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Introduction
Le développement des compétences des cadres de santé est un enjeu majeur pour les établissements de
santé. La simulation managériale est une réelle opportunité pour travailler la posture des étudiants
cadres de santé afin d’affirmer leur rôle de manager. L’objectif de ses simulations est de permettre une
prise de recul sur les situations simulées et de développer des habilités managériales, afin de proposer
un encadrement toujours plus soucieux de la qualité de l’exercice des futurs.es professionnels.es.
Contexte
Les managers sont des maillons forts de l’organisation des services de santé. Il est reconnu que le rôle
du cadre de santé, et plus particulièrement des managers de proximité, ne consiste pas seulement à
redescendre des prescriptions élaborées à des niveaux hiérarchiques supérieurs vers les niveaux
inférieurs et à assurer le reporting de leur réalisation à travers des indicateurs ex ante. Au contraire, il
vise à apporter un soutien opérationnel aux équipes dont ils ont la responsabilité pour que celles-ci
puissent réaliser leur travail et atteindre leurs objectifs dans des conditions maîtrisées (Conjard, 2014).
Depuis Mintzberg, on sait que l’activité de management ne peut se résumer aux grandes fonctions qui
lui sont habituellement attribuées : planifier, organiser, coordonner et contrôler.
Ces quatre mots clés introduits dès 1916 par Fayol dans le vocabulaire de la gestion et repris presque
invariablement jusqu’à aujourd’hui (Thietard, 2012) décrivent finalement très peu le travail réel des
managers. Les difficultés que vivent actuellement les établissements de santé et médico-sociaux
publics et privés, laisseraient imaginer que l’activité des managers se ferait dans le chaos, le désordre,
en l’absence de toute rationalité et laisserait penser que ses activités échapperaient à toute logique
propre. Il n’en est rien. Si les cadres de santé ont leur propre rationalité (Le Texier, 2016), ils ont leur
propre logique d’action qui doit être reconnue comme singulière. Il n’existe pas une logique d’activité
des managers. Cette logique s’inscrit dans une perspective particulière qui consiste en « une activité de
conception de cadres pour faire et faire faire » (Gotteland-Agostini, Pueyo & Béguin 2015). Le pari de
l’agir managérial est donc orienté vers la production d’une organisation locale efficace. Pour cela,
l’activité des cadres doit, à travers la coordination des actions des professionnels.elles, favoriser leur
coopération dans la construction et l’atteinte d’objectifs communs et s’appuyer sur une capacité
d’écoute dans un enjeu de régulation.
Le manager n’est pas qu’un simple relai d’information, mais il se situe entre l’organisation de
l’établissement et les situations qu’il a à gérer.
C’est dans cette perspective de déploiement de logiques d’actions managériales, que l’Institut de
Formation des Cadres de Santé et la direction des Soins du GHU Paris psychiatrie et neurosciences,
pilotent et coordonnent depuis 2018 un dispositif de formation par la simulation managériale.
L’approche par la simulation est un outil de formation considéré comme innovant et utilisé dans les
industries “à risque” telles que l’aéronautique.
Plusieurs auteurs définissent la simulation selon leur discipline. Pour la didactique professionnelle, elle
est définie comme « une démarche d’apprentissage, qui met en scène, grâce à un objet, le simulateur,
des situations qui vont servir à l’acquisition des compétences professionnelles mobilisées dans
l’activité » (Pastré P, Mayen P, Vergnaud G, 2006). Il s’agit d’une méthode d’apprentissage des
compétences à partir de situations – problèmes.
Le projet de la didactique professionnelle est de chercher à analyser l’activité, y compris quand elle
prend en apparence la forme de la metis (Pastré, 2006). Il ne s’agit pas pour le formateur en simulation
d’être dans une culture d’enseignement se caractérisant comme un espace de mise à disposition de
savoirs, mais dans celle de la formation, se caractérisant comme un espace de transformation des
capacités, susceptibles d’être transférées dans d’autres situations que la situation de formation
(Barbier, 2018).
Pour la Haute Autorité de santé (HAS) « la simulation est une méthode pédagogique active et
innovante, basée sur l’apprentissage expérientiel et la pratique réflexive. » (HAS, 2013).
Cette définition sous-tend les conceptions du rapport entre la théorie et la pratique : la connaissance,
qu’il faut alors distinguer du savoir, n’est pas quelque chose d’extérieur à l’activité, mais quelque
chose d’inscrit en elle et qui sert à l’orienter et à la guider.
La simulation en santé correspond « à l’utilisation d’un matériel de la réalité virtuelle ou d’un patient
standardisé, pour reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des
procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations
cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels »
(2009).
Cette définition est utilisée dans un rapport de mission de la HAS sur les pratiques de simulation dans
le domaine de la santé (Granry JC, Moll MC, 2012). C’est une approche axée sur la compétence et la
pratique professionnelle.
En management, l’approche par la simulation prend une autre dimension. Elle permet « une analyse
des comportements et de la communication » (Brugeat, 2018) par la mise en situation professionnelle
des futurs cadres de santé dans un environnement artificialisé à partir de situations - problèmes.
Le mot artificialisé est emprunté au mot artefact, est un effet (lat. factum) artificiel (lat. ars, artis)
(CNRTL, 2022). Il s’agit donc de recréer un milieu (Brousseau, 1998). Pour cet auteur, une relation
didactique est une « relation à un savoir, le milieu étant envisagé comme tout ce qui agit sur l’élève
ou/et ce sur quoi l’élève agit ; il est constitué des objets (physiques, culturels, sociaux, humains)
avec lesquels le sujet interagit dans une situation » (Brousseau, 2003). Une situation désigne, au sens
donné par Brousseau (2003), l’ensemble des circonstances dans lesquelles se trouve un individu, les
relations qui l’unissent à son milieu, et l’ensemble des données qui caractérisent une action ou une
évolution.
Il s’agit donc de mobiliser un savoir, non pas sous la forme théorique, énonciative, mais comme
ressource pour résoudre un problème « un problème inclus dans un milieu » (Pastré, 2006).
Ainsi, nous formulons l’hypothèse que la simulation favorise les interactions entre les étudiants cadres
de santé et un milieu artificialisé pour faciliter le franchissement des obstacles.
L’Ifcs du GHU Paris psychiatrie & neurosciences et la direction des soins se sont dotés d’une base de
données de simulation regroupant diverses situations managériales : entretiens professionnels, gestions
de conflit, entretien avec étudiants en santé, etc.
Les simulations sont déployées de manière graduée toute au long de l’année de formation. Une actrice
formée à la simulation participe aux séance en qualité de professionnelle standardisée versus patient
standardisé (HAS, 2019). Son rôle est d’interpréter une histoire à partir d’un scénario prédéfini et testé
et d’échanger des informations verbales ou non verbales avec l’étudiant cadre en situation simulée.
Les formateurs de l’Ifcs et les intervenants de la Direction des soins sont tous formés à la simulation
en santé. Les séances se déroulent selon les recommandations de bonnes pratiques (HAS, 2019) autour
des quatre phases :
Chaque séance de simulation fait l’objet d’une évaluation à partir d’une questionnaire auto-administré
en ligne, portant sur trois axes : le ressenti des étudiants à l’issue de la séance, la conduite du
débriefing par les formateurs et les apprentissages. Ce questionnaire articulé autour de 11 questions
fermées et de 2 questions ouvertes s’appuie sur la base des questionnaires DASH© version courte
formateur & apprenant et sur modèle de Kirkpatrick.
La lecture des scores d’évaluation se fait selon une graduation allant de 1 à 5, 1 étant le score le plus
faible et 5 le plus haut.
Notre étude porte sur un échantillon de 36 étudiants cadres de santé issus des filières infirmière et
médico-technique, après 3 mois de formation (promotion Simone Veil, 2022-2023). Nous précisons
que 15 d’entre eux ont participé avant leur entrée en formation à des séances de simulation, 3 en lien
avec des simulations managériales et 12 se rapportant à la formation de recyclage Gestes d’urgence.
Ainsi, 21 étudiants n’ont jamais participé à des séances de simulation, et 3 d’entre-deux n’en ont
jamais entendu parlées. Notre étude est complétée par un focus group réalisé le 13 janvier 2023 auprès
des 3 étudiantes.
Résultats/Discussion
Les résultats portent sur l’évaluation de deux séances de simulation réalisées les 17 et 18 novembre
2022. Les groupe de simulation sont composés de 6 à 10 étudiants. Deux situations ont été proposées :
l’une concerne un entretien professionnel en lien avec la laïcité ; la seconde concerne la gestion d’une
plainte et réclamation d’une famille dans un EHPAD.
Les données théorique, conceptuelle et réglementaire ont été traitées en formation de septembre à
novembre 2022, selon diverses modalités de formation (cours magistraux, travaux dirigés, lecture et
analyse de documents), et entrecoupées par une période de stage en entreprise.
Le recueil des données quantitative et qualitative met en évidence plusieurs points :
Les deux séances de simulation que nous avons réalisées et évaluées mettent en lumière l’importance
de la didactique professionnelle et du contrat didactique autour des deux axes suivants :
La dévolution : c’est l’acte par lequel le formateur se défait de sa responsabilité « cognitive »
dans l’évolution de la situation et conduit l’étudiant à l’accepter, dans des conditions où
pourtant il ignore encore ce qu’il convient de faire (Ibid., 1998). Le formateur s’efface en
terme de catalyseur de savoirs. Il se place en médiateur, facilite l’entrée dans la
problématique, gère l’évolution des tâches et délègue la responsabilité des acquisitions à
l’étudiant. En effet, c’est à l’étudiant d’opérer le saut qualitatif sans quoi il n’y a pas
d’appropriation de connaissances. On se trouve alors face à une situation didactique, parce que
le formateur travaille à son effacement. La progression cognitive des étudiants se calque sur
l’avancée des problèmes qu’ils affrontent, sur les savoirs enseignés et les obligent à opérer une
sorte de transposition didactique pour résoudre les difficultés. Quant au formateur, en
organisant l’étude à partir d’une situation à caractère concret (simulation), il simule la phase
de monstration (le fait de montrer). La monstration a donc une fonction précise : permettre la
proposition du problème.
quelque chose à l’élève, mais pour éviter que l’explication totale du contrat (didactique) ne conduise à
un effondrement de la tâche intellectuelle, dès lors réduite à ses aspects mécaniques. » (1997, p. 65).
Conclusion
Bibliographie
– America's Authentic Government Information. H.R. 855 To amend the Public Health Service
Act to authorize medical simulation enhancement programs, and for other purposes. 111th
Congress 1st session. Government Publishing Office ; 2009. BILLS-111hr855ih.pdf.
– ASTOLFI J.-P. (1997), Mots-clés de la didactique des sciences, Bruxelles, De Bœck-
Université.
– Barbier, JM. (2018) Savoirs, connaissances, capacités, compétences : une question sociale et
politique ? Pédagogie pédagogique.
– Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques (Textes rassemblés et préparés par
Nicolas Balacheff, Martin Cooper, Rosamund Sutherland, Virginia Warfield). Grenoble : La
pensée sauvage.
– Brugeat, T. (2018), Simulation managériale, favoriser le développement des compétences -
21/02/18, Managerial simulation, favouring the development of skills.
– CNRTL, 2022. Consulté [en ligne] le 05.11.2022. ARTEFACT : Définition de ARTEFACT
(cnrtl.fr)
– Conjard, P. (2014) Le management du travail. Editions ANACT, Lyon.
– Gotteland-Agostini, C. Pueyo, V. & Béguin, P. (2015) Concevoir des cadres pour faire et faire
: l’activité d’encadrement dans une entreprise horticole. Activités, 12(1), 24-25.
– Granry JC, Moll MC. Rapport de mission. État de l’art (national et international) en matière
de pratiques de simulation dans le domaine de la santé. Dans le cadre du développement
professionnel continu (DPC) et de la prévention des risques associés aux soins. Saint-Denis La
Plaine : HAS ; 2012.
– Le Texier, T. (2016) Le maniement des hommes. Essai sur la rationalité managériale. Paris,
La Découverte.
– Pastré, P., Vergnaud, G (2006) La didactique professionnelle. Revue française de pédagogie
2006/1 (n°154), page 12
– Pastré, P. (2006) Apprendre à faire. PUF
– Schuartz, Y. (2010). L’activité humaine, à la fois intellectuelle et humaine. Les éclairages
complémentaires de Pierre Pastré et d’Yves Schwartz. Éditions Raison et Passions | « Travail
et Apprentissages ». 2010/2 N° 6 | pages 25 à 45. ISSN 1961-3865
– Schwartz, Y (1988, réédition en 2012). Expérience et connaissance du travail. Paris : Les
Éditions Sociales.
– Simulation en santé. Mis en ligne le 26 mars 2019. HAS : Haute Autorité de Santé -
Simulation en santé (has-sante.fr)
– Thietard, R-A (2012) Le management. Paris, PUF, page 3.