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(Janvier 2023).
Depuis la naissance de l’intelligence artificielle dans les années soixante du siècle dernier ,
le projet de l’IA a traversé successivement des périodes de développement pleines
d’enthousiasme, comme vers 2012 avec l’apparition des réseaux neuronaux et de
l’apprentissage profond , et d’autres de stagnation.
Ces deux dernières années constituent une période-charnière soumise à des tendances
contradictoires, avec à la fois la mise sur le marché de produits surprenants qui ont suscité
un engouement du public et une ruée des investisseurs, et en même temps du côté des
chercheurs de pointe le développement de critiques et de doutes sur le développement à
moyen terme de l’intelligence artificielle.
Nous esquissons un examen de ces deux aspects et de leurs relations.
Cet espoir a été rapidement déçu : les modèles génératifs sont limités et présentent des
défauts graves et difficilement corrigibles.
La machine n’est pas intelligente, elle ne comprend pas la question à laquelle elle répond,sa
réponse est seulement le produit d’opérations statistiques sur des bases de données de très
grandes dimensions. D’ailleurs de nombreux exemples montrent des réponses soit absurdes
soit fausses [2].On imagine les dégâts que pourrait produire la diffusion de ces outils.
Ces critiques des modèles génératifs étaient déjà presents à partir de 2020 chez Rodney
Brooks , spécialiste de robotique et observateur critique de l’intelligence artificielle. Il
publie chaque année depuis 2018 ses prédictions sur le
développement de l’IA [3] ,prédictions qui se sont souvent avérées exactes , concernant par
exemple les difficultés pour le moment insurmontables du projet des voitures autonomes.
Citons Brooks sur les modèles génératifs :
‘’ Il y a eu une veritable explosion mediatique sur les modèles génératifs dans deux
directions; selon l’une des effusions sur les performances de virtuoses de ces systèmes ,
souvent choisies ad hoc , selon l’autre des exemples encore soigneusement choisis montrant
leur incompétence …
Les grands modèles de langage ( LLM ) vont peut-être trouver des niches comme
débouchés ,mais ils ne seront pas au fondement de l’intelligence artificielle du futur’’
( Janvier 2023).
Un autre spécialiste de l’intelligence artificielle et des sciences cognitives , Gary
Marcus,professeur à New-York University a depuis longtemps critiqué la voie qui domine
depuis plusieurs dizaines d’années l’intelligence artificielle ,celle des méthodes statistiques
sans utilisation des méthodes logiques utilisant des representations symboliques. Marcus
réitère ses critiques par exemple dans [4].
Même Yann LeCun , directeur de l’Intelligence artificielle chez Meta (un des géants du web
, propriétaire de Facebook,Instagram et Whatsapp ), créateur vers 2010 et promoteur du
Deep learning, est revenu brutalement sur ses positions et a declaré récemment : ‘’ La
plupart des approches actuelles de l’AI ne conduiront jamais à la véritable intelligence ‘’ [ 5]
2
Ces nouveaux logiciels sont capables de prouesses étonnantes susceptibles d’applications
nombreuses qui sont développées actuellement , mais on ne sait pas encore corriger
leurs défauts.
L’ensemble de ces questions et les réponses qui furent apportées montrent l’éclatement des
directions de recherché ,la demande d’appui dans les disciplines connexes ( sciences
cognitives,neuro- sciences , et même philosophie ) , et souvent chez les orateurs les doutes
et les inquiétudes sur les futures étapes en vue de l’intelligence artificielle générale .
Evoquons quelques unes des interventions de ce débat .Et d’abord ,en invité extérieur et
critique permanent de l’intelligence artiificielle ,Noam Chomsky a répété son point de vue
constant : pour lui les méthodes suivies ne pourront jamais apporter des réponses aux
questions fondamentales qu’il se pose sur la spécificité de l’esprit humain , sur la
constitution du langage ,sur la cognition ,car les méthodes actuelles de l’IA ne peuvent pas
distinguer entre langages possibles et langages impossibles ( une distinction fondamentale
qui résulte des travaux de Chomsky les grammaires transformationnelles ) .
Parmi les éminents specialistes de l’IA:
3
Francesca Rossi ,membre de l’équipe de recherché d’IBM ,
a proposé un modèle d’intellligence artificielle reposant sur deux systèmes séparés
interagissant et inspirés des travaux de psychologie cognitive de Kahneman [7].
Yejin Choi, professeur d’informatique à l’Université de Washington a évoqué les
difficultés de la construction d’un ‘’ sens commun artificiel ‘’ en les comparant avec les
mystères de la matière noire en physique .Dans un second exposé elle a abordé
l’introduction de critères éthiques en intelligence artificielle .
Plusieurs orateurs dont Dileep George ( Deep Mind ) ont défendu le projet d’une
intelligence artificielle hybride mêlant les méthodes statistiques et l ‘approche ‘’
neurosymbolique ‘’ pour rendre possible le raisonnement abstrait et la capacité des machines
à généraliser .
Enfin signalons les deux interventions finales , qui chacune ont exprimé les interrogations
et l’inquiétude largement partagées lors de ce débat : Kai-Fu-Lee ( ancien chercheur de
Google et Microsoft) s’est inquiété de l’arrivée très probable d ‘outils de
désinformation ,par exemple la fabrication de messages de publicité ou de propagande
politique personnalisés: chacun recevrait des messages adaptés envoyés par exemple par une
grande compagnie; il lui paraît impossible de resister à des envois mensongers
personnalisés concus à des fins commerciales ou de propagande dans le champ politique.
Enfin Angela Sheffiels ,spécialiste des applications de l’IA à des prises de décision dans des
contextes militaires délicats , a évoqué le contexte de la dissémination nucléaire et les
problèmes qui pourraient être abordés avec les outils de l’AGI.
Au total donc beaucoup de questions soulevées, qui demandent une réflexion approfondie
pour la conception de nouveaux outils d’IA capables d’intelligence et adaptés aux
problèmes éthiques et socio-politiques du futur.
Enfin ,pour compléter cet apercu de l’état actuel des productions et des recherches en
intelligence artificielle , deux domaines où cette technique est déjà bien présente :
-- La recherche mathématique:
-L’art numérique.
Un colloque récent ,dédié au mathématicien ( médaille Fields )Ashkav Venkatesh , a été
consacré au rôle de l’intelligence artificielle en mathématiques .
La discussion ,autour d’un texte préliminaire du lauréat [ 8 ] a permis la présentation de
travaux mathématiques appuyés sur des outils informatiques, et un débat autour des
conséquences futures de progrès de l’AGI pour les mathématiques : les machines
remplaceront-elles les mathématiciens [9]?
les structures des MAMAA exercent déjà une forte pression idéologique sur le milieu
mathématique [10]
4
--- Un autre exemple lui aussi investi par l’intelligence artificielle , est celui de l”art
numérique ‘’.
Là aussi les artistes manifestent quelques inquiétudes ,mais la qualité des oeuvres produites
jusqu’à present permet de douter d’un avenir somptueux pour l’”art numérique ‘’.
Dans ces deux domaines ( l’art et les mathématiques ) se posent la question de la créativité
,scientifique ou artistique. Pourra –ron instituer une ‘’ créativité artificielle ‘’ ?
L’avenir du projet de l’AGI est incertain malgré les promesses tous-azimuts diffusées par
les puissants organes de communication des MAMAA .
Prenons un peu de recul historique , et citons une fable écrite par Stanislas Lem, célèbre
auteur de science-fiction mais aussi ‘’ philosophe du futur’’ qui a consacré une grande
partie de sa vie à réfléchir à l’avenir de l’intelligence artificielle comme romancier,par
exemple dans GolemXIV- encore non trduit en français- où est abordée la difference entre la
conscience artificielle et la conscience humaine . Il s’inquiétait dès 1993 de l’avenir des
“machines intelligentes ‘’ [ 11 ]:
http://rodneybrooks.com/predictions-scorecard-2019-january-01/
11 Stanislas Lem
MOLOCH X,
publ. Wydawnictwo Literackie, en polonais1981
traduit sous le titre Imaginary Magnitude, Harvest Book ,1985
12 Stanislas Lem
Essays in PC Magazine Po Polsku: “Bariera informacyjna?” (“The Barrier of
Information?”) - Nov. 1993,Translation Y.Yaznevich,2004
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