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30 propositions pour définir une véritable dimension sociale

du partenariat euro-mediterranéen
20 +10
30 Propositions pour définir
20 +10 une véritable dimension sociale du
Partenariat euro-méditerranéen
Iván Martín
Larabi Jaidi Abdallah Khattab Erwan Lannon
Kinda Mohamadieh Souad Triki
20  +10
30 propositions
pour définir une véritable dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen
Pré-presse : Babel com
Impression : El Maârif Al Jadida
ISBN : 978-9981-76-038-7
Dépôt légal : 2010 MO 1478
20 +10
30 propositions
pour définir une véritable dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen

Iván Martín (dir.)


Larabi Jaidi, Abdallah Khattab, Erwan Lannon
Kinda Mohamadieh, Souad Triki
 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

A propos des auteurs

Iván Martín est chercheur associé à l’Instituto Complutense de Estudios


Internacionales de Madrid, Espagne et directeur scientifique de cette étude.
Larabi Jaidi est professeur d’économie à l’Université Mohamed V à Rabat,
Maroc.
Abdallah Shehata Khattab est professeur assistant d’économie à l’Université
du Caire, Egypte.
Erwan Lannon est professeur de droit européen à l’Université de Gand, en
Belgique et au Collège de l’Europe (Bruges et Natolin) et chercheur associé à
l’Institut d'Etudes de Sécurité de l'Union européenne.
Kinda Mohamadieh est directrice de programme du réseau des ONG arabes
pour le développement (ANND), Liban.
Souad Triki est professeur à l’Institut National Agronomique de Tunisie,
Université de Tunis.
Table des matières

Avant-propos
Ulrich Storck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Prologue
Abdelmaksoud Rachdi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Introduction. Quelle dimension sociale pour quel Partenariat 


euro-méditerranéen ?
Iván Martín . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques 


euro-méditerranéennes : propositions d’action
Abdallah Khattab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 : 


enjeux, défis et propositions relatifs à l’emploi dans les pays de la rive Sud 
de la Méditerranée
Kinda Mohamadieh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen


Souad Triki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi, 


de migrations et de politiques sociales au sud et à l’est de la Méditerranée
Erwan Lannon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

Vers une stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et la mobilité ?


Iván Martín . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen


Larabi Jaidi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181


Avant-propos

Depuis le lancement du processus de Barcelone, en 1995, la Fondation Friedrich


Ebert (FES) a accompagné le Partenariat euro-méditerranéen dans le cadre de ses
programmes. Le programme régional « FES Dialogue Méditerranée », amorcé en
2009, vise à intensifier la coopération et la synergie entre les nombreux partenaires
des rives Sud et Nord de la Méditerranée. Tous les bureaux de la FES de la région
MENA, de l’Union européenne (UE), notamment d’Espagne, de France et de
Bruxelles et de pays ayant récemment joint le Partenariat euro-méditerranéen,
comme la Croatie, participent à ce processus.
Le marché du travail et les questions de politique sociale font partie des thèmes
sur lesquels la FES a développé une expérience de longue date au fil des décennies.
La FES les considère comme des chantiers prioritaires, dès lors qu’ils sont au cœur
des politiques sociales-démocrates auxquelles elle souscrit. En développant des
positions sociales démocrates, notamment dans les domaines de la politique sociale
et de l’emploi, la FES assure la promotion de stratégies politiques alternatives, à la
fois au niveau national et régional. 
La FES a noué des relations de longue date avec ses partenaires au Nord et au
Sud : avec les décideurs des secteurs de l’emploi et des affaires sociales au sein des
différents gouvernements, la société civile et les syndicats. Outre les partenariats
au niveau national avec les pays partenaires, la FES soutient aussi les réseaux et
institutions au niveau régional.
Le « FES Dialogue Méditerranée » a pour objectif de rallier le soutien politique
au projet EuroMed, partagé par l’ensemble des partenaires susmentionnés.
L’approche mise en œuvre pour atteindre cet objectif est, d’une part, de proposer
des plates-formes de dialogue pour permettre un échange constant entre les
cercles politiques, syndicaux et de la société civile aux niveaux national, régional et
euro-méditerranéen, tout en tenant compte, dans le même temps, de la dimension
Sud-Sud. D’autre part, la FES contribue, par ses compétences, à ces débats et à
l’élaboration de propositions de stratégies politiques futures. Dans ce contexte, elle
considère sa fonction comme un lien entre les experts et instituts universitaires et
les décideurs politiques et sociaux.
Le présent document de synthèse poursuit la même logique. Il réunit six
contributions, du Nord et du Sud, le but étant de faire progresser le débat sur la
dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen grâce à des propositions
 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

politiques tangibles. Ces propositions ont déjà fait l’objet d’un débat et ont été
améliorées lors d’un atelier d’experts régional et d’une conférence régionale de
la société civile euro-méditerranéenne, organisée dans le cadre de la Plate-forme
non gouvernementale EuroMed.
Elles couvrent l’impact de la crise financière internationale, l’impact social de la
zone euro-méditerranéenne de libre-échange et l’emploi des femmes dans les pays
arabes méditerranéens. De plus, elles mettent en relief une éventuelle Stratégie
euro-méditerranéenne pour l’emploi et de la mobilité et proposent un système de
suivi euro-méditerranéen dans le domaine de la politique sociale.
Cette publication fait partie du « FES Dialogue Méditerranée » et sera utilisée
comme référence dans les futurs débats organisés par la FES et ses partenaires
politiques et sociaux de la région méditerranéenne.
Nos remerciements spéciaux s’adressent aux auteurs des articles et tout
particulièrement au coordinateur scientifique, Iván Martín, pour les efforts sans
cesse déployés pour la réussite de ce projet. 

Ulrich Storck
Fondation Friedrich Ebert
Maroc

Prologue

La collaboration entre la Plate-forme non gouvernementale EuroMed,


porte-parole d’une société civile plurielle et diverse et la Fondation Friedrich
Ebert a apporté une valeur ajoutée au partenariat institutionnel dans la région
méditerranéenne. La volonté de la Fondation, connue pour sa crédibilité et son
efficacité, à suivre les transitions sociales et politiques en Méditerranée et son
approche en termes d’ouverture de nouvelles perspectives, qui se traduit par des
propositions pratiques, a trouvé son écho dans la détermination de la société
civile, telle qu’exprimée à travers la Plate-forme EuroMed, à faire entendre sa voix
et apporter sa contribution face à la situation socio-économique préoccupante
dans la région.
Les participants au Forum civil de Marseille de 2008 ont décidé que la plate-
forme ne devait pas limiter ses activités aux forums civils uniquement. En revanche,
les conclusions des ateliers du Forum civil devraient constituer le fondement
d’un dialogue plus profond et impliquer des chercheurs, des acteurs de la société
civile et des journalistes pour élaborer des propositions claires, pratiques et
responsables, permettant à la société civile de développer et de promouvoir de
réelles initiatives.
Le séminaire sur les questions sociales et économiques, organisé avec le
soutien de la Commission européenne et en partenariat étroit avec la Fondation
Friedrich Ebert, était en fait le premier d’une série de réunions. Son importance a
été considérable, compte tenu de son sujet et parce qu’il a réussi à montrer que
les questions d’ordre social et économique pouvaient s’avérer essentielles pour
comprendre la dynamique du changement social et son impact sur le chômage
et l’emploi, le développement, la démocratie, la paix et l’égalité dans la région
méditerranéenne.
Cet important séminaire a eu lieu dans le sillage du Forum civil de Marseille, de la
Conférence EuroMed des ministres de l’emploi et du travail, de l’attaque perpétrée
contre Gaza et du début de la crise économique et financière internationale et son
impact négatif sur les sociétés méditerranéennes, tout particulièrement dans le
Sud, où elle a eu un effet préjudiciable sur le développement et le libre-échange.
Il a été caractérisé par une méthode de travail positive, à laquelle de nombreux
chercheurs et acteurs ont participé, ainsi que 6 experts, pour garantir la qualité
des connaissances et le professionnalisme et faciliter de multiples approches.
10 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Ces experts se sont rencontrés dans le cadre d’une réunion préparatoire à


Rabat avant de se réunir au Caire. Le séminaire a été l’occasion d’un dialogue
véritable et responsable qui a abouti à l’élaboration de 31 mesures et d’une
série de recommandations spécifiques qui seront promues et défendues par
les organisateurs, principalement la Fondation Friedrich Ebert et la Plate-forme
EuroMed, entre autres institutions concernées.
La principale conclusion de ce séminaire a été que le Partenariat euro-
méditerranéen avait désormais besoin d’une véritable dimension sociale,
permettant d’augmenter et de développer les possibilités d’emploi dans la région,
de généraliser la sécurité sociale et de promouvoir le rôle du développement,
comme élément clé de la stabilité et de la prospérité. Il contribuera également à
la solidarité régionale et fera des conseils économiques et sociaux des acteurs de
propositions et d’action puissants, aux côtés des forces productives. Cette dimension
sociale mènera, en temps opportun, à une véritable paix en Méditerranée, aidant
ainsi cette région à progresser et à prospérer, dans des conditions de stabilité et
de développement continu.
Je souhaite adresser mes remerciements spéciaux aux participants et à la
Fondation Friedrich Ebert qui a fait montre de sa profonde conviction à agir aux
côtés de la société civile à travers la Plate-forme EuroMed. Nous nous félicitons
d’approfondir cette collaboration.
Je souhaite exprimer également ma reconnaissance aux chercheurs et aux
experts, à nos amis Egyptiens pour les efforts déployés en vue de la réussite de
cette réunion. J’espère que cette publication vous motivera à contribuer, à nos
côtés, à établir ensemble une véritable dimension sociale au sein du Partenariat
euro-méditerranéen.  

Abdelmaksoud Rachdi
Président de la Plate-forme 
non gouvernementale EuroMed
Introduction
Quelle dimension sociale pour quel 
Partenariat euro-méditerranéen ?
Iván Martín *

L’engagement de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, qui s’est


tenue à Marseille en novembre 2008 (), à savoir, définir « une véritable dimension
sociale » « fondée sur une approche intégrée associant croissance économique,
emploi et cohésion sociale », venait à reconnaître que le développement social
et l’emploi n’avaient pas, jusqu’au moment, constitué une dimension réelle du
Partenariat euro-méditerranéen (PEM). Ce dernier, mis en place en 1995, a été trop
centré sur l’ajustement macroéconomique et l’établissement de zones de libre-
échange euro-méditerranéennes. En effet, la Conférence euro-méditerranéenne
sur l’emploi et le dialogue social, organisée sous la présidence allemande de
l’UE à Berlin en mars 2007, est arrivée à cette même conclusion et a conçu un
processus qui a abouti à la première Conférence euro-méditerranéenne de l’emploi
et du travail, qui s’est tenue à Marrakech les 9 et 10 novembre 2008. Jusque-là, la
dimension sociale et de l’emploi du Partenariat euro-méditerranéen était restée
largement « subsidiaire » () et « déclaratoire » (). Après l’adoption, lors de cette
conférence, du « cadre d’action » régional sur l’emploi, le défi à relever consiste à le
rendre opérationnel en mettant en œuvre des initiatives et propositions concrètes,
et de le faire en liaison avec d’autres initiatives euro-méditerranéennes dans les
domaines de la migration, du commerce, de l’économie, des finances, etc.

* Instituto Complutense de Estudios Internacionales (Madrid).


() Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Conférence ministérielle, déclaration finale,
Marseille, 3 et 4 novembre 2008,
http://ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1103_ministerielle_Euromed/Final_Statement_
Mediterranea n_ Union_EN.pdf.
() Cf.Barreñada,I.et I.Martín (2005) :« L'emploi et la protection sociale dans le Partenariat Euro-méditerranéen.
Bilan, perspectives et propositions pour l'action », dans Evénement civil Barcelone + 10. Proposition de la
société civile pour relancer le Partenariat euro-méditerranéen, Plate-forme non gouvernementale Euromed, 
p. 29-33, http://library.fes.de/pdf-files/gurn/00024.pdf.
() Cf. une description exhaustive de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen dans Lannon,
Erwan (2009) : Vadémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes. 1995-2009, Fondation
Friedrich Ebert, Rabat, http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/vademecum/Vad.pdf.
12 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

2010 : Année de la dimension sociale ?


Le tournant en termes de prise en compte de la dimension emploi dans le
contexte du Partenariat euro-méditerranéen se serait produit en 2005 (). En effet,
il est possible de tirer, à partir des contributions à cette ouvrage, la conclusion
intéressante que malgré le fait qu’il a été considéré comme un échec politique
(principalement en raison de l’absence de la plupart des chefs d’Etat et de
gouvernement arabes et l’incapacité à se mettre d’accord sur les conclusions finales),
le Sommet euro-méditerranéen de Barcelone, qui s’est tenu le 28 novembre 2005, a
jeté les fondements de toute une série de progrès importants dans la manière dont
certaines questions sont traitées dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen
(emploi, promotion de l’emploi des femmes, éducation, environnement…). En fait,
l’analyse précédant la formulation de propositions concrètes dans chacune des
contributions de cet ouvrage montre un certain degré d’avancement dans tous ces
domaines au cours des cinq dernières années, ainsi que dans la prise de conscience
de la nécessité d’intégrer des études d’évaluation d’impact dans tous les accords
de libre-échange et dans la formalisation d’un système de suivi et monitoring
permettant d’évaluer les progrès enregistrés dans chaque domaine et chaque pays
sur la voie de la réalisation des objectifs du PEM et de la PEV.
Le Programme de travail quinquennal adopté lors du Sommet de Barcelone
en 2005 engage le Partenariat euro-méditerranéen, pour la première fois, sur les
objectifs suivants :
« 7. Dans le but de favoriser dans l’ensemble de la région la création d’un plus grand
nombre d’emplois pour le nombre croissant de jeunes et de réduire les niveaux de
pauvreté régionaux et les écarts de prospérité, ainsi que d’augmenter les taux de
croissance du PIB, les partenaires euro-méditerranéens prendront des mesures visant
à :
[…]
e) renforcer les systèmes de protection sociale afin de garantir un niveau de vie minimal
pour les plus vulnérables ;
[…]
g) améliorer l'intégration socio-économique, notamment afin de faire face aux
conséquences sociales des restructurations sectorielles ;
[…]
h) augmenter sensiblement le pourcentage de femmes exerçant un emploi dans tous
les pays partenaires EuroMed ;
i) améliorer la productivité de la main-d'oeuvre en élargissant l'accès à la formation
professionnelle et technique et favoriser les transferts de technologie depuis les pays
partenaires européens ; renforcer le rôle du secteur privé dans le financement et la
formation sur le lieu de travail ;
[…]
k) augmenter le pourcentage de travailleurs occupés dans le secteur privé. »

() Cf., pour un aperçu sur les développements et initiatives dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen
depuis 2005, Lannon, E. et I. Martin (2009) : Rapport sur les progrès du Partenariat euro-méditerranéen, 
http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/2/48/17/48/Fichiers-pdf/Rapport_enquete_Euromed.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 13

Ceci étant, aucune mesure concrète n’a été adoptée pour atteindre ces
objectifs ; de la même manière, aucun système de suivi n’a été mis en place
pour évaluer et garantir les progrès réalisés. Les actions sont restées éparses, en
fait insuffisantes, et le suivi inapproprié, non institutionnalisé et souvent, tout
simplement inexistant. Ce n’est qu’à la fin de l’année 2008, dans le sillage de
la création de l’Union pour la Méditerranée, que la première Conférence euro-
méditerranéenne sur l’emploi et le travail, qui s’est tenue les 9 et 10 novembre
2008 () à Marrakech, a planché sur des initiatives et des propositions concrètes
pour promouvoir la création d’emplois, la modernisation des marchés du travail
et le travail décent, adoptant un ‘cadre d’actions qui contribuerait à l’intégration
d’une véritable dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen’. Ainsi, même
si l’on peut aisément soutenir que l’Union pour la Méditerranée, mise en place à
Paris en juillet 2008, n’a rien apporté à la dimension sociale du Partenariat en tant
que telle, force est de reconnaître qu’elle a déclenché une nouvelle dynamique
dans ce domaine, en particulier depuis la Déclaration de Marseille des Ministres des
Affaires étrangères EuroMed, qui ont adopté la déclaration et l’agenda suivantes
sur la « définition d’une véritable dimension sociale » :
L’atelier consacré à la politique de l’emploi, qui s’est tenu en 2007, a permis de mieux
comprendre les enjeux actuels pour les marchés du travail et les politiques de l’emploi
dans un contexte de mondialisation, d’évolution technologique et de mutation
démographique. La première conférence des ministres de l’emploi et du travail, qui aura
lieu à Marrakech les 9 et 10 novembre prochains, sera une occasion unique de définir
une véritable dimension sociale dans le partenariat, fondée sur une approche intégrée
associant croissance économique, emploi et cohésion sociale. Les ministres feront le
point sur l’évolution de la situation socio-économique dans la région et examineront
des initiatives et des propositions concrètes visant à promouvoir la création d’emplois,
la modernisation des marchés du travail et le travail décent. Ils devraient approuver
un cadre d’action définissant des objectifs-clés en matière de politique de l’emploi,
d’employabilité et de perspectives d’emploi décent. Ce cadre concernera également
des questions horizontales essentielles, telles que le renforcement de la participation
des femmes au marché du travail, la non-discrimination, l’intégration des jeunes sur
le marché du travail, la transformation du travail informel en emplois réguliers et la
migration professionnelle. Les ministres chargés de l’emploi et du travail devraient
également approuver la création d’un mécanisme de suivi efficace incluant des
comptes rendus sur les progrès réalisés au niveau national ainsi que des échanges de
pratiques.
Le succès des politiques sociales et des politiques de l’emploi nécessite le concours de
toutes les parties concernées, en particulier des partenaires sociaux. Dans ce contexte,
il convient d’intensifier la coopération entre les partenaires sociaux dans la région
euro-méditerranéenne.
Les ministres réaffirment l’engagement qu’ils ont pris de faciliter la circulation légale
des personnes et reconnaissent que cela a une forte incidence sur la dimension sociale
du partenariat. À cette fin, les ministres chargent les hauts fonctionnaires de déterminer
les moyens de mettre en œuvre cet objectif.

() Conclusions :
http://ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1103_ministerielle_Euromed/Declaration_finale_
Union_mediterranee_FR.pdf.
14 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Après l’important bond en avant réalisé lors de la Conférence euro-


méditerranéenne des Ministres de l’Emploi et du Travail en Novembre 2008, la
phase préparatoire de la mise en œuvre des décisions des Ministres prend, à
nouveau, trop longtemps, compte tenu de l’urgence à relever les défis sociaux
et en matière d’emploi dans la région (le Groupe de travail créé par les Ministres
de l’emploi et du travail a mis plus d’un an avant de se réunir pour la première
fois les 26-27 novembre 2009, et le Forum sur le dialogue social, approuvé par
les ministres dans le cadre de leur consultation des partenaires sociaux, ne s’est
réunit que le 11 mars 2010 à Barcelone, 16 mois après la Conférence ministérielle).
À cet égard, il y a un contraste embarrassant entre la réaction rapide à la crise
économique mondiale en Europe et la lenteur à relever le défi de l’emploi dans
la région méditerranéenne.
Ainsi, on peut présumer que 2010 sera une année clé pour la définition de
la dimension sociale du Partenariat EuroMed. Dans les mois à venir, la façon de
gérer la question de l’emploi dans le cadre EuroMed sera déterminée. Le deuxième
Sommet de l’Union pour la Méditerranée, prévu en juin 2010, devrait approuver le
Programme de travail pour les deux années à venir, et la 2e conférence EuroMed des
Ministres de l’Emploi et du Travail, prévue au cours du deuxième semestre de 2010,
sera l’occasion de consolider ce processus. Si ces deux occasions sont perdues, la
dimension sociale pourrait s’étioler et rester lettre morte, en dépit de la dynamique
créée par la définition des principales caractéristiques de la dimension sociale du
partenariat EuroMed en 2008. Ceci est d’autant plus vrai que les six projets retenus
dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée pourraient au mieux, si tant est qu’ils
sont effectivement mis en œuvre, contribuer à améliorer l’articulation physique
de la Méditerranée, mais ils ne pourront en aucun cas constituer une solution
aux inquiétants problèmes socio-économiques de la région. Par ailleurs, la dérive
intergouvernementale manifeste de l’Union pour la Méditerranée est assurément
préjudiciable à la dimension sociale du Partenariat ; l’implication directe des
institutions de l’Union européenne dans tout ce processus sert de garantie pour
la dimension sociale et la participation de la société civile.
L’objectif de cet ouvrage est précisément de tirer avantage de la fenêtre
d’opportunité créée par le processus enclenché par les Ministres du Travail et de
l’Emploi pour présenter un ensemble de propositions concrètes visant à donner
corps à ces efforts. Pour ce faire, nous choisissons de formuler 20+10, c’est-à-dire,
30 propositions concrètes qui pourraient constituer la plate-forme de la société
civile pour la dimension sociale du Partenariat.
Notre concept de la dimension sociale comporte :
« de nombreux aspects, tels que la lutte contre la pauvreté, l’emploi, les relations de
travail, l’éducation, la santé ou la cohésion sociale. Il est impossible de traiter cette
question en la séparant des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de la
démocratie, de la sécurité, de la migration, de l’évolution démographique, de l’égalité
entre les hommes et les femmes, de la bonne gouvernance, du commerce et des
relations économiques, du développement durable, de l’égalité des chances pour tous
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 15

(y compris pour les personnes souffrant d’un handicap), de la promotion de la culture,


de la lutte contre la corruption et le crime () ».

Malgré cette démarche globale, nous n’avons d’autre choix que de délimiter
notre champ d’action pour nous focaliser surtout sur les problèmes liés à l’emploi,
afin de les aborder avec la rigueur et la précision requises. Ceci ne signifie pas que
les autres domaines d’action, comme la sécurité sociale, l’éducation ou la lutte
contre la pauvreté, doivent être négligés, mais tout simplement que l’emploi est
reconnu comme le principal enjeu social de la région méditerranéenne au cours
des deux décennies à venir ().

Une question de principes


Mais au-delà de cette opportunité politique, la définition de la dimension
sociale est aussi une question de principes. D’une part, la discussion de base est
identique à celle menée au sein de l’Union européenne sur la définition de la
dimension sociale : le juste équilibre entre l’établissement d’une zone de libre-
échange comme dans le cas de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne
ou un marché unique européen basé sur un ensemble de règles techniques
et concurrentielles communes (lequel est supposé, depuis le lancement de la
Politique européenne de voisinage, basée sur le modèle d’adhésion à l’UE et
qui offre la perspective d’un « jalon » dans le marché unique de l’UE, s’étendre
progressivement aux pays voisins d’Europe orientale et méditerranéens en fonction
du rythme de leurs réformes économiques, politiques et institutionnelles et leur
convergence normative subséquente avec l’UE) et le développement d’un espace
social commun garantissant la cohésion au sein de cette zone économique ; c’est-à-
dire le juste équilibre entre l’intégration économique et monétaire (pour laquelle
des mécanismes de supervision politique sophistiqués et efficaces ont été mis
en place au cours des vingt dernières années, même dans le cadre du Partenariat
euro-méditerranéen) et l’intégration sociale, souvent négligée ().
D’autre part, le développement de la dimension sociale du Partenariat euro-
méditerranéen est aussi une question de principes dans le sens des principes du

() La définition est extraite du rapport d’information sur la « Dimension sociale des relations entre l’Union
européenne et les pays partenaires méditerranéens », publié par le Conseil économique et social européen
en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_
FIN_REV_RI_fr.doc).
() Cf. la contribution de Iván Martín ci-dessous, ainsi que celle de Martín, I. (2009), « L’emploi des jeunes
dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur » dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247-
250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf.
() S’agissant de ces tensions entre l’intégration économique et sociale et la dimension sociale de l’UE,
cf . Erdmenger, Katharina, Stefan Gran, Wolfgang Kowalski et Ursula Polzer (2009) : Die soziale Dimension
der EU. Binnenmarkt und faire Arbeitsbedingungen – ein Gegensatz?, International Policy Analysis, Friedrich
Ebert Stiftung. Toutefois, cette analyse se fonde sur une approche juridique qui est loin d’être pertinente au
regard du modèle actuel d’intégration euro-méditerranéenne sans fondement juridique commun.
16 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

partenariat (). Pendant le processus d’élaboration de cet ouvrage, il est clairement


ressorti, pour tous auteurs et participants dans les différents ateliers, qu’aucun réel
partenariat ne pouvait être invoqué et aucune réelle dimension sociale élaborée
si certains principes n’étaient pas respectés :
– Le co-développement doit être le fondement de toute action entreprise
dans ce domaine. Mais un réel co-développement n’est pas limité à la contribution
des migrants au développement de leurs sociétés d’origine, comme ce concept
a été largement utilisé ces dernières années. Bien plus, le co-développement doit
se concevoir comme étant un développement partagé, impliquant au moins trois
éléments, basés chacun sur un principe général :
• l’établissement d’un espace économique commun basé sur le principe de la 
libre circulation des facteurs de production, c’est-à-dire des capitaux, des 
biens, des services et des travailleurs (cf. proposition 8). Ceci doit se traduire 
en une stratégie de mobilité (proposition 25) ;
• un ensemble de flux économiques et financiers mutuellement bénéfiques, 
compatibles avec le développement de tous les partenaires, c’est-à-dire, 
menant à la convergence des niveaux de revenus (principe de cohésion). En 
fait, la convergence réelle est le test définitif du co-développement et de 
l’existence d’un véritable partenariat ;
• l’émergence d’une véritable communauté économique incarne les objectifs 
de sécurité et de prospérité partagées, ce qui présuppose le principe de co 
responsabilité.
– La co-responsabilité. Le principe de responsabilité partagée implique quatre
éléments :
• l’identification conjointe par tous les partenaires des questions d’intérêt 
commun, créant le besoin d’agir ensemble (que ce soit à travers la méthode 
ouvert de coordination, traitée dans la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous 
ou de toute autre manière) ;
• le « droit à l’information » de tous les partenaires sur des actions entreprises 
et politiques mises en œuvre par tous les autres partenaires sur des questions 
d’intérêt commun, dans la mesure où elles touchent tous les partenaires ;
• la recherche de solutions communes pour répondre à des problèmes 
communs et, par conséquent, la définition de stratégies conjointes ;
• la mise en œuvre de ces stratégies requiert la mobilisation et mise en commun 
des ressources.
Quel que soit le caractère abstrait qui semble entourer ces deux principes,
ils peuvent être traduits en actions concrètes et testés pour évaluer le degré de
sérieux de l’UE et des PPM par rapport au processus euro-méditerranéen, ses

() Cf. Commission Interméditerranéenne C.R.P.M. (2008) : Un Partenariat euro-méditerranéen renouvelé


pour la paix, l’emploi et le développement durable, Institut de la Méditerranée, CeSPI et IEMed, http://www.
medregions.com/pub/doc_travail/bp/4_fr.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 17

buts et ses principes. S’engager dans la création d’une zone de libre-échange


euro-méditerranéenne, par exemple, sans tenir compte ni prévoir des mesures
conjointes pour en contrebalancer les effets négatifs, pourrait aller, pour certains
partenaires, à l’encontre du principe de co-responsabilité (cf. proposition 3 sur
l’élaboration d’un cadre stratégique de réforme avec filet de sécurité). Pour
donner un autre exemple concret, la manière dont l’Europe s’est refermée sur
elle-même pour définir et mettre en œuvre sa réponse à la crise économique
mondiale, sans y intégrer les PPM, ne contribue pas au co-développement en
Méditerranée. La même idée s’applique à l’exclusion explicite de la mobilité des
personnes, même en tant qu’objectif à long terme, de la Politique européenne
de voisinage (PEV).
– Cohérence intersectorielle. L’« approche globale sur la question des
migrations » adoptée par le Conseil européen de décembre 2005 a noté que « le
Programme de travail en matière de migrations et de développement sera renforcé
par une amélioration de la cohérence entre les différentes politiques de l’UE, y compris
les instruments financiers correspondants, en vue de s’attaquer aux causes profondes
des migrations (10). » Le même appel à la cohérence a été lancé par les Ministres
du Travail et de l’Emploi, qui se sont réunis pour la première fois à Marrakech
en novembre 2008, lorsqu’ils ont appelé à « une approche intégrée combinant de
manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale,
sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et formation » à la
fois au niveau national et régional. Le défi consiste, à présent, à transformer ces
déclarations éclairées en actions et à développer les cadres institutionnels requis
pour garantir cette cohérence politique intersectorielle (cf. propositions 6 et 7).
– Consultation avec les parties prenantes et transparence, c’est-à-dire,
les organisations de la société civile, les partenaires sociaux et les bénéficiaires
eux-mêmes. Un processus de consultation structuré va bien au-delà l’exercice
« d’information publique » mis en place par la Commission européenne sur les
notes conceptuelles publiées pour les prochains programmes indicatifs nationaux
2011-2013, où elle a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs opinions.
Ceci présuppose l’institutionnalisation de la procédure de consultation (au niveau
des conseils d’association bilatéraux, par exemple, cf. proposition 17) et de la
transparence sur le contenu du processus de consultation et la manière dont
les contributions de la société civile et des partenaires sociaux ont été prises
en compte (proposition 18). Ceci implique de concrétiser le droit à l’information
en rendant publics tous les documents qui ne sont pas confidentiels selon les
partenaires (actuellement, la Commission européenne retient de nombreux
documents relevant juridiquement du domaine public en ne les publiant pas,
même si elle est tenue de les fournir sur demande.)

(10) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique
européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/
pressdata/fr/ec/92224.pdf.
18 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

D’autre part, l’analyse des développements économiques des deux dernières


décennies dans les pays arabes méditerranéens (PAM) et les perspectives pour
les dix à vingt ans à venir, notamment dans le domaine de l’emploi, montrent
clairement que le maintien du statu quo en termes de politiques économiques et
de modèle économique n’est pas une option réalisable, qu’elle risque de porter un
préjudice permanent aux perspectives de développement de ces pays et qu’elle
est susceptible de perturber leur stabilité sociale. Ceci exige une action politique
immédiate de la part des PAM et de l’UE, qui serait touchée par toute instabilité
dans la région. Les politiques de l’emploi et la dimension sociale du Partenariat
euro-méditerranéen sont les dimensions clés de ce changement de paradigme
requis, dans la mesure où la définition de la dimension sociale peut être considérée
comme étant une condition préalable à la viabilité du PEM en tant que projet de
transformation économique et de développement et que l’approfondissement de
la consultation de la société civile et des partenaires sociaux peut être considéré
comme une condition préalable à sa viabilité sociale et politique. Cet ouvrage tente
de définir un agenda minimaliste pour atteindre ces objectifs.

Dimensions de la dimension sociale


Pour alimenter le débat, la fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES) et la Plate-
forme non gouvernementale EuroMed ont décidé de demander des contributions à
six experts de la région, deux européens et quatre des pays arabes méditerranéens,
afin de formuler des propositions concrètes sur six thèmes généraux. La démarche
était semblable à celle déjà appliquée en 2005 sur l’implication de la société dans
le Partenariat euro-méditerranéen (11).
Il est entendu que bien d’autres sujets auraient pu être choisis, mais nous avons
retenu ce qui nous semblait être les éléments constitutifs fondamentaux d’une
véritable dimension sociale pour le Partenariat euro-méditerranéen :
– La crise financière et économique mondiale frappe les pays arabes
méditerranéens à travers divers canaux (une réduction de moitié des investissements
directs étrangers, une baisse des transferts de fonds des migrants, une contraction
de la demande en produits d’exportation, une baisse des revenus du tourisme…). Et
ce, malgré le fait qu’ils n’étaient en rien à l’origine de la crise et indépendamment du
bien-fondé de leurs politiques (en fait, les pays qui ont mis en œuvre des politiques
plus orthodoxes et, qui, par conséquent, sont plus intégrés dans l’économie
mondiale, sont ceux qui ont le plus souffert de la crise) (12). Même si nous pouvons
nous demander si les pires effets de la crise économique sont derrière nous, il ne
fait aucun doute que ses implications seront durables. La crise actuelle a dévoilé

(11) Cf. Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens. 35 propositions
pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert,
(http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ).
(12) Pour une analyse de l’impact de la crise économique mondiale sur les pays arabes méditerranéens, cf.
le rapport FEMISE (2009) : Les Pays partenaires méditerranéens face à la crise, http://www.femise.org/PDF/
Femise_A2008-9fr.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 19

les limites du modèle économique actuel pour les pays développés et son manque
de potentiel comme moteur du développement des pays moins développés, y
compris ceux de la rive sud de la Méditerranée. Il est nécessaire que toutes les
parties prenantes et tous les acteurs sociaux participent à un large débat sur le
modèle économique, le rôle de l’Etat et des marchés, les investissements étrangers
et la libéralisation des échanges comme moteurs de croissance et sur les politiques
sociales. Le modèle européen de l’Etat providence (en dépit de ses échecs et de ses
carences observées dans une perspective européenne), caractérisé par un système
plus cohésif et redistributif, ainsi qu’un ensemble de droits économiques et sociaux
attachés à la citoyenneté et considérés comme faisant partie intégrante de la
démocratie, pourrait nous fournir quelques orientations à cet égard. La nécessité
d’intégrer les pays arabes méditerranéens dans la réponse européenne à la crise et
dans les nouveaux mécanismes de supervision qui ont été créés, constitue un autre
impératif, si tant est que les décideurs politiques veulent sérieusement honorer
leur engagement de créer une « zone de stabilité et de prospérité partagées » en
Méditerranée (le mantra du Partenariat euro-méditerranéen) ; au lieu de cela, l’UE
a géré la crise sans consulter d’une quelconque manière ses voisins du Sud. De
plus, les pays arabes méditerranéens ne se sont pas non plus consultés entre eux,
dans leurs réactions face à la crise, montrant ainsi l’inexistence de mécanismes de
partenariat efficaces. Quoiqu’il en soit, il ressort clairement pour les auteurs de cet
ouvrage que la réponse à la crise mondiale actuelle requiert plus, et non pas moins,
de partenariat dans l’espace euro-méditerranéen.

Proposition 1
Un débat à l’échelle régionale sur le modèle économique et le modèle
de relations économiques UE – pays arabes méditerranéens (PAM)
La crise a mis en évidence des dysfonctionnements profonds dans le modèle de
politique économique mis en œuvre dans les pays arabes méditerranéens au cours
des 20 dernières années. Il remet en question la sagesse conventionnelle sur des
questions telles que le rôle de l’État dans l’économie, ou le commerce extérieur et les
investissements directs étrangers en tant que principaux moteurs de la croissance.
Beaucoup considèrent la crise actuelle non pas comme un accident de parcours, mais
comme une panne systémique, un symptôme des contradictions internes du modèle
économique actuel. Un tel modèle a certainement entraîné une généralisation des
politiques macro-économiques saines et une bonne performance dans ce domaine
(notamment en termes d’inflation, de maîtrise du déficit public et même de croissance).
Mais la combinaison d’une libéralisation économique (et donc l’impératif de la
compétitivité) et l’ancrage du taux de change sur l’euro (empêchant les dévaluations)
rend la convergence des salaires exclusivement dépendante des hausses de productivité,
une voie très difficile pour des pays souffrant de systèmes éducatifs très inefficaces.
Le modèle économique axé sur les exportations à bas salaires, faibles impôts, barrières
peu élevées et une faible valeur ajoutée mis en oeuvre au cours des vingt dernières
années dans de nombreux pays méditerranéens ne semblent garantir ni la convergence
des revenues à long terme ni le niveau de création d’emplois requis par les tendances
démographiques des PAM. En effet, nous pouvons affirmer que la relation entre
la dynamique économique et démographique n’a pas été maîtrisée et que l’écart 
20 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

de revenus entre les deux rives de la Méditerranée n’a pas été réduit au cours des 
15 années du Partenariat euro-méditerranéen. Ainsi, un débat à grande échelle sur les
implications en matière de développement (et d’emploi) de ce modèle économique
n’a que trop tardé.
Ce débat doit également s’étendre au :
– modèle actuel des relations économiques nord-sud entre les deux rives de la 
Méditerranée ;
– système actuel du Code du travail et de la protection sociale dans les pays 
arabes méditerranéens, qui impose un degré élevé de rigidité et de coûts, mais qui, 
curieusement, ne protège que faiblement la majorité des travailleurs, créant ainsi un 
marché du travail à deux vitesses et fortement segmenté.
Le débat devra s’articuler à deux niveaux : au niveau national dans chaque pays arabe
méditerranéen – facilitant ainsi l’émergence d’un consensus social et politique sur les
politiques économiques et les réformes requises, lequel est loin d’exister dans grand
nombre de ces pays – et au niveau euro-méditerranéen, dans le but de dissiper le
sentiment que les politiques économiques sont souvent imposées par des organisations
financières internationales ou des pays développés. Tous les acteurs sociaux concernés
de la région euro-méditerranéenne doivent y être impliqués : les gouvernements et
organisations internationales, les partenaires sociaux, la société civile et les experts, tout
comme les groupes de réflexion, les collectivités locales et régionales, etc.

– L’emploi et la dimension sociale de la zone de libre-échange euro-


méditerranéenne. Jusqu’ici, l’évaluation de l’impact social a fait défaut dans la
libéralisation des échanges dans la région euro-méditerranéenne, dans une mesure
qui aurait été impensable dans le contexte de l’UE, où toutes les propositions et
initiatives politiques sont accompagnées d’une évaluation ex-ante des implications
économiques, sociales et environnementales (13). Les négociations en cours sur la
poursuite de la libéralisation des échanges de produits agricoles et la libéralisation
des échanges dans le secteur des services au sein de l’espace euro-méditerranéen
rendent, plus que jamais, nécessaire une évaluation d’impact sérieuse (proposition
9), d’autant que, pour les PAM, les enjeux seront nettement plus importants que
pour les produits industriels et, enfin, de prévoir des mesures de compensation
pour les groupes plus touchés de la société (cf. proposition 3). Là encore, la façon
dont l’UE aborde les ajustements économiques nécessaires dans ses frontières est
révélatrice : un bon exemple est la création d’un Fonds européen d’ajustement à
la mondialisation, opérationnel depuis 2006, avec un budget de 500 millions €
par an et dont le but et d’aider chaque année jusqu’à 35 000 travailleurs qui ont
perdu leur emploi suite à des changements structurels majeurs dans le commerce
mondial (14). Ce fonds a été conçu comme moyen de concilier les avantages
généraux à long terme des échanges ouverts, en termes de croissance et d’emploi,
aux effets indésirables à court terme que peut avoir la mondialisation, notamment

(13) Cf. Martin, Iván (2004) : « The Social Impact of Euro-Mediterranean Free Trade Areas : A First Approach
with Special Reference to the Case of Morocco », (L’impact social des zones de libre-échange euro-
méditerranéennes : une première approche avec une référence spéciale au Maroc) dans Mediterranean Politics,
vol. 9.3, automne 2004, p. 422-458.
(14) http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=326&langId=fr. .
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 21

sur l’emploi des travailleurs les plus vulnérables et les moins qualifiés. Ses objectifs
ne pourraient être plus pertinents dans le contexte de l’établissement de la zone
de libre-échange euro-méditerranéenne ; en fait, il peut être considéré comme
la condition préalable à sa viabilité (cf. proposition 10) (15). Comme l’indique
le rapport du Conseil économique et social cité ci-dessus : « les sociétés civiles
peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans la gestion de l’impact social des
réformes économiques. Ceci étant, elles doivent être en mesure non seulement
de participer à la mise en œuvre des programmes gouvernementaux, mais aussi
à leur conception ».
– La promotion de l’emploi des femmes dans les pays arabes méditerranéens.
Les taux de participation à l’emploi dans les PAM sont les plus bas dans le monde :
seulement un habitant sur quatre parmi les 180 millions d’habitants de ces pays a
un emploi, ce qui donne un ratio de dépendance de 3 pour 1. Le principal facteur
expliquant cette situation est le taux de participation des femmes au monde du
travail le plus faible dans le monde : seule une femme en âge de travailler sur
quatre est sur le marché de l’emploi et une moyenne de 20 % d’entre elles sont
sans emploi. Ceci signifie une exclusion de facto des marchés de l’emploi de 85 %
des femmes en âge de travailler dans la région. La perte en termes d’investissement
éducatif qui en découle est énorme, pour ne pas mentionner la contrainte imposée
ainsi à leur droit à l’émancipation économique et sociale. Cependant, l’action du
Partenariat euro-méditerranéen dans ce domaine a été très faible (même si une
volonté politique plus forte semble émerger depuis la Conférence ministérielle
d’Istanbul de 2006) ; un plan d’action global pour réaliser des progrès dans ce
domaine est donc requis. La présente crise économique a touché la main-d’œuvre
féminine plus durement que les hommes, d’autant que leurs emplois sont souvent
plus précaires.
– La dimension sociale de la Politique européenne de voisinage. La PEV est
devenue le principal cadre de coopération bilatérale entre l’UE et les Pays arabes
méditerranéens. En tant que cadre de coopération basé sur la méthodologie
d’adhésion, la PEV a introduit nominalement dans la coopération entre l’UE et
les PAM toute une série de nouveaux aspects sociaux (dialogue sur la politique
sociale, politique de l’emploi, droits économiques et sociaux, ratification et mise en
œuvre des conventions internationales…). Mais la prise en compte effective de ces
aspects a été inégale dans les pays et, d’une manière ou d’une autre, très limitée
à ce jour. Au moment où les plans d’action de la première génération arrivent à
expiration et que la Commission prépare les nouveaux programmes indicatifs
nationaux pour 2011-2013, il est important de faire le bilan des instruments de
la PEV (documents de stratégie, rapports de progrès…) et de la manière dont les
questions sociales sont effectivement traitées dans le cadre de la PEV. L’extension
à tous les pays arabes méditerranéens des meilleures pratiques dans ce domaine
(comme le nouveau Programme bilatéral annoncé de modernisation du marché

(15) Il convient de noter que depuis 2006, l’UE a financé en Egypte un projet de placement des travailleurs
dans les industries textiles afin d’assister jusqu’à 5 000 travailleurs au chômage touchés par la privatisation
des entreprises textiles publiques et les reconvertir professionnellement.
22 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

du travail au Maroc) et la consolidation et formalisation des procédures de


consultation de la société civile – y compris la rédaction des notes conceptuelles
pour les futurs programmes indicatifs nationaux et plans d’action et la définition de 
priorités – semblent être un principe conducteur à cet égard.
– L’adoption d’une Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et la mobilité.
L’emploi est sans aucun doute le défi socio-économique le plus important à relever
par les pays arabes méditerranéens au cours des 10 à 20 prochaines années, et
l’incapacité à mettre en ouvre des politiques appropriées pourrait toucher l’Europe
en raison d’une instabilité sociale et politique accrues dans son voisinage direct,
ainsi qu’à travers d’une augmentation des pressions de la migration irrégulière.
Dans la mesure où il s’agit d’un problème à l’échelle de la région toute entière, la
réponse doit également être pan-régionale et le Partenariat euro-méditerranéen
fournit le cadre approprié pour le traiter, dans un sens très proche de l’évolution
qu’a connue l’UE depuis 1999 avec sa Stratégie européenne pour l’emploi (16).
Mais une Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi ne peut être dissociée
d’une Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité qui fait défaut aujourd’hui.
Comme le montre clairement le cas de la zone de libre-échange d’Amérique du
nord, la libéralisation du commerce et des échanges économiques à elle seule,
non accompagnée d’une stratégie de mobilité, n’entraîne pas le développement,
tout comme elle ne contribue pas à réduire les flux migratoires. Les profils
démographiques et en matière de compétences de l’UE et des PAM offrent des
possibilités de stratégies de rapprochement « gagnant-gagnant » entre la demande
des marchés du travail de l’UE et l’offre en main-d’œuvre des PAM. Au cours des
deux prochaines décennies, les PAM fourniront un pool de jeunes travailleurs
de plus en plus instruits dans lesquels les marchés du travail de l’UE pourraient
investir leur demande accrue en travailleurs migrants moyennement ou hautement
qualifiés. Ce rapprochement serait mutuellement bénéfique et atténuerait en partie
le principal facteur d’instabilité sociale dans la région et aurait, par conséquent,
des effets externes positifs pour l’Europe en empêchant des débordements dans
les pays européens voisins (17). Ceci étant, cette synergie dépend d’une mise à
niveau efficace et immédiate des compétences de la main-d’œuvre des PAM (qui
devrait donc devenir une priorité de la coopération économique UE – PAM) et de
la création d’un climat propice pour la migration légale vers l’UE, ce qui n’est pas le
cas aujourd’hui, en dépit de l’adoption de l’approche globale sur les questions de
la migration en 2005. A l’horizon, la création d’un espace social euro-méditerranéen
devrait être l’aboutissement logique du projet de Partenariat euro-méditerranéen
et de ses principes (cf. proposition 22).
– L’établissement d’un système euro-méditerranéen de monitoring dans
le domaine de la politique sociale. Aussi bien au niveau bilatéral (PEV) que

(16) Cf. http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=101&langId=fr, ainsi que la contribution de Larabi Jaidi


ci-dessous.
(17) Cf. Martín, Iván (2010) : Labour Markets and Migration Flows in Arab Mediterranean Countries. A Regional
Perspective. Centre Robert Schuman d’études avances, Institut universitaire européen de Florence, 2009,
http://www.eui.eu/Documents/RSCAS/Research/LMM/LMM-ExecutiveSummary.pdf.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 23

multilatéral (PEM), le Partenariat euro-méditerranéen a, jusqu’à présent, manqué


d’un ensemble d’instruments rigoureux d’évaluation de l’état d’avancement
à des fins de benchmarking et de conditionnalité positive, et les principes de
différenciation sont profondément ancrés dans la méthodologie de la PEV. Les
rapports de progrès de la PEV, publiés chaque année depuis 2006 par la Commission
européenne, sont un important pas en avant, dans la mesure où ils garantissent
une plus grande transparence du processus ; en revanche, ils sont loin d’être
normalisés. Ils se limitent au récit partiel de ce qui est fait dans chaque domaine et
n’appliquent pas un ensemble commun de critères d’évaluation ou d’indicateurs
pour mesurer les progrès enregistrés sur la voie de la réalisation des objectifs
déclarés dans chaque pays et chaque secteur. Par conséquent, ils ne permettent
pas de comparaisons et n’aident pas à mesurer les progrès. Par ailleurs, le système
actuel est unilatéral, dès lors que c’est la Commission européenne qui effectue
l’évaluation. L’affermissement du principe de partenariat (tel qu’exprimé dans la
Déclaration de Paris établissant l’Union pour la Méditerranée), requiert un système
d’évaluation des progrès plus multilatéral, du moins au niveau institutionnel.
Mais au-delà d’un système gouvernemental de surveillance multilatéral des
politiques sociales (cf. proposition 28), un suivi direct par la société civile et les
partenaires sociaux s’impose aussi. La création d’un comité de suivi de la dimension
sociale du Partenariat euro-méditerranéen (proposition 29) serait une mesure
clé pour institutionnaliser ce processus. Une autre possibilité, comme l’a suggéré
le séminaire du Caire, serait d’établir un Observatoire des politiques sociales
euro-méditerranéennes. Mais dans l’intervalle, disposer d’une équipe d’experts
indépendants, proches des acteurs de la société civile, qui rédige un rapport de
suivi annuel sur la situation socio-économique et les politiques sociales dans la
région euro-méditerranéenne, pourrait être une mesure efficace permettant de
commencer à agir immédiatement dans ce domaine (cette mesure pourrait être
mise en œuvre dès 2010).

Proposition 2
Lancer un exercice annuel de suivi par la société civile des progrès
réalisés dans la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen
Par définition, le système de monitoring des politiques sociales et de l’emploi et des
performances dans ces domaines préconisé dans le présent document (cf. proposition
28) est de type intergouvernemental. Ceci étant, la société civile doit avoir son mot à
dire dans ce processus, en mettant le doigt sur les points faibles, en encourageant les
décideurs politiques à tenir leurs engagements et à prendre au sérieux la dimension
sociale, et en donnant une voix aux intérêts des citoyens. Par conséquent, au-delà du
Forum pour le dialogue social devant être formellement organisé (ou mis en place)
d’après la décision des Ministres du travail et de l’emploi, qui se concentrera sur
les aspects traditionnels du dialogue social, un élément essentiel de la dimension
sociale qui garantira une évaluation critique des progrès réalisés dans le domaine du
développement social sera le lancement d’un exercice annuel de suivi des progrès
réalisés dans le cadre de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen par
la société civile elle-même.
24 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Cet exercice pourrait être basé sur un rapport annuel sur la dimension sociale du
Partenariat euro-méditerranéen, rédigé par une équipe d’experts indépendants pour
évaluer l’évolution de la situation socio-économique des États-membres de l’UE et des
pays partenaires méditerranéens, l’état d’avancement et les progrès de la dimension
sociale du Partenariat (mise en œuvre des engagements, réalisation des objectifs,
etc.) et proposer de nouvelles pistes en vue de la développer plus en profondeur
(éventuellement en se concentrant sur un thème chaque année).
Ce rapport pourrait être discuté et validé lors d’une conférence annuelle des
représentants de la société civile et des partenaires sociaux, avant d’être publié et
transmis aux institutions euro-méditerranéennes (ministres, Secrétariat de l’UPM,
Parlement européen et Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne…). La
supervision du processus (sélection de l’équipe d’experts, la matrice de l’analyse,
l’organisation de la conférence, etc.) relèverait de la responsabilité d’un «comité de suivi
de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen », composé de représentants
de la société civile organisée (Plate-forme NG EuroMed et ses membres), syndicats
et organisations professionnelles et conseils économiques et sociaux et institutions
similaires (18).
Une telle évaluation annuelle ne serait pas très coûteuse : elle pourrait être réalisée avec
un budget qui ne dépasserait pas 200 000 € par an (pour deux réunions annuelles du
comité de suivi, la production et la diffusion du rapport et l’organisation de la conférence
annuelle), soit un tiers du coût d’une conférence ministérielle ordinaire et une fraction
du budget de la plupart des programmes thématiques régionaux soutenus par l’UE
dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat.

29 +1 propositions
Les questions devant être abordées dans cet ouvrage ont été convenues par
la Fondation Friedrich Ebert et le bureau de la Plate-forme non gouvernementale
EuroMed et le coordinateur de cet exercice. Pour garantir la cohérence sur
l’ensemble des six contributions et procéder à un test initial des propositions qui
y sont formulées, la FES a organisé un séminaire, le 30 septembre 2009 à Rabat,
au cours duquel des représentants de la Fondation et de la Plate-forme non
gouvernementale EuroMed, ainsi qu’une sélection d’experts, ont discuté de ses
six contributions (19). Les deuxièmes versions de celles-ci qui en ont découlé
ont été présentées et discutées lors d’ateliers thématiques organisés dans le cadre
du séminaire « Vers une véritable dimension sociale du PEM : la contribution de la

(18) Dans le rapport d’information sur « La dimension sociale des relations entre l’Union européenne et les
pays partenaires méditerranéens » publié par le Comité économique et social européen et un groupe de
travail des comités économiques et sociaux méditerranéens en 2008 (www.eesc.europa.eu/sections/rex/
euromed/events/2008-10-14-Rabat/PDG %20A_CES735-2008_FIN_REV_RI_en.doc), une proposition avait
déjà été formulée sur « la création d’un réseau pour procéder au suivi de la dimension sociale des relations
de l’UE avec les PPM, dans lequel seraient représentés les institutions concernées, les conseils économiques
et sociaux et organisations de la société civile des PPM ainsi que leurs organisations ».
(19) Les participants à cette réunion étaient ; Ulrich Storck, Abdelmaksoud Rachdi, Ivan Martin, Larabi Jaïdi,
Abdellah Shehata Khattab, Souad Triki, Abdelhamid Magdy, Merin Abbass, Abdelkader Azria, Aisha Belarbi,
Mohamed Benhammou, Hocine Bensaid, Mourad Errarhib, Julia Galaski, Ihssan Iraqui, Riad Al Khouri, Hamid
Lamris, Abdellah Saaf et Abderrahim Sakhi.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 25

société civile », organisé au Caire les 31 octobre et 1 novembre 2009 par la Plate-
forme non gouvernementale EuroMed, avec le soutien de la Fondation Friedrich
Ebert et de la Commission européenne. Quelques 70 participants ont discuté
les propositions des experts au nom des organisations de la société civile euro-
méditerranéenne.
Le présent ouvrage est le résultat de ce processus. Il s’articule autour de 
30 propositions numérotées dans l’ordre, en commençant par les propositions 1
et 2 de cette Introduction et mises en évidence dans les différentes contributions
dans des encadrés. Elles s’adressent principalement aux gouvernements des
États membres de l’UE et des pays partenaires méditerranéens et aux institutions
européennes, mais aussi à la société civile et aux partenaires sociaux eux-mêmes
(des propositions comme la proposition 2 : suivi de la dimension sociale par la
société civile ou la proposition 11 : plaidoyer et campagne en faveur de l’égalité,
ne requièrent pas d’action gouvernementale pour être mises en œuvre) et même
aux experts, qui ont un rôle important à jouer dans tout ce processus.
Par souci de visibilité, les 30 propositions ont été classées en six niveaux
d’intervention : le niveau structurel (propositions liées au cadre d’action au
sein du Partenariat euro-méditerranéen), le niveau des principes du partenariat 
(cf. ci-dessus), le niveau institutionnel (propositions relatives au cadre institutionnel
requis pour élaborer une véritable dimension sociale), les interventions politiques
(c’est-à-dire les propositions d’action directe en vue de relever les défis sociaux
dans la région), le suivi et, enfin la conjoncture (c’est-à-dire, les propositions visant
à surmonter les problèmes de transition ou de compensation pour les effets
transitoires des actions structurelles). Le tableau ci-dessous donne un aperçu de
toutes les propositions formulées dans le cadre de ce projet et qui sont précisées
et discutées plus en détail dans les différentes contributions thématiques. Douze
propositions ont été mises en évidence dans le tableau pour souligner leur
importance en tant que tremplins et pierres angulaires de la dimension sociale
du Partenariat euro-méditerranéen.
Dans l’ensemble, ces 30 propositions constituent un programme ambitieux
de développement de la dimension sociale du Partenariat. Il semble évident
que le choix des propositions aurait pu être différent et que la pertinence de
l’une ou l’autre pourrait être remise en question. Certaines peuvent manquer.
Quoiqu’il en soit, chacune d’entre elles devrait être l’objet d’une analyse de
faisabilité technique plus poussée avant de pouvoir être mise en œuvre. Mais
le mérite de ce projet consiste à brosser un premier aperçu des composantes
requises pour développer une véritable dimension sociale, telle que décidée par
les ministres EuroMed et, finalement, à donner aux acteurs et décideurs politiques
quelques idées sur la manière de procéder. Un premier plan d’action pour le
développement de la dimension sociale du Partenariat euro-méditerranéen est
ainsi soumis au débat public et mis à la disposition des acteurs de la société
civile et des partenaires sociaux en vue d’un lobbying public (à la fois dans les
institutions de l’UE et dans les gouvernements européens et des pays partenaires
méditerranéens). Cet ouvrage fournisse aussi une grille de base pour évaluer les
progrès réalisés dans le développement de la dimension sociale du Partenariat
26 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

est également fournie (et le prochain Forum civil EuroMed qui se tiendra à
Alicante, Espagne, en mai 2010 sera une bonne occasion pour procéder à une
première évaluation).
Notre analyse a évité, à dessein, de mettre l’accent sur la question des
ressources financières : la plupart de nos propositions sont liées à des processus,
des institutions et des politiques et non à des moyens supplémentaires. Mais cela
ne devrait pas nous faire oublier que la création d’un espace euro-méditerranéen
de sécurité et de prospérité partagées est irréalisable sans mise en place
progressive de mécanismes de redistribution des revenus au niveau régional
(comme ceux mis en place dans l’UE grâce à la politique régionale de l’Union)
et sans une augmentation « substantielle » de l’assistance financière aux pays
arabes méditerranéens, pour utiliser le terme réitéré à maintes reprises dans la
Déclaration de Barcelone de 1995, dans le document fondateur de la PEV de 2003
et dans le Document conjoint UE – Maroc sur le Statut avancé de 2008. Les niveaux
actuels de coopération financière de l’UE dans la région, malgré leur montant
appréciable en termes absolus (près de 1 milliard d’euros par an plus des crédits
de la Banque européenne d’investissements, d’un montant supplémentaire de 
2 milliards d’euros) sont, en fait, très modestes en termes par habitant (environ 
5 euros par habitant et par an), et ne sont certainement pas suffisants pour assurer
une cohésion économique sur les deux rives de la Méditerranée. Compte tenu
de ce niveau de ressources, il n’est guère réaliste de viser des transformations
économiques structurelles. Dans le contexte plus développé de l’UE, de telles
transformations structurelles d’envergure absorbent des ressources de l’ordre de
200 € par an et par habitant en fonds structurels alloués par le budget de l’UE aux
régions les moins développées dans ses frontières. Le débat autour de la faisabilité
politique de la mobilisation de ressources aussi considérables sur fond de crise
économique et précisément au moment où le budget de l’UE tend à se contracter
et non pas à croître, devrait être placé dans le contexte de l’analyse du « coût du la
non-Euroméditerranée », tout comme au début des années 1980, le marché unique
européen était appuyé par le rapport Ceccini sur les « coûts de la non-Europe » ;
l’Europe a fait preuve d’une remarquable capacité à mobiliser ses ressources dès
lors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental et la question réelle n’est pas tant de savoir
si des ressources sont disponibles, mais si les politiques comprennent que l’avenir
de l’Europe est étroitement lié à celui de la Méditerranée, comme en font souvent
état les discours publics.
En lisant ces propositions, vous constaterez qu’en fait, nous n’en avons formulé
que 29 et non pas 30. Il ne s’agit pas d’une erreur ou d’un manque d’idées, mais
d’un appel à toutes les parties prenantes, les décideurs politiques, les acteurs de la
société civile, tout comme aux citoyens, qui sont les plus directement touchés par
la dimension sociale du Partenariat EuroMed, afin qu’ils formulent leurs propres
propositions. Dans l’espace euro-méditerranéen, il y a un déséquilibre récurrent
entre le montant (élevé) de ressources consacrées à l’analyse et le nombre (limité)
de propositions politiques concrètes mises en circulation. Le principal effort de ce
projet était, en partie, de compenser ce déséquilibre.
Introduction : Quelle dimension sociale pour quel Partenariat euro-méditerranéen ? 27

Pour finir, mes vifs remerciements s’adressent à Larabi Jaidi, Abdallah Khattab,
Erwan Lannon, Kinda Mohamadieh et Souad Triki, les cinq experts qui ont contribué
à cet ouvrage, à Julia Galaski de la FES à Rabat, pour les rapports qu’elle a rédigés
sur les réunions de Rabat et du Caire. Il m’importe également de souligner la
contribution, tout au long du projet, d’Abdelmaksoud Rachdi, Président de la
Plate-forme non gouvernementale EuroMed et d’Ulrich Storck, Représentant
Résident de la Fondation Friedrich Ebert au Maroc. En travaillant avec eux tous
au cours de ces mois, j’ai approfondi ou développé avec eux une relation d’amitié
au-delà des frontières, des cultures et des générations. C’est certainement un
moyen de contribuer aussi, à un niveau micro, aux objectifs du Partenariat euro-
méditerranéen.
20+10
28

30 propositions pour définir une véritable dimension sociale dans le Partenariat euro-méditerranéen

Principes de Interventions
Structurelles Institutionnelles Suivi Conjoncture
partenariat politiques

3. Cadre stratégique 6. Comité 19. Mise à niveau des politiques


Gouvernements des réformes avec interministériel nationales de l’emploi
filet de sécurité 23. Stratégie intersectoriel sur le
EuroMed pour l’emploi commerce et l’emploi 28. Système EuroMed de
monitoring de l'emploi
1. Débat 17. Sous-comités
sur le modèle économique société civile dans 7. Cohérence entre 26. Système de
24. Programme EuroMed
le cadre des AA l’agenda commercial compensation pour la
Accès des jeunes à l’emploi
Institutions de l’UE et la soutenabilité fuite des cerveaux
25. Stratégie EuroMed 16. Rapports pays et agricole
de mobilité notes conceptuelles 13. Stratégie contre
normalisés la discrimination des 9. Evaluation ex-ante et
8. Maximiser la salaires ex-post de l’impact des ALE
27. Consultation sociale au valeur ajoutée de la 18. Processus
niveau euro-méditerranéen libéralisation transparent de 12. Plan d’action 10. Plan d’atténuation
Société civile / du Mode 4 consultation des PIN pour l’emploi des femmes 15. Budgétisation pour les pertes
Partenaires sociaux et plans d’action sensible au genre d’emplois liées aux
22. Feuille de route ALE
14. Service de garde
Espace Social EuroMed des enfants 2. Suivi DS
11. Plaidoyer et
campagne pour par la société civile
l’égalité 29. Comité de suivi de la 20. Programme 5. Fonds anti-crise
dimension sociale EuroMed EuroMed Normes 4. Système d’alerte
Sociales
précoce des crises
Experts 21. Programme économiques
EuroMed Emploi et
Migration
20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
L’impact de la crise économique mondiale sur 
les relations économiques euro-méditerranéennes :
propositions d’action
Abdallah Shehata Khattab *

Introduction
En 2008 (), l’économie mondiale a connu une crise financière et économique
sans pareille en envergure et en ampleur. Bien que la crise actuelle ait été
déclenchée par des évènements aux marchés de l’immobilier aux Etats-Unis et en
Europe, elle s’est étalée dans toutes les régions du monde accompagnée par des
conséquences directes sur le commerce mondial, l’investissement et la croissance.
Les pays développés et en développement ont commencé à connaître un
ralentissement économique considérable. Il est prévu que la croissance mondiale
se ralentisse de 3,4 % en 2008 à 0,5 % en 2009, chutant de la vitesse robuste de 5 %
maintenue tout au long des quatre années précédentes. La production industrielle
a chuté précipitamment dans l’ensemble de l’économie mondiale, dans un déclin
de quelques 15-20 % dans le dernier trimestre de 2008 ; de même les exportations
des marchandises ont baissé de quelque 30-40 % ().
La chute de la demande mondiale a provoqué un effondrement des prix des
marchandises. Les prix du pétrole ont baissé de plus que 60 % après avoir atteint
leur point culminant en juillet 2008, bien qu’ils demeurent en réalité plus élevés
qu’aux années 90. Le coût de base du pétrole selon le FMI prévoit une chute de 50 $
par baril en 2009 et 60 $ en 2010 (). De même, les prix des denrées alimentaires
et des métaux ont décliné de 35 % et 50 % respectivement en dessous de leurs
points culminants enregistrés en mars 2008.
On peut soutenir que l’impact de la chute des demandes extérieures a été plus
vaste en Europe qu’au-delà de l’Atlantique et que les politiques de relance ont
été plus lentes et modérées. Un rétrécissement de 2 % en 2009 et une croissance
légèrement positive en 2010 () sont attendus dans la zone euro.

* Maître assistant au département d’économie, Faculté d’Economie et des Sciences Politiques, Université du
Caire.  email :  abdouk95@yahoo.com. L’auteur souhaite remercier Mlle Esraa Ahmad et M. Amgad Hegazy
pour leur soutien précieux.
() La crise financière a paru en 2007 et s’est aggravée considérablement en automne 2008.
() Perspectives du monde économique, 2009.
() Ces prévisions font l’objet d’une révision régulière.
() La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale dans les pays voisins de l’UE ».
Direction générale des affaires économiques et financières, Etudes occasionnelles, 48.
30 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Le ralentissement de l’économie mondiale, notamment dans la zone euro,


affecte les pays arabes partenaires méditerranéens de l’UE. Tout au long de la
crise, le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) connaîtra un véritable test face aux
impacts négatifs de la crise. Ce document vise à évaluer l’impact de la crise actuelle
sur le processus de Partenariat euro-méditerranéen et à proposer un ensemble
d’actions dans le cadre d’une politique d’atténuation dans le but de réduire les
impacts négatifs de cette crise. Ce document s’articule autour de trois parties. La
première partie évalue l’impact de la crise sur les pays arabes méditerranéens
et leur réaction à la crise. La seconde partie procède à un examen critique du
processus de partenariat et de ses instruments dans le cadre des relations euro-
méditerranéennes. Enfin, la troisième partie propose un ensemble de mécanismes
à même d’aider les partenaires méditerranéens à gérer conjointement les effets
de la crise économique.

1. La crise mondiale et les pays arabes méditerranéens


Récemment, à l’instar de la plupart des marchés émergents, les pays voisins
de l’UE, au sud et à l’est de la Méditerranée, ont bénéficié d’une stratégie
générale de faible aversion au risque, d’une intégration accrue et d’une
interdépendance à l’égard de l’économie mondiale, accompagnées d’échanges et
d’investissements étrangers en plein essor et d’une intégration financière renforcée,
quoiqu’inégalement répartis à travers les régions. Au cours de ces dernières années,
les partenaires de l’UE ont enregistré une forte croissance, générée en partie
par l’afflux des capitaux. Cependant, en 2007 et au début de 2008, l’envolée des
cours des denrées alimentaires et des produits de base ont conduit à une perte
considérable des termes de l’échange des pays importateurs de produits de base,
comprenant la plupart des pays voisins (). En automne 2008, la crise économique
et financière a frappé les pays développés et s’est répandue depuis à toutes les
régions y compris les pays méditerranéens arabes partenaires de l’UE ().
Cette crise mondiale a représenté un défi indéniable pour les pays voisins de
l’UE. Cependant, l’impact de la crise sur les voisins de l’UE n’est pas uniforme dans
le sens où l’étendue et le timing des effets diffèrent selon les caractéristiques
structurelles et les réactions politiques. Comme prévu, les voisins de l’Europe
orientale ont ressenti les effets de la crise plus directement que leurs voisins
méditerranéens. Ceci est dû au fait que les pays d’Europe orientale sont fortement
dépendants de l’apport des capitaux étrangers (notamment de l’Europe
occidentale) et sont financièrement plus étroitement liés à la partie occidentale
de l’Europe. Pour les voisins méditerranéens, l’impact semble plus atténué, car
ils représentent une structure économique plus fermée et un système financier
relativement conservateur, et notamment le système bancaire ().

() Ibid.
() Nations Unies, Conseil Economique et Social, Commission Economique pour l’Afrique (2009). « La crise
financière mondiale : impact, réactions et perspectives d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire.
() Ibid., note de bas de page 4.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 31

L’impact de la crise sur les pays voisins de l’UE a été canalisé à travers des
moyens directs et indirects. Les voisins de l’UE ont été particulièrement atteints
par la chute spectaculaire des échanges mondiaux, de la décrue des transferts de
l’étranger, de la hausse des coûts financiers, de la montée des incertitudes, de la
chute des apports en crédits et capitaux et de la balance des paiements, etc. On
estime que l’impact sur les voisins de l’UE peut être observé à travers trois canaux
principaux : celui du commerce, des cours des produits de base et des transferts
financiers. Les échanges des voisins de l’UE ont été négativement affectés, au
moment où la crise a affaibli la demande mondiale et partant leurs exportations.
La chute des cours des produits de base a non seulement diminué les recettes
d’exportation de nombreux pays méditerranéens, mais, une fois contenue par
des vulnérabilités sous-jacentes, a également conduit à de graves corrections à la
baisse des marchés boursiers et des cours de change. Finalement, les partenaires
méditerranéens de l’UE ont subi une influence négative en raison d’un ensemble
de canaux de transferts financiers, notamment la réduction de l’afflux des capitaux
et les corrections des cours sur les marchés boursiers ().
Cependant, l’intégration relativement faible des économies euro-
méditerranéennes dans l’économie mondiale ainsi que leurs liens encore plus
faibles avec le système financier mondial ont, en quelque sorte, protégé les pays
arabes méditerranéens partenaires de l’UE des conséquences sévères de la crise.
Ils sont susceptibles de souffrir des effets secondaires résultant de la baisse de
l’afflux des capitaux, et de s’enfoncer davantage dans la pauvreté et la hausse du
chômage. Les pays voisins de l’UE, qui sont importateurs de pétrole (dont le Maroc,
la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban) ont tardivement subi l’impact
de cette crise. Les économistes prévoient que la pression augmentera tout au long
de l’année 2009, vu que les principaux secteurs de ces pays souffrent des effets
de la baisse des transferts de fonds qui représentent une source importante des
recettes de ces pays (). On pense aussi que ces pays vont subir une baisse générale
des investissements directs étrangers et une décrue des recettes du tourisme
– notamment la Jordanie et le Maroc, où le tourisme international a représenté
respectivement 10 et 9 pour cent du PIB en 2008. Les transferts de fonds se sont
élevés à 33,7 milliards de dollars US dans les pays importateurs de pétrole au Moyen
Orient en 2008, soit 8 % du PIB au Maroc, 14 % en Jordanie et un pourcentage
remarquable de 20 % au Liban. On s’attend à ce que ces montants chutent de 
33,7 milliards de dollars en 2008 à 29 milliards de dollars en 2009. Malgré la légère
baisse des transferts, les effets d’une telle baisse, combinés à une chute prévue
de 11 milliards de dollars dans les investissements directes étrangers dans ces
économies de 2008 à 2009, risquent d’être douloureux pour les ménages (10).

() ODI, 2008 « La crise financière mondiale et les pays en développement », informations de base, Overseas
Development Institute.
() Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante »,
Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban. (Saif, I and Choucair,
F. (2009). « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic Crisis », Carnegie Endowment for
International Peace, Middle East program, Lebanon).
(10) Ibid. note 9.
32 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Pour ce qui est des statistiques macroéconomiques, on s’attend à ce que


la croissance du produit intérieur brut (PIB) pour l’ensemble du Moyen Orient
chute de 6 % en 2008 à 3,1 % en 2009, ce qui représente une déviation radicale
par rapport aux prévisions précédentes du FMI d’une croissance de 5,9 % pour
l’année 2009, quoique qu’elles restent favorablement comparables à d’autres
économies émergentes, à savoir celles de l’Amérique latine où la croissance du
PIB est tombée de 4,2 % en 2008 à – 2,2 % en 2009 (11). On s’attend à ce que les
taux de chômage grimpent de 9,5 % en 2008 à 10,3 % en 2009 au Maroc, en fait
ils ont déjà augmenté de 8,4 % en 2008 à 9,4 % en 2009 en Egypte. Le tableau 1
montre que l’accroissement prévu du PIB des partenaires de l’UE s’est contracté à
moins de 4 % dans la plupart des pays en 2009, après une moyenne d’environ 6 %
en 2007/2008. Il est prévu que la baisse du volume des échanges, des transferts et
des apports en capitaux frappe de plein fouet la balance des paiements, comme
cela apparaît dans le déficit des comptes courants de la plupart des partenaires
méditerranéens de l’UE.

(11) Ibid. note 9.


Tableau 1
Les effets de la crise sur les partenaires arabes méditerranéens (Indicateurs choisis)

Pays/indicateur 1995-2005 2006 2007 2008 2009* 2010* 2011*


Egypte
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 4,4 6,844 7,088 7,171 4,7 4,498 5,008
Equilibre du compte courant/PIB ( %) 0,4 1,632 1,907 0,546 – 2,354 -2,836 – 2,72
Jordanie
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 4,7 8,0 8,9 7,9 3,0 4,0 4,5
Equilibre du compte courant/PIB ( %) 0 – 10,8 – 17,2 – 11,3 – 10,0 – 8,8 – 8,1
Liban
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 3,3 0,58 7,5 8,5 7 4 4
Equilibre du compte courant/PIB ( %) – 19,5 -5,3 -6,8 – 11,6 – 11,3 – 10,5 – 9,8
Syrie
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 3,2 5,1 4,2 5,2 3,0 4,2 4,5
Equilibre du compte courant/PIB ( %) 3,0 -2,8 – 3,3 –4 – 3,2 – 4,3 -3,8
Maroc
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 4,4 7,8 2,7 5,6 5,0 3,3 4,5
Equilibre du compte courant/PIB ( %) 0,7 2,15 – 0,09 – 5,5 – 5,47 – 4,74 – 4,07
Tunisie
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 5 5,35 6,35 4,65 3 4 5
Equilibre du compte courant/PIB ( %) –3 -1,99 – 2,54 – 4,21 – 3,8 – 2,9 – 3,43
Algérie
PIB aux prix du marché (2000 $) change annuel en pourcentage 4 2 3 3 2,12 3,73 3,94
Equilibre du compte courant/PIB ( %) 8,2 24,8 22,6 23,23 2,7 7,3 7,9
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 33

Sources : Perspectives économiques mondiales (2009), (…) « Chiffres préliminaires ». Les parties en gris indiquent les projections.
34 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les données préliminaires indiquent des signes de ralentissement chez


la plupart des partenaires de l’UE. En Egypte, le taux de croissance réel du
PIB est tombé à 4,1 % au 2e trimestre de l’année fiscale 2008-2009 (oct./déc.
2008), de 7,7 % au 2e trimestre de l’année fiscale 2007/2008 et 5,8 % au 
1er trimestre de l’année fiscale 2008/2009 et a terminé avec un taux de croissance
de 4,7 % pour toute l’année (12). En Jordanie, les chiffres préliminaires indiquent
un ralentissement à 4 pour cent (d’une année à l’autre) au dernier trimestre
de 2008, en raison essentiellement à une faible activité dans les secteurs de la
construction, des finances et du commerce. Il est prévu qu’en 2009, la croissance
effective du PIB se ralentisse à 3 %, en concordance avec les mauvaises perspectives
mondiales et régionales.
Le Liban a réalisé une croissance record en 2008. Avec la reprise de l’activité
dans la seconde partie de l’année générée par les secteurs de la construction et
du tourisme, le PIB effectif a réalisé une croissance de plus de 8 % pour l’année. A
l’image des prix internationaux, l’inflation a décliné à 4 % en janvier 2009. Cependant,
l’aggravation de la situation macroéconomique internationale due à la crise va affecter
le Liban en 2009. Les autorités s’attendaient à ce que la baisse des liquidités mondiales
et le ralentissement de l’économie mondiale, en particulier dans la région du Golfe,
affectent les transferts de fonds, le tourisme, les investissements directs étrangers et
en portefeuille ainsi que les apports en dépôts. Il est donc probable que la croissance
baisse à 3 % en 2009. Toutefois, les chiffres préliminaires indiquent que la croissance
record est de 7 %, au lieu de 8 % précédemment. L’expansion du secteur touristique
a été un facteur clé dans l’allègement des effets négatifs de la crise.
La Tunisie a, plus ou moins, bien tenu le coup, dans un climat international assez
difficile. L’impact des perturbations actuelles des marchés financiers mondiaux
sur la Tunisie a été, jusqu’à présent, limité, grâce à sa position macroéconomique
relativement forte et au fait que l’économie tunisienne n’est pas directement
exposée au marché secondaire des Etats-Unis. Malgré le climat international difficile,
les bouleversements financiers mondiaux n’ont eu, jusqu’ici, qu’un impact limité sur
l’économie tunisienne, mais pourraient néanmoins l’affecter, notamment à travers
les canaux du commerce. Une croissance supérieure à 6 % était prévue, soutenue
par des IDE forts (13). Toutefois, en 2008/09, il est prévu que la croissance réelle
du PIB se ralentisse à 3 % en 2009 comme cela est indiqué au tableau 1.
Comme prévu, le Maroc et la Tunisie encourent le risque de déficit extérieur
croissant face à la lente reprise internationale tandis que la crise se prolonge.
En 2008, le déficit du compte courant s’est maintenu à 5,5 % et 4,2 % du PIB au
Maroc et en Tunisie respectivement. Il était prévu que les deux taux s’aggravent
considérablement avant la fin de 2009. Le Maroc encourt un risque encore plus
grand en raison de son gros déficit commercial actuel en plus de l’augmentation
des cours du pétrole (Achy 2009). Le tableau 1 indique que les deux pays souffrent
toujours d’un déficit du compte courant qui reste relativement constant au Maroc
et a connu une amélioration mineure en Tunisie.

(12) Ministère du développement économique, Egypte, Rapport de suivi, disponible à :


www.moed.gov.eg
(13) Le FMI, FMI Article IV Rapports de consultation.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 35

2. Réponses politiques à la crise financière


La plupart des gouvernements de la région méditerranéenne ont pris des
mesures fiscales et monétaires compensatoires dans une tentative de renforcer la
résistance de leurs économies et de faire face aux points faibles identifiés depuis
que la crise a frappé. Dans la région méditerranéenne, l’Egypte a lancé un ensemble
de mesures d’incitations fiscales à la fin de l’année 2008 avec l’intention ferme de
stimuler l’activité économique par la hausse des dépenses d’investissements publics
dans le but de soutenir la productivité industrielle et d’accroître les exportations. La
première série de mesures a alloué 15 milliards de LE (2,5 milliards de dollars US)
au budget de la première année fiscale 2008/09. Les dépenses sont essentiellement
orientées vers les programmes d’infrastructure nécessitant une main-d’œuvre
intensive incluant les unités de traitement d’eau et d’assainissement, les routes, les
chemins de fer, les ports maritimes et les aéroports, en plus des fonds attribués à
la construction d’écoles et d’hôpitaux. De plus, le budget 2009/10 comprend une
seconde série de mesures financières d’environ 6 à 8 milliards de LE (14).
En Jordanie, des garanties ont été accordées pour les dépôts dans les
banques nationales ainsi que des mesures d’incitations fiscales. La Tunisie
a pris des mesures pour soutenir les PME locales et augmenter l’emploi.
Quelques gouvernements – comme la Tunisie, la Jordanie, l’Egypte et le 
Maroc – ont pris des mesures pour alléger les pressions monétaires en
diminuant les taux d’intérêt. Néanmoins, il est prévu que toutes ces mesures
se sont avérées largement insuffisantes en raison de l’insuffisance des 
ressources (15). Le FMI souligne la nécessité pour ces pays d’une meilleure
coordination de ces mesures, comprenant notamment des réformes fiscales
structurées, une meilleure supervision financière et une planification à long-terme.
Le tableau 2 montre les mesures prises par les partenaires de l’UE pour accroître
l’immunité de leurs économies envers la crise actuelle.

Tableau 2
Un exemple des réponses politiques à la crise par les pays arabes
méditerranéens partenaires de l’UE
Pays méditerranéen Mesures de facilitation monétaire Surveillance des liquidités Mesures fiscales
Egypte ✔ ✔ ✔
Jordanie ✔ ✔
Liban ✔
Syrie ✔ ✔
Maroc ✔ ✔ ✔
Tunisie ✔ ✔ ✔

Source : Le Ministère des Finances (Egypte), Article IV, Rapports de consultation, Saif, moi et Choucair, F.
(2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise économique croissante », Fondation Carnegie pour la
Paix Internationale, Programme du Moyen Orient, Liban.

(14) Le ministère des Finances, Egypte.


(15) Ibid., note 9.
36 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les résultats préliminaires indiquent que les mesures prises par les arabes
méditerranéens partenaires de l’UE ont permis à ces pays de mieux résister que
d’autres à la crise dans le court terme. Bien que sur le long-terme, les effets de la
récession pourraient créer les conditions d’une instabilité politique et sociale. Ce qui
nous pousse à demander si les instruments et les moyens fournis par le partenariat
de l’UE offrent des moyens susceptibles d’aider ces pays à réduire les effets de la
crise. Dans le chapitre suivant, cet article examinera le cadre du Partenariat euro-
méditerranéen (PEM) en vue d’évaluer cette possibilité.

3. Le Partenariat euro-méditerranéen : va-t-il aider ?


Quoique les formes actuelles de coopération entre l’UE et leurs partenaires
arabes méditerranéens, c’est-à-dire le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) et la
Politique européenne de voisinage (PEV), leur offrent une chance de développer
leurs systèmes économiques, politiques et sociaux, l’efficacité des mécanismes de
partenariat demeure discutable. A cet égard, l’analyse du processus de partenariat
indique que : 
l Premièrement, la structure de la PEV reflète clairement la réalité économique

et politique des capacités de négociation inégales entre l’UE et les pays voisins.16
Tandis que la PEV et ses plans d’action prévoient des exigences en matière de
libéralisation et de et de réforme qui vont parfois au-delà des politiques adoptées
au sein de l’UE elle-même, alors que les pays arabes méditerranéens partenaires
eux-mêmes (17) pensent que le partenariat avec l’UE est un moyen de développer
de fortes relations commerciales et économiques susceptibles de renforcer les
relations entre les deux parties. Ainsi, ils souhaitent établir un climat plus favorable
au sein duquel ils pourront augmenter leurs exportations aux marchés de l’UE et
d’œuvrer ensemble à attirer davantage d’investissements du nord vers le sud.
l Deuxièmement, le degré de développement du processus euro-

méditerranéen est étroitement lié à des facteurs politiques18. Par conséquent,


le développement de la coopération entre les deux parties peut connaître une
instabilité significative, car les régimes des partenaires méditerranéens qui mettent
en œuvre les politiques économiques sont considérés par l’UE comme étant non
démocratiques.
l Troisièmement, en ce qui concerne les mécanismes financiers, l’importance

des fonds alloués à la coopération bilatérale est marginale, car les pays
méditerranéens doivent encore passer par un long processus pour restructurer
leurs économies afin d’être à la hauteur des normes des politiques et structures
économiques de l’UE. En effet, les cadres de financement prévus pour le soutien au
processus de réforme des partenaires de l’UE y compris les structures économiques

(16) Hall, D. (2009), « Politique de voisinage de l’UE : Implications pour les services publics et les syndicats,
Rapport commandé par la FSESP, disponible à www.epsu.org
(17) Le gouvernement égyptien, « Partenariat euro-méditerranéen : Perspective égyptienne », disponible à
www.cabinet.gov.eg
(18) Ibid., note 16.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 37

et l’environnement social et politique ne sont pas comparables à ceux initiés par


l’UE pour soutenir les pays moins développés au sein même de l’UE (les pays
d’Europe de l’est membres de l’UE).
l Enfin, il n’existe pas de mécanisme anti-crise bien établi parmi les différents

mécanismes de financement et de soutien dans la PEV et ses plans d’action, malgré


la vulnérabilité économique des partenaires méditerranéens. Par ailleurs, la crise
financière et économique actuelle a montré l’absence d’un mécanisme collectif
pour la coordination politique entre les deux parties en temps de crise. La réaction
de l’UE envers la crise était isolée de toute retour d’information de la part de
ses partenaires. Ainsi, l’absence d’une telle action collective semble entraver la
promotion de la coopération.

4. Crise et propositions d’action


Malgré ses limites et celles de ses plans d’action, la PEV continue de constituer
un cadre de travail qui pourrait être amélioré en vue de mieux bénéficier des
possibilités qu’il offre. Dans cette partie, nous passons en revue une série de
propositions d’actions à travers lesquelles les deux parties peuvent coopérer dans
la gestion des défis actuels imposés par la crise financière mondiale et mettre en
place un cadre stable de partenariat.
On a déjà signalé que les partenaires méditerranéens ont été affectés par
les changements significatifs survenus dans la situation économique mondiale
lorsque la crise a frappé. A présent, ces pays souffrent tout particulièrement de
l’assèchement des flux de capitaux internationaux (sous forme d’IDE et de transferts
de fonds) qui constituaient auparavant une source essentielle de croissance. Pour
plusieurs pays de la région, la désintégration financière s’est accompagnée de la
chute spectaculaire des prix d’exportation des produits de base dont plusieurs pays
de la région dépendent fortement, tels que l’énergie, les matières premières et les
produits agricoles. En outre, l’impact social est susceptible de générer des risques
de vulnérabilité et de pauvreté croissants, rendant ainsi la nécessité de réforme et
de soutien encore plus urgente et plus contraignante (19).
Tandis que pour l’UE, l’aggravation de la crise économique et financière
mondiale incite les pays partenaires à maintenir le rythme des réformes
économiques et à éviter les mesures qui défaussent le commerce. A cet égard,
l’approche de l’UE visant à atténuer les effets négatifs de la crise (20) consiste à
établir un dialogue intense avec leurs partenaires concernant la réponse à la crise
financière et à ses conséquences économiques et sociales. L’UE est particulièrement
intéressée à rechercher les moyens d’atténuer l’impact sur les groupes les plus
vulnérables de la société, afin de promouvoir les conditions adéquates de travail
décent et garantir un développement économique et social durable. Par ailleurs,
l’UE est disposée à contribuer à résoudre les problèmes de liquidité à court terme,

(19) Ibid., note 9.


(20) Ibid. , note 4.
38 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

issus de la crise financière en faisant appel aux prêts d’assistance macro-financière


de la communauté accordés en coopération avec le FMI et en conformité avec
les conditions de son programme. Elle exhorte également les Etats membres à
envisager de fournir une assistance macroéconomique bilatérale aux pays de la
PEV, en coordination avec le FMI. Enfin, l’UE soutient le renforcement du cadre
réglementaire du secteur financier, ainsi que des institutions qui peuvent assurer un
contrôle adéquat des marchés financiers (banques centrales, autorités de contrôle
du secteur banquier et financier, organismes de réglementation et de contrôle
des marchés financiers, etc.) par le moyen de l’assistance technique et, s’il y a lieu,
de programmes de jumelage au cours des deux années à venir. A cet égard, la
Banque Centrale Européenne et les banques centrales nationales du système de
l’euro offrent d’autres programmes d’assistance technique aux banques centrales
des pays partenaires.
Dans ce sens, l’UE peut aider les partenaires méditerranéens à atténuer l’impact
négatif de la crise par le biais de la facilitation du commerce et des investissements.
En effet, et à court terme, la Facilité Euro-méditerranéenne d’Investissement et
de Partenariat (FEMIP) et/ou la Facilité d’Investissement pour le Voisinage (FIV)
pourraient offrir une aide de grande valeur (21), conformément aux perspectives
des pays arabes méditerranéens qui souhaitent un soutien financier concret.
L’UE peut, de manière efficace, contribuer à atténuer l’impact de la crise sur les
partenaires méditerranéens en fournissant un soutien financier significatif à des
conditions légères, sachant que les pays de la Méditerranée sont en proie à des
contraintes budgétaires serrées au moment où ils adoptent des mesures de sortie
de crise.
Cependant, une telle action pour atténuer l’impact négatif de la crise
financière ne vise pas les canaux à travers lesquels la crise affecte les pays arabes
méditerranéens. Il s’agit d’un simple cadre temporaire de coopération et de
partenariat. Il est par ailleurs nécessaire de disposer d’un cadre à long-terme qui
peut être extrêmement bénéfique pour les deux parties, malgré l’étendue des
programmes d’assistance financière et non-financière disponibles dans le cadre de
la PEV. Un cadre tel que celui qui est proposé doit tirer profit des actions entreprises
par l’UE et des accords de la PEV.
Dans ce contexte, le cadre à long terme proposé par cet article est basé sur
trois piliers essentiels :
1. Pérennité : la pérennité implique l’établissement de liens économiques
durables entre l’UE et les partenaires méditerranéens qui sont moins dominés
par les facteurs politiques sont fondés sur les intérêts mutuels et l’égalité. Ce qui
peut encourager les deux parties à faire face aux crises et à soutenir la poursuite
du processus de coopération et d’intégration

(21) Outre les facilités offertes par les instruments de la PEV, ils sont soumis à des activités d'autres
institutions multilatérales qui promeuvent la libéralisation de l'économie, tels ceux de la Banque Mondiale,
le Programme PPMI : Programme de participation du secteur privé aux infrastructures méditerranéennes
(rejoint par la BM/CE), et les agences de l'ONU y compris la Commission Economique pour l’Europe des
Nations Unies (UNECE), le PNUE, et le PNUD.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 39

2. Inclusion : l’exhaustivité signifie que le cadre de soutien aux réformes 


et à la coopération doit être en mesure d’aborder tous les aspects de la réforme 
chez les pays arabes méditerranéens partenaires de l’UE, car le fait de se
concentrer sur certains aspects seulement pourrait conduire à des résultats 
préjudiciables.
3. Gradualité : La gradualité implique que pour faire face aux normes et
politiques de l’UE, les pays méditerranéens sont appelés à adopter une approche
graduelle des réformes, car le fait d’accélérer le processus de réforme pourrait
augmenter la résistance due à des impacts négatifs qui pourraient en résulter.
Les politiques et mécanismes suggérés doivent prendre en considération les
caractéristiques des pays arabes méditerranéens partenaires en vue de les
encourager à faire face aisément aux exigences des réformes nécessaires.
En se basant sur ces piliers, cet article suggère trois principaux moyens à travers
lesquels ce cadre peut être développé comme une base de coopération à long
terme à même de permettre aux deux parties de contrecarrer n’importe quel défi
de crise économique dans la région à l’avenir.

Proposition 3
Elaboration d’un cadre stratégique de réforme comprenant
un filet de sécurité euro-méditerranéen

Bien que les plans d’actions de la PEV énumèrent la série des réformes requises
des partenaires arabes méditerranéens, il manque un cadre stratégique capable
de façonner ces réformes. Par conséquent, il est nécessaire de disposer d’un cadre
stratégique qui trace le chemin de la réforme en termes de politiques, de timing
et de moyens, etc. Un tel cadre pourra aider les partenaires méditerranéens à se
conformer aux normes de l’UE et à développer leur tissu économique et social.
Pour réussir, ce cadre doit :
1. adopter une approche graduelle dans la mise en œuvre des réformes ;
2. prendre en considération tous les résultats du processus de restructuration 
et du soutien requis ;
3. mettre au point un ensemble de mécanismes et d’instruments qui ciblent 
les conséquences sociales négatives du processus de la réforme.
La mise en place d’un filet de sécurité euro-méditerranéen est une condition
sine qua non pour assurer un soutien au processus de réforme dans la région.
Ce mécanisme permettra aux partenaires méditerranéens d’atténuer les impacts
sociaux négatifs qui accompagnent la restructuration du tissu économique des
partenaires méditerranéens. L’instauration d’un système d’assurance contre le
chômage semble être un outil primordial à cet effet, étant donné que la crise a
révélé la gravité des effets sociaux sur les ménages en raison de l’absence d’un tel
système chez les partenaires méditerranéens.
40 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Proposition 4
Initiation d’un système d'alerte économique précoce
dans la région

L’objectif de ce système est de fournir des signaux qui reflètent la probabilité


que l’économie régionale fa être confrontée à des crises financières et économiques
durant un certain temps. Ce système aidera à identifier les points faibles du tissu
économique actuel dans l’UE et les partenaires méditerranéens et à prédire
les effets de ces faiblesses sur l’évolution future de l’économie de la région.
L’établissement d’un tel système nécessite un processus d’action collective des
deux côtés et une coopération mutuelle concrète. L’expérience de l’UE en ce
domaine aidera à élaborer le système requis.

Proposition 5
Mise en place d’un fonds anti-crise

Ce fonds doit être conçu pour fonctionner comme un mécanisme par lequel
les partenaires méditerranéens peuvent atténuer une crise lorsqu’elle se manifeste,
ce qui aidera à contrecarrer les crises liées aux taux de change, à la balance des
paiements, l’alimentation, l’énergie, etc. Il peut également cibler la probabilité
de crises futures pendant que la réforme continue. Ce fonds devrait être en
concordance avec le système d'alerte précoce qui doit être établi. Pour ce qui est
du financement, les deux parties sont appelées à y contribuer. Toutefois, la part
de l’UE devrait être au moins de 80 % et pour les partenaires méditerranéens, le
montant reçu dépendra de la part de chaque partenaire.

Conclusion
Cet article a examiné l’impact de la crise financière mondiale sur les relations
économiques entre l’UE et les partenaires méditerranéens dans le but de mettre
en relief une première série d’outils susceptibles de fructifier les efforts menés au
sein même du cadre de partenariat. L’article soutient que, selon l’UE, l’aggravation
de la crise financière et économique mondiale souligne la nécessité pour les pays
partenaires de maintenir le rythme des réformes économiques et d’éliminer les
mesures nuisibles au commerce, alors que les partenaires euro-méditerranéens
appellent à un appui financier significatif.
L’analyse indique que l’UE peut contribuer de manière plus efficace à
l’atténuation de l’impact de la crise sur les partenaires méditerranéens à travers
un ensemble de mesures à court et long terme. A court-terme, l’UE devra fournir
un soutien financier et institutionnel significatif aux pays méditerranéens. Le
soutien financier paraît primordial pour ceux des pays partenaires qui souffrent
des contraintes budgétaires difficiles.
L’impact de la crise économique mondiale sur les relations économiques euro-méditerranéennes 41

L’article propose également un cadre de coopération à long terme autour de


trois piliers essentiels : pérennité, inclusion et gradualité. Tout particulièrement,
l’établissement d’un cadre de coopération à long terme pour éviter de futures
crises commence par l’initiative visant à créer un système d’alerte précoce qui
aide à prévoir et anticiper les crises futures dans la région, et simultanément par
la mise en place de mécanismes anti-crise accompagnés d’un filet de sécurité
sociale. Ce cadre de coopération est tracé par un cadre stratégique de réforme et
de développement.
42 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Références
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tunnel ? », Bulletin économique international.
Hall, D. (2009), « Les implications de la politique de voisinage de l’UE pour les
services publics et les syndicats », un rapport de la Fédération des syndicats
européens des services publics (FSESP), disponible sur www.epsu.org
La Commission européenne (2009), « L’impact de la crise mondiale sur les pays
voisins de l’UE ». Direction générale des affaires économiques et financières,
Documents occasionnels 48.
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la Tunisie et la Jordanie. (Dernier rapport disponible pour chaque pays).
FMI (2009), Perspectives économiques mondiales 2009.
Ministère du développement économique (Egypte), Rapport de suivi, disponible
au : www.moed.gov.eg.
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d’information, Overseas Development Institute.
Radwan, S. et Reiffers, J. L., (2005) « Le Partenariat euro-méditerranéen, 10 ans
après Barcelone : Réalisations et Perspectives », disponible au http ://www.
femise.net
Saif, moi et Choucair, F. (2009). « Les pays arabes trébuchent face à la crise
économique croissante », Fondation Carnegie pour la Paix Internationale,
Programme du Moyen-Orient, Liban.
Nations Unies, Conseil économique et social, Commission Economique pour
l’Afrique (2009). « La crise financière mondiale : impact, réactions et perspectives
d’avenir », Réunion du Caire, Le Caire.
Liens internet :
http ://europa.eu.int/comm/external_relations/euromed/index.htm
http ://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do
“EuroMed Partnership : Egyptian Perspective”, Egyptian Cabinet, available at
www.cabinet.gov.eg
www.mof.gov.eg,
www.cabinet.gov.eg
www.moed.gov.eg
www.imf.org
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne
2010 : enjeux, défis et propositions relatifs 
à l’emploi dans les pays de la rive Sud 
de la Méditerranée
Kinda Mohamadieh *

I. Introduction
L’Union Européenne (UE) et les pays partenaires méditerranéens (PPM) se sont
réunis en 2005 à l’occasion du 10e anniversaire de la Déclaration de Barcelone
du Sommet euro-méditerranéen (1995). Lors de ce sommet, les PPM et l’UE ont
développé un Programme de travail quinquennal () au titre duquel le travail et
la création d’emplois ont été placés au cœur des objectifs à traiter dans le domaine
du « développement et de la réforme socio-économiques durables ».
Un des objectifs du programme de travail quinquennal est d’œuvrer « en vue de
la création de plus de possibilités d’emploi pour le nombre croissant de jeunes dans la
région, de réduire les taux de pauvreté régionale, de combler le fossé de la prospérité et
d’accroître les taux de croissance du PIB ». Dans le programme, cet objectif est associé
à des mesures visant à renforcer une feuille de route pour la création d’une zone
de libre-échange euro-méditerranéenne (ZLEEM) à l’horizon 2010, y compris la
libéralisation progressive des échanges dans le domaine de l’agriculture (). Ceci
comprend également la libéralisation progressive des échanges dans le domaine
des services, en tenant compte du Protocole Cadre non contraignant adopté à
Istanbul en 2004 (). 
Ce programme est considéré par les pays partenaires comme une étape franchie
sur la voie de l’opérationnalisation des approches politiques adoptées par le
Partenariat euro-méditerranéen (PEM) lancé par le processus de Barcelone en
1995. Le PEM vise une approche globale par l’intégration de trois pistes majeures :
le dialogue politique et la sécurité, les relations économiques et la coopération

* Réseau des ONG arabes pour le développement (ANND). Remerciements à Bihter Moschini et Omar Seoud
de l’ANND pour l’aide apportée dans la collecte des données et l’élaboration des graphiques.
() http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/summit1105/five_years_en.pdf.
() Le programme couvre le développement rural et la productivité et qualité dans l’agricultural, ainsi que
le développement durable. Il comprend les produits agricoles transformés et de la pêche, avec une série
d’exceptions convenues et de calendriers de mise en œuvre progressive et asymétrique dans le secteur de
l’agriculture, tenant compte des différences et caractéristiques des secteurs agricoles des pays et abordant
des aspects non tarifaires de la libéralisation des échanges dans l’agriculture.
() Extrait du texte du programme de travail quinquennal ; veuillez vous référer au document pour
davantage de détails sur les autres questions soulignées dans ce chapitre.
44 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

sur les aspects sociaux, culturels et humains (). Le PEM a associé ces objectifs à
la réalisation d’une zone de libre-échange commune (connue aujourd’hui sous
l’acronyme ZLEEM), aux côtés de la coopération économique et de l’assistance
financière, comme principaux outils.
Dans ce contexte, huit pays arabes ont conclu des accords d’association (AA) avec
l’UE, à savoir l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité Palestinienne, la
Tunisie et la Syrie (plus de détails sur le type d’accord et les dates y afférentes figurent
au tableau 1). Il est prévu d’établir une zone de libre-échange entre l’ensemble
des membres du PEM (15 pays membres de l’UE initialement parties à l’accord, 
12 nouveaux pays membres de l’UE après les derniers élargissements de 2004 et
de 2007 et 10 pays de la rive Sud de la Méditerranée) à l’horizon 2010. Jusqu’ici,
ces accords prévoient la libéralisation de la circulation des marchandises et une
augmentation des fonds d’aide accordée dans le cadre de la coopération. La
libéralisation des marchandises au titre des AA a été axée sur les partenaires du Sud,
dans la mesure où l’UE avait déjà accordé à ceux-ci un accès préférentiel à ses marchés
dans le cadre d’accords précédemment conclus dans les années 1970. Par ailleurs, des
négociations sur la libéralisation des services sont actuellement en cours au niveau
bilatéral. Les AA ne portaient que sur une libéralisation partielle dans le secteur
agricole, mais la libre circulation des personnes n’y est pas encore prévue. ()

Tableau 1
Accords d’association UE – PPM au titre de le ZLEEM

Pays Type d’accord Date de conclusion Entrée en vigueur

Algérie Accord d’association 04.22.02 Septembre 2005

Egypte Accord d’association 06.25.01 Juin 2004

Jordanie Accord d’association 11.24.97 Mai 2002

Liban Accord d’association 06.17.02 Accord intérimaire mars 2003

Maroc Accord d’association 02.26.96 Mars 2000


Autorité palestinienne Accord d’association 02.24.97 Accord intérimaire juillet 1997
intérimaire

Syrie Initié en décembre 2008 (5)

Tunisie Accord d’association 07.17.95 Mars 1998

Source : htpp ://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral regions/euromed/aa_en.htm (situation en juin 2009 ;


dernière visite du site le 13 octobre 2009).

Bien que l’agenda commercial des pays du PEM ait été actif et que ses
processus soient efficaces en termes de négociation et de ratification des accords

() Au titre de ses objectifs économiques et financiers, le PEM est axé sur le développement socio-
économique durable, l’amélioration des conditions de vie, la hausse de l’emploi et la réduction du fossé de
développement dans la région euro-méditerranéenne.
() L’accord d’association UE-Syrie a été paraphé le 14 décembre 2008, avec des négociations couvrant les
échanges de biens et de services entre la Syrie et l'UE.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 45

d’association, les politiques de l’emploi n’ont pas fait l’objet d’autant d’attention à
l’échelon régional. En effet, ce n’est qu’en 2008 que les Ministres de l’emploi et du
travail des pays euro-méditerranéens se sont rencontrés au Maroc, pour la première
fois depuis le démarrage du processus de Barcelone. Leurs travaux ont réitéré le
contenu du programme de travail quinquennal EuroMed.
Dans leurs conclusions, les Ministres de l’emploi ont lancé un appel timide à
la prise en compte de l’impact social et en matière d’emplois d’une éventuelle
zone de libre-échange () et ont prôné « une approche intégrée combinant de
manière indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale,
sociale et environnementale ainsi que la politique d’éducation et de formation ». Un
des objectifs au cœur du cadre d’action EuroMed inclus par les Ministres était « de
créer un nombre considérable d’emplois » qu’ils jugeaient « nécessaires pour réduire le
chômage », mis à part l’amélioration de l’employabilité, ainsi qu’un « investissement
dans le capital humain » et la « promotion du travail décent » ().
Ce document traitera de l’interface entre les agendas « commerce » et « emploi »
dans la région EuroMed. Dans un premier temps, il mettra en exergue les défis de
l’emploi dans les PPM arabes et l’importance de prendre en compte l’impact des
accords commerciaux sur l’emploi et les marchés du travail. Ensuite, il discutera
des enjeux et défis induits par la libéralisation des secteurs de l’agriculture et
des services sur l’emploi dans les PPM arabes. Il conclura par cinq propositions
susceptibles de stimuler la prise en compte de l’emploi dans les négociations, les
évaluations et les révisions de la ZLEEM.

II. Défis en matière d’emploi dans les pays partenaires médi-


terranéens arabes – une vue d’ensemble
Dans les pays partenaires méditerranéens arabes (PPMA), le défi du chômage a
été persistant. Une tendance à la détérioration peut être retracée jusqu’à la période
des réformes d’ajustement structurel, pendant les années 1990 et, plus récemment,
pendant la crise économique mondiale. Le chômage dans la région arabe avoisine
les 14 % ; il tend à être fortement biaisé et touche les jeunes de moins de 25 ans
et il est généralement plus élevé pour les femmes que pour les hommes (). Ce
problème chronique s’est exacerbé dans le sillage de la crise actuelle ; un rapport
récemment rédigé par l’OIT présente les scénarios du chômage en 2009, allant
d’un chômage relativement statique au taux déjà élevé de 2008 (9,4 % environ),
à une augmentation de six millions de chômeurs officiels en Asie de l’Ouest (à

() P. 2 de la Déclaration accessible à :


http://www.eib.org/attachments/general/events/luxembourg_18112008_processus_barcelone_en.pdf
() Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée ; conclusions de la première conférence euro-
méditerranéenne des ministres de l’emploi et du travail, Marrakech, 9-10 novembre 2008.
() Extrait de l’étude SIA d’impact de la durabilité (p. 9), en référence à la situation dans les dix pays
partenaires méditerranéens du Sud et de l’Est (PPM), et pas seulement dans les PPMA.
46 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

l’exclusion de l’Egypte) jusqu’à huit millions environ dans la région d’ici la fin de
l’année ().
Dans l’ensemble, même pendant les années de croissance régulière, le chômage
a été élevé et à la hausse dans la région arabe. Ceci tend à montrer le manque de
redistribution des gains économiques dans les activités économiques durables
génératrices d’emplois Par conséquent, on peut en déduire que la croissance
économique et les outils politiques qui la sous-tendent (y compris la libéralisation du
commerce) n’ont pas réussi à traiter les problèmes de limites de la région en matière
de création d’emplois, augmentant ainsi les instabilités politiques et sociales. De
plus, les pays de la région n’ont pas été en mesure de développer des structures de
coopération intrarégionales efficaces, susceptibles de contribuer à réduire la pauvreté
et le chômage (10). Plusieurs facteurs font des taux de chômage à la hausse l’une
des principales préoccupations à la lumière de la crise mondiale, notamment : 
(1) les taux de natalité élevés et les populations relativement jeunes de la région, ce
qui signifie que de nombreux nouveaux diplômés et jeunes quittant les bancs de
l’école entrent sur le marché du travail avec des perspectives qui s’amenuisent et
(2) la concentration de l’activité économique dans des secteurs à faible capacité de
création d’emplois, comme ceux de l’immobilier et des finances (11).

III. L’importance de l’impact des accords commerciaux sur l’emploi


et les marchés du travail
Comme cela a été mentionné ci-avant, huit pays arabes ont conclu des AA
avec l’UE. Dans l’ensemble, force est de constater que les gouvernements arabes,
tout particulièrement ceux des pays non producteurs de pétrole, ont donné une
importance accrue à la libéralisation des échanges en faisant des choix politiques, aux
côtés des flux d’aide, des investissements directs étrangers et des transferts de fonds

() Rapport sur les tendances mondiales de l’emploi de l’OIT (2007). Le rapport fait état d’une très forte
croissance de la main-d’œuvre dans la région arabe, avoisinant les 3,7 % annuellement entre 2000 et 2005.
En 2005-2007, le taux de chômage a dépassé la barre des 13 %, alors que le chômage des jeunes dans les
pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est estimé le plus élevé dans le monde, autour de 25,7 % en
2003 selon les estimations de l’OIT (de 46 % en Algérie à 6,3 % aux Emirats Arabes Unis). II convient de
noter que ces données officielles cumulées sous-estiment probablement le taux de chômage général qui
prévaut dans la région et masquent également les taux plus élevés des pays plus pauvres comme l’Egypte,
où un taux de 20 pour cent signifierait plus de 10 millions de citoyens au chômage et à la recherche d’un
emploi. L’emploi dans les PPM a enregistré une hausse d’un peu moins de 1 % par an entre 1994 et 2004.
Ce taux, combiné à la dynamique démographique devrait générer quelques 1 million et demi de nouveaux
chômeurs tous les ans. Référence : Ivan Martin, « In Search of Development along the Southern Border :
The Economic Models Underlying the Euro-Mediterranean Partnership and the European Neighbourhood
Policy. »
(10) D’après Hoekman et Sekkat (ERF paper ; « Deeper integration of goods, services, capital, and labour
markets »), la région est caractérisée par une intégration limitée des marchés de produits, mais les flux
de capitaux et de main-d’œuvre sont importants et peuvent avoir un potentiel plus important que les
échanges traditionnels de produits (manufacturés) pour égaliser les prix de production.
(11) Kinda Mohamadieh et Oliver Pearce ; « Facing Challenges of Poverty, Unemployment, and Inequalities
in the Arab Region. Do Policy Choices of Arab Governments Still Hold after the Crisis? » ; un article du réseau
des ONG arabes pour le développement ANND et l’Aide Chrétienne (juin 2009).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 47

des travailleurs migrants (12). Il n’en demeure pas moins que les préoccupations en
matière d’emplois n’ont pas été intégrées dans les politiques commerciales menées
par les pays arabes et dans la région euro-méditerranéenne dans son ensemble. Les
décideurs des politiques du commerce et du travail ne se mélangent et ne dialoguent
pas souvent entre eux ; une telle interaction au niveau EuroMed n’est jusqu’à présent
pas intervenue. De plus, la politique commerciale, pour sa part, a été relativement
bien développée dans la région EuroMed, compte tenu des progrès enregistrés dans
la conclusion des AA méditerranéens, alors que les politiques en matière d’emploi,
pour leur part, n’ont pas été discutées et développées avec efficacité au niveau
régional. Le Cadre d’action des Ministres de l’emploi (intégré dans la déclaration
des Ministres de l’emploi à l’issue du Sommet des ministres de l’emploi et du travail
de novembre 2008) pourrait être un pas dans cette direction. Par ailleurs, alors que
la politique de l’emploi de l’UE est relativement bien développée dans les pays
membres et au niveau communautaire, les pays partenaires méditerranéens arabes
n’ont pas discuté de manière appropriée de politiques de l’emploi communes, en
dépit d’une mobilité importante de la main-d’œuvre dans la région.
Au niveau mondial, les questions relatives au commerce et à l’emploi sont de
plus en plus débattues, à la suite de l’engagement croissant des syndicats dans les
questions commerciales et l’état d’avancement du système commercial mondial.
Depuis les manifestations de Seattle contre l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC), cet engagement s’est renforcé et couvre notamment l’impact des accords de
l’OMC ainsi que les accords commerciaux bilatéraux et régionaux. En 2007, l’OMC et
l’OIT ont publié le premier rapport commun intitulé « Le commerce et l’emploi : un
défi pour la recherche sur les politiques » (13). Ce rapport a couvert plusieurs
aspects de la discussion multidimensionnelle, y compris l’impact du commerce sur les
niveaux de revenu et les inégalités de salaire, l’impact du commerce sur la création et
la destruction des emplois, le commerce et la demande de différents types d’emploi,
l’impact sur la demande en main-d’œuvre ou le pouvoir de négociation des salariés
et le rôle des syndicats, la réforme du commerce et le secteur informel.
La discussion sur les politiques commerciales et du travail à l’échelle mondiale
ne s’est pas faite sans complications ; alors que les pays industrialisés ont accusé les
pays en développement d’exploiter des normes de travail limitées et de restreindre
les droits des travailleurs dans leurs processus de production pour avoir un avantage
compétitif, les pays en développement ont accusé les pays industrialisés d’utiliser
les droits des travailleurs comme mesure protectionniste pour les empêcher
d’accéder aux marchés. De plus, les liens entre le droit commercial international et
le droit international du travail ont également été controversés. Dans l’ensemble,
les détracteurs de la libéralisation des échanges lui ont reproché d’être à l’origine
de la montée du chômage et de l’inégalité des salaires dans les pays avancés,
de l’exploitation accrue des travailleurs dans les pays en développement et
d’une « course à la baisse » pour ce qui concerne les conditions et normes de 

(12) La Banque mondiale a indiqué dans plusieurs de ses rapports que la croissance du PIB dans les pays arabes
pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre a enregistré un bond impulsé par de forts revenus dans le
secteur du tourisme, des transferts importants de fonds des travailleurs migrants et des IDE en hausse.
(13) Consultable à l’adresse url : www.ilo.org/publns ou http://onlinebookshop.wto.org.
48 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

travail (14). Dans ce contexte des voix se sont faites entendre, demandant
l’inclusion des dispositions sur les droits des travailleurs dans les accords de
libre-échange, le but étant de protéger les travailleurs et de faire appliquer les
conventions de l’OIT. Cette question est d’une importance non négligeable et elle
est souvent critiquée en raison de la tendance des pays développés à exploiter les
normes de travail de manière protectionniste. En effet, cet appel a été critiqué par
d’aucuns invoquant l’argument que le moyen d’appliquer les droits des travailleurs
ne devraient pas être des accords commerciaux, mais plutôt le renforcement des
conventions et organes des NU pour ce faire.
En principe, plusieurs facteurs reflètent l’importance de tenir compte des
politiques de l’emploi et du travail dans l’élaboration des politiques et des accords
commerciaux, y compris :
– Les accords commerciaux jouent un rôle dans la restructuration des marchés
de production aux niveaux national et régional, changeant ainsi le marché de
l’emploi et le type d’emploi proposés.
– Les accords commerciaux influent sur l’espace politique et les instruments
politiques à la disposition des gouvernements pour élaborer des politiques tenant
compte des secteurs productifs et de la création d’emplois. Ils ont aussi un impact
sur le niveau des investissements dans ces secteurs et les marchés publics. Ils sont
directement liés aux politiques de l’emploi qu’un gouvernement peut mettre en
place.
– Compte tenu de l’absence dans la plupart des PPM arabes de politiques
globales dans les secteurs industriel, agricole et des services, décider une
libéralisation plus poussée dans ces secteurs signifierait renoncer à leur espace
politique et ouvrir le secteur à des facteurs de risques non calculés. Les accords
commerciaux menacent de bloquer les capacités productives des pays au niveau du
développement préalable à leur entrée en vigueur. Ils peuvent, par ailleurs, avoir un
effet restrictif sur les capacités de création d’emplois des économies nationales.
– Dans de telles conditions, la réalisation progressive du droit au travail, ancré
dans la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels, serait fortement
compromise. En effet, les gouvernements ne disposent pas des mécanismes leur
permettant de garantir que le droit au travail est protégé face à la libéralisation
des échanges, en particulier lorsque les effets de cette libéralisation n’ont été ni
prévus ni prévisibles par des évaluations ex-ante.
– Les informations restent limitées ; les évaluations ex-post qui pourraient
aider à informer les gouvernements de la création de nouveaux emplois et de
l’ampleur de la réduction ou hausse des taux de chômage réels dans le sillage de
cette libéralisation, ne sont pas une pratique courante (15).
– Les processus de libéralisation des échanges sont rarement associés aux
réformes nécessaires des politiques de l’emploi et du travail, lesquelles pourraient
aider à saisir les bénéfices commerciaux, y compris la valeur ajoutée d’un flux accru
d’investissements directs étrangers.

(14) Libéralisation des échanges et emploi (Document de travail DESA No. 5 Octobre 2005) par Eddy Lee.
(15) Cf. le rapport du Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels ; liste de
questions du Salvador 2005.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 49

Etude d’impact de durabilité relative à la ZLEEM mettant en exergue


l’impact sur l’emploi
La seule étude d’impact de durabilité relative à l’accord de libre-échange euro-
méditerranéen (ZLEEM) (SIA) a été commandée par l’UE et publiée en 2007 (16).
La SIA note que si des mesures parallèles ne sont pas prises et mises en œuvre
par les PPM du Sud, la ZLEEM aura un effet négatif sur l’emploi, la pauvreté et le
développement (17).
Dans l’ensemble, l’étude identifie parmi les impacts sociaux potentiels, une
hausse importante du chômage, tout particulièrement dans le sillage de la
libéralisation des échanges des produits industriels et agricoles, une chute des
salaires associée à une montée du chômage, ainsi qu’une diminution importante
des recettes gouvernementales, accompagnée des conséquences sociales induites
par la réduction des dépenses dans les domaines de la santé, de l’éducation et les
programmes d’appui social. Elle indique également une vulnérabilité accrue des
ménages pauvres aux fluctuations des prix des produits alimentaires de base sur
les marchés mondiaux et des effets défavorables sur la situation, les conditions de
vie et la santé des femmes rurales.
La SIA note que le chômage restera probablement élevé dans les PPM pendant
la période d’ajustement, compte tenu du niveau déjà élevé des taux de chômage à
l’origine. Des pressions supplémentaires se feront ressentir avec les déplacements
des emplois entre les secteurs, conséquences des changements structuraux induits
par l’ouverture des marchés. En fait, ceci a été constaté dans plusieurs PPM au
cours des périodes d’ajustement.
Dans le secteur de l’agriculture, des effets positifs et négatifs importants se
feront ressentir à court terme dans les PPM au niveau local. La SIA note qu’avec
les incitations de hausse de la productivité, de nouveaux emplois devraient être
créés dans les PPM dans la production de fruits, de légumes, d’huile d’olive, de
poisson et de quelques autres produits. Mais elle s’attend à ce que cela soit en
partie contrebalancé par la perte d’emplois dans les produits, notamment les
céréales, le bétail et les produits laitiers.

(16) Pour la SIA cf. : http://www.sia-trade.org/.


(17) SIA 2007. « Etude d’impact de durabilité relative à la zone de libre-échange euro-méditerranéenne »,
rapport final de la consultation du projet SIA-ZLEEM. La conclusion générale découlant de la modélisation
effectuée dans la SIA note un impact généralement positif mais faible sur le bien-être ; par exemple, les
changements attendus en matière de bien-être dans les PPM du Sud se situent dans la fourchette de
moins 1 % à plus 2 % du PIB pour les produits industriels et de 0 % à 0,5 % pour l’agriculture. Des résultats
similaires sont à prévoir également dans les secteurs des services. Pourtant, dans le même temps, la ZLEEM
devrait avoir un impact négatif important sur les recettes provenant des tarifs. Cet impact devrait se faire
ressentir surtout au Liban et dans les Territoires Palestiniens (qui démarrent sur une position budgétaire
extrêmement fragile), et un peu moins en Syrie et en Egypte. Pour les produits industriels, des estimations
quantitatives indiquent une baisse des recettes gouvernementales dans leur ensemble d’environ 5 %
du PIB au Liban, 2,4 % en Tunisie et 2 % au Maroc. Dans le cas de l’agriculture, l’effet attendu devrait être
important dans tous les PPM, à l’exception d’Israël, de la Tunisie et de la Turquie, mais uniquement à hauteur
d’un tiers à un demi de celui anticipé de la libéralisation des produits industriels.
50 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les droits des travailleurs dans les accords de libre-échange conclus par
les Etats-Unis

Si l’on tient compte du fait que l’Union européenne a adopté le modèle social de l’Etat-
providence comme l’une de ses pierre angulaires, il est intéressant et paradoxal de noter
que les accords de libre-échange conclus par certains pays de la région, notamment la
Jordanie et le Maroc, avec les Etats-Unis, règlementent les questions du droit du travail
et des droits des salariés de manière bien plus détaillée que les accords d’association
euro-méditerranéens. Depuis 1993, les Etats-Unis ont intégré dans tous leurs accords de
libre-échange bilatéraux et régionaux des dispositions en matière de travail. La plupart
des dispositions en matière de travail des accords commerciaux prévoient, au moins, la
couverture des droits fondamentaux du travail suivants : liberté d’association, droit de
constituer des syndicats et de négocier collectivement, limitation du travail des enfants
et interdiction des travaux forcés (1). Elles excluent aussi les exemptions du droit national
du travail accordées par les pays partenaires pour attirer les investissements étrangers
directs.
En dehors de la sphère du commerce, l’accord de libre-échange (ALE) conclu avec la
Jordanie inclut, pour la première fois, des dispositions qui reconfirment le lien entre le
libre-échange et la protection des droits des travailleurs. L’accord de libre-échange Etats-
Unis-Jordanie, tout en réaffirmant l’engagement souscrit par les deux pays vis-à-vis des
normes fondamentales de l’OIT en matière de travail, n’en impose pas de nouvelles, tout
comme il n’interdit pas d’amendement ou de réforme des lois nationales, jugés nécessaires
par les pays. Il permet toutefois aux deux partenaires de demander des consultations et, le
cas échéant, un règlement impartial du litige dans le cas où l’un des partenaires de l’ALE
estimerait que l’autre se soustrait à la mise en œuvre les législations nationales existantes,
dans l’intention d’en tirer un avantage commercial ou en termes d’investissements.
Ceci étant, les experts ont de sérieux doutes sur l’efficacité de tels accords commerciaux
pour protéger les droits des travailleurs, compte tenu principalement des mécanismes
de mise en œuvre prévus dans ces accords. Ils sont basés sur un examen supranational
et pénalisent les parties qui dérogent à l’exécution de leurs obligations. Les accords les
plus stricts à cet égard, comme l’accord de libre-échange Etats-Unis-Jordanie, considèrent
les dispositions du travail comme des obligations de travail pleinement exécutoires,
qui jouissent du même statut que les obligations commerciales et autres obligations
de l’accord commercial concerné. Ils prévoient le droit à un pays, partie à l’accord, de
contester l’incapacité alléguée par l’autre partie de protéger les droits du travail de ses
ressortissants. Ces contestations sont tranchées par une instance internationale neutre
de règlement des litiges, laquelle détermine le bien-fondé de l’incapacité alléguée. Si elle
conclut à une incapacité, la partie plaignante peut exiger des bénéfices commerciaux de
la partie contrevenante, ou prendre toute autre mesure appropriée jusqu’à ce que cette
dernière se conforme à ses obligations en matière de droit du travail, généralement en
améliorant l’application de sa législation du travail. Mais un des gouvernements partenaires
doit réclamer l’application de ces dispositions ; les salariés ou les syndicats n’ont pas le
droit de déposer plainte (2).
En tout état de cause, le fait est que les accords de libre-échange signés par les Etats-Unis
incluent des dispositions visant à protéger le droit du travail dans les pays partenaires.

(1) Cf. POLASKI, Sandra (2004) « Protecting Labour Rights Through Trade Agreements : An Analytical
Guide », Journal of International Law and Policy, vol.10 :13, p. 13-25.
(2) Cf. CHARNOVITZ, Steve (2005), « The Labor Dimension of the Emerging Free Trade Area of the
Americas », in Alston, Philip (ed). Labour Rights as Human Rights, p.143-176.

Iván Martín
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 51

IV. La ZLEEM et l’emploi dans les secteurs productifs ; réflexion sur


les enjeux et les défis dans les secteurs agricole et des services
Les AA avec l’UE couvrent la libéralisation des produits industriels et une
libéralisation partielle dans le secteur de l’agriculture (18). Les Accords incluent
des références et une coopération dans les échanges de services (19) et une
coopération économique dans une gamme étendue de secteurs de services
comme les services financiers, l’énergie, les technologies de l’information, les
télécommunications, le transport et le tourisme. Les Accords avec l’Algérie
et la Jordanie au-delà, et incluent une référence aux clauses de traitement 
national (20). Quelques accords, y compris ceux conclus avec la Jordanie, le Maroc
et la Tunisie, contiennent des exigences de réévaluation du champ d’application
et de la rapidité de la libéralisation (21).
Au cours des dix à quinze dernières années, qui ont coïncidé avec celles depuis
le lancement du processus de Barcelone, le secteur industriel dans la région arabe,
mis à part la production de pétrole et les exportations, a enregistré une croissance
négative très fragile (Cf. graphique I ci-dessous sur le secteur manufacturier
dans les pays arabes). La contribution du secteur industriel au PIB dans la région 
arabe (22) a été principalement imputée à la valeur accrue des industries
d’extraction (exploitation minière) et aux recettes du pétrole, qui ne sont pas
des secteurs fortement générateurs d’emplois (cf. tableau II ci-dessous sur la
contribution du secteur industriel au PIB entre 1998 et 2006). Dans le même
temps, les pays arabes ont perdu leurs marges préférentielles dans le secteur
du textile et de l’habillement suite à l’expiration de l’accord multifibres en 2005.
Ce secteur était le principal employeur, surtout de femmes, dans plusieurs pays
arabes (23). Les parts de marché perdues dans ce secteur et les pertes qui en ont

(18) Inclus principalement au Chapitre III des accords, Titre II.


(19) Les accords contiennent des articles qui se lisent comme suit : « Les Parties acceptent d’élargir le champ
de l’accord pour couvrir le droit d’établissement des entreprises de l’une des parties sur le territoire de
l’autre et la libéralisation de la fourniture de services par les entreprises d’une partie aux consommateurs
de services dans l’autre partie. »
(20) L’accord UE-Jordanie accorde les droits de présence commerciale et de traitement national pour le
transport maritime international (Art. 31.2) et permet au personnel clé de chaque partie de travailler dans les
filiales implantées sur le territoire de l’autre partie (Art. 34) ; dans l’accord UE-Algérie, un traitement national
limité est accordé à la présence commerciale (Art. 32.2) et au transport maritime international (Art. 34.2).
(21) Ces informations reposent sur une présentation de Murray Gibbs lors de la conférence régionale sur les
ALE dans la région arabe, organisée par l’ANND, le TWN et le PNUD (Le Caire 2006) ainsi que sur les textes
des accords.
(22) Contribution estimée à environ 25-35 % du PIB total de la région selon les statistiques de la fin des
années 90.
(23) Les industries du textile et de l’habillement sont des employeurs majeurs et des secteurs d’exportation
essentiels dans un grand nombre de pays arabes. Le secteur du textile et de l’habillement représente 50 %
de l’emploi industriel en Tunisie, 40 % en Maroc et 25 % en Egypte. Du moins, dans les pays du Maghreb, ces
emplois sont dans une large mesure féminins : ils génèrent des revenus pour les femmes et leur permettent
d’être indépendantes financièrement. La Jordanie est devenue un important exportateur et des pays du
Golfe comme Bahreïn, Oman et les EAU ont développé des secteurs exportateurs d’habillements (Gibbs et
Mehalaine 2006, Khoury).
52 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

découlé en termes d’activité économique et d’emplois n’ont pas été compensées


par d’autres activités industrielles. Selon la Banque mondiale (24), la croissance
de la production industrielle dans les pays arabes pauvres en ressources et à fort
taux de main-d’œuvre, était de 2,2 % en 2005, pour passer rapidement à un taux
estimé à 3,4 % en 2006, alors que dans les pays riches en ressources et à fort taux
de main-d’œuvre, cette croissance a enregistré une hausse de 4,8 % en 2005, pour
ensuite chuter de 2,3 % en 2006 (25). Les fluctuations de la croissance du secteur
industriel ont été liées à celles des prix du pétrole et à la montée de la Chine en
tant que plaque tournante de la fabrication.
Les pays arabes ont régulièrement été confrontés au défi de diversifier leur
base de production non agricole, tout en essayant de se lancer dans la production
propre, à valeur ajoutée et créatrice d’emplois. Ceci est d’autant plus évident
que les secteurs traditionnels dans lesquels les pays arabes concentraient leur
production, comme les textiles, ont subi une concurrence très forte de la part de la
Chine et d’autres pays asiatiques, comme indiqué ci-dessus (26). De surcroît, les
pays arabes ont progressivement abandonné l’utilisation d’instruments politiques
qui auraient pu leur permettre de développer des secteurs d’activité créateurs
d’emploi, efficaces et compétitifs, capables de relever le défi de la concurrence
aux niveaux régional et international. Actuellement aucun PPM arabe ne poursuit
de politique industrielle clairement ciblée définissant la manière de contribuer
spécifiquement à la création d’emplois dans un avenir proche. Par conséquent, la
libéralisation de ce secteur s’est faite sans vision claire des avantages potentiels à
en tirer et des pertes à éviter.

(24) Banque mondiale (2007). Economic Development and Prospects : Job Creation in an Era of High Growth,
p. 2.
(25) La région MENA inclut les économies pauvres en ressources et riches en main-d’œuvre (RPLA) comme
Djibouti, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Tunisie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, des économies
riches en ressources et riches en main-d’œuvre (RRLA) comme l’Algérie, l’Iran, l’Iraq, la Syrie et le Yémen, et
des économies riches en ressources et importatrices de main-d’œuvre (RRLI) comme Bahrein, le Koweït, la
Libye, Oman, Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis).
(26) Les exportateurs arabes ont eu des difficultés à rester compétitifs après l’arrivée à expiration de l’accord
sur les textiles et l’habillement, les marges préférentielles accordées au titre des ALE ne semblant pas
suffire à maintenir un avantage compétitif par rapport aux fournisseurs asiatiques, surtout qu’ils sont aussi
handicapés par des règles d’origine rigoureuses (par exemple « à partir du fil »). Des programmes destinés
à améliorer la compétitivité pourraient prévoir une accumulation plus souple des règles d’origine, pour
permettre un approvisionnement plus large des tissus, l’utilisation de labels d’origine EuroMed, de labels
sur les conditions de travail ou de labels écologiques, des formations améliorées en design et marketing, le
transfert de technologies et des investissements dans une corrélation en amont (exemple : le finissage des
tissus) (Gibbs et Mehalaine 2006).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 53

Graphique 1
Tendances de croissance dans les différents pays – secteur manufacturier
15

10
Pourcentage croissance

0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

–5

– 10

Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie

Source : données issues de UN STAT http://unstats.un.org/unsd/default.htm.


Graphique préparé par Omar Seoud (ANND) ; cf. documents joints pour obtenir des données détaillées.

Tableau 2
Part du PIB par secteurs

1998 2006
Part du PIB
Agriculture Industrie Services Agriculture Industrie Services
Algérie 12,5 46,1 41,3 8,5 61,5 30,1
Egypte 17,1 30,9 52,0 14,1 38,4 47,5
Jordanie 3,1 26,4 70,5 3,1 29,5 67,4
Liban 6,9 28,9 64,3 6,7 23,7 69,6
Maroc 20,2 27,7 52,1 15,7 27,8 56,5
Syrie 30,6 27,6 41,8 18,3 32,2 49,5
Tunisie 12,7 28,4 58,9 11,3 28,4 60,3

Source : http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/data.htm. Il convient de mentionner que l’Algérie


est un pays producteur et exportateur d’hydrocarbures, ce qui explique la part considérablement plus
élevée de l’industrie dans son PIB.

Les passages qui suivent sont principalement axés sur les propositions de
libéralisation du secteur agricole et des services ainsi que sur les implications
y afférentes sur l’emploi. Le secteur industriel n’est pas étudié, d’autant que les
négociations avec l’UE sur les biens industriels ont d’ores et déjà eu lieu dans le
contexte des accords d’association existants et que des négociations bilatérales
sont en cours entre l’UE et plusieurs des PPM arabes. Par conséquent, les
recommandations en découlant pour ces deux domaines peuvent toujours être
prises en compte dans les processus actuels en cours.
54 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Agriculture
Mis à part son caractère essentiel en termes de revenus, de nutrition et de
sécurité alimentaire (27), l’agriculture a été au cœur de l’emploi dans la région
arabe dans son ensemble. Dans les PPM arabes, l’agriculture génère environ 20 % des
emplois (28) dans certains pays et contribue aux moyens de subsistance d’environ
40 % de la population. L’agriculture reste concentrée dans de petites exploitations
agricoles traditionnelles, généralement étouffées par les dettes, sous-équipées, mal
organisées et, par conséquent, très vulnérables à la libéralisation (29). Entre 1995 et
2007, la part de l’agriculture dans le PIB et l’emploi a suivi une tendance à la baisse
ou à la stagnation (cf. Graphiques 2 et 3 ci-dessous ; davantage de données sur les
tendances de la croissance dans le secteur agricole figurent en Annexe).

Graphique 2
L’agriculture en % du PIB
25
20,2

20
17,1
16,8

15,7
15,1
14,1

15
12,7
12,5

12,4
13

11,4

11,3
10,9
10,5

10
8,5

7,3
6,9
6,7
6,1

4,3

5
1995
3,1
3,1
3,1

1998
2005/2006
2007
0

0
Algérie Egypte Maroc Liban Tunisie Jordanie

Source : Données obtenues de http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/data.htm.


(Site consulté en juillet-octobre 2009). Tableau compilé par Bihter Moschini (ANND)

(27) Dans de nombreux pays arabes comme le Maroc, la Tunisie, la Syrie et l’Egypte, un pourcentage
important des tâches est accompli par des travailleuses non rémunérées dans le secteur de la production
alimentaire traditionnelle. Ceci étant, certains secteurs de produits destinés à l’exportation, comme les
fruits et les fleurs, peuvent employer une main-d’œuvre féminine plus importante, dans des conditions
qui peuvent toutefois être moins saines et un niveau de vie plus faible que dans l’agriculture traditionnelle
(SIA-ZLEEM, http://www.sia-trade.org/emfta/en/reports/Phase2FinalreportMar06.pdf )
(28) L’agriculture génère plus de 20 % des emplois en Syrie, en Tunisie, au Maroc, en Algérie et en Egypte
(« Which Road to Liberalization : A First Assessment for the EuroMed Association Agreement », C. dell’Aquila
et M. Kuiper, Document de travail No. 2, ENAPRI, Center for European Policy Studies, octobre 2003).
(29) Cf. Samir Radwan et Jean Louis Reiffers (2003), « L’impact de la libéralisation agricole dans le
contexte du Partenariat euro-méditerranéen », rapport du Femise, www.femise.org/PDF/femise-agri-
gb.pdf.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 55

Graphique 3
Changement dans les tendances de l’emploi dans le secteur agricole
dans les pays de la rive sud de la Méditerranée

Emploi dans le secteur agricole (masculin)

70

60

50

40
1980
30 1994
2000-2005
20

10

0
Iran
Algérie

Egypte

Jordanie

Liban

Maroc

Tunisie

Yémen

Emploi dans le secteur agricole (féminin)


120

100

80
1980
60 1994
2000-2005
40

20

0
Iran
Algérie

Egypte

Jordanie

Liban

Maroc

Tunisie

Yémen

Source : Données obtenues des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2000. Tableaux
compilés par Bihter Moschini (ANND).
56 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

La protection des produits agricoles reste élevée dans un grand nombre de PPM
arabes, notamment pour le cheptel, les céréales et les fruits et légumes en Afrique
du Nord. De plus, les exportations des pays arabes dans ce domaine dépendent
des accords préférentiels conclus avec les pays développés, comme l’UE. Dans ce
contexte, l’élimination de ces tarifs préférentiels et une libéralisation plus poussée
du secteur agricole, y compris la levée des subventions nationales sur la production
et les exportations, induirait une détérioration du secteur agricole de la région et
des termes de l’échange dans ce domaine (30). La libéralisation des échanges
agricoles devrait affecter tout particulièrement les fermiers de subsistance et
les producteurs de cultures sur les petits lopins, engagés dans les productions
subventionnées de cultures non irriguées à faible productivité et les petits éleveurs
de bétail pauvres. Par conséquent, la sécurité de subsistance sera vulnérable aux
chocs sévères en cas de perturbations provoquées par les importations.
Une libéralisation de l’agriculture mal étudiée pourrait également accélérer les
migrations des zones rurales vers les zones urbaines et, par conséquent, accroître le
déplacement de main-d’œuvre et la demande d’emplois dans les zones urbaines.
Les pressions exercées sur les décideurs politiques dans des pays enregistrant
déjà des taux de chômage élevés (31) en seraient exacerbées, tout comme la
pression environnementale dans les villes. Ce constat anticipé est réitéré par la
SIA, qui prévoit un déclin de l’emploi rural dans les PPM, où un effet négatif sur
l’emploi est anticipé à court terme, en raison des déplacements de production
entre les secteurs. Ces tendances pourraient renforcer les tendances migratoires
traditionnelles d’Afrique du Nord vers la France ou le Sud de l’Espagne, à la
recherche de possibilités d’emplois dans l’agriculture. Les migrants potentiels du
Machreq se dirigent plutôt vers les pays du Golfe, à la recherche d’emplois dans les
secteurs du gaz et du pétrole et en tant que travailleurs non qualifiés. Une tendance
importante à la migration interne dans certains pays partenaires est également
attendue, pour la plupart une main-d’œuvre faiblement qualifiée.
Sur le front des prix et des salaires, le prix des produits alimentaires de base
devrait baisser et avoir ainsi, un effet bénéfique sur la pauvreté. Même si certaines
études, y compris la SIA, anticipent une augmentation des salaires agricoles
commerciaux à long terme dans les PPM grâce à des incitations de productivité
accrue, elle restera accompagnée d’une baisse de l’emploi dans l’agriculture et
d’une hausse de la migration des zones rurales vers les zones urbaines. Il est
anticipé que ceci se reflètera dans un chômage global plus élevé, compte tenu
du manque de perspectives d’emploi dans les zones urbaines pour compenser les
pertes dans le secteur de l’agriculture.
Dans le même temps, les tarifs préférentiels que les pays arabes pourraient
tenter d’obtenir au travers d’accords bilatéraux pour stimuler le secteur de
l’agriculture et l’emploi de manière générale, comme une libéralisation bilatérale

(30) Dans ce contexte, l’élimination des distorsions des politiques agricoles dans le monde et des subventions
nationales sur la production et les exportations pourraient induire, en termes nets, une détérioration des
termes de l’échange dans la région, au travers de la hausse attendue des prix d’importation des produits
agricoles (Gibbs et Mehalaine 2006).
(31) Gibbs et Mehalaine 2006.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 57

accrue avec l’UE, reste irréaliste. Ceci, dans la mesure où toute offre dans ce domaine
devra faire face à une réaction politique violente de la part de groupes de lobby
comme l’industrie agroalimentaire, les entreprises alimentaires, les syndicats et
les entreprises des pays de l’UE. De plus, il est difficile aux pays développés de
supprimer les subventions sur les exportations agricoles et les subventions locales
sur les produits que leurs partenaires en développement exportent, dans la mesure
où elles devraient être supprimées pour tous les produits, ce qui profiterait ainsi
également aux partenaires non parties à l’ALE. Ce type de décisions ne peut être
négocié que dans le cadre de l’OMC (32).

Services
Les économies des pays arabes deviennent de plus en plus dépendantes des
services (33). Le secteur des services est celui dont la croissance est la plus
rapide dans les pays en développement, dans les pays arabes également. Les
échanges dans les services dans les pays arabes, y compris les importations et les
exportations, représentent au total plus de 20 % de leur PIB conjoint (34). Dans
ce contexte, les services sont devenus le plus grand créateur d’emplois dans la
majorité des pays arabes (35) (cf. Tableau 3 ci-dessous pour le cas de l’Algérie
et le Graphique 4 sur les tendances de l’emploi dans le secteur des services).

Tableau 3
Population active par secteur en Algérie (1985-2003)
1985 ( %) 2003 ( %)
Agriculture 25,1 21,1
Industrie 18,2 12,0
Construction 23,8 11,9
Services 32,8 54,8
Total 100 100

Source : « L’évolution de l’emploi en Algérie, quelles tendances? »


(Global Policy Network, www.gpn.org)

(32) Smith, Sanya- Réseau Tiers-monde (TWN) ; 2005.


(33) Notamment : main-d’œuvre, mouvement des personnes, santé et éducation, transport, tourisme,
services financiers, construction, consultation et services architecturaux et managériaux. Les services dans
le secteur de l’énergie et de l’exploration (pétrole et autres ressources naturelles), qui représentent des
biens commerciaux stratégiques majeurs dans de nombreux pays arabes, sont également une composante
importante des échanges dans le secteur des services. En Tunisie, par exemple, les services représentent 57
pour cent de l’économie nationale et 60 pour cent en termes d’emploi (ERF_ Saoussen Ben Romdhane).
(34) Extrait d’une présentation de Khaled Wali, responsable des négociations du dossier des services de la
grande zone arabe de libre-échange, GAFTA, dans le cadre de la Ligue des Etats Arabes. Cette présentation
a été faite lors de l’atelier régional sur les accords de libre-échange dans la région arabe, organisé par le
Réseau des ONG arabes pour le développement (ANND) et le Réseau Tiers-monde TWN (décembre 2006).
(35) Dans les pays arabes, le tourisme, les voyages, le transport et les services commerciaux ont un
potentiel important. Le tourisme joue un rôle majeur dans les économies de nombreux pays arabes,
notamment dans celles de l’Egypte, de la Jordanie, du Liban, de la Syrie, de la Tunisie et du Maroc.
58 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Graphique 4
Tendances de l’emploi dans le secteur des services
dans les Pays Partenaires Méditerranéens
Emploi dans le secteur des services (masculin)

80

70

60

50 1980
40 1994
2000-2005
30

20

10

0
Iran
Algérie

Egypte

Jordanie

Liban

Maroc

Tunisie

Yémen

Emploi dans le secteur des services (féminin)

90

80

70

60
1980
50 1994
40 2000-2005

30

20

10

0
Iran

Jordanie
Algérie

Egypte

Liban

Maroc

Tunisie

Yémen

Source : Données extraites des Indicateurs du Développement dans le Monde 1998 et 2007. Tableaux compilés
par Bihter Moschini (ANND).
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 59

Actuellement, l’UE négocie la libéralisation bilatérale avec les PPM du secteur


des services dans le contexte de la mise en place de la ZLEEM 2010. Ces négociations
sont basées sur le protocole cadre sur les services adopté par les ministres du
commerce EuroMed à Istanbul en 2004 (36). Ces négociations sont menées à un
niveau bilatéral et ont déjà été entamées avec plusieurs PPM, y compris la Jordanie,
l’Egypte et la Tunisie. Elles couvrent les quatre modes d’approvisionnement du
secteur des services (37) sur la base de l’approche des listes positives.
En général, les négociations sur les accords de services recherchés par l’UE
comprennent habituellement sept chapitres (38) : (1) les dispositions générales,
(2) la présence commerciale, (3) la prestation de services transfrontières, (4) la
présence temporaire de personnes naturelles à des fins commerciales, (5) le cadre
réglementaire, contenant des dispositions générales et des chapitres sur les services
financiers, informatiques, de messagerie, de télécommunications, de tourisme et
des services de transport maritime international, (6) le commerce électronique et
(7) la coopération.
Comme d’autres pays en développement, l’intérêt majeur des pays arabes dans
les exportations de services est concentré dans le domaine impliquant le mouvement
des personnes physiques (mode 2), dans le secteur du tourisme, par exemple et
dans le mouvement transfrontière des travailleurs (mode 4). Ces possibilités ont
un potentiel considérable de création de nouveaux emplois, notamment pour les
nouveaux demandeurs d’emploi, y compris les femmes (39).
La SIA a indiqué que la libéralisation des services entre l’UE et les PPM devrait
avoir des effets d’ajustement négatifs sur les PPM à court terme. Ceci étant,
plusieurs autres menaces et défis sont associés à la libéralisation des services entre
les pays arabes et l’UE, compte tenu du stade de développement du secteur des
services dans les pays arabes. Ceci pourrait, à son tour, avoir une incidence négative
sur le potentiel d’emplois de ce secteur.
Parmi ces facteurs, il y a le fait que ces négociations ne font aucune distinction
entre les services publics et commerciaux, une approche qui préconise le
remplacement du droit aux services publics par la mise en place de filets
de sécurité et met en péril la réalisation des droits des citoyens. De plus, la

(36) Protocole cadre d’Istanbul en vue de la libéralisation des échanges dans le secteur des services entre les
partenaires euro-méditerranéens ; http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2004/july/tradedoc_1182225.pdf.
(37) Au titre de l’accord général sur le commerce des services (AGCS), les échanges dans le secteur des
services sont catégorisés en quatre types ou « modes » différents d’approvisionnement en services.
Le mode 1 s’applique à la prestation de services avec passage de frontières, par exemple, les services
postaux transnationaux. Le mode 2 se réfère à l’utilisation des services à l’étranger, par exemple, à travers
le tourisme. Le mode 3, une présence commerciale, signifie communément des IDE dans des secteurs
comme les services bancaires, les télécommunications et les services publics. Des services de base comme
les filiales d’établissements d’enseignement étrangers ou d’hôpitaux et de régies de distribution des eaux
sont pour la plupart couverts par le mode 3. Et le mode 4 décrit le mouvement de prestataires de services
individuels, y compris la migration de main-d’œuvre. La prestation de services au titre du mode 4 est d’un
intérêt particulier pour les pays en développement.
(38) En se basant sur l’accord de partenariat économique entre les pays du Cariforum et la CE et ses Etats-
membres.
(39) Gibbs et Mehalaine 2006.
60 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

libéralisation avec l’UE, alors que les pays arabes n’ont pas encore développé de
compréhension propre du potentiel dans leurs secteurs des services, ou défini des
stratégies pour les développer, menace de limiter la portée d’un développement
effectif de ce secteur aux niveaux national et régional. Il convient de noter que
les pays arabes négocient entre eux également un accord de services au niveau
régional. Ainsi, la libéralisation que l’UE préconise peut restreindre une série
d’outils politiques à disposition des gouvernements arabes pour développer des
secteurs de services forts et compétitifs, et limiter la nature, la fonction et les
objectifs des services ainsi que le droit des gouvernements à les réguler dans le
but de leur développement. La libéralisation est ainsi poussée dans des secteurs
qui ne sont pas encore bien régulés, comme les services financiers, d’une manière
qui affaiblit la capacité des gouvernements à les protéger de chocs externes. Par
ailleurs, il est important de comprendre que l’UE négocie et libéralise certes les
services avec les pays partenaires de la rive sud de la Méditerranée, mais qu’elle
est également engagée dans des négociations d’accords de libre-échange avec
d’autres régions, y compris, l’Afrique, les Caraïbes et des pays asiatiques. En d’autres
termes, le traitement préférentiel que les pays arabes pourraient obtenir de la
ZLEEM pourrait s’éroder.
A côté de ces considérations, l’une des principales menaces qui limite les
résultats positifs de la libéralisation des services entre les pays de l’UE et les pays
arabes, susceptibles d’avoir des implications directes sur le niveau de contribution à
l’emploi, est la manière dont les négociations traitent le mode 4 de la libéralisation
des services. La précédence de l’UE à négocier ces domaines avec d’autres régions,
comme les pays africains dans le cadre des accords de partenariat économique
(APE), tend à rétrécir le champ de la présence temporaire de travailleurs dans le
secteur des services (mode 4 de l’AGCS (40)) en une approche AGCS-moins, pour
ne couvrir que l’élite managériale, les professionnels, les experts techniques et une
catégorie limitée de prestataires de services contractuels. Ainsi, ils limitent l’entrée
de travailleurs étrangers du secteur des services, à faibles qualifications et dans les
emplois à faible valeur de l’immigration (non commerciale) (41).
En fait, l’immigration reste au cœur des discussions sur la libéralisation du
mouvement des travailleurs. Mais la libéralisation au titre du mode 4 diffère de
l’immigration en ce sens qu’elle est temporaire et non pas permanente. Elle pourrait
remplacer la migration irrégulière et être considérée comme un pas franchi dans
la résolution du problème de la migration dans la région EuroMed. De plus, elle
a contribué à organiser le mouvement des travailleurs dans un cadre juridique
contraignant, c’est-à-dire, l’accord.
Le mouvement de personnes transfrontières pour fournir des services (mode 4)
est une source de revenus potentiels importante pour les pays en développement
et les communautés plus pauvres. Globalement, les études qui ont traité de l’impact
de la libéralisation au titre du mode 4 ont fréquemment fait ressortir des avantages

(40) Mouvements temporaires de personnes dans le but de fournir des services.


(41) Projet de document TWN sur une analyse de l’accord de partenariat CARIFORUM – CE, basé sur les
travaux de Jane Kelsey.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 61

positifs, à la fois pour les pays développés et pour les pays en développement,
découlant non pas du mouvement de la main-d’œuvre qualifiée, mais plutôt non
qualifiée (42).
Dans ce contexte, les envois de fonds peuvent être utilisés comme des
indicateurs montrant le degré d’intégration d’un pays dans l’économie mondiale
grâce à la mobilité des travailleurs et, ainsi, évaluer à quel point il bénéficierait d’une
libéralisation au titre du mode 4. En effet, les envois de fonds des migrants sont
élevés et en hausse dans la plupart des pays arabes (43). En 2007, ils avoisinaient
les 9 % du PIB au Maroc, 5 % en Tunisie, 2,2 % en Algérie (44) et au moins 10 % du
PIB de la Palestine, de la Jordanie et du Liban (45). Selon la Banque mondiale, les
envois de fonds des travailleurs migrants ont enregistré une tendance à la hausse
dans les pays arabes à faibles ressources et main-d’œuvre abondante, y compris en
Egypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Tunisie et dans les Territoires Palestiniens
Occupés. Ces pays ont observé une augmentation de l’envoi des fonds de 8 milliards
USD en 1996-99 à 13,9 milliards en 2006 (46). Ceci permet de comprendre les
avantages possibles du mode 4 de la libéralisation des services pour les économies
des PPM arabes. En Tunisie, par exemple, les études font ressortir des gains en
termes de bien-être résultant d’un mouvement accru de travailleurs temporaires,
permettant également de combler le fossé entre les salaires dans le pays hôte
(entre la main-d’œuvre temporaire et permanente) (47). Ainsi, le mouvement
des personnes peut être un facteur permettant d’accroître l’équité, dans la mesure
où les envois de fonds des travailleurs migrants génèrent parfois des revenus

(42) Examen d’une étude empirique de Romdhane. Cf. Rodrik, Dany (2002) ‘Feasible Globalisation’, Working
Paper 9129, Cambridge, MA : National Bureau of Economic Research (NBER). Cette étude montre que la
libéralisation du mode 4 étend l’emploi de travailleurs faiblement qualifiés à plus de secteurs de l’économie
et accroît les effets positifs cumulés de la libéralisation du mouvement de travailleurs non qualifiés. Rodrik
explique que l’origine de ces avantages est le petit écart de salaires entre les pays riches et les pays pauvres.
La libéralisation de la mobilité de la main-d’œuvre temporaire dans les services est, en général, escomptée
plus importante qu’une libéralisation plus poussée du commerce des biens (référencé dans Romdhane).
(43) Les envois de fonds des travailleurs émigrés ont joué un rôle croissant dans le soutien des économies
de nombreux pays, tout particulièrement des pays non producteurs de pétrole (notamment les huit pays
arabes ayant conclu des accords d’association avec l’UE). Selon la Commission économique et sociale de
l’Asie de l’Ouest, le taux de transferts affluant dans les pays arabes a enregistré une hausse brusque entre
2003 et 2007. De la même manière, dans les pays riches en ressources et à forte main-d’œuvre, comme
la Syrie et l’Algérie, les envois de fonds sont passés de 0,5 à 0,9 milliard, et de 1 milliard à 2,5 milliards,
respectivement, au cours de la même période.
(44) Ibrahim Saif et Farah Choucair (2009), « Arab Countries Stumble in the Face of Growing Economic
Crisis », Carnegie Endowment.
(45) Cf. l’étude UN-DESA International Migration in the Arab Region UN/POP/2006/14, 11 mai 2006 ; référencée
dans Gibbs et Mehalaine 2006.
(46) Banque mondiale (2007), « Economic Developments and Prospects ; Job Creation in an Era of High
Growth », p. 115 (les calculs incluent Djibouti).
(47) Les estimations montrent que le total des échanges mesurables en services, tels que définis par les
divers « modes de fourniture des services » et soumis aux disciplines multilatérales au titre de l’Accord
Général sur le Commerce des Services (AGCS), s’élevait à quelques 3,5 billions USD en 2003. Ce chiffre
représentait plus d’un tiers du total des échanges de biens et de services. C’est la composante du commerce
et des investissements étrangers à la croissance la plus rapide (Economic Research Forum ERF, Saoussen
Ben Romdhane).
62 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

dans des régions et communautés particulièrement désavantagées des pays en


développement (48). Dans ce contexte, travailler à l’étranger permet de sortir
des personnes de la pauvreté, de fournir des emplois aux jeunes et d’autonomiser
les femmes.
Certaines recherches menées sur les marchés du travail et la réaffectation
montrent que la libéralisation des échanges risque de promouvoir les technologies
à forte intensité de capitaux et de réduire l’aspect emploi de la croissance (49).
Au fur et à mesure que le capital se substitue au travail, ce qui est renforcé par les
accords de libéralisation du commerce comme la ZLEEM, les opportunités d’emploi
diminuent. En revanche, des politiques de l’emploi augmentant la mobilité de la
main-d’œuvre entre les différents segments du marché du travail, aux côtés d’une
plus grande souplesse en termes de salaires, pourrait accroître l’effet de création
d’emplois de la libéralisation des échanges. Le projet EuroMed Emploi, qui est une
étude comparative de l’impact du Partenariat euro-méditerranéen (zones de libre-
échange et programmes MEDA) sur l’emploi et le droit au travail dans huit pays
du Sud et de l’Est de la Méditerranée, réalisée entre 2005 et 2007, a fait ressortir
une sérieuse faille dans la manière dont le PEM traite la question de l’emploi. Le
projet a noté que « cela ne faisait pas de sens d’un point de vue économique de
limiter le partenariat à la libre circulation des biens et des capitaux et d’exclure
complètement celle des travailleurs » (50).
Par conséquent, l’un des principaux défis que rencontrent les négociations
actuelles sur la libéralisation du secteur des services entre l’UE et les PPM, est la
capacité à garantir un cadre qui tienne dûment compte du mode 4. Par ailleurs,
il en découle la nécessité de faciliter la reconnaissance des qualifications et
les procédures de circulation des personnes (comme les visas) (51), ainsi que
l’harmonisation réglementaire et la reconnaissance mutuelle des normes (52).

(48) Gibbs et Mehalaine 2006.


(49) Sommaire - Sebastien Dessus et Akiko Suwa - Eisenmann, document de travail 9918.
(50) Le projet EuroMed Emploi, dirigé par Iván Martín et auquel les chercheurs suivants ont participé :
Samir Aita, Saleh Al-Kafri, Youcef Benabdallah, Rafik Bouklia-Hassane, Iain Byrne, Khémais Chammari, Nihal 
El-Megharbel, Imadeddine Al Mosabeh, Hamdan Hassan, Mahmoud El Jafari, Riad al Khouri, Larabi Jaidi,
Erwan Lannon, Azzam Mahjoub, Soad Kamel Rizk, Fatiha Talahite. Ce projet a été soutenu par la Fundacion
Paz y Solidaridad, la Fondation Friedrich Ebert, le réseau EuroMed des droits de l’Homme, le forum EuroMed
des Syndicats et l’AECI.
(51) Partie intégrante de la proposition de libéralisation des services au titre de l’AGCS, présentée par 
13 pays en développement, notamment l’Egypte, et couvrant (a) des engagements plus poussés sur une
base sectorielle et (b) des procédures simplifiées faisant la distinction des mouvements temporaires.
Document OMC, TN/S/W/14, 3 juillet 2003 http://www.wto.org.
(52) Ghoneim, Ahmed, « Helping to Identify the Potential and Mode for Liberalization of Trade in Services in
the Southern Mediterranean Countries ; the Case of Egypt », p. 11.
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 63

V. Propositions de prise en compte accrue des considérations en


matière d’emploi dans les négociations, évaluations et révisions
de la ZLEEM
En se fondant sur les points discutés ci-dessus et les résultats de travaux
précédents sur la situation de l’emploi et l’élaboration des politiques commerciales
dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen (comme le projet EuroMed Emploi
précédemment mentionné), il est possible de déduire que ces liens politiques ne sont
pas encore établis dans une large mesure. Ainsi, les propositions d’action dans ce
domaine doivent commencer par discuter de mécanismes de (1) promotion de ces
considérations politiques intersectorielles dans la région EuroMed et (2) de création
de l’espace et des outils pour les décideurs politiques et autres parties prenantes
afin qu’ils puissent interagir et travailler sur cette discussion multisectorielle.
Dans ce contexte, des propositions préliminaires visant à renforcer la prise en
compte des considérations en matière d’emploi dans les négociations, évaluations
et révisions de la ZLEEM sont formulées :

Proposition 6
Comité transsectoriel de politique commerciale et en matière d’emploi

Ce comité traiterait les questions liées à l’écart en termes de cohérence des


politiques commerciales et en matière d’emploi de la région EuroMed. Il se
réunirait au plus haut niveau des décideurs politiques (ministres du commerce
et du travail) au moins une fois par an et à l’occasion des forums politiques et
des sommets EuroMed. Ce comité se pencherait principalement sur le déficit en
termes d’interaction entre les décideurs politiques prévalant aujourd’hui dans les
domaines du commerce et de l’emploi.
Comme en fait état l’étude SIA, de nombreux mécanismes sont d’ores et
déjà en place dans le PEM. Par conséquent, le comité proposé n’a pas pour but
d’être introduit comme processus distinct, créant des besoins administratifs et
bureaucratiques supplémentaires ; il doit faire partie intégrante de ceux déjà
en place. La proposition est donc que les mécanismes existants soient revus et
révisés de manière à combler le fossé en termes de cohérence politique en relation
avec les aspects commerciaux et liés à l’emploi. Au niveau bilatéral, ce comité
intersectoriel pourrait être relié aux conseils d’association bilatéraux entre l’UE
et les PPM, comme ceux créés dans le cas de la Tunisie, de la Jordanie et d’autres
éventuellement à l’avenir.
Ce comité serait informé par une stratégie « ascendante » de groupes de travail
composés notamment de négociateurs et de représentants des institutions euro-
méditerranéennes et communautaires concernées, d’experts et autres parties
prenantes, notamment des syndicats, associations patronales et organisations de
la société civile des divers pays membres de la ZLEEM.
64 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Il constituerait une étape dans le processus d’institutionnalisation d’une


discussion participative sur les questions relatives au commerce et à l’emploi dans
la région EuroMed. Il définirait le cadre dans lequel les objectifs de l’emploi et les
politiques du travail seraient pris en compte de manière appropriée et dans la
formulation des accords commerciaux. L’une de ses tâches serait d’effectuer des
évaluations régulières ex-ante et ex-post, basées sur les droits de l’homme, des
processus de libéralisation du commerce dans le cadre de la ZLEEM et au-delà.
Ceci, pour institutionnaliser, sur une base participative, le suivi de l’impact social
des relations commerciale et renforcer encore davantage le flux d’informations
entre les diverses parties prenantes.
Cette initiative pourrait s’avérer intéressante pour la partie européenne dans
la mesure où elle inclurait un travail de suivi renforcé des droits des travailleurs et
des droits d’association fondamentaux dans les industries des PPM. Elle revêtirait
aussi un intérêt pour les partenaires de la rive Sud, dès lors qu’elle contribuerait à
une meilleure intégration de leurs intérêts relatifs aux questions de l’emploi dans
le processus de négociation et leur confèrerait des arguments plus forts pour les
périodes de transition, les exceptions et les enveloppes budgétaires pour ce type
de préoccupations.
De plus, l’initiative répondrait aux préoccupations soulevées par les ministres du
travail et de l’emploi (sommet de novembre 2008), lesquels ont réaffirmé l’importance
cruciale d’un dialogue social efficace pour renforcer l’emploi, l’employabilité et le
travail décent dans les pays euro-méditerranéens. Ces derniers ont également fait
état de l’importance centrale du dialogue tripartite entre les partenaires sociaux
et les gouvernements, que cette initiative reflèterait. Dans le même temps, elle
contribuerait à encourager le dialogue bipartite entre le patronat et les syndicats
pour améliorer leur apport à la gestion du changement économique et social.

Proposition 7
Mécanismes renforcés permettant de garantir la cohérence entre
l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole

Lors de leur conférence ministérielle de Marseille (novembre 2008), les ministres


EuroMed des affaires étrangères (53) ont rappelé « l’importance que revêtent
l’agriculture et le développement rural pour l’économie des pays méditerranéens
et pour la sécurité alimentaire » (54). Pourtant, une planification exhaustive du

(53) Lors de leur réunion de Marseille, les ministres ont proposé qu’après Marseille, le « Processus de
Barcelone : Union pour la Méditerranée » soit appelé « Union pour la Méditerranée ».
(54) Déclaration finale de la réunion ministérielle de Marseille en novembre 2008. Les ministres sont
convenus d’organiser une réunion ministérielle de l’agriculture sur ces thèmes et « … définir et encourager
des projets relatifs au développement durable en milieu rural, au développement et à la promotion de
produits de qualité ainsi qu’à la coordination de la recherche agricole sur des questions telles que … la
gestion des ressources hydriques… »
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 65

développement agricole reste faible dans les PPM, sachant que les négociations
sur le démantèlement tarifaire et la libéralisation du secteur agricole modifieront
le système de production et la structure du secteur (55). Par ailleurs, l’étude
SIA (56) fait ressortir un manque d’informations sur des sujets essentiels et la
nécessité de poursuivre les recherches dans tous les PPM sur les capacités sociales
et économiques des différentes communautés rurales et tout particulièrement des
femmes et des jeunes.
Dans la mesure où les négociations sur la libéralisation du secteur agricole sont
déjà en cours, le renforcement des mécanismes destinés à assurer la cohérence
entre l’agenda commercial et la durabilité du secteur agricole pourrait comprendre
les éléments suivants :
– Démarrer une évaluation sur l’incidence de la transition vers l’agriculture
commerciale et la nécessité de soutenir les petits agriculteurs de subsistance
qui constituent la majorité des communautés d’exploitants dans les pays arabes.
Cette évaluation identifierait les secteurs devant se voir accorder un traitement
ou faire l’objet d’arrangements spéciaux, y compris les secteurs dans lesquels des
changements de production importants sont anticipés. Ces arrangements peuvent
être optimisés par une évaluation en profondeur des alternatives, y compris : la
mise en place de mécanismes de sauvegarde appropriés, susceptibles de traiter
les vagues d’importations importantes dans les PPM de la rive Sud, l’identification
des secteurs générateurs d’emplois pour contrebalancer les pertes d’emplois dans
le secteur agricole, la promotion de sources alternatives de revenus dans les zones
rurales (pour éviter la migration), en mettant à disposition les subventions ciblées
nécessaires (qui peuvent être ciblées à travers le programme MEDA), et l’octroi
d’une attention toute particulière aux femmes qui perdent leurs opportunités dans
l’agriculture. Une telle évaluation contribuerait au développement de stratégies de
développement agricole globales, intégrant le développement rural (57).
– Prendre des mesures de précaution en fonction des résultats de l’évaluation,
notamment réduire le rythme de la libéralisation, surtout dans les secteurs
identifiés comme hautement sensibles et susceptibles d’avoir des conséquences
négatives sur l’emploi. L’étude SIA a d’ores et déjà noté qu’un grand nombre des
impacts négatifs pouvaient être atténués en réduisant le rythme de libéralisation,
de manière à permettre à d’autres mesures de prendre effet (58). Pour certains
secteurs, il serait nécessaire d’envisager une approche de libéralisation unilatérale,
avec ouverture des marchés agricoles de l’UE aux produits des PPM. Cette démarche

(55) Comme cela a été noté dans les chapitres précédents, la libéralisation de l’agriculture pourrait avoir des
conséquences graves sur l’emploi, d’autant que de larges pans de la population impliqués dans ce secteur
ne pourront pas facilement se tourner vers d’autres secteurs.
(56) Sur la base d’une étude de cas entreprise par l’étude SIA au Maroc.
(57) Le rapport SIA Phase 2 et le rapport Etape 1 de la Phase 3 soutiennent que tous les PPM devraient
élaborer une stratégie de développement national intégrant pleinement le développement rural au
développement urbain. La Stratégie 2020 du développement rural au Maroc est un exemple d’étape dans
cette direction.
(58) L’étude d’impact de durabilité de l’Union Européenne (SIA) relative à la zone de libre-échange euro-
méditerranéenne (ZLEEM) ; p 36.
66 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

serait nécessaire, compte tenu du fait que la plate-forme de libéralisation des


échanges dans le domaine agricole entre l’UE et les PPM présente une distorsion
liée aux subventions importantes accordées au secteur agricole au titre de la
Politique Agricole Commune de l’UE. D’autres mesures politiques nécessaires
pourraient inclure des actions des PPM eux-mêmes, y compris l’allocation de fonds
de l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) au développement
du secteur agricole.
– S’agissant de la perspective à long terme, il serait nécessaire de définir des
plans pour mettre en place des institutions régionales effectuant des recherches
sur les questions agricoles communes ou de centrer le travail des institutions déjà
en place (comme le Centre International des Hautes Etudes Agronomiques
CIHEAM) sur l’impact de la libéralisation des échanges dans l’agriculture. Les effets
négatifs sur l’emploi de la libéralisation des échanges dans le secteur agricole
peuvent être considérablement allégés par une coopération régionale visant
une transition sans heurts vers des complémentarités accrues dans la production
agricole au niveau régional (arabe-arabe et EuroMed). La SIA y a également fait
référence. Une telle coopération régionale dans le secteur agricole soutiendrait le
développement de politiques agricoles régionales intégrées, permettant le passage
à une agriculture commerciale et à une production agricole régionale haut de
gamme. Elle permettrait également une utilisation plus efficace des économies
d’échelle dans l’agriculture de la région. De plus, la mise en place de ce type
d’institutions répondrait à la nécessité d’arriver à des normes communes dans les
secteurs agricoles, lesquelles tiendraient compte des capacités et aptitudes des
secteurs agricoles des pays arabes et ne constitueraient pas de barrières pour les
petits exploitants.

Proposition 8
Dispositions spéciales pour créer une valeur ajoutée
dans les services fournis au titre du mode 4

Compte tenu de l’ampleur des avantages potentiels devant être obtenus


à travers la libéralisation au titre du mode 4 des services, les négociations
actuellement en cours pourraient être alignées sur les efforts visant à réaliser
cette valeur ajoutée. Ces efforts pourraient être présentés sous la forme d’un
régime permettant une migration temporaire légale vers l’Europe, reflétant le
type d’approche adoptée dans le cadre de l’« approche globale sur la question
des migrations » prônée par l’UE depuis 2005.
En effet, cette approche globale sur la question des migrations’ prône une
nouvelle démarche pour résoudre le dilemme de la migration en Europe, tout
en se concentrant sur le partenariat et le dialogue avec les pays non membres
de l’UE. Dans ce contexte, l’UE définit une stratégie de gestion de la migration
par la coopération, combattant le passage irrégulier des frontières dans la
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 67

région méditerranéenne et encourageant une approche globale à travers


divers mécanismes en place, y compris les mécanismes EuroMed et la politique
européenne de voisinage (59).
Ainsi, le régime proposé viserait à matérialiser ces approches en renforçant
les discussions dans les deux sens sur les politiques du travail, en impliquant
activement les pays émetteurs de migrants. A ce jour, ce domaine politique n’a
connu que des discours unilatéraux, avec une faible implication des PPM dans la
définition des avantages liés à la corrélation de la migration et des politiques de
développement. Une telle approche pourrait être étudiée par un Comité spécifique
mis en place pour gérer les questions de libéralisation au titre du mode 4, y compris
l’accès aux marchés du travail aux travailleurs qualifiés, un « traitement pour
admission » favorable et une mise en correspondance de l’offre et de la demande
en main-d’œuvre. Ce comité serait composé de personnes impliquées dans les
discussions sur la migration, le développement et les questions commerciales.
Dans ce contexte, les discussions entre les pays méditerranéens sur les questions
et politiques communes en matière de travail devraient être renforcées, surtout
entre les pays arabes (dans le cadre des négociations régionales en cours entre
les pays arabes sur le secteur des services).

Proposition 9
Evaluations d’impact intégrées ex-ante et ex-post sur
les droits de l’homme des négociations ZLEEM

Les évaluations d’impact ex-ante et ex-post, axées sur des approches fondées
sur les droits de l’homme (y compris les droits économiques et sociaux comme
le droit au travail), sont nécessaires pour identifier les moyens de bénéficier des
accords commerciaux, notamment sur le front du développement humain. La SIA
avait noté, à juste titre, la nécessité de mette en place un mécanisme de suivi, de
reporting et de diffusion des informations sur l’évolution future de la ZLEEM et son
impact sur le développement durable. S’agissant de l’emploi, un tel mécanisme
pourrait intégrer le suivi du droit au travail et l’impact du changement des
structures et capacités d’emploi des divers secteurs couverts par la ZLEEM.
Ces évaluations basées sur les droits de l’homme devraient être cohérentes
et relever de la responsabilité d’un mécanisme régional intégré dans les
mécanismes déjà en place du PEM (avec possibilité de regroupement avec le
comité intersectoriel abordé ci-dessus). Elle bénéficierait d’une relation formelle

(59) La ‘Global Approach to Migration : Rhetoric or Reality?' par Elizabeth Collett ; le European Policy Center.
La Commission s’est penchée sur les ‘migrations circulaires et partenariats pour la mobilité entre l’Union
Européenne et les pays tiers’, en examinant de manière générale deux nouveaux concepts du lexique
migratoire de l’UE. Les partenariats pour la mobilité visent à fournir le cadre de gestion de la migration
avec certains pays émetteurs, sur la base de leur coopération en matière de migration irrégulière et de
réadmission.
68 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

entre les organes conjoints CE-PPM chargés du suivi des plans d’action au titre de
la politique de voisinage, tel que noté par l’étude SIA (60). Ainsi, ses conclusions
pourraient plus facilement être appliquées au niveau politique.
Ces mécanismes de suivi régionaux devraient refléter une approche
participative, et comprendre les représentants des gouvernements et de la société
civile. Ces processus de consultation commenceraient également aux niveaux
nationaux.
Il serait judicieux que ces mécanismes participatifs développent une méthode
de suivi de la cohérence des politiques de l’emploi et commerciales dans le
cadre de la ZLEEM et le PEM en général. Une telle contribution méthodologique
bénéficierait des nombreuses parties prenantes à la ZLEEM, dès lors qu’elle
établirait des directives d’évaluation consensuelles dans ce domaine. Ces directives
garantiraient l’uniformité des processus d’évaluation menés dans les différents pays
et par de nombreux acteurs, qu’il s’agisse de gouvernements ou d’organisations
de la société civile.
La méthodologie proposée61 pourrait être le fruit d’un travail commun des
experts des domaines du commerce et du travail et impliquer des groupes de la
société civile des différents pays de la région ZLEEM. Elle répondrait à l’appel lancé
par le projet « EuroMed Emploi » (62) sur l’importance de créer un système de
suivi et d’évaluation multilatéral pour la situation économique et sociale dans la
perspective des droits.

Proposition 10
Fonds destiné à atténuer les pertes d’emplois dues à la mise
en œuvre des accords de libre-échange

Ce Fonds serait axé sur la région EuroMed et traiterait de cette question dans
les pays de la rive sud et de la rive nord participant à la ZLEEM. Son objectif ne
serait pas d’offrir un filet de sécurité afin d’adapter l’impact de la libéralisation du
commerce sur les travailleurs, si l’on part de l’hypothèse que cette libéralisation
est un processus préalablement défini et qu’il ne peut, par conséquent, pas être
adapté. Ainsi, il n’aurait pas un effet d’esthétique, destiné uniquement à rehausser
l’image de la ZLEEM et des gouvernements concernés.
En revanche, il viserait des interventions à court terme, axées sur la mise en
œuvre d’ALE pour lesquels une évaluation adéquate de l’impact sur l’emploi n’a

(60) La SIA a indiqué que la CE et chaque gouvernement des PPM devraient mettre en place un comité
directeur interministériel similaire à celui établi par la CE pour la SIA, pour superviser sa participation dans
le mécanisme de suivi.
(61) Plusieurs groupes de la société civile se sont embarqués dans des exercices similaires, comme le projet
de WWF et la fondation Heinrich Böll sur l’élaboration et la mise à l’épreuve d’un manuel pour évaluer la
mise en œuvre de plans d’action dans le domaine de l’environnement (2008).
(62) Renvoie à la note de bas de page 55
Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 69

pas été réalisée. Les interventions du fonds ne se limiteraient pas à une simple
indemnisation, dès lors qu’il serait actif et chercherait des possibilités d’emploi
alternatives et adéquates pour les citoyens touchés.
Ce Fonds ne serait pas une solution indépendante ; il accompagnerait un
changement général de l’approche des questions de l’emploi sur le front du
commerce dans le partenariat EuroMed. Ainsi, il complèterait les processus
de création de mécanismes, de législations et de réglementations adéquats,
susceptibles de gérer les implications éventuelles de la ZLEEM sur le développement
humain. Un tel mécanisme serait mis en place avant le démarrage des négociations
sur les biens et marchandises objets de la libéralisation du commerce.
Le budget du Fonds serait dédié au financement rapide de projets destinés
à créer et à maintenir des emplois dans les industries ou secteurs touchés. Il
permettrait ainsi de réduire les impacts des restructurations associées aux accords
de commerce.
Outre ces services de soutien, le Fonds serait chargé de documenter les cas
d’employés perdant leur emploi suite aux processus de libéralisation du commerce
liés à la ZLEEM, lesquels seront utilisés pour les évaluations ex-post et pour mieux
comprendre l’impact des mesures commerciales sur les tendances et structures
des marchés.
La direction du Fonds engagerait des représentants des syndicats et du patronat,
qui participeront à l’élaboration des critères d’admissibilité. Son objectif sera de
limiter les frais administratifs ; il pourrait ainsi être hébergé par les administrations
déjà engagées dans des processus liées à la ZLEEM comme les ministères de
l’économie et du commerce ainsi que la DG Commerce de la Commission.
70 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Annexes

Tendances de croissance des pays – Agriculture, chasse, sylviculture et pêche

Agriculture, chasse, sylviculture, pêche


Croissance en pourcentage
Période Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie
1995 15 3,1 12,4 – 44 – 9,9
1996 23,9 3,4 2,4 78 29,5
1997 – 13,4 3,6 – 0,8 – 26,5 3
1998 11,4 3,5 8,4 27,9 –1
1999 2,7 3,4 1,9 – 16,7 11
2000 –5 3,7 0 – 15,7 –1
2001 13,2 3,6 – 3,2 27,6 –2
2002 – 1,3 4,9 – 0,8 5,6 – 11
2003 19,7 3,3 3 18 21,5
2004 3,1 4,8 5 1,9 10,1
2005 1,9 6,9 1 – 17,7 –7
2006 5 6,9 0 26 2,8
2007 3,7 7,1 2 – 0,6 3,9

Source : UN Stats ; http://unstats.un.org/unsd/default.htm

100

80

60
Pourcentage croissance

40

20

– 20 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

– 40

– 60

Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie


Zone de libre-échange euro-méditerranéenne 2010 71

Tendances de croissance des pays – Secteur manufacturier

Période Algérie Egypte Liban Maroc Tunisie


1995 – 1,4 7,5 5,3 3,7 4,4
1996 – 8,7 8,4 12,6 2,9 2,7
1997 – 3,8 7,8 1,2 3,4 7,5
1998 8,4 9,7 8 2,1 4,3
1999 1,6 7,9 – 3,4 2,7 5,6
2000 1,1 4,5 0 3,5 6,6
2001 2 4 4,9 4,2 6,9
2002 2,9 1,9 – 2,5 3,3 1,8
2003 1,4 3,7 3 3,7 1
2004 2,6 5,6 5 3 4,9
2005 3,3 6,3 – 4,1 2,6 1
2006 4,2 7,1 3,5 7,8 3,7
2007 3,8 7,2 1,4 2 4,2

Source : UN Stats ; http://unstats.un.org/unsd/default.htm


72 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

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Travail des femmes
et Partenariat euro-méditerranéen
(état des lieux, actions et propositions)
Souad Triki

Introduction
La question de l’emploi () des femmes est cruciale et actuelle. Elle ne
représente plus la seule préoccupation des seules populations féminines et des
féministes. Elle n’est plus considérée comme une question sectorielle, mais comme
une problématique transversale qui se hisse aux niveaux des questions prioritaires
dans l’agenda du développement durable de la communauté internationale et
d’un nombre croissant de nations.
Une nouvelle cible a été, en effet, ajouté récemment à l’OMD1 qui est celle
d’atteindre le plein emploi productif et décent pour tous, y compris les femmes
et les jeunes. Quatre principaux indicateurs d’emploi y ont été retenus, et qui
tiennent compte d’une analyse en termes de genre.
Hormis le fait que la question des droits au travail des femmes constitue
une question de principe de droits humains, une question d’égalité, d’équité,
et sur laquelle le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) a pris des engagements
clairs, ce qu’il faut souligner, par ailleurs, c’est que le contexte actuel de crise et
de récession, en acculant les responsables du développement à la recherche
de nouvelles sources de productivité et à réduire les niches de gaspillage des
ressources humaines et naturelles, fait de plus, de cette question, un problème
prioritaire d’efficacité économique et sociale.
Or, comme l’indiquent plusieurs études, il s’avère de plus en plus, que le
potentiel inexploité des femmes et leur faible participation à la population active
représente un coût économique, non seulement pour ces femmes, mais aussi
un manque à gagner pour l’ensemble de la société, au niveau des revenus des
ménages, du PNB et du revenu national.
Or, dans la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient), cette participation
féminine à la population active a le niveau le plus bas dans le monde et il devient
urgent de planifier pour l’augmentation des taux d’activité des femmes dans la

() Entendu au sens du BIT 2008, à savoir : Les termes « travaille(nt)/travaillai(en)t » ou « au travail » rendent
compte de toutes les personnes employées selon la définition du BIT, qui comprend les travailleurs
autonomes, les employés, les employeurs ainsi que les travailleurs familiaux non rémunérés. Ainsi, il n’existe
aucune distinction entre l’emploi dans le secteur formel et celui dans le secteur informel. Les termes et
expressions « employés », « au travail », « travaillant » et « ayant un travail » sont utilisés comme synonymes
(Tendances mondiales de l’emploi des femmes 2008, BIT).
76 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

région. Cet impératif devra représenter l’une des priorités de la planification du


développement durable et humain, pour les États membre de la région mais aussi
dans le cadre du PEM.
Dans ce contexte, notre questionnement porte sur le positionnement du
PEM sur la question de l’emploi des femmes dans les pays de la rive Sud et Est
de la méditerranéen, face aux nouvelles mutations sociétales et aux nouvelles
revendications des femmes sur la question. Il porte aussi sur la distance qui
séparent les attentes des femmes et les engagements des États d’une part, et entre
les engagements et les réalisations d’autre part.
Notre propos dans cette contribution, s’articulera ainsi, autour de trois axes :
− Tout d'abord, sur un état des lieux de la situation de l'emploi des femmes
dans les pays de la rive sud de la Méditerranée.
− En deuxième lieu on se penchera sur la portée des engagements et des
réalisations du Partenariat depuis la Déclaration de Barcelone en matière de
consolidation de la position des femme sur le marché du travail et en matière
d'empowerment économique.
− Et en dernier lieu on consacrera la dernière section pour la formulation
de propositions et d'actions, dans le cadre du PEM pour la promotion du travail
des femmes et leur empowerment économique dans les Pays partenaires
méditerranéens (PPM), pour la lutte contre la discrimination de genre au niveau
de l'accès et dans le marché de travail.

I. État des lieux sur l’emploi des femmes dans les PPM
Pour étudier la question de l’emploi féminin dans les Pays partenaires
méditerranéens, on commencera par la situer dans le contexte des tendances
générales de l’emploi des femmes dans le monde, pour pouvoir saisir sa spécificité.

a. Au niveau mondial
Des avancées, mais des lenteurs, et on est loin de l’égalité entre les hommes et
les femmes
Le tableau de bord des tendances mondiales de l’emploi des femmes, durant
la dernière décennie, peut être décrit à partir des statistiques essentielles et
significatives que nous présente le rapport 2008 du Bureau international du travail
(BIT).
Sur le nombre des femmes qui travaillent dans le monde, on enregistre durant
la dernière décennie, une augmentation de 18,4 %. En revanche, le nombre des
femmes sans emploi dans le monde a, pour la même période, progressé, passant
de 70,2 millions à 81,6 millions.
En 2007, cela correspond à moins de 67 femmes économiquement actives
sur 100 hommes actifs, sur les marchés du travail, au niveau mondial. Le ratio
emploi- population des femmes, représente 49,1 % en 2007 ; ce qui correspond à
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 77

la proportion des femmes qui sont employées, parmi celles qui sont d’âge actif
(15 ans et plus), alors que ce ratio représente 74,3 pour cent, pour les hommes soit
une fois et demie celui des femmes.
Généralement, la différence entre les sexes pour les jeunes (de 15 à 24 ans)
à la recherche d’un travail, n’est pas importante, le taux de chômage des jeunes
femmes est de 12,5 % contre 12,2 % pour les jeunes hommes de cette cohorte.
Mais la probabilité d’une personne jeune d’être au chômage continue d’être trois
fois supérieurs à celle d’une personne adulte.
Au plan du chômage, le taux de chômage des femmes au niveau mondial
représente 6,4 %, et il est supérieur à celui des hommes 5,7 %. Mais, souvent le
travail des femmes est plus précaire, car elles se trouvent plus que les hommes
dans les secteurs moins protégés, dans le travail à temps partiel ou saisonnier, où la
couverture sociale fait défaut et où les rémunérations sont plus faibles et où elles
ont, par voie de conséquence, moins de chance d’avoir accès à un travail décent.
Plusieurs facteurs interviennent dans l’explication de la discrimination des
femmes sur le marché du travail, et ce n’est pas tant le propos de ce travail de
s’y attarder, mais de signaler juste que les motivations « du choix des femmes »
de ne pas travailler, sont variables selon les contextes sociaux économiques et
culturels.
Certaines femmes, dans les pays développés, qui ont les moyens de rester sans
travail choisiraient librement de rester au foyer. Mais pour la majorité des femmes
dans des régions du monde moins développées, rester sans travail à l’extérieur
n’est pas un choix. « Ces femmes choisiraient de travailler s’il était socialement
et culturellement admissible de le faire », autrement dit si les us et coutumes, les
normes juridiques et sociales le permettaient, d’une part, et si d’autre part elles
pouvaient être relayées dans leurs travaux domestiques, de prise en charge du
groupe familial.
Ce qui ne signifie pas que les femmes au foyer sont oisives. Mais ces travaux
des femmes dits invisibles, parce non marchands et non rémunérés ne sont pas
reconnus socialement, ni comptabilisés économiquement. Seuls certains pays
développés du Nord, ont fait des progrès à ce niveau en instituant la régularité
des enquêtes Budget-temps qui permettent d’estimer le nombre d’heures de
travaux domestiques non rémunérés effectués généralement par les femmes et de
les valoriser en comptabilisant la part de la contribution du travail non rémunéré
dans le PIB. Et si le fait de comptabiliser et de valoriser ce travail gratuit est en
soi un progrès, il n’en demeure pas moins que ce travail reste sans rémunération
pour les femmes.
Les analystes de la question de l’emploi féminin déduisent des études de
régression portant sur 108 pays et sur trois dates (1980, 1990, et 2000) () que
l’éducation, la fécondité et la pyramide des âges de la population sont d’importants
déterminants de la participation des femmes à la population active, et expliquent
ainsi les tendances mondiales de l’évolution de cette participation dans les différentes

() Inégalité entre les sexes et développement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, Banque Mondiale, 2004.
78 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

régions du monde. Or ces trois facteurs, représentent eux aussi, la résultante des
caractéristiques culturelles sociales et économiques du pays concerné.

b. Au niveau des PPM


Les tendances les moins performantes dans le monde
Les pays de la région MENA enregistrent les plus faibles taux d’activité des
femmes dans le monde et les niveaux les plus élevés des taux de chômage globaux
et féminins en particulier.
A l’intérieur de la région il existe de grandes différences en ce qui concerne les
taux de participation des femmes à la population active. Ces différences reflètent
la diversité des économies de la région, des contextes socioculturels et politiques
et des structures des ménages.
On classe, néanmoins, les Pays partenaires méditerranéens en deux
catégories : ceux d’une part, qui ne disposent pas de ressources énergétiques,
souvent exportateurs de mains-d’œuvre et qui sont les premiers à s’engager
dans un partenariat avec l’UE (Tunisie, Maroc, Jordanie...), et d’autre part, les
pays exportateurs d’hydrocarbure, importateurs de main-d’œuvre quand ils sont
faiblement peuplés comme les pays du Golfe, et plutôt pays d’émigration comme
l’Algérie, l’Egypte et l’Irak.
Cependant, si cette typologie est pertinente pour rendre compte des
différences, du non uniformisme et de la complexité des PPM, l’approche de ce
travail demeure essentiellement dans la dimension régionale et géopolitique, avec
le découpage le plus normalisé de la région à savoir le Maghreb d’un coté et le
Moyen Orient de l’autre.

– Pour le Maghreb
Le changement au niveau de l’instruction des femmes, au Maghreb en termes
quantitatif et qualitatif a beaucoup influencé leur comportement au niveau de
la nuptialité et de leur fécondité (). Le recul de l’âge moyen au mariage pour
les filles (environ la trentaine par exemple en Tunisie), et la baisse de l’indice
synthétique de fécondité, qui de 7 à 8 en 1966 est tombé actuellement entre 2
et 2,5, représentent des facteurs de corrélation positive de la participation des
femmes à la population active.
En dépit de ces avancées socio-démographiques, et malgré une croissance
soutenue dépassant les 6 % au cours des cinq dernières années, les évaluations
récentes par les indicateurs du marché du travail pour les femmes au Maghreb
révèlent que ce marché ne suit toujours pas les rythmes d’évolution des
caractéristiques des pays de la région, en matière d’éducation, de fécondité et de
structure démographique, ni celui de la croissance économique.

() Le travail des maghrébines, l'autre enjeu, Collectif 95 égalité, GTZ, 2006.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 79

Les principales tendances en 2007 de l’emploi des femmes dans cette région
se résument ainsi (BIT, 2008) :
− Un ratio population-emploi le plus faible du monde et plus faible que pour
le Moyen Orient, avec seulement 2 femmes sur 10 en âge de travailler (21,9 %) ont
un emploi, contre 7 hommes sur 10 (69,1 %).
− Un écart considérable entre les hommes et les femmes pour la participation
au marché du travail. Pour 100 hommes économiquement actifs en Afrique du Nord,
on ne trouve que 35 femmes dans la même situation, ce qui représente l'écart entre
les sexes le plus élevé du monde 65 % contre 43 % d'écart au niveau mondial.
− Le nombre de jeunes femmes qui travaillent est encore plus faible :
seulement 1,5 sur 10 femmes (14,7 %) âgées de 15 à 24 ans sont employées. Ceci
est particulièrement préoccupant dans la mesure où les efforts d’investissement
accomplis pour l’éducation des filles ne sont pas rentabilisés par un taux
d’employabilité des jeunes femmes, ce qui dénote d’une certaine inefficacité et
d’une faiblesse de la capacité de l’économie à absorber la demande croissante
de l’emploi féminin.
− Pour le chômage, la situation est particulièrement préoccupante pour les
femmes dans la région. Le taux de chômage des femmes représente 16,2 %
contre 9 % pour les hommes. La situation la plus difficile est celle des jeunes
femmes avec un taux de chômage de 32,3 %, allant jusqu’à 38 % pour les jeunes
femmes diplômées en Tunisie. Pour celles qui recherchent un emploi ce processus
reste long et difficile et rarement couronner de succès.
− Ce chômage particulièrement élevé dans la région s'explique par les
distorsions entre l'offre et la demande de l'emploi féminin : du coté de la demande
l'attitude des employeurs affiche une certaine préférence aux hommes, pour les
emploi qualifiés, notamment, et une ségrégation professionnelle, voir une certaine
discrimination à l'égard des femmes, surtout celles qui sont mariées ; du coté de
l'offre, les femmes de plus en plus instruites, acceptent de moins en moins, des
emplois qui ne correspondent pas à leur niveau éducatif et culturel. En effet, les
étudiantes représentent plus de 50 % des inscrits à l'université dans les pays du
Maghreb, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie (où 59 % sont des étudiantes).
− En fait certains employeurs préfèrent en revanche embaucher des femmes
mais les emplois qui leur sont proposés sont peu qualifiés et mal rémunérés.
certaines femmes préfèrent rester au chômage en attendant de trouver le « bon »
emploi, tandis que la plupart des femmes qui n'ont qu'un choix très limité sortent
de la population, active, c'est ainsi qu'on peut comprendre le taux élevé d'inactivité
des femmes qui peut atteindre 73,9 %.
− Les projections pour 2015 indiquent que la proportion de jeunes dans la
population d'âge actif de la région atteindra encore plus de 25 % de la population
d'âge actif total. Étant donné le degré élevé de gaspillage affiché par la région en
termes de perte de contribution économique des jeunes femmes, on peut prévoir
80 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

que cette situation ne sera pas tenable à long termes (Tendances mondiales de
l’emploi, BIT 2008).
− Par rapport à la répartition sectorielle, le tiers des femmes occupées le sont
dans l'agriculture, c'est la seule région où la proportion des femmes travaillant
dans l'agriculture a augmenté durant la dernière décennie, surtout au Maroc. Dans
l'industrie, la proportion des femmes s'est réduite de 19,1 % à 15, 2 % entre 1997
et 2007 Et les services emploient plus que la moitié des femmes de l'Afrique du
Nord (52,2 %).

– Pour le Moyen-Orient
En dépit du climat politique et social marqué par des tensions politiques et
des conflits, les pays du MO ont enregistré, en moyenne, une forte croissance de
4,5 %, entre 1997-2007, et de 6 % entre 2003-2007, et cette croissance s’explique
dans une large mesure par les hausses des prix de pétrole. Mais les tendances du
marché du travail se sont révélés assez hétérogènes entre les pays pétroliers du
Golf et ceux orientés vers l’exportation de la main-d’œuvre.
Par rapport à ces moyennes régionales les disparités demeurent importantes
entre les États du Golf producteurs de pétrole et les pays comme le Liban, la
Palestine et d’autres.
La région a vu considérablement augmenter son ratio emploi-population
au cours de ces 5 dernières années passant de 46,0 % à 50,1 % en 2007.
L’augmentation viendrait pour une bonne part, de la hausse de plus de 
7 points de pourcentage pour les femmes (BIT, 2008). Mais les inégalités entre
les hommes et les femmes sont si fortes qu’en dépit de cette augmentation, on
enregistre sur 10 jeunes femmes, deux seulement qui travaillent effectivement,
et à peine plus de quatre jeunes hommes sur 10. Selon les projections du BIT,
si cette tendance se confirme, la région atteindra la moyenne mondiale en une
génération.
Les emplois vulnérables restent pour l’essentiel le lot des femmes, en 2007, ils
représentent 43,2 % pour les femmes et 28,2 % pour les hommes, et dans le groupe
des travailleurs familiaux non rémunérés, les femmes représentent 25,3 % contre
5,2 % pour cent pour les hommes.
Néanmoins, il est important de souligner le paradoxe en matière de chômage,
où on observe un chômage durable des ressortissants nationaux malgré un
taux d’emploi assez élevé. L’une des particularités de la région notamment dans
les États du Golf, est qu’un bon nombre des emplois générés par la croissance va
aux travailleurs migrants (en particulier dans le bâtiment mais aussi dans bien
d’autres secteurs économiques).
Le nombre de chômeurs en 2007 est d’un tiers de plus qu’il y a 10 ans, et le
chômage des femmes a augmenté de 50 %. Presque 2 femmes sur dix et un homme
sur 10 ne trouvent pas d’emplois. Le chômage des jeunes est plus préoccupant, il
est 3 fois supérieur à celui des adultes.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 81

Néanmoins, les taux de chômage mesurés sous estiment probablement la sous


utilisation de la main-d’œuvre féminine car si les hommes ont tendance à continuer
à chercher du travail, les femmes sont plus susceptibles de se considérer comme
femmes au foyer alors même qu’elles iraient travailler si elles trouvaient un emploi.
C’est ce qu’on appel « les travailleuses découragées » () qui ne sont pas visibles
dans les statistiques du chômage.
La part de l’extrême pauvreté au travail a presque doublé entre 1997-2007
elle représente 4,2 % en 2007. La part des travailleurs pauvres (2§/J) représente
19,3 % en 2007.

Tableaux sur les tendances mondiales de l’emploi


des femmes (BIT, 2008)

Indicateurs mondiaux du marché du travail, 1997 et 2007

Femmes Hommes Total


1997 2007* 1997 2007* 1997 2007*
Main-d’œuvre (millions) 1 071,7 1 267,7 1 625,0 1 895,3 2 696,7 3 163,0
Emploi (millions) 1 001,6 1 186,1 1 530,3 1 787,0 2 531,9 2 973,1
Chômage (millions) 70,2 81,6 94,6 108,3 164,8 189,9
Taux d’activité ( %) 52,9 52,5 80,4 78,8 66,7 65,6
Ratio emploi-population ( %) 49,5 49,1 75,7 74,3 62,6 61,7
Taux de chômage ( %) 6,5 6,4 5,8 5,7 6,1 6,0

() Par exemple en 1997 en Égypte, les taux de chômage étaient de 7 % pour les hommes et de 21 % pour les
femmes. On a identifié chez les hommes 2 % supplémentaires qui se trouvaient en dehors de la population
active, car s'ils voulaient travailler, ils ne pensaient pas pouvoir trouver du travail et donc ils ne se donnaient
pas la peine de chercher. Parmi les femmes 11 % relevaient de cette catégorie des « travailleurs découragés ».
Si le taux de chômage tenait compte de cette catégorie de travailleurs découragés on comptabiliserait
comme chômeuses 21 + 11 = 32 % des femmes (Banque Mondiale, 2004).
82 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Taux d’activité des hommes et des femmes, 1997 et 2007, et écart entre les sexes des femmes
économiquement actives pour 100 hommes, 2007

Nombre
Taux Taux
des femmes
d’activité d’activité
économiquement
des femmes des hommes
actives pour
( %) ( %)
100 hommes

1997 2007* 1997 2007* 2007*

Monde 52,9 52,5 80,4 78,8 66,9

Economies développées et Union européenne 51,3 52,7 70,8 68,2 82,0

Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI 50,7 49,7 70,9 69,8 80,5

Asie de l'Est 70,9 67,1 84,5 81,4 78,9

Asie du Sud-Est et Pacifique 57,4 59,1 82,8 82,8 73,2

Asie du Sud 36,6 36,2 83,8 82,0 41,7

Amérique latine et Caraïbes 47,2 52,9 81,8 79,1 70,5

Moyen-Orient 25,6 33,3 77,5 78,3 38,7

Afrique du Nord 23,8 26,1 75,5 75,9 34,8

Afrique transsaharienne 64,1 62,6 87,4 86,1 75,0

Taux de chômage des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et 2007

Taux de chômage ( %)

Femmes total Hommes total Jeunes femmes Jeunes hommes

1997 2007* 1997 2007* 1997 2007* 1997 2007*

Monde 6,5 6,4 5,8 5,7 12,3 12,5 12,0 12/02/09

Economies développées et
8,1 6,7 6,9 6,2 15,0 12,5 14,4 13,8
Union européenne

Europe centrale et du Sud-Est


10,9 8,3 10,6 8,7 21,4 17,9 19,8 16,9
(hors UE) et CEI

Asie de l’Est 3,1 2,7 4,2 3,8 6,3 5,8 8,7 7,9

Asie du Sud-Est et Pacifique 4,2 6,9 3,9 5,6 10,2 16,7 9,8 16,0

Asie du Sud 5,3 5,8 4,4 4,8 10,9 9,9 9,9 9,8

Amérique latine et Caraïbes 10,7 10,9 6,3 6,9 19,3 21,6 11,9 14,0

Moyen-Orient 18,6 15,6 11,3 10,3 33,5 29,5 23,4 21,1

Afrique du Nord 16,5 16,2 10,1 9,0 30,3 32,3 22,2 21,2

Afrique subsaharienne 9,6 9,1 7,7 7,5 14,9 13,9 14,5 13,6
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 83

Ratio emploi-population des hommes et des femmes, total et pour les jeunes, 1997 et
2007

Ratio emploi-population ( %)


Femmes total Hommes total Jeunes femmes Jeunes hommes
1997 2007* 1997 2007* 1997 2007* 1997 2007*
Monde 49,5 49,1 75,7 74,3 42,5 40,1 58,3 55,1
Economies développées et
47,2 49,1 65,9 64,0 42,1 42,8 48,0 45,6
Union européenne
Europe centrale et du Sud-Est
45,2 45,6 63,4 63,8 30,9 29,8 41,0 42,0
(hors UE) et CEI
Asie de l’Est 68,7 65,2 80,9 78,4 69,8 64,5 66,8 61,6
Asie du Sud-Est et Pacifique 55,0 55,1 79,6 78,1 45,0 40,3 58,5 53,7
Asie du Sud 34,7 34,1 80,1 78,1 27,4 26,2 60,2 57,2
Amérique latine et Caraïbes 42,1 47,1 76,6 73,7 34,3 35,3 60,9 53,4
Moyen-Orient 20,8 28,1 68,7 70,3 15,3 19,5 42,3 44,3
Afrique du Nord 19,9 21,9 67,8 69,1 15,4 14,7 42,1 39,8
Afrique subsaharienne 58,0 56,9 80,6 79,7 50,4 49,0 64,8 63,5

– Pour les économies industrialisées et l’UE


Le contexte au niveau des économies de la rive Nord et de l’UE contraste avec
celui des PPM. Là, la situation des femmes dans l’emploi en comparaison de celle du
Sud est significativement plus évoluée, avec près de 6 femmes sur 10 qui participent
activement au marché du travail. Parmi toutes les femmes au travail, 88 % (contre
82,1 % des hommes) accèdent à des emplois rémunérés et salariés, 3,9 % sont
des employeurs (contre 7,9 % des hommes), et 5,8 % des femmes travaillent à
leur compte (contre 9,3 % des hommes) et 2,3 % des femmes contribuent à une
activité familiale (contre 0,8 % des hommes) (OCDE, Perspectives de l’emploi 2007).
Néanmoins, avec seulement 6 personnes sur 10 participant activement au marché
du travail, il existe encore un potentiel important inexploité si on mettait en place
les politiques appropriées (OCDE, 2007).
Mais les différences sont de taille entre les pays du Nord et ceux du Sud, si on
compare les potentiels des femmes qui ne sont pas mises à contribution dans le
procès de production, ici et là.
La situation dans les pays de la rive Sud Est de la Méditerranée révèle qu’il est
urgent de trouver des solutions à la faible participation des femmes à la population
active des femmes, aux taux de chômage trop élevés et aux inégalités de genre
sur le marché du travail. C’est urgent parce que l’emploi des femmes ne peut plus
être considéré, dans ce pays, comme jadis, comme une « variable conjoncturelle
et sans influence » sur les sentiers de croissance des taux d’activité globaux et des
taux de chômage globaux.
84 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Conclusion
Aujourd’hui, si les taux d’activités globaux dans la région sont les plus bas
du monde, si les taux de chômage globaux sont les plus élevés, c’est bien parce
qu’ils sont tirés par les taux respectifs des jeunes et des femmes en particulier.
Ces indicateurs sexo-spécifiques décrivant la situation des femmes, au niveau du
marché du travail, dans ces pays, les classent en dernières positions dans le monde.
Ils se répercutent par ailleurs, directement dans leurs indicateurs économiques et
sociaux globaux, et se traduisent dans le retard et le déclassement général (Gender
Gap report 2009).
Mais au delà de cet aspect comparatif au niveau international, il est
admis aujourd’hui par plusieurs études théoriques et empiriques (), que la
discrimination en général et entre les sexes en particulier a un coût. Et les coûts
de la discrimination, dans ces pays se répercutent dans plusieurs domaines de la
vie sociale et économique. De ce fait, les PEM, et cela en dépit de leurs différences
et des spécificités qu’ils présentent, ne peuvent plus se permettre de considérer
aujourd’hui la question de l’activité économique des femmes et celle des inégalités
entre les sexes comme un problème marginal et secondaire dans les stratégies du
développement durable.

II. Place du travail des femmes dans le Partenariat euro-


méditerranéen
Plusieurs évaluations ont été réalisées au cours de la dernière décennie pour
rendre compte de la place des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes,
dans les politiques du PEM. A Cet égard, on citera les principaux rapports suivants
qui vont nous permettre d’appréhender l’évolution du positionnement du PEM par
rapport à l’emploi féminin et aux droits des femmes de manière générale :
– Le rapport sur « L’intégration des droits des femmes du Moyen-Orient et de
l’Afrique du Nord dans le Partenariat euro-méditerranéen », en mai 2003 réalisé
par Mme Rabéa Naciri, avec Mme Isis Nusair.
– Le rapport d’information sur « Rôle des femmes dans la vie économique et
sociale et leur intégration dans le marché du travail », dont le rapporteur est la
Présidente du Comité de suivi EuroMed de 2002 à 2004 du Comité économique
et social européen, Giacomina Cassina.
– Le rapport sur « Les droits des femmes dans le PEM », en 2005, réalisé en 2005
par le CES en France
– Le rapport sur « Les femmes en tant que participantes à part entière à la
communauté euro-méditerranéenne d’États démocratiques », réalisé en 2006 par
EuroMeSco.

() A titre indicatif on rappel les théories de G. Becker et d'autres sur les coûts de la discrimination, ainsi que
toutes les études sur les discriminations salariales et les coûts qu'elles impliquent.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 85

– Le dernier rapport du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme


(REMDH) : « Du plan d’action à l’action ? », (octobre 2009), Rapport parallèle sur la
mise en œuvre du Plan d’Action d’Istanbul.
– Il y a aussi d’autres évaluations plus récentes qui ont été effectuées, tantôt
par des agences gouvernementales tantôt par la société civile, notamment par
le Réseau euro-méditerranéen des droits humains REMDH à l’occasion de la
Conférence EuroMed des Femmes Barcelone +10 et suite à la Conférence d’Istanbul
en 2006 et les conférences qui l’ont suivi.
Il ressort de ces différentes évaluations que la position du Partenariat a évolué
tout au long du processus de Barcelone. Alors que la question des femmes
n’était que timidement et marginalement abordée au début de ce processus,
elle commence depuis la Conférence EuroMED + 10 de 2005 et de la Conférence
d’Istanbul, a être de plus en plus prise en charge dans ses différents aspects,
politique, économique et culturel.

Au début du processus

La question des femmes place marginale


Le PEM ne réserve qu’une place discrète à la question de la femme, aussi
bien dans le premier que dans et les deux volets. L’évaluation du CES de France
indique en effet, que La seule mention directe des femmes dans le texte même
de la Déclaration de Barcelone se trouve au niveau du partenariat économique
et financier, dans l’une des dispositions relatives à la coopération et à la
concertation économique, les participants « reconnaissent le rôle des femmes dans
le développement et s’engagent à promouvoir la participation active des femmes
dans la vie économique et sociale et la création d’emplois ».
Dans le volet politique et de sécurité, la place faite aux droits des femmes
n’est qu’indirecte, un point affirmant l’engagement des participants à « respecter les
droits de l’homme et les libertés fondamentales » (…) « sans aucune discrimination
exercée en raison de la race, la nationalité, la langue, la religion et le sexe ».
Madame Rabéa Naciri, qui en 2003 a soulevé l’absence de la question femme
dans le Partenariat, explique que malgré le fait que
« les activistes et organisations féministes de la région MENA qui avaient suivi
étroitement le processus d'établissement du PEM, et ont accueilli favorablement le
Partenariat et ses potentialités de promotion des droits des femmes, la mise en place
des instruments politiques, institutionnels et financiers du PEM à Barcelone en 1995
a été réalisée en l'absence des femmes, et plus particulièrement celles de la rive sud
de la Méditerranée. Cette absence de représentation des intérêts des femmes lors de
l'établissement du PEM s'est reflétée, à son tour, dans l'absence de la question des
femmes à la fois dans la Déclaration et dans les Accords d'association ».
« Sept ans après le début du processus de partenariat, peu d’initiatives en termes
d’études et de bases de données sont disponibles sur les femmes des pays de la région
MENA. D’une façon générale, persistent les clichés et les stéréotypes qui perçoivent les
86 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

femmes de la rive sud de la Méditerranée comme des êtres uniformes, résignées à leurs
conditions de vie. Les compétences et les expertises féminines du sud sont également
méconnues et, par conséquent, peu associées à l’élaboration et au suivi des programmes
et projets du Partenariat… » (Rabéa Naciri).

Quelques initiatives positives d’intégration des droits des femmes dans le PEM
commencent à être enregistrées en 2001 et 2002. Après une recommandation de la
Réunion euro-méditerranéenne des ministres des Affaires étrangères en novembre
2001, relative à la prise en compte des principes de l’égalité des chances dans
tous les aspects du Partenariat, cette question a, pour la première fois, été inscrite
à l’ordre du jour de la réunion du Comité d’association UE-Maroc, tenue en mars
2002. L'importance de l'intégration des genres a également été soulignée en ce
qui concerne la coopération bilatérale à l'intérieur du PEM. Sous la présidence
belge, il a été demandé à la Commission européenne d'évaluer les programmes
du Partenariat euro-méditerranéen du point de vue de l'égalité, pour estimer dans
quelle mesure ils impliquent des programmes relatifs aux femmes et l'effet que les
activités menées ont pu avoir sur la vie de ces dernières. Il s'agit donc d'évaluer
les programmes du PEM à travers l'intégration des genres.
Il résulte de la quasi-absence de mention des femmes dans la Déclaration de
Barcelone et dans les accords d’association, que les projets relatifs aux droits des
femmes n’ont reçu qu’un financement modeste de la part des programmes MEDA.
Bien que les engagements MEDA I et MEDA II aient tous deux prévu des fonds
spéciaux pour la promotion des droits des femmes. Le Programme régional MEDA
I sur le renforcement du rôle des femmes dans la vie économique, en 2004, très
modeste (5 millions d’euros).
Le règlement MEDA I (1995-99) faisait déjà en principe une place à l’égalité
hommes femmes dans le cadre de projets spécifiques centrés : sur l’éducation
(accès des filles à l’éducation de base, intégration et maintien des filles dans le
système scolaire) ; sur l’accès des femmes à la santé, notamment maternelle et
infantile, quelques actions de promotion du planning familial s’y ajoutant ; sur
des activités génératrices de revenus pour les femmes (la première génération
de fonds sociaux pour le développement prévoyait des micro crédits ayant pour
objet de favoriser l’accès au financement et le renforcement des capacités à gérer,
notamment en Égypte et en Jordanie).
Mais dans cette première génération de programmes, hormis le caractère
parcellaire et éclectique des projets, en dehors de toute stratégie de cohérence, il était
extrêmement difficile de discerner la part des fonds ayant effectivement bénéficié
aux femmes.
Les organisations de défense des droits des femmes, surtout sur la rive sud de
la Méditerranée, ont souvent une base institutionnelle fragile et ont beaucoup de
difficultés à accéder à l'information sur les procédures et structures de l'UE, ce qui
rend difficile l'accès au financement de l'UE (R. Naciri).
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 87

Barcelone + 10

Rattraper l’écart entre les attentes et la réalité


Dix ans après les débuts du partenariat, la situation des femmes apparaît donc
pas assez avancée, au niveau de la rive sud et pas seulement dans le domaine du
travail mais dans bien d’autres domaines dont principalement, la participation des
femmes à la décision et à la vie publique et politique.
La Conférence EuroMed de Femmes Barcelone + 10 a été créée dans le but
de rattraper l’écart entre les attentes générées il y a 10 ans et la réalité actuelle,
surtout en ce qui concerne les droits de la femme. La conférence a souligné que
les principaux instruments pour changer cet état de choses sont : l’accès au travail
et à une juste rétribution, la lutte contre l’analphabétisme et la hausse du niveau
d’instruction des femmes. De plus, elle a proposé que soit insérée une clause
explicite pour la promotion des droits des femmes dans les accords d’association
ainsi que pour la politique européenne de voisinage et tous les autres accords qui
s’intéressent à la relation entre les deux rives.
En 2006 le rapport EuroMeSCo attire l’attention au fait que les Etats du
PEM ont adopté une approche unidimensionnelle du rôle des femmes dans le
processus du développement économique, reflétant la perspective qui a prédominé
pendant une décennie. Ils auraient donc échoué à reconnaitre que la pleine
réalisation des droits socio-économiques étaient indissociable de celle des droits
civil et politique et que l’établissement d’un cadre pour la réalisation de tous les
droits fondamentaux nécessitait l’interdépendance et l’indivisibilité des droits.

La Conférence d’Istanbul, 2006

Les progrès de l’égalité des sexes… avaient été lents et difficiles


C’est pourquoi, réunis à Istanbul en 2006, les Ministres euro-méditerranéens en
charge de la condition féminine ont tenu une conférence sur le renforcement du
rôle des femmes dans la société. Le Processus d’Istanbul instaure une dynamique
entre l’Europe et ses neuf partenaires méditerranéens (l’Algérie l’Égypte, Israël,
Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Palestine, Tunisie). Ensemble, les Ministres ont élaboré
un Plan et un cadre d’action pour cinq ans (PAI) avec pour objectif de promouvoir
l’égalité entre les hommes et les femmes dans les domaines politiques, civils,
sociaux, économiques et culturels. En conséquence, ils s’engagent à combattre
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Il ressort de l’évaluation la plus récente que fait le REMDH à travers, son dernier
rapport parallèle sur la mise en œuvre du Plan d’Action d’Istanbul, « Du plan
d’action à l’action ? », (octobre 2009), que jusqu’alors, les progrès de l’égalité des
sexes et les initiatives relatives aux droits de la femme au sein du PEM avaient été
lents et difficiles.
On souligne, à juste titre, que la Conférence d’Istanbul a marqué une étape
importante dans l’histoire des droits des femmes au sein du PEM. Onze ans après
la déclaration de Barcelone, un mécanisme régional, pour la promotion et la
88 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

protection des droits des femmes et de l’égalité des sexes a été mis en place pour
la première fois par les 35 représentants des membres de l’UE et ses partenaires
méditerranéens… Le PAI a fait naître de grands espoirs, dans les organisations de
la société civile quant aux possibilités que créerait ce nouveau mécanisme pour
améliorer la situation des femmes dans les pays du PEM.
Toutefois, les domaines clés abordés par l’évaluation du REMDH, ne comptaient
pas la question de l’emploi des femmes parmi ces domaines (). Cinq rapports
préliminaires pour faire un état des lieux préliminaire, afin de présenter les progrès
réalisés entre 2006 et 2008. Ces rapports concernent le Mashreq, le Maghreb,
l’Égypte, la Turquie, et le dernier relatif à l’Europe répondant à des termes de
référence légèrement différents.
Pour le rapport Européen, en plus du cahier des charges, une note d’orientation
spécifique a été émise et validée. Celle ci identifie la participation des femmes dans
la vie politique, l’égalité professionnelle (salaire et accès à des responsabilités) et
la violence domestique comme des points majeurs (REMDH, 2009).

Programme régional sur le « Rôle de la Femme dans la Vie Économique »


La présidence belge a également présenté le premier Programme régional euro-
méditerranéen sur le renforcement du rôle des femmes dans la vie économique.
Le Programme sur « le Rôle de la Femme dans la Vie Économique » du partenariat
EUROMED, RWEL, avait pour but d’accroître la participation économique de la
femme dans la société. Il avait en ligne de mire la mise en valeur du rôle que les
organisations méditerranéennes gouvernementales et non gouvernementales
jouent pour faciliter et développer les opportunités de participation féminine dans
l’économie et l’autonomisation de la femme. Le Programme tri annuel (2006-2009)
couvrant 10 pays dans la région MEDA, est financé par la Commission Européenne
et géré par le British Council (agence culturelle britannique) en partenariat avec
l’Institut Méditerranéen pour les Études de Genre, situé à Chypre. La mise en œuvre
du projet a démarré en 2008.
Les activités exécutées jusqu’ici, mettant l’accent sur 3 composantes essentielles
du projet :
1. Le suivi et l’assistance technique des projets de l’initiative « Renforcement
des Opportunités de la Femme dans la Vie Économique » (EOWEL). Pour la plupart,
ce sont des organisations de développement orientées vers le service et centrées
sur le développement des petites et micro entreprises, des crédits et des capacités.
Certains partenaires intègrent les réseaux féminins en incorporant une approche
plus penchée sur les droits, d’autres travaillent avec les instituts de recherche, les
chambres de commerce et d’industrie et les organisations médiatiques.

() Ces domaines clés sont :


– le respect des engagements des conventions internationales, en particulier la CEDAW ;
– les droits des femmes dans les législations nationales ;
– la participation des femmes à la vie civile et politique ;
– les violences faites aux femmes.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 89

2. Les études et la base de donnés relatives aux politiques de l’intégration


du concept genre dans les pays méditerranéens. Au cours de l’an 2006/2007, 
2 études principales ont été effectuées dans les pays méditerranéens touchés par
le Programme EUROMED :
a. Évaluation des mécanismes nationaux pour la promotion des femmes tout
en examinant d’une manière particulière leur capacité d’aborder les législations
discriminatoires relatives au genre.
b. Analyse de la situation économique de la femme, en y intégrant une analyse
des multiples facteurs critiques influençant la participation économique féminine,
tels que les codes de la famille et du travail.
Un autre séminaire régional a été organisé pour avoir lieu en Jordanie le 
30 juin/1 juillet afin de toucher plus des acteurs concernées de la participation de
femme et son autonomisation et qui servira comme un catalyse pour promouvoir
les recommandations et conclusions de séminaire
3. Sensibilisation, diffusion des informations et communication en vue
d’appuyer l’intégration du concept du genre. La troisième composante du
programme fournit un forum de liaison et de formation. Avec un bagage de
conceptions générées par les projets de l’initiative EOWEL et les études effectuées,
cette composante contribue à la mise en valeur de la responsabilité et de la
réceptivité des organisations publiques de la région MEDA quant aux droits
économiques des femmes.
Un court métrage documentaire sur l’autonomisation économique de la femme
dans la région du MEDA est en train d’être finalisé. Il dépeint la contribution de la
femme aux différentes sphères des activités économiques et met en exergue les
questions majeures liées aux politiques proposées par le Programme de la « Femme
dans la Vie Économique » (RWEL) pour promouvoir l’autonomisation économique
de la femme dans la région du MEDA.

Conclusion
Les différentes évaluations indiquent que la prise en charge des questions
des femmes par le PEM, notamment sur le plan économique reste un phénomène
assez récent. Et lorsqu’on regarde de près les programmes, sur la participation
économique de la femme, cités plus haut et en dépit des différentes actions
entreprises, on ne trouve guère d’actions particulièrement significatives à même
d’engager des politiques d’envergure nationale et des programmes nationaux
qui seraient axés sur l’emploi des femmes dans les PEM et sur leur travail décent,
tout en étant réellement en mesure d’aider à trouver les solutions au grand déficit
de l’emploi féminin et de la participation des femmes à la population active.
Néanmoins, l’impact même de ces programmes reste à évaluer au niveau des
PEM.
Une nouvelle initiative a aussi été lancée par le biais du nouveau Programme
régional pour les pays du Sud de la PEV « Améliorer l’égalité entre les hommes et
90 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

les femmes dans la région euro-méditerranéenne » (2008-2011). Ce programme


doit être suivi et évalué. Le Programme régional EuroMed Égalité Hommes-Femmes
(EGEP) () s’inscrit dans le cadre du suivi de la Conférence d’Istanbul. Il a pour
objectif de renforcer les dynamiques égalitaires existantes, tout en repérant les
lacunes afin d’y remédier. Il s’inscrit dans la foulée du Programme régional sur le
rôle de la femme dans la vie économique (RWEL) qui a pris fin en 2009.

III. Pour une Stratégie globale et cohérente du PEM, au service de


l’accroissement de la participation des femmes à la population
active et la lutte contre la discrimination dans le travail dans les
PSM
Argumentaire et orientations préalables à la stratégie
Au vu du tableau brossé sur la question de l’emploi des femmes dans
la rive sud-est Méditerranée, partant d’un état des lieux préoccupant et du
positionnement du PEM par rapport à la question et des actions entreprises, nous
proposons la formulation de 5 Actions programmes dans le cadre d’une stratégie
globale sur l’emploi féminin. Ces propositions seront précédées par les éléments
d’un argumentaire et d’orientations préliminaires et préalables à ces actions.

• Les femmes, sans emploi, et de plus en plus éduquées


Une masse critique de gaspillage et une tare réelle à la marche du
développement.
Sachant qu’il est de plus en plus admis que les marchés du travail constituent
le principal mécanisme de transmission permettant de faire bénéficier les groupes
défavorisés des avantages de la croissance. L’accès aux marchés du travail et plus
précisément à l’emploi décent, est de ce fait essentiel dans le processus vers une
plus grande égalité entre les hommes et les femmes.
Le travail décent des femmes est également une condition préalable au
développement économique dans la mesure où sur le long terme, les économies ne
peuvent se permettre d’ignorer une ressource inexploitée telle que celle pouvant
être offerte par le travail des femmes.
Le renforcement de la position des femmes sur le marché du travail visant leur
autonomisation économique, dans la rive Sud-Est, serait un pilier central dans la
stratégie globale. La consolidation du pouvoir économique des femmes est une
condition nécessaire à la promotion de leur droit et à leur liberté. Sans emploi et
par conséquent sans pouvoir économique, les femmes des PEM ne pourront se

() La mise en œuvre du Programme régional  EuroMed Égalité Hommes-Femmes (EGEP), financé par la
Commission européenne, a été confiée à un consortium de deux organismes, situés sur l’une et l’autre
rive de la Méditerranée : le cabinet conseil Transtec et le Centre de la femme arabe pour la formation et la
recherche, CAWTAR.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 91

défaire de leur subordination masculine ni accéder à leur citoyenneté ni à leur


liberté, ni contribuer selon leur capacité au développement.
Avec les progrès dans l’éducation, les femmes sans emploi, constituent de plus
en plus une masse critique de gaspillage de l’investissement dans le capital humain
par l’éducation notamment, consenti par les générations précédentes et futures.
Et par voie de conséquence elles constitueraient une tare réelle à la marche du
développement.

• Une cohérence des actions, Pour une stratégie globale


Nous venons de voir que le positionnement du PEM, et notamment dans sa
forme actuelle par rapport à la question des droits des femmes et le renforcement
de leur rôle économique et social a évolué depuis la Déclaration de Barcelone,
et s’il y a lieu de se féliciter de ces progrès, il faudrait par ailleurs, souligner avec
force, que le bilan dans les PEM est tel que la conception et les moyens notamment
financiers mis en place, restent largement en deçà des exigences de la situation
et de son évolution dans le domaine du travail des femmes comme le montrent
les développements précédents.
Les besoins et les attentes des femmes, et les engagements pris par les États du
PEM à cet égard, demeurent bien loin des réalisations dans la cadre du Partenariat.
Et le gaspillage par la non utilisation du potentiel et des ressources humaines que
représente le travail des femmes, risque de devenir, par ces temps de récession, un
phénomène non soutenable, non seulement, du point de vue de l’exigence des
droits des femmes et du principe d’égalité de genre, mais aussi, du point de vue
de la croissance et du développement durable.
Ce qui manque en particulier aux différents programmes précédents, c’est une
cohérence globale un sens fort aux actions et une vision stratégique. En somme, ce
qui donnerait de l’efficacité et de l’élan à ces actions c’est un cadre cohérent et
stratégique globale qui intègre les stratégies transversales et particulières liées
aux différents domaines des droits des femmes et de l’Égalité de genre, à l’instar
de la Feuille de route de l’UE qui intègre tous les aspects liés à la question de
l’égalité.
Parce que la construction du Partenariat EuroMed ne peut s’inscrire que dans
un processus de convergence et non de strabisme ou de parallélisme, que le
Programme d’action sur l’activité économique des femmes des PEM ne peut être
conçu de manière isolé des autres programmes de partenariats ni sans l’implication
active des partenaires et des femmes du Nord.

• Des moyens financiers appropriés


En matière d’instruments financiers, la part des crédits apparaît assez dérisoire
pour les besoins et les attentes des femmes dans la région. Les évaluations relèvent
pour MEDA II, que le volume de 24 millions d’Euros sur 5,2 milliards d’Euros ce qui
représente une proportion quasiment négligeable est en contradiction totale avec
les engagements des États du PEM et les objectifs des programmes.
92 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Cette limite financière est révélatrice de la sous représentativité des associations


féministes et des femmes en général qui sont sensibilisées à l’intégration des droits
des femmes dans le PEM et particulièrement dans les PSM.

• Des mécanismes, d’évaluation et de suivi


Ce qui apparaît comme l’expression la plus évolutive des programmes dans les
PSM c’est le cadre du PAI. Or ce qui ressort des dernières évaluations notamment du
REMDH () c’est que ce cadre comme les programmes qui l’ont précédé souffrent
d’une absence de mise en cohérence des mécanismes de mise en œuvre, et
d’opération d’évaluation et de suivi.
En raison du manque de visibilité et de connaissance du PAI, les
acteurs pertinents, y compris les gouvernements et les organisations non-
gouvernementales, ne se sont quasiment pas engagés dans sa mise en œuvre, son
suivi et son évaluation. Deux ans ont passé depuis l’adoption du PAI, et beaucoup
d’acteurs concernés ne le connaissent toujours pas, ni s’y sont engagés à quelque
niveau que ce soit.
Deux éléments principaux, essentiels pour suivre sa mise en œuvre, font
défaut. Premièrement, il faudrait mettre en place des procédures permettant
d’identifier des objectifs clairs et de développer des indicateurs mesurables.
Deuxièmement, il faudrait un mécanisme pour s’assurer qu’il existe un véritable
processus de suivi. Les deux dernières années ont confirmé les inquiétudes du
REMDH concernant l’absence d’un Mécanisme de suivi et L’absence d’une définition
claire des responsabilités en ce qui concerne la mise en œuvre. Cela a également été
confirmé dans le rapport publié par la Commission européenne sur la mise en
œuvre des résultats de la Conférence d’Istanbul 2006-2007.
La séparation du PAI du reste des mécanismes relatifs au Partenariat euro-
méditerranéen, qu’ils soient liés aux accords de partenariat ou aux politiques
de voisinage. Cette séparation réduit l’impact du PAI. Par ailleurs, les accords de
partenariat conclus avec plusieurs pays de la région n’incluent pas la question
des standards relatifs au genre et ne mentionnent pas l’impact qu’ils ont sur les
femmes.

• Les femmes et la société civile, partie prenante dans la conception, l’élaboration


et la mise en œuvre des actions
La partie non gouvernementale, la société civile, et principalement les femmes
et les associations féministes doivent être partie prenante dans la conception,
l’élaboration et la, mise en œuvre de cette stratégie, c’est-à-dire réellement
associées à ce processus, notamment au niveau du PAI, dans sa conception, dans
sa réalisation, sa mise en œuvre et dans le suivi de ce processus.

() L'égalité entre les sexes n'est pas encore au cœur du Partenariat euro-méditerranéen ou de la Politique
européenne de voisinage (PEV), et demeure absente de l'Union pour la Méditerranée. Il convient d'accorder
plus d'importance à cette question dans les dialogues politiques et les programmes. 
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 93

– Une capitalisation et une coordination entre ce qui se passe au niveau des


programmes de la Feuille de Route Européenne et des Programmes de la stratégie
dans les PSM. Les écarts de situation des femmes, entre les deux rives de la
Méditerranée, concernant le marché du travail notamment, ne doivent en aucun cas
conduire à des stratégies complètement séparées et dissociées qui s’ignorent entre
le Nord et le Sud. Ce qui semble être malheureusement le cas pour les question
de l’emploi et de la ségrégation professionnelle.
– Il ne faut pas oublier que les inégalités entre les sexes persistent au Nord et
au Sud. Les différences se situent au niveau de l’ampleur de ces inégalités et de
leurs écarts par rapports aux législations des droits économiques et sociaux qui se
trouvent plus accentués dans la rive sud-est. On ne peut prétendre de construire un
Partenariat dans le strabisme, même si les niveaux de développement économique,
sociaux culturels et politiques sont différents.
– Le PEM a besoin d’un édifice intégré et cohérent basé sur des partenariats de
la société civile Sud-Sud et Nord-Sud, à même d’imaginer des stratégies, de produire
des programmes et de dresser les ponts de négociations avec les États du PEM.
L’initiative de la Plate-forme EuroMed de part ses objectifs tente de s’inscrire sur
cette voie. Les échanges d’expérience bilatéraux et multilatéraux dans le partenariat
Sud-Sud et Nord-Sud doivent être à cet effet consolidés.

Une stratégie cohérente et globale pour l’emploi des femmes


La problématique générale
La discrimination dans le travail des femmes est tout d’abord une atteinte aux
droits des femmes et aux Droits Humains en général.
La faible participation des femmes à la population active représente un coût
économique et social pour les femmes de manière direct ainsi que pour les
ménages et pour l’économie et la société dans son ensemble.
Elle s’oppose ainsi, aux objectifs et aux impératifs de développement
durable.
L’idée essentielle de cette problématique passe par une double entrée :
– le coût économique et social pose le problème de l’efficacité et l’efficience
économique et social ;
– le coût humain pose les questions de droits humains, de justice sociale et
de non discrimination de genre.
Or, les engagements des États du PEM pour un développement équilibré et
durable sont basés fondamentalement sur l’efficacité et l’efficience économique
et social, et sur la démocratie le respect des droit de l’homme et l’égalité entre les
sexes. L’égalité entre les hommes et les femmes est considérée comme un facteur
de développement pour la société entière. Ces pays la considèrent comme un
vecteur de démocratie et de paix, dans une région qui aspire au vivre ensemble,
à la stabilité et à la prospérité (d’après les documents fondateurs du PEM).
94 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Proposition 11
ACTION (1) : Un Plaidoyer et une Campagne

– pour une Division Égalitaire du Travail (PDET)


– pour la réduction des écarts de 20 % entre taux d’activité féminins et 
masculins pour 2015

La première proposition d’action A(1) porte sur l’élaboration d’un plaidoyer


sur la base de l’ argumentaire à double entrée, consolidée par des études et des
recherches approfondies sur la mesure du coût économique, social et humain de
l’inégalité dans l’emploi et l’estimation du manque à gagner par les femmes et
par la société dans son ensemble.

a. Justifications et objectifs

• Le coût économique et social


Les études de simulation montrent que la faible participation des femmes à
la population active, entraîne un coût élevé pour l’économie et pour la famille, si
le taux de participation à la population active passaient de leurs niveaux réels à
leurs niveaux prédictibles () (qui sont calculés en fonction des niveaux existants
d’éducation des femmes de leur fécondité et de la pyramide des âges), le revenu
du ménage augmenterait de 25 %. Au niveau Macroéconomique, les études des
statistiques comparatives indiquent qu’un pays atteint des niveaux plus élevés de
revenu par habitant, lorsque les femmes participent davantage à la population
active, et cela peut contribuer à accélérer la croissance économique. Si les taux
de participation des femmes avaient été à leurs niveaux prédictibles, les taux de
croissance du PIB par habitant auraient été plus élevés de 0,7 %, par an durant

() Les résultats de la décomposition par les experts de la Banque mondiale de l'évolution de la participation
des femmes à la population active dans les pays de la région MENA indiquent que la croissance des taux
de participation entre 1980 et 2000 s'expliquent pour 21 % par le progrès de l'éducation des femmes et
pour plus de 37 % par la baisse du taux global de fécondité. L'effet global de l'évolution de la pyramide des
âges a représenté près de 15 % de l'augmentation de la participation des femmes, sur cette augmentation,
18 % ne s'explique ni par les effets de l'éducation, ni par ceux de la fécondité, ni par ceux de la répartition
des âges.
Dans la région MENA, les taux observés de participation des femmes à la population active sont plus
faibles – souvent d'une marge substantielle – que ce que l'on aurait pu attendre en fonction des autres
caractéristiques de la population féminine en âge de travailler. Cette observation indique que le potentiel
d'intégration des femmes dans l'économie de la région déterminé par l'investissement passé dans
l'éducation des femmes et par les tendances récentes en matière de fécondité réalisé est très grand.
Si la tendance générale pour déterminer l'offre de la main-d'œuvre féminine que les analystes de la BM ont
trouvé au niveau du monde s'appliquent à la région MENA, les ratios des taux réels sur les taux prédictibles,
devraient être proche de 1 pour les pays de la région, or ils sont tous inférieurs à 1. Toutefois, dans les pays
où la comparaison dans le temps pouvaient être faites, les ratios ont connu une progression entre 1980 et
2000 sauf en Tunisie, mais ils restent tous inférieur à 1 (Banque mondiale 2004).
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 95

les années 90, Cette perte en terme de potentiel est significative, compte tenu
d’une croissance annuelle du revenu moyen par habitant de 1,9 % sur la décennie
(Banque mondiale (10), 2004).
La faiblesse de la participation des femmes à la population active, se traduit par
une moindre efficacité et une faible rentabilité de l’investissement dans l’éducation
des femmes, ce qui représente un gaspillage des dépenses publiques consenties
par la communauté nationale à l’éducation estimées à 5,3 % du PIB.

• Le coût en droits humains


La faible participation des femmes pose par ailleurs, le problème de l’inégalité
de traitement dans le domaine du travail. Les femmes sont confrontés à la
discrimination dans l’accès au marché du travail, leurs chances sont plus faibles
que celles de leurs homologues masculins comme le témoigne les taux de
chômage féminins qui sont beaucoup plus élevés que les taux masculins. Mais elles
rencontrent encore la discrimination dans l’exercice de leur profession notamment
par le blocage de leur carrière par ce qu’on appelle « le plafond de verre » et au
niveau des conditions de travail. La discrimination se situe aussi dans l’inégalité
des salaires, et dans la précarité accentuée des emplois féminins.
Il devient urgent de sortir la question de la participation des femmes à
la population active de sa banalisation et de sa marginalité et de sa pseudo
normalité, et de rompre avec la division sexuelle traditionnelle du travail,
l’homme dans le travail rémunéré et la femme dans le travail domestique
gratuit, et de renforcer l’autonomisation économique des femmes.
Il s’agit à travers ce plaidoyer de FAIRE UN TRAVAIL SUR LES MENTALITES :
– d’une part, par la démonstration de ce que comporte la division
sexuellement de travail, comme injustice
– et d’autre part, par la mesurer du coût économique et social qu’elle 
provoque.

b. Partenaires de l’action et population bénéficiaire


Un partenariat tripartite dans les PSM entre :
i) les associations des droits des femmes, des droits humains et du 
développement, des PEM ;
ii) les institutions ;
iii) des représentants du PEM.
Ce plaidoyer doit être approprié par la société civile, les institutions, le secteur
privé, les partis politiques, les syndicats, les parlementaires, les associations de
femmes, mais aussi l’école qui forme les nouvelles générations doit avoir un volet
consistant sur l’éducation à l’égalité et à la citoyenneté.

(10) Inégalité entre les sexes et développement au MO et en AN, Banque mondiale, 2004.
96 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

c. Stratégie d’élaboration et de dissémination du PDET :


i) Atelier régional d’élaboration et de conception de la stratégie et du 
(PDET), précédée par des travaux de commissions des points focaux par 
pays.
ii) Atelier régional méthodologique des études sur le coût économique et 
social de la faible participation des femmes à la population active 
(confection des indicateurs de mesure, d’évaluation et de suivi).
iii) Réalisation et publication des études nationales et régionale sur la 
mesure du coût économique et social et humain de la faible participation 
des femmes.
iv) Conception de l’argumentaire du plaidoyer et publication du Plaidoyer 
PDET.
v) Rencontres nationale, et régionale pour la dissémination des résultats 
des études et du plaidoyer (ateliers d’information, de sensibilisations, 
formation, tables rondes, séminaires).

Proposition 12
ACTION (2) : Des Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin (P.A.E.F.)

Justifications et objectif
Les taux d’activité des femmes dans le Maghreb et le Mashreq nous l’avons vu
sont les plus bas du monde, et leurs taux de chômage sont les plus élevés, malgré
des avancées aux niveaux de leur éducation et de la maîtrise de leur fécondité. Les
écarts entre les taux masculins et les taux féminins sont encore très levés.
Cependant, les politiques de développement en général, et les politiques
d’emploi en particulier, ne traitent pas la question de l’emploi des femmes de
manière spécifique et ciblée. Comme si l’emploi était une seule variable compacte
et indivisible.
D’abord, il faut indiquer que les politiques d’appuis à l’emploi dans les PEM
étudiés sont généralement faiblement élaborées et peu développées à l’exception
du Maroc et de la Tunisie.
L’objectif de rectifier le tir dans des tendances de l’emploi des femmes dans la
région, exige aujourd’hui plus que jamais la mise en œuvre de Politiques d’Appui
à l’Emploi Féminin (PAEF) qui ciblent les besoins spécifiques des femmes et des
jeunes femmes diplômées en particuliers qui ont les taux de chômage les plus
élevés, et ce pour réduire le chômage féminin, promouvoir l’activité des femmes
et l’entrepreneuriat féminin et solidaire.
L’entrepreneuriat féminin plus que l’entrepreneuriat masculin est créateur
d’emplois féminins comme cela a été établi récemment par le dernier rapport
du BIT.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 97

Pour chaque pays, ces Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin seront basées sur
les sous actions suivantes :
Sous-action (2.1) : Un Observatoire Contre la Discrimination de l’Emploi
des Femmes. C’est un Mécanisme de veille, d’observation et de lutte contre la
discrimination des femmes lors de l’accès au marché de l’emploi.
Sous-action (2.2) : Un Programme de renforcement des capacités des jeunes
femmes diplômées dans leur recherche d’un emploi décent, par des actions
de formations, d’information, de coaching, d’estime de soi. La conception et la
réalisation de ces programmes seront ouvertes à la contribution de la société civile
(11) et les associations de femmes habilitées à le faire.
Sous-action (2.3) : Un Programme d’encouragement et de promotion de
l’Entrepreneuriat Féminin solidaire (12) et d’égalité d’accès aux ressources
(crédits, propriété foncières, services, marchés, égalité successorale).

Proposition 13
ACTION (3) : Stratégie de lutte contre la discrimination salariale (SLDS)

Justification et objectifs
Les femmes dans le monde entier sont moins biens payés que les hommes,
les raisons de cet écart s’explique en partie par la différence de qualification et
de compétences entre les deux sexes et en partie par la discrimination sexiste.
Même lorsque la législation du travail est égalitaire, ce qui est souvent le cas,
la discrimination salariale et l’inégalité à l’embauche persiste avec des écarts
importants.
Les études de la Banque Mondiale pour les années 2000 indiquent le
pourcentage de hausse des salaires des femmes si la discrimination disparaissait.
Cette hausse des salaires est estimée en moyenne à 25 % pour les pays industrialisés,
et serait la plus élevée pour la région MENA avec 32 % du manque à gagner dans
les salaires féminins.
La réduction des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, au
delà de la contribution à la mise en place d’une société plus juste et égalitaire,
s’avère tout à fait sensée sur le plan de l’efficience économique et social.
L’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes génère
une rentabilité accrue de l’économie dans son ensemble.

(11) Il s'agit d'initier des expériences inédites et aussi de renforcer les expériences pilotes qui existent par
exemple les maisons des femmes qui ont des projets sur l'empowerment économique des femmes en,
Algérie, au Maroc et en Tunisie (AFTURD).
(12) La construction d'un concept qu'on dénommera « entrepreneuriat solidaire » se réfère de notre point
de vue aux principes de solidarité qui sont à la base de ce qu'on appelle l'économie solidaire fondée sur
l'élimination de l'exploitation du travail par le capital.
98 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

D’ailleurs, une communication adoptée par la Commission Européenne en 2007


analyse les causes de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et
propose une série d’actions pour palier à ce problème.
Nous proposons pour la stratégie de lutte contre la discrimination salariale les
sous actions suivantes :
Sous-action (3.1) : La Feuille de route pour l’Égalité dans les PEM
Dans le cadre du PEM, il s’agit de travailler dans la coordination avec les
partenaires du Nord sur la base de la Feuille de route pour l’égalité entre les
femmes et les hommes 2006-2010, et plus particulièrement à la lumière des
actions prioritaires autour desquelles elle s’articule. Ces priorités étant dans
la cohérence totale avec le PAI (13).
L’une de ces priorités vise à mettre les femmes et les hommes sur un
pied d’égalité en termes d’autonomie économique. L’élimination de l’écart
de rémunération entre les femmes et les hommes constitue l’une des pierres
angulaires de cette priorité. La Feuille de route souligne la nécessité d’une action
collective en vue de l’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et
les hommes.
Sous-action (3.2) : La création d’un Réseau pour la Réduction des Écarts des
Salaires entre les hommes et les femmes, au niveau des PSM qui sera constitué
des représentant(e)s des associations des droits des femmes et des droits humains,
des syndicats du patronat, des institutions des parlementaires et des experts et
des délégués européens de la Feuille de route pour l’égalité.

La Mission du Réseau :
1. Renforcer les législations nationales par des Directives contre la discrimination
et pour l’obligation de l’égalité salariale.

(13) La Feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010 a été
adoptée le 1er mars 2006. Elle s'inspire de l'expérience de la stratégie cadre pour l'égalité entre les femmes
et les hommes pour la période 2001-2005. Elle associe le lancement de nouvelles actions au renforcement
des activités existantes qui ont fait leurs preuves. Elle réaffirme également la double approche de l'égalité
qui consiste en la prise en compte de la dimension de genre (la promotion de l'égalité entre les sexes
dans tous les domaines et activités politiques) et en l'adoption de mesures spécifiques pour le sexe sous-
représenté. 
La Feuille de route représente l’engagement de la Commission à faire progresser la politique d’égalité entre
les femmes et les hommes en partenariats avec les Etats membres et d’autres acteurs. La Feuille de route
pour l’égalité entre les femmes et les hommes met en avant six domaines prioritaires pour l’action de l’UE
relative à l’égalité : 
• une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes ;
• la conciliation de la vie privée et professionnelle ;
• une représentation égale dans la prise de décision ;
• l’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre et de la traite d’êtres humains ;
• l’élimination des stéréotypes de genre ;
• la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques externes et de 
développement. 
La Feuille de route prévoit l’amélioration de la gouvernance pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour chaque domaine, elle identifie des objectifs prioritaires et des actions. Elle fera l’objet d’un rapport sur
l’état d’avancement en 2008 et d’une évaluation accompagnée d’une proposition de suivi en 2010.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 99

2. Inscrire les Directives de salaire égal à travail égal pour les hommes et les
femmes dans les Programmes des Politiques Actives d’Emploi des gouvernements
et dans l’agenda des patronats.
3. Accomplir un travail de normalisation sur les méthodes et les normes de
mesure des écarts de salaire entre les sexes et observation annuelle de l’évolution
des écarts dans les différents secteurs.
4. Estimation de ces écarts pour chaque pays et mesure des impacts sur les
revenus des ménages (études).
5. Sensibilisation des syndicats et des patronats sur la question.
6. Rejoindre le combat des femmes de la rive Nord pour la réduction des écarts
des salaires.

Proposition 14
ACTION (4) : Stratégie du caring (garde des enfants)

Justification et objectifs
La plupart des études réalisées dans les pays industrialisés, vont dans le sens
du principe selon lequel, le fait de disposer davantage de possibilités attractives
de gardes des enfants entraîne une hausse de l’emploi des mères (par exemple
l’étude de Gornick, Meyers et Ross. 1996 cité par la Banque mondiale).
Dans certains pays industrialisés, comme l’Allemagne la manière de résoudre
un des grands problèmes de développement pourrait s’appliquer aux cas de la
région sud-méditerranéene.
En 2000, le taux de fécondité des femmes allemandes était de 
1,36 enfants, un taux des plus faibles d’Europe. Le faible taux de natalité affecte la
dynamique économique et risque de provoquer dans l’avenir des problèmes de
financement des soins et des retraites. Un certain nombre de jeunes femmes ont
le sentiment qu’entre les enfants et leur carrière, elles sont obligées de choisir.
Tant que les parents qui travaillent n’auront pas de solutions pour la garde
de leurs enfants, la participation des femmes à la population active devrait rester
limitée aux dépens de la croissance économique du pays. Consciente des risques à
venir l’Allemagne prévoit de grandes dépenses pour la garde des enfants et pour
les écoles ouverte toute la journée, pour trouver un équilibre entre le nombre
des décès et de celui des naissances. Il s’agit d’une rupture volontaire avec la
conception selon laquelle il faudrait choisir entre le porte document et le landau
(Banque mondiale, 2004).
Pour favoriser le changement dans les rôles traditionnel des hommes et des
femmes et afin de promouvoir une nouvelle division sexuelle du travail où les
femmes puissent devenir autonomes et actives, il devient urgent de planifier pour
les relayer dans la tâche qui leur incombe dans la prise en charge des enfants et
des autres membres dépendants de la famille.
100 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Ce travail dit domestique auquel on ne donne généralement aucune


valeur monétaire ni aucune valeur comptable n’est ni reconnu socialement ni
économiquement. Et pourtant ce travail a un coût, il a par conséquent une valeur,
et de ce fait il est offert au secteur privé comme au secteur public aux entreprises
gratuitement, sans tenir compte de ce coût dans la rémunération du travail, puisque
les prestations sociales et les allocations familiales deviennent très faibles dans les
PSM (exemple de la Tunisie où l’allocation familiale n’a pas évolué depuis plusieurs
décennies).
Si les journées de ces femmes sont remplies par le travail domestique pour
nourrir, prendre soins des enfants et des personnes âgées, et que si rien ni personne
ne soient prévus ni programmés pour le faire à leur place, si au cas où elles veulent
sortir travailler ce qui serait de plus en plus le cas avec l’éducation scolaire des
filles et leurs nouvelles aspirations à leur autonomisation, elles ne pourraient de
toute évidence échapper à cette besogne.
Les femmes ont généralement la volonté de travailler surtout celles qui se sont
investies dans la scolarisation et l’enseignement secondaire et supérieur. Jeunes
et célibataires elles se mettent à travailler lorsqu’elles finissent par trouver un
boulot, mais dès qu’elles se marient et font des enfants, leur travail pour plusieurs
d’entre elles passera après sa vie familiale d’où les taux très faibles d’activité des
femmes mariées.
Dans cette Action il s’agit donc, de prévoir, Programmer la RELEVE pour les
femmes, dans les tâches domestique, et la garde des enfants et des personnes âgées,
afin de leur permettre de travailler hors du foyer moyennant une rémunération :
Sous-action (4.1) : Des Programmes nationaux d’accueil et de garde des
enfants avec une politique familiale de subvention des familles pour ces services.
Sous-action (4.2) : Création d’un Fonds du « home care » (de garde et des soins
pour les enfants) suite à des réformes fiscales et budgétaires) par l’État, le secteur
privé et les ménages... Créer un fonds public pour le financement de la maternité.
Sous-section (4.3) : Des Programmes de formation d’Auxiliaires de vie pour
les personnes âgées et handicapées à domicile et pour les services de proximité
et de soins.
Sous-section (4.4) : Programme d’éducation et de sensibilisation « Pour le
partage des tâches domestiques entre les sexes et entre les âges ».

Proposition 15
ACTION (5) : La Budgétisation Sensible au Genre au service
de l’égalité dans l’emploi

Objectifs et justificatifs
La BSG fait partie des bonnes pratiques budgétaires depuis les premières
initiatives mi-80 à 90 par l’Australie et l’Afrique du Sud, pionniers dans ce domaine.
Travail des femmes et Partenariat euro-méditerranéen 101

Depuis, ces exemples ont été suivi par un nombre de plus en plus grands de pays
partout dans le monde, la BSG est devenue ainsi un mouvement. Tous les pays
ne sont pas au même point d‘état d’avancement, certains sont plus avancés que
d’autres. En Afrique, les pays comme le Maroc, le Sénégal ont eu des initiatives et
sont à une étape plus ou moins avancée dans la mise en œuvre de la BSG. Haïti,
le Mali, la Côte d’Ivoire, la Sierra Léone, le Bénin et le Burkina Faso sont en bonne
voix. D’autres pays comme la Guinée Bissau, le Cape Vert et la Gambie ont déjà
demandé le soutien de l’UNIFEM à cet effet. Les demandes proviennent soit du
Gouvernement, du Parlement, de la Société Civile, des Agences du SNU ou même
des autres partenaires au développement en appui aux pays en développement.
La BSG signifie (14) l’introduction d’un outil d’analyse genre dans le processus
de programmation et d’élaboration/exécution/évaluation du budget. La BSG :
– reconnaît les façons dont les femmes contribuent à la société et à l’économie
par leur travail non rémunéré ;
– reconnaît l’intersection entre les politiques budgétaires et le bien-être des
femmes ;
– étudie les effets de répartition des recettes et des dépenses des hommes et
des femmes ;
– veille à répondre de manière équitable aux besoins pratiques et stratégiques
des femmes et des hommes de différentes couches de la société ;
– vise à réduire les inégalités socio-économiques entre ces couches et à
considérer les principes de l’équité et de l’égalité.
Dans un contexte de discrimination et d’exclusion basées sur le genre, la BSG
constitue un outil pour garantir que :
– les priorités des femmes pauvres sont reflétées non seulement dans les
politiques, plans et programmes, mais aussi dans les allocations budgétaires,
dépenses et revenus ;
– les acteurs, organisations, systèmes et processus budgétaires reflètent mieux
les intérêts des femmes pauvres et fournissent un espace à la voix des femmes, la
transparence et la responsabilité envers les engagements sensibles au genre.
Dans le contexte des PSM, il y a le Maroc qui est le plus avancé, son initiative
de BSG a commencé depuis près de cinq ans, il est soutenu par l’UNIFEM. Il serait
intéressant, que l’expérience du Maroc se généralise à l’ensemble des PEM.
Notre proposition dans ce cadre consiste dans les sous actions suivantes pour
chaque PSM.
Sous-action (5.1) : Réaliser une Réforme Budgétaire introduisant la BSG.
Sous action (5.2) : Un Appui Institutionnel à la Comptabilité Nationale pour
la prise en compte du travail non rémunéré des ménages et l’élaboration d’un
compte satellite ménage de la production non marchande.
Sous-action (5.3) : Généraliser les Enquêtes Budget temps dans tous les
PSM.

(14) Définition de l'atelier sur la BSG (UNIFEM, Rabat 2009) ; S. Saïdi et Fazouane.
102 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Références
Banque mondiale, 2004, Inégalité entre les sexes et développement au Moyen-Orient
et en Afrique du Nord.
BIT, 2008, Tendances mondiales de l’emploi, Genève
BIT, 2008, Rapport sur le travail dans le monde, les inégalités de revenu à l’épreuve
de la mondialisation.
CES en France, 2005, « Les droits des femmes dans le PEM », France.
Collectif 95 égalité et GTZ, 2006, « Le travail des Maghrébines, l’autre enjeu »,
Rabat.
Euromesco, 2006, « Les femmes en tant que participantes à part entière à la
Communauté euro-méditerranéenne d’États démocratiques ».
Forum économique des femmes, 2008, « The Global Gender Gap », World
Economic Forum, 2008, The Global Gender Gap.
Cassina, Giacomina, « Rôle des femmes dans la vie économique et sociale et
leur intégration dans le marché du travail », Comité économique et social
européen.
OCDE, Perspectives de l’emploi 2007.
Naciri, Rabéa et Isis Nusair, 2003, « L’intégration des droits des femmes au Moyen
Orient et de l’Afrique du nord dans le Partenariat euro-méditerranéen ? »,
REMDH.
REMDH, 2009, Rapport parallèle sur la mise en œuvre du plan d’action d’Istanbul,
« l’égalité des sexes dans la région euro-méditerranéenne : du plan d’action à
l’action ? »
Nations Unies, 22-10-2009, document internet de la deuxième commission de l’AG,
sur l’autonomisation économique des femmes.
UNIFEM, 2008-2009, Qui est responsable devant les femmes ?
UNIFEM, atelier Budgétisation sensible au Genre, Rabat 2009
Site RWEL. Programme EuroMed : rôle des femmes dans la vie économique
est le premier Programme régional de la Commission européenne axé sur
l’autonomisation économique des femmes.
La politique européenne de voisinage et 
les initiatives en matière d’emploi, de migrations
et de politiques sociales au sud et 
à l’est de la Méditerranée
Erwan Lannon *

Introduction
Cette étude porte au sens large sur les questions socio-économiques des
relations euro-méditerranéennes et plus particulièrement sur la Politique
européenne de voisinage, les questions des migrations et des politiques d‘emploi
et de formation et les perspectives dans le domaine social au sens large. Il s’agit
de faire un état des progrès réalisés dans ces domaines pour ensuite faire une
série de propositions concrètes.
L’accent est mis sur les programmes ou initiatives menées dans le cadre de la
Politique Européenne de Voisinage (PEV) telles que mise en place progressivement
ces dernières années. Les propositions sont de nature opérationnelle. C’est la raison
pour laquelle cette analyse se focalise sur les Programmes Indicatifs Nationaux
(PIN) et les Documents Stratégie Pays (DSP) des partenaires méditerranéens dans
la mesure où il s’agit précisément de document à vocation opérationnelle.
La PEV doit être lue aujourd’hui au travers les déclarations issues du sommet
de Paris pour la Méditerranée du 13 juillet 2008 et de la réunion des ministres
euro-méditerranéens des affaires étrangères de Marseille des 3 et 4 novembre
2008. C’est dans ce nouveau contexte que vont se développer certaines des futures
initiatives socio-économiques prévues dans le cadre des propositions de PIN qui
seront analysées dans le cœur de cette étude.
Au niveau de la déclaration conjointe de Paris, les chefs d’Etat ou de
gouvernement font directement référence à la question de l’emploi, que « la
volonté résolue des partenaires de favoriser le développement des ressources humaines
et l’emploi, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement ». La
« promotion des droits économiques, sociaux », est aussi évoquée et il faut rappeler
que parmi les projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée (UpM) figure
« l’Enseignement supérieur et recherche, université euro-méditerranéenne ». Il
est souligné à ce propos qu’« une attention particulière devrait être accordée à
l’amélioration de la qualité et à l’adéquation entre la formation professionnelle et les
besoins du marché du travail ».

* Université de Gand, Collège d’Europe et Institut d’Etudes et de Sécurité de l’UE.


104 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Autre projet prioritaire de l’UpM qui touche directement les questions socio-


économiques : ‘l’initiative méditerranéenne de développement des entreprises’
qui vise « à aider les entités des pays partenaires qui apportent déjà un soutien aux
micro-entreprises et aux petites et moyennes entreprises en évaluant les besoins de
ces entreprises, en définissant des solutions stratégiques et en fournissant à ces entités
les ressources nécessaires sous la forme d’une assistance technique et d’instruments
financiers ».
La Réunion des ministres euro-méditerranéens des affaires étrangères de
Marseille des 3 et 4 novembre 2008, outre les précisions apportées au niveau
de la nouvelle structure institutionnelle de l’UpM (), a permis aux ministres
d’adopter un ambitieux programme de travail pour 2009. Diverses réunions ayant
un impact direct ou indirect sur l’emploi ont ainsi été prévues () mais les ministres
soulignent surtout que la première conférence des ministres de l’emploi et du
travail, « sera une occasion unique de définir une véritable dimension sociale dans
le partenariat, fondée sur une approche intégrée associant croissance économique,
emploi et cohésion sociale ». L’ordre du jour de cette conférence est précisé à cette
occasion. Concernant les « migrations », les ministres ont aussi réaffirmé qu’ils
s’engagent à « faciliter la circulation légale des personnes ».
Conformément à la Déclaration de Marseille et faisant suite à deux réunions
préparatoires (), la première Conférence euro-méditerranéenne des ministres
de l’emploi et du travail de Marrakech (9 et 10 novembre 2008) a débouché sur
l’adoption d’un cadre d’action qui devrait contribuer à l’intégration d’une véritable
dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen. Les ministres de l’emploi et
du travail ont notamment proposé :
i) la mise ne œuvre d’une « approche intégrée combinant de manière indissociable
la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et environnementale
ainsi que la politique d’éducation et formation » () ;

() Un système de Sommets bisannuels des Chefs d’États et de Gouvernement ; – un système de


coprésidences qui s’appliquera à tous les sommets, à toutes les réunions ministérielles et aux réunions de
hauts fonctionnaires ; – Un Comité renforcé de hauts fonctionnaires (traitant tous les aspects de l’initiative,
préparation les réunions ministérielles et soumissions des propositions de projets ; – programmation
annuelle) ; – Un Comité permanent conjoint (basé à Bruxelles) apportera son concours aux réunions des
hauts fonctionnaires et fera le suivi ; – un Secrétariat sera chargé de l’identification et du suivi des projets de
l’UpM, de la promotion de nouveaux projets et de la recherche de fonds et de partenaires pour leur mise
en œuvre.
() 1re réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur les projets de développement durable, la 2e réunion
ministérielle euro-méditerranéenne sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, la 2ème
réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, et
enfin la 1ère réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur le développement humain.
Les ministres détaillent avec précision les autres domaines de coopération pour 2009 et mentionnent dans
le cadre de la coopération sociale, humaine et culturelle (point III. D), la nécessité de « définir une véritable
dimension sociale ».
() La conférence euro-méditerranéenne sur le dialogue social, tenue à Berlin en mars 2007 et l’atelier
euromed sur l’emploi des 12 et 13 décembre 2007.
() Point 11.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 105

ii) la mise en place d’une approché inclusive avec les plans et stratégies existants
au niveau « interne » de l’UE (stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi,
Stratégie européenne de l’emploi) et la promotion du « travail décent pour tous dans
les relations extérieures de l’UE, surtout dans le cadre de sa politique européenne de
voisinage (PEV) et du processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » ;
iii) la promotion de l’application des normes et des cadres politiques
internationaux établis au sein de l’OIT et de l’ONU dans les domaines de l’emploi,
du travail décent et du développement durable » () ;
iv) la création d’un cadre d’action euro-méditerranéen dans le domaine de
l’emploi, de l’employabilité et du travail décent.
Reste maintenant à vérifier si ces objectifs se retrouvent au niveau opérationnel.
L’étude qui suit est de nature prospective. Elle s’appuie donc essentiellement
sur les « concept notes » qui servent de base de réflexion pour la période 2011-
2013 et qui doivent donc prendre en compte les objectifs de dernières réunions
intergouvernementales euro-méditerranéennes.
Il faut préciser que sont étudiés ici les concepts notes de la Tunisie, du Maroc,
de l’Algérie, de la Syrie, de l’Egypte, de la Jordanie et du Liban. Celle des territoires
palestiniens n’était pas, au moment ou ce policy paper a été rédigé, disponible
et la situation socio-économique d’Israël fait que ce pays est intégré dans la
catégorie des pays développés et donc les actions de coopération se limitent à
des domaines très spécifiques. La Turquie qui est toujours membre du Partenariat
EuroMed-Union pour la Méditerranée ne bénéficie pas de l’IEVP mais des fonds
dévolus à la stratégie de pré-adhésion.

I. Les « Concepts notes »


Les concepts notes sont des instruments non-juridiquement contraignant
qui permettent à la Commission européenne de préparer les futurs programmes
indicatifs nationaux.

A. L’objectif des « Concepts notes »


L’objectif des « concept notes » est d’entamer une réflexion au sein de la
Commission européenne en vue de la préparation des PIN de 2011-2013. Les PIN
indiqueront, en effet les secteurs et programmes prioritaires de la coopération
de la Commission pour la période 2011-2013 pour l’ensemble des pays arabo-
méditerranéens.
Les organisations de la société civile doivent jouer un rôle important dans le
cadre de la PEV notamment au niveau du suivi de la mise en œuvre des plans
d’action. Ceci est particulièrement important en termes de co-appropriation et
de bonne gouvernance.

() Point 14.


106 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

La révision des DSP se fait donc en consultation avec des acteurs tels que les
administrations nationales, des partenaires locaux et des organisations de la société
civile le processus étant mené par la DG RELEX de la Commissions européenne et
les délégations dans les pays partenaires ().

B. La Concept Note Tunisie Programme Indicatif National 2011-2013

1. Le DSP Tunisie 2007-2013


Le DSP 2007-2013 a identifié pour la coopération de l’UE avec la Tunisie un
certain nombre de secteurs dont :
i) Le développement de conditions propices à l’investissement privé, au 
développement d’entreprises compétitives (PME), la croissance, la résorption 
du chômage et le développement rural durable ;
ii) Le développement de conditions propices aux trois volets du développement 
durable (environnemental, social, économique) ;
iii) Le développement de l’éducation et de la formation, de l’enseignement 
supérieur et de la recherche scientifique ;
iv) Le renforcement des programmes sociaux tout en maintenant les équilibres 
budgétaires.
La panoplie d’initiatives envisageables est assez vaste. Elles doivent également
prendre place dans un contexte particulier.

2.  Le contexte socio-économique


Le document de la Commission européenne souligne qu’en qui concerne les
événements qui ont eu une influence sur la situation socio-économique tunisienne,
il faut noter :
i) la hausse du prix des produits agricoles et du prix des produits pétroliers ;
ii) la flambée des prix des produits alimentaires.
Ceci a limité les marges de manœuvre en matière de politique fiscale et de
financement public de l’investissement. La crise financière et économique a un
impact indéniable sur l’économie réelle. Pour la Commission européenne ceci
« renforce la nécessité d’un approfondissement de l’intégration économique
tunisienne à l’UE (notamment dans les secteurs des services et des produits
agricoles). L’importance de l’appui aux politiques sociales et la production
alimentaire, qui restent une priorité pour la Tunisie, totalement partagée par l’UE,
pourraient être prise en compte dans le PIN 2011-2013 ().

() The Mid-Term Review of ENPI Strategy Papers and Indicative Programmes, Information Note for Civil
Society Organisations.
() Concept note, Tunisie, page 3.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 107

Il faut également relever que la migration en provenance de la Tunisie mérite


plus d’attention, même si « le gouvernement a développé une politique de lutte
contre la migration illégale et d’accompagnement de la migration légale » ().

3. Les évolutions de la Tunisie


En ce qui concerne les « changements dans le pays », la Commission constate
que :
i) Malgré le niveau élevé du chômage et l’augmentation des prix alimentaires, 
le Gouvernement considère qu’il pourra maintenir la stabilité sociale ;
ii) Le taux de chômage reste une préoccupation fondamentale pour le 
Gouvernement, surtout en ce qui concerne les jeunes diplômés, notamment 
en cette période de récession économique ;
iii) Le Gouvernement est déterminé à poursuivre des politiques visant à 
alléger ces tensions, vu que la stabilité sociale est la base essentielle du consensus 
politique () ;
iv) Les autorités cherchent également à promouvoir le développement régional 
afin de réduire des disparités socio-économiques tunisiennes, surtout par 
les aides à l’investissement mais aussi à renforcer le commerce régional 
intra-med (Accord d’Agadir, Cumul PanEuroMed) ;
v) La définition d’une « feuille de route » euro-méditerranéenne sur le 
commerce à l’horizon 2010 et au-delà permettra de réaliser les trois 
objectifs principaux suivants : (i) diversifier et améliorer les échanges 
commerciaux, (ii) encourager l’intégration économique et industrielle 
régionale et (iii) promouvoir les investissements européens ;
vi) Les transferts des Tunisiens travaillant à l’étranger ont augmenté fortement 
ces dernières années à un milliards d’euros en 2008 (10).

4. La coopération financière et les problèmes rencontrés par la Commission


En ce qui concerne la coopération financière la Commission européenne
précise que parmi les secteurs dans lesquels la coopération communautaire est
la plus effective figure l’éducation et formation, des réformes économiques et de
l’appui au secteur privé.
Par contre la « mise en œuvre des programmes concernant la démocratie et
droits de l’homme, État de droit et gouvernance s’est révélée parfois difficile »
d’autant plus que l’IEVP, « sous-entend une plus forte responsabilisation du pays
partenaire ». La participation de la société civile (au sens large) dans l’élaboration
et la mise en œuvre des programmes et projets est restée jusque là faible et est
à développer (11).

() Concept note, Tunisie, page 3.


() Concept note, Tunisie, page 5.
(10) Concept note, Tunisie, page 6.
(11) Concept note, Tunisie, page 6.
108 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

5. Les priorités et les problèmes clés susceptibles d’être réglés


Parmi les possibles principaux axes du PIN 2011-2013 figurent notamment :
i) la gouvernance économique et la compétitivité des entreprises, notamment
dans le secteur industriel et dans le secteur des services ;
ii) l’emploi et la protection sociale, notamment la modernisation des systèmes
de retraite, des amortisseurs sociaux, des requalifications des chômeurs suite à des
restructurations d’entreprises pour une lutte accrue contre le chômage structurel
qui demeure élevé. Ceci s’inscrirait dans la continuité des interventions du passé
(assurance maladie, enseignement supérieur, éducation secondaire, formation
professionnelle, adéquation éducation-emploi).
Il est souligné que la lutte contre le chômage ainsi que la création de l’emploi
sont des priorités très importantes pour le gouvernement.

6. Conclusions
Contrairement à d’autres concept notes la Commission européenne ne fournit
pas de ventilation budgétaire moyenne annuelle par secteur prioritaire. Ceci pose
un problème pour effectuer une analyse comparative (V. tableau à la fin de l’étude)
et pour affiner l’analyse.
On peut toutefois constater le lien important entre la stabilité politique et la
situation socio-économique qui est mentionné par la Commission européenne. La
protection sociale et la lutte contre le chômage demeurent des priorités essentielles
qui prennent en compte les priorités nationales de la Tunisie.
Il faut toutefois aussi noter que la Commission européenne souligne que la
« participation de la société civile (au sens large) dans l’élaboration et la mise en
œuvre des programmes et projets est restée jusque là faible et est à développer ».
Les initiatives concernant les questions migratoires ne sont pas très visibles.

C. La Concept Note Maroc Programme Indicatif National 2011-2013


1. Le DSP Maroc 2007-2013 et le statut avancé
Il faut tout d’abord remarquer que parmi les 5 grands axes prioritaires du
DSP 2007-2013 figure le « le développement des politiques sociales » ; et la « la
modernisation économique ».
La Commission européenne précise que parmi ces priorités identifiées dans le
DSP, des programmes en cours (ou en préparation) au cours de la période 2007-
2010 notamment dans « les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice, de
la formation professionnelle » seront prolongés pendant la période couverte par
le PIN en préparation.
De plus, il est souligné que le Conseil d’association UE/Maroc a adopté le
13 octobre 2008 le « statut avancé » qui « représente une feuille de route pour
le développement des relations entre l’UE et le Maroc au cours des prochaines
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 109

années ». Ce dernier fixe en effet de « nouveaux objectifs dans de nombreux


domaines » (12).

2. La liste préliminaire des programmes et projets qui pourraient être mis en


œuvre durant la période 2011-2013
La « concept note » du Maroc contient liste préliminaire de programmes et
projets qui pourraient être mis en œuvre pendant la période 2011-2013. Il faut
retenir à cet égard :
i) Au niveau des politiques de développement des politiques sociales :
– Programme de soutien et de modernisation du marché de l’emploi et du 
dialogue social (programme sectoriel ; appui nécessaire pour accompagner ce
chantier de réforme notamment la modification en cours du cadre législatif et
sa mise en œuvre) ;
– Prévention de l’habitat insalubre (Suite du programme « résorption et prévention
de l’habitat insalubre » qui vient à échéance et a eu des résultats positifs ; objectifs :
lutte contre la pauvreté en milieu urbain ; équilibrage socio-économique) ;
– Programme de développement rural intégré dans le Nord (Aspect social,
migration, environnement, régional ; approche projets) ;
ii) En ce qui concerne la Modernisation économique
– Programme complémentaire de soutien à la réforme agricole (en ce 
compris un volet SPS) (Réforme prioritaire pour le pays ; viendrait en complément
du programme de 2010).

3. Conclusions
Il y a de toute évidence une volonté de poursuivre les programmes en cours
sur les priorités traditionnelles du Maroc même si la Commission européenne
mentionne clairement les nouveaux objectifs du statut avancé sans toutefois
élaborer sur ce sujet ce qui paraît regrettable car au plan opérationnel le statut
avancé semble avoir, en tous cas pour l’instant peu d’impact.
Ici aussi il n’y a pas d’indications en ce qui concerne la ventilation des
enveloppes annuelles moyennes par secteur.

D. La Concept Note Algérie Programme Indicatif National 2011-2013


Pour ce qui est de l’Algérie il faut tout d’abord préciser que ce pays ne fait
pas partie intégrante de la PEV. Ceci signifie qu’il n’y a pas de plan d’Action PEV
pour l’Algérie.

(12) Concept note, Maroc, page 1.


110 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les relations euro-algériennes se fondent donc sur l’Accord d’association


et une « Feuille de route » (13) agréé avec l’Algérie qui établit, à l’instar d’un
plan d’action, des objectifs et priorités par rapport à des secteurs d’intérêt
commun.

1. Coopération financière – Enseignements de la coopération passée


La Commission européenne précise à ce sujet que parmi les projets menés avec
succès figurent : Appui aux PME ; Education ; Appui aux associations algériennes
de développement (ONG I et ONG II) ; et Modernisation de la Police Algérienne ;
Modernisation et Assistance à la Reforme Administrative (MARA).
La Commission souligne toutefois que « tous les programmes restent
essentiellement en modalité « projet » ce qui, non seulement demande un effort
accru de gestion, mais pose également des limites en termes de déboursement
et de pérennisation des résultats ».
C’est pourquoi la Commission envisage pour 2011-2013 de mettre en place un
« dispositif d’acheminement de l’aide plus efficace et qui permettrait d’accroire
l’appropriation de l’Algérie et l’implication d’autres bailleurs de fonds » (14).

2. Premières orientations pour 2010 et 2011-2013

i) Pour 2010
La Commission entend se concentrer sur des programmes à caractère
économique (Programme d’appui au secteur des travaux publics ; Programme
d’appui aux dispositifs nationaux de contrôle sanitaire et phytosanitaire des
produits agricoles et de la pêche ; Programme d’appui à la mise en place d’un
système statistique dans le secteur de l’habitat et l’urbanisme, Programme de
contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics de la
santé).

ii) Les premières orientations du PIN 2011-2013


Trois programmes sont envisagés par la Commission dans le cadre du PIN
2011-2013 :
– 2011 : Un vaste programme « Environnement » Un Programme ONG III pourrait 
pérenniser et propager les acquis des programmes antérieurs ;
– 2012 : Un Programme « Diversification de l’économie II, plus axé sur le
Patrimoine » (restauration des sites, gestion et formation des guides), en continuité
avec DIVECO I, volet tourisme, dans la perspective de l’exploitation touristique.
Les sujets économiques évoqués (environnement des affaires, exportations hors

(13) « Le 1er Comité d’association UE-Algérie s’est tenu à Alger le 16 septembre 2008. Conformément au
mandat du Conseil d’association UE-Algérie du 10 mars 2008, une « Feuille de route d’accompagnement de
l’Accord d’association » a été adoptée lors de cette réunion. » Concept note Algeria, p. 1.
(14) Concept note Algérie, p. 5.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 111

hydrocarbures et concurrence) se prêteraient plutôt à être pris en charge de


façon continue et flexible par le P3A. Plus peut être un Programme « Transports II » 
(y inclus l’aérien).
– 2013 : Un P3A III, Programme d’accompagnement de la Feuille de route, plus, peut
être, un Programme « Diversification de l’économie/Douanes » avec le Ministère des
Finances qui prendrait tout son sens dans le cadre du démantèlement tarifaire et
qui pourrait également contribuer au développement des services électroniques
des moyens de paiement du même Ministère.

3. Conclusions
Les priorités sont ici un peu floues. La Commission européenne se réfère plutôt
à des programmes. Ceci semble résulter de l’absence de plan d’action PEV qui a
justement pour objectif de définir clairement les priorités de la coopération. La
feuille de route semble donc ne pas combler ce vide.
D’autre part il faut signaler que la question des migrations internationales a
fait l’objet d’un paragraphe assez développé. La concept note souligne en effet
que l’Algérie vient d’adopter « une nouvelle loi le 25 juin 2008 réformant les règles
concernant la gestion des frontières, la concession des visas, le traitement des
migrants clandestins et les demandeurs d’asiles » et que l’UE « est très intéressée
à coopérer avec l’Algérie dans tous les aspects de la migration d’une manière
articulé et équilibré, conformément à sa politique de l’Approche Globale sur 
la migration, ainsi qu’aux délibérations des conférences d’Albufeira et de
Lisbonne » (15).

E. La note conceptuelle du Programme indicatif national syrien 2011-


2013 (Avril 2009)
1. Les objectifs stratégiques de l’UE pour les années 2011-2013
Trois actions prioritaires ont été identifiées pour la durée de 2007 à 2013 :
i) soutien aux réformes politiques et administratives ;
ii) soutien aux réformes économiques ;
iii) soutien aux réformes sociales.
Comme l’a rappelé la Commission Européenne, le Document stratégie pays (CSP)
s’inspire des dispositions du « projet d’Accord d’Association dont la signature est en
attente depuis 2004. Cet accord vise à préparer le pays à une pleine participation
dans la Politique Européenne de Voisinage à moyen terme (16) ».

(15) Concept note Algérie, p. 8.


(16) Note conceptuelle de Syrie, p. 1.
112 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

2. Principaux défis ou obstacles


Plusieurs défis sont identifiés au niveau de la réforme de l’administration,
de la poursuite du processus de décentralisation, du renforcement de l’Etat de
droit, d’une participation accrue de la société civile et du respect des droits de
l’Homme.
L’économie syrienne doit faire face à plusieurs « sérieux » défis, dont :
– la mise à niveau des entreprises syriennes (un programme financé par la CE 
va prendre en charge cette questions en 2010) ;
– l’ouverture à d’autres marchés (la Chine, les accords de libre échange avec la 
Turquie et le Conseil de Coopération des Pays du Golfe) ;
– les effets de la crise financière mondiale.
– les perspectives de l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association entre l’UE 
et la Syrie pour les industries syriennes ;
– les insuffisances en matière de compétitivité et de capacité d’exportation 
des entreprises (17).
Au niveau social, les « effets sociaux de la transition économique et de la crise
mondiale demeurent un défi majeur ». Ce problème est d’autant plus critique dans
les zones rurales (18). A ce jour, la plupart des interventions de la CE ont ciblé les
réformes au niveau national et se sont focalisées sur les zones urbaines.

3. Perspectives offertes par le nouvel Accord d’Association


Dans le domaine du soutien aux réformes politiques et administratives,
la Commission élaborera un programme d’appui à la mise en œuvre du futur
accord. De même, des instruments tels que le Jumelage et le TAIEX, seront 
utilisés pour la construction institutionnelle et l’approximation légale et pour
s’attaquer aux insuffisances en matière de conception et de mise en œuvre des
réformes (19).
Concernant le soutien aux réformes économiques, la Commission mettra
l’accent sur :
i) l’amélioration du climat des affaires ;
ii) l’appui aux petites et moyennes entreprises et la mise à niveau des 
entreprises ;
iii) la compétitivité des entreprises syriennes et l’élargissement du champ 
de soutien en vue de l’étendre à d’autres secteurs ou à de nouveaux secteurs 
de l’économie.
S’agissant de l’appui aux réformes sociales, la CE signale qu’elle a financé « un
certain nombre de programmes dans les domaines de la santé, de l’éducation

(17) Note conceptuelle de Syrie p. 1.


(18) « La sécheresse des deux années passées a sérieusement affecté le secteur agricole, principale source
de revenu dans ces régions. »
(19) Note conceptuelle de Syrie, p. 3.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 113

et de la formation professionnelle pour mieux adapter la demande du marché


de l’emploi à l’offre. » Ainsi, « dans les domaines de l’éducation, de la formation
professionnelle, de la protection sociale et de la santé », les programmes se
poursuivront jusqu’en 2012 ou 2013. Toutefois, l’accent « pourrait être dirigé au
cours de la prochaine période vers les problèmes des disparités régionales et de
pauvreté, à travers des interventions ciblées et intégrées dans les zones les plus
pauvres et les zones rurales ».

4. Priorités d’interventions envisageables entre 2011-2013


Il est prévu que la « subvention annuelle de la CE pour la Syrie soit égale ou
supérieure à la moyenne annuelle actuelle de 32,5 millions € ».
Les domaines d’intervention pour 2011-2013 peuvent être choisis parmi les
priorités suivantes :

i) Soutien aux réformes politiques et administratives


L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 30 % (comparée
aux 23 % des années 2007-2010).
Il est prévu :
– d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord d’Association ;
– de renforcer les capacités des organisations de la société civile pour une 
meilleure participation au processus de réforme et de développement.

ii) Soutien aux réformes économiques


L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 50 % (comparée
aux 38 % des années 2007-2010)
Les programmes suivants sont envisagés :
– deux programmes déjà inscrits dans le Programme indicatif national de 2007- 
2010 sur l’amélioration du commerce et la simplification du climat des affaires 
vont accompagner le processus de libéralisation du commerce ;
– en 2010 un programme vise à promouvoir le développement des affaires, y 
compris la transformation des entreprises appartenant à l’Etat en sociétés ;
– un programme visant à promouvoir la compétitivité et la productivité des 
entreprises (notamment les PME) va stimuler l’entreprenariat, le développement 
des compétences, la promotion de l’innovation, la recherche et développement, 
la diversification de la production et le développement des marchandises à 
grande valeur ajoutée ;
– la Commission pourrait appuyer un programme pour aider les autorités 
syriennes à élaborer une stratégie énergétique globale à long terme (20).

(20) Ce programme pourrait être basé sur « un cadre législatif et réglementaire approprié comprenant des
mesures visant à promouvoir l’efficacité énergétique, destiné à tous les secteurs de l’économie et l’utilisation
ou le développement des sources d’énergie renouvelable. Ces interventions devront être coordonnées
avec les projets régionaux actuels et programmés de la CE dans ces domaines et avec les bailleurs de fonds
et les IFI qui opèrent dans ces domaines ». Note conceptuelle de Syrie, p. 4.
114 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

iii) Soutien aux réformes sociales :


L’enveloppe bilatérale pour cette priorité devrait atteindre les 20 % (comparée
aux 31 % des années 2007-2010).
La Commission pourrait soutenir un programme visant à encourager le
développement durable des zones rurales et lutter contre la pauvreté à travers
le renforcement de la compétitivité de l’agriculture, une meilleure gestion des
ressources naturelles, la croissance économique et la diversification (21).

5. Conclusions
Il semble qu’il existe ici une réelle volonté de réorienter la coopération vers les
zones rurales et d’anticiper l’entrée en vigueur de l’Accord d’Association. Toutefois,
on ne sait pas avec certitude quand cet accord sera finalement signé étant donné
le contexte actuel.
Les priorités sont clairement identifiées. Pour la dimension socio-économique
y compris la société civile, la pauvreté est une préoccupation majeure. Toutefois,
on devrait noter la baisse de la part de l’enveloppe financière accordée au soutien
aux réformes sociales (20 % comparée à 31 % pour 2007-2011). Une augmentation
de cette part serait très bénéfique pour les réformes économiques, politiques et
administratives.

F. La note conceptuelle du Programme Indicatif National de Jordanie


2011-2013
1. Objectifs et stratégie de l’UE pour 2011-2013
Selon la Commission Européenne, les quatre objectifs stratégiques du CSP
2007-2013 formeront la base de la nouvelle programmation :
1. Réformes politiques et bonne gouvernance ;
2. Promotion du commerce et de l’investissement ;
3. Durabilité du processus de développement ;
4. Construction institutionnelle, stabilité financière et appui à l’approximation 
régulatrice.

2. Principaux défis et obstacles


Les problèmes suivants ont été identifiés par la Commission Européenne dans
le domaine socio-économique :
i) Les niveaux de pauvreté et de chômage demeurent élevés et l’écart entre 
riches et pauvres continue de croître ;

(21) Le programme « veillera à ce que les préoccupations environnementales et les questions liées aux
changements climatiques ainsi que l’élaboration de normes de production de qualité et de commercialisation
dans le secteur agricole soient prises en considération. » Note conceptuelle de Syrie, p. 4.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 115

ii) Le taux de femmes économiquement actives demeure très bas comparé à 


la population active totale et stagne aux environs de 14,5 %.
iii) Les programmes d’enseignement ne sont pas bien adaptés à la demande 
du marché du travail ;
iv) La Jordanie est fortement dépendante des importations pour satisfaire ses 
besoins en énergie et demeure l’un des quatre pays au monde les plus 
pauvres en ressources hydriques
v) Le secteur public en Jordanie a besoin de renforcer ses capacités à élaborer 
et mettre en œuvre des stratégies.

3. Priorités pour 2011-2013


La Commission Européenne prévoit une allocation minimale de 66,25 millions €
par an. Les priorités identifiées à ce jour sont les suivantes :

i) Réformes politiques et bonne gouvernance :


10 à 15 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité
(comparés aux 6 % pour 2007-2010).
Un appui pourrait être accordé aux thèmes de « bonne gouvernance » (22)
et aux questions de « justice et de sécurité ».

ii) Développement du commerce et de l’investissement


20 à 25 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être accordés à cette priorité
(comparés aux 29 % pour 2007-2010)
Deux principales initiatives ont été identifiées :
– le soutien à la Facilitation du transport et du commerce se poursuivra, 
particulièrement dans le contexte du Plan d’Action régional sur le Transport 
pour la Méditerranée et la possibilité pour la Jordanie de choisir d’engager 
des négociations en vue de parvenir à un accord de libre échange profond 
et exhaustif avec l’UE ;
– concernant le secteur privé et le développement des exportations, la 
Commission se propose de mettre l’accent sur la promotion de la recherche 
et de l’innovation, la création d’un climat des affaires plus compétitif, 
l’amélioration des normes de qualité et l’établissement de liens avec l’Europe 
(par exemple à travers le réseau européen des entreprises « Enterprise Europe 
Network »).

iii) Durabilité du processus de développement


25 à 30 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité
(comparés aux 24 % pour 2007-2010).

(22) Développement de la société civile, démocratisation, promotion et protection des droits de l'Homme.
116 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Un appui pourrait être accordé :


– à la création d’un effet de bien-être de la croissance économique dans la 
mise en œuvre des stratégies et des lois jordaniennes en matière d’énergie, 
de gestion de l’eau, de réduction de la pauvreté, de développement local et 
de sécurité sociale ;
– au développement des ressources humaines, tout en continuant à intégrer 
des éléments de sécurité sociale ;
– dans le domaine du développement local, la Commission prévoit de soutenir 
le rôle et les capacités des parties prenantes locales dans la définition et la 
mise en œuvre des plans de développement local en vue d’aider à la mise 
en place de la stratégie du gouvernement de réduction de la pauvreté et de 
son programme de décentralisation ;
– selon la Commission, le développement des énergies renouvelables pourrait 
être accru d’une manière significative.

iv) Construction institutionnelle, stabilité financière et soutien à l’approximation


régulatrice :
– 35 à 40 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité 
(comparés aux 40 % pour 2007-2010).
Il est prévu :
– de continuer à soutenir la mise en œuvre du Programme de Plan d’Action 
et d’augmenter son enveloppe financière. Les domaines d’intervention 
pourraient comprendre la gestion du secteur de l’eau et les réglementations 
techniques de l’UE et les normes harmonisées ;
– d’appuyer la réforme de la gestion des finances publiques à la lumière 
de la situation budgétaire précaire continue et de la nécessité d’améliorer 
les mécanismes de contrôle interne.

4. Conclusions
Le volet social n’est pas suffisamment développé en tant que tel, mais plutôt
traité à travers la priorité de la « durabilité du processus de développement » qui
tirera profit d’une légère augmentation de l’enveloppe financière ; des questions
telles que la sécurité sociale, la pauvreté et les parties prenantes locales seront
traitées dans ce cadre.

G. La note conceptuelle du Programme Indicatif National du Liban


2011-2013
1. Objectifs et stratégie de l’UE pour 2011-2013
D’après la Commission Européenne, les principaux objectifs de la stratégie de
la CE au Liban pour 2011-2013 demeurent :
– l’appui aux réformes politiques au Liban ;
– l’appui aux réformes sociales et économiques ;
– l’appui à la reprise et à la redynamisation du pays.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 117

2. Principaux défis et obstacles


Parmi les nombreux défis identifiés par la Commission, il y a lieu de relever :
i) Le renforcement de l’autorité de l’État et de la règle de droit ;
ii) La capacité de l’administration centrale à élaborer et mettre en œuvre des 
politiques au niveau national (23) ;
iii) La fonction publique rencontre des difficultés pour attirer des fonctionnaires 
jeunes et qualifiés ;
iv) Le jumelage demeure sous-utilisé et il est nécessaire de déployer 
davantage d’efforts pour lancer des opérations budgétaires ou d’appui 
aux secteurs ;
v) Les réformes politiques, sociales et économiques en souffrance 
représentent un défi majeur pour le pays ;
vi) Les disparités sociales et régionales s’aggravent ;
vii) Plusieurs cas de « clientélisme » et de corruption continuent d’être 
signalés ;
viii) Le renforcement d’un système judiciaire indépendant et efficace est crucial 
pour le succès de nombreuses réformes ;
ix) Le pays doit encore faire face à des défis majeurs liés à la préservation 
de ses ressources naturelles et au développement de politiques d’efficacité 
énergétique ;
x) La faible coordination entre les institutions constitutionnelles ou entre 
les agences gouvernementales affecte la mise en œuvre des réformes.

3. Priorités
Pour la période entre 2011 et 2013, pas moins de 50 millions € par an devraient
être réunis pour soutenir les priorités spécifiques au titre du second PIN.
Trois priorités ont été identifiées :

i) Soutenir les réformes politiques au Liban


10 à 15 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à cette priorité
(comparés aux 12 % pour 2007-2010).
Les domaines prioritaires sont :
– la démocratie, la bonne gouvernance, les droits humains ou la protection des 
populations vulnérables par le biais de projets mis en œuvre par la société 
civile et en coopération avec l’administration centrale ;
– la sécurité et la justice : une assistance pourrait être apportée à des activités 
visant à réformer le secteur de la sécurité, tout en renforçant l’indépendance 
et la qualité du système judiciaire ou en appuyant la stratégie de gestion des 
frontières libanaises.

(23) Il y a une carence dans l'approche de programmation en matière de structures, de procédures et de


ressources humaines consacrées à l’élaboration et à la coordination des stratégies de réforme à moyen et
long terme.
118 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

ii) Soutien aux réformes sociales et économiques dans des domaines tels que :
50 % à 60 % de l’enveloppe bilatérale pourraient être consacrés à ce secteur
(comparés aux 46 % pour 2007-2010)
Cet appui vise à :
– soutenir les politiques stimulant la croissance, augmenter la compétitivité 
de l’économie libanaise et promouvoir l’innovation ;
– soutenir la réforme de la politique de l’éducation et de la recherche (y compris 
la formation professionnelle).

iii) Soutien à la reprise et à la redynamisation du pays :


Une part variant entre 30 % et 40 % pourrait être allouée au prochain PIN
(comparée à 42,5 % pour 2007-2010).
Cependant, une double priorité demeure :
– soutenir le développement régional et s’attaquer aux disparités régionales 
à travers la mise en place de stratégies de développement régionales et 
locales (24) ;
– aborder les problèmes de l’environnement et des changements climatiques 
à travers des activités ciblant la protection de l’environnement (en impliquant 
la société civile) ou en apportant une assistance aux réformes sectorielles et 
au développement des infrastructures (énergie, eau ou transport).

4. Conclusion
Il faut saluer ici la volonté de protéger les populations vulnérables par des
projets mis en œuvre par la société civile, une légère augmentation de l’enveloppe
pour le soutien aux réformes sociales et économiques, mais qui manquent d’une
dimension sociale stricto sensu et une baisse potentiellement plus importante de
l’enveloppe pour soutenir la reprise et la redynamisation du pays.
Il faut également souligner l’absence d’une dimension sociale et migratoire à
proprement parler.

G. La note conceptuelle du Programme Indicatif National d’Egypte


2011-2013
1. Objectifs stratégiques de la coopération UE-Égypte pour 2011-2013
Le PIN pour 2011-2013 sera élaboré en référence aux objectifs du Document
Stratégie Pays :
i) Soutenir les réformes de l’Égypte dans les domaines de la démocratie, des
droits de l’homme, de la bonne gouvernance et de la justice ;

(24) Y compris la mise en œuvre du Schéma Directeur d'Aménagement du Territoire en ciblant le


développement durable des zones rurales.
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 119

ii) Développer la compétitivité et la productivité de l’économie égyptienne ;


iii) Assurer la durabilité du processus de développement grâce à des politiques
sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion
des ressources naturelles.
De nouveaux éléments seront pris en considération, tels que les changements
climatiques, la migration ou la crise économique. Le prochain PIN sera appelé à
soutenir et à être « étroitement aligné sur les stratégies et programmes nationaux
de développement, et particulièrement le sixième plan quinquennal égyptien de
2008-2012 (25) ».

2. Principaux défis ou obstacles à la réalisation de ces objectifs


Les principaux défis identifiés par la Commission Européenne qui pourraient
être potentiellement traités dans le cadre du programme 2011-2013 et qui sont
d’importance pour l’analyse actuelle sont les suivants :

Compétitivité et productivité de l’économie égyptienne :


– Inverser la tendance au ralentissement de la croissance économique et à la 
hausse du chômage ;
– Développer davantage les liens commerciaux au plan régional et mondial ;
– Faire en sorte que les réseaux de transport et d’énergie réussissent à satisfaire 
la demande croissante.

Durabilité du processus de développement à travers des politiques sociales,


économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des ressources
naturelles
– Réduction des seuils de pauvreté
– Adaptation du système de l’éducation pour répondre aux besoins du marché 
du travail ;
– Protection des droits des travailleurs ;
– Inverser la tendance à la dégradation de l’environnement et des changements 
climatiques.

3. Les priorités devant être prises en charge durant le PIN 2011-2013


Il est prévu que l’aide bilatérale annuelle allouée à l’Égypte pour 2011-
2013 soit similaire au montant alloué au cours de la période de 2007-2010, soit 
142 millions €.

(25) Ce programme insiste sur : la stimulation de la croissance économique et l'amélioration du niveau


de vie des citoyens, la participation citoyenne, la préservation des richesses naturelles et la rationalisation
de leur usage, le développement de la compétitivité de l'économie égyptienne, les réformes politiques,
l'approfondissement de la démocratie, la réalisation de la stabilité sociale et l'amélioration du climat des
investissements.
120 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

i) Soutenir les réformes de l’Égypte dans les domaines de la démocratie, des droits
de l’homme, de la bonne gouvernance et de la justice.
Une part de 5-10 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être consacrée à ce
secteur (comparée à 7 % pour 2007-2010).
– Appuyer les institutions, les politiques et les programmes de réforme qui 
contribuent à enraciner les droits fondamentaux de l’homme et les libertés, 
y compris les droits des femmes et des minorités ;
– Soutenir la tenue d’élections libres et honnêtes et aider la société civile à 
participer activement dans les processus politiques et à contribuer au 
processus législatif ;
– Promouvoir la protection des demandeurs d’asile politique et des catégories 
vulnérables de migrants ;
– Soutenir la rationalisation et le renforcement des capacités dans 
l’administration publique et promouvoir la déconcentration des pouvoirs au 
plan local en appuyant la réforme de la décentralisation ;
– Appuyer la réforme de l’appareil judiciaire en cours et promouvoir la culture 
du respect des droits humains dans les services de police et dans les prisons.

ii) Promouvoir la compétitivité et la productivité de l’économie égyptienne


Une part de 40 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être allouée à ce secteur
(comparée à 39 % pour 2007-2010).
– Soutenir l’établissement d’un environnement institutionnel et régulateur 
favorable aux affaires qui encouragerait l’innovation et le développement 
des PME.
– Renforcer les normes de productivité et de qualité du secteur agricole dans 
le cadre de la politique du développement rural durable.
– Renforcer les capacités d’exportation en soutenant le marché lié au commerce 
et les réformes régulatrices et en encourageant les échanges commerciaux 
au plan régional.
– Continuer à appuyer les réformes en cours dans le secteur du transport afin 
de réaliser une plus grande mobilité des personnes et des biens, promouvoir 
la sécurité dans les transports et une plus grande intégration de l’Egypte 
dans le système de transport euro-méditerranéen et les connections avec le 
réseau du transport transeuropéen ;
– Soutenir la mise en œuvre du protocole d’accord UE-Égypte sur l’énergie 
à travers la mise en place d’une stratégie énergétique nationale, 
l’accompagnement de la réforme du cadre législatif et le renforcement de 
la coopération énergétique régionale.

iii) Assurer la durabilité du processus de développement à travers des politiques


sociales, économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion
des ressources naturelles.
Une part de 50-55 % de l’enveloppe bilatérale pourrait être consacrée à ce
secteur (comparée à 54 % pour 2007-2010).
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 121

– Mettre l’accent sur les mesures en faveur des pauvres dans les programmes de 
réforme afin d’aider à réduire les seuils de pauvreté et soutenir le 
développement régional et rural.
– Continuer à appuyer la réforme de l’éducation, en mettant l’accent 
en particulier sur l’enseignement primaire et à soutenir les programmes 
d’apprentissage et de formation continus à l’esprit d’entreprise pour aider les 
chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes pour mieux répondre aux 
besoins du marché du travail.
– Soutenir le développement du marché du travail en vue de promouvoir 
l’emploi formel, les « emplois de qualité » et des systèmes appropriés de 
protection sociale.
– Encourager le développement durable en soutenant les politiques et les 
investissements qui garantissent un usage rationnel des ressources, 
promouvoir la protection de l’environnement et s’attaquer aux changements 
climatiques.

4. Conclusion
La part de l’enveloppe financière demeurera plus ou moins la même. Les
principaux volets sociaux figurent dans la troisième priorité intitulée « Assurer
la durabilité du processus de développement au moyen de politiques sociales,
économiques et environnementales efficaces et une meilleure gestion des
ressources naturelles ». La réduction de la pauvreté et le soutien au développement
du marché du travail en vue de promouvoir l’emploi formel, des « emplois de
qualité » et des systèmes appropriés de protection sociale sont clairement décrits
comme étant des questions prioritaire.
La volonté de continuer à soutenir la réforme de l’éducation qui vise à soutenir
les programmes d’apprentissage et de formation à l’esprit d’entreprise en vue
d’aider les chercheurs d’emploi à adapter leurs aptitudes en vue de mieux répondre
aux besoins du marché du travail.
Il y a une absence d’initiatives dans le domaine de la migration, particulièrement
depuis que la migration est considérée comme l’un des objectifs stratégiques de
la coopération UE-Égypte au cours de la période 2011-2013.
Tableau 1
Priorités PIN 2011-2013  au niveau socio-économique et ventilation budgétaire
Pays Priorité 1 pour PIN 2011-2013 Priorité 2 pour PIN 2011-2013 2011-2013
Algérie Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) Pas de plan d’action PEV (V. feuille de route) ?
Concentration sur des programmes à caractère économique. Concentration sur des programmes à caractère économique
Maroc Politiques de développement des politiques sociales. Modernisation économique. ?
Tunisie La gouvernance économique et la compétitivité des entreprises, L’emploi et la protection sociale, notamment la modernisation des ?
notamment dans le secteur industriel et le secteur des services. systèmes de retraite, des amortisseurs sociaux, des requalifications
des chômeurs et la lutte croissante contre le chômage structurel qui
demeure à un taux élevé.
Égypte Développer la compétitivité et la productivité de l’économie Assurer la durabilité du processus de développement par des 142 millions €
égyptienne 40 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 39 % politiques sociales et économique efficaces
pour 2007-2010). 50-55 % de l’enveloppe bilatérale (comparée aux 54 % pour
2007-2010).
Jordanie Développement du commerce et de l’investissement Durabilité du processus de développement 66,25 millions €
20-25 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 29 % pour 25-30 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 24 % pour 2007-
2007-2010) ; 2010).
– Soutien à la facilitation du transport et du commerce ; – Créer un effet de bien-être issu de la croissance économique ;
– Développement du secteur privé et des l’exportations. – Appui de la CE aux ressources humaines (intégration des éléments
de sécurité sociale) ;
– Développement local :la Commission entend renforcer le rôle et les
capacités des parties prenantes locales (stratégie gouvernementale
de réduction de la pauvreté et son programme de décentralisation).
Liban Soutien des réformes sociale et économique dans les domaines Soutien à la reprise et à la redynamisation du pays 50 millions € par an
tels que : 30-40 % pourraient être alloués au prochain PIN (comparés
50-60 % de l’enveloppe bilatérale (comparé aux 46 % pour aux 42,5 % pour 2007-2010).
2007-2010). – S’attaquer aux disparités régionales à travers l’élaboration de
– Soutien aux politiques qui contribuent à stimuler la croissance stratégies de développement régional et local - Activités visant la
– Soutien à la réforme de l’éducation et à la politique de la protection de l’environnement (en impliquant la société civile).
recherche (y compris la formation professionnelle).
Syrie Soutenir les réformes économiques Soutenir les réformes sociales 32,5 millions €
50 % (comparés aux 38 % pour 2007-2010). 20 % (comparés aux 31 % pour 2007-2010)
122 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 123

Tableau 2
Programmes liés aux questions sociales

Pays Programmes liés au champ de l’étude : récent ou envisagé pour le prochain PIN
(non exhaustif)
Algérie i) 2012 Programme « Diversification de l’économie II, plus axé sur le Patrimoine », en
continuité avec DIVECO I, volet tourisme, dans la perspective de l’exploitation touristique ;
ii) programme mise à niveau FP/emploi (2001-2008, 60 millions €) ;
iii) Programme de contractualisation entre la Sécurité sociale et les établissements publics
de la santé.

Maroc i) Programme de soutien et de modernisation du marché de l’emploi et du dialogue


social (programme sectoriel - appui nécessaire pour accompagner ce chantier de réforme
notamment la modification en cours du cadre législatif et sa mise en œuvre) ;
ii) Prévention de l’habitat insalubre (Suite du programme « résorption et prévention de
l’habitat insalubre » qui vient à échéance et a eu des résultats positifs ; objectifs : lutte
contre la pauvreté en milieu urbain ; équilibrage socio-économique) ;
iii) Programme de développement rural intégré dans le Nord (Aspect social, migration,
environnement, régional ; approche projets) ;
iv) Programme complémentaire de soutien à la réforme agricole (en ce compris un volet
SPS) (Réforme prioritaire pour le pays ; viendrait en complément du programme de 2010) ;
v) mise à niveau FP secteurs du textile, du tourisme et des NTIC (2003-2009, 50 millions €).
Tunisie i) Mise à niveau FP (1997-2006, 45 millions €) ;
ii) Appui sectoriel FP (2005-2008, 30 millions €) ;
iii) Création d’emploi (1999-2009, 6 millions €).

Egypte i) Réforme enseignement/formation technique et professionnelle (2002-2009, 33 millions €).


Jordanie i) Modernisation de l’enseignement technique et professionnel (2004-2008, 21 millions €).
Liban i) Modernisation de la formation pour l’emploi (5 millions €) ;
ii) programmes prévus pour appuyer les politiques d’encouragement à la croissance,
d’amélioration de la compétitivité de l’économie libanaise et de promotion de l’innovation ;
iii) programmes prévus pour appuyer la réforme de l'éducation et la politique de la
recherche (y compris la formation professionnelle).

Syrie i) Modernisation de l’enseignement technique et professionnel (2004-2008, 21 millions €).


ii Deux programmes de promotion du commerce et d’amélioration du climat des affaires ;
iii) en 2010, un programme est prévu pour promouvoir la création d’entreprises,
iv) programme visant à renforcer la compétitivité et la productivité des entreprises
v) programme d’appui au développement durable des zones rurales et de lutte contre la
pauvreté dans ces zones à travers l’amélioration de la compétitivité, une meilleure gestion
des ressources naturelles, la croissance économique et la diversification
124 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

II. Conclusions générales et propositions


1. Sur les concepts papers

Proposition 16
Développer des « concept papers type »

Une uniformisation et une amélioration de la qualité des « concept papers »


est souhaitable dans le sens d’une plus grande clarté et pour obtenir un meilleur
impact. En effet, dans certains, cas les ventilations budgétaires par secteurs ne
sont pas mentionnées ou pas suffisamment détaillées. Les enveloppes financières
globales annuelles ne sont pas non plus systématiquement mentionnées.
Certains concepts notes sont plus détaillés que d’autres. Il est donc nécessaire
de définir plus clairement, au niveau de la Commission des « concept papers type »,
plus détaillés, plus précis et basés sur un même modèle similaire afin de pouvoir
effectuer des analyses comparatives. Les projets terminés, dans le pipeline, en
cours ou prévus ne sont pas systématiquement référencés ce qui nuit à l’efficacité
de l’analyse et donc de la programmation et de la consultation de la société 
civile.

Proposition 17
Création de sous-comités « société civile » dans le cadre
des accords euro-méditerranéens

Il faut se poser la question de savoir dans quelle mesure, dans certains pays, la
société civile est vraiment en mesure de répondre aux sollicitations de la Commission
européenne pour qu’elle participe effectivement à l’élaboration à la mise en œuvre
et au suivi des programmes et projets. L’institutionnalisation de l’association de
la société civile par la création de sous-comités « société civile » dans le cadre des
accords euro-méditerranéens peut combler un certain déficit à cet égard.

Proposition 18
Diffuser les réponses et les propositions de la société civile
en réaction à la publication des concept papers, dans un vrai processus de
consultation et d’information publique

Il faut finalement noter qu’il existe des différences claires pour des pays ne
bénéficiant pas de plans d’action comme la Syrie ou l’Algérie qui ne sont pas partie
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 125

prenante à la PEV. Les priorités sont moins claires que pour de pays bénéficiant
de plans d’action PEV. Il conviendrait de remédier à cet état de fait en améliorant
les feuilles de route.

2. Sur l’emploi, les normes sociales et l’immigration


Les programmes concernant l’emploi en général et la formation en particulier
demeurent encore dans certains cas trop peu nombreux alors qu’ils figurent
clairement en tant qu’objectifs du partenariat notamment dans la Déclaration
de Barcelone. Il existe donc un décalage entre le discours et les instruments
opérationnels. Il convient donc de veiller à résoudre ce décalage (26).
La question de l’impact social des réformes entreprises par les partenaires
et la formation pour l’emploi est devenue progressivement un élément pris en
compte au niveau opérationnel de même que les questions de « l’insertion sociale »
ou les politiques sociales d’accompagnement. Il conviendrait de renforcer cette
tendance.
Il existe toutefois, au niveau des accords Euro-méditerranéens, une forte
différenciation en faveur des pays du Maghreb (Maroc et Tunisie), dans la mesure où
les dispositions des plans d’action PEV en matière de coopération sociale s’appuient
directement sur les dispositions contractuelles des accords euro-méditerranéens
d’association. Les dispositions sociales des accords conclus avec les trois pays du
Maghreb sont plus développées en la matière. D’autre part, dans certains cas, il 
n’y a pas de plan d’action (Algérie) ou d’accord d’association (Syrie) ceci se reflète
au niveau opérationnel et il convient de remédier à cet état de fait.
Les catégories prioritaires (migrants, jeunes, femmes) ne sont pas
systématiquement évoquées notamment en ce qui concerne leur accès à de
nouveaux emplois durables. Il faut donc remédier à cette situation.

Proposition 19 (27)
Généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché
de l’emploi et le dialogue social

Il y a eu une série d’actions gérées par la Commission en ce qui concerne la


« formation professionnelle » et les « politiques du marché de l'emploi » mais elles
demeurent trop limitées. Il faut donc renforcer un volet crucial dans le contexte
économique actuel et généraliser les programmes portant sur la modernisation
du marché de l’emploi et le dialogue social.

(26) Voir une revue des déclarations et initiatives dans le domaine social dans Erwan Lannon (2010) :
Védémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes, Fondation Friedrich Ebert, Rabat.
(27) Voir aussi les précisions contenues dans la proposition dans le même sens, sous le numéro 19 (voir
page 138), formulée dans la contribution d'Iván Martín ci-dessous.
126 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Proposition 20
Création d’un programme « EuroMed normes sociales »

La protection sociale et la lutte contre le chômage demeurent des priorités


essentielles et le lien est parfois réalisé entre la stabilité politique et la situation
socio-économique des partenaires (Tunisie). Il convient donc de renforcer cette
dimension des droits sociaux fondamentaux au niveau opérationnel. La création
d’un programme « EuroMed normes sociales » doit promouvoir l’introduction et
l’application effectives des normes sociales internationales et européennes. Très
peu d’éléments sont mentionnés au niveau des droits sociaux fondamentaux et
il convient, à travers cette proposition de programme, de contribuer à la diffusion
de l’information en matière de normes sociales et de créer des mécanismes de
suivi de l’intégration, par les partenaires, des normes sociales dans leurs dispositifs
juridiques nationaux et de veiller à l’application effective de ces normes sur le
terrain.

Proposition 21
Programmes liant les questions migratoires à celle
de l’emploi et des normes sociales

Le lien entre les questions sociales et l’emploi avec les politiques d'immigration
n’est pas toujours réalisé. Il convient donc de créer des synergies en la matière en
créant un ou des programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi
et des normes sociales. Ce ou ces programmes doivent avoir une dimension
transversale (emploi et normes sociales) et intégrée (dimension EuroMed et
politiques européennes internes).
Au niveau des migrations la situation varie beaucoup d’un partenaire à l’autre.
Il y a toutefois la volonté apparente de prendre en compte les migrations légales
et pas seulement les migrations illégales ce qui est fondamental dans le contexte
actuel.

3. Sur les dimensions externes des politiques internes européennes et


l’espace social euro-méditerranéen
Il faut développer systématiquement les synergies avec les dimensions externes
de l’Union européenne (questions intégrées). Ces dernières années des avancées
ont été obtenues en la matière. La première Conférence euro-méditerranéenne
des ministres de l’emploi et du travail de Marrakech de novembre 2008 a souligné
la nécessité de mettre en œuvre une « approche intégrée combinant de manière
indissociable la politique de l’emploi et les politiques économique, fiscale, sociale et
La politique européenne de voisinage et les initiatives en matière d’emploi… 127

environnementale ainsi que la politique d’éducation et formation » (28). D’autre part


il est prévu de mettre en place une approché inclusive avec les plans et stratégies
existants au niveau « interne » de l’UE (stratégie de Lisbonne pour la croissance et
l’emploi, Stratégie européenne de l’emploi).
Le principe de la création de synergies avec les dimensions externes des
politiques de l’Union européenne, qui doit encore être consacré, doit se fonder
progressivement sur des mécanismes opérationnels permettant de mettre en
pratique cette exigence. A cet effet il est proposé d’intégrer cette dimension dans
le cadre des futurs « concept papers ». Il serait alors envisageable de faire un état
des lieux de la prise en compte de ces politiques européennes internes au niveau
de la phase opérationnelle des relations euro-méditerranéennes.
De manière plus globale, il conviendrait de développer les propositions
mentionnées ci-avant dans un cadre global et en ayant une vision à moyen-long-terme
quant à la création progressive d’un véritable « espace social euro-méditerranéen ».

Proposition 22 (29)
Le lancement d’études prospectives sur la faisabilité
d’un « espace social euro-méditerranéen à l’horizon 2020 »
et un « Programme régional cadre » sur
« l’espace social euro-méditerranéen »

Le lancement d’études prospectives sur la faisabilité d’un « espace social euro-


méditerranéen à l’horizon 2020 » doit également être pris en compte en tant que
première étape vers la création d’un tel espace. Ces études doivent être par nature
interdisciplinaires, comparative et prospective. Elles doivent également inclure la
dimension externe des politiques internes de l’UE.
Le développement d’un « programme régional cadre » sur « l'espace social
euro-méditerranéen » peut contribuer à la cohérence et à la meilleure efficacité
des programmes et projets socio-économiques touchant à l’emploi aux questions
sociales y compris migratoires.
Fruit d’une importante collaboration inter-services au sein de la Commission
européenne et en coopération avec les ministères compétents des partenaires
ce « programme régional cadre » pourrait constituer l’armature administrative du
programme de réformes socio-économiques nécessaire à la mise en place d’un
véritable espace social euro-méditerranéen.
Il s’agirait finalement de préparer un « livre Blanc en vue de la création d’un
espace social EuroMed d’ici 2020 » à l’image de celui qui a conduit à l’édification
du Marché intérieur.

(28) Point 11.


(29) Voir aussi la proposition dans le même sens, également sous le numéro 22 (voir page 146), contenue
dans la contribution d'Iván Martín ci-dessous.
128 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Tableau 3
Synthèse des propositions opérationnelles

I. Sur les concepts papers et la consultation de la société civile

i) Développer des formats type de concept papers afin de faciliter l’analyse et


les synergies avec les sociétés civiles (intégrer systématiquement les ventilations
budgétaires précises, la liste des projets terminés, en cours et prévus etc.) ;
ii) Diffuser les réponses et les propositions de la société civile en réaction à la
publication des concept papers ;
iii) Institutionnalisation de l’association de la société civile par la création de sous
comités « société civile » dans le cadre des accords euro-méditerranéens ;

II. Sur l’emploi, les normes sociales et l’immigration

i) Généraliser les programmes portant sur la modernisation du marché de l’emploi


et le dialogue social ;
ii) Créer un programme « EuroMed normes sociales » pour promouvoir l’introduction
et l’application effectives des normes sociales internationales et européennes ;
iii) Développer les programmes liant les questions migratoires à celle de l’emploi
et des normes sociales.

III. Sur les dimensions externes des politiques internes européennes et l’espace
social euro-méditerranéen

i) Développer systématiquement les synergies avec les dimensions externes


des politiques internes de l’Union européenne en instituant des mécanismes
opérationnels au niveau des concepts papers ;
ii) Lancement  d’études sur la faisabilité d’un « espace social euro-méditerranéen à
l’horizon 2020 ».
iii) Développement d’un « programme régional cadre » sur « l’espace social euro-
méditerranéen »  et élaboration d’un « Livre Blanc en vue de la création d’un espace
social EuroMed d’ici 2020 ».
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne 
pour l’emploi et la mobilité
Iván Martín *

La Déclaration de Barcelone, ayant établi le Partenariat euro-méditerranéen


(PEM), en 1995 a mentionné parmi ses objectifs de coopération économique et
financière « accélérer le rythme de développement socio-économique durable »,
« améliorer les conditions de vie des populations, augmenter le d’emploi et réduire
les écarts développement dans la région euro-méditerranéenne ». Parallèlement,
les Accords euro-méditerranéens d’association entre l’Union Européenne et les
Pays arabes méditerranéens (PAM) déclarent que leur objectif principal est le
développement économique et social des pays partenaires ().

Les défis socio-économiques en Méditerranée


Il est difficile en effet d’exagérer l’amplitude des défis sociaux dans les Pays
arabes méditerranéens qui représentent la région qui fait face au problème
d’emploi le plus aigu dans le monde dans les dix à vingt années à venir. Les taux
officiels d’activité sont les plus bas au monde (moins de 46 % de la population en
âge de travailler en comparaison avec la moyenne mondiale de 61,2 %), qui est la
conséquence du taux d’activité féminin le plus faible au monde (moins de 25 %, en
comparaison avec une moyenne mondiale de 42 %). Malgré cela, les taux moyens
de chômage (légèrement en dessous de 15 % de la force de travail, soit un total
de 7 millions de personnes, et cela avant la crise économique globale) sont plus
élevés que dans toute autre région, à l’exception de l’Afrique sub-saharienne. Dans
leur ensemble, ces chiffres signifient qu’une personne seulement sur quatre parmi
ses 280 millions d’habitants possède un travail, et ce chiffre ne reflète pas la réalité
selon laquelle près de la moitié de ces emplois sont informels.
Les perspectives démographiques pour les dix à quinze années à venir
prévoient des scénarios encore plus sombres. Selon une récente étude (), en
ajoutant les besoins estimés des nouveaux emplois calculés d’après des estimations

* Instituto Complutense de Estudios Internacionales (Madrid).


() Pour une explication exhaustive des dispositions sociales des Accords d’association avec les PAM, veuillez
consulter Erwan Lannon (2009) : Vadémécum de la dimension sociale des relations euro-méditerranéennes.
1995-2009, Friedrich Ebert Stiftung, Rabat, http://www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/
vademecum/Vad.pdf.
() Iván Martín (2009) : Labour Markets and Migration Flows in Arab Mediterranean Countries. A Regional
Perspective. Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Institut Universitaire Européen de Florence.
http://www.eui.eu/Documents/RSCAS/Research/LMM/LMM-ExecutiveSummary.pdf.
130 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

conservatrices, les Pays arabes méditerranéens auront besoin de plus de 


1 500 000 emplois supplémentaires par an au cours des dix prochaines années,
pour fournir des opportunités de travail aux nouvelles entrants dans le marché
de l’emploi et garder inchangé le nombre actuel des sans emploi, et ce selon
l’hypothèse (à peine réaliste) selon laquelle les taux d’activité resteront constants
(la proportion des personnes qui travaillent ou qui sont à la recherche d’un emploi
au sein de la population en âge de travailler). Les 15 millions de nouveaux emplois
requis au cours des dix prochaines années signifient qu’il faut une augmentation
de 30 % par rapport à la situation actuelle de l’emploi total dans ces pays, et qu’il
faudra créer de 1/3 à 2/3 de plus d’emplois par année que ceux créés tout au long
des cinq dernières années dans la région, une période marquée par une prospérité
économique notable. Par conséquent, en termes de politiques d’emploi et de
modèles de développement, le statu quo risque de faire peser des pressions sur le
tissu social à travers des tensions dans le marché du travail, affectant fortement la
cohésion sociale et la stabilité dans la région. Les taux actuels de chômage parmi
les jeunes risquent également de causer des conséquences nuisibles permanentes
aux perspectives de développement de ces pays, au point de décourager les jeunes
de s’engager dans le marché du travail et voir ainsi leurs compétences stagner ou
se détériorer tandis que l’économie informelle se propage (emploi informel se
traduisant par des salaires en dessous des normes – le salaire minimum a tendance
à jouer le rôle de plafond de salaire pour le secteur informel variant entre 102
euros par mois en Egypte et 256 euros par mois au Liban – et absence de toute
forme de protection sociale, tout cela représente déjà entre 35 et 55 % du total de
l’emploi non agricole de la région).
En ce qui est de l’évolution comparative des niveaux de salaires et de revenus
en termes de parité de pouvoir d’achat (PPA), la même étude indique que dans
les cas du Maroc, de l’Algérie (avec une augmentation annuelle moyenne négative
des salaires PPA de -1,7 % en 1996-2006, contrairement à l’augmentation annuelle
de 3 % dans les 15 pays de l’UE), de la Tunisie, de la Syrie et de la Jordanie, nous
remarquons une divergence entre les salaires moyens par rapport à ceux de
l’UE, ce qui implique une détérioration croissante des conditions de vie relatives
de ceux qui possèdent un emploi dans les Pays arabes méditerranéens. Ainsi, la
bonne performance macroéconomique de la plupart des PAM au cours des dix
dernières années, qui s’est traduite par une progression du PIB par tête, ne s’est
pas accompagnée d’une amélioration correspondante de la distribution des
revenus ou des salaires, ni d’une tendance claire à la convergence vers les niveaux
de revenus de l’UE. Finalement, cela remet en question la viabilité à long terme
du modèle économique actuel, et la crise économique mondiale actuelle ne fait
qu’empirer les choses ().
Dans ce contexte, la migration est devenue une alternative de plus en plus
attrayante. Plus de 10 million de citoyens des Pays arabes méditerranéens résident
déjà dans d’autres pays. Ils représentent plus de 8 % de leurs populations en âge de
travailler, avec des niveaux moyens de taux d’activité, d’emploi et de qualification

() Voir la contribution d’Adallah Khattab ci-dessus.


Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 131

plus élevés que ceux qui existent dans les marchés nationaux de l’emploi. Il s’agit
d’une part considérable de la force de travail des Pays arabes méditerranéens,
aussi bien du point de vue quantitatif que qualitatif, même si dans les pays du
Mashreq, contrairement aux pays du Maghreb, la plupart des femmes s’abstiennent
de migrer jusqu’ici. Si ce ratio de migration venait à se maintenir grâce à une
migration durable, la croissance des populations en âge de travailler dans les PAM
se traduirait par un flux migratoire annuel de 200.000 personnes entre 2010 et 2020
(c’est-à-dire 2 millions de nouveaux migrants des PAM au cours de cette période).
Mais il existe des éléments fort probants de l’augmentation des taux de migration
dans les PAM au cours de la dernière décennie (23 % en Tunisie, presque 100 % au
Liban), de sorte que ce flux pourrait facilement tripler pour atteindre 6 millions
de nouveaux migrants au cours des dix prochaines années si les taux migratoires
venaient à atteindre le niveau de 24 % conformément à des indications récentes.
Ces chiffres pourraient facilement se multiplier si les limites actuelles à l’activité
– et à la migration – des femmes étaient assouplies.
L’ampleur du défi de l’emploi dans les Pays arabes méditerranéens au cours des
10 à 15 années à venir est si prononcée qu’aucun scénario possible de migration
ne pourrait résoudre ce problème. Or, dans les deux décennies à venir, les PAM
fourniront un groupe de jeunes travailleurs instruits dans lequel les marchés de
l’emploi de l’UE pourraient investir leur demande croissante en travailleurs migrants
ayant des qualifications moyennes et élevées. Toutefois, cette synergie dépend de la
mise à niveau effective et immédiate des compétences de la main-d’œuvre des Pays
arabes méditerranéens (ce qui devrait constituer une priorité pour la coopération
économique entre l’UE et les PAM) et de l’instauration d’un climat favorable pour la
migration légale vers l’UE, ce qui contribuerait effectivement à attirer les migrants
qualifiés. Mais les instruments actuels de la politique migratoire de l’UE, y compris la
« Carte Bleue » récemment approuvée, ne semblent pas aller dans ce sens. Pourtant
les nouvelles stratégies régionales euro-méditerranéennes définies dans le domaine
de la migration et l’emploi suite aux premières conférences ministérielles euro-
méditerranéennes dans ces domaines (les premières conférences ministérielles
euro-méditerranéennes sur la migration en novembre 2007 et sur le travail et
l’emploi en novembre 2008) ont créé un cadre régional qui pourrait aboutir à une
stratégie globale couvrant toute la région sur la migration de travail – à condition
que soient adoptés des outils politiques appropriés et des plans efficaces de mise
en œuvre.

La projection du modèle social européen


A côté de ces réalités, du point de vue théorique et de l’élaboration des
politiques, l’Agenda Social Européen adopté en 2005 prévoit une « dimension
externe de l’emploi, de la politique sociale et du travail décent » qui pourrait
donner lieu à des évolutions particulièrement intéressantes dans ce contexte,
notamment en ce qui concerne l’interaction entre la mondialisation, le commerce
et le développement social dans un cadre de dialogue politique entre l’UE, l’OMC,
l’OIT et les Nations-Unies, ainsi que l’engagement de la Commission Européenne
132 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

à rechercher une coopération à ce sujet « avec les pays candidats, les pays voisins
et d’autres pays tiers » (). Les Etats membres de l’Union européenne s’engagent
à promouvoir les normes fondamentales du travail, et de manière plus générale,
le « développement social » en conformité avec les droits fondamentaux prévus
dans la Charte de Nice adoptés en décembre 2000, ce qui « confirme l’objectif
européen de promouvoir et d’intégrer les droits fondamentaux – y compris les
normes fondamentales du travail – dans toutes ses politiques et actions ».
Ces développements font suite à la Communication de la Commission intitulée :
« La dimension sociale de la mondialisation – comment la politique de l’UE contribue
à en étendre les avantages à tous » () adoptée en réaction au rapport final de
la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation réalisé par
l’OIT et publié en avril 2004 (). Dès le début, la Commission a souligné que « l’UE
doit également s’assurer qu’elle met en oeuvre ses politiques extérieures d’une
manière qui contribue à l’optimisation des avantages de la mondialisation pour
tous les groupes sociaux dans tous ses pays et régions partenaires. Ses politiques
extérieures ont toujours été marquées par une dimension sociale importante, par
exemple en matière de soutien de l’accès universel aux services sociaux de base
dans les pays en développement ». Selon la Commission, l’UE promeut, depuis un
certain temps déjà, l’efficacité et la cohérence de la gouvernance mondiale, à travers
des institutions internationales, pour garantir que les politiques commerciales et
les relations bilatérales avec les régions et les pays apportent un plein soutien
au développement social et que le développement et la coopération extérieure
contribuent à optimiser les conséquences sociales positives et à minimiser celles
négatives de la mondialisation. L’analyse du contexte menée par la Commission
Européenne est claire : les normes fondamentales du travail et le dialogue bipartite
et tripartite constituent des composantes essentielles du cadre qui assurera une
mondialisation juste. L’objectif final devrait être la mise en œuvre d’un progrès
social dynamique capable de promouvoir le travail décent pour tous.
Au niveau des accords bilatéraux et régionaux (point 5.1.1 de la Communication),
la Commission européenne précise que :
i) La plupart des accords incluent aussi un chapitre social qui, pour certains
d’entre eux, doit encore être pleinement exploité.
ii) Depuis 1992, le respect des principes démocratiques, des droits de l’Homme
et de l’Etat de droit fait parti des éléments essentiels de tous les accords conclus
[…]. La société civile et les partenaires sociaux font également partie de ce
processus.
iii) Il est donc important que les dispositions existantes en matière de normes
fondamentales du travail soient effectivement mises en œuvre.

() Commission européenne (2005), Communication de la Commission sur l’Agenda social, COM(2005)33, 
p. 5, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2005 :0033 :FIN :FR :PDF.
() Communication de la Commission COM(2004) 383 finale, 18 mai 2004, http://eur-lex.europa.eu/
LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM :2004 :0383 :FIN :FR :PDF.
() Rapport final de le Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation (CMDSM),
disponible sur http://www.ilo.org/public/french/wcsdg/.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 133

iv) La Commission s’est également engagée à effectuer des évaluations de


l’impact des négociations bilatérales sur le développement durable. C’est ainsi
que seront évalués, entre autres, les retombées sur le développement social dans
l’UE et dans ses pays partenaires, ‘a l’aide d’un large éventail d’indicateurs et d’une
consultation à grande échelle des acteurs tels que les associations du secteur privé,
les syndicats et la société civile au sens large.
v) La CE La CE étudiera de nouveaux mécanismes communs au sein des
accords bilatéraux pour examiner et surveiller les aspects pertinents de la
dimension sociale de la mondialisation. Une possibilité réside dans la création
d’ »Observatoires » bilatéraux communs pour surveiller les développements et offrir
un forum d’échanges de vues entre les gouvernements, le Parlement européen, les
partenaires sociaux et la société civile au sens large, tout en impliquant pleinement
les organisations et organismes internationaux.
Au sujet du « dialogue politique au niveau régional » (point 5.1.2.), la
Commission Européenne a identifié les initiatives de dialogue sur les questions
sociales entamées jusqu’à présent. Il est à remarquer que le Processus de Barcelone
n’a pas été mentionné dans ce cadre, mais un chapitre spécifique a été consacré
à la Politique européenne de voisinage (point 5.1.3.) dans lequel la Commission
européenne précise que la coopération sur la dimension sociale comprendra
en particulier le développement régional, l’emploi, le développement social, la
politique sociale et les réformes structurelles. En ce qui concerne le développement
régional, l’UE encouragera les programmes des gouvernements partenaires visant
à stimuler la décentralisation, réduire les disparités régionales, créer des emplois et
promouvoir les normes fondamentales du travail et le dialogue social. Les politiques
de réduction de la pauvreté et d’amélioration des systèmes nationaux de protection
sociale bénéficieront également d’un soutien. De même, l’UE encouragera les
gouvernements partenaires à accroître l’efficacité de l’assistance sociale, à mettre
en œuvre des stratégies visant à donner un essor à la croissance économique et
à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’à lutter
contre la pauvreté infantile et à garantir un libre accès des garçons et des filles à
l’enseignement primaire et secondaire, en particulière dans les campagnes.
Le point 5.2 de la Communication traite en particulier du développement
et la coopération externe. Les principes de l’approche communautaire ce qui
concerne la dimension sociale de la coopération « est considérée comme faisant
partie intégrante du processus démocratique et de stabilisation et comme un
élément indispensable pour garantir un minimum d’acceptation et de soutien
à l’égard des grandes mutations économiques et sociales auxquelles les pays
partenaires sont confrontés. Elle contribue à amortir le choc des conséquences
sociales de la transition et participe ainsi à la création d’un environnement plus
durable pour les entreprises et le commerce ». Plus particulièrement, une attention
accrue doit être accordée aux futurs programmes d’aide au développement en
vue d’aider les pays moins avancés à intégrer le commerce dans leurs stratégies
de réduction de la pauvreté et à maîtriser l’impact social de la libéralisation du
commerce, notamment par le biais de la création de mécanismes de protection
sociale et d’un socle socio-économique sur lequel la réforme commerciale devrait
134 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

être fondée. Selon la Commission, ceci devrait garantir un environnement plus


favorable à l’investissement et à la création d’emplois dans l’économie formelle
et un partage plus équitable des avantages de la croissance. Dans le même sens,
le point 5.3, intitulé « S’assurer que la politique commerciale soutient pleinement
le développement social », contient un élément qui garantit la promotion du
« développement social par le biais de l’accès au marché pour les pays en
développement », ce qui pourrait facilement être relié à la libéralisation (unilatérale)
des marchés agricoles de l’UE. Suite à cette Communication de la Commission, le
Conseil européen tenu en décembre 2005 a souligné l’importance de la dimension
sociale de la mondialisation.
Ainsi, un programme d’action très éclairé dans ce domaine a été adopté par
l’UE qui attend d’être mis en œuvre et évalué.
L’examen de la Stratégie décennale de Lisbonne qui devrait arriver à son terme
au cours du premier semestre de 2010, avec l’adoption de la nouvelle Stratégie
Europe 2020 sous la Présidence espagnole, est une bonne occasion d’associer
d’une certaine manière les pays partenaires méditerranéens en les intégrant
progressivement dans les stratégies de compétitivité et d’emploi de l’UE.

Blocs de construction de la dimension sociale du PEM


En effet, des progrès ont été réalisés durant les quatre dernières années.
Jusqu’en 2005, l’emploi et les politiques d’emploi n’étaient pas un domaine d’action
directe dans la coopération de l’UE avec les Pays partenaires méditerranéens ().
Les nouvelles perspectives qui ont émergé résultent de : i) la conscience croissante
de la nécessité de s’attaquer à la question de l’emploi si l’on veut préserver la
crédibilité du Partenariat euro-méditerranéen, ainsi que de la gravité et de l’urgence
du problème de l’emploi pour l’avenir des Pays arabes méditerranéens ; ii) au niveau
bilatéral, la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage depuis 2005 ;
et iii) au niveau multilatéral, l’importance nouvellement accordée à la dimension
sociale du Partenariat euro-méditerranéen (notamment depuis la Conférence
euro-méditerranéenne des Ministres des Affaires étrangères tenue à Marseille
en novembre 2008, qui a préconisé la définition d’une « véritable dimension
sociale », « fondée sur une approche intégrée associant croissance économique,
emploi et cohésion sociale », et la Première Conférence euro-méditerranéenne

() Voir Samir Aita (ed.), Iván Martín (dir.) et alia (2008) : Emploi et droit du travail dans les pays arabes
méditerranéens et le Partenariat euroméditerranéen, Fundación Paz y Solidaridad Serafín Aliaga, Madrid,
205 pp., http://www.ccoo.es/comunes/temp/recursos/1/216520.pdf ; ainsi que Barreñada, I. and I. Martín
(2005), « L’emploi et la protection sociale dans le Partenariat Euroméditerranéen. Bilan, perspectives et
propositions pour l’action », dans Evénement civil Barcelone + 10. Proposition de la société civile pour relancer
le Partenariat euroméditerranéen, Plate-forme non gouvernementale EuroMed, p. 29-33, http://library.fes.de/
pdf-files/gurn/00024.pdf.
() Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée, Conférence ministérielle, Déclaration finale,
Marseille, 3-4 novembre 2008, www.ambafrance-gr.org/france_grece/IMG/pdf/Declaration_finale_04_
Nov_2008_FR.pdf.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 135

des Ministres de l’emploi et du travail tenue à Marrakech plus tard au cours de


du même mois) ().
La première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur l’emploi et
le travail, tenue à Marrakech les 9 et 10 novembre 2008 a tout particulièrement
examiné « des initiatives et des propositions concrètes visant à promouvoir la
création d’emplois, la modernisation des marchés du travail et le travail décent »,
en approuvant un « cadre d’action qui contribuerait à l’intégration d’une véritable
dimension sociale dans le projet euro-méditerranéen ». Par ailleurs, les ministres
ont souligné « la nécessité d’une meilleure adéquation entre les besoins -actuels et
futurs- du marché du l’emploi et le développement des compétences nécessaires,
ainsi que grâce à des réformes aux niveaux national et régional concernant le
cadre des qualifications et des compétences, tout en soulignant les avantages qui
découlent de la coopération euro-méditerranéenne dans ce domaine.
Les Ministres ont également admis que, en plus de taux élevés de croissance
économique, la situation appelle à un plus grand investissement dans le capital
humain, la formation et l’employabilité, ainsi qu’à des mesures concrètes de
création d’emplois et à l’amélioration du climat politique pour ces investissements.
Ils ont également souligné l’interdépendance de l’emploi, l’éducation et la
formation, la cohésion sociale, le développement économique et la croissance
et le développement durable et ont appelé à adopter une approche intégrée
combinant de manière indissociable les politiques économique, fiscale, social
et environnemental et d’emploi, ainsi que les politiques d’éducation et de
formation.
Le cadre régional d’action reposait sur les objectifs suivants : i) créer davantage
d’emplois, y compris à travers des politiques actives d’emploi ; ii) améliorer
l’employabilité et le capital humain ; iii) créer de emplois de meilleure qualité et
des possibilités de travail décent ; iv) promouvoir l’égalité des chances entre les
hommes et les femmes ; v) intégrer davantage de jeunes dans des emplois décents ;
vi) élaborer une stratégie intégrée pour transformer l’emploi informel en travail
formel, et vii) gérer la migration de la main-d’œuvre en tenant compte des besoins
des marchés de travail des deux côtés de la Méditerranée. Un ensemble d’objectifs
plut concrets a été formulé pour chacun de ces axes de politique.
Finalement, les Ministres ont mis en place un mécanisme de suivi pour surveiller
la mise en œuvre du cadre d’action, consistant en un groupe de travail chargé
de recueillir « des informations et des données sur les tendances nationales et
l’évolution des politiques, procédera à l’inventaire et à l’échange des meilleures
pratiques et examinera les questions qui se poseront lors de la mise en oeuvre
du cadre d’action. Les pays partenaires fourniront au groupe les informations
nécessaires pour élaborer, en 2010, un rapport de suivi sur les progrès accomplis
dans la mise en oeuvre du cadre d’action ». Ce rapport sur l’état d’avancement
sera basé, en ce qui concerne les pays partenaires méditerranéens, sur les plans

() Conclusions : http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/conf/employment_health_conclusions_


1108_fr.pdf.
136 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

d’action nationaux et les rapports sur les progrès accomplis au niveau national,
qui devront être présentés avant 2009, et en ce qui concerne les Etats membres
de l’UE, sur les rapports soumis dans le cadre de la stratégie de Lisbonne de l’UE
adoptée en 2000 et renouvelée après l’examen à mi-parcours en 2005 et devant
expirer et être revue en 2010.
Une fois de plus, sur le papier cela va bien au-delà de ce que les partenaires
sociaux les plus optimistes avaient demandé il y a seulement deux ans. A présent,
le défi est de maintenir cet élan, donner de la consistance à ce cadre d’action et de
le transformer en un plan opérationnel de création d’emplois dans la Méditerranée,
dans la perspective d’élaborer une véritable stratégie pour l’emploi à l’échelle de la
région euro-méditerranéenne (10). Toutefois, la lenteur enregistrée dans la mise
en place du mécanisme de suivi donne un mauvais signal au niveau des priorités
et de l’urgence perçue de la question : il a fallu au Groupe de travail plus d’une
année pour se réunir la première fois (les 26-27 novembre 2009), il fonctionnera
principalement sur la base de trois rapports élaborés par la Fondation européenne
pour la formation (sur l’employabilité), le FEMISE (sur la création d’emplois) et l’OIT
(sur le travail décent), alors que l’implication et l’engagement des responsables des
gouvernements nationaux n’est pas encore claire.

Propositions

Proposition 23
Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME)

Dans le même esprit et avec le même niveau de mobilisation des instruments


et des ressources que la Feuille de route pour la création de la Zone euro-
méditerranéenne de libre-échange en 2010 et au-delà adoptée en 2005, pour
faire face aux défis de l’emploi dans la région méditerranéenne il est nécessaire de
chercher à définir une véritable Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi et
non pas un simple cadre d’action, c’est-à-dire un ensemble d’objectifs spécifiques
et quantifiés pour la région dans son ensemble et pour chaque pays à part, en
déterminant les engagements, les plans et les instruments destinés à les réaliser et
en élaborant des lignes directrices communes qui pourraient être régulièrement
revues sur la base d’un ensemble d’indicateurs communs définis sur une base
consensuelle.
Dans sa première phase, le modèle à suivre serait celui du processus de la
Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) mis en place depuis 1999 (au titre
de la méthode ouverte de coordination – voir la contribution de Larabi Jaidi 
ci-dessous). La Stratégie européenne pour l’emploi est un programme annuel de

(10) Voir les propositions à ce sujet dans Aita, Martín et alia 2008, mentionnées dans la note de bas de 
page 7, et dans Martín 2005, mentionnées dans la note de bas de page 25.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 137

planification, suivi, examen et réajustement des politiques mises en place par les
Etats membres de l’UE en vue de coordonner les instruments qu’ils utilisent pour
traiter la question du chômage. La Stratégie européenne pour l’emploi est fondée
sur quatre composantes :
• les lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi (depuis 2005, 
les lignes directrices sont présentées conjointement avec les lignes directrices 
pour les politiques macroéconomiques et micro-économiques de l’UE pour 
une période de trois ans) ;
• les programmes nationaux de réforme pour chaque pays ;
• le rapport annuel de la Commission sur la croissance et l’emploi qui analyse 
les 27 nouveaux programmes nationaux de réforme présentés par les Etats- 
membres ;
• toutes recommandations adoptées par le Conseil.
A une étape ultérieure, une intégration complète dans une stratégie unique
commune à l’UE et aux Pays partenaire méditerranéens pourrait être envisagée.
La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi (SEME) devrait être fondée
sur une série de principes :
a. La coresponsabilité. Cette responsabilité partagée est la conséquence logique
de l’identification d’une « question d’intérêt commun » donnant lieu à la « méthode
ouverte de coordination » (11). Il est difficile de questionner que l’emploi et les
conditions sociales dans les Pays arabes méditerranéens ainsi que la politique
européenne de l’immigration soient, en fait, des questions d’intérêt commun
tant pour l’UE que pour les Pays partenaires méditerranéens. L’existence de telles
questions d’intérêt commun mène à un « droit à l’information », c’est-à-dire le droit
de tous les partenaires d’être informés sur les politiques des autres partenaires.
L’étape suivante est, bien entendu, la recherche de solutions communes à ces
problèmes communs, c’est-à-dire la définition de stratégies conjointes. La mise
en œuvre de ces stratégies nécessite la mobilisation et la mise en commun des
ressources.
b. La cohérence. La Stratégie euro-méditerranéenne pour l’emploi devrait être
étroitement liée aux plans d’action de la PEV12 qui devraient prévoir des mesures
concrètes pour la mettre en œuvre au niveau national.
c. L’information. La nécessité d’un système d’indicateurs pour assurer le suivi de
la performance des politiques, dans le cadre de la Stratégie euro-méditerranéenne
pour l’emploi et dans celui des plans d’actions de voisinage, présuppose la mise
en place d’un système intégré de statistiques et d’information sociales sur les
politiques d’emploi pour alimenter un système de monitoring à l’échelle de la
région (13).

(11) Décrite dans la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous.


(12) Voir la contribution de Erwan Lannon ci-dessus.
(13) Voir la contribution de Larabi Jaidi ci-dessous.
138 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les composantes minimales de la Stratégie SEME devraient être les suivantes :


a. La formation. Renforcement des systèmes d’éducation et de formation dans
toute la région. Reconnaissance des diplômes.
b. Promotion ciblée de l’emploi des jeunes et des femmes (voir les propositions
ci-dessous à cet effet) et un suivi spécifique de ces questions. L’examen et la mise à
niveau des politiques nationales d’intervention sur les marchés du travail devraient
être une priorité.
c. Mesures pour faciliter « l’émergence » de l’emploi informel (entre 35 et
55 % d’emplois non-agricoles dans les Pays partenaires méditerranéens) et
transformation des emplois informels en emplois décents.
d. Introduction de systèmes étendus d’assurance-chômage dans les PPM (dont
la plupart n’en possèdent aucun et ceux qui en possèdent, comme l’Algérie et la
Tunisie, offrent une couverture très limitée – couvrant généralement moins de 
10 % de la population active).

Proposition 19 (14)
Un programme euro-méditerranéen pour le suivi et
la mise à niveau des politiques nationales d’emploi dans
les Pays partenaires méditerranéens

Dans d’autres régions voisines, comme les Balkans, l’UE a en effet entrepris
des projets pour examiner, évaluer, assurer le suivi et coordonner les politiques
nationales d’emploi et les services publics d’emploi (tel que le Processus de
Bucarest lancé en 2003 dans le cadre du Pacte de stabilité pour 9 pays de l’Europe
du sud-est, qui pourrait servir de modèle ; le point de départ de ce processus
était la décision des ministres chargés de l’emploi de pays partenaires de traiter
les problèmes de l’emploi de façon collective avec l’appui et les conseils de
l’Organisation Internationale du Travail et du Conseil de l’Europe (15)).
Ceci devrait faire partie intégrante du cadre d’action approuvé lors de la
première Conférence euro-méditerranéenne des Ministres de l’emploi et du travail.
La mise à niveau des politiques nationales de l’emploi devrait constituer une
priorité pour les nouveaux instruments de la Politique européenne de voisinage,
tels que les jumelages, TAIEX, SIGMA, etc. qui ciblent l’assistance technique, le
renforcement des capacités, l’évaluation… Tout particulièrement, un système
devrait être mis en place pour soutenir les politiques nationales d’intervention sur
les marchés du travail qui contribuent au recyclage et à la réinsertion professionnels
dans le marché du travail à travers des emplois durables, décents et de qualité, y
compris le renforcement des capacités administratives et le soutien financier.

(14) Cette proposition se recoupe largement avec la Proposition 19, formulé par Erwan Lannon dans sa
contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage.
(15) Voir la description du Processus au site : http://www.stabilitypact.org/edeg/Bucharest %20Process.
ppt.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 139

Eléments :
– Examen des politiques nationales de l’emploi suivant un modèle commun 
dans l’ensemble des Pays arabes méditerranéens
– Renforcement institutionnel des Ministères de l’emploi et de leurs 
compétences en matière d’élaboration des politiques.
– Renforcement institutionnel des Agences nationales de l’emploi en tant 
qu’intermédiaires sur le marché du travail.
– Assistance technique.

Proposition 24
Programme EuroMed pour l’accès des jeunes à l’emploi (AJE)

La génération de jeunes la plus importante de toute l’histoire des Pays arabes


méditerranéens est confrontée à une équation sans solution dont les variables
principales sont : i) les perspectives d’emploi sont essentiellement limitées au
secteur informel (avec des salaires et des conditions de travail misérables qui
ne constituent nullement un emploi décent) (16) ; ii) un désir d’émigrer de
plus en plus répandu ; et iii) une éducation et une formation inadéquates qui ne
correspondent pas aux demandes du marché du travail (dans leur pays comme en
Europe). Le défi de l’emploi dans les Pays arabes méditerranéens est avant tout un
défi de l’emploi des jeunes, étant donné que 80 % des chômeurs dans la région
sont des jeunes âgés de 15 à 34 ans (17).
En relation avec l’emploi des jeunes, les conclusions de la Conférence euro-
méditerranéenne des Ministres de l’emploi et du travail ont fixé comme objectif
d’« ’intégrer davantage de jeunes dans des emplois productifs et formels »,
notamment par le biais de mesures qui : i) garantissent l’égalité d’accès à une
éducation de qualité à tous les niveaux pour les étudiants de sexe masculin
et féminin d’ici 2015 ; ii) tiennent compte de la Déclaration du Caire sur
l’enseignement supérieur ; iii) réduisent l’inadéquation entre l’éducation et les
aspirations professionnelles des jeunes (notamment envers le secteur public) et
les besoins actuels du marché du travail ; et iv) à cet égard, donnent la priorité à
l’amélioration de la qualité de la formation professionnelle et rendent celle-ci plus
attrayante pour les jeunes. C’est ainsi qu’est fixé le cadre du Programme régional
pour l’accès des jeunes au travail (AJE).

(16) Voir Middle East Youth Initiative (2009), Missed by the Boom, Hurt by the Boost, Making Markets Work
for the Young People in the Middle East, 36 p. Dubai School of Government et le Centre Wolfensohn pour le
Développement à Brookings, http://www.shababinclusion.org/files/1352_Dossier_MEYI_Rapport final.pdf.
(17) Voir Iván Martín (2009) : « L’emploi des jeunes dans les pays arabes méditerranéens : la clé du futur »
dans Med.2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 247-250, Fundació CIDOB et IEMed, Barcelone, http://www.
iemed.org/anuari/2009/farticles/fr247.pdf.
140 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les composantes de ce programme devraient être entre autres :


– Orienter les agences de promotion de l’emploi des Pays partenaires 
méditerranéens vers la promotion de l’emploi des jeunes, en particulier pour 
promouvoir l’entreprenariat et l’emploi des jeunes non qualifiés. Il existe 
plusieurs expériences de projets de coopération qui renforcent ces agences 
dont un projet au Liban financé dans le cadre du programme MEDA (18).
– Un système régional pour diffuser les offres d’emploi dans la région EuroMed 
en vue d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emplois.
– Un programme euro-méditerranéen de stages au sein des entreprises destiné 
aux diplômés et aux étudiants en formation professionnelle (l’actuel Programme 
Erasmus Mundus se limite à des échanges d’étudiants universitaires).

Proposition 25
Une Stratégie euro-méditerranéenne de mobilité

Tout modèle viable d’intégration économique régionale dans la Méditerranée


devrait inclure un modèle de mobilité de la force de travail (Sud-Nord et Sud-
Sud). La logique économique et géopolitique conduit à l’intégration des marchés
du travail à travers la Méditerranée en vue de s’attaquer aux déséquilibres
démographiques (au Nord comme au Sud), minimisant par la même occasion
l’impact négatif des flux migratoires (en termes de fuite des cerveaux et des
compétences, par exemple).
Là aussi, les déclarations des réunions ministérielles euro-méditerranéennes sont
très éclairées, mais les politiques actuelles en sont très éloignées. Le Programme
quinquennal adopté lors du Sommet de Barcelone (28 novembre 2005) a déjà
appelé à une coopération renforcée dans les domaines de la migration, l’intégration
sociale, la justice et la sécurité à travers une approche globale et intégrée, avec
un ensemble de six objectifs dont : « Améliorer les possibilités de migration légale
(la facilitation de la circulation légale des personnes étant entendu qu’elles
ouvrent des perspectives de croissance économique ; encourager les politiques de
traitement équitable et d’intégration en faveur des immigrés en situation régulière ;
faciliter le flux des transferts financiers effectués par les migrants et prendre
en compte le phénomène de la « fuite des cerveaux »). » Peu après, le Conseil
européen a convenu en décembre 2005 d’une nouvelle « Approche globale sur les
questions de la migration ». Dans ses conclusions, le Conseil européen a souligné
que le Programme de travail en matière de migrations et de développement sera
renforcé par une amélioration de la cohérence entre les différentes politiques de

(18) Renforcement institutionnel du ministère du Travail et de l’Agence nationale de l’emploi au Liban,


http://ec.europa.eu/comm/europeaid/tender/data/d13/AOF31713.htm.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 141

l’UE, y compris les instruments financiers correspondants, en vue de s’attaquer aux


causes profondes des migrations (19). »
Par conséquent, la première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne
sur la migration tenue à Albufeira (Algarve) le 19 novembre 2007 (20) a adopté
une série de conclusions politiques et opérationnelles à cette fin. La facilitation
de la circulation légale a été considérée comme l’un des éléments clés de la
coopération. A cet effet, il a été propose d’« d’analyser les possibilités visant à faciliter
et simplifier les procédures de migration légale pour les demandeurs d’emploi, dans le
but d’améliorer les canaux légaux de migration ». Ces efforts devraient se concentrer
sur « les différentes catégories de travailleurs légaux incluant aussi différentes formes
de mobilité telle que la migration circulaire et temporaire, en tenant compte des
besoins des marchés du travail des pays méditerranéens ainsi que leurs besoin en
terme de développement » Toutefois, contrairement à ces déclarations ambitieuses,
les mesures concrètes adoptées jusqu’ici sont trop étroites ou se limitent à l’étape
de préparation et de discussion.
La coopération dans les domaines de la justice, la sécurité et la migration se
trouve en tête de l’agenda de la PEV. A titre d’exemple, la Commission européenne,
dans sa Communication de 2006 « relative au renforcement de la Politique
européenne de voisinage » (21), a identifié les deux les « lignes d’action » suivantes
en termes de « mobilité et de migration » :
– Assouplir les procédures en matière de délivrance de visas et supprimer les 
obstacles aux voyages effectués pour des motifs légitimes (notamment à des 
fins commerciales, éducatives, touristiques et officielles).
– Agir dans le cadre d’une approche globale assurant une bonne gestion de la 
mobilité et des migrations, en s’employant à régler les questions de la 
réadmission, de la coopération dans la lutte contre l’immigration clandestine 
et d’une gestion efficace des frontières.
Dans sa communication de 2007 « Une politique européenne de voisinage forte »
(22) la Commission européenne a signalé que « la promotion de la mobilité ira de
pair avec l’engagement de nos partenaires d’accroître la sécurité, la justice et la lutte
contre la migration clandestine, avec les efforts visant à renforcer la capacité de nos
voisins de traiter les flux migratoires entrants et avec la sécurité des documents ».
A l’autre extrémité de l’Europe, le document fondateur du Partenariat Oriental
entre l’UE et les pays voisins de l’est de l’Europe et du Caucase établi en mars
2009 (23) donne quelques informations sur ce qui pourrait être considéré

(19) Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles (14/15 décembre 2006) « Politique
européenne globale en matière de migrations » http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/
pressdata/fr/ec/92224.pdf.
(20) Conclusions de la première réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration, 19-11-2007
http://www.eu2007.pt/UE/vEN/Noticias_Documentos/20071119Conclusoeseuromed.htm.
(21) COM(2006)726 final, 4 décembre 2006, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com06_726_en.pdf.
(22) COM(2007) 774 fin, 05/12/2007,http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com07_774_fr.pdf.
(23) Voir les conclusions du Sommet du Conseil européen des 19-20 mars 2009, http://europa.eu/rapid/
pressReleasesAction.do?reference=DOC/09/1&format=HTML&aged=0&language=ES&guiLanguage=en
142 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

comme un programme minimum de la première phase d’une Stratégie euro-


méditerranéenne de mobilité. Dans ce contexte, l’UE et ses partenaires d’Europe
de l’Est ont prévu avec beaucoup de prudence « des mesures progressives sur la
voie d’une libéralisation complète du régime des visas, dans une perspective à
long terme, pour différents pays partenaires et au cas par cas, pour autant que les
conditions relatives à une mobilité bien gérée et en toute sécurité soient en place ».
De plus, la Commission s’est engagée à lancer une étude « pour mesurer les coûts
et bénéfices pour l’UE et les partenaires à l’égard de la mobilité du travail et des
mesures possibles de mise en adéquation de la main-d’œuvre », dans la perspective
de « rechercher une ouverture ciblée du marché du travail de l’UE pour les citoyens
des pays partenaires ». Rien de semblable ne figure ni dans le cadre du PEM, ni de
celui l’Union pour la Méditerranée ou dans le Statut avancé du Maroc.
Ainsi, les éléments constitutifs minimales de la Stratégie euro-méditerranéenne
de mobilité devraient être :
– la facilitation du visa en vue d’une libre circulation des personnes à travers 
la zone euro-méditerranéenne ;
– des régimes de migration circulaire légale (qui ne s’adressent pas uniquement 
à la migration qualifiée, comme c’est le cas de la « carte bleue » récemment 
approuvée) ;
– une étude des obstacles légaux, administratifs et techniques à la libre 
circulation et mobilité (Nord-Sud et Sud-Sud) des travailleurs dans la zone 
euro-méditerranéenne devrait être la pierre angulaire de cette Stratégie.

Proposition 26
Un système de compensation pour la fuite des cerveaux
dans les Pays arabes méditerranéens

L’instauration d’un système de compensation pour une éventuelle fuite des


cerveaux résultant de la migration de travailleurs hautement qualifiés des Pays
arabes méditerranéens vers l’UE est la conséquence logique de la reconnaissance
de la nécessité de s’attaquer à la « fuite des cerveaux » dans le Programme
quinquennal adopté en 2005, la référence aux « besoins des pays d’origine en
terme de transfert des compétences et d’allègement des conséquences de la
fuite des cerveaux que la migration peut générer » figurant dans les conclusions
de la première Conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur la migration et
l’objectif fixé par l’Approche globale de l’UE sur les questions de la migration pour
« réduire au minimum les effets négatifs de l’immigration de personnes hautement
qualifiées et à en maximaliser les effets positifs sur les pays en développement pour
transformer la « fuite des cerveaux » en « gain de cerveaux » (24).

(24) Voir la Directive du Conseil 2009/50/EC du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour
des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié (Directive sur la « Carte bleue »).
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 143

Ce système de compensation pourrait prendre la forme d’un fonds de


coopération pour le développement des compétences, dont la valeur serait
calculée en fonction du nombre de migrants qualifiés qui partent des Pays arabes
méditerranéens vers l’UE pour une certaine durée (par exemple, les dix dernières
années). Ce fonds pourrait être constitué à partir de contributions volontaires des
Etats membres destinataires. Il serait affecté à des programmes de coopération
visant à i) améliorer les compétences des diplômés résidant dans le pays, ii)
améliorer la qualité des programmes universitaires dans le pays, iii) augmenter
le nombre de diplômés formés dans le pays (grâce à des bourses d’étude), et iv)
encourager le retour des migrants hautement qualifiés vers leur pays d’origine.
Ce système de compensation de la fuite des cerveaux ne devrait pas être
compris comme un système de « formation à la migration », mais simplement
comme une manière de compenser les pays d’origine pour les ressources qu’ils
perdent à travers la migration, d’atténuer l’impact négatif de ces pertes et de
s’assurer qu’en fin de compte, la migration n’est pas préjudiciable au capital humain
du pays. Pour le réapprovisionnement de ce fonds, deux options pourraient être
envisagées : a) des contributions provenant des gouvernements des Etats membres
de l’UE qui bénéficient de l’immigration des diplômés (proportionnellement au
niveau de la migration qualifiée qu’ils accueillent), et/ou 2) un pourcentage des
dépenses dans les budgets nationaux de l’UE et des Etats membres affectées à la
gestion des frontières et aux mesures de sécurité en vue de prévenir l’immigration
irrégulière (telles que FRONTEX et d’autres). Ceci permettrait de démontrer, de
manière très concrète, l’engagement réel de l’UE et de ses Etats membres à l’égard
des principes de l’Approche globale sur les questions de la migration.

Proposition 27
Établissement de mécanismes de consultation sociale PEM
et de la PEV

Comme point de départ, il est à noter que le Partenariat euro-méditerranéen et


les accords d’association qui en ont résulté sont inscrits, dès le tout début, dans une
logique intergouvernementale. Seuls les acteurs publics ont été impliqués dans les
processus de négociation. En règle générale, les institutions euro-méditerranéennes
ont restreint la participation, assez limitée de toute façon25, de la société civile
au troisième volet relatif au « partenariat social, culturel et humain », l’excluant des
questions liées au dialogue politique, la sécurité et la coopération économique et
financière. Cependant, il est paradoxal que l’Union européenne ait signé des accords
d’association qui visent à encourager le développement et la consolidation de la
démocratie dans les PPM et qui représentent une transformation économique et

(25) Voir Martín, I. (ed.) (2005) : Rendre le Partenariat euro-méditerranéen plus proche des citoyens.
35 propositions pour engager la société civile dans le Processus de Barcelone. Fondation Friedrich Ebert, (http://
www.fes.org.ma/common/pdf/publications_pdf/propositions_35/prop_35 %20frc.pdf ).
144 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

sociale de grande importance pour les décennies à venir à la suite d’un processus
qui, dans la majorité des cas, n’envisageait aucune sorte de consultation ou de
concertation sociale interne/nationale.
De même, l’introduction de réformes institutionnelles, politiques et économiques
technocratiques prêtes à porter, sans un large débat politique et social préalable
dans les PPM eux-mêmes – un débat qui puisse servir à internaliser ces réformes
et dégager un consensus autour de la vision et du projet social qui les sous-tend,
risque de tenir les sociétés des PPM à distance du Processus euro-méditerranéen
et mettre en danger leur pérennité, en ce sens que la société elle même n’aura
pas le sentiment de s’identifier à ces réformes ou d’y être engagée à l’avenir
(Cf. Proposition 1 dans l’Introduction). En effet, lors de la première Conférence
euro-méditerranéenne des ministres du travail et de l’emploi, « les ministres ont
souligné le rôle essentiel que le dialogue social devait jouer dans la gestion des
transformations économiques dans la région euro-méditerranéenne ».
Au niveau du Partenariat euro-méditerranéen même, abstraction faite
des consultations obligatoires du Comité économique et social européen, les
institutions euro-méditerranéennes n’ont jusqu’ici mis en place aucun mécanisme
efficace en vue d’une consultation sociale effective. Il est assez significatif et
inquiétant qu’au cours des quatorze années du processus les acteurs sociaux
n’aient pas été impliqués dans la discussion ou la mise en œuvre des accords du
PEM ou dans les Plans indicatifs nationaux, ou encore plus récemment dans les
Plans d’action de voisinage.
D’après l’expérience européenne, la fonction consultative des acteurs sociaux et
économiques a été une pièce maîtresse de la démocratie participative. Les acteurs
sociaux de la région ont montré une volonté claire de promouvoir cette pratique
dans le cadre du PEM. Grâce aux efforts multiples, des progrès ont pu être réalisés
depuis 1995 ; des organes consultatifs ont été créés dans plusieurs pays (Palestine,
Jordanie), mais beaucoup d’autres pays n’en possèdent pas encore (Maroc, Egypte,
Syrie). De manière générale, le dialogue social est encore sous-développé. Les rares
initiatives entreprises dans ce domaine, quoique parfois soutenues par des fonds
régionaux MEDA, tel le Forum syndical EuroMed ou les quinze sommets euro-
méditerranéens successifs des Conseils économiques et sociaux et institutions
similaires, l’ont été par les acteurs sociaux eux-mêmes.
Cependant, il faut admettre que le Partenariat euro-méditerranéen a
progressivement élargi le champ du processus de consultation qu’il entreprend,
depuis les Forums civils EuroMed organisés depuis 1995 (d’une façon plutôt
informelle et irrégulière au début) jusqu’à l’Assemblée parlementaire euro-
méditerranéenne créée en 2004 et, plus récemment l’accord de créer une Assemblée
locale et régionale EuroMed en vue de se concerter avec les gouvernements locaux
et régionaux. Sur le plan des déclarations, la Conférence euro-méditerranéenne
des ministres du travail et de l’emploi a, pour la première fois, « souligné
l’importance cruciale que revêt un véritable dialogue social pour renforcer
l’emploi, l’employabilité et le travail décent dans les pays euro-méditerranéens.
Le dialogue tripartite entre les partenaires sociaux et les gouvernements est
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 145

décisif à cet égard. Parallèlement, il convient de renforcer les efforts déployés en


ce qui concerne le dialogue bipartite entre les employeurs et les syndicats, afin
de renforcer leur contribution à la gestion des transformations économiques et
sociales. Dans nombre de pays partenaires, il y a lieu de renforcer la capacité des
partenaires sociaux. Dans ce contexte, il convient d’intensifier la coopération entre
partenaires sociaux dans la région euro-méditerranéenne ». De façon plus concrète,
« les ministres ont invité des représentants des employeurs et des syndicats à
apporter leur contribution par le biais d’un « Forum euro-méditerranéen de
dialogue social », qui discuterait des positions des partenaires sociaux en vue de
la consultation desdits partenaires pendant le processus de suivi, et dont l’objectif
serait de promouvoir le dialogue social dans chacun des pays euro-méditerranéens
et dans la région » ce qui n’a pu se réaliser que 16 mois après.
En tout cas, de même qu’on ne peut estimer qu’il existe un seul marché
unique du travail dans la zone euro-méditerranéenne, on ne peut non plus
affirmer qu’il existe un système structuré de dialogue social avec des partenaires
sociaux clairement identifiés (les syndicats et les employeurs des Pays arabes
méditerranéens ne jouent pas, loin de là, le rôle de représentation qu’ils jouent
dans la plupart des pays européens). Ainsi, il est donc logique de créer un système
inclusif, comprenant les syndicats et les employeurs, mais également les comités
économiques et sociaux et la société civile organisée, dans le cadre d’un processus
unique d’information et de consultation, mais pas de négociation collective
toutefois. Une façon possible de le faire, c’est de créer un Comité économique et
social euro-méditerranéen élargi (26).
Au niveau national, le dialogue sur la politique social prévu dans le cadre de
la Politique européenne de voisinage ouvre un vaste champ de possibilités pour
les acteurs économiques et sociaux de l’UE et des PPM à travers des institutions
de consultation ou des mécanismes ad hoc. En effet, le renforcement du dialogue
et de la coopération dans le cadre d’une dimension sociale (politiques sociales,
emploi, développement socio-économique et réformes structurelles) était déjà
prévu dans le premier document stratégique de la PEV, ainsi que la mise en œuvre
de politiques actives contre la pauvreté et l’exclusion (27). Cependant, l’absence

(26) Voir la proposition à cette fin dans Martín 2005, citée dans la note 25 ci-dessus.
(27) La mesure dans laquelle la PEV est perçue comme bénéfique dépendra de son incidence sur le niveau
de vie. (…). Un dialogue renforcé doit être mis en place par l’entremise des sous-comités concernés et par le
biais des dialogues économiques. (…). Le renforcement du dialogue et de la coopération sur la dimension
sociale couvrira en particulier le développement socio-économique, l’emploi, la politique sociale et les
réformes structurelles. L’UE encouragera les efforts consentis par les gouvernements partenaires pour
réduire la pauvreté, créer de l’emploi, promouvoir les normes fondamentales du travail et le dialogue social,
réduire les disparités régionales, améliorer les conditions de travail, renforcer l’efficacité de l’aide sociale
et réformer les systèmes nationaux de protection sociale. L’idée est d’engager un dialogue concernant la
politique de l’emploi et la politique sociale afin d’analyser et d’évaluer la situation, d’identifier les principaux
défis à relever et de promouvoir les réponses qui peuvent y être apportées au niveau de l’action des
pouvoirs publics’’ (Commission européenne, Politique européenne de voisinage, Document d’orientation, 
COM(2004)373, p.15, http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/strategy/strategy_paper_fr.pdf ). ‘Il conviendrait
d’intensifier le dialogue sur l’emploi et la politique sociale afin de recenser les principaux défis à relever dans ce
domaine et de favoriser la définition de politiques pour y faire face’’ (ibid., p. 25).
146 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

totale actuelle de consultation avec des acteurs sociaux au niveau national va


à l’encontre de la logique de la PEV (convergence législative et l’adoption des
pratiques de l’UE) en refusant une pratique aussi bien établie dans l’UE comme
c’est la consultation sociale. Les procédures d’information publique initiées par la
Commission début 2009 sollicitant les commentaires des parties intéressées sur les
avant-projets partiels des nouveaux programmes indicatifs nationaux 2011-2013
ne peuvent être qualifiées de processus de consultation.
En effet, la consultation des partenaires sociaux devrait devenir une partie
intégrante de tout le processus de prise de décision euro-méditerranéen. C’est
notamment le cas dans les questions sociales et celles relatives à l’emploi aux
niveaux multilatéral, bilatéral et national, conformément au modèle social
européen. Comme cela a déjà été indiqué plus haut, l’Agenda social européen
(février 2005) prévoit « l’intégration du modèle social européen dans le dialogue et
l’action externes, aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral », et la Politique de
voisinage offre le cadre institutionnel requis pour cet objectif. Le Forum de dialogue
social prévu à la Conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et de
l’emploi ne doit pas être un évènement unique, mais un premier moment qui
marque un nouveau début dans ce domaine. Sur un niveau plus structurel, il est
nécessaire de créer des espaces stables de dialogue et de coordination au niveau
du Partenariat euro-méditerranéen… avec la possibilité de créer des « Sous-comités
société civile » dans le cadre des Accords d’association euro-méditerranéens tels
qu’il est suggéré dans la Proposition 17 plus haut.

Proposition 22 (28)
Préparation d’une « feuille de route » pour aller vers
un « Espace social euro-méditerranéen » dans le cadre de
la Politique européenne de voisinage

Au niveau européen, l’Agenda de Lisbonne (2000) qui avait par objectif faire
de l’Europe une économie plus compétitive a été rapidement complétée par à
l’Agenda social européen adopté en 2005. Cette approche équilibrée n’a pas été
suivie dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen, et sa dimension sociale n’a
commencé à se manifester peu à peu que dans les quelques derniers mois.
Un contenu social et d’emploi innovateur des plans d’action du voisinage
avec les PPM devrait constituer un élément central dans la coopération euro-
méditerranéenne et sa mise en œuvre effective devrait être assurée par des
ressources suffisantes, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Les plans d’action
devraient devenir des instruments efficaces pour favoriser la convergence
législative des PPM vers le modèle social européen, renforcer les politiques
nationales d’emploi, promouvoir le dialogue social au sein de chaque pays et le

(28) Cette proposition recoupe largement la Proposition 22, formulée par Erwan Lannon dans sa
contribution ci-dessus dans le contexte de la Politique européenne de voisinage.
Vers une Stratégie euro-méditerrannéenne pour l’emploi et la mobilité 147

dialogue politique entre l’UE et les PPM sur les politiques sociales, et veiller à la
ratification, la conformité et la mise en œuvre des conventions fondamentales de
l’OIT et des normes internationales fondamentales du travail.
Ce processus devrait tendre et finalement aboutir à la création d’un véritable
« espace social euro-méditerranéen » s’ajoutant à la zone de libre-échange
euro-méditerranéenne prévue en 2010. Dans le but de garantir la cohérence du
processus et suivre son état d’avancement, une « feuille de route » pour la création
de ce « espace social euro-méditerranéen » devrait être élaborée, probablement
dans le cadre de la conférence euro-méditerranéenne des ministres du travail et
de l’emploi. Un Agenda social euro-méditerranéen serait le corollaire logique d’un
tel processus.
Bien que le droit du travail fût, dès le début, absent de l’agenda régional du
Processus de Barcelone, à l’avenir l’élaboration des fondements de l’établissement
graduel d’un « code euro-méditerranéen du travail » basé sur un corpus juridique
commun n’est pas à écarter. Ceci va dans le sens de la création d’une zone
économique commune et de la convergence législative prévue dans le cadre de la
Politique européenne de voisinage. Ce corpus juridique pourrait être constitué :
– de dispositions sociales et de dispositions concernant les travailleurs dans 
le cadre des Accords d’association euro-méditerranéens ;
– de la mise en œuvre effective des composantes socio-économiques des plans 
d’action de la PEV ;
– de la transposition de l’acquis socio-économique de l’UE dans les législations 
nationales des pays du Maghreb à travers l’exportation du modèle de 
l’UE.
Il reste à voir si la réalité évolue dans cette direction. L’établissement d’un
véritable ‘’espace social euro-méditerranéen’’ tel que proposée par le Parlement
européen en 2000 pourrait être l’étape finale de ce processus, et pourrait venir
compléter la zone euro-méditerranéenne de libre échange prévue pour 2010 qui
a, jusqu’ici été la principale priorité du Partenariat euro-méditerranéen.
Un système de monitoring pour le Partenariat
euro-méditerranéen
Larabi Jaidi *

Le pari du Partenariat euro-méditerranéen consiste à parvenir à enclencher


une dynamique vertueuse : l’ouverture commerciale appelle des réformes
institutionnelles d’accompagnement pour renforcer le dynamisme du tissu
productif local et, de facto, la compétitivité du pays ; ces évolutions commerciale
et institutionnelle renforcent l’attractivité de la zone pour les investissements ;
cet ensemble de facteurs concourt à la compétitivité de l’économie et in fine à
l’amélioration des conditions sociales.
Le Partenariat euro-méditerranéen s’inscrit dans la perspective de contribuer
de manière active à la promotion des idéaux de la démocratie et des droits de
l’homme, de la participation de la société civile, du développement durable,
sur lesquels le Processus de Barcelone est bâti. Il est évidemment attendu de la
nouvelle « politique de voisinage » de l’Union européenne qu’elle donne une plus
grande signification à ce Partenariat en accroissant la portée de sa dimension
sociale.
La crainte est toujours présente de voir les accords d’association conduire
à une détérioration de la situation socio-économique dans le Sud et que les
instruments économiques et financiers mis en place ne suffisent pas à pallier les
déséquilibres commerciaux dans la région. A cet égard, il est largement reconnu
qu’aucun partenariat n’est réellement possible sans que la dimension sociale ne
soit renforcée dans toutes les politiques du PEM, avec les mesures en découlant,
et que le dialogue social soit encouragé dans chaque pays dans des dispositions
associant pleinement la société civile.
La région méditerranéenne est marquée par :
– Une pauvreté largement répandue, puisque 30 % de la population
des pays du Sud vivent avec moins de deux dollars US par jour, et par des 
développements économiques dont la conséquence est d’aggraver la situation
économique de certaines parties de la population.
– Des perspectives préoccupantes concernant l’emploi, notamment pour 
les femmes, les jeunes et les personnes ayant des besoins spécifiques. Il y a une
nécessité de créer un nombre d’emplois suffisant pour absorber la population

* Université   Mohammed V, Rabat.


150 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

active croissante, mais aussi pour répondre à l’accroissement attendu du taux


d’activité des femmes, et réduire les taux de chômage déjà élevés. Le passage du
risque d’instabilité à l’aubaine démographique repose donc sur la capacité des
pays partenaires méditerranéens à relever le défi de la création massive d’emplois
et à mettre en place des politiques et instruments d’urgence visant à redresser la
situation du chômage.
– Une détérioration de la situation des droits de l’homme dans les huit 
dernières années, et il existe un besoin urgent d’établir, de renforcer et de garantir
l’égalité hommes-femmes, la dignité et la participation de la femme.
– Un faible intérêt accordé au développement durable comme objectif 
du Partenariat euro-méditerranéen. Bien que le concept revienne dans de
nombreuses déclarations politiques, la réalité va dans un sens opposé.
La société civile EuroMed a exprimé, en maintes occasions, son souhait de
jeter des ponts de solidarité dans une région qui appelle des réformes urgentes,
susceptibles de changer réellement la vie des gens. Elle a aussi exprimé son aspiration
à ce que le Partenariat euro-méditerranéen (PEM) aille au-delà des changements
superficiels jusque là apportés et à se dégager des contraintes et des pressions
adverses causées par les politiques unilatérales de libéralisation des marchés.
L’objectif de cette communication est de s’interroger sur la possibilité de mettre
en place un dispositif de monitoring (suivi) permettant d’accompagner la mise en
œuvre de la dimension sociale du Partenariat euromed. Elle explore la démarche de
coordination des politiques sociales poursuivie en Europe dans la perspective de
définir des objectifs sociaux communs aux pays membres de l’Union européenne
et d’établir un cadre de coordination entre ces pays. En effet, depuis le sommet
de Lisbonne de 2000, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne
ont adopté une « méthode ouverte de coordination » destinée à organiser la
convergence des systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation
d’objectifs communs dans le domaine de la cohésion sociale. Des indicateurs
sociaux publiés régulièrement permettent de mesurer les progrès de l’Union en
ce sens dans les domaines suivants : emploi, inclusion sociale, pensions et soins de
santé. La finalité de cette démarche exploratoire est d’analyser dans quelle mesure
et sous quelles conditions peut-on s’inspire des dispositifs et indicateurs de cette
méthode en vue de les appliquer à la région euro-méditerranéenne.

1. Le Système de Monitoring des politiques sociales européennes :


quelle méthode et quels indicateurs ?
La construction européenne exerce une pression sur l’harmonisation des
systèmes de protection sociale. Pendant très longtemps, l’harmonisation des
systèmes de protection sociale est restée un vœu pieux, chaque pays gérant comme
il l’entendait sa protection sociale. Mais les effets négatifs et les risques à long
terme de ce « chacun pour soi » sont devenus évidents et à la fin des années 1990,
les institutions de l’Union européenne ont compris la nécessité de la coordination
réelle des politiques sociales.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 151

Les premières mesures on visé la politique de l’emploi. Celle-ci ne concerne


pas directement la protection sociale mais, en fait, elle lui est très liée : en effet, la
protection sociale repose pour partie (et parfois une très grande partie) sur l’activité
professionnelle. De la coordination des politiques de l’emploi, on est ensuite passé
à une coordination concernant d’autres domaines de la politique sociale.
C’est dans le Traité d’Amsterdam (1996) que l’on trouve pour la première fois
une référence explicite à une politique européenne de l’emploi, celle-ci devant
tendre au plein emploi. La coordination effective des politiques nationales de
l’emploi se développera ensuite dans le cadre du « processus de Luxembourg » (fin
1997) par le biais de définition d’orientations communes et par l’obligation pour
chaque pays de communiquer aux autres chaque année les mesures prises pour
atteindre les orientations communes et d’en faire une évaluation commune.
A partir de 2000, la « méthode ouverte de coordination » est étendue à d’autres
domaines concernant la protection sociale : retraites, systèmes de santé, etc. Il y a
donc une définition en commun d’objectifs de protection sociale, ce qui correspond
à peu près à la construction de normes européennes. Ces normes doivent guider
les réformes, considérées comme nécessaires (en particulier à cause des questions
financières). L’idée générale est que les systèmes doivent privilégier l’emploi, en
visant à augmenter significativement le taux d’emploi européen. Les mesures prises
dans les pays doivent donc s’intégrer dans ce cadre.

1.1. La politique de protection sociale : les contraintes de la coordination


Le système de protection sociale qui s’est mis en place dans les pays européens
surtout depuis la seconde guerre mondiale a clairement comme objectif de donner
à chaque citoyen des droits sociaux qui lui permettent, quels que soient les aléas
de son existence, de continuer à se sentir membre de la société. On peut noter
cependant que les systèmes mis en place, les risques couverts, peuvent être très
différents de pays à pays, la place laissée à la solidarité familiale ou à l’assurance,
par exemple, étant plus grande dans certains pays que dans d’autres. Ainsi :
– On observe un écart substantiel entre l’Irlande où les dépenses de protection
représentent 14,1 % du PIB, et la Suède où elles en représentent plus de 32 %,
soit une proportion plus de 2 fois supérieure. Cette diversité dans l’importance
quantitative accordée à la protection sociale va rendre la convergence des systèmes
de protection sociale difficile.
– La diversité touche également les risques couverts. Si dans tous les pays la
part des prestations sociales consacrées à la vieillesse est la plus importante, on
voit qu’elle est cependant très variable selon les pays (moins de 40 % au Danemark,
plus de 60 % en Italie). Les différences sont encore plus manifestes pour d’autres
risques : l’Italie consacre moins de 4 % de ses prestations sociales aux prestations
familiales alors que le Luxembourg y consacre plus de 16 %, soit 4 fois plus
proportionnellement. L’Italie consacre 0,2 % de ses prestations à la lutte contre
l’exclusion et au logement social alors que le Danemark y consacre plus de 6 %.
152 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

– La diversité concerne également les modes de financement : des pays ont


choisi de financer leur protection sociale pour l’essentiel par des impôts (le
Danemark, par exemple) alors que d’autres font reposer leur système sur les
cotisations professionnelles, c’est-à-dire que la protection sociale est rattachée à
l’activité professionnelle (l’Allemagne et la France, par exemple).
Ces différences signifient que ces pays n’ont pas la même conception de
la protection sociale. La diversité dans la façon de couvrir les différents risques
pose problème quand il s’agit, au sein de l’Union européenne, de discuter d’une
éventuelle harmonisation des politiques de protection sociale. Cette diversité dans
le financement amène, elle aussi, des difficultés quand il s’agit de faire converger
les systèmes de protection sociale.
L’harmonisation des systèmes de protection sociale est souvent présentée
comme une nécessité, cette nécessité permettant de justifier des réformes
présentées comme « inévitables ». La réalisation du Marché unique met en
concurrence des espaces nationaux aux réglementations parfois très différentes.
Les entreprises vont donc réclamer des charges équivalentes d’un pays à un autre
de manière à préserver la libre concurrence, le risque étant, si cette égalité de
traitement n’était pas réalisée, que les entreprises délocalisent leurs activités dans
les pays de l’Union où les charges liées à la protection sociale seraient les moins
élevées (l’Irlande, par exemple). Dans le même ordre d’idées (les idées libérales),
on avance souvent l’argument de la nécessaire flexibilisation de la main-d’œuvre,
donc de la diminution des garanties sociales systématiquement accordées aux
salariés. Enfin, la nécessité de réaliser les critères de Maastricht pour entrer dans
l’Union monétaire et le maintien de l’obligation de respecter ces critères depuis
imposent aux Etats une stricte limitation de leurs déficits publics.

1.2. La stratégie européenne de l’emploi : des lignes directrices


En matière d’emploi, la montée continue du chômage dans les Etats-membres
de l’Union européenne (UE) a fait prendre conscience de la nécessité d’y consacrer
une politique spécifique. Durant ces dernières années, l’importance accordée
par les européens à la politique sociale et de l’emploi a considérablement
augmenté.
De nombreuses politiques dans le domaine de l’emploi et des affaires sociales
sont principalement du ressort des Etats membres. Elles sont donc fonction
des conditions politiques et économiques nationales et peuvent ainsi différer
considérablement d’un pays à l’autre. Cependant, parallèlement à l’intégration
économique, l’Union européenne développe un cadre de plus en plus solide dans
l’objectif de compléter les actions nationales menées pour relever les défis sociaux
et de l’emploi.
Le Traité de Rome (1957) ne comportait que peu d’articles visant la politique
sociale de manière spécifique. Les dispositions dans ce domaine concernaient
essentiellement la mise en œuvre de la libre circulation des travailleurs et la liberté
d’établissement dans le cadre du marché commun. L’Acte unique européen (1986)
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 153

a consacré une place plus importante à la politique sociale, notamment dans


le domaine de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, du dialogue avec
les partenaires sociaux et de la cohésion économique et sociale. Le volet social
avance avec le Traité de Maastricht, et plus particulièrement le protocole sur la
politique sociale. Quant à l’emploi, c’est le Traité d’Amsterdam qui est venu insérer
la promotion d’un « niveau d’emploi élevé » dans les objectifs de l’UE.
Bien que relevant avant tout de la compétence des Etats membres, la politique
de l’emploi constitue désormais une « question d’intérêt commun » (article 2
du Traité CE). Ainsi, l’UE dispose d’un outil juridique permettant de coordonner
les politiques de l’emploi des Etats membres au sein d’une stratégie commune.
Elle doit également soutenir les actions des Etats membres et au besoin les 
compléter ().
L’Union européenne a pour ambition de promouvoir « un niveau d’emploi
et de protection élevé », « un développement harmonieux, équilibré et durable
des activités économiques », « l’égalité entre les hommes et les femmes », « une
croissance durable et non inflationniste », « un haut degré de compétitivité et
de convergence des performances économiques », « le relèvement du niveau 
et de la qualité de vie », et « la cohésion économique et sociale » (article 2 du Traité 
CE).
Plus précisément, en matière d’emploi, « les États membres et la Communauté
s’attachent (…) à élaborer une stratégie coordonnée pour l’emploi et en particulier
à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et susceptible de s’adapter ainsi
que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie »
(article 125 TCE). La stratégie suppose que les Etats membres de l’UE mettent en
œuvre les grandes orientations des politiques économiques.
Depuis son lancement en 1997, la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) a
joué un rôle clé dans la coordination des politiques de l’Union en vue de créer des
emplois de meilleure qualité pour tous. Ce rôle a d’ailleurs été souligné à maintes
reprises par le Conseil européen et la SEE est devenue un instrument essentiel
permettant de répondre à l’une des principales préoccupations des citoyens
européens : une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi.
La stratégie européenne pour l’emploi (SEE) a été créée en vue d’orienter et
de coordonner les priorités d’emploi auxquelles les États membres ont adhéré à
l’échelon de l’Union européenne (UE). En 1997, les États-membres se sont engagés
à mettre en place une série de cibles et d’objectifs communs pour leurs politiques
d’emploi et à assurer leur suivi dans le cadre d’une procédure annuelle fixée dans
le nouveau Traité d’Amsterdam.

() De plus, l'emploi fait partie de l'ensemble des politiques communautaires. C'est-à-dire qu'il doit en
être tenu compte, dans chaque action qu'entreprend l'UE. De nombreuses politiques contribuent de fait
au développement de l'emploi : politique d’éducation et de la formation, politique régionale, politique
de la recherche et du développement technologique, politique de soutien à l’utilisation des nouvelles
technologies de la société de l’information, mobilité des travailleurs...
154 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Les États-membres disposent toujours de la compétence dans le domaine de la


politique de l’emploi, mais le traité renforce le rôle du Conseil et de la Commission
et leur confie de nouvelles responsabilités, tandis que le Parlement européen est
intégré plus étroitement dans le processus de décision. Les responsabilités des
partenaires sociaux sont également accrues grâce à l’introduction du protocole
social dans le traité.
La SEE fait partie intégrante d’un plus vaste ensemble d’instruments mis
au point par les institutions de l’UE pour soutenir les politiques de l’emploi à
l’échelon européen. C’est aussi un important outil pour la réalisation de l’objectif
de Lisbonne consistant à créer « un plus grand nombre d’emplois de qualité », ainsi
qu’un élément du dialogue social européen. La SEE utilise également le Fonds
social européen pour aider les États membres à mettre en œuvre les politiques
de l’emploi qui ont été adoptées.
Avant le Traité d’Amsterdam, la politique de l’emploi relevait exclusivement
de la responsabilité des États membres, le rôle de la Commission étant limité
à promouvoir la coopération à l’échelon de l’UE. Inspiré par le Livre blanc de
Jacques Delors sur la croissance, la compétitivité et l’emploi publié en 1993, le
Conseil européen d’Essen a adopté des objectifs clés en décembre 1994, mais cette
initiative était fondée sur des conclusions non contraignantes.
C’est lors du sommet européen sur l’emploi de Luxembourg, en novembre
1997 que le Conseil Européen a lancé la stratégie européenne pour l’emploi
(SEE). Le contexte était marqué par des taux de chômage élevés. Cette stratégie
devait permettre aux États membres et à la Commission d’atteindre des cibles et
objectifs communs, grâce à la coopération et à l’échange d’expériences, et créer
ainsi davantage d’emplois et de meilleure qualité en Europe.
En mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, l’Union européenne
se fixait un nouvel objectif stratégique pour la prochaine décennie : devenir
l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde,
capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration
quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. La
SEE, axée jusqu’ici sur la réduction du taux de chômage, allait désormais donner
la priorité au rétablissement de conditions propices au plein emploi. La SEE devait
donc permettre à l’Union de réaliser les conditions du plein emploi (taux d’emploi
total de 70 % et de 60 % pour les femmes) et de renforcer la cohésion sociale d’ici
à 2010.
En mars 2001, le Conseil européen de Stockholm ajoutait à ce corpus des
objectifs intermédiaires pour 2005 et un objectif supplémentaire : porter à 50 % le
taux d’emploi des aînés d’ici à 2010. En mars 2002, le Conseil européen de Barcelone
appelait à un report de cinq ans de l’âge de la retraite d’ici à 2010 et fixait des
objectifs pour la garde et l’accueil des enfants, notamment en vue de faciliter
l’emploi des femmes (33 % pour les enfants de moins de 3 ans, 90 % entre 3 ans
et l’âge de la scolarité obligatoire). En outre, le Conseil européen de Barcelone a
demandé le développement d’une série d’indicateurs européens dans le domaine
de l’éducation et de la formation, qui ont été adoptés en mai 2003.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 155

À la demande des chefs d’État ou de gouvernement réunis au Conseil européen


de printemps en 2003, la Commission a mis en place une task-force européenne
pour l’emploi, en vue d’un examen de la SEE. La Commission et le Conseil ont intégré
les résultats du rapport de la task-force dans leur rapport conjoint sur l’emploi,
en vue du sommet du printemps 2004. Ce rapport a confirmé la nécessité d’une
action résolue de la part des États membres conformément aux orientations de
la task-force. L’accent a ainsi été mis sur l’amélioration de la capacité d’adaptation
des travailleurs et des entreprises, l’insertion et le maintien dans l’emploi d’un plus
grand nombre de travailleurs, l’accroissement des investissements dans le capital
humain et l’amélioration de la gouvernance.
En 2005, le Conseil européen et la Commission ont estimé que la stratégie
de Lisbonne devait être recentrée sur la croissance et l’emploi. La relance de la
stratégie de Lisbonne a mis en évidence en recentrant les efforts stratégiques
vers la réalisation de deux objectifs, une croissance durable et plus soutenue et
un plus grand nombre d’emplois de qualité. La procédure de la SEE a été revue
en conséquence.
L’UE s’appuie par ailleurs sur les collectivités régionales et locales, ainsi que
sur les partenaires sociaux et la société civile, en soutenant les initiatives de
développement local.
A partir de 2005, la mise en œuvre de la SEE est intégrée dans le cycle de
gouvernance de Lisbonne. Avec l’adoption des nouvelles lignes directrices
intégrées en juillet 2005, un nouveau cadre SEE couvrant une période de trois
ans (2005-2008) a été lancé. La SEE utilise différents instruments à l’échelon de
l’UE et au niveau national pour coordonner les politiques de l’emploi des États
membres. En résumé :
Le Conseil européen adopte une série de lignes directrices intégrées. Celles-
ci exposent des priorités communes pour les politiques des États membres. Les
premières lignes directrices intégrées ont été proposées par la Commission en avril
2005 et adoptées en juillet 2005 par le Conseil (voir encadré).
Au début de l’automne, les États membres rédigent un programme, le
programme national de réforme, qui décrit comment les lignes directrices seront
mises en œuvre à l’échelon national. La Commission, sur la base de son évaluation
des programmes nationaux de réforme, adopte le rapport de situation annuel de
l’UE en vue du Conseil européen de printemps. Parallèlement à cela, la Commission
envisage des initiatives paneuropéennes pour soutenir les actions nationales.
La Communication de la Commission de juillet 2005 « Actions communes pour
la croissance et l’emploi : le programme communautaire de Lisbonne » décrit
le programme communautaire de Lisbonne. S’il y a lieu, la Commission peut
identifier de nouvelles actions pour la révision du programme communautaire de
Lisbonne et proposer des recommandations nationales spécifiques.
Le chapitre « Emploi » du rapport de situation annuel est adopté par le Conseil
et intégré au début de l’année suivante dans le rapport conjoint sur l’emploi.
156 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Priorités et lignes directrices pour l’emploi 2005-2008

17. Appliquer des politiques de l’emploi visant à atteindre le plein emploi, à 


améliorer la qualité et la productivité du travail et à renforcer la cohésion 
sociale et territoriale.
Attirer et maintenir un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail et
moderniser les systèmes de protection sociale.
18. Favoriser une approche fondée sur le cycle de vie à l’égard du travail.
19. Assurer des marchés du travail qui favorisent l’insertion, renforcer l’attrait 
des emplois et rendre le travail financièrement attrayant pour les demandeurs 
d’emploi, y compris les personnes défavorisées et les personnes inactives.
20. Améliorer la réponse aux besoins du marché du travail.
Améliorer la capacité d’adaptation des travailleurs et des entreprises.
21. Favoriser la flexibilité en la conciliant avec la sécurité de l’emploi et réduire 
la segmentation du marché du travail en tenant dûment compte du rôle des 
partenaires sociaux.
22. Assurer une évolution des coûts du travail et instaurer des mécanismes de 
fixation des salaires qui soient favorables à l’emploi.

En février 2005, la Commission européenne publiait le nouvel Agenda Social.


Cet agenda sert de guide à la modernisation de la politique sociale européenne, en
vue de mieux l’adapter à un monde caractérisé par une concurrence internationale
croissante, des avancées technologiques et des données démographiques
fluctuantes. Cet agenda avait deux priorités : l’emploi (et la modernisation du
marché européen de l’emploi), et la lutte contre la pauvreté et la promotion de
l’égalité des chances.
L’Agenda Social a été publié au même moment que la révision de la Stratégie
de Lisbonne pour la croissance et l’emploi au sein de l’Union européenne.
Cette stratégie coordonne les politiques des Etats membres dans les domaines
de l’économie, de l’emploi, de la protection sociale et de l’intégration sociale. Elle
présente une série de lignes directrices qui se concentrent sur le plein-emploi,
une meilleure qualité du travail et une productivité accrue, ainsi qu’une meilleure
cohésion sociale et territoriale ().
Mais la politique sociale européenne ne se limite pas à des stratégies et des
lignes directrices. L’Union européenne investit pour la promotion de l’emploi et
l’amélioration des conditions sociales. Le Fonds Social Européen (FSE) est le
principal instrument financier pour le développement de l’emploi et des ressources
humaines. Il aide les personnes à améliorer leurs compétences, et par conséquent
leurs perspectives d’emploi.

() Pour une vue d’ensemble des politiques européennes sociales et de l’emploi, consulter :
http ://ec.europa.eu/employment_social/index_fr.html. Sur la Stratégie européenne de l’emploi,
communément connue sous le terme de Stratégie de Lisbonne, voir :
http ://ec.europa.eu/employment_social/employment_strategy/index_fr.htm.
Pour plus d’informations, voir http ://ec.europa.eu/growthandjobs/index_fr.htm.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 157

1.3. Le cadre et les outils du monitoring


La stratégie européenne pour l’emploi repose sur la méthode ouverte de
coordination, définie par les articles 125 et 128 du Traité instituant la Communauté
européenne. Cette méthode garantit la définition d’objectifs globaux pour l’Union
européenne, l’établissement d’indicateurs et de statistiques qui soient comparables
dans les Etats membres, le suivi périodique, l’évaluation des progrès accomplis, ainsi
que l’échange de bonnes pratiques entre Etats membres. Elle suppose également
que les Etats membres de l’UE mettent en œuvre les grandes orientations des
politiques économiques. L’UE s’appuie par ailleurs sur les collectivités régionales
et locales, ainsi que sur les partenaires sociaux et la société civile, en soutenant les
initiatives de développement local.
La « méthode ouverte de coordination » est fondée sur les principes clés de
la subsidiarité (qui répartit les compétences entre l’Union européenne et les
États membres), de la convergence (action concertée), de l’apprentissage mutuel
(échange de bonnes pratiques), de l’approche intégrée (les réformes structurelles
s’étendent aux politiques sociales, fiscales, régionales, d’éducation et des
entreprises) et de la gestion par objectifs.

La « méthode ouverte de coordination »

Cette méthode, dénommée « méthode ouverte de coordination » (MOC), prévoit des


processus d’échanges d’expériences et d’identification des meilleures pratiques qui doivent
permettre progressivement une convergence des systèmes nationaux de protection
sociale vers la réalisation d’objectifs communs dans des domaines de compétences
principalement nationaux. Cette méthode comporte quatre phases distinctes :
• dans une première phase, les États membres s’accordent sur les thèmes sur lesquels
mettre en œuvre ces échanges d’expérience, et, pour chacun de ces thèmes, sur les objectifs
communs qu’ils jugent essentiels dans l’application des politiques sociales nationales ;
• les progrès des États membres dans la voie des objectifs ainsi déterminés font
l’objet d’un suivi à l’aide d’indicateurs statistiques qui sont également déterminés
en commun ;
• les États membres présentent tous les trois ans des rapports sur leurs stratégies en
matière d’inclusion et de protection sociales ; ceux-ci doivent comporter la fourniture
des indicateurs communs de suivi ;
• la Commission européenne établit un rapport de synthèse dans lequel, s’appuyant sur
les rapports nationaux, elle souligne les expériences les plus porteuses d’enseignements
pour l’ensemble des États membres, adresse à chacun d’eux des recommandations pour
améliorer leur contribution au progrès de l’Union européenne dans son ensemble, et
suggère les enjeux à approfondir dans les phases ultérieures du processus.
La mise en œuvre de la MOC dans le champ social est assurée par une instance
spécifique rattachée au Conseil européen : le Comité de la protection sociale, qui
regroupe des hauts fonctionnaires des ministères chargés de la santé et des affaires
sociales des vingt-cinq États membres. En son sein, le sous-groupe « Indicateurs », qui
englobe également des représentants des ministères sanitaires et sociaux des États
membres, est plus particulièrement chargé d’élaborer les indicateurs pertinents pour
le suivi des progrès réalisés vers les objectifs sociaux communs.
158 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Pour mettre en œuvre ce dernier principe, la stratégie utilise des mesures et


des objectifs de référence quantifiés afin d’assurer un suivi et une évaluation
approfondie des progrès accomplis. Dans ce contexte, les indicateurs sont utilisés
pour examiner les performances et les efforts des États membres en matière
d’emploi et servent à l’analyse des programmes nationaux de réforme. Ils seront
également utilisés pour l’élaboration du rapport de situation annuel de l’Union
européenne, qui servira de base au rapport conjoint sur l’emploi.
La méthode de coordination ouverte doit permettre une convergence des
systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation d’objectifs communs.
Le sommet de Nice, en décembre 2000, a arrêté quatre thèmes d’application de la
méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion sociale : inclusion
sociale, pensions, attractivité financière de l’emploi et soins de santé.
Les travaux ont débuté en 2000 et atteint une première étape significative à la fin
de l’année 2003 par l’adoption d’un premier ensemble d’indicateurs d’inclusion sociale
et de pensions par le Comité de la protection sociale. Depuis lors, le contexte de la
mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination dans le domaine de la cohésion
sociale a connu de profondes transformations, lesquelles ont entraîné une révision
importante du portefeuille d’indicateurs. Les processus d’établissement des grandes
orientations de politique économique (GOPE) et des lignes directrices emploi ont été
intégrés dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne.
Parallèlement, le nombre d’indicateurs retenus pour comparer les stratégies
nationales d’inclusion et de protection sociales a été réduit.
Ainsi, le Conseil européen du printemps 2006 a adopté trois grands objectifs
transversaux pour chacun des thèmes :
• promouvoir la cohésion sociale et l’égalité des chances pour tous à travers 
des systèmes de protection sociale et de politiques d’inclusion sociale adéquats, 
accessibles, financièrement viables, adaptables et efficients ;
• interagir de manière étroite avec les objectifs de Lisbonne visant au 
renforcement de la croissance économique et à l’amélioration quantitative 
et qualitative de l’emploi, ainsi qu’avec la stratégie de l’Union européenne 
en faveur du développement durable ;
• améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des parties 
intéressées à la conception, à l’exécution et au suivi de la politique.
Pour illustrer ces trois objectifs, le Comité de la protection sociale a adopté le
22 mai 2006 une liste de treize indicateurs permettant de couvrir ces trois grands
objectifs, mais aussi les trois grands thèmes – inclusion sociale, pensions et soins
de santé – sur lesquels la méthode ouverte de coordination a été mise en œuvre.
Ces indicateurs transversaux sont articulés avec d’autres indicateurs thématiques,
illustratifs des sous-objectifs définis en commun dans ces trois domaines.
Un premier groupe de trois indicateurs porte sur les indicateurs monétaires de
pauvreté et d’inégalités : le premier indicateur est le taux de pauvreté monétaire,
soit la proportion d’individus vivant dans des ménages dont le niveau de vie est
inférieur à 60 % du niveau de vie du ménage médian ; le deuxième indicateur
mesure la proportion de personnes qui vivent sous un seuil de ressources égal, en
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 159

2005, au seuil de pauvreté monétaire (60 % du niveau de vie médian) ; le troisième


indicateur est relatif aux inégalités de niveau de vie.
Quatre indicateurs portent ensuite sur des situations défavorisées
particulièrement représentatives : l’état de santé : il s’agit de l’espérance de
vie sans incapacité ; les faibles niveaux d’études, en tant que handicaps pour
l’insertion sociale et professionnelle des individus ; la proportion d’individus qui
vivent dans des ménages dans lesquels aucun membre n’occupe d’emploi ; la
pauvreté laborieuse : il s’agit de la proportion d’individus qui occupent un emploi
– alternativement, l’ensemble des actifs occupés ou seulement les salariés – et qui
vivent dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté
(60 % du niveau de vie médian).
Deux indicateurs portent spécifiquement sur les pensions : le premier porte sur
le caractère adéquat des pensions, c’est-à-dire sur la capacité des pensions offertes
par les régimes de retraite à répondre aux besoins des retraités ; le second porte
sur le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 59 ans et de 60 à 64 ans.
Un indicateur est destiné à illustrer les obstacles à l’accès aux soins. Il s’agit
de la proportion de personnes qui déclarent, dans l’enquête harmonisée sur les
revenus et les conditions de vie, avoir renoncé à se faire soigner par un médecin.
Enfin, trois indicateurs illustrent des enjeux transversaux aux différents
thèmes. L’un porte sur la cohésion régionale et consiste dans le coefficient de
variation (rapport entre l’écart type et la moyenne) des taux d’emploi régionaux.
Le deuxième porte sur le taux d’activité – proportion de personnes occupant un
emploi ou à la recherche d’un emploi dans l’ensemble de la population. Enfin, le
dernier indicateur illustre l’enjeu de la soutenabilité financière des systèmes de
protection sociale ().
Deux compléments sont ajoutés à cette liste : d’une part, le Comité de la
protection sociale a prévu de réserver un indicateur supplémentaire relatif aux soins
de santé ; d’autre part, une liste préliminaire d’indicateurs de contexte, destinés à
faciliter l’interprétation des treize indicateurs ci-dessus, a été adoptée ().
Définir des objectifs communs d’emploi implique qu'il faut définir des indicateurs
communs permettant de comparer les meilleures pratiques et de mesurer les progrès
accomplis dans la réalisation de ces objectifs. En ce sens, les indicateurs communs
ne sont pas synonymes de politiques communes.

() Il s’agit des projections à l’horizon 2050 de la part dans le produit intérieur brut des dépenses sociales
liées à la structure par âge de la population (retraites, soins de santé, soins et services aux personnes âgées,
éducation et indemnisation du chômage) réalisées par les États membres selon une méthodologie et des
hypothèses communes.
() Elle comprend neuf indicateurs : la croissance du produit intérieur brut, les taux d’emploi, de chômage et
de chômage de longue durée, décomposés par genre et âge, l’espérance de vie à la naissance et à 65 ans, le
ratio, en valeur courante et projetée, entre les personnes âgées de 65 et plus et les personnes âgées de 18
à 64 ans, la répartition des ménages par type – couples, familles monoparentales, ménages complexes et
collectifs, selon le nombre d’enfants, la dette publique en part du produit intérieur brut, en valeur courante
et projetée, la ventilation des ménages sans emploi par type de ménage, enfin les indicateurs de « trappes »
à chômage, inactivité et bas salaires, illustratifs de l’attractivité financière de l’emploi.
160 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Le cadre méthodologique global consiste en une liste d'indicateurs primaires


et secondaires constituant un portfolio transversal et couvrant les trois grands
thèmes de l’emploi et du chômage. Les indicateurs primaires se composent d'un
nombre restreint d'indicateurs principaux couvrant les dimensions essentielles des
objectifs définis. Les indicateurs secondaires soutiennent ces indicateurs principaux
en fournissant une idée plus précise de la nature du problème. Ces indicateurs sont
utilisés dans les Rapports nationaux ainsi que dans le rapport conjoint.
L'utilisation d'indicateurs définis d'un commun accord pour suivre les progrès
accomplis dans la réalisation des objectifs communs est un élément essentiel du
processus de coordination des politiques MOC. Dans ce contexte, les indicateurs
ont été définis sur la base d'une approche consensuelle et d'une série de critères
comprenant la comparabilité reposant sur des données harmonisées et solides
de l'UE, la réactivité aux politiques, une interprétation normative claire, l'accent
sur les résultats, etc.
Depuis le lancement de la Stratégie européenne pour l'emploi en 1997, les
indicateurs ont été utilisés pour évaluer les progrès des États membres dans la
mise en ouvre des lignes directrices pour l'emploi. Les indicateurs permettent
de mesurer les effets des initiatives politiques et d'améliorer la transparence des
résultats. Ils sont utilisés pour examiner les performances et les efforts des États
membres en matière d'emploi et servent à l'analyse des programmes d'action
nationaux pour l'emploi et à l'élaboration du rapport de situation annuel de l'UE
qui servira de base au rapport conjoint sur l'emploi. 
Les indicateurs sont adoptés chaque année par le Comité de l'emploi. Le groupe
de travail sur les indicateurs du Comité de l'emploi assiste le Comité pour le choix
et la mise au point des indicateurs nécessaires au suivi des lignes directrices pour
l'emploi. La Commission (DG Emploi et affaires sociales) et les États membres
travaillent ensemble dans ce groupe sur les indicateurs. La mission essentielle
du groupe est de définir, de réviser et d'améliorer l'ensemble des indicateurs à la
lumière des progrès statistiques et des nouvelles priorités politiques. Les indicateurs
sont classés en indicateurs de contrôle et indicateurs d'analyse et suivant l'ordre
des lignes directrices 2005-2008. Le travail continue également au sein du groupe
pour améliorer la comparabilité, la fiabilité et la mise à jour des bases de données
dans ces domaines. La DG Emploi et affaires sociales coopère de façon étroite avec
Eurostat, l'office statistique des Communautés européennes.
Selon les évaluations de l’UE, la stratégie a permis d’aboutir à des résultats
concrets, répondant ainsi aux principales préoccupations sur l’emploi. Ainsi,
depuis 1997, les taux d’emploi des travailleurs âgés et des femmes, de même que
les taux d’emploi moyens, ont progressé de manière significative, tandis que le
chômage et le chômage de longue durée affichaient une tendance inverse (avec
une diminution de près d’un tiers pour le chômage de longue durée). Même si ces
avancées ne peuvent pas être entièrement attribuées à la SEE, celle-ci y a apporté
une contribution essentielle : en effet, si les résultats en matière d’emploi se sont
améliorés, c’est parce que les États membres sont en mesure de mieux mettre en
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 161

œuvre leurs politiques d’emploi et d’échanger avantageusement leurs expériences


pour réaliser des objectifs communs.
Malgré les progrès réalisés au cours de ces dernières années, l’UE a encore un
très long chemin à parcourir pour réaliser le plein emploi, pour améliorer la qualité
du travail et renforcer la cohésion sociale et territoriale. La relance de la stratégie
de Lisbonne, décidée en 2005, vise à encourager l’action aux niveaux national et
européen, en mettant l’accent sur la croissance et l’emploi. La SEE, soutenue par
le Fonds social européen, est un pilier central du nouvel agenda de Lisbonne. Elle
doit permettre d’améliorer les performances dans le domaine de l’emploi, ainsi
que l’élaboration et la mise en œuvre des politiques par le biais d’une meilleure
gouvernance et de l’apprentissage mutuel.
L’agenda de la politique sociale de l’UE vise à promouvoir et à diffuser, jusqu’au-
delà de ses frontières, ses valeurs communes ainsi que l’expérience d’un modèle de
développement associant croissance économique et justice sociale. La Commission
a développé les échanges politiques et la coopération à l’échelon multilatéral
et bilatéral avec des organisations internationales, dont l’OCDE, l’Organisation
mondiale du travail et le G8, ainsi qu’avec divers pays dont les États-Unis, le Japon,
la Chine et l’Inde. Depuis la fin des années 1990, un des objectifs de la Commission
a été de s’assurer que les pays qui étaient candidats définissent des politiques
d’emploi susceptibles de les préparer à l’adhésion à l’Union (). L’idée étant que
ces pays ajustent peu à peu leurs institutions et leurs politiques à la Stratégie
européenne pour l’emploi, afin de pouvoir mettre pleinement en œuvre le titre
« Emploi » du traité et ce dès leur adhésion.

2. Le système de monitoring des politiques sociales européennes


peut-il être « transférable » dans la zone euromed ?
Promouvoir la dimension sociale du Partenariat figure parmi les engagements
clés des accords d’association et de la Politique européenne de voisinage (PEV). Les
échanges internationaux permettant de déterminer comment mettre en œuvre au
mieux les différentes facettes de la politique de l’emploi, tant au niveau technique
que sur le plan politique sont également au programme. Dans cette perspective,
aujourd’hui et quatorze ans après son lancement, le système de monitoring des
politiques sociales européennes peut-il être un point de repère, un réel modèle
dans le domaine de suivi des politiques sociales et des politiques de l’emploi dans
la région euro-méditerranéenne ?
Dans les documents de référence de la politique euro-méditerranéenne, il est
fait souvent état du suivi du développement social et des questions de l’emploi.
Mais ce suivi est resté lettre morte. Cette insuffisance du suivi des politiques sociales
est d’autant plus préjudiciable que le processus de divergence entre les deux rives

() Au moment de l’élargissement, une première fois à 25 membres en 2004 et ensuite à 27 en 2007, la
procédure de préparation élaborée et approfondie à l’adhésion à part entière à la SEE – au travers des plans
d’action conjoints – a réellement facilité l’intégration des nouveaux États membres.
162 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

de la Méditerranée semble s’approfondir. Il est donc nécessaire de renforcer le


cadre de la coopération et du Partenariat en mettent en place un dispositif et des
indicateurs de suivi qui contribueraient à harmoniser les politiques sociales et à
examiner leurs effets sur le moyen et long terme.
En effet, depuis quelques années, et après période de croissance lente et
heurtée, les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM) connaissent des taux
de croissance du PIB réel de près de 6 % en moyenne contre 3,6 % sur la décennie
1990. Dans les prochaines années, la région risque de souffrir de la crise financière.
Le ralentissement américain et européen pèsera sur les exportations de la région.
Mais à long terme, les projections de la Banque mondiale, comme celles du CEPII,
misent sur une progression du PIB de 3,5 % à 4 % par an en moyenne d’ici 2030 ().
Toutefois, cette progression, même si elle se situera à un niveau moyen plus élevé
que celui de la zone euro, ne conduira pas nécessairement à une convergence des
niveaux de vie entre les deux rives de la méditerranée.

2.1. Le processus de convergence-divergence dans la zone EuroMed


La question des liens entre la mise en œuvre de la politique euro-méditerranéenne
et la convergence des niveaux de vie entre les deux rives est l’une des plus
controversées qui soit, parce que s’opposent des visions simplistes au gré desquelles
l’insertion internationale serait, pour l’une, la garantie du développement, et pour
l’autre l’assurance de la paupérisation.
La réalité est plus nuancée. Elle est surtout plus complexe, pour deux raisons.
La première est qu’il est artificiel de vouloir résumer par quelques indicateurs
simples un ensemble de trajectoires nationales. Les avocats de la thèse de la
convergence mettent en avant les succès des pays qui sont parvenus à effectuer
un léger rattrapage économique ou plutôt une réduction des écarts de niveau de
vie. Au fait le nombre de ces pays est réduit pour ne pas dire limité à un ou deux
pays (Tunisie, Jordanie). Les critiques de cette thèse de la convergence mettent
en exergue l’appauvrissement d’autres pays qui ont vu leur revenu stagner ou
baisser. Les uns et les autres ont raison. L’observateur objectif doit relever que le
rattrapage est soumis à un ensemble de conditions touchant à l’épargne, à l’effort
d’éducation, à la qualité des institutions nationales, ou à la distribution du revenu,
que beaucoup de pays en développement ne remplissent pas.
Plusieurs éléments vont dans le sens d’une convergence des deux rives, d’autres
vont dans le sens de la divergence :
• Une certaine modernisation des structures politiques, administratives 
et économiques au Sud ; ces pays ont dans l’ensemble réussi à maîtriser 
leur inflation et stabilisé leurs cours de change ; ils connaissent un début de 
décentralisation, par exemple au Maroc.

() Ces projections se fondent sur une croissance potentielle calculée sur l’hypothèse d’une forte
dynamique démographique, d’une faible hausse de la productivité, d’une accumulation un peu plus
soutenue de capital physique (investissements) et enfin d’un rattrapage technologique (capacité à utiliser
des technologies modernes) moins rapide que celui des zones émergentes.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 163

• Une croissance significative du PIB depuis 50 ans, qui aura évité un 
trop grand décrochage du Sud vis-à-vis de la rive nord. Désormais, 
la vraie discontinuité économique oppose moins le Nord et le Sud de la 
Méditerranée que le Nord et le Sud du Sahara.
• Les indicateurs sociétaux de la rive sud (espérance de vie, fécondité…) se 
rapprochent rapidement de ceux du Nord.
• Pour un grand nombre d’indicateurs des flux commerciaux, financiers et de 
personnes, la région atteste un fort degré d’intégration intra zone. 
Au Sud de la Méditerranée, la part de l’Europe occidentale dans le 
tourisme, le commerce, les IDE, les créances bancaires (celles sur les PPM 
sont majoritairement ouest européennes, jusqu’aux deux tiers dans le cas 
du Maghreb), ou dans les remises migratoires, est toujours de l’ordre de 
50, 60, et même 70 % par exemple pour ce qui concerne le commerce 
extérieur des pays du Maghreb. L’influence américaine est infiniment plus 
faible, sauf en matière de vente d’armes, d’IDE dans les hydrocarbures et 
d’aide publique.
• Les firmes du Nord sont en train de comprendre l’intérêt d’un système 
productif Nord-Sud : agriculteurs, industriels, services (call centers…) 
nouent des partenariats débutants.
• Le processus de Barcelone a créé de réelles habitudes de travailler 
ensemble, et a produit des diagnostics partagés sur l’état de la région. C’est 
déjà une base importante.
D’autres éléments vont plutôt dans le sens de la divergence :
• L’écart entre les deux rives s’accroît dans le domaine de la formation. Le Sud 
retarde ainsi son entrée dans l’économie de la connaissance En comparaison avec 
l’Amérique latine et l’Asie orientale en développement, la faiblesse de la 
formation est le grand point faible des pays sud méditerranéens.
• Si l’on excepte les toutes dernières années pour les pays producteurs 
d’hydrocarbures, la croissance économique de la rive sud s’est ralentie 
depuis les années 1980. Le différentiel de PIB par habitant s’accroît entre 
les deux rives. Certains domaines sensibles comme les dépenses de santé 
atteignent un différentiel non soutenable.
• La modernisation du secteur privé (notamment Algérie, Syrie, Libye mais 
pas seulement) n’a pas suffisamment accompagné les politiques 
d’ajustement et de désétatisation de l’économie.
• En dépit du récent mouvement d’investissement vers le Sud, les retards 
de la réforme au Sud et la vision insuffisamment stratégique du Nord vis-à- 
vis de son voisinage méditerranéen, se traduisent par une grande faiblesse 
des investissements transméditerranéens et notamment du Nord vers 
le Sud. Or la modernisation du système productif passe par le transfert 
de technologies et de méthodes modernes qui elles-mêmes doivent 
passer par les investissements transnationaux.
164 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

• Les secteurs d’investissement et les bases du revenu au Sud restent 


dominés par les secteurs de rente (hydrocarbures et autres matières 
premières, tourisme, immobilier…).
• Ces pays gardent dans l’ensemble des régimes autoritaires, qui organisent 
le partage des rentes du pays, s’appuient sur des élites nationales qui 
ont tout intérêt au statu quo, à l’absence de transparence et d’Etat de droit, 
ainsi que sur des partenaires européens (publics ou privés) qui contribuent 
à perpétuer un système dont ils tirent un certain parti alors mêmes qu’ils 
professent la démocratie et la transparence comme des « universels ».
Toujours est-il que si l’approche de la convergence/divergence est complexe,
l’observation de l’évolution des taux de croissance par tête d’habitant sur la
période 1995-2007 montre que le gap entre les pays du Nord et les pays du Sud
se creuse ().

2.2. Le monitoring dans la politique euro-méditerranéenne : des annonces


non suivies de dispositifs pertinents
Dans les documents de référence de la politique euro-méditerranéenne, il est
fait souvent état du suivi du développement socio-économique et des questions
de l’emploi. Mais ce suivi est resté lettre morte.
Ainsi, le Programme de travail quinquennal de Barcelone mentionne dans
plusieurs points, la nécessité de l’appui de l’UE aux politiques de l’emploi et de la
formation dans les PSEM, parfois même avec des objectifs concrets :
« Dans le but de favoriser dans l’ensemble de la région la création d’un plus
grand nombre d’emplois pour le nombre croissant de jeunes et de réduire les
niveaux de pauvreté régionaux et les écarts de prospérité, ainsi que d’augmenter
les taux de croissance du PIB, les partenaires euro-méditerranéens prendront des
mesures visant à :
a) créer un climat plus favorable aux entreprises et en particulier aux PME, notamment en
allégeant les entraves réglementaires et administratives à la création et à l’exploitation
d’une entreprise, ainsi qu’en réduisant le délai nécessaire pour créer une nouvelle
entreprise ;
b) faciliter l’accès du secteur privé au crédit bancaire en consolidant et en libéralisant le
secteur financier, en renforçant la surveillance financière et en facilitant la coopération
entre les institutions financières ;
c) améliorer la gestion et renforcer les institutions publiques ;
d) consolider la stabilité macroéconomique et améliorer la gestion des finances
publiques ;
e) renforcer les systèmes de protection sociale afin de garantir un niveau de vie minimal
pour les plus vulnérables ;

() Voir CREMed (2009) : « Convergences et divergences économiques des pays du Sud de la Méditerranée
avec l'Union européenne » dans Med 2009. Annuaire de la Méditerranée, p. 117-126, IEMed et Fondatió
CIDOB, Barcelone, http ://www.iemed.org/anuari/2009/farticles/fr117.pdf.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 165

f ) développer les capacités nationales en matière de recherche et d’innovation


scientifique et technique afin de mettre en place une société fondée sur la connaissance
grâce à une coopération accrue avec les institutions et les programmes européens
concernés et à un accès renforcé à ceux-ci ;
g) améliorer l’intégration socio-économique, notamment afin de faire face aux
conséquences sociales des restructurations sectorielles ;
h) augmenter sensiblement le pourcentage de femmes exerçant un emploi dans tous
les pays partenaires EuroMed ;
i) améliorer la productivité de la main-d’œuvre en élargissant l’accès à la formation
professionnelle et technique et favoriser les transferts de technologie depuis les pays
partenaires européens ; renforcer le rôle du secteur privé dans le financement et la
formation sur le lieu de travail ;
j) accroître l’investissement national dans la région, ainsi que sa part de l’investissement
étranger direct à l’échelle mondiale, en particulier dans les secteurs non pétroliers, en
améliorant entre autres le climat d’investissement dans la région et en appuyant les
efforts déployés pour attirer des investissements étrangers et nationaux qui contribuent
à la création de nouveaux emplois dans la région ;
k) augmenter le pourcentage de travailleurs occupés dans le secteur privé ;
l) intensifier, grâce à une assistance financière dans des domaines d’intérêt commun,
la coopération régionale ou sous-régionale nord-sud et sud-sud
Afin de favoriser la réalisation de ces objectifs, les partenaires euro-méditerranéens :
a) augmenteront sensiblement le financement affecté à l’enseignement dans la région
méditerranéenne, à travers des programmes d’assistance de l’UE et les programmes
nationaux des partenaires méditerranéens, et feront de l’éducation un secteur prioritaire
dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat ;
b) porteront les taux d’inscription à un niveau plus élevé en ouvrant de nouvelles écoles
et en remettant à niveau les écoles existantes, ainsi qu’en adoptant des mesures visant
à stimuler la demande et notamment à accroître la participation des communautés
locales ;
c) élargiront et amélioreront, dans l’ensemble de la société, les programmes d’élimination
de l’analphabétisme et d’éducation des adultes, en accordant une attention particulière
aux femmes ;
d) élargiront et amélioreront les possibilités de formation des jeunes filles et des femmes,
qui constituent un droit fondamental ;
e) amélioreront la qualité de l’enseignement primaire et secondaire, ainsi que
l’adéquation de cet enseignement au marché du travail, en rendant le système scolaire
plus efficace, en mettant l’accent sur les aptitudes, l’innovation et l’auto-apprentissage,
en assurant une formation continue du personnel enseignant, en veillant à un
usage judicieux du matériel pédagogique, des technologies de l’information et de
l’apprentissage en ligne, et en contrôlant l’assurance de la qualité, notamment au travers
d’un soutien à la participation aux évaluations organisées à l’échelle internationale (3e
étude internationale sur les mathématiques et les sciences – TIMSS – par exemple) ;
f ) soutiendront les réformes de l’enseignement technique et de la formation
professionnelle pour tenir compte du marché, ainsi que la participation des entreprises
du commerce et de l’industrie et la rationalisation des qualifications ;
g) renforceront les capacités des universités et des établissements d’enseignement,
supérieur, y compris en encourageant leur mise en réseau dans la région euro-
méditerranéenne, et amélioreront l’adéquation de leurs programmes aux besoins du
marché du travail et à la société de la connaissance ;
166 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

h) instaureront une norme de qualification en matière de formation universitaire


reconnue dans l’ensemble de la région euro-méditerranéenne, encourageront
l’enseignement à distance, ainsi que les communications électroniques, et favoriseront
les échanges d’étudiants ;
i) élargiront l’accès à Internet et constitueront une bibliothèque virtuelle afin de mettre
les manuels, les ouvrages de référence, les publications et les documents à la disposition
du plus grand nombre, y compris en langue arabe originale et au moyen de traductions
de l’arabe vers les langues européennes et inversement. »

Par ailleurs, dans le document de stratégie reprenant la communication de la


Commission sur la Politique Européenne de Voisinage (), la Commission met
en exergue que la PEV apporte une valeur ajoutée, allant au-delà de la coopération
existante, tant pour les pays partenaires que pour l’UE. Cette valeur ajoutée prend
plusieurs formes, entre autres :
• La mise en œuvre de la PEV entraîne avec elle la perspective de 
s’acheminer, au-delà de la coopération à un degré important d’intégration. 
Elle permettra également d’éviter tout sentiment d’exclusion qu’aurait 
pu susciter l’élargissement et donner l’occasion d’en partager les bénéfices.
• La PEV permettra d’encourager les réformes qui apporteront des avantages en 
termes de développement économique et social. La convergence de la 
législation économique, l’ouverture des économies partenaires les uns 
aux autres, et la réduction continue des barrières commerciales stimuleront 
l’investissement et la croissance et réduire le chômage.
Les documents d’orientation de la Politique européenne de voisinage mettent
l’accent sur :
• La démocratie, le pluralisme, le respect des droits de l’Homme, des libertés 
civiles, de l’État de droit et des normes fondamentales du travail comme 
conditions préalables à la stabilité politique ainsi qu’à un développement 
socio-économique pacifique et durable.
• La nécessité de réduire la pauvreté et de créer un espace de prospérité 
et de valeurs partagées fondé sur une intégration économique accrue, des 
relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération 
transfrontalière renforcée et un partage des responsabilités entre l’UE et 
ses partenaires en matière de prévention des conflits.
• La subordination de l’offre d’avantages concrets et de relations 
préférentielles formulés par l’UE aux progrès réalisés par les pays 
partenaires en matière de réforme politique et économique et l’inscrire 
dans un cadre différencié.
• Une approche en matière de réforme conditionnée, différenciée et 
progressive, fondée sur des plans d’action nationaux et régionaux dotés 
d’objectifs et de critères de référence clairs et publics, définissant ce que 

() European Commission (2004), European Neighbourhood Policy Strategic Paper, COM(2004)373 final,
Bruxelles 12.5.2004.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 167

l’UE attend de ses partenaires. Ces critères comprennent la ratification 


et la mise en œuvre d’engagements internationaux démontrant le respect 
des valeurs communes et, plus particulièrement, des valeurs codifiées 
dans la Déclaration des droits de l’Homme des Nations unies ainsi que 
dans les normes de l’OSCE et du Conseil de l’Europe. Ces plans d’action 
pourraient être complétés par des programmes sectoriels plus détaillés.
• La nécessité de développer une société civile florissante afin de favoriser 
les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression et d’association.
• La lutte contre la corruption, le renforcement de l’État de droit et 
l’indépendance du système judiciaire.
• L’objectif à long terme de la libre circulation des personnes ; la nécessité 
d’envisager l’extension des régimes d’exemption de visa.
Les Plans d’action devaient définir des priorités et des points focaux pour la mise
en œuvre des accords existants. Les Plans d’action couvrent deux grands domaines :
premièrement, les engagements dans des actions spécifiques qui confirment
ou renforcent l’adhésion à des valeurs communes et à certains objectifs dans le
domaine de la politique étrangère et de sécurité, d’autre part, les engagements
dans des actions qui rapprocheront les pays partenaires à l’UE en un certain nombre
de domaines prioritaires. Ces plans d’action devaient définir des actions-clés
dans un nombre limité de domaines qui doivent être traités comme une priorité
particulièrement élevé, ainsi que des actions dans un large éventail de domaines,
correspondant à la portée des accords bilatéraux en vigueur. Ces priorités d’action
seront aussi précises que possible, compte tenu du thème abordé et constitueront
dès lors des critères de référence qui peuvent être surveillés et évalués.
Dans ces Plans d’action, le renforcement du dialogue et de coopération sur la
dimension sociale devait couvrir en particulier le développement socio-économique,
emploi, politique sociale et les réformes structurelles. L’UE encouragera les efforts
consentis par les gouvernements partenaires pour réduire la pauvreté, créer des
emplois, la promotion des normes fondamentales du travail et du dialogue social,
réduire les disparités régionales, améliorer les conditions de travail, renforcer
l’efficacité de l’aide sociale et réformer les systèmes nationaux de protection
sociale. L’idée est d’engager un dialogue sur l’emploi et la politique sociale en
vue de développer une analyse et une évaluation de la situation, d’identifier les
principaux défis et de promouvoir des réponses politiques.
Lorsque le processus de suivi fait état de progrès significatifs dans la réalisation
des priorités qui ont été réglés, ces incitations pouvaient être révisées, en vue
de prendre de nouvelles mesures sur la voie à une plus grande intégration avec
le marché intérieur et d’autres politiques clés de l’UE. Le suivi de la politique
de voisinage devait se faire au sein des organes mis en place dans le cadre du
Partenariat et des accords de coopération ou d’association. Celles-ci ont l’avantage
de réunir des représentants des pays partenaires, les États membres, la Commission
européenne et le secrétariat du Conseil. Le suivi dans ce contexte devrait renforcer
l’appropriation commune. Les pays partenaires devaient être invités à fournir des
informations détaillées en tant que base de cet exercice de suivi conjoint. Les
168 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

sous-comités, chargés de mettre l’accent sur des questions spécifiques, ainsi que
les dialogues politiques, devaient être particulièrement utiles pour le suivi.
La Commission s’est engagée à établir des rapports périodiques sur les
progrès et les domaines nécessitant des efforts supplémentaires, compte tenu des
évaluations faites par les autorités du pays partenaire. « Les plans d’action seront
réexaminés et peuvent être adaptés à la lumière des progrès accomplis vers la
réalisation des priorités d’action. Il est suggéré qu’un rapport d’évaluation à mi-
parcours soit établi par la Commission, avec la contribution du Haut représentant
pour les questions liées à la coopération politique et à la PESC, dans les deux ans
suivant l’approbation d’un plan d’action et un nouveau rapport dans les trois ans.
Ces rapports peuvent servir de base au Conseil de décider de la prochaine étape
dans les liens contractuels avec chaque pays partenaire. Ces dernières pourraient
prendre la forme d’accords européens de voisinage dont la portée sera définie
à la lumière des progrès réalisés dans le respect des priorités énoncées dans les
plans d’action ».
A la lecture des rapports de la Commission Européenne sur la mise en œuvre de
la Politique européenne de voisinage, on constate que la démarche de monitoring
proposée par la Commission est restée lettre morte. Ces rapports se limitent à
prendre acte des évolutions de la politique de l’emploi et de la politique sociale
dans les pays partenaires.
A titre d’exemple, le rapport sur la Tunisie de 2008 se limite à faire un suivi de
quelques aspects de la politique sociale en relevant des faits ou des décisions qui
ont traits au domaine social. Ainsi, le document en question fait référence à une
série de dispositions dont notamment :
• La tenue de la réunion du groupe de travail sur les affaires sociales, 
tout en relevant les interruptions qui ont caractérisé les réunions de cette 
instance. Ce qui signifie par ailleurs, que le dialogue sur les grands chantiers 
de réforme sociale n’est pas régulier.
• La poursuite de la lutte contre la pauvreté en soulignant la création 
d’infrastructures de base dans les zones rurales et très défavorisées, le 
soutien à la création d’entreprises ainsi que la promotion de l’investissement 
dans ces régions défavorisées.
• Les efforts déployés en vue de résorber le chômage : modernisation du 
système éducatif afin de juguler le chômage des jeunes et jeunes 
diplômés, (phénomène qui reste prépondérant : plus de 25 % pour 
certaines catégories de diplômés) et l’annonce des réformes approfondie 
de la politique de l’emploi afin de mieux répondre aux besoins du marché, 
ainsi qu’un programme de formation des demandeurs d’emplois.
• L’entrée en vigueur de la deuxième étape de la réforme de l’assurance- 
maladie concernant la prise en charge des soins ambulatoires.
Un autre exemple, celui du rapport consacré à la mise en œuvre de la politique
de voisinage au Maroc (2008) confirme que le suivi de l’application de cette
politique reste rudimentaire. Tout au plus, le relevé des mesures sociales prises
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 169

par le Maroc est suivi de commentaires laconiques sur l’ambition des politiques
sociales, une allusion aux obstacles auxquelles elles sont confrontées et une
appréciation, tout aussi rapide sur le niveau et l’efficacité de la coopération.
Ainsi est-il souligné dans ce rapport que « Le gouvernement marocain a
continué à appliquer une politique volontariste et ambitieuse en matière sociale et
de réduction des déficits sociaux ». Le rapport note que la situation sociale demeure
préoccupante malgré une diminution du taux de pauvreté à 9 % (2,8 millions de
personnes) et que le Maroc doit faire face à un climat social difficile. Ce constat
est suivi de quelques suggestions : la nécessité d’une réflexion sur la réforme de
la caisse des compensations et un meilleur ciblage des subventions afin de lutter
efficacement contre la pauvreté.
Ces appréciations sur la chronique conjoncturelle de la situation sociale est suivi
d’une appréciation générale sur les politiques mises en œuvre avec le soutien de
la Commission européenne, notamment l’Initiative Nationale de Développement
Humain (INDH), tout en soulignant au passage que la réduction de la pauvreté
reste encore trop fragmentée et souffre d’un manque de convergence entre les
programmes sectoriels.
En matière d’emploi, le rapport de suivi égrène les dernières données
statistiques sur l’emploie et le chômage, précisant, par ailleurs, que le « Maroc
reste confronté au sous-emploi des jeunes, y compris des jeunes diplômés, ce
qui entraîne une fuite des cerveaux. » Un relevé des mesures prises en matière de
dialogue social, de protection et d’inclusion sociale et de développement durable
est présenté sans aucun commentaire sur leur nature
Le même constat peut être fait à la lecture des rapports consacrés à la Jordanie
ou à l’Egypte. La démarche de ces rapports est la même pour tous les pays
partenaires. La consultation du rapport de suivi de ces pays frappe aussi par leur
« indigence », sinon leur faiblesse en matière de suivi de la coopération dans le
domaine de l’emploi et de la politique sociale. Pourtant la Commission européenne
a non seulement défini un cadre de suivi mais elle a déployé des efforts notables
pour sa mise en œuvre dans le domaine des droits de l’homme.
En effet, le 21 mai 2003, la Commission européenne a publié une communication
au Conseil et Parlement européen sur « Les orientations stratégiques pour donner
une nouvelle impulsion aux actions menées par l’Union européenne (UE) dans le
domaine des droits de l’Homme et de la démocratisation, en coopération avec les
partenaires méditerranéens ». Le document traite des droits de l’Homme dans le
cadre du processus de Barcelone sous un angle bilatéral et régional et contient
une série de recommandations concrètes pour que l’UE agisse afin d’améliorer la
situation. Il s’agit notamment de l’inclusion systématique par l’UE des questions
liées aux droits de l’Homme et à la démocratie dans tous les dialogues qui se
déroulent sur une base institutionnelle.
Pour veiller à la réalisation effective de cet objectif, un monitoring a été mis
en place à travers :
• L’établissement, dans le cadre des accords d’association et plus tard des 
accords de voisinage, de groupes de travail sur les droits de l’Homme 
170 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

traitant des réformes juridiques et des cadres juridiques régissant le 


fonctionnement des ONG et d’autres acteurs non étatiques en tant 
qu’élément inhérent à ces accords.
• La rédaction d’un « état des lieux » dans chaque pays sur la base d’une 
grille d’analyse standard, régulièrement mis à jour au moyen de rapports 
périodiques. Cette analyse serait destinée traduite en propositions 
concrètes dans les divers cadres de dialogue.
• Une approche plus cohérente ainsi que le renforcement de la coordination 
entre les partenaires impliquant, en particulier, un rôle plus actif de l’UE 
dans la mise en œuvre des résolutions et des recommandations des 
Nations unies dans le domaine des droits de l’Homme.
• Le dialogue avec la société civile au niveau national à travers l’organisation 
d’ateliers réguliers.
• L’élaboration de plans d’action nationaux pour les droits de l’Homme 
concernant notamment les réformes du cadre légal et administratif, la mise 
en œuvre des traités relatifs aux droits de l’Homme, l’adhésion aux 
instruments internationaux et le renforcement de la participation et 
des capacités des ONG. Ces plans devraient comporter des points d’action 
spécifiques accompagnés de critères de performance mesurables, 
d’échéances claires et déterminer les ressources financières nécessaires.
• L’élaboration de plans d’action régionaux ou sous-régionaux lorsque deux 
partenaires au minimum souhaitent approfondir la coopération, par 
exemple dans le domaine des droits des femmes ou de la justice.
• L’intégration plus étroite de la promotion de la bonne gouvernance, 
des droits de l’Homme et de la démocratie dans les programmes MEDA 
Une mesure d’incitation financière (pas nécessairement liée directement 
aux droits de l’Homme) pourrait être réservée aux partenaires mettant 
en œuvre de tels programmes.
• Un soutien, au niveau régional, à la promotion des droits de l’Homme et 
la participation de la société civile ainsi qu’un soutien en faveur d’un 
impact accru des réunions du Forum civil EuroMed.
• Le renforcement de la stratégie régionale de l’IEDDH afin d’accroître 
les capacités de la société civile au niveau régional et d’améliorer la 
complémentarité entre MEDA et l’Initiative pour la Démocratie et les 
Droits de l’Homme (IEDDH).
Ce dispositif de veille et de suivi pourrait être dupliqué dans les domaines
des droits humains en l’étendant aux domaines sociaux couverts par la politique
euro-méditerranéenne. Cela exige d’élaborer une méthodologie de suivi pertinente
et un ensemble d’indicateurs de suivi de ces politiques. C’est en ce sens où
l’expérience de la méthode de coordination ouverte mise en place dans le cadre
du processus d’harmonisation des politiques sociales européennes peut être une
source d’inspiration pour la conception d’un dispositif de suivi de ces politiques
dans le cadre du Partenariat. Toutefois, la réussite de cette démarche est liée à la
capacité des acteurs à lever des contraintes à sa mise en œuvre.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 171

3. Les contraintes à la mise en œuvre d’une stratégie de monitoring


à l’échelle méditerranéenne
L’élaboration des indicateurs euro-méditerranéens de suivi des politiques
d’emploi implique la nécessité de se pencher sur une contrainte méthodologique
qui ne peut être ignorée dans le contexte euro-méditerranéen : celle de la
comparabilité.

3.1. La contrainte de la comparabilité et la nature des indicateurs


Cette contrainte implique de considérer deux propriétés des indicateurs : leurs
caractères empirique et normatif.
La distinction des finalités des indicateurs a des répercussions importantes
sur les indicateurs significatifs des politiques d’emploi car chacun de ces groupes
d’indicateurs s’ancre dans un contexte normatif spatial, socio-politique et légal
différent (l’Union européenne et les États partenaires) ce qui a des implications
notamment sur le niveau de comparabilité que l’on peut leur attribuer.
Etant donné l’absence actuelle d’un système de statistique sociale qui soit
généralement reconnu sur un plan conceptuel toute liste d’indicateurs est à
un certain degré d’un caractère purement conventionnel. Le format (domaine,
structure) d’une telle liste reflète plus la vision et la compréhension qu’ont ses
auteurs des statuts, actions et processus sociaux et dés lors détermine la définition
des domaines pertinents et du détail des informations permettant de caractériser
des comportements.
La question se pose donc : quand un indicateur peut-il être considéré comme
réellement comparable ?
Par indicateur l’on entend généralement un nombre unique qui représente
plus ou moins valablement sous un angle statistique un certain champ de la
réalité sociale ou économique, du moins idéalement. Il s’agit de définir des
« indicateurs clés » qui sont par essence supérieurs aux indicateurs communs
grâce à la concentration du pouvoir d’information qu’ils portent en raison de leur
provenance de contextes plus systématiques. Cette vision idéalisée doit cependant
être tempérée par certains traits qui sont propres aux indicateurs et au contexte de
leur utilisation. En replaçant ces indicateurs dans le contexte qu’ils sont supposés
éclairer par leur pertinence un certain nombre de caractéristiques propres peuvent
être déterminées quant à leurs finalités.
D’une manière générale en termes d’indicateurs, une distinction s’établit en
fonction du niveau d’utilisation de l’indicateur, c’est-à-dire du pouvoir informatif
qu’il représente. Les indicateurs utilisés dans le contexte national sont déterminés
par chaque Etat partenaire en fonction de ses objectifs propres à chacun d’eux et
des objectifs communs. La dualité des objectifs poursuivis implique deux contextes
différents à l’utilisation de l’information apportée par l’indicateur :
– d’une part, un contexte national où il s’agit de disposer d’indicateurs 
apportant l’information pertinente pour évaluer la situation de l’emploi 
172 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

dans le pays ainsi que pour évaluer l’efficacité des politiques mises en 
œuvre dans le plan national de lutte contre le chômage ;
– d’autre part, un contexte euro-méditerranéen pour lequel il faut également 
déterminer un groupe restreint d’indicateurs qui apportent de 
l’information sur la situation du pays dans l’espace euro-méditerranéen 
et sa progression dans la réalisation des objectifs communs.
A cette distinction des contextes d’information il faut rajouter une distinction
d’objet s’appliquant à chacun de ces contextes. Dans chacun d’entre eux il est
question d’information sur la situation relative en la matière et d’information
servant à l’évaluation des politiques.
Il convient donc de faire la différence entre les indicateurs à vocation scientifique
ou descriptive, fournissant des informations permettant de mieux comprendre les
phénomènes de la pauvreté et l’exclusion sociale dans leurs multiples dimensions
et dynamiques, et les indicateurs utilisés à des fins d’évaluation des politiques
sociales menées pour lutter contre l’exclusion ou favoriser l’inclusion. Ces deux
types d’indicateurs, ou plutôt ces deux valeurs différentes de l’interprétation
de l’information, sont distincts en termes de finalités mais ils sont néanmoins
hautement complémentaires.
Les indicateurs scientifiques, outre la caractérisation et la compréhension
des situations en jeu, tendent à définir une typologie de groupes sociaux qui,
caractérisés par leurs positions respectives par rapport à certaines variables-clés
utilisées pour distinguer la population des pauvres et/ou précaires des non pauvres,
à savoir essentiellement dans la pratique courante le revenu et la position sur le
marché du travail, sont en situation ou présentent une vulnérabilité à la pauvreté
et l’exclusion sociale.
Les indicateurs « politiques » utilisent les groupes sociaux mis ainsi en
évidence pour déterminer les cibles privilégiées des politiques à adopter pour
la lutte contre l’exclusion, ventilées selon les niveaux de compétences des
administrations concernées par les domaines d’action de la politique sociale, mais
aussi pour évaluer l’effet de ces politiques en fonction de l’accroissement ou de
la diminution du nombre d’individus présents ou susceptibles d’entrer dans ces
groupes particuliers du corps social.
Deux options nous ramenant à la distinction entre indicateurs scientifiques et
politiques peuvent être considérées dans l’usage qui est fait des indicateurs :
• soit il s’agit uniquement d’utiliser l’indicateur pour des raisons 
d’information descriptive à caractère scientifique, alors la distinction du 
caractère normatif ou empirique importe peu si l’indicateur est ressenti 
comme significatif, notamment parce qu’il repose sur des définitions ;
• soit il est utilisé pour des raisons pratiques liées à des mesures politiques 
et alors il doit être examiné sous l’angle de son homogénéité interne, 
de sa dépendance par rapport à ses éléments constituants, notamment afin 
de démontrer sa stabilité suffisante dans le temps.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 173

Donc le diagnostic d’un certain état du marché du travail par exemple n’est
pas une information suffisante, elle peut même être trompeuse, c’est le niveau des
composants impliqués dans la construction de l’information que reflète l’indicateur
qui doit être pris en compte en ce qu’il explique ce qui en sort, le résultat, chacun
des composants étant homogène en soi. En d’autres termes c’est le niveau auquel
une action de l’indicateur est attendue qui est le bon pour la comparaison, son
niveau d’action pratique, or ce niveau est souvent très dépendant du contexte qui
génère l’indicateur. L’efficacité d’une politique sociale est tributaire du contexte
légal et structurel dans lequel elle s’inscrit, et ce contexte est actuellement
exclusivement national, voire régional.
Si l’Euro-Méditerrannée était une entité dotée d’un ordre légal uniforme sous-
tendu par une culture sociale et des valeurs homogènes d’une extrémité à l’autre
de son étendue il n’y aurait pas lieu de se poser de telles questions. En réalité à ce
stade il n’y a pas un système normatif euro-méditerranéen qui est mise en place,
surtout pour ce qui est de l’ordre social.
Les indicateurs politiques peuvent donc difficilement être extraits de leurs
contextes, sauf s’ils reposent sur des normes et définitions communes largement
acceptées par tous les acteurs impliqués dans le processus de comparaison. Ils
sont acceptables comme point de départ mais qui ne peut tirer sa légitimité qu’en
combinaison avec d’autres informations nécessaires pour regarder sous la surface
de l’indicateur, profondeurs faites de données numériques et méthodologiques sur
les ramifications conceptuelles de cet indicateur. De cette façon la comparabilité
prend une signification allant au delà de simples ajustements de définitions.
De telles difficultés méthodologiques dans la comparabilité sont généralement
laissées au bord de la route du pragmatisme, qui incite à ignorer ce type de
considérations. Les indicateurs qui sont ou qui seront retenus comme utilisables
dans un processus de benchmarking contiennent partiellement ou complètement
des composants normatifs sans prise en considération véritable des conséquences
de ce caractère normatif, notamment en termes de comparabilité à l’échelle euro-
méditerranéenne.
Les étalons ou benchmarks sont subjectivement définis et présentés dans le
contexte régional comme purement empiriques et ne contenant pas d’éléments
normatifs (c’est notamment le cas de manière évidente pour les variables de
chômage) ou impliquant que ce contenu normatif ne présente plus de différences
voire n’a plus de signification aujourd’hui (dans beaucoup de variables socio-
démographiques), contournant ainsi l’épineux problème de la normativité sans
vraiment pouvoir le résoudre.
Toutefois l’on pourrait considérer que cette normativité s’exprime constamment
dans la pratique courante au niveau des Etats membres de l’utilisation de normes
et indicateurs différents selon qu’ils s’expriment au niveau national ou européen.
Le problème se pose à plus forte raison dans le cadre Euro-Méditerranéen.
Il faut donc garder un point de vue relatif sur la comparabilité réelle des
indicateurs, tout comme il convient de garder à l’esprit qu’ils ne sont bien souvent
174 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

que des approximations relatives et variables selon les sources utilisées et leurs
qualités et défauts intrinsèques.
Un autre point qu’il est nécessaire d’évoquer car il conditionne l’attente en
termes d’indicateurs est celui de l’orientation conceptuelle largement économique
sous tendant le processus de Benchmarking et qui n’est pas sans poser problème
lorsqu’il s’agit de l’appliquer au domaine social, et spécialement au champ de la
pauvreté et l’exclusion sociale.
Le décalage pouvant exister au niveau de la perception et de la méthodologie
retenue entre cette vision économique, en termes de comparaison de
« performances » et d’« objectifs » s’appuyant sur des indicateurs communs issus
d’une relativement longue pratique commune, et son application au domaine
social est évident. Les statistiques sociales sont bien souvent balbutiantes,
particulièrement pour l’emploi, elles doivent encore parcourir une grande partie
du long chemin de convergence qui a mené à une certaine standardisation
consensuelle de la statistique économique.
La demande pressante d’indicateurs sociaux existant à l’heure actuelle s’appuie
sur l’attente, légitimée par les méthodes et processus ayant guidé la convergence
économique, de pouvoir assez rapidement définir des indicateurs communs
provenant de sources fiables et à périodicité rapide. Or l’état des sources et
systèmes statistiques concernant l’information sur l’emploi est loin d’en être au
point atteint par la statistique économique.
De grandes attentes pour les statistiques sociales se fondent sur l’évolution
rapide que connaissent les possibilités de mise en relation des sources
informatisées.
Se pose aussi le problème de la définition des pays ou ensembles de référence
pour établir l’étalonnage. A qui se comparer pour l’aspect du social et non plus
seulement de l’économique ?
Il est certain que la comparaison des performances se fera prioritairement entre
les États partenaires. Mais la diversité des conceptions en matière de social entre
les États partenaires actuels rend les comparaisons difficiles.

3.2. La contrainte institutionnelle du monitoring


La Stratégie européenne de l’emploi s’appuie sur un dispositif institutionnel
qui lui assure une crédibilité.
Elle s’appui tout d’abord sur un consensus politique qui s’est fait jour, dans
les années 90, pour désigner la nature structurelle du problème de l’emploi en
Europe et la nécessité d’accroître l’intensité de la croissance de l’emploi. De plus,
la politique de stabilisation monétaire, visant à ouvrir la voie à l’Union économique
et monétaire (UEM), ainsi que la nature commune des défis en matière de taux
d’emploi et de diminution du chômage, appelaient à une meilleure coordination
des efforts de la politique de l’emploi à l’échelon européen.
Le débat qui s’est ouvert dans le cadre de la négociation du Traité de Maastricht
(1992), qui a renforcé la dimension sociale du modèle européen à travers un
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 175

protocole social, a conduit, lors du Conseil européen d’Amsterdam (1997) à un


accord sur de nouvelles dispositions en matière d’emploi dans le traité. Tout en
confirmant la compétence des États membres dans le domaine de la politique de
l’emploi, cette matière a été déclarée question d’intérêt commun à l’article 126 du
traité instituant la Communauté européenne (TCE) et les États-membres ont été
invités à élaborer une stratégie de l’emploi coordonnée à l’échelon de l’UE.
Largement inspiré par les dispositions du traité relatives à la coordination des
politiques économiques et par la coordination des politiques de l’emploi lancée
lors du Conseil européen d’Essen en 1994, le nouvel article 128 du TCE a mis en
place un cadre pour l’élaboration de politiques nationales d’emploi sur la base de
priorités et d’intérêts européens partagés.
La mise en œuvre de la SEE a permis une série d’approches diversifiées et a
préconisé la participation de tous les acteurs concernés, notamment au niveau de
gouvernements nationaux, des institutions européennes, des partenaires sociaux,
de la société civile et des milieux académiques, etc., et ce conformément à la
grande diversité des structures institutionnelles et des pratiques de dialogue social
au niveau national. Cette ouverture du processus de coordination a notamment
abouti à inviter les partenaires sociaux au niveau national et européen à élaborer
des actions spécifiques et des initiatives destinées à développer la participation
au niveau régional et local. Depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam,
le Parlement européen et les autres institutions communautaires, ainsi que le
comité de l’emploi ont également pris une part active dans l’élaboration des lignes
directrices pour l’emploi.
Anticipant l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le sommet de
Luxembourg sur l’emploi (novembre 1997) a lancé la mise en œuvre de la nouvelle
méthode ouverte de coordination inscrite à l’article 128 du traité en adoptant les
premières lignes directrices pour l’emploi. Ces dernières ont été présentées dans
quatre volets d’action intégrés, les piliers des lignes directrices pour l’emploi : la
capacité d’insertion professionnelle, l’esprit d’entreprise, l’adaptabilité et l’égalité
des chances. Ces actions constituent une réponse globale aux défis de l’emploi en
intégrant les mesures essentielles axées sur l’offre et la demande.
Si le Traité d’Amsterdam ne modifiait pas le principe de base de la compétence
exclusive des États membres dans le domaine de la politique de l’emploi, il a
toutefois renforcé le rôle du Conseil et de la Commission européenne, dotant ces
deux institutions de nouvelles missions et d’instruments efficaces. Il a par ailleurs
associé plus étroitement le Parlement européen au processus décisionnel. L’inclusion
du protocole social dans le traité a aussi donné aux partenaires sociaux davantage
de responsabilités, leur permettant de renforcer leur participation au processus.
Il a souligné que l’emploi est une question « d’intérêt commun ». Les États
membres se sont engagés à coordonner leurs politiques de l’emploi à l’échelon
européen. En outre, la façon dont les mesures en faveur de l’emploi sont mises en
œuvre dans un pays influence inévitablement les paramètres de la politique de
l’emploi d’autres États membres.
176 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Il a contraint les États membres et l’Union à œuvrer en faveur d’une stratégie


coordonnée en matière d’emploi et en particulier à promouvoir le développement
d’une main-d’œuvre qualifiée, bien formée et adaptable, et d’un marché de l’emploi
réactif au changement économique.
Il a souligné le principe clé de l’intégration de la politique de l’emploi dans
toutes les politiques et pratiques. L’article 127 du traité impose en effet la prise en
compte de l’impact de l’emploi dans toutes les politiques communautaires.
Il a créé un cadre pour une procédure de surveillance des États membres (article
128). Les politiques de l’emploi des États membres sont examinées par le biais du
Rapport annuel conjoint sur l’emploi préparé par la Commission et le Conseil. Par
ailleurs, la Commission propose chaque année des lignes directrices pour l’emploi
pour les États membres, adoptées ensuite par le Conseil. Cette procédure rappelle
celle utilisée dans le domaine de la politique économique et monétaire. C’est sur
base de ces lignes directrices que les États membres élaborent des plans d’action
nationaux pour l’emploi. Enfin, le Conseil peut adopter, sur proposition de la
Commission, des recommandations spécifiques pour les États membres.
Mais surtout il a mis en place des structures institutionnelles permanentes,
consacrées par le traité (article 130, comité pour l’emploi), qui permettent
un débat visible, continu et transparent sur l’emploi et d’autres questions de
politique structurelle à l’échelon européen. Il a en outre amélioré la préparation
des délibérations du Conseil.
Il a mis en place un cadre juridique pour l’analyse, la recherche, l’échange
de bonnes pratiques et la promotion de mesures d’encouragement en matière
d’emploi (article 129) ainsi que d’autres actions menées par la Commission à
l’échelon communautaire dans ce domaine, qui n’existaient pas auparavant.
La surveillance multilatérale a constitué un point fort du processus de
Luxembourg. Basée sur un système de rapports annuels et d’indicateurs
comparables, elle a permis d’épingler les Etats ayant eu la meilleure performance
de l’UE. Les rapports annuels et le suivi ont permis de développer et d’intensifier
les échanges d’information entre les États membres, tandis que le processus
d’évaluation par les pairs mis en place pour évaluer la transférabilité des bonnes
pratiques a ouvert la voie à des évaluations plus approfondies. De nombreux
États-membres ont intensifié leurs contacts bilatéraux et se sont inspirés, pour
leurs approches, des autres pays de l’Union.
La création du Comité de l’emploi, qui réunit régulièrement de hauts
fonctionnaires nationaux en charge de l’élaboration et de la mise en œuvre
des politiques d’emploi nationales, a facilité quant à elle l’intensification de ces
échanges.
La SEE a reconnu le rôle clé des partenaires sociaux dans un grand nombre de
domaines touchant à l’emploi. Alors que les premières lignes directrices faisaient
intervenir les partenaires sociaux dans leur domaine spécifique – à savoir la capacité
d’adaptation – leur rôle plus général a été reconnu après le sommet de Lisbonne. La
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 177

participation des partenaires sociaux à la préparation des Plans d’action nationaux


n’a cessé de s’améliorer. Quant aux partenaires sociaux européens, ils se sont
engagés dans un processus de mise en œuvre spécifique pour des questions clés
telles que l’apprentissage tout au long de la vie.
La SEE a soutenu le développement d’une dimension territoriale pour les
politiques d’emploi, comme l’a montré l’émergence de plans d’actions territoriaux.
Les autorités locales et régionales, qu’il s’agisse de prestataires de services sociaux
ou d’employeurs locaux, se sont de plus en plus associés à la mise en œuvre des
politiques d’emploi, essentiellement par le biais du Fonds social européen, dont
les priorités ont été alignées sur celles de la SEE en 2000.
À l’échelon européen, la coopération institutionnelle s’est renforcée entre
différentes formations du Conseil (notamment le Conseil ECOFIN et le Conseil EPSCO
des ministres de l’emploi et des affaires sociales) et les comités correspondants,
ainsi qu’entre les services de la Commission en charge de la conception et du
suivi des actions dans le domaine de l’emploi (par exemple dans les domaines de
l’éducation et de la formation, de la politique économique, de la taxation ou de
l’esprit d’entreprise). La coopération entre la Commission et le Conseil, notamment
via le Comité de l’emploi, s’en est trouvée renforcée. Le Parlement européen a été
quant à lui étroitement associé au processus d’examen annuel, contribuant ainsi
au développement de la stratégie, les apports d’autres institutions se révélant
également précieux. Les services publics de l’emploi, regroupés en un réseau
actif à l’échelon européen, se sont également mobilisés autour de ces nouvelles
priorités européennes.
C’est cette mécanique institutionnelle avec ses aspects de concertation et
d’engagements réciproques qui a donné de la crédibilité à la stratégie européenne
de l’emploi.
La question qui se pose est celle de savoir si les dispositifs institutionnels
existants dans les relations bilatérales ou multilatérales euro-méditerranéennes
peuvent être activés dans la perspective de mise en œuvre et de suivi des politiques
de l’emploi dans la rive sud. Il ne semble pas a priori imaginable de confier la
responsabilité du suivi des indicateurs élaborés aux Conseils d’association. Cette
fonction ne peut être confiée non plus à la Commission européenne, sachant
qu’une « gestion » paritaire doit être mobilisée à cet effet. Sur le plan multilatéral la
question est encore plus complexe, vue l’inexistence d’instance de concertation et
à plus forte raison de coordination. Deux pistes de réflexion viennent à l’esprit pour
examiner à quelle instance confier cette tâche :
– soit au Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée appuyée par à un 
réseau d’experts qui dispose d’une technicité dans ce domaine tout en 
coiffant ce réseau par une instance de validation politique ;
– soit au réseau des Conseils économiques et sociaux de la région 
méditerranéenne, appuyé par une cellule spécifiquement dédiée à 
l’élaboration et la mise en application du mécanisme du monitoring des 
politiques sociales de la région.
178 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

Propositions

Proposition 28
Établir un système euro-méditerranéen de monitoring de l’emploi

• Définir des objectifs euro-méditerranéens de protection sociale et 


d’emploi et définir des indicateurs communs permettant de comparer les 
meilleures pratiques et de mesurer les progrès accomplis dans la 
réalisation de ces objectifs. En ce sens, les indicateurs communs ne sont 
pas synonymes de politiques communes.
• Elaborer un cadre méthodologique global qui consiste en une liste 
d’indicateurs primaires et secondaires constituant un portfolio transversal 
et couvrant les trois grands thèmes (emploi, pauvreté, éducation et soins 
de santé). Les indicateurs primaires se composent d’un nombre restreint 
d’indicateurs principaux couvrant les dimensions essentielles des objectifs 
définis. Les indicateurs secondaires soutiennent ces indicateurs principaux 
en fournissant une idée plus précise de la nature du problème.
• Retenir un ensemble d’indicateurs communs destinés au suivi de la 
dimension sociale du processus EuroMed. Il consisterait en un portfolio 
d’une dizaine d’indicateurs transversaux conçus pour refléter les objectifs 
généraux récemment fixés (a) la lutte contre la pauvreté et (b) l’emploi, 
(c) l’accès aux services, (d) l’éducation ; et en deux portfolio thématiques 
sur l’inclusion sociale et les soins de santé. On pourrait convenir d’une 
nouvelle typologie d’indicateurs établissant une distinction entre ceux 
qui peuvent être directement utilisés à des fins de comparaison, et ceux 
qui permettent uniquement d’effectuer le suivi des progrès dans un pays 
particulier.
• Elaborer des rapports nationaux utilisant ces indicateurs sur les différents 
thèmes sociaux, ainsi qu’un rapport régional présenté par aux institutions 
européennes et aux pouvoirs publics des pays partenaires.

Proposition 29
Constituer un Comité de suivi de la dimension sociale du Partenariat

• Constituer un Comité de suivi de la dimension sociale du partenariat 


qui en s’appuyant sur les indicateurs définis d’un commun accord pourrait 
suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs communs 
est un élément essentiel du processus d’interpellation des décideurs. 
Dans ce contexte, les indicateurs devraient être été définis sur la base d’une 
approche consensuelle et d’une série de critères comprenant la 
comparabilité reposant sur des données harmonisées et solides des 
statistiques sociales, la réactivité aux politiques, une interprétation 
normative claire, l’accent sur les résultats, etc.
Un système de monitoring pour le Partenariat euro-méditerranéen 179

Annexe 1
Exemple de lignes directrices dans la Stratégie Européenne
de l’Emploi avec ses indicateurs

Ligne directrice 17 : Appliquer des politiques de l’emploi visant à atteindre


le plein emploi, à améliorer la qualité et la productivité du travail et à renforcer la
cohésion sociale et territoriale
Ces politiques devraient aider l’Union européenne à atteindre en moyenne un
taux d’emploi total de 70 %, un taux d’emploi des femmes d’au moins 60 % et un
taux d’emploi des travailleurs âgés (55 à 64 ans) de 50 %, d’ici à 2010, et à réduire
le chômage et l’inactivité. Les États membres devraient envisager de fixer des
objectifs nationaux en matière de taux d’emploi.

Indicateurs pour le monitoring. Ligne directrice 17

17.M1 – Taux d'emploi


– Taux d'emploi par classe d'âge 

17.M2 – Emploi – Ecart à un an 

17.M3 – Taux de chômage


– Taux de chômage par classe d’âge 

17.M4 – Taux d'activité


– Taux d’activité par classe d’âge

17.M5 – Croissance de la productivité du travail

17.M6 – Taux d'emploi par province


– Taux de chômage par province

Indicateurs pour l’analyse

17.A1 – Taux d'emploi en équivalent temps plein

17.A2 – Croissance réelle du produit intérieur brut

17.A3 – Population active – Ecart à un an

17.A4 – Mobilité par statut d'activité


– Mobilité par statut d'activité – Données administratives

17.A5 – Disparités régionales – Coefficient de variation des taux d'emploi


– Disparités régionales – Coefficient de variation des taux de chômage
Liste des abréviations
AFTURD Association de la Femme Tunisienne pour la Recherche et le 
Développement
AN Afrique du Nord
ANND Réseau des ONG Arabes pour le Développement (Arab NGO Network 
for Development)
BIT Bureau International du Travail
BM Banque Mondiale
BSG Budgétisation Sensible au Genre
CAWTAR Centre de Formation et de Recherche pour les Femmes Arabes (Center 
for Arab Women Training and Research)
CE Commission Européenne
CEDAW Comité sur l’Elimination de la Discrimination des Femmes (Committee 
on the Elimination of Discrimination Against Women)
CEPII Centre des Etudes Prospectives et de l’Information Internationale 
(Centre of Prospective Studies and International Information)
CES Conseil Economique et Social
CIDOB Centre des Relations Internationales et des Etudes de Développement 
(Center for International Relations and Development Studies)
CIS Communauté des Etats Indépendants
DG Direction Générale
DSP Document Stratégie Pays
ECOFIN Conseil Economique et Financier de l’UE
EGEP Programme EuroMed de l’Egalité Hommes Femmes (EuroMed Gender 
Equality Programme)
EOWEL Enhancing Opportunities for Women in Economic Life
EPSCO Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs (Conseil Européen)
EuroMeSco Euro-Mediterranean Study Commission
FEMIP Facilité Euro-Méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat
FES Friedrich Ebert Stiftung (Fondation Friedrich Ebert)
FMI Fonds Mondial International
FSE Fond Social Européen
GOPE Grandes Orientations des Politiques Economiques
GTZ Agence de Coopération Technique Allemande (Gesellschaft für 
Technische Zusammenarbeit)
IDDH Initiative pour la Démocratie et les Droits de l’Homme
IDE Investissement Direct Etranger
IEMed Institut Européen de la Méditerranée
IEVP Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat (ENPI en anglais)
INDH Initiative Nationale du Développement Humain (Maroc)
LE Livre égyptienne
MEDA MEsures D’Accompagnement (1995-2006)
182 20 +10 : 30 propositions pour définir une véritable dimension sociale du Partenariat…

MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord (Middle East and North Africa ; MOAN 
en français)
MO Moyen Orient
MOAN Moyen Orient et Afrique du Nord
MOC Méthode Ouverte de Coordination
MSAR Modernisation et Support de la Réforme Administrative (Modernisation 
and Support to the Administrative Reform)
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
OMT Organisation Mondiale du Travail
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
PAEF Politiques d’Appuis à l’Emploi Féminin
PAI Plan d’Action Istanbul
PAM Pays Arabes Méditerranéens
PDET Pour une Division Egalitaire du Travail
PESC Politique Etrangère et de Sécurité Commune
PEM Partenariat Euro-Méditerranéen
PEV Politique Européenne de Voisinage
PIB Produit Intérieur Brut
PIN Programmes Indicatifs Nationaux
PME Petites et Moyennes Entreprises
PMS Pays Méditerranéens du Sud
PMSE Pays Méditerranéens du Sud et de l’Est
PNB Produit National Brut
PNR Programme National de Réforme
PPM Pays Partenaires Méditerranéens
RELEX Relations Externes (DG RELEX de la Commission européenne)
REMDH Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme
RWEL Rôle des Femmes dans la Vie Economique (The Role of Women in 
Economic Life)
SAPP Support pour l’Implémentation du Programme du Plan d’Action (Support 
for Implementation of the Action Plan Programme)
SEE Stratégie Européenne de l’Emploi
SLDS Stratégie de Lutte contre la Discrimination Salariale
SP Stratégie Pays
TAIEX Programme d’Assistance Technique et d’Echange d’Informations 
(Technical Assistance and Information Exchange)
TIMSS Tendances dans l’Etude Internationale des Mathématiques et des 
Sciences (Trends in International Mathematics and Science Study)
TUE Traité sur l’Union Européenne
UE Union Européenne
UEM Union Economique et Monétaire
UNIFEM Fonds de Développement des Nations Unies pour la Femme
UPM Union pour la Méditerranée
ZLEEM Zone de Libre-Échange Euro-Méditerranéenne

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