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Introduction à la théorie du
portefeuille
Qu’attendre de ce chapitre...
En un mot, si l’on “croit” en les modèles présentés au cours de ce chapitre, et que l’on se
base sur une modélisation de type moyenne-variance, on peut retenir l’idée simple suivante.
Pour obtenir dans un marché “actions” avec un actif sans-risque, un rendement par unité
de risque maximal, on doit investir dans un “portefeuille de marché” (qu’il nous restera à
définir). C’est l’idée centrale sous-jacente au CAPM. Le CAPM est une théorie développée
par Sharpe à partir des années 60 qui a rencontré bon nombre de détracteurs mais dont le
principe est important à connaı̂tre. Les critiques formulées ou les théories concomittantes
au CAPM sont en tout cas tout aussi névralgiques pour la culture financière commune.
La représentation d’une frontière efficiente est plus parlante lorsque l’on procède à une
analyse simplifiée d’un marché à deux actions.
25
26 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
max E[u(XT )]
X0
Utilité exponentielle : Plaçons nous dans le cas particulier d’une utilité exponentielle
u(x) = 1 − exp(−γx), qui satisfait aux conditions préalablement énoncées : le paramètre γ
est le coefficient d’aversion au risque de l’agent. Pour compléter le modèle précédent nous
devons supposer une dynamique pour l’évolution de la richesse entre 0 et T . On supposera
qu’à la date T , la richesse XT est i.i.d. et suit une loi normale de moyenne mX et de
variance σX 2 , X ∼ N (m , σ 2 ). On a alors :
T X X
1
E[u(XT )] = 1 − E[exp(−γX)] = 1 − exp(−γmX + γ 2 σX
2
)
2
D’où :
1 2
max E[u(XT )] =⇒ max(mX − γσX )
X0 2
On est donc ramenés à un cadre d’étude moyenne-variance. Il y a un lien direct entre la
concavité de la fonction d’utilité et l’aversion au risque. A moyenne constante on préférera
toujours un portefeuille atteignable dont la variance sera minimale. La variance est donc
l’expression que l’on retient du risque. Plus la variance du portefeuille est grande plus
le risque qui lui est associé est important. De plus à variance fixée, on préférera toujours
le portefeuille offrant le rendement le plus important 3 . Nous sommes donc dans un cadre
qui est équivalent à celui de Markowitz, développé dans la section précédente.
2. On renverra vers des cours reliés à l’approche par espérance d’utilité qui est une théorie bien plus
générale. On ne s’intéressera ici qu’au message sous-jacent et aux conclusions relatives à l’optimisation
moyenne-variance.
2
3. NB : Dans un graphique moyenne variance, les lignes d’iso-utilité sont les lignes telles que mX − 12 γσX ∗
est une constante.
2.1. TRACÉ DE LA FRONTIÈRE EFFICIENTE 27
On fait de plus l’hypothèse suivante que l’on ne peut pas choisir l’un ou l’autre des deux
actifs a priori :
2
R̄X < R̄Y et σX < σY2
Comme il n’y a pas d’ordre total dans IR2 , une telle hypothèse nous dit que si l’actif Y
a un rendement espéré supérieur à celui de X, il n’en est pas moins risqué. Y n’est pas
préférable à X (et réciproquement) sans autre critère que la donnée de leurs deux premiers
moments. De plus on considère notre portefeuille investi en proportions : (1 − a, a) où a
est la proportion investie en Y , et on suppose que a ∈ [0; 1] : l’action ne peut pas être
vendue à découvert. Notant Ra le rendement aléatoire de notre portefeuille ainsi constitué,
de moyenne ma et de variance σa2 , on aura Ra = aRY + (1 − a)RX et ainsi :
ma = aR̄Y + (1 − a)R̄X
σa2 = a2 σY2 + (1 − a)2 σX
2 + 2a(1 − a)ρσ σ
X Y
ma = aR̄Y + (1 − a)R̄X
σa2 = a2 σY2 + (1 − a)2 σX
2
+ 2a(1 − a)ρσX σY
Tracé dans un plan (σ, m) l’ensemble des portefeuilles obtenus pour a ∈ [0; 1] est un
tronçon d’hyperbole.
Exemple : en figure 2.1 en est donné un exemple pour deux actifs X et Y tels que
2 = 5% et
les rendements moyens valent : R̄X = 2.6% et R̄Y = 3.8% et les volatilités σX
2
σY = 30%.
−→ Si ρ = 1 :
−→ Si ρ = −1 :
Rappelons que toute cette modélisation découle des hypothèses que nous avons formulé
sur la richesse et les préférences des agents .
Une démonstration est donnée dans la section 2.5.2. Le portefeuille de pondération ã d’ex-
pression donnée par l’équation 2.6 est tel que pour a quelconque dans [0; 1] la variance du
portefeuille de pondération a est supérieure ou égale à celle du portefeuille de pondération
ã. Pour a < ã, les portefeuilles sont de variance supérieure et de rendement espéré inférieur.
Pour a > ã, les portefeuilles sont de variance supérieure mais de rendement espéré plus im-
portant. On voit donc que les portefeuilles de pondération inférieure à ã sont plus risqués
et moins rentables, ils n’ont donc pas d’intérêt. On définit alors la frontière efficiente
qui est l’ensemble des portefeuilles admissibles c’est à dire qu’elle correspond dans le plan
(m, σ) aux portefeuilles de pondération a ∈ [ã; 1].
La Diversification
Le point le plus important dans ce qui a été exposé auparavant, est la nécessité de
diversifier : lorsqu’on ajoute dans un portefeuille exclusivement composé de X, un peu
d’action Y, le premier effet est de diminuer la variance donc le risque du portefeuille,
bien que l’on ait σY > σX . Cependant la frontière efficiente ne décrit que les portefeuilles
admissibles, atteignables et cohérents avec un critère moyenne-variance. Les
agents choisissent leur pondération selon leurs préférences et se déplacent ainsi sur cette
frontière. Pour calculer dans ce cadre les pondérations d’un portefeuille optimal, il nous
faut spécifier une fonction d’utilité, propre à l’agent.
R̄Y − R̄X
a∗ = ã + (2.2)
γ(σY2 + σX2 − 2ρσ σ )
X Y
Généralisation
En fait, en absence d’un actif sans risque, quand le nombre d’actif est plus important, la
frontière efficiente garde cette forme de portion d’hyperbole, comme enveloppe convexe
des portefeuilles admissibles dans le plan. Le portefeuille de variance minimale n’est pas
si innocent car il joue un peu le rôle du portefeuille sans risque vu comme extrémité de
cette hyperbole. Voir ? pour le détail des calculs en quantités.
On envisage tout d’abord le marché fictif constitué de l’actif sans risque et d’une action
A, et on considère le portefeuille constitué de ces deux actifs de pondération a en action,
1 − a en actif sans risque. Dans le plan (σ, m), l’ensemble des portefeuilles paramétrés par
a est une demi-droite, d’origine le point (0, Rf ) :
Désormais nous prendrons en compte le deuxième actif, si bien que notre marché se com-
pose de deux actifs risqués X et Y (on gardera les mêmes notations qu’à la section
précédente). L’ensemble des portefeuilles admissibles ne se situe plus cette fois sur une
hyperbole : chaque point de l’hyperbole définit un portefeuille (intermédiaire) qui est lui
même pondérable vis à vis de l’actif sans risque. Le portefeuille composé de deux actifs
risqués peut donc être vu comme un actif risqué synthétique.
Le cône des portefeuilles admissibles est alors présenté en 2.2 pour les mêmes actifs que
précédemment, avec un taux fixe Rf = 2.1% et une corrélation ρ = −0.4.
Ainsi il existe une demi-droite d’angle maximal par rapport à l’axe des abscisses, c’est
la demi-droite d’origine l’actif sans risque et tangente supérieurement à l’hyperbole. La
nouvelle frontière efficiente est cette demi-droite car à variance fixée, c’est sur
cette demi-droite que se trouve le portefeuille atteignable de rendement espéré maximal.
Il est important de noter que cette demi-droite est la même pour tous les agents,
indépendamment de leurs préférences : leur fonction d’utilité les fait là encore se
déplacer le long de la demi droite. Tous les agents devraient donc posséder le même
portefeuille en action, la quantité relative d’actif sans risque dépendant seule
de leur utilité.
30 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
Figure 2.2 – Portefeuilles admissibles (cône grisé) avec actif risqué dans le plan (σa , ma )
On peut donc résumer ceci par le fait qu’à l’équilibre, dans un marché prêt-emprunt, tout
agent détient une part d’un même portefeuille de marché, optimal, dont l’information sur
la composition est identique pour tous. L’indice CAC40 est un exemple de portefeuille
de marché. C’est aussi l’essence du théorème de séparation des fonds de Tobin et
Markowitz.
Attention ! Cette conclusion (la frontière efficiente avec un actif sans risque est une
droite) semble en contradiction avec le premier paragraphe de ce chapitre (où l’on obtenait
une parabole). Les deux approches qu’elles soient menées en valeur ou en quantités sont
identiques, mais ne diffèrent que dans la mesure où l’on travaille soit dans le plan volati-
2.1. TRACÉ DE LA FRONTIÈRE EFFICIENTE 31
– Dans ce cadre, on ne peut pas toujours déterminer pour n’importe quel couple de por-
tefeuilles, lequel est préférable. Efficient = aucun portefeuille n’est à coup sûr préférable.
– L’approche par quantités et par poids sont équivalentes et mènent aux même conclusions.
– En l’absence d’actif sans risque, la frontière efficiente est une hyperbole, enveloppe
convexe des portefeuilles admissibles.
– Quand on rajoute l’actif sans risque, cette frontière devient une droite (avec la volatilité
en abcisse car si c’est la volatilité, c’est une parabole). Elle est tangente à l’enveloppe
précédente en un portefeuille particulier, portefeuille de marché.
– Qu’il y ait ou non un actif sans risque, les portefeuilles efficients sont toujours somme
de deux portefeuilles efficients particuliers et réciproquement. Si actif sans risque il y a
c’est un de ces deux portefeuilles, sinon ce sera le protefeuille de variance minimale.
2.2.1 Principe
Nous nous plaçons à la date t, et l’on cherche à définir une stratégie d’investissement sur
la période à venir [t; t + 1]. Le montant investi sur cette période est noté wt . Sur le marché
existe un actif sans risque de rendement connu rt , ainsi que n actifs risqués, de rendements
aléatoires yi,t+1 = 1 + ri,t . On fait l’hypothèse suivante sur ces rendements :
Hypothèse 2.2.1. Conditionnellement à l’information disponible à la date t, les quantités
yi,t+1 sont d’espérance µ et de variance Ω.
Remarquons que nous n’effectuons pas d’hypothèse sur la nature de la loi des rende-
ments (bien que ne fixer que les deux premiers moments soit historiquement relié à la
modélisation gaussienne comme nous l’avons précédemment exprimé). On notera IEt et Vt
les opérateurs d’espérance et de variance conditionnels à l’information disponible en t.
Ainsi :
maxa IEt [Vt+1 (w, a)] sous contrainte Vt [Vt+1 (w, a)] = v
Ayant toujours les expressions de 2.3 et 2.4, on peut écrire le Lagrangien du problème :
A
L = IEt [Vt+1 (w, a)] − Vt [Vt+1 (w, a) − v]
2
4. C’est du reste l’avantage de la loi gaussienne, totalement connue dès que l’on dispose de ses deux
premiers moments.
34 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
Proposition 2.2.1. La frontière efficiente est constituée par les portefeuilles dont la com-
position en actif risqué a∗ est :
1
a∗ = diag(pt )−1 Ω−1 [µ − (1 + rt )e]
A
Le multiplicateur de Lagrange A, est contraint par le niveau de variance accepté v qui
est le niveau de risque auquel on se place pour l’étude. Lorsque v tend vers zéro, A tend
vers l’infini, ce qui signifie que l’aversion au risque du détenteur du portefeuille augmente.
Lorsqu’au contraire, v tend vers l’infini, A tend vers zéro, ce qui signifie que l’investisseur
tend vers la neutralité au risque. Enfin la quantité d’actif sans risque est déterminée par
la contrainte de budget : a∗0 = w − a∗ pt .
Lorsque v varie, on se déplace schématiquement sur l’axe de variance. Pour une valeur de
v correspond une valeur de A, et un portefeuille (portefeuille atteignable, de rendement
maximal, le seul à être non dominé par les autres portefeuilles). A paramétrise donc la
frontière efficiente. On a l’espérance et la variance (dépendant de A) qui sont alors (en
remplaçant a par a∗ dans 2.3 et 2.4) :
1
m(A) = w(1 + rt ) + [µ − (1 + rt )e]0 Ω−1 [µ − (1 + rt )e]
A
1
σ 2 (A) = [µ − (1 + rt )e]0 Ω−1 [µ − (1 + rt )e]
A2
En utilisant ces deux équations, on peut éliminer A et dès lors obtenir une expression
directe liant le rendement espéré et la variance des portefeuilles de la frontière efficiente :
[m − w(1 + rt )]2
σ2 =
[µ − (1 + rt )e]0 Ω−1 [µ − (1 + rt )e]
La performance de Sharpe du marché est la norme des excès de rendements par rapport
à l’actif sans risque relativement à la métrique Ω. Nous avons vu que dans le cas général,
il était difficile de classer deux portefeuilles quelconques. Nous devons donc étendre la
notion de performance, présentée auparavant pour les actifs financiers, et trouver un critère
agrégé, scalaire, pour résumer la notion de performance du portefeuille. Elle doit donc
mêler la prise en compte du risque et celle du rendement.
On peut montrer que la performance de Sharpe d’un portefeuillle efficient est égale à celle
du marché exprimée à la proposition 2.2.2.
Supposons que l’on cherche a qui permettre de maximiser St (a0 , a) et notons a∗ la solu-
tion de ce problème. Notons v ∗ le niveau de variance atteint par ce portefeuille : vt∗ =
Vt [Vt+1 (a0 , a∗ )]. Le portefeuille a∗ maximise donc IEt [Vt+1 (a0 , a)]]2 sous contrainte que
Vt [Vt+1 (a0 , a∗ )] = vt∗ . Le portefeuille a∗ est donc un portefeuille efficient. Le critère de
performance défini ci-dessus est pratique car il agrège à la fois la notion de risque et celle
de performance. Malheureusement, on ne peut caractériser qu’un portefeuille efficient, et
non toute la frontière efficiente car on s’est placé à nieau de variance fixé.
Conclusion : cette construction reste très généraliste. On pourra trouver dans d’autres
présentations une approche en deux temps où on ne considère dans un premier temps que
les actifs risqués et on rajoute dans un second l’actif sans risque. Il est aussi fréquent de
travailler en proportions plutôt qu’en quantités. Dans ce cas, les formules pour l’allocation
optimale sont inchangées pour a∗ qui devient α∗ mais où le facteur d’aversion au risque
est contraint par le niveau de variance toléré, mais on a de plus α0 + e0 α∗ = 1.
(IE[R] − r)
Sharpe Ratio = p
V[R]
qui est donc égal à l’excédent de l’espérance de rendement par rapport au taux sans risque,
divisé par l’écart-type de la loi de rendements du portefeuille (si l’on prend un taux sans
risque constant sur la période). On trouvera aussi souvent utilisé le Sortino Ratio dont la
définition est :
R − RC
Sortino Ratio =
DR
où RC est un rendement cible pour la stratégie considérée, et DR est le downside risk et
en notant f la densité de la loi de rendements :
sZ
RC
DR = (RC − u)2 f (u)du.
−∞
Enfin on voit de plus en plus l’émergence de mesures de performance basées sur une
quantité statistique nommée L-Moments, mais qui dépasse le cadre de ce cours. On pourra
se référer pour cela à ?.
36 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
2.3 Le CAPM
Originellement, le Capital Asset Pricing Model (CAPM - MEDAF pour l’affreux acronyme
français pour Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers) a été développé par William
Sharpe dès les années 60. Il a reçu pour cela le prix Nobel en 1990. A ce titre, il est conseillé
de lire son Nobel Prize lecture où il détaille son approche au grand public (voir ?). Le but
du CAPM est de s’intéresser aux aspects centraux de l’équilibre dans les marchés de capi-
taux. Sa proposition centrale, comme détaillé au-dessus, est que le portefeuille de marché
est efficient au sens de Markowitz. De nombreuses améliorations et versions existent et ont
été proposées. Lintner, Brennan, Merton, Black, Kraus, Breeden, Rubinstein, Litzenberger
ont ainsi travaillé sur le sujet au cours des années 70 et 80.
2.3.1 Hypothèses
Commençons par le jeu d’hypothèse élémentaire nécessaire à l’élaboration du modèle. On
suppose :
1. les investisseurs n’ont pas d’autre choix d’investissement que d’investir dans les stocks
et l’actif sans risque ;
2. il n’y a pas de taxe ;
3. on peut vendre à découvert sans restriction ;
4. tous les investisseurs s’accordent sur une même vue et une même estimation des
risques et des rendements ;
5. les investisseurs ont des préférences de type moyenne-variance.
On notera que les deux dernières hypothèses sont excessivement restrictives et restent des
hypohtèses fortes mais qui permettent de relativiser la portée du modèle. Une nuance se
glisse alors (et c’est Sharpe qui le souligne) : alors que les modélusations des préférences
de Markowitz sont normatives, le CAPM se veut descriptif. Cette distinction s’illustre
notamment dans le fait que le CAPM suppose que les investisseurs suivent les préférences
de type Markowitz. La force de cette modélisation, bien que simple et “myope” (myopic
en anglais - c’est à dire que l’optimisation se fait période par période) est de capturer
l’essentiel de l’objet d’itnérêt des investisseurs (risque et rendement).
Dans ce qui précède, nous avons vu que l’analyse moyenne variance conduit à une analyse
affine des portefeuilles, qu’elle soit avec ou sans actif sans risque, et ce via le théorème de
spéaration des fonds. On peut considérer que le CAPM étend cette vision pour passer à
l’analyse individuelle des fonds et actions.
2.3. LE CAPM 37
min w0 · Σ · w
w
w0 R̄ = µ
On cherche là encore à minimiser la variance de notre portefeuille à espérance de rende-
ment donnée.
On complète ensuite le marché par un actif sans risque (prêt/emprunt) de taux Rf . L’en-
semble des portefeuilles admissibles est dans le cône de sommet (0, Rf ) et passant par
tous les points de l’hyperbole. Le cône est délimité supérieurement par la capital market
line tangente à la frontière efficiente, qui est l’ensemble des portefeuilles optimaux sur le
marché incluant Rf . Elle est tangente au tronçon d’hyperbole en wM , pondération corres-
pondant au portefeuille de marché. Tout les agents ont donc la même allocation en action,
caractérisée par wM , qui est connu par observation de tout le marché, par observation des
positions de tous les agents. Si Vi désigne la capitalisation boursière de l’actif i, alors la
composante correspondante du portefeuille wM est donnée par
Vi
(wM )i = PN
j=1 Vj
Ce qui différencie les agents est leur position sur cette “capital market line“. Dès que de
l’actif sans risque est utilisé avec le portefeuille de marché (qui rappelons le peut être
vu comme une action synthétique), on se place sur cette droite (alors que si tout est
placé en actions, on se déplacera uniquement sur l’hyperbole). Ceci introduit une nouvelle
problématique qui est de savoir quel est le comportement d’une action vis à vis du marché.
σi2 ρiM σi σM
R̄a = a(R̄i − R̄M ) + R̄M et Σ= 2
ρiM σi σM σM
38 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
σi2 ρiM σi σM
Σ= 2
ρiM σi σM σM
Pour alléger les notations on notera σi,M = ρiM σi σM . On obtient (voir la démonstration
en 2.5.4) le modèle suivant :
σiM
R̄i = RF + (R̄M − RF ) 2 (2.5)
σM
Le coefficient βi est très important, il est la plupart du temps désigné comme étant le
beta de l’action par rapport au marché. Il relie les deux excès de rendement et quantifie
la sensibilité de l’action par rapport au marché.
Le point important de ce modèle est que l’on considère une action face au marché et qu’il
permet de justifier la demande de titre par d’autres composantes que le rendement. On
peut réécrire l’équation précédente sous la forme :
R̄i − RF R̄M − RF
=
ρiM σi σM
Le terme R̄M − RF /σM est la prime de risque du marché. Le terme R̄i − RF /ρiM σi signifie
que la prime de risque est payée à hauteur de ρiM σi < σi ce qui signifie que le marché ne
rémunère pas toute la variance. La partie non rémunérée (qui est (1 − ρiM )σi ) est la partie
non corrélée au marché, elle est appelée variance spécifique. Elle est dite diversifiable
car au sein d’un portefeuille composé d’un grand nombre d’actions, ce terme disparaı̂t en
moyenne.
Illustration
Si on prend un rendement gaussien et que l’on considère un modèle de rendement aléatoire :
σiM
q
Ri = RF + (RM − RF ) 2 + (1 − ρ2iM )σi2 i où i ∼ N (0, 1)
σM | {z }
| {z }
risque spécifique
risque systématique
rémunéré par la prime de risque, et le risque spécifique est diversifiable, non rémunéré, et
indépendant du marché. Comme la somme des risques spécifiques sur l’ensemble des titres
s’annule en espérance ils n’apparaı̂tront pas par la suite.
On notera que l’on pourrait tout à fait envisager un coefficient βi négatif ce qui signifierait
que le rendement de l’action i est inférieur à celui de l’actif sans risque. On pourrait penser
qu’il y a un paradoxe à première vue, si un tel titre a un rendement faible, on pourrait
penser qu’elle ne soit pas cotée. Or elle fait effectivement partie du marché, compte des
2.3. LE CAPM 39
actionnaires, et fait partie du portefeuille de marché. Une action de ce type est en fait très
recherchée car elle permet de diminuer la variance du portefeuille (NB : un tel titre est
appelé super-diversificateur ). Si l’action était seule dans le marché elle disparaı̂trait. Mais
immergée dans l’ensemble du marché, elle contribue à diminuer la variance globale. Elle
diminue le risque du portefeuille d’où la demande pour cette action.
La réalité est qu’il y a la possibilité d’un léger écart au CAPM. On achète les actions
situées au dessus de cette droite (les rendements effectifs sont supérieurs aux prévisions du
CAPM). Ceci crée une demande, ce qui signifie que le prix augmente, donc le rendement
diminue. On peut effectuer le raisonnement inverse pour les actions situées en dessous. En
conclusion, on retrouve le CAPM comme un modèle d’équilibre. Sharpe reprécise que le
CAPM relie les espérances de rendement au risque de marché et non au risque total.
C’est aussi le thème de l’Arbitrage Pricing Theory : dûe à Stephen Ross en 1976, l’APT
stipule que l’espérance de rendement d’un actif financier peut etre modélisé comme une
fonction linéaire de divers facteurs : ces facteurs sont des variables macro-économiques ou
des indices de marché théoriques. L’idée initiale de Ross était de proposer une alternative
au CAPM. Ainsi pour un actif i :
Non-gaussianité
Le premier fait stylisé remarquable est la non-stationnarité (définie au chapitre précédent)
des séries financières. En effet, leurs propriétés statistiques évoluent au fil du temps et ne
sont pas constantes.
Le fait stylisé le plus important de cette section tient certainement dans le fait que “les
évènements rares ne le sont pas tant !” Cependant, l’échelle temporelle de calcul
des rendements reste importante car ces propriétés peuvent fortement en dépendre. Ainsi
lorsque le pas de temps augmente entre l’observation de deux prix pour le calcul des ren-
dements, on peut dire que schématiquement ces derniers tendent à devenir “de plus en
plus gaussiens”.
5. Lorsque cette décroissance s’effectue comme une fonction exponentielle, on est dans le cas d’une
distribution à queue légère et l’exposant de queue est infini.
2.4. FAITS STYLISÉS ET EFFICIENCE 41
Entre actifs, la corrélation inter-stocks semble augmenter dans les périodes de fortes vo-
latilités. De plus, lorsque l’on regarde la matrice de variance-covariance des actifs, une
analyse de son spectre montre que peu de valeurs propres s’avèrent informatives et que
la majorité peut s’apparenter à du bruit. Pour ce type d’étude, la théorie des matrices
aléatoires (random matrix theory en anglais) est de plus en plus utilisée.
Un phénomène célèbre sur les marchés reste sans conteste le “volatility clustering” (une
traduction possible en français étant accumulation des volatilités). Ceci traduit qu’en pra-
tique les périodes de volatilité faible, forte, ou moyenne, s’accumulent par “paquets”. Ces
paquets, ou “clusters” n’ont cependant pas de longueur typique ou caractéristique.
Un autre fait stylisé célèbre sur la volatilité est l’effet de levier. Ceci traduit le fait que les
rendements sont négativement corrélés avec les variations de leur volatilité. La volatilité
augmente suite à des rendements négatifs (de mauvaises nouvelles) mais diminue dans le
cas contraire. Nous reviendront plus tard sur ce fait stylisé qui motive notamment l’utili-
sation du modèle de Heston.
Eugene Fama reprend ce formalisme dans ses travaux en 1963, 1965 puis 1970 : il développe
les tests d’efficience, en s’efforçant de résoudre le débat entre analyse technique et analyse
fondamentale. Il donne la définition précisée ci-dessus, stipulant qu’un marché est efficient
si les prix à la date t reflètent l’ensemble de l’information disponible à la même date. Il est
alors nécessaire de définir un modèle donnant le prix théorique en fonction de l’information.
Un corollaire de bon sens mais quelque peu contre-intuitif est que les opportunités d’ar-
bitrage ne sont pas sensées exister en pratique dans un maché efficient. En effet, elles
disparaissent aussitôt que les agents les repèrent et les exercent, utilisant toute informa-
tion potentiellement en leur avantage. Lorsque ces corrections s’effectuent instantanément,
on dit que le marché est “sans friction” (frictionless en anglais).
Tests d’efficience
“Pour transformer un perroquet en analyste financier averti, il n’y a qu’un pas,
l’arbitrage.” (Stephen Ross)
Dans une première approche, les tests envisagés peuvent se baser sur les résultats des
stratégies employées, à savoir les profits engendrés par les intervenants professionnels. Si
le gérant ou le trader bat invariablement le marché, alors c’est que le marché n’est pas effi-
cient pour l’information de l’intervenant. L’avantage immédiat de cette vision est que l’on
se base sur des données réelles et clairement observables. Sa limite est la définition précise
de ce qu’est l’information du gérant ou du trader, qui n’a toujours pas été précisément
mathématiquement définie.
On peut aussi choisir de procéder à des tests basés sur des stratégies fictives qui utilisent
une information spécifique. Le problème du choix de l’ensemble d’information se pose alors
(les prix passés ? un ensemble d’information publique ? d’information privée ?) La limite est
alors que l’on utilise seulement pour notre analyse des comportements fictifs, non observés.
2.4. FAITS STYLISÉS ET EFFICIENCE 43
Une limite qui peut cependant être formulée à ces définitions est qu’elles ne font pas clai-
rement la distinction entre le mécanisme qui permet d’aboutir à la formation
des prix, et le contenu effectif de “l’information” utilisée. Tout test sur l’efficience
de marché devrait en théorie prendre cela en compte.
Critiques
Sans aller jusqu’à un test sophistiqué, des décalages, des écarts, et des opportunités d’ar-
bitrage s’observent en permanence sur les marchés. Lorsque des agents la repèrent, il tente
de l’exercer. Finalement, lorsque cette “inefficacité” est portée à la connaissance des agents
au désavantage desquels elle se fait, cette opportunité disparaı̂t ou est en théorie corrigée.
Mais quelle peut-être l’origine de tels décalages ?
Tout d’abord, les agents réagissent peut-être de manière idiosyncratique et/ou inappro-
priée à l’information (performance positive ou négative, selon l’aversion au risque, crash-
o-phobia). Ensuite, les effets de ces décalages peuvent éventuellement être atténués par
la présence de frictions, c’est à dire les latences, procédures et frais de transaction. De
plus, les agents peuvent croire qu’ils voient de l’information là où il n’y en a pas. En effet,
les stratégies de trading basées sur de l’analyse technique peuvent ne reposer que sur de
la chance : les réponses du marché à certains patterns ne sont peut-etre que purement
fortuites...
Les critiques sur l’efficience des marchés sont nombreuses. Dès 1980, Grossman et Siglitz
vont plus loin en affirmant que des marchés efficients ne peuvent exister ( !) car si les
marchés l’étaient, il n’y aurait aucun profit à collecter de l’information, auquel cas l’ac-
tivité même de trading n’aurait aucune raison d’être. Mais si personne ne la collectait,
comment le prix pourrait-il la refléter. Il serait dès lors plus juste de quantifier le degré d’in-
efficience du marché. Pour le quantifier, il faudrait procéder à une analyse coût/rendement
des intervenants du marché en fonction de l’information disponible. Ceci est probablement
derrière l’idée de l’existence des noise traders, des agents persuadés d’utiliser une infor-
mation qui n’en est en fait pas une...
De plus, les comparaisons entre investisseurs et entre produits sont satisfaisantes lorsque
l’investisseur arrive à un comportement moyen. Des performances mêmes négatives, de-
viennent argument commercial dès qu’elles se démarquent positivement du reste du marché.
44 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
L’exemple le plus frappant est probablement la réplication de Hedge Funds qui tente de
reproduire des rendements d’indices de Hedge Funds (donc des performances “moyennes”)
à base de facteurs qui eux, sont disponibles depuis toujours. Pourquoi une telle cible, sa-
chant que les rendements des meilleurs Hedge Funds ne pourront jamais être reproduits
de la sorte ? En fait, il apparaı̂t que face à un manque d’originalité et d’innovation, un
fonds redevient un produit de marge, quasi “industriel”.
“Il vaut mieux, pour sa réputation, échouer avec les conventions, que réussir contre
elles.” (J. Keynes)
En conclusion, le débat est loin d’être fini. Une hypothèse récente change de paradigme et
utilise une approche sociologique ainsi que des théories comportementalistes. Ceci dépasse
largement le cadre de cet exposé mais il s’agit peut-être d’une direction de recherche
intéressante. Pour faire le point et aller plus loin sur ces concepts, les travaux de ? consti-
tueront une référence solide.
∂σa2
= 0 ⇐⇒ 2aσY2 − 2(1 − a)σX
2
+ 2(1 − a)ρσX σY − 2aρσX σY
∂a
2
⇐⇒ a(σX + σY2 − 2ρσX σY ) = σX
2
− ρσX σY
2 − ρσ σ
σX X Y
⇐⇒ ã = 2 2 (2.6)
σX + σY − 2ρσX σY
∂m
− γσa∗ = 0
∂σ
soit encore :
∂m
− γσa∗ = 0.
∂σa∗
Le premier terme peut se réécrire :
∂m (∂m/∂a)
= .
∂σ (∂σ/∂a)
Essayons de calculer ce terme qui est la pente de la frontière efficiente dans le plan (σ, m), à
un point de la frontière correspondant à une pondération a, est égale à (∂m/∂a)/(∂σa /∂a).
Pour calculer cette quantité on remarque que :
∂σa2 ∂σa
= 2σa
∂a ∂a
Or on a aisément :
∂σa2
= 2a(σY2 + σX
2 2
− 2ρσX σY ) − 2(σX − ρσX σY )
∂a
d’où
∂σa 2 − 2ρσ σ ) − (σ 2 − ρσ σ )
a(σY2 + σX X Y X X Y
=
∂a σa
46 THÉORIE DU PORTEFEUILLE
Il est trivial de s’assurer que (∂m/∂a) = (R̄Y − R̄X ). Ainsi on peut conclure que :
(R̄Y −R̄X ) 2 − ρσ σ )
∗ γ + (σX X Y
a = 2 2
σY + σX − 2ρσX σY
Ceci peut se réécrire :
R̄Y − R̄X
a∗ = ã +
γ(σY2 + σX2 − 2ρσ σ )
X Y
Comme nous l’avons vu auparavant, la pente de la courbe d’iso-utilité au point (σM , R̄M )
est γσa∗ . La courbe est tangente à la demi-droite passant par (0, Rf ) et (σM , R̄M ), la pente
de cette droite vaut donc (R̄M − Rf )/σM . Ainsi :
RM − Rf RM − Rf
(σa∗ )γ = (a∗ σM )γ = =⇒ a∗ = 2
σM γσM
a∗ , relatif à la possession d’actif risqué dépend encore de γ, ce qui était attendu car le
rapport entre le rendement de l’actif risqué et celui de l’actif sans risque dépend de la
sensibilité au risque des agents. Il nous reste à trouve l’expression de la pondération du
portefeuille de marché. Utilisant que R̄M = aM R̄Y + (1 − aM )R̄X et que la pente de
la droite d’efficience doit être égale à la dérivée de l’hyperbole (voir les calculs effectués
précédemment) en aM :
Finalement on trouve bien une expression qui ne dépend pas de l’aversion au risque γ :
2.5. ANNEXE : PREUVES 47
RM − RF ∂ R̄a /∂a
=
σM ∂σa /∂a a=0
∂σa 2 2
σM = σiM − σM
∂a a=0
D’où :
R̄M − RF 2 2
R̄i − R̄M = 2 (σiM − σM )
σM
On a donc finalement :
σiM
R̄i = RF + (R̄M − RF ) 2
σM
48 THÉORIE DU PORTEFEUILLE