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Comprendre le fonctionnement de la mémoire

La mémoire est la fonction qui nous permet d’intégrer, conserver et restituer des informations
pour interagir avec notre environnement. Elle rassemble les savoir-faire, les connaissances,
les souvenirs. Elle est indispensable à la réflexion et à la projection de chacun dans le futur.
Elle fournit la base de notre identité.

1. Cinq systèmes interconnectés

La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés, impliquant des réseaux neuronaux


distincts :

• La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.


• La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de
représentation consciente à long terme.
• La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
• La mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles.

On rassemble parfois toutes les mémoires autres que celle de travail sous le nom générique de
mémoire à long terme. Par ailleurs, on distingue souvent les mémoires explicites (épisodique
et sémantique) des mémoires implicites (procédurale et perceptive).

1) La mémoire de travail

La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est la mémoire du présent. Elle permet de
manipuler et de retenir des informations pendant la réalisation d’une tâche ou d’une activité.

Cette mémoire est sollicitée en permanence : c’est elle qui permet par exemple de retenir un
numéro de téléphone le temps de le noter, ou de retenir le début d’une phrase le temps de la
terminer. Elle utilise une boucle phonologique (répétition mentale), qui retient les
informations entendues, et/ou un calepin visuospatial, qui conserve les images mentales.

Elle fonctionne comme une mémoire tampon : les informations qu’elles véhiculent peuvent
être rapidement effacées, ou stockées dans la mémoire à long terme par le biais d’interactions
spécifiques entre le système de mémoire de travail et la mémoire à long terme.

7, le nombre magique

On estime que le nombre de chiffres, de lettres, ou de mots qu’une personne peut restituer
immédiatement dans l’ordre proposé est égal à 7, plus ou moins deux (on parle de l'empan
verbal). Il peut être augmenté en regroupant les données (une série de 8 chiffre est plus facile
à retenir lorsqu’ils sont groupés par 2 que lorsqu’ils sont pris isolément). Par ailleurs, une
série de mots est d’autant plus facile à retenir qu’ils sont courts ou qu’ils sont proches
phonologiquement ou sémantiquement.

2) La mémoire sémantique

La mémoire sémantique est celle du langage et des connaissances sur le monde et sur soi, sans
référence aux conditions d'acquisition de ces informations. Elle se construit et se réorganise
tout au long de notre vie, avec l’apprentissage et la mémorisation de concepts génériques
(sens des mots, savoir sur les objets), et de concepts individuels (savoir sur les lieux, les
personnes…).

La mémoire épisodique

La mémoire épisodique est celle des moments personnellement vécus (événements


autobiographiques), celle qui nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et, ainsi, de
se projeter dans le futur. En effet, raconter un souvenir de ses dernières vacances ou se
projeter dans les prochaines font appel aux mêmes circuits cérébraux.

La mémoire épisodique se constitue entre les âges de 3 et 5 ans. Elle est étroitement
imbriquée avec la mémoire sémantique. Progressivement, les détails précis de ces souvenirs
se perdent tandis que les traits communs à différents événements vécus favorisent leur
amalgame et deviennent progressivement des connaissances tirées de leur contexte. Ainsi, la
plupart des souvenirs épisodiques se transforment, à terme, en connaissances générales.

La mémoire procédurale

La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de


marcher, de faire du vélo ou jouer de la musique sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette
mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou les sportifs pour acquérir des
procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite,
c’est-à-dire inconsciente : la personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède,
pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font
sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.

La constitution de la mémoire procédurale est progressive et parfois complexe, selon le type


d’apprentissage auquel la personne est exposée. Elle se consolide progressivement, tout en
oubliant les traces relatives au contexte d’apprentissage (lieu, enseignant…).

La mémoire perceptive

La mémoire perceptive s’appuie sur nos sens et fonctionne la plupart du temps à l’insu de
l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle
qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette
mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.

Avec la mémoire procédurale, la mémoire perceptive offre à l’humain une capacité


d’économie cognitive, qui lui permet de se livrer à des pensées ou des activités spécifiques
tout en réalisant des activités devenues routinières.

https://www.youtube.com/watch?v=Ch8ayM3m2fM&t=4s
2. Mémorisation : De l’organisation cérébrale….

Il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire
mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, répartis dans différentes zones du cerveau.
L’imagerie fonctionnelle (tomographietomographieTechnique d’imagerie cérébrale
permettant de reconstituer le volume en coupes d’un objet, tel que le cerveau. par émission de
positons, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet aujourd’hui d’observer le
fonctionnement cérébral normal impliqué dans les processus cognitifs.

Ainsi, le rôle de l’hippocampe et du lobe frontal semble particulièrement déterminant dans la


mémoire épisodique, avec un rôle prépondérant des cortex préfrontaux gauche et droit dans
son encodage et sa récupération, respectivement. La mémoire perceptive recrute des réseaux
dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles. La mémoire sémantique
fait intervenir des régions très étendues, et particulièrement les lobes temporaux et pariétaux.
Enfin, la mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et au niveau du
cervelet.

Zones du cerveau impliquées dans la mémoire © Inserm, F. Koulikoff

La phase de stockage de l’information nécessite des étapes répétées de consolidation.


L’hippocampe semble constituer un élément important dans le processus. Enfin, la restitution
d’un souvenir, quelle que soit son ancienneté, reposerait également sur cette structure
cérébrale, en interaction avec différentes régions néocorticales. Pour autant, il serait moins
sollicité lorsque le rappel provient de la mémoire sémantique plutôt que de la mémoire
épisodique.

3) ...à la plasticité synaptique

La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système
de mémoire : on parle de "plasticité synaptique". Les différentes formes de mémoire
fonctionnent en interaction, selon que la situation requiert des informations issues de la
mémoire sémantique ou épisodique, implicite ou explicite. Ainsi, un souvenir se traduit par
l’intervention de neurones issus de différentes zones cérébrales et assemblés en réseaux. Ces
connections interneuronales évoluent constamment au gré des expériences et sont
responsables de la persistance d’un souvenir à long terme ou non, selon les cas (importance de
l’évènement, contexte environnemental et émotionnel…).

Pris isolément, le souvenir correspond à une variation de l’activité électrique au niveau d’un
circuit spécifique formé de plusieurs neurones interagissant par le biais des connexions
synaptiques (les synapsessynapsesZone de communication entre deux neurones. étant les
points de contacts entre les neurones). Sa formation repose sur le renforcement ou la création
d’une connexion synaptique temporaire, stimulée par le biais de protéines produites puis
transportées au sein des neurones, comme le glutamateglutamateNeurotransmetteur excitateur
le plus répandu dans le système nerveux central., le NMDA ou la syntaxine qui va elle-même
moduler la libération du glutamate.

Le souvenir est ensuite consolidé ou non en fonction la présence de médiateurs cellulaires au


niveau du réseau neuronal impliqué dans les heures suivantes. L’activation régulière et
répétée de ce réseau permettrait de renforcer ou de réduire ces connexions et, par conséquent,
de consolider ou oublier ce souvenir. Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à
des changements de forme et de taille des synapses, des transformations de synapses
silencieuses en synapses actives, la croissance de nouvelles synapses.

Le maintien à long terme d’un souvenir repose sur la modification de la cinétique


d’élimination ou de renouvellement de certains médiateurs. La phosphokinase zêta (PKM
zêta) joue un rôle prépondérant dans ce mécanisme en favorisant la persistance des
mécanismes impliqués dans la stabilisation et la consolidation des souvenirs. Elle possède
pour cela deux propriétés spécifiques : elle n’est soumise à aucun mécanisme d’inhibition et
elle s'autoréplique.

Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les modifications des


connexions sont plus éphémères, ce qui pourrait expliquer des difficultés croissantes à retenir
des informations.

Section transversale d'hippocampe, région cérébrale du système nerveux central impliquée


dans la mémoire. Des neurones sont créés continuellement dans le gyrus denté (partie claire),
participant ainsi à la plasticité cérébrale. Ici, les noyaux cellulaires et les "corps de Nissl", des
organelles spécifiques aux neurones, sont marqués révélant l’organisation de l’hippocampe en
couches très structurées. © Inserm/Damien Guimond

4) La réserve cognitive, soutien de la mémoire

Les capacités de maintien de la mémoire et d’adaptation en cas de lésions semblent variables


d’un individu à l’autre. En effet, il a été décrit qu’à lésions cérébrales équivalentes en
imagerie, tous ne présenteraient pas les mêmes altérations cognitives. Ces capacités
dépendraient de la réserve cérébrale, relative au tissu cérébral, et de la réserve cognitive, qui
repose sur sa fonctionnalité.

Selon différentes études, un volume cérébral accru, ou un nombre élevé de neurones ou de


synapses est associé à une survenue plus tardive de démence. À lésions équivalentes, ceux qui
présentent une réserve cérébrale plus importantes présenteraient des troubles moins sévères.
Cette réserve cérébrale serait sous l’influence de paramètres génétiques et probablement
environnementaux.

La réserve cognitive correspond à l’efficacité des réseaux neuronaux impliqués dans la


réalisation d’une tâche et celle du cerveau à mobiliser ou mettre en place des réseaux
compensatoires en cas de lésions pathologiques ou de perturbations physiologiques liées à
l’âge. Elle se traduit également par une variabilité, d’un sujet à l’autre, de la tolérance des
lésions cérébrales identiques. En effet, les données disponibles suggèrent que la richesse des
interactions et le niveau d’éducation sont associés à une survenue plus tardive des troubles
cognitifs ou des démences Alzheimer ou apparentées. À l’inverse, l’évolution du déclin
cognitif chez ces derniers serait plus rapide une fois installé : elle s’expliquerait par le fait que
les symptômes sont identifiés à un stade où les lésions sont plus nombreuses et importantes.

La constitution de la réserve cognitive pourrait dépendre:

• de l’importance des apprentissages


• du niveau d’éducation
• d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie
• de la qualité des relations sociales
• de l’alimentation
• du sommeil
• des paramètres génétiques seraient également probablement impliqués

5) Hygiène de vie et mémoire

Des expériences ont montré que dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la
durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de 4 ou 5 heures
par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par
ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la
phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à
l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots. Plusieurs
hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : pendant le sommeil, l’hippocampe est au
repos, évitant les interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du
souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur
composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage.
Pour en savoir plus, consulter le dossier Sommeil.

Le sommeil n'est pas le seul paramètre d’hygiène de vie qui influence notre capacité de
mémorisation : l’alimentation (bénéfice du régime méditerranéen), l’activité physique et les
activités sociales jouent également un rôle important.

6) Mémoire et émotions : de l’amélioration mnésique à la pathologie

Il est démontré que les émotions peuvent moduler la façon dont une information est
enregistrée, l’émotion renforçant ponctuellement l’attention. Ainsi, une émotion positive peut
se traduire par une amélioration ponctuelle des performances mnésiques. Il apparaît
également que la consolidation, et donc la rétention d’une information est favorisée par
l’émotion : le rappel d’un souvenir émotionnel après un long intervalle est souvent plus
important que lorsque ce souvenir est neutre. L’imagerie fonctionnelle montre d’ailleurs que
le rappel des souvenirs est proportionnel à leur intensité émotionnelle qui peut être observée
par l’activation de l’amygdale, siège des émotions. Enfin, la récupération d’un souvenir est
aussi améliorée par la présence d’une émotion positive. Chez les personnes présentant un
trouble cognitif, les expériences montrent un effet protecteur des émotions positives sur les
capacités résiduelles de mémoire. Ce mécanisme existe cependant uniquement dans les
premiers stades de la maladie. Ensuite, l’incapacité de l’amygdale à remplir son rôle rend ce
mécanisme compensatoire inefficace.

Il existe un pendant pathologique à ce processus : en effet, une émotion trop intense,


notamment traumatique, entraîne une distorsion de l’encodage. L’état de stress post-
traumatique (ESPT) des personnes victimes ou témoins d’un évènement dramatique en est
l’illustration type. Le souvenir est mémorisé sur le long terme, avec à la fois une amnésie de
certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui laissent la personne hantée
durablement par cet événement. Il s’accompagne d’une décharge de
glucocorticoïdesglucocorticoïdesHormones stéroïdiennes ayant une action sur le métabolisme
protéique et glucidique. (hormone du stress), dans l’hippocampe au moment de l’événement.
Cette distorsion profonde de l’encodage des événements, au contraire d’un souvenir normal,
rend le souvenir persistant au cours du temps sans qu’il ne perdre de son intensité ou de sa
spécificité. La victime a ainsi le sentiment de revivre continuellement la scène traumatisante,
même des années après.

Dans d’autres situations ayant également trait à une émotion vive (stress, agression...),
certains sujets développent plus volontiers une amnésie dissociative : véritable stratégie
défensive adaptative, développée de façon inconsciente, elle repose sur l’oubli d’une partie
des souvenirs autobiographiques ou sémantiques, ainsi que de l’évènement l’ayant
déclenchée. Ces souvenirs peuvent être réactivés, progressivement ou brutalement, à l’issue
d’une conscientisation de l’évènement déclencheur.

Sur le plan thérapeutique, la compréhension des mécanismes de stabilité des souvenirs et de


l’influence émotionnelle offrent les moyens d’envisager la prise en charge thérapeutique de
certaines pathologies : ainsi, le développement d’approches psychothérapeutiques fondées sur
la dissociation entre les souvenirs et les émotions peut permettre de réduire le handicap lié à
des maladies comme certaines formes d’anxiété ou l’état de stress post-traumatique.
7) Mémoire et oubli : du physiologique au pathologique

Depuis une vingtaine d’années, la prévalenceprévalenceNombre de cas enregistrés à un temps


T. croissante des troubles de la mémoire tel que la maladie d’Alzheimer, a fait de l’oubli un
symptôme. Pourtant, l’oubli est aussi un processus physiologique, indispensable au bon
fonctionnement de la mémoire.

En effet, l’oubli est nécessaire pour l’équilibre du cerveau, permettant à ce dernier de


sélectionner les informations secondaires qu’il est possible d’éliminer afin de ne pas saturer
les circuits neuronaux. L’oubli est un corollaire de la qualité de la hiérarchisation et de
l’organisation des informations stockées. Ainsi, certaines personnes souffrent d’hypermnésie
idiopathiqueidiopathiqueQui existe par soi-même, indépendamment d’une autre maladie., une
pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir dans laquelle l’oubli des détails
est aboli. Ces personnes rencontrent des difficultés de vie quotidienne liées à l’incapacité
d’organiser leurs souvenirs en fonction de leur significativité et de leur importance.

Cependant, l’oubli peut aussi correspondre à la disparition involontaire de souvenirs acquis


par apprentissage volontaire ou implicite, alors que son codage a été réalisé correctement. Ce
phénomène reste physiologique tant qu’il est sporadique. Il concerne plus souvent la mémoire
épisodique que la mémoire sémantique, procédurale ou sensorielle. Il devient pathologique, et
prend plus volontiers le nom d’amnésie, lorsqu’il concerne des pans entiers de mémoire
sémantique ou épisodique.

8) Les multiples troubles de la mémoire

Certaines situations entraînent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes
possibles sont :

• un traumatisme physique entraînant des lésions cérébrales


• un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique
• une tumeur du cerveau
• ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer

Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes
possibles sont :

• des maladies mentales comme la dépression


• le stress et l’anxiété, ou la fatigue
• un événement traumatisant (deuil)
• des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques
(d’autant plus fréquent que la personne est âgée)
• l’usage de drogues

Les troubles de la mémoire ont différentes origines biologiques, comme un déficit en certains
neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.

Les manifestations de ces troubles sont extrêmement variables selon leur origine et les
localisations cérébrales des processus pathologiques. Ainsi, des patients atteints d’une
démence sémantique, dans laquelle des mots ou des informations sont oubliés, perdent
également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs
épisodiques (souvenirs "au jour le jour"). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes
temporaux. Chez d’autres patients, notamment ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer, les
troubles concernent la mémoire épisodique : chez eux, les souvenirs les plus anciens sont
épargnés plus longtemps que les plus récents. D’autres types de déficiences existent : celles
affectant les neurones impliqués dans la mémoire procédurale peuvent engendrer la perte de
certains automatismes, comme chez les personnes atteintes par la maladie de Parkinson ou de
Huntington. Celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire du travail, peuvent quant
à elles donner des difficultés à se concentrer et à faire deux taches en même temps.

Maladie d'Alzheimer et démence sémantique. Visualisation des zones atrophiées dans la


maladie d’Alzheimer (en haut), dans la démence sémantique (au milieu) et, de façon
commune dans ces deux pathologies (en bas). Les flèches rouges indiquent la région
commune hippocampique affectée par ces démences. © Inserm/Renaud Lajoie / Unité 1077

Il existe également des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme l’ictus
amnésique idiopathique : survenant le plus souvent entre 50 et 70 ans, il s’agit d’une amnésie
soudaine et massive pendant laquelle le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient
de faire, sa mémoire épisodique est annihilée. Mais sa mémoire sémantique est intacte : il peut
répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales. Cette
amnésie disparaît souvent après six à huit heures.

Les enjeux de la recherche


La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des
expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie,
neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes
disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.

Ma mémoire et celle des autres


La mémoire a longtemps été considérée comme individuelle et étudiée comme telle. Cette
approche est aujourd’hui caduque, ou du moins incomplète. Le souvenir se situe en effet à
l’interface entre l’identité personnelle et les représentations collectives : il se constitue à partir
des interactions entre la personne, les autres et l’environnement. Il ne peut être détaché du
contexte social dans lequel il prend place. Les interactions, mais aussi les représentations
sociales et les stéréotypes influencent le fonctionnement de notre mémoire.

On parle de cognition sociale : elle permet, par exemple, d’adapter son comportement selon le
contexte dans lequel on se trouve, et cela grâce à la mémorisation et l’analyse des expériences
passées. L’empathie découle également de cette notion interindividuelle de la mémoire : elle
utilise notamment les informations de la mémoire épisodique afin de permettre un "voyage de
l’esprit" se traduisant en capacité à partager la détresse de l’autre. Aussi appelée "théorie de
l’esprit", cette capacité à se mettre à la place de quelqu’un et à imaginer et interpréter ses
pensées fait appel à nos mémoires dont nous décentrons l’objet. Sur le plan médical, la
dégénérescence des neurones au niveau frontotemporal, retrouvée dans certaines démences
(Alzheimer et apparentées), se caractérise par une diminution de la cognition sociale : le
malade peut présenter des troubles du comportement ou des dysfonctionnements sociaux.

Par ailleurs, sur un plan plus large, il existe aussi une mémoire collective ou culturelle, celle
qui prend place autour des évènements historiques (autour de leur évocation ou de leur
commémoration) et des évènements contemporains médiatisés. Il s’agit d’une mémoire
partagée constituée des différentes représentations de l’évènement par l’ensemble des
personnes.

Ce domaine de recherche est particulièrement novateur et rapproche les expertises en


neurosciences et en psychologie de celles en sociologie, en histoire, en philosophie ou en
éthique. En termes thérapeutiques, cette transdisciplinarité peut également apporter un intérêt
: l’état de stress post-traumatique correspond par exemple à une hypermnésie des perceptions
et émotions liées à l’évènement, à une amnésie des aspects contextuels, ainsi qu’à une
perturbation de la mémoire autobiographique. À la suite d’un évènement traumatisant, une
prise en charge appropriée de la charge émotionnelle associée pourrait être d’autant plus
efficace que l’évènement en question est inscrit dans le cadre social, à la fois familial et
professionnel. Il en serait d’autant plus question dans le cadre d’un évènement inscrit dans la
mémoire collective.

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