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FICHE METHODOLOGIE : DECRIRE

LES DIFFERENTES FORMES DE DESCRIPTION

● Dans son traité de rhétorique, Les Figures du discours (1821), une des œuvres
maîtresses de la rhétorique classique, le grammairien Pierre Fontanier distingue une
multitude de descriptions.

● Fontanier propose la définition suivante : « Tout ce que nous dirons de la description


en général, c'est qu'elle consiste à exposer un objet aux yeux, et de le faire connaître
par le détail de toutes les circonstances les plus intéressantes ; c'est qu'elle donne lieu
à l'Hypotypose, quand l'exposition de l'objet est si vive, si énergique qu'il en résulte
dans le style une image, un tableau. »

● Il existe selon lui différentes espèces de descriptions, la Topographie, la


Chronographie, la Prosopographie, l'Ethopée, le Portrait, le Parallèle, enfin le Tableau.
Ce sont des figures de pensées par développement. L'Hypotypose, quant à elle, est une
figure de style par imitation.

TOPOGRAPHIE

La Topographie est une description qui a pour objet un lieu quelconque, tel qu'un vallon, une
montagne, une plaine, une ville, un village, une maison, un temple, une grotte, un jardin, un
verger, une forêt.
Ex : la demeure de la nymphe Calypso, dans Télémaque, livre I, chez Fénelon

« On arrive à la porte de la grotte de Calypso, où Télémaque fut surpris de voir, avec une
apparence de simplicité rustique, tout ce qui peut charmer les yeux. On n'y voyait ni or, ni
argent, ni marbre, ni colonnes, ni tableaux, ni statues : cette grotte était taillée dans le roc, en
voûtes pleines de rocailles et de coquilles : elle était tapissée d'une jeune vigne qui étendait
ses branches souples également de tous côtés. Les doux zéphirs conservaient en ce lieu,
malgré les ardeurs du soleil, une délicieuse fraîcheur : des fontaines coulant avec un doux
murmure sur des prés semés d'amaranthes et de violettes, formaient en divers lieux des bains
aussi purs et aussi clairs que le cristal : mille fleurs naissantes émaillaient les tapis verts dont
la grotte était environnée. Là, on trouvait un bois de ces arbres touffus qui portent des
pommes d'or, et dont la fleur, qui se renouvelle dans toutes les saisons, répand le plus doux
de tous les parfums ; ce bois semblait couronner ces belles prairies, et formait une nuit que
les rayons du soleil ne pouvaient percer ; là, on n'entendait jamais que le chant des oiseaux,
ou le bruit d'un ruisseau, qui, se précipitant du haut d'un rocher, tombait à gros bouillons
pleins d'écume, et s'enfuyait au travers de la prairie... »

CHRONOGRAPHIE

La Chronographie est une description qui caractérise vivement le temps d'un évévenement,
par le concours des circonstances qui s'y rattachent.
Delile, dans sa traduction du Paradis perdu, livre IV, peint ainsi l'approche et le rettour de la
nuit :

« Mais enfin la Nuit vient, et le peuple des fleurs


A du soir par degrés revêtu les couleurs.
Le silence la suit : les troupeaux s'assoupissent ;
Tous les oiseaux muets dans leurs nids se tapissent ;
Tous, hors le rossignol, qui, d'un ton amoureux,
Répète dans la nuit ses refrains douloureux :
Il chante, l'air répond, et le silence écoute.
Cependant de saphirs les cieux peignent leur voûte :
Précurseur radieux des astres de la nuit,
Le brillant Hespérus en pompe les conduit.
Au milieu du repos, de l'ombre et du silence,
D'un air majestueux leur reine enfin s'avance ;
Et versant sur le monde une tendre clarté,
De son trône d'azur jette un voile argenté. »

PROSOPOGRAPHIE

La Prosopographie est une description qui a pour objet la figure, le corps, les traits, les
qualités physiques, ou seulement l'extérieur, le maintien, le mouvement d'un être animé, réel
ou fictif, c'est-à-dire, de pure imagination.

Ex : le vieillard Termosiris, prêtre d'Apollon, aperçu par Télémaque dans un bois sombre, un
livre à la main :

« Ce vieillard, dit Télémaque, avait un grand front chauve et un peu ridé ; une barbe blanche
pendait jusqu'à sa ceinture ; sa taille était haute et majestueuse ; son teint était encore frais
et vermeil ; ses yeux étaient vifs et perçans, sa voix douce, ses paroles simples et aimables.
Jamais je n'ai vu un si vénérable vieillard. »

Ex : la fée Urgelle, sous les traits d'une vieille, dans un conte de Voltaire :

«Il ne vit plus qu'une vieille édentée,


Au teint de suie, à la taille écourtée,
Pliée en deux, s'appuyant d'un bâton ;
Son nez pointu touche à son court menton ;
D'un rouge brun sa paupière est bordée ;
Quelques crins blancs couvrent son noir chignon ;
Un vieux tapis, qui lui sert de jupon,
Tombe à moitié sur sa cuisse ridée... »

ETHOPEE

L'Ethopée est une description qui a pour objet les mœurs, le caractère, les vices, les vertus,
les talents, les défauts, enfin les bonnes ou les mauvaises qualités morales d'un personnage
réel ou fictif.

Ex : Henri de Guise le Balafré, peint au moral par Voltaire, dans sa pièce de théâtre la
Henriade, chant III :

« Nul ne sut mieux que lui le grand art de séduire ;


Nul sur ses passions n'eut jamais plus d'empire,
Et ne sut mieux cacher, sous des dehors trompeurs,
Des plus vastes desseins les sombres profondeurs.
Altier, impérieux, mais souple et populaire,
Des peuples en public il plaignait la misère,
Détestait des impôts le fardeau rigoureux :
Le pauvre allait le voir, et revenait heureux
Il savait prévenir la timide indigence :
Ses bienfaits dans Paris annonçaient sa présence ;
Il se faisait aimer des grands qu'il haïssait,
Terrible et sans retour alors qu'il offensait :
Téméraire en ses vœux, sage en ses artifices,
Brillant par ses vertus, et même par ses vices,
Connaissant le péril et ne redoutant rien :
Heureux guerrier, grand prince, et mauvais citoyen. »

Ex : Cromwell, d'après Bossuet, dans son Oraison funèbre de la reine d'Angleterre :

« Un homme s'est rencontré d'une profondeur d'esprit incroyable ; hypocrite raffiné, autant
qu'habile politique ; capable de tout entreprendre et de tout cacher ; également actif et
infatigable dans la paix et dans la guerre ; qui ne se laissait rien à la fortune de ce qu'il
pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance ; mais, au reste, si vigilant et si prêt à tout, qu'il
n'a jamais manqué les occasions qu'elle lui a présentées ; enfin, un de ces esprits remuants et
audacieux, qui semblent être nés pour changer le monde. »
PORTRAIT

On appelle souvent du nom de Portrait, soit l'Ethopée, soit la Prosopographie, toute seule ;
mais le Portrait, tel qu'on l'entend ici, doit les réunir l'une et l'autre. C'est la Description tant
au moral qu'au physique d'un être animé, réel ou fictif.

Ex : Astarbé, d'après Fénelon, Télémaque, livre III :

«Cette femme était belle comme une déesse ; elle joignait aux charmes du corps tous ceux de
l'esprit ; elle était enjouée, flatteuse, insinuante. Avec tant de charmes trompeurs, elle avait,
comme les sirènes, un cœur cruel et plein de malignité ; mais elle savait cacher ses
sentiments corrompus par un profond artifice. Elle avait su gagner le cœur de Pygmalion par
sa beauté, par son esprit, par sa doux voix, et par l'harmonie de sa lyre. »

PARALLELE

Le Parallèle consiste dans deux descriptions, ou consécutives, ou mélangées, par lesquelles


on rapproche l'un de l'autre, sous leurs rapports physiques ou moraux, deux objets dont on
veut montrer la ressemblance ou la différence.

Ex : Corneille et Racine, d'après La Bruyère :

« Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées ; Racine se conforme aux nôtres.
Celui-là peint les hommes comme ils devraient être ; celui-ci les peints tels qu'il sont. Il y a
plus, dans le premier, de ce qu'on admire et de ce qu'on doit même imiter : il y a plus, dans le
second, de ce qu'on reconnaît dans les autres, et de ce qu'on éprouve en soi-même. L'un
élève, étonne, maîtrise, instruit ; l'autre plaît, remue, touche, pénètre. Ce qu'il y a de plus
grand, de plus impérieux dans la raison, est manié par celui-là ; par celui-ci, ce qu'il y a de
plus tendre et de plus flatteur dans la passion. Dans l'un, ce sont des règles, des préceptes,
des maximes ; dans l'autre, du goût et des sentiments. L'on est plus occupé aux pièces de
Corneille ; l'on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine. Corneille est plus moral ;
Racine plus naturel. Il semble que l'un imite Sophocle, et que l'autre doit plus à Euripide.

Ex : Richelieu et Mazarin dans la Henriade de Voltaire, chant VII :

« Richelieu, Mazarin, ministres immortels,


Jusqu'au trône élevés de l'ombre des autels,
Enfants de la fortune et de la politique,
Marcheront à grands pas au pouvoir despotique :
Richelieu, grand, sublime, implacable ennemi :
Mazarin, souple, adroit, et dangereux ami. »

TABLEAU

On appelle du nom de Tableau certaines descriptions vives et animées, de passions, d'actions,


d'événements, ou de phénomènes physiques ou moraux.

Ex : les Arts enfantés par le besoin, dans les Géorgiques de Virgile, livre I, traduction de
Delille.

« Enfin, l'Art, à pas lents, vint adoucir nos peines :


Le caillou rend le feu recelé dans ses veines ;
La terre obéissante et les flots étonnés
Par la rame et le soc déjà sont sillonnés ;
Déjà le nocher compte et nomme les étoiles ;
Des chiens lancent un cerf, le chasseur tend ses toiles ;
La glu trompe l'oiseau ; le crédule poisson
Tombe dans des filets, ou pend à l'hameçon :
Bientôt le fer rougit dans la fournaise ardente ;
J'entends crier la dent de la lime mordante :
L'acier coupe les bois que déchiraient les coins.
Tout cède aux longs travaux, et surtout aux besoins. »

HYPOTYPOSE

L'Hypotypose peint les choses d'une manière si vive et si énergique qu'elle les met en quelque
sort sous les yeux, et fait d'un récit ou d'une description, une image, un tableau, ou même une
scène vivant.

Ex : Boileau, dans le Passage du Rhin, dit de Grammont :

« Son coursier écumant sous son maître intrépide,


Nage, tout orgueilleux de la main qui le guide. »

Quelquefois c'est dans une suite de phrases, une suite d'hypotyposes d'où résulte un tableau
plus ou moins grand et plus ou moins composé. tels sont les vers où Andromaque, dans la
pièce Andromaque chez Racine, peint à Céphise les horreurs du sac de Troie
Ex :
« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle.
Figure-toi, Pyrrhus les yeux étincelans,
Entrant à la lueur de nos palais brûlans,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage ;
Songe aux cris des vaincus, songe aux cris des mourans,
Dans la flamme étouffées, sous le fer expirans ;
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue :
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue ! »

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