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Prática de Tradução Francês-Português

Textos Técnico-científicos 2022.2

1-Les applications et la consommation électrique

30.08.2022, par
Kheira Bettayeb

Nos équipements numériques sont de vrais ogres


énergétiques ! Selon l’Agence de la transition
écologique (Ademe), téléphones, tablettes et autres Ligne de production de smartphones dans l'usine
écrans connectés (ou pas) sont responsables de pas chinoise de Dongguan (mai 2017). Malgré les évolutions
dans la conception des mobiles (processeurs, batteries)
10 moins de 10 % de la consommation électrique des progrès doivent être menés au niveau des logiciels
qui restent gourmands en énergie.
française, ce qui équivaut à la consommation
annuelle de près de 8,3 millions de foyers. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant :
d’après l’association Shift Project, la consommation énergétique du numérique grimpe
de 9 % chaque année. Or, en plus d’alourdir la facture des utilisateurs, cette tendance à
15 la hausse accroît l’impact du numérique sur l’environnement, la fabrication d’électricité
émettant des gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement climatique.

L'empreinte carbone du numérique devrait doubler d'ici 2025

Toujours d’après l’Ademe, le numérique génère 3,5 % des émissions mondiales de GES,
soit plus que le transport aérien civil (2 %) et, du fait de la forte augmentation des
20 usages dans ce domaine, cette « empreinte carbone » devrait doubler d'ici 2025. D’où la
nécessité de réduire la consommation des équipements à tous les niveaux possibles : du
smartphone jusqu’au cloud, ces services informatiques (serveurs, système
d’exploitation, logiciels) accessibles sur Internet.

25 Si la consommation liée au fonctionnement du téléphone lui-même est un sujet de
préoccupation majeur des fabricants de matériel depuis plusieurs années, et a déjà
mené à des évolutions notables (conception de processeurs, de capteurs et de batteries
plus efficients), ce n’est encore pas le cas pour la consommation des nombreuses
couches logicielles embarquées par ces téléphones. « À ce jour, les développeurs de
30 logiciels sont plus encouragés à réduire les temps de développement de leurs applications
qu’à optimiser le code en lui-même », observe Romain Rouvoy, chercheur en génie
logiciel au Centre de recherche en informatique, signal et automatique de
Lille (CRIStAL).

35 C’est que la prise de conscience de cette problématique est relativement récente. Ainsi,
le groupe de Romain Rouvoy, un des pionniers dans ce domaine, ne s’intéresse à cette
thématique que depuis une dizaine d’années : « En 2010, alors que nous travaillions dans
le cadre d’un projet baptisé EcoHome, qui visait à mieux comprendre la consommation des
box internet domestiques afin de mieux la maîtriser, nous avons observé que les logiciels
40 étaient grandement responsables de la consommation énergétique globale des systèmes
informatiques », raconte le chercheur.

Deux types de logiciels concourent à augmenter la consommation électrique d’un
smartphone en phase d’utilisation : « les programmes informatiques opérant les
45 applications utilisées sur ce type d’appareil ; et les logiciels distants des data centers (ou
centres de données), ces réseaux d'ordinateurs et d'espaces de stockage répartis dans le
monde entier, où sont hébergés les serveurs du cloud, et où peuvent être transférées et
traitées les données collectées par les applications », détaille Romain Rouvoy.

50 L’appétit énergétique de ces différents logiciels ne cesse de croître. La raison à cette
dérive ? « L’amélioration de la puissance des smartphones et l’apparition de nouvelles
générations de réseaux mobiles plus performantes, en permettant d’envoyer de plus
importants volumes de données (3G, puis 4G et maintenant 5G), ont poussé les
développeurs à proposer de nouvelles fonctionnalités et de nouvelles applications, toujours
55 plus nombreuses… et donc toujours plus énergivores. C’est le paradoxe de Jevons (du nom
de l’économiste britannique William Stanley Jevons qui l’a mis en évidence), dit aussi "effet
de rebond", selon lequel le développement de technologies plus efficaces, permettant en
théorie de faire des économies d’énergie, augmente paradoxalement la quantité d’énergie
consommée », éclaire Romain Rouvoy.
60
Voilà pourquoi, si la puissance moyenne de la batterie des équipements mobiles ne
cesse d’augmenter, la fréquence de leur rechargement ne diminue pas... Dans l’espoir
d’aider les développeurs à créer des programmes « écoconçus » consommant moins
d’énergie, l’équipe de Romain Rouvoy développe toute une série d'outils. « La première
65 étape pour relever un tel défi est d’estimer la consommation énergétique des programmes
actuels et d’identifier les portions de code informatique particulièrement consommatrices.
C’est la pierre angulaire dans la conception de systèmes plus efficients », explique le
chercheur.

Dès 2012, il a codéveloppé une « sonde » virtuelle baptisée PowerAPI, capable de


70 mesurer la consommation de chaque programme s'exécutant sur une machine et
d’estimer ainsi le suivi en temps réel de la consommation d'énergie. Mais d’autres outils,
plus puissants, sont nécessaires pour guider le développement de logiciels de plus en
plus complexes. D’où l’importance d’intensifier la recherche dans ce domaine.

75 Au niveau des codes informatiques mêmes, « une solution pour les rendre moins
énergivores pourrait être de recommander, pour telle ou telle application, un type de
langage de programmation plus qu’un autre, sachant que pour une même fonctionnalité,
la consommation peut varier d’un facteur 100, selon le langage informatique choisi (Java,
Python, JavaScript, etc.). On pourrait aussi optimiser les nombreuses requêtes échangées
80 entre les serveurs distants et le smartphone », poursuit Romain Rouvoy.

Réduire la consommation des centres de données

Pour ce qui est des logiciels hébergés sur des serveurs distants, où sont souvent
envoyées et traitées les données collectées par les applications, « une possibilité pour
85 diminuer leur consommation est de mieux gérer leur fonctionnement au sein d’un même
centre de données, de manière à utiliser beaucoup moins de serveurs et – surtout – leurs
ressources (énergie, mémoire, etc.) », reprend le chercheur lillois. Lors de travaux décrits
en 20173, l’informaticien et ses collègues ont conçu un logiciel « ordonnanceur »
capable d’orchestrer les différents logiciels d’un centre de données cloud. Et bingo :
90 l’utilisation de cet outil a permis de réduire la consommation globale de l’infrastructure
de 23 %. Et ce, en conservant des performances similaires.

Depuis janvier 2022, Romain Rouvoy et ses collègues coordonnent un nouveau projet
visant à définir, cette fois, des recommandations précises sur les programmes
95 informatiques et les configurations les plus adaptés pour diminuer la consommation
énergétique des logiciels du cloud : le programme « Distiller », financé à hauteur de
664 580 euros par l'Agence nationale de la recherche.

« Grâce à différents algorithmes d'intelligence artificielle, nous pourrons étudier
100 l'ensemble des couches logicielles d’une application cloud, et raisonner plus globalement
pour proposer des configurations optimisées de bout en bout », précise le chercheur. Son
équipe n’est pas la seule sur le coup ! Désormais, plusieurs autres groupes de recherche,
à l’étranger (Canada, États-Unis…) et un peu partout en France (Rennes, Pau, Lyon,
Bordeaux, Nantes…), développent des solutions d’écoconception logicielle. C’est le cas
105 par exemple de l’équipe d’Anne-Cécile Orgerie, à l’Institut de recherche en informatique
et systèmes aléatoires (Irisa), de Rennes.

Depuis 2021, dans le cadre du projet « Decorus6 » du CNRS, ces chercheurs tentent
d’optimiser la consommation des centres de données en y intégrant des énergies
110 renouvelables (énergie solaire, éolienne…). « Un de nos buts majeurs est de déterminer
s’il est possible de développer des codes permettant de faire en sorte que l’exécution des
applications de smartphones sollicitant les serveurs d’un centre de données, et ne
nécessitant pas d’être réalisées rapidement (comme les sauvegardes), soit retardée et
effectuée seulement quand il y a production de l’énergie renouvelable (la journée, par
115 exemple, pour le solaire) », développe Anne-Cécile Orgerie. La transition vers des
logiciels moins énergivores est en marche… ♦

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