en
œuvre des programmes et projets est restée jusque là faible et est à développer ».
Les initiatives concernant les questions migratoires ne sont pas très visibles.
3. Conclusions
Il y a de toute évidence une volonté de poursuivre les programmes en cours
sur les priorités traditionnelles du Maroc même si la Commission européenne
mentionne clairement les nouveaux objectifs du statut avancé sans toutefois
élaborer sur ce sujet ce qui paraît regrettable car au plan opérationnel le statut
avancé semble avoir, en tous cas pour l’instant peu d’impact.
Ici aussi il n’y a pas d’indications en ce qui concerne la ventilation des
enveloppes annuelles moyennes par secteur.
i) Pour 2010
La Commission entend se concentrer sur des programmes à caractère
économique (Programme d’appui au secteur des travaux publics ; Programme
d’appui aux dispositifs nationaux de contrôle sanitaire et phytosanitaire des
produits agricoles et de la pêche ; Programme d’appui à la mise en place d’un
système statistique dans le secteur de l’habitat et l’urbanisme, Programme de
contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics de la
santé).
(13) « Le 1er Comité d’association UE-Algérie s’est tenu à Alger le 16 septembre 2008. Conformément au
mandat du Conseil d’association UE-Algérie du 10 mars 2008, une « Feuille de route d’accompagnement de
l’Accord d’association » a été adoptée lors de cette réunion. » Concept note Algeria, p. 1.
(14) Concept note Algérie, p. 5.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 111
3. Conclusions
Les priorités sont ici un peu floues. La Commission européenne se réfère plutôt
à des programmes. Ceci semble résulter de l’absence de plan d’action PEV qui a
justement pour objectif de définir clairement les priorités de la coopération. La
feuille de route semble donc ne pas combler ce vide.
D’autre part il faut signaler que la question des migrations internationales a
fait l’objet d’un paragraphe assez développé. La concept note souligne en effet
que l’Algérie vient d’adopter « une nouvelle loi le 25 juin 2008 réformant les règles
concernant la gestion des frontières, la concession des visas, le traitement des
migrants clandestins et les demandeurs d’asiles » et que l’UE « est très intéressée
à coopérer avec l’Algérie dans tous les aspects de la migration d’une manière
articulé et équilibré, conformément à sa politique de l’Approche Globale sur
la migration, ainsi qu’aux délibérations des conférences d’Albufeira et de
Lisbonne » (15).
(20) Ce programme pourrait être basé sur « un cadre législatif et réglementaire approprié comprenant des
mesures visant à promouvoir l’efficacité énergétique, destiné à tous les secteurs de l’économie et l’utilisation
ou le développement des sources d’énergie renouvelable. Ces interventions devront être coordonnées
avec les projets régionaux actuels et programmés de la CE dans ces domaines et avec les bailleurs de fonds
et les IFI qui opèrent dans ces domaines ». Note conceptuelle de Syrie, p. 4.
114 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
5. Conclusions
Il semble qu’il existe ici une réelle volonté de réorienter la coopération vers les
zones rurales et d’anticiper l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association. Toutefois,
on ne sait pas avec certitude quand cet accord sera finalement signé étant donné
le contexte actuel.
Les priorités sont clairement identifiées. Pour la dimension socio-économique
y compris la société civile, la pauvreté est une préoccupation majeure. Toutefois,
on devrait noter la baisse de la part de l’enveloppe financière accordée au soutien
aux réformes sociales (20 % comparée à 31 % pour 2007-2011). Une augmentation
de cette part serait très bénéfique pour les réformes économiques, politiques et
administratives.
(21) Le programme « veillera à ce que les préoccupations environnementales et les questions liées aux
changements climatiques ainsi que l’élaboration de normes de production de qualité et de commercialisation
dans le secteur agricole soient prises en considération. » Note conceptuelle de Syrie, p. 4.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 115
(22) Développement de la société civile, démocratisation, promotion et protection des droits de l'Homme.
116 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
4. Conclusions
Le volet social n’est pas suffisamment développé en tant que tel, mais plutôt
traité à travers la priorité de la « durabilité du processus de développement » qui
tirera profit d’une légère augmentation de l’enveloppe financière ; des questions
telles que la sécurité sociale, la pauvreté et les parties prenantes locales seront
traitées dans ce cadre.
3. Priorités
Pour la période entre 2011 et 2013, pas moins de 50 millions € par an devraient
être réunis pour soutenir les priorités spécifiques au titre du second PIN.
Trois priorités ont été identifiées :
ii) Soutien aux réformes sociales et économiques dans des domaines tels que :
50 % à 60 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à ce secteur
(comparés aux 46 % pour 2007-2010)
Cet appui vise à :
– soutenir les politiques stimulant la croissance, augmenter la compétitivité
de l’économie libanaise et promouvoir l’innovation ;
– soutenir la réforme de la politique de l’éducation et de la recherche (y compris
la formation professionnelle).
4. Conclusion
Il faut saluer ici la volonté de protéger les populations vulnérables par des
projets mis en œuvre par la société civile, une légère augmentation de l’enveloppe
pour le soutien aux réformes sociales et économiques, mais qui manquent d’une
dimension sociale stricto sensu et une baisse potentiellement plus importante de
l’enveloppe pour soutenir la reprise et la redynamisation du pays.
Il faut également souligner l’absence d’une dimension sociale et migratoire à
proprement parler.
i) Soutenir les réformes de l’Égypte dans les domaines de la démocratie, des droits
de l’homme, de la bonne gouvernance et de la justice.
Une part de 5-10 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être consacrée à ce
secteur (comparée à 7 % pour 2007-2010).
– Appuyer les institutions, les politiques et les programmes de réforme qui
contribuent à enraciner les droits fondamentaux de l’homme et les libertés,
y compris les droits des femmes et des minorités ;
– Soutenir la tenue d’élections libres et honnêtes et aider la société civile à
participer activement dans les processus politiques et à contribuer au
processus législatif ;
– Promouvoir la protection des demandeurs d’asile politique et des catégories
vulnérables de migrants ;
– Soutenir la rationalisation et le renforcement des capacités dans
l’administration publique et promouvoir la déconcentration des pouvoirs au
plan local en appuyant la réforme de la décentralisation ;
– Appuyer la réforme de l’appareil judiciaire en cours et promouvoir la culture
du respect des droits humains dans les services de police et dans les prisons.
– Mettre l’accent sur les mesures en faveur des pauvres dans les programmes de
réforme afin d’aider à réduire les seuils de pauvreté et soutenir le
développement régional et rural.
– Continuer à appuyer la réforme de l’éducation, en mettant l’accent
en particulier sur l’enseignement primaire et à soutenir les programmes
d’apprentissage et de formation continus à l’esprit d’entreprise pour aider les
chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes pour mieux répondre aux
besoins du marché du travail.
– Soutenir le développement du marché du travail en vue de promouvoir
l’emploi formel, les « emplois de qualité » et des systèmes appropriés de
protection sociale.
– Encourager le développement durable en soutenant les politiques et les
investissements qui garantissent un usage rationnel des ressources,
promouvoir la protection de l’environnement et s’attaquer aux changements
climatiques.
4. Conclusion
La part de l’enveloppe financière demeurera plus ou moins la même. Les
principaux volets sociaux figurent dans la troisième priorité intitulée « Assurer
la durabilité du processus de développement au moyen de politiques sociales,
économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des
ressources naturelles ». La réduction de la pauvreté et le soutien au développement
du marché du travail en vue de promouvoir l’emploi formel, des « emplois de
qualité » et des systèmes appropriés de protection sociale sont clairement décrits
comme étant des questions prioritaire.
La volonté de continuer à soutenir la réforme de l’éducation qui vise à soutenir
les programmes d’apprentissage et de formation à l’esprit d’entreprise en vue
d’aider les chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes en vue de mieux répondre
aux besoins du marché du travail.
Il y a une absence d’initiatives dans le domaine de la migration, particulièrement
depuis que la migration est considérée comme l’un des objectifs stratégiques de
la coopération UE-Égypte au cours de la période 2011-2013.
Tableau 1
Priorités PIN 2011-2013 au niveau socio-économique et ventilation budgétaire
Pays Priorité 1 pour PIN 2011-2013 Priorité 2 pour PIN 2011-2013 2011-2013
Algérie Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) ?
Concentration sur des programmes à caractère économique. Concentration sur des programmes à caractère économique
Maroc Politiques de développement des politiques sociales. Modernisation économique. ?
Tunisie La gouvernance économique et la compétitivité des entreprises, L’emploi et la protection sociale, notamment la modernisation des ?
notamment dans le secteur industriel et le secteur des services. systèmes de retraite, des amortisseurs sociaux, des requalifications
des chômeurs et la lutte croissante contre le chômage structurel qui
demeure à un taux élevé.
Égypte Développer la compétitivité et la productivité de l’économie Assurer la durabilité du processus de développement par des 142 millions €
égyptienne 40 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 39 % politiques sociales et économique efficaces
pour 2007-2010). 50-55 % de l’enveloppe bilatérale (comparée aux 54 % pour
2007-2010).
Jordanie Développement du commerce et de l’investissement Durabilité du processus de développement 66,25 millions €
20-25 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 29 % pour 25-30 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 24 % pour 2007-
2007-2010) ; 2010).
– Soutien à la facilitation du transport et du commerce ; – Créer un effet de bien-être issu de la croissance économique ;
– Développement du secteur privé et des l’exportations. – Appui de la CE aux ressources humaines (intégration des éléments
de sécurité sociale) ;
– Développement local :la Commission entend renforcer le rôle et les
capacités des parties prenantes locales (stratégie gouvernementale
de réduction de la pauvreté et son programme de décentralisation).
Liban Soutien des réformes sociale et économique dans les domaines Soutien à la reprise et à la redynamisation du pays 50 millions € par an
tels que : 30-40 % pourraient être alloués au prochain PIN (comparés
50-60 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 46 % pour aux 42,5 % pour 2007-2010).
2007-2010). – S’attaquer aux disparités régionales à travers l’élaboration de
– Soutien aux politiques qui contribuent à stimuler la croissance stratégies de développement régional et local - Activités visant la
– Soutien à la réforme de l’éducation et à la politique de la protection de l’environnement (en impliquant la société civile).
recherche (y compris la formation professionnelle).
Syrie Soutenir les réformes économiques Soutenir les réformes sociales 32,5 millions €
50 % (comparés aux 38 % pour 2007-2010). 20 % (comparés aux 31 % pour 2007-2010)
122 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 123
Tableau 2
Programmes liés aux questions sociales
Pays Programmes liés au champ de l’étude : récent ou envisagé pour le prochain PIN
(non exhaustif)
Algérie i) 2012 Programme « Diversification de l’économie II, plus axé sur le Patrimoine », en
continuité avec DIVECO I, volet tourisme, dans la perspective de l’exploitation touristique ;
ii) programme mise à niveau FP/emploi (2001-2008, 60 millions €) ;
iii) Programme de contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics
de la santé.
Proposition 16
Développer des « concept papers type »
Proposition 17
Création de sous-comités « société civile » dans le cadre
des accords euro-méditerranéens
Il faut se poser la question de savoir dans quelle mesure, dans certains pays, la
société civile est vraiment en mesure de répondre aux sollicitations de la Commission
européenne pour qu’elle participe effectivement à l’élaboration à la mise en œuvre
et au suivi des programmes et projets. L’institutionnalisation de l’association de
la société civile par la création de sous-comités « société civile » dans le cadre des
accords euro-méditerranéens peut combler un certain déficit à cet égard.
Proposition 18
Diffuser les réponses et les propositions de la société civile
en réaction à la publication des concept papers, dans un vrai processus de
consultation et d’information publique
Il faut finalement noter qu’il existe des différences claires pour des pays ne
bénéficiant pas de plans d’action comme la Syrie ou l’Algérie qui ne sont pas partie
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 125
prenante à la PEV. Les priorités sont moins claires que pour de pays bénéficiant
de plans d’action PEV. Il conviendrait de remédier à cet état de fait en améliorant
les feuilles de route.
Proposition 19 (27)
Généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché
de l’emploi et le dialogue social
(26) Voir une revue des déclarations et initiatives dans le domaine social dans Erwan Lannon (2010) :
Védémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes, Fondation Friedrich Ebert, Rabat.
(27) Voir aussi les précisions contenues dans la proposition dans le même sens, sous le numéro 19 (voir
page 138), formulée dans la contribution d'Iván Martín ci-dessous.
126 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 20
Création d’un programme « EuroMed normes sociales »
Proposition 21
Programmes liant les questions migratoires à celle
de l’emploi et des normes sociales
Le lien entre les questions sociales et l’emploi avec les politiques d'immigration
n’est pas toujours réalisé. Il convient donc de créer des synergies en la matière en
créant un ou des programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi
et des normes sociales. Ce ou ces programmes doivent avoir une dimension
transversale (emploi et normes sociales) et intégrée (dimension EuroMed et
politiques européennes internes).
Au niveau des migrations la situation varie beaucoup d’un partenaire à l’autre.
Il y a toutefois la volonté apparente de prendre en compte les migrations légales
et pas seulement les migrations illégales ce qui est fondamental dans le contexte
actuel.
Proposition 22 (29)
Le lancement d’études prospectives sur la faisabilité
d’un « espace social euro-méditerranéen à l’horizon 2020 »
et un « Programme régional cadre » sur
« l’espace social euro-méditerranéen »
Tableau 3
Synthèse des propositions opérationnelles
III. Sur les dimensions externes des politiques internes européennes et l’espace
social euro-méditerranéen
plus élevés que ceux qui existent dans les marchés nationaux de l’emploi. Il s’agit
d’une part considérable de la force de travail des Pays arabes méditerranéens,
aussi bien du point de vue quantitatif que qualitatif, même si dans les pays du
Mashreq, contrairement aux pays du Maghreb, la plupart des femmes s’abstiennent
de migrer jusqu’ici. Si ce ratio de migration venait à se maintenir grâce à une
migration durable, la croissance des populations en âge de travailler dans les PAM
se traduirait par un flux migratoire annuel de 200.000 personnes entre 2010 et 2020
(c’est-à-dire 2 millions de nouveaux migrants des PAM au cours de cette période).
Mais il existe des éléments fort probants de l’augmentation des taux de migration
dans les PAM au cours de la dernière décennie (23 % en Tunisie, presque 100 % au
Liban), de sorte que ce flux pourrait facilement tripler pour atteindre 6 millions
de nouveaux migrants au cours des dix prochaines années si les taux migratoires
venaient à atteindre le niveau de 24 % conformément à des indications récentes.
Ces chiffres pourraient facilement se multiplier si les limites actuelles à l’activité
– et à la migration – des femmes étaient assouplies.
L’ampleur du défi de l’emploi dans les Pays arabes méditerranéens au cours des
10 à 15 années à venir est si prononcée qu’aucun scénario possible de migration
ne pourrait résoudre ce problème. Or, dans les deux décennies à venir, les PAM
fourniront un groupe de jeunes travailleurs instruits dans lequel les marchés de
l’emploi de l’UE pourraient investir leur demande croissante en travailleurs migrants
ayant des qualifications moyennes et élevées. Toutefois, cette synergie dépend de la
mise à niveau effective et immédiate des compétences de la main-d’œuvre des Pays
arabes méditerranéens (ce qui devrait constituer une priorité pour la coopération
économique entre l’UE et les PAM) et de l’instauration d’un climat favorable pour la
migration légale vers l’UE, ce qui contribuerait effectivement à attirer les migrants
qualifiés. Mais les instruments actuels de la politique migratoire de l’UE, y compris la
« Carte Bleue » récemment approuvée, ne semblent pas aller dans ce sens. Pourtant
les nouvelles stratégies régionales euro-méditerranéennes définies dans le domaine
de la migration et l’emploi suite aux premières conférences ministérielles euro-
méditerranéennes dans ces domaines (les premières conférences ministérielles
euro-méditerranéennes sur la migration en novembre 2007 et sur le travail et
l’emploi en novembre 2008) ont créé un cadre régional qui pourrait aboutir à une
stratégie globale couvrant toute la région sur la migration de travail – à condition
que soient adoptés des outils politiques appropriés et des plans efficaces de mise
en œuvre.
à rechercher une coopération à ce sujet « avec les pays candidats, les pays voisins
et d’autres pays tiers » (). Les Etats membres de l’Union européenne s’engagent
à promouvoir les normes fondamentales du travail, et de manière plus générale,
le « développement social » en conformité avec les droits fondamentaux prévus
dans la Charte de Nice adoptés en décembre 2000, ce qui « confirme l’objectif
européen de promouvoir et d’intégrer les droits fondamentaux – y compris les
normes fondamentales du travail – dans toutes ses politiques et actions ».
Ces développements font suite à la Communication de la Commission intitulée :
« La dimension sociale de la mondialisation – comment la politique de l’UE contribue
à en étendre les avantages à tous » () adoptée en réaction au rapport final de
la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation réalisé par
l’OIT et publié en avril 2004 (). Dès le début, la Commission a souligné que « l’UE
doit également s’assurer qu’elle met en oeuvre ses politiques extérieures d’une
manière qui contribue à l’optimisation des avantages de la mondialisation pour
tous les groupes sociaux dans tous ses pays et régions partenaires. Ses politiques
extérieures ont toujours été marquées par une dimension sociale importante, par
exemple en matière de soutien de l’accès universel aux services sociaux de base
dans les pays en développement ». Selon la Commission, l’UE promeut, depuis un
certain temps déjà, l’efficacité et la cohérence de la gouvernance mondiale, à travers
des institutions internationales, pour garantir que les politiques commerciales et
les relations bilatérales avec les régions et les pays apportent un plein soutien
au développement social et que le développement et la coopération extérieure
contribuent à optimiser les conséquences sociales positives et à minimiser celles
négatives de la mondialisation. L’analyse du contexte menée par la Commission
Européenne est claire : les normes fondamentales du travail et le dialogue bipartite
et tripartite constituent des composantes essentielles du cadre qui assurera une
mondialisation juste. L’objectif final devrait être la mise en œuvre d’un progrès
social dynamique capable de promouvoir le travail décent pour tous.
Au niveau des accords bilatéraux et régionaux (point 5.1.1 de la Communication),
la Commission européenne précise que :
i) La plupart des accords incluent aussi un chapitre social qui, pour certains
d’entre eux, doit encore être pleinement exploité.
ii) Depuis 1992, le respect des principes démocratiques, des droits de l’Homme
et de l’Etat de droit fait parti des éléments essentiels de tous les accords conclus
[…]. La société civile et les partenaires sociaux font également partie de ce
processus.
iii) Il est donc important que les dispositions existantes en matière de normes
fondamentales du travail soient effectivement mises en œuvre.
() Commission européenne (2005), Communication de la Commission sur l’Agenda social, COM(2005)33,
p. 5, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2005 :0033 :FIN :FR :PDF.
() Communication de la Commission COM(2004) 383 finale, 18 mai 2004, http://eur-lex.europa.eu/
LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2004 :0383 :FIN :FR :PDF.
() Rapport final de le Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation (CMDSM),
disponible sur http://www.ilo.org/public/french/wcsdg/.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 133
() Voir Samir Aita (ed.), Iván Martín (dir.) et alia (2008) : Emploi et droit du travail dans les pays arabes
méditerranéens et le Partenariat euroméditerranéen, Fundación Paz y Solidaridad Serafín Aliaga, Madrid,
205 pp., http://www.ccoo.es/comunes/temp/recursos/1/216520.pdf ; ainsi que Barreñada, I. and I. Martín
(2005), « L’emploi et la protection sociale dans le Partenariat Euroméditerranéen. Bilan, perspectives et
propositions pour l’action », dans Evénement civil Barcelone + 10. Proposition de la société civile pour relancer
le Partenariat euroméditerranéen, Plate-forme non gouvernementale EuroMed, p. 29-33, http://library.fes.de/
pdf-files/gurn/00024.pdf.
() Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Conférence ministérielle, Déclaration finale,
Marseille, 3-4 novembre 2008, www.ambafrance-gr.org/france_grece/IMG/pdf/Declaration_finale_04_
Nov_2008_FR.pdf.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 135
d’action nationaux et les rapports sur les progrès accomplis au niveau national,
qui devront être présentés avant 2009, et en ce qui concerne les Etats membres
de l’UE, sur les rapports soumis dans le cadre de la stratégie de Lisbonne de l’UE
adoptée en 2000 et renouvelée après l’examen à mi-parcours en 2005 et devant
expirer et être revue en 2010.
Une fois de plus, sur le papier cela va bien au-delà de ce que les partenaires
sociaux les plus optimistes avaient demandé il y a seulement deux ans. A présent,
le défi est de maintenir cet élan, donner de la consistance à ce cadre d’action et de
le transformer en un plan opérationnel de création d’emplois dans la Méditerranée,
dans la perspective d’élaborer une véritable stratégie pour l’emploi à l’échelle de la
région euro-méditerranéenne (10). Toutefois, la lenteur enregistrée dans la mise
en place du mécanisme de suivi donne un mauvais signal au niveau des priorités
et de l’urgence perçue de la question : il a fallu au Groupe de travail plus d’une
année pour se réunir la première fois (les 26-27 novembre 2009), il fonctionnera
principalement sur la base de trois rapports élaborés par la Fondation européenne
pour la formation (sur l’employabilité), le FEMISE (sur la création d’emplois) et l’OIT
(sur le travail décent), alors que l’implication et l’engagement des responsables des
gouvernements nationaux n’est pas encore claire.
Propositions
Proposition 23
Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME)
(10) Voir les propositions à ce sujet dans Aita, Martín et alia 2008, mentionnées dans la note de bas de
page 7, et dans Martín 2005, mentionnées dans la note de bas de page 25.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 137
planification, suivi, examen et réajustement des politiques mises en place par les
Etats membres de l’UE en vue de coordonner les instruments qu’ils utilisent pour
traiter la question du chômage. La Stratégie européenne pour l’emploi est fondée
sur quatre composantes :
• les lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi (depuis 2005,
les lignes directrices sont présentées conjointement avec les lignes directrices
pour les politiques macroéconomiques et micro-économiques de l’UE pour
une période de trois ans) ;
• les programmes nationaux de réforme pour chaque pays ;
• le rapport annuel de la Commission sur la croissance et l’emploi qui analyse
les 27 nouveaux programmes nationaux de réforme présentés par les Etats-
membres ;
• toutes recommandations adoptées par le Conseil.
A une étape ultérieure, une intégration complète dans une stratégie unique
commune à l’UE et aux Pays partenaire méditerranéens pourrait être envisagée.
La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME) devrait être fondée
sur une série de principes :
a. La coresponsabilité. Cette responsabilité partagée est la conséquence logique
de l’identification d’une « question d’intérêt commun » donnant lieu à la « méthode
ouverte de coordination » (11). Il est difficile de questionner que l’emploi et les
conditions sociales dans les Pays arabes méditerranéens ainsi que la politique
européenne de l’immigration soient, en fait, des questions d’intérêt commun
tant pour l’UE que pour les Pays partenaires méditerranéens. L’existence de telles
questions d’intérêt commun mène à un « droit à l’information », c’est-à-dire le droit
de tous les partenaires d’être informés sur les politiques des autres partenaires.
L’étape suivante est, bien entendu, la recherche de solutions communes à ces
problèmes communs, c’est-à-dire la définition de stratégies conjointes. La mise
en œuvre de ces stratégies nécessite la mobilisation et la mise en commun des
ressources.
b. La cohérence. La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi devrait être
étroitement liée aux plans d’action de la PEV12 qui devraient prévoir des mesures
concrètes pour la mettre en œuvre au niveau national.
c. L’information. La nécessité d’un système d’indicateurs pour assurer le suivi de
la performance des politiques, dans le cadre de la Stratégie euro-méditerranéenne
pour l’emploi et dans celui des plans d’actions de voisinage, présuppose la mise
en place d’un système intégré de statistiques et d’information sociales sur les
politiques d’emploi pour alimenter un système de monitoring à l’échelle de la
région (13).
Proposition 19 (14)
Un programme euro-méditerranéen pour le suivi et
la mise à niveau des politiques nationales d’emploi dans
les Pays partenaires méditerranéens
Dans d’autres régions voisines, comme les Balkans, l’UE a en effet entrepris
des projets pour examiner, évaluer, assurer le suivi et coordonner les politiques
nationales d’emploi et les services publics d’emploi (tel que le Processus de
Bucarest lancé en 2003 dans le cadre du Pacte de stabilité pour 9 pays de l’Europe
du sud-est, qui pourrait servir de modèle ; le point de départ de ce processus
était la décision des ministres chargés de l’emploi de pays partenaires de traiter
les problèmes de l’emploi de façon collective avec l’appui et les conseils de
l’Organisation Internationale du Travail et du Conseil de l’Europe (15)).
Ceci devrait faire partie intégrante du cadre d’action approuvé lors de la
première Conférence euro-méditerranéenne des Ministres de l’emploi et du travail.
La mise à niveau des politiques nationales de l’emploi devrait constituer une
priorité pour les nouveaux instruments de la Politique européenne de voisinage,
tels que les jumelages, TAIEX, SIGMA, etc. qui ciblent l’assistance technique, le
renforcement des capacités, l’évaluation… Tout particulièrement, un système
devrait être mis en place pour soutenir les politiques nationales d’intervention sur
les marchés du travail qui contribuent au recyclage et à la réinsertion professionnels
dans le marché du travail à travers des emplois durables, décents et de qualité, y
compris le renforcement des capacités administratives et le soutien financier.
(14) Cette proposition se recoupe largement avec la Proposition 19, formulé par Erwan Lannon dans sa
contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage.
(15) Voir la description du Processus au site : http://www.stabilitypact.org/edeg/Bucharest %20Process.
ppt.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 139
Eléments :
– Examen des politiques nationales de l’emploi suivant un modèle commun
dans l’ensemble des Pays arabes méditerranéens
– Renforcement institutionnel des Ministères de l’emploi et de leurs
compétences en matière d’élaboration des politiques.
– Renforcement institutionnel des Agences nationales de l’emploi en tant
qu’intermédiaires sur le marché du travail.
– Assistance technique.
Proposition 24
Programme EuroMed pour l’accès des jeunes à l’emploi (AJE)
(16) Voir Middle East Youth Initiative (2009), Missed by the Boom, Hurt by the Boost, Making Markets Work
for the Young People in the Middle East, 36 p. Dubai School of Government et le Centre Wolfensohn pour le
Développement à Brookings, http://www.shababinclusion.org/files/1352_Dossier_MEYI_Rapport final.pdf.
(17) Voir Iván Martín (2009) : « L’emploi des jeunes dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur »
dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247-250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www.
iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf.
140 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 25
Une Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité
(19) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique
européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/
pressdata/fr/ec/92224.pdf.
(20) Conclusions de la première réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration, 19-11-2007
http://www.eu2007.pt/UE/vEN/Noticias_Documentos/20071119Conclusoeseuromed.htm.
(21) COM(2006)726 final, 4 décembre 2006, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com06_726_en.pdf.
(22) COM(2007) 774 fin, 05/12/2007,http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com07_774_fr.pdf.
(23) Voir les conclusions du Sommet du Conseil européen des 19-20 mars 2009, http://europa.eu/rapid/
pressReleasesAction.do?reference=DOC/09/1&format=HTML&aged=0&language=ES&guiLanguage=en
142 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 26
Un système de compensation pour la fuite des cerveaux
dans les Pays arabes méditerranéens
(24) Voir la Directive du Conseil 2009/50/EC du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour
des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié (Directive sur la « Carte bleue »).
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 143
Proposition 27
Établissement de mécanismes de consultation sociale PEM
et de la PEV
(25) Voir Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens.
35 propositions pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert, (http://
www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ).
144 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
sociale de grande importance pour les décennies à venir à la suite d’un processus
qui, dans la majorité des cas, n’envisageait aucune sorte de consultation ou de
concertation sociale interne/nationale.
De même, l’introduction de réformes institutionnelles, politiques et économiques
technocratiques prêtes à porter, sans un large débat politique et social préalable
dans les PPM eux-mêmes – un débat qui puisse servir à internaliser ces réformes
et dégager un consensus autour de la vision et du projet social qui les sous-tend,
risque de tenir les sociétés des PPM à distance du Processus euro-méditerranéen
et mettre en danger leur pérennité, en ce sens que la société elle même n’aura
pas le sentiment de s’identifier à ces réformes ou d’y être engagée à l’avenir
(Cf. Proposition 1 dans l’Introduction). En effet, lors de la première Conférence
euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi, « les ministres ont
souligné le rôle essentiel que le dialogue social devait jouer dans la gestion des
transformations économiques dans la région euro-méditerranéenne ».
Au niveau du Partenariat euro-méditerranéen même, abstraction faite
des consultations obligatoires du Comité économique et social européen, les
institutions euro-méditerranéennes n’ont jusqu’ici mis en place aucun mécanisme
efficace en vue d’une consultation sociale effective. Il est assez significatif et
inquiétant qu’au cours des quatorze années du processus les acteurs sociaux
n’aient pas été impliqués dans la discussion ou la mise en œuvre des accords du
PEM ou dans les Plans indicatifs nationaux, ou encore plus récemment dans les
Plans d’action de voisinage.
D’après l’expérience européenne, la fonction consultative des acteurs sociaux et
économiques a été une pièce maîtresse de la démocratie participative. Les acteurs
sociaux de la région ont montré une volonté claire de promouvoir cette pratique
dans le cadre du PEM. Grâce aux efforts multiples, des progrès ont pu être réalisés
depuis 1995 ; des organes consultatifs ont été créés dans plusieurs pays (Palestine,
Jordanie), mais beaucoup d’autres pays n’en possèdent pas encore (Maroc, Egypte,
Syrie). De manière générale, le dialogue social est encore sous-développé. Les rares
initiatives entreprises dans ce domaine, quoique parfois soutenues par des fonds
régionaux MEDA, tel le Forum syndical EuroMed ou les quinze sommets euro-
méditerranéens successifs des Conseils économiques et sociaux et institutions
similaires, l’ont été par les acteurs sociaux eux-mêmes.
Cependant, il faut admettre que le Partenariat euro-méditerranéen a
progressivement élargi le champ du processus de consultation qu’il entreprend,
depuis les Forums civils EuroMed organisés depuis 1995 (d’une façon plutôt
informelle et irrégulière au début) jusqu’à l’Assemblée parlementaire euro-
méditerranéenne créée en 2004 et, plus récemment l’accord de créer une Assemblée
locale et régionale EuroMed en vue de se concerter avec les gouvernements locaux
et régionaux. Sur le plan des déclarations, la Conférence euro-méditerranéenne
des ministres du travail et de l’emploi a, pour la première fois, « souligné
l’importance cruciale que revêt un véritable dialogue social pour renforcer
l’emploi, l’employabilité et le travail décent dans les pays euro-méditerranéens.
Le dialogue tripartite entre les partenaires sociaux et les gouvernements est
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 145
(26) Voir la proposition à cette fin dans Martín 2005, citée dans la note 25 ci-dessus.
(27) La mesure dans laquelle la PEV est perçue comme bénéfique dépendra de son incidence sur le niveau
de vie. (…). Un dialogue renforcé doit être mis en place par l’entremise des sous-comités concernés et par le
biais des dialogues économiques. (…). Le renforcement du dialogue et de la coopération sur la dimension
sociale couvrira en particulier le développement socio-économique, l’emploi, la politique sociale et les
réformes structurelles. L’UE encouragera les efforts consentis par les gouvernements partenaires pour
réduire la pauvreté, créer de l’emploi, promouvoir les normes fondamentales du travail et le dialogue social,
réduire les disparités régionales, améliorer les conditions de travail, renforcer l’efficacité de l’aide sociale
et réformer les systèmes nationaux de protection sociale. L’idée est d’engager un dialogue concernant la
politique de l’emploi et la politique sociale afin d’analyser et d’évaluer la situation, d’identifier les principaux
défis à relever et de promouvoir les réponses qui peuvent y être apportées au niveau de l’action des
pouvoirs publics’’ (Commission européenne, Politique européenne de voisinage, Document d’orientation,
COM(2004)373, p.15, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/strategy/strategy_paper_fr.pdf ). ‘Il conviendrait
d’intensifier le dialogue sur l’emploi et la politique sociale afin de recenser les principaux défis à relever dans ce
domaine et de favoriser la définition de politiques pour y faire face’’ (ibid., p. 25).
146 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
Proposition 22 (28)
Préparation d’une « feuille de route » pour aller vers
un « Espace social euro-méditerranéen » dans le cadre de
la Politique européenne de voisinage
Au niveau européen, l’Agenda de Lisbonne (2000) qui avait par objectif faire
de l’Europe une économie plus compétitive a été rapidement complétée par à
l’Agenda social européen adopté en 2005. Cette approche équilibrée n’a pas été
suivie dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, et sa dimension sociale n’a
commencé à se manifester peu à peu que dans les quelques derniers mois.
Un contenu social et d’emploi innovateur des plans d’action du voisinage
avec les PPM devrait constituer un élément central dans la coopération euro-
méditerranéenne et sa mise en œuvre effective devrait être assurée par des
ressources suffisantes, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Les plans d’action
devraient devenir des instruments efficaces pour favoriser la convergence
législative des PPM vers le modèle social européen, renforcer les politiques
nationales d’emploi, promouvoir le dialogue social au sein de chaque pays et le
(28) Cette proposition recoupe largement la Proposition 22, formulée par Erwan Lannon dans sa
contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 147
dialogue politique entre l’UE et les PPM sur les politiques sociales, et veiller à la
ratification, la conformité et la mise en œuvre des conventions fondamentales de
l’OIT et des normes internationales fondamentales du travail.
Ce processus devrait tendre et finalement aboutir à la création d’un véritable
« espace social euro-méditerranéen » s’ajoutant à la zone de libre-échange
euro-méditerranéenne prévue en 2010. Dans le but de garantir la cohérence du
processus et suivre son état d’avancement, une « feuille de route » pour la création
de ce « espace social euro-méditerranéen » devrait être élaborée, probablement
dans le cadre de la conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et
de l’emploi. Un Agenda social euro-méditerranéen serait le corollaire logique d’un
tel processus.
Bien que le droit du travail fût, dès le début, absent de l’agenda régional du
Processus de Barcelone, à l’avenir l’élaboration des fondements de l’établissement
graduel d’un « code euro-méditerranéen du travail » basé sur un corpus juridique
commun n’est pas à écarter. Ceci va dans le sens de la création d’une zone
économique commune et de la convergence législative prévue dans le cadre de la
Politique européenne de voisinage. Ce corpus juridique pourrait être constitué :
– de dispositions sociales et de dispositions concernant les travailleurs dans
le cadre des Accords d’association euro-méditerranéens ;
– de la mise en œuvre effective des composantes socio-économiques des plans
d’action de la PEV ;
– de la transposition de l’acquis socio-économique de l’UE dans les législations
nationales des pays du Maghreb à travers l’exportation du modèle de
l’UE.
Il reste à voir si la réalité évolue dans cette direction. L’établissement d’un
véritable ‘’espace social euro-méditerranéen’’ tel que proposée par le Parlement
européen en 2000 pourrait être l’étape finale de ce processus, et pourrait venir
compléter la zone euro-méditerranéenne de libre échange prévue pour 2010 qui
a, jusqu’ici été la principale priorité du Partenariat euro-méditerranéen.
Un système de monitoring pour le Partenariat
euro-méditerranéen
Larabi Jaidi *
() De plus, l'emploi fait partie de l'ensemble des politiques communautaires. C'est-à-dire qu'il doit en
être tenu compte, dans chaque action qu'entreprend l'UE. De nombreuses politiques contribuent de fait
au développement de l'emploi : politique d’éducation et de la formation, politique régionale, politique
de la recherche et du développement technologique, politique de soutien à l’utilisation des nouvelles
technologies de la société de l’information, mobilité des travailleurs...
154 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() Pour une vue d’ensemble des politiques européennes sociales et de l’emploi, consulter :
http ://ec.europa.eu/employment_social/index_fr.html. Sur la Stratégie européenne de l’emploi,
communément connue sous le terme de Stratégie de Lisbonne, voir :
http ://ec.europa.eu/employment_social/employment_strategy/index_fr.htm.
Pour plus d’informations, voir http ://ec.europa.eu/growthandjobs/index_fr.htm.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 157
() Il s’agit des projections à l’horizon 2050 de la part dans le produit intérieur brut des dépenses sociales
liées à la structure par âge de la population (retraites, soins de santé, soins et services aux personnes âgées,
éducation et indemnisation du chômage) réalisées par les États membres selon une méthodologie et des
hypothèses communes.
() Elle comprend neuf indicateurs : la croissance du produit intérieur brut, les taux d’emploi, de chômage et
de chômage de longue durée, décomposés par genre et âge, l’espérance de vie à la naissance et à 65 ans, le
ratio, en valeur courante et projetée, entre les personnes âgées de 65 et plus et les personnes âgées de 18
à 64 ans, la répartition des ménages par type – couples, familles monoparentales, ménages complexes et
collectifs, selon le nombre d’enfants, la dette publique en part du produit intérieur brut, en valeur courante
et projetée, la ventilation des ménages sans emploi par type de ménage, enfin les indicateurs de « trappes »
à chômage, inactivité et bas salaires, illustratifs de l’attractivité financière de l’emploi.
160 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() Au moment de l’élargissement, une première fois à 25 membres en 2004 et ensuite à 27 en 2007, la
procédure de préparation élaborée et approfondie à l’adhésion à part entière à la SEE – au travers des plans
d’action conjoints – a réellement facilité l’intégration des nouveaux États membres.
162 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() Ces projections se fondent sur une croissance potentielle calculée sur l’hypothèse d’une forte
dynamique démographique, d’une faible hausse de la productivité, d’une accumulation un peu plus
soutenue de capital physique (investissements) et enfin d’un rattrapage technologique (capacité à utiliser
des technologies modernes) moins rapide que celui des zones émergentes.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 163
• Une croissance significative du PIB depuis 50 ans, qui aura évité un
trop grand décrochage du Sud vis-à-vis de la rive nord. Désormais,
la vraie discontinuité économique oppose moins le Nord et le Sud de la
Méditerranée que le Nord et le Sud du Sahara.
• Les indicateurs sociétaux de la rive sud (espérance de vie, fécondité…) se
rapprochent rapidement de ceux du Nord.
• Pour un grand nombre d’indicateurs des flux commerciaux, financiers et de
personnes, la région atteste un fort degré d’intégration intra zone.
Au Sud de la Méditerranée, la part de l’Europe occidentale dans le
tourisme, le commerce, les IDE, les créances bancaires (celles sur les PPM
sont majoritairement ouest européennes, jusqu’aux deux tiers dans le cas
du Maghreb), ou dans les remises migratoires, est toujours de l’ordre de
50, 60, et même 70 % par exemple pour ce qui concerne le commerce
extérieur des pays du Maghreb. L’influence américaine est infiniment plus
faible, sauf en matière de vente d’armes, d’IDE dans les hydrocarbures et
d’aide publique.
• Les firmes du Nord sont en train de comprendre l’intérêt d’un système
productif Nord-Sud : agriculteurs, industriels, services (call centers…)
nouent des partenariats débutants.
• Le processus de Barcelone a créé de réelles habitudes de travailler
ensemble, et a produit des diagnostics partagés sur l’état de la région. C’est
déjà une base importante.
D’autres éléments vont plutôt dans le sens de la divergence :
• L’écart entre les deux rives s’accroît dans le domaine de la formation. Le Sud
retarde ainsi son entrée dans l’économie de la connaissance En comparaison avec
l’Amérique latine et l’Asie orientale en développement, la faiblesse de la
formation est le grand point faible des pays sud méditerranéens.
• Si l’on excepte les toutes dernières années pour les pays producteurs
d’hydrocarbures, la croissance économique de la rive sud s’est ralentie
depuis les années 1980. Le différentiel de PIB par habitant s’accroît entre
les deux rives. Certains domaines sensibles comme les dépenses de santé
atteignent un différentiel non soutenable.
• La modernisation du secteur privé (notamment Algérie, Syrie, Libye mais
pas seulement) n’a pas suffisamment accompagné les politiques
d’ajustement et de désétatisation de l’économie.
• En dépit du récent mouvement d’investissement vers le Sud, les retards
de la réforme au Sud et la vision insuffisamment stratégique du Nord vis-à-
vis de son voisinage méditerranéen, se traduisent par une grande faiblesse
des investissements transméditerranéens et notamment du Nord vers
le Sud. Or la modernisation du système productif passe par le transfert
de technologies et de méthodes modernes qui elles-mêmes doivent
passer par les investissements transnationaux.
164 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
() Voir CREMed (2009) : « Convergences et divergences économiques des pays du Sud de la Méditerranée
avec l'Union européenne » dans Med 2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 117-126, IEMed et Fondatió
CIDOB, Barcelone, http ://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr117.pdf.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 165
() European Commission (2004), European Neighbourhood Policy Strategic Paper, COM(2004)373 final,
Bruxelles 12.5.2004.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 167
sous-comités, chargés de mettre l’accent sur des questions spécifiques, ainsi que
les dialogues politiques, devaient être particulièrement utiles pour le suivi.
La Commission s’est engagée à établir des rapports périodiques sur les
progrès et les domaines nécessitant des efforts supplémentaires, compte tenu des
évaluations faites par les autorités du pays partenaire. « Les plans d’action seront
réexaminés et peuvent être adaptés à la lumière des progrès accomplis vers la
réalisation des priorités d’action. Il est suggéré qu’un rapport d’évaluation à mi-
parcours soit établi par la Commission, avec la contribution du Haut représentant
pour les questions liées à la coopération politique et à la PESC, dans les deux ans
suivant l’approbation d’un plan d’action et un nouveau rapport dans les trois ans.
Ces rapports peuvent servir de base au Conseil de décider de la prochaine étape
dans les liens contractuels avec chaque pays partenaire. Ces dernières pourraient
prendre la forme d’accords européens de voisinage dont la portée sera définie
à la lumière des progrès réalisés dans le respect des priorités énoncées dans les
plans d’action ».
A la lecture des rapports de la Commission Européenne sur la mise en œuvre de
la Politique européenne de voisinage, on constate que la démarche de monitoring
proposée par la Commission est restée lettre morte. Ces rapports se limitent à
prendre acte des évolutions de la politique de l’emploi et de la politique sociale
dans les pays partenaires.
A titre d’exemple, le rapport sur la Tunisie de 2008 se limite à faire un suivi de
quelques aspects de la politique sociale en relevant des faits ou des décisions qui
ont traits au domaine social. Ainsi, le document en question fait référence à une
série de dispositions dont notamment :
• La tenue de la réunion du groupe de travail sur les affaires sociales,
tout en relevant les interruptions qui ont caractérisé les réunions de cette
instance. Ce qui signifie par ailleurs, que le dialogue sur les grands chantiers
de réforme sociale n’est pas régulier.
• La poursuite de la lutte contre la pauvreté en soulignant la création
d’infrastructures de base dans les zones rurales et très défavorisées, le
soutien à la création d’entreprises ainsi que la promotion de l’investissement
dans ces régions défavorisées.
• Les efforts déployés en vue de résorber le chômage : modernisation du
système éducatif afin de juguler le chômage des jeunes et jeunes
diplômés, (phénomène qui reste prépondérant : plus de 25 % pour
certaines catégories de diplômés) et l’annonce des réformes approfondie
de la politique de l’emploi afin de mieux répondre aux besoins du marché,
ainsi qu’un programme de formation des demandeurs d’emplois.
• L’entrée en vigueur de la deuxième étape de la réforme de l’assurance-
maladie concernant la prise en charge des soins ambulatoires.
Un autre exemple, celui du rapport consacré à la mise en œuvre de la politique
de voisinage au Maroc (2008) confirme que le suivi de l’application de cette
politique reste rudimentaire. Tout au plus, le relevé des mesures sociales prises
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 169
par le Maroc est suivi de commentaires laconiques sur l’ambition des politiques
sociales, une allusion aux obstacles auxquelles elles sont confrontées et une
appréciation, tout aussi rapide sur le niveau et l’efficacité de la coopération.
Ainsi est-il souligné dans ce rapport que « Le gouvernement marocain a
continué à appliquer une politique volontariste et ambitieuse en matière sociale et
de réduction des déficits sociaux ». Le rapport note que la situation sociale demeure
préoccupante malgré une diminution du taux de pauvreté à 9 % (2,8 millions de
personnes) et que le Maroc doit faire face à un climat social difficile. Ce constat
est suivi de quelques suggestions : la nécessité d’une réflexion sur la réforme de
la caisse des compensations et un meilleur ciblage des subventions afin de lutter
efficacement contre la pauvreté.
Ces appréciations sur la chronique conjoncturelle de la situation sociale est suivi
d’une appréciation générale sur les politiques mises en œuvre avec le soutien de
la Commission européenne, notamment l’Initiative Nationale de Développement
Humain (INDH), tout en soulignant au passage que la réduction de la pauvreté
reste encore trop fragmentée et souffre d’un manque de convergence entre les
programmes sectoriels.
En matière d’emploi, le rapport de suivi égrène les dernières données
statistiques sur l’emploie et le chômage, précisant, par ailleurs, que le « Maroc
reste confronté au sous-emploi des jeunes, y compris des jeunes diplômés, ce
qui entraîne une fuite des cerveaux. » Un relevé des mesures prises en matière de
dialogue social, de protection et d’inclusion sociale et de développement durable
est présenté sans aucun commentaire sur leur nature
Le même constat peut être fait à la lecture des rapports consacrés à la Jordanie
ou à l’Egypte. La démarche de ces rapports est la même pour tous les pays
partenaires. La consultation du rapport de suivi de ces pays frappe aussi par leur
« indigence », sinon leur faiblesse en matière de suivi de la coopération dans le
domaine de l’emploi et de la politique sociale. Pourtant la Commission européenne
a non seulement défini un cadre de suivi mais elle a déployé des efforts notables
pour sa mise en œuvre dans le domaine des droits de l’homme.
En effet, le 21 mai 2003, la Commission européenne a publié une communication
au Conseil et Parlement européen sur « Les orientations stratégiques pour donner
une nouvelle impulsion aux actions menées par l’Union européenne (UE) dans le
domaine des droits de l’Homme et de la démocratisation, en coopération avec les
partenaires méditerranéens ». Le document traite des droits de l’Homme dans le
cadre du processus de Barcelone sous un angle bilatéral et régional et contient
une série de recommandations concrètes pour que l’UE agisse afin d’améliorer la
situation. Il s’agit notamment de l’inclusion systématique par l’UE des questions
liées aux droits de l’Homme et à la démocratie dans tous les dialogues qui se
déroulent sur une base institutionnelle.
Pour veiller à la réalisation effective de cet objectif, un monitoring a été mis
en place à travers :
• L’établissement, dans le cadre des accords d’association et plus tard des
accords de voisinage, de groupes de travail sur les droits de l’Homme
170 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
dans le pays ainsi que pour évaluer l’efficacité des politiques mises en
œuvre dans le plan national de lutte contre le chômage ;
– d’autre part, un contexte euro-méditerranéen pour lequel il faut également
déterminer un groupe restreint d’indicateurs qui apportent de
l’information sur la situation du pays dans l’espace euro-méditerranéen
et sa progression dans la réalisation des objectifs communs.
A cette distinction des contextes d’information il faut rajouter une distinction
d’objet s’appliquant à chacun de ces contextes. Dans chacun d’entre eux il est
question d’information sur la situation relative en la matière et d’information
servant à l’évaluation des politiques.
Il convient donc de faire la différence entre les indicateurs à vocation scientifique
ou descriptive, fournissant des informations permettant de mieux comprendre les
phénomènes de la pauvreté et l’exclusion sociale dans leurs multiples dimensions
et dynamiques, et les indicateurs utilisés à des fins d’évaluation des politiques
sociales menées pour lutter contre l’exclusion ou favoriser l’inclusion. Ces deux
types d’indicateurs, ou plutôt ces deux valeurs différentes de l’interprétation
de l’information, sont distincts en termes de finalités mais ils sont néanmoins
hautement complémentaires.
Les indicateurs scientifiques, outre la caractérisation et la compréhension
des situations en jeu, tendent à définir une typologie de groupes sociaux qui,
caractérisés par leurs positions respectives par rapport à certaines variables-clés
utilisées pour distinguer la population des pauvres et/ou précaires des non pauvres,
à savoir essentiellement dans la pratique courante le revenu et la position sur le
marché du travail, sont en situation ou présentent une vulnérabilité à la pauvreté
et l’exclusion sociale.
Les indicateurs « politiques » utilisent les groupes sociaux mis ainsi en
évidence pour déterminer les cibles privilégiées des politiques à adopter pour
la lutte contre l’exclusion, ventilées selon les niveaux de compétences des
administrations concernées par les domaines d’action de la politique sociale, mais
aussi pour évaluer l’effet de ces politiques en fonction de l’accroissement ou de
la diminution du nombre d’individus présents ou susceptibles d’entrer dans ces
groupes particuliers du corps social.
Deux options nous ramenant à la distinction entre indicateurs scientifiques et
politiques peuvent être considérées dans l’usage qui est fait des indicateurs :
• soit il s’agit uniquement d’utiliser l’indicateur pour des raisons
d’information descriptive à caractère scientifique, alors la distinction du
caractère normatif ou empirique importe peu si l’indicateur est ressenti
comme significatif, notamment parce qu’il repose sur des définitions ;
• soit il est utilisé pour des raisons pratiques liées à des mesures politiques
et alors il doit être examiné sous l’angle de son homogénéité interne,
de sa dépendance par rapport à ses éléments constituants, notamment afin
de démontrer sa stabilité suffisante dans le temps.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 173
Donc le diagnostic d’un certain état du marché du travail par exemple n’est
pas une information suffisante, elle peut même être trompeuse, c’est le niveau des
composants impliqués dans la construction de l’information que reflète l’indicateur
qui doit être pris en compte en ce qu’il explique ce qui en sort, le résultat, chacun
des composants étant homogène en soi. En d’autres termes c’est le niveau auquel
une action de l’indicateur est attendue qui est le bon pour la comparaison, son
niveau d’action pratique, or ce niveau est souvent très dépendant du contexte qui
génère l’indicateur. L’efficacité d’une politique sociale est tributaire du contexte
légal et structurel dans lequel elle s’inscrit, et ce contexte est actuellement
exclusivement national, voire régional.
Si l’Euro-Méditerrannée était une entité dotée d’un ordre légal uniforme sous-
tendu par une culture sociale et des valeurs homogènes d’une extrémité à l’autre
de son étendue il n’y aurait pas lieu de se poser de telles questions. En réalité à ce
stade il n’y a pas un système normatif euro-méditerranéen qui est mise en place,
surtout pour ce qui est de l’ordre social.
Les indicateurs politiques peuvent donc difficilement être extraits de leurs
contextes, sauf s’ils reposent sur des normes et définitions communes largement
acceptées par tous les acteurs impliqués dans le processus de comparaison. Ils
sont acceptables comme point de départ mais qui ne peut tirer sa légitimité qu’en
combinaison avec d’autres informations nécessaires pour regarder sous la surface
de l’indicateur, profondeurs faites de données numériques et méthodologiques sur
les ramifications conceptuelles de cet indicateur. De cette façon la comparabilité
prend une signification allant au delà de simples ajustements de définitions.
De telles difficultés méthodologiques dans la comparabilité sont généralement
laissées au bord de la route du pragmatisme, qui incite à ignorer ce type de
considérations. Les indicateurs qui sont ou qui seront retenus comme utilisables
dans un processus de benchmarking contiennent partiellement ou complètement
des composants normatifs sans prise en considération véritable des conséquences
de ce caractère normatif, notamment en termes de comparabilité à l’échelle euro-
méditerranéenne.
Les étalons ou benchmarks sont subjectivement définis et présentés dans le
contexte régional comme purement empiriques et ne contenant pas d’éléments
normatifs (c’est notamment le cas de manière évidente pour les variables de
chômage) ou impliquant que ce contenu normatif ne présente plus de différences
voire n’a plus de signification aujourd’hui (dans beaucoup de variables socio-
démographiques), contournant ainsi l’épineux problème de la normativité sans
vraiment pouvoir le résoudre.
Toutefois l’on pourrait considérer que cette normativité s’exprime constamment
dans la pratique courante au niveau des Etats membres de l’utilisation de normes
et indicateurs différents selon qu’ils s’expriment au niveau national ou européen.
Le problème se pose à plus forte raison dans le cadre Euro-Méditerranéen.
Il faut donc garder un point de vue relatif sur la comparabilité réelle des
indicateurs, tout comme il convient de garder à l’esprit qu’ils ne sont bien souvent
174 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
que des approximations relatives et variables selon les sources utilisées et leurs
qualités et défauts intrinsèques.
Un autre point qu’il est nécessaire d’évoquer car il conditionne l’attente en
termes d’indicateurs est celui de l’orientation conceptuelle largement économique
sous tendant le processus de Benchmarking et qui n’est pas sans poser problème
lorsqu’il s’agit de l’appliquer au domaine social, et spécialement au champ de la
pauvreté et l’exclusion sociale.
Le décalage pouvant exister au niveau de la perception et de la méthodologie
retenue entre cette vision économique, en termes de comparaison de
« performances » et d’« objectifs » s’appuyant sur des indicateurs communs issus
d’une relativement longue pratique commune, et son application au domaine
social est évident. Les statistiques sociales sont bien souvent balbutiantes,
particulièrement pour l’emploi, elles doivent encore parcourir une grande partie
du long chemin de convergence qui a mené à une certaine standardisation
consensuelle de la statistique économique.
La demande pressante d’indicateurs sociaux existant à l’heure actuelle s’appuie
sur l’attente, légitimée par les méthodes et processus ayant guidé la convergence
économique, de pouvoir assez rapidement définir des indicateurs communs
provenant de sources fiables et à périodicité rapide. Or l’état des sources et
systèmes statistiques concernant l’information sur l’emploi est loin d’en être au
point atteint par la statistique économique.
De grandes attentes pour les statistiques sociales se fondent sur l’évolution
rapide que connaissent les possibilités de mise en relation des sources
informatisées.
Se pose aussi le problème de la définition des pays ou ensembles de référence
pour établir l’étalonnage. A qui se comparer pour l’aspect du social et non plus
seulement de l’économique ?
Il est certain que la comparaison des performances se fera prioritairement entre
les États partenaires. Mais la diversité des conceptions en matière de social entre
les États partenaires actuels rend les comparaisons difficiles.
Propositions
Proposition 28
Établir un système euro-méditerranéen de monitoring de l’emploi
Proposition 29
Constituer un Comité de suivi de la dimension sociale du Partenariat
Annexe 1
Exemple de lignes directrices dans la Stratégie Européenne
de l’Emploi avec ses indicateurs
MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord (Middle East and North Africa ; MOAN
en français)
MO Moyen Orient
MOAN Moyen Orient et Afrique du Nord
MOC Méthode Ouverte de Coordination
MSAR Modernisation et Support de la Réforme Administrative (Modernisation
and Support to the Administrative Reform)
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
OMT Organisation Mondiale du Travail
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
PAEF Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin
PAI Plan d’Action Istanbul
PAM Pays Arabes Méditerranéens
PDET Pour une Division Egalitaire du Travail
PESC Politique Etrangère et de Sécurité Commune
PEM Partenariat Euro-Méditerranéen
PEV Politique Européenne de Voisinage
PIB Produit Intérieur Brut
PIN Programmes Indicatifs Nationaux
PME Petites et Moyennes Entreprises
PMS Pays Méditerranéens du Sud
PMSE Pays Méditerranéens du Sud et de l’Est
PNB Produit National Brut
PNR Programme National de Réforme
PPM Pays Partenaires Méditerranéens
RELEX Relations Externes (DG RELEX de la Commission européenne)
REMDH Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme
RWEL Rôle des Femmes dans la Vie Economique (The Role of Women in
Economic Life)
SAPP Support pour l’Implémentation du Programme du Plan d’Action (Support
for Implementation of the Action Plan Programme)
SEE Stratégie Européenne de l’Emploi
SLDS Stratégie de Lutte contre la Discrimination Salariale
SP Stratégie Pays
TAIEX Programme d’Assistance Technique et d’Echange d’Informations
(Technical Assistance and Information Exchange)
TIMSS Tendances dans l’Etude Internationale des Mathématiques et des
Sciences (Trends in International Mathematics and Science Study)
TUE Traité sur l’Union Européenne
UE Union Européenne
UEM Union Economique et Monétaire
UNIFEM Fonds de Développement des Nations Unies pour la Femme
UPM Union pour la Méditerranée
ZLEEM Zone de Libre-Échange Euro-Méditerranéenne