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Richard Cloutier

Psychologie de F adolescence

gaëtan morin
Il éditeur
Tableau : "LES AGRO-DOLLARS, MOI J'Y CROIS".
•Oeuvre de Michelle Hamel.

Née à Montréal le 14 octobre 1953. Michelle Hamel obtient en 1 965 un baccalauréat en éducation artistique de l'Université du Québec
à Montréal.

Membre de l'Association des artistes de chez-nous inc., Michelle Hamel expose depuis décembre 1978.
Psychologie de l’adolescence
Richard Cloutier

Psychologie de F adolescence

gaëtan morin
éditeur
gaëtan morin éditeur
C.P. 180, BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CANADA
J4B 5E6 TÉL. : (514) 449-2369 TÉLÉC. : (514) 449-1096

ISBN 2-89105-077-0

Dépôt légal 3e trimestre 1 982


Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

Psychologie de l'adolescence
© gaëtan morin éditeur Itée, 1 982
Tous droits réservés

7890123456 GME82 0198765432

Il est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans


autorisation de la maison d'édition. Toute reproduction de cette
publication, par n'importe quel procédé, sera considérée comme
une violation des droits d'auteur.
Je dédie ce livre à ma famille: Nicole, Geneviève, Antoine et les autres.
Remerciements
Plusieurs personnes m’ont aidé à la réalisation de cet ouvrage. Je remercie
particulièrement Suzanne Chamberland qui a assumé la dactylographie et l’organi¬
sation physique de l’ensemble des textes, Suzette Patry du Service de graphisme de
l’Université Laval qui a illustré le livre et Louis Gagné et Richard Kaley qui ont
contribué à la recherche bibliographique; chez l’éditeur, Jacki Dallaire pour sa parti¬
cipation dynamique à la réalisation de ce projet et Angèle Tremblay pour la révision
compétente et très utile des textes. Je remercie enfin les auteurs et les éditeurs qui
m’ont permis de reproduire certains textes, en particulier Josée Labelle pour sa
contribution à la section portant sur le jugement moral.
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TABLE DES MATIÈRES
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1.7.4

1.7.5
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.21
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.22
1.7.9 La perspective psycnoaynamique ei i aaoiescence ..
.22
1.8 L AlN 1 HKCJr L9LL9Lj1L WUL 1 UnLLLL C 1 L ..
THÉORIE DES RÔLES SOCIAUX: APPROCHE SOCIOLOGIQUE DE L’ADOLESCENCE. .25
1.9
.26
1.10 LA 11ILwKIL 1 UCMLl L9C cwLli i/ain.
.28
1.11
.30
1.12 ArrKULnl. LwULUUlL'LJC L9U L9llVJ_.LWrrcivic.iN i i ..
.34

CHAPITRE 2. LA CROISSANCE PHYSIQUE À L’ADOLESCENCE. .41


LA rUUooLL L9L LliUlOOnliLC.
.42
2.1
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.43
2.2
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2.3
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2.3.1
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2.3.2
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2.4
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2.5
.51
2.b. 1
.53
2.5.2
.53
2.5.2.1
.54
2.5.2.2
.56
XII

CHAPITRE 3. FACTEURS RELIÉS AUX TRANSFORMATIONS PHYSIQUES À L’ADOLESCENCE.59


3.1 MÉCANISMES DE DÉCLENCHEMENT DE LA PUBERTÉ .60
3.2 FACTEURS D’INFLUENCE DES TRANSFORMATIONS PHYSIQUES.62
3.2.1 Croissance et hérédité. 62
3.2.2 Influence de l’environnement sur la croissance ....62
3.2.2.1 La tendance séculaire de la croissance physique.62
3.2.2.2 La nutrition . 63
3.2.2.3 Exercice physique et croissance.65
3.2.2.4 La maladie.66
3.2.2.5 Niveau socio-économique et croissance physique.66
3.3 EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES TRANSFORMATIONS PHYSIQUES.67
3.3.1 Effets psychologiques du rythme de maturation.67
3.3.2 Apparence physique et image sociale . 69
AUTO-ÉVALUATION. 7?

CHAPITRE 4. LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE À L’ADOLESCENCE.75


4.1 ACTIVITÉ MENTALE ET EXPÉRIENCE DE VIE.77
4.2 LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF À L’ADOLESCENCE SELON PI AG ET. 78
4.3 LA STRUCTURE DE LA PENSÉE FORMELLE.88
4.3.1 Le groupe INRC. gg
4.3.2 Le système combinatoire. 90

AUTO-ÉVALUATION.'. .QA

CHAPITRE 5. ACTIVITÉ MENTALE ET DIFFÉRENCES INDIVIDUELLES. .97


5.1 LES DIFFÉRENCES INDIVIDUELLES DANS LE RENDEMENT INTELLECTUEL .98
5.1.1 La psychométrie. .98
5.1.2 La notion d’intelligence en psychométrie. .98
5.1.3 Origine des intérêts psychométriques. 101
5.2 LE STYLE COGNITIF...| 104
5.2.1 Réflexivité — impulsivité . 105
5.2.2 Contrôle interne — contrôle externe du renfoncement. 105
5.2.3 Dépendance — indépendance perceptuelle . 106
5.3 ÉVOLUTION DE LA PENSÉE MORALE À L’ADOLESCENCE. 107
5.3.1 Kohlberg (1955): description et évolution des stades. 109
5.3.2 L’adolescent et les règles sociales.
118
5.3.3 L’égocentrisme adolescent .
118
AUTO-ÉVALUATION.
119
CHAPITRE 6. ADOLESCENCE ET SEXUALITÉ ...
.123
6.1 LA SEXUALITÉ: INTRODUCTION.
.124
6.2 PHYSIOLOGIE DES FONCTIONS SEXUELLES
.125
6.2.1 La stimulation sexuelle.
.125
6.2.2 Le toucher.
.125
6.2.3 La vue.
.126
6.2.4 L’odorat.
.127
6.2.5 L’ouïe .
.127
6.3 LE CYCLE DE LA RÉPONSE SEXUELLE.
.127
6.3.1 La phase d’excitation.
.130
6.3.2 La phase du plateau.
.130
6.3.3 La phase de l’orgasme.
. 132
6.3.4 La phase de résolution.
. 135
6.4 LE DÉVELOPPEMENT PHYCHOSEXUEL.
.136
6.4.1 Le début de l’activité sexuelle.
.136
6.4.2 L’activité sexuelle prépubertaire.
.137
XIII

6.4.3 L’orgasme fait-il partie de l’activité sexuelle prépubertaire?. 139


6.5 LES COMPORTEMENTS SEXUELS À L’ADOLESCENCE. 140
6.5.1 Fréquence des conduites sexuelles. 140
6.5.2 Importance des principales activités sexuelles au cours des années 143
144
6.5.3 La masturbation .
144
6.5.4 Le coït prémarital.
AUTO-ÉVALUATION. 149

CHAPITRE 7. PHÉNOMÈNES PSYCHOSOCIAUX RELIÉS À LA SEXUALITÉ ADOLESCENTE 155


7.1 LA CONTRACEPTION . 155
7.2 LES DÉVIATIONS SEXUELLES À L’ADOLESCENCE. 160
161
7.2.1 L’homosexualité ..
7.3 LES MALADIES TRANSMISES SEXUELLEMENT. 164
165
7.3.1 La blennorragie.
166
7.3.2 La syphilis.
168
7.4 LA CULTURE ET LA SEXUALITÉ.
7.5 COMPARAISON DES CONDUITES ET ATTITUDES SEXUELLES DES FILLES ET DES GARÇONS 170
172
7.6 LE CHOIX DU PARTENAIRE HÉTÉROSEXUEL.
174
AUTO-ÉVALUATION.

CHAPITRE 8. LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL À L’ADOLESCENCE 179


180
8.1 INTRODUCTION .
8.2 LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL: PERSPECTIVE D’ENSEMBLE... 181
181
8.2.1 Les stades de développement social selon Gordon.
184
8.2.2 Le développement du style interpersonnel.
185
8.2.3 Mécanismes de socialisation à l’adolescence .
188
8.2.4 Le développement du moi (ego) et la socialisation adolescente.
189
8.2.5 Écologie du développement social à l’adolescence.
8.3 LES VALEURS DE L’ADOLESCENT. 191
191
8.3.1 Les valeurs comme reflet de la socialisation.
192
8.3.2 Les valeurs importantes pour les adolescents .
198
AUTO-ÉVALUATION.
201
CHAPITRE 9. LE MONDE SOCIAL ADOLESCENT.
202
9.1 LES AGENTS DE SOCIALISATION.
202
9.1.1 La famille .
203
9.1.2 Les antécédents familiaux et le comportement social à l’adolescence
206
9.1.3 L’école .
207
9.1.4 Le milieu de travail.
207
9.1.5 La collectivité des adolescents.
.208
9.1.6 Les moyens de communication de masse.
.208
9^2 LA SOCIÉTÉ ADOLESCENTE.
.209
9.2.1 L’amitié à l’adolescence.
.212
9.2.2 Évolution de l’amitié pendant l’adolescence.
.213
9.2.3 Le groupe à l’adolescence.
.218
9.2.4 La famille et les amis.
.219
AUTO-ÉVALUATION.

CHAPITRE 10. PSYCHOPATHOLOGIE À L’ADOLESCENCE.


10.1 INTRODUCTION .
10.2 PSYCHOPATHOLOGIE: UNE DÉFINITION.
10 2 1 Le système de classification clinique .
10 3 INFLUENCE DE L’APPROCHE THÉORIQUE DU CLINICIEN.
10.4 CLASSIFICATION DE LA PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ADOLESCENT
XIV

10.4.1 LeDSMIII. .229


10.4.2 Epidémicité des troubles mentaux à l’adolescence . ,230
10.5 LA SCHIZOPHRÉNIE. ,232
10.5.1 Symptômes de la schizophrénie... ,233
10.5.2 Symptômes mixtes.. 233
10.5.3 Symptômes prédicteurs. 234
10.6 LA DÉPRESSION. 237
10.7 LES COMPORTEMENTS SUICIDAIRES À L’ADOLESCENCE 240
10.7.1 Le passage à l’acte suicidaire. 241
10.7.2 Facteurs biologiques reliés au suicide . 241
10.7.3 Facteurs sociaux et familiaux. 241
10.7.4 Facteurs sociaux plus spécifiques. 242
10.7.5 Facteurs familiaux plus spécifiques . 244
10.7.6 Facteurs reliés à la personnalité. 244
10.7.7 Distinctions entre filles et garçons. 244
AUTO-ÉVALUATION. 246

CHAPITRE 11. LES PROBLÈMES D’ADAPTATION DES 12-18 ANS .251


11.1 LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE. .252
11.1.1 Critères de délinquance. .253
11.1.2 Importance du phénomène de la délinquance .. .254
11.2 LA DÉLINQUANCE CHEZ LES GARÇONS ET CHEZ LES FILLES .255
11.3 TYPES DE DÉLINQUANTS . .259
11.4 RELATION ENTRE ADOLESCENCE ET DÉLINQUANCE. .262
11.5 FACTEURS CONTRIBUANT À LA DÉLINQUANCE. .264
11.5.1 La classe sociale. .264
11.5.2 La famille et la délinquance. .266
11.5.3 Le groupe des pairs et la délinquance juvénile.'. .267
11.6 L’ABUS DES DROGUES À L’ADOLESCENCE . .268
11.6.1 Drogue et culture. .268
11.6.2 Épidémicité de l’usage des drogues à l’adolescence. ,270
11.6.3 Motivations à prendre de la drogue. 276
11.6.4 Explications de la consommation juvénile de drogues. 276
11.6.5 Évolution dans la consommation individuelle de drogues. 277
11.7 PROBLÈMES RELIÉS À L’ALCOOLISME À L’ADOLESCENCE 277
11.7.1 Épidémicité.
277
11.7.2 Nature et effets de l’alcool.
278
11.7.3 Facteurs associés aux problèmes d’alcoolisme à l’adolescence. 279
11.8 L’OBÉSITÉ À L’ADOLESCENCE.
280
11.9 LE PROBLÈME DES ACCIDENTS À L’ADOLESCENCE.
284
11.10 LE CHÔMAGE CHEZ LE JEUNES .
285
AUTO-ÉVALUATION.
288
CORRIGÉ.
297
BIBLIOGRAPHIE.
301
INDEX .
317
Avant-propos
Nos connaissances de la psychologie des adolescents sont en grande partie
récentes et elles évoluent rapidement. 11 y a quelques années à peine, on définissait
l’adolescence comme une période de tumulte psychologique caractérisée par ses
contrastes et ses revirements comportementaux mais aujourd’hui, on ne lui associe
plus nécessairement une crise existentielle profonde. Cette époque du développe¬
ment humain est reconnue comme un tournant important dans la vie et à mesure
que les connaissances sur l’adolescence s’accumulent, le caractère imprévisible de
ce stade s’estompe. Il reste toutefois beaucoup de questions sans réponse et les
contradictions sont nombreuses dans la littérature sur ce sujet. Ce domaine de la
psychologie vivrait-il lui-même son adolescence à travers ses conflits théoriques et
son évolution empirique rapide et imprévisible? Quoiqu’il en soit, nous n’en sommes
pas encore à l’époque de la synthèse harmonieuse des faits.

Le meilleur traité sur ce sujet serait sans doute celui qui cernerait la psycho¬
logie des jeunes sans la morceler en secteurs spécialisés et qui utiliserait un langage
dans lequel les adolescents eux-mêmes pourraient se reconnaître et puiser des idées
utiles au vécu de leur propre expérience. Malheureusement, le phénomène de 1 ado¬
lescence demeure trop complexe pour qu’un tel traité puisse exister. Comme 1 illus¬
tre la division de ce livre en chapitres, l’étude de l’adolescence se fait par secteurs
spécifiques, comme la socialisation, la sexualité, la croissance physique, etc. Ce sont
les chercheurs qui sont à l’origine de ces divisions et non pas le développement
lui-même. Dans ce contexte, le lecteur ne peut parvenir à une perspective d’ensem¬
ble de l’adolescence sans un effort personnel d’intégration des contenus.

Ce livre, destiné à l’enseignement universitaire, est une introduction à la


psychologie des 12-18 ans. Une auto-évalution insérée après chaque chapitre sera
facilement repérable d’après le caractère typographique nous permettant ainsi de s’y
référer directement ou d’en éviter la lecture.

Dans le texte, le mot «adolescent» implique généralement les garçons et les


filles. Or, à plusieurs reprises dans le volume, des différences importantes distin¬
guent le développement des adolescentes de celui des adolescents. Compte tenu de
la spécificité développementale des filles et des garçons, il aurait été souhaitable de
disposer d’une méthode donnant, dans le texte, la même importance nominale aux
deux sexes mais l’utilisation systématique des deux genres (c’est-à-dire la mention
continuelle des mots «adolescent» et «adolescente») aurait alourdi le texte de façon
significative. Ainsi, dans le texte, le masculin implique habituellement le féminin.

Conscient du fait qu’il aurait fallu un nombre beaucoup plus considérable de


chapitres pour rendre justice à tous les travaux contemporains de recherche sur
l’adolescence, je souhaite néanmoins que ce livre apporte une intégration utile à la
connaissance des 12-18 ans.
Richard Cloutier
- •
Chapitre 1
Théories de
l’adolescence

1.1 L’ADOLESCENCE: UNE DÉFINITION

1.2 L'ADOLESCENCE DANS L’HISTOIRE


1.2.1 Conception de l’adolescence chez les Grecs
1.2.1.1 Platon
1.2.1.2 Aristote
1.2.2 L’adolescence au Moyen-Âge
1.2.3 L’adolescence à la Renaissance
1.2.3.1 Comenius
1.2.3.2 John Locke
1.2.3.3 Jean-Jacques Rousseau

1.3 THÉORIE DE L’ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DE DARWIN


2 Chapitre 1

1.4 THÉORIE DE STANLEY HALL

1.5 ARNOLD GESELL: PERSPECTIVE NORMATIVE

1.6 THÉORIES PSYCHODYNAMIQUES DE L'ADOLESCENCE


1.6.1 Sigmund Freud
1.6.2 Anna Freud
1.6.3 Peter Bios

1.7 ERIK H. ERIKSON: LA CRISE D'IDENTITÉ


1.7.1 La reconnaissance mutuelle
1.7.2 La volonté d’être soi-même
1.7.3 Le stade de l’initiative
1.7.4 Le stade de l’identification des tâches
1.7.5 La crise d’identité
1.7.6 La relation intime
1.7.7 Le stade de la descendance
1.7.8 La transcendance
1.7.9 La perspective psychodynamique et l’adolescence contemporaine

1.8 L’ANTHROPOLOGIE CULTURELLE ET L’ADOLESCENCE

1.9 THÉORIE DES RÔLES SOCIAUX: APPROCHE SOCIOLOGIQUE DE L’ADOLESCENCE

1.10 LA THÉORIE FOCALE DE COLEMAN

1.11 L’EXPLICATION COGNITIVO-DÉVELOPPEMENTALE

1.12 APPROCHE ÉCOLOGIQUE DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN

AUTO-ÉVALUATION

1.1 L’ADOLESCENCE: UNE DÉFINITION

L’adolescence est le dernier stade de l’enfance et le premier stade de l’âge


adulte. Mais quand se termine l’enfance exactement? Et quand commence l’âge
adulte? La définition exacte de l’adolescence pose un problème de dimensions et de
limites lesquelles seront en effet différentes selon qu’il s’agit de la dimension biolo¬
gique, de la dimension psychologique ou de la dimension sociale du développement.

On peut concevoir l’adolescence comme un stade intermédiaire pendant


lequel la personne n’est ni un enfant, ni un adulte, pendant lequel elle n’a pas encore
de responsabilités sociales en propre mais où elle peut explorer, s’exercer, expéri¬
menter des rôles. Il s’agirait alors d’un temps d’arrêt, d’un délai que la société permet
au jeune afin qu’il puisse choisir une voie, une personnalité, une identité, une car¬
rière, etc. Mais lorsque l’on considère le nombre de tâches développementales
auxquelles les adolescents sont confrontés, depuis l’explosion de croissance physi-
Théories de l’adolescence 3

que jusqu’à la personnalité sociale, en passant par la maturation et l’identité sexuelle,


la notion de stade intermédiaire pourrait aisément être supplantée par celle de
«période de tumulte».

Au-delà de ce problème de définition, on s’accorde généralement pour situer


l’adolescence entre 12 ans et 18 ans. Dans le présent ouvrage, nous adopterons
cette référence chronologique pour situer l’adolescence1. Le mot adolescence pro¬
vient du latin «adolescere», c’est-à-dire grandir vers («ad»: vers, olescere: croître,
grandir).

1.2 L’ADOLESCENCE DANS L’HISTOIRE

En tant que période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence


existe sans doute depuis aussi longtemps que l’homme lui-même puisqu’elle s’inscrit
dans le cycle physique de sa vie, toutefois l’idée que l’homme se fait de ce phéno¬
mène développemental a beaucoup évolué dans l’histoire.

Telle quelle est aujourd’hui, l’adolescence est un phénomène très récent qui,
sous certains aspects, évolue encore d’une decennie à 1 autre (Elder, 1980). Ainsi des
données recueillies auprès d’adolescents en 1950 ne peuvent être interprétées de la
même façon que celles recueillies auprès de jeunes du même âge en 1960 ou en 1980.
Même dans ses assises physiques, l’adolescence est influencée par l’histoire: l’âge de
la maturation et les normes de croissance varient d’un siècle à l’autre (voir le chapi¬
tre 3, section 3.2.2.1 «La tendance séculaire de la croissance physique»). Cependant
c’est sur le plan du caractère psychosocial de l’adolescence que les changements
historiques les plus marqués se manifestent.

Il y a à peine cent ans, la majorité des jeunes n’atteignait pas le niveau


secondaire dans la plupart des pays occidentaux, ceux-là mêmes où la scolarité est
maintenant obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Il y a un siècle, 1 école était bien loin de
constituer la principale source de connaissances et le travail des adolescents, sinon
des enfants, était chose courante. «On apprenait à vivre en vivant». Si les 12-18 ans
d’aujourd’hui se trouvaient soudainement à l’époque de leurs arrière-grands-
parents, ils auraient probablement l’impression d’entrer dans un autre monde où les
valeurs, les usages, les techniques et les rôles sont complètement différents. Cet
«autre monde» exercerait peut-être un attrait sur plusieurs de ces voyageurs mo¬
dernes: il y a cent ans on commençait à travailler plus jeune mais on n’était pas traité
en enfant jusqu’à 18 ans. La technique était certes moins avancée, mais on n’était
pas tenu d’aller à l’école pendant des décennies avant d’être considéré comme une
personne compétente, capable d assumer un vrai rôle dans la société.

(1) Dans plusieurs ouvrages, l'adolescence est divisée en deux périodes: l’une allant de 12 à 14-15 ans («early
adolescence») et l'autre de 15 à 18 ans («later adolescence»). En reconnaissant ici que ce que vit un jeune
au début de son adolescence peut être fort différent de ce qu’il vit à la fin de cette période, nous consi¬
dérerons l’adolescence en une phase unique du développement.
4 Chapitre 1

1.2.1 Conception de l’adolescence chez les Grecs

Il semble que ce soit au XVe siècle que l’usage du mot adolescence ait fait son
apparition (Muuss, 1975; Katchadourian, 1977). Toutefois, dès l’époque des philo¬
sophes grecs, il existait une conception théorique du développement humain de
l’enfance à l’âge adulte.

1.2.1.1 Platon

Platon (427-347 av. J.-C.) croyait que le caractère d’une personne se déve¬
loppait très tôt en fonction des habitudes prises, de telle sorte que les règles de
conduite proposées à l’enfant par l’environnement sont très importantes pour son
évolution future. Platon croyait en la dualité du corps et de l’âme et pour lui, l’âme
était constituée de trois couches: la première comprenant les désirs et les appétits
de l’homme; la deuxième, le courage, la persévérance et l’agressivité; et la troisième
qui représentait l’essence de l’âme, indépendante du corps était constituée par
l’esprit, l’immortalité et le surnaturel. Selon lui, le processus de développement de
l’enfance à l’âge adulte consistait en une maturation graduelle transformant la pre¬
mière couche, intrinsèque à l’homme, en une seconde caractérisée par le dévelop¬
pement des convictions et de la compréhension des choses, pour atteindre enfin le
développement de la raison et de l’intelligence à la troisième couche que nous
pouvons associer à l’adolescence et à l’âge adulte (Muuss, 1975). Selon Platon, cette
troisième couche de l’âme n’est pas nécessairement atteinte par tout le monde.
Platon croyait aussi que les idées étaient innées et que l’apprentissage consistait à
redécouvrir ces pensées oubliées; l’étendue de cette «redécouverte» n’était cepen¬
dant pas la même pour tout le monde.

Plusieurs notions platoniciennes sont comparables à des concepts utilisés


dans les théories modernes du développement humain. Par exemple, la structura¬
tion de la personnalité proposée par Freud selon le «ça», le «moi» et le «surmoi» se
rapproche des trois couches de l’âme de Platon sous certains aspects. De même, on
pourrait faire le parallèle entre la pensée formelle décrite par Piaget, et qui ne semble
pas être atteinte par tous les adolescents ou adultes, avec la troisième couche de
l’âme décrite selon Platon (1921).

1.2.1.2 Aristote

Aristote (384-322 av. J.-C.), autre grand philosophe grec et disciple de Platon,
ne croyait pas à la dualité du corps et de l’âme car selon lui, ce sont des structures
reliées fonctionnellement. Aristote concevait le développement vers la maturité
adulte comme le résultat de trois périodes de sept ans chacune: la petite enfance, de
0 à 7 ans; l’enfance, de 8 à 14 ans; et la jeunesse, de 15 à 21 ans. Selon Aristote le
développement s’effectue de façon hiérarchique, c’est-à-dire que les derniers stades
Théories de l’adolescence 5

de développement comprennent les éléments élaborés lors des premiers stades.


Ainsi, les jeunes enfants sont contrôlés par leurs appétits et leurs émotions; ils sont
capables d’actions volontaires mais non de choix réels, ils sont semblables aux
animaux sur le plan psychologique. Ce n’est qu’à l’adolescence que la capacité de
choisir apparaîtrait non pas parce que les appétits et les émotions disparaissent mais
plutôt parce qu’ils seraient supplantés par un contrôle et des règles acquis entre 7 et
14 ans. À cela s’ajouterait la capacité de discernement plus autonome permettant
des jugements éclairés. Malgré cette autonomie nouvelle, Aristote concevait la pé¬
riode de 15 à 21 ans comme caractérisée par la passion (dont la plus puissante est la
sexualité), l’impulsivité, le manque de contrôle, mais aussi le courage, l’idéalisme, le
goût de la réussite et l’optimisme (Muuss, 1975). À l’époque d’Aristote, l’éducation
des adolescents grecs était basée sur les mathématiques, l’astronomie, la géométrie
et la musique. Plusieurs siècles devront s’écouler après la fin de l’empire grec avant
qu’une description aussi articulée du développement humain ne soit avancée.

1.2.2 L’adolescence au Moyen-Âge

Au Moyen-Âge, c’est-à-dire la longue période entre la fin du IVe siècle et la


fin du XVe siècle, la vision de l’homme était dominée par la théologie. L’homme était
d’abord une créature de Dieu déterminée par lui. En conséquence, la croissance
physique n’était que l’agrandissement graduel de la création divine: l’enfant était vu
comme un adulte en miniature. L’enfant et l’adulte étant qualitativement semblables,
la différence résidait sur le plan quantitatif. Ainsi la notion de stades dans le dévelop¬
pement n’était pas considérée. Physiquement autant que mentalement, le dévelop¬
pement était représenté par une croissance quantitative. Cette façon de percevoir le
développment trouvait son apogée dans l’idée que le sperme contenait un homme
adulte en miniature («l’homunculus», ou petit homme) qui, lorsqu’il était implanté
dans l’utérus, grandissait naturellement sans différenciation des tissus ou des or¬
ganes.

1.2.3 L’adolescence à la Renaissance

1.2.3.1 Comenius

Au moment de la Renaissance, de nouvelles façons de concevoir le dévelop¬


pement humain apparurent notamment avec la contribution de Comenius (1592-
1670) évêque tchèque (de Moravie) qui suggéra une organisation scolaire basée sur
le développement de l’enfant selon quatre stades de six ans chacun. Selon Come¬
nius, la séquence des programmes scolaires devait être établie en fonction de la
succession naturelle des facultés telles qu observées. Au cours des six premières
années de la vie, l’enfant devait rester à la maison pour recevoir une éducation de
base et exercer ses facultés sensorielles et motrices. De 7 à 12 ans, tous les enfants,
garçons et filles, riches ou pauvres, devaient recevoir une éducation élémentaire
6 Chapitre 1

dans leur langue maternelle (et non en latin comme cela était plus courant à l’épo¬
que) de façon à acquérir une bonne connaissance de leur langue, des usages sociaux
et de la religion, et aussi pour développer leurs facultés mentales (mémoire, imagina¬
tion, etc.)- Comme Platon, Comenius estimait qu’au cours de l’adolescence, c’est-à-
dire la période de 12 à 18 ans, l’éducation devait favoriser le développement du
raisonnement grâce à l’apprentissage en latin de disciplines comme les mathémati¬
ques, la rhétorique, l’éthique, etc. Enfin, le système d’éducation devait susciter chez
les jeunes de 18 à 24 ans, le développement de l’autocontrôlé et de la volonté,
notamment en permettant au jeune adulte de voyager et de fréquenter l’université.
Plusieurs notions adoptées par Comenius apparaissent dans la théorie de Piaget et
dans les objectifs éducatifs des systèmes scolaires que nous connaissons aujourd’hui
(Muuss, 1975).

1.2.3.2 John Locke

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, John Locke (1632-1704) en Angleterre et Jean-


Jacques Rousseau (1712-1778) en Suisse apportèrent de nouvelles vues sur le déve¬
loppement. Pour Locke, l’expérience était la source de nos connaissances consis¬
tant en l’observation du monde extérieur grâce à nos sens ou en la perception des
opérations mentales qui nous permettent la compréhension des choses. D’après lui,
l’esprit du nouveau-né était comme une page blanche sur laquelle s’impriment les
expériences de la passivité mentale de la petite enfance vers l’activité cognitive de
l’adolescence. Les hommes étant égaux à la naissance, ils atteindront des degrés de
perfection variables selon l’environnement dans lequel ils auront évolué.

1.2.3.3 Jean-Jacques Rousseau

Influencé par les idées de Locke lequel concevait la raison comme l’élément
primordial de la nature humaine, Rousseau l’envisageait plutôt comme étant d’abord
émotionnelle. Selon lui, l’enfant est fondamentalement bon et la société doit se
garder de le corrompre en ignorant sa nature au profit de normes et de règles
limitatives qui viennent à l’encontre de l’harmonie du développement naturel. Rous¬
seau proposa quatre stades de développement: la petite enfance ou stade «animal»
(de 0 à 4 ans); l’enfance ou stade «sauvage» (de 5 à 12 ans); la jeunesse (de 12 à 15
ans); et l’adolescence (de 15 à 20 ans). Au premier stade, l’enfant est comme un
animal, il est dominé par ses besoins physiques et ses émotions: l’éducation doit
donc stimuler l’exploration sensorimotrice et respecter sa nature. Au stade «sau¬
vage», l’expérience des sens doit être l’objectif premier de l’éducation et il n’est pas
bon, au cours de cette période, d’enseigner des contenus formels comme la lecture
ou l’écriture. L’idée est de munir le coeur de l’enfant de défenses contre le vice et de
protéger son esprit contre l’erreur. Rousseau suggérait que l’éducation rationnelle
mettant au premier plan le processus d’apprentissage autonome et la découverte
active plutôt que l’enseignement de contenus et de produits devait se faire à compter
Théories de l’adolescence 7

de 12 ans. À l’adolescence, la conscience se développe et laisse ainsi apparaître la


morale. La personne acquiert une maturation émotionnelle qui l’ouvre aux autres et
lui permet d’aimer vraiment. Rousseau fut vraiment l’avocat du respect de la nature
humaine dans sa conception développementale au risque de mettre au second plan
le rôle de l’environnement, des méthodes d’éducation ou de la culture dans l’évolu¬
tion personnelle.

1.3 THÉORIE DE L’ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DE


DARWIN

Le naturaliste anglais Charles Darwin (1809-1882) est l’un des savants les darwinisme
plus importants du XIXe siècle. Il proposa une théorie de l’évolution aujourd’hui
appelée le «darwinisme», basée sur la sélection naturelle des espèces à travers les
âges. Darwin suggéra une vision intégrée de l’évolution biologique des espèces
depuis les organismes unicellulaires jusqu’à l’homme. Il observa que tous les repré¬
sentants d’une même espèce ne pouvaient survivre à cause de l’insuffisance de
nourriture et de la présence de prédateurs; une lutte pour la survie se jouait à
l’échelle philogénétique. Seuls les organismes les mieux adaptés survivaient et se
reproduisaient. De même, les espèces les moins adaptées à l’environnement avaient
tendance à s’éteindre ou encore donnaient naissance à de nouvelles lignées, à de
nouvelles races mieux équipées et possédant des caractéristiques adaptatives meil¬
leures pour survivre. C’est le principe de la sélection naturelle des espèces. sélection naturelle

La théorie de Darwin sur l’adaptation des espèces a démontré le regroupe¬


ment possible des facteurs d’adaptation d’une espèce donnée, ce qui constitue un
des principes fondamentaux de notre compréhension moderne de l’homme et de
son évolution biologique. Au cours des millénaires, l’homme a évolué et, graduelle¬
ment, le poids et le volume de son cerveau ont augmenté d’où le développement de
la pensée et du langage. On accepte aujourd’hui que sur le plan de la connaissance
(c’est-à-dire sur le plan épistémologique) l’homme a développé au cours des généra¬
tions un bagage de notions transmissibles lui permettant des interventions environ¬
nementales de plus en plus puissantes. Ces capacités nouvelles croissant peut-être
plus vite que l’homme ne peut en imaginer les conséquences éventuelles posent des
problèmes d’un ordre nouveau. Une des plus grandes menaces contre l’humanité
actuellement provient de l’inconscience des effets écologiques découlant de l’inter¬
vention humaine.

À l’époque de la parution de ses principaux ouvrages2, Darwin entrait en


contradiction directe avec les puissants préceptes religieux de l’époque relatifs à la

(2) De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle. 1859; De la variation des animaux et des
plantes domestiques. 1868 ; De la descendance de l’homme. 1871.
8 Chapitre 1

création de l’homme par Dieu. Il fut très difficile aux adeptes de plusieurs courants
de pensée d’accepter que l’homme est une espèce animale plus évoluée que les
autres et soumise aux mêmes lois.

Même si Darwin n’a pas proposé de vision intégrée de l’adolescence en tant


que période spécifique du développement, sa théorie biologique de l’évolution a
permis d’envisager les changements ontogénétiques sous un jour nouveau. La théo¬
rie de Jean Piaget notamment apporte une perspective cognitivo-développementale
qui s’harmonise et prolonge bien l’approche biologique darwinienne où l’adaptation
est un processus d’interaction sujet-milieu.

1.4 THÉORIE DE STANLEY HALL

La première théorie psychologique portant spécifiquement sur l’adolescence


nous provient de Granville Stanley Hall (1844-1924), psychologue américain qui a
étudié en Allemagne avec Wilhelm Wundt (le fondateur du premier laboratoire de
psychologie expérimentale à Leipzig) et aux États-Unis avec William James (consi¬
déré comme le premier psychologue américain). G.S. Hall fut vraiment un pionnier
de la psychologie moderne; il eut une influence théorique importante mais contribua
aussi à jeter les bases d’institutions encore très actives aujourd’hui. C’est lui qui
fonda «Clark University» à Worcester dans l’État du Massachusetts aux États-Unis;
il fut l’un des organisateurs de «l’American Psychological Association » et il est le
fondateur de l'American Journal of Psychology. Mais c’est dans son ouvrage en
deux volumes intitulé Adolescence: Its Psychology and its Relations to Physiology,
Anthropology, Sociology, Sex, Crime, Religion and Education que ses idées sur
l’adolescence furent articulées (Hall, 1904); il y aborde une grande quantité de sujets
(comme le titre l’indique) et fait alterner ses opinions personnelles avec diverses
données statistiques.

Pour Hall, le plan de développement de l’espèce humaine est inscrit dans la


structure génétique de chaque individu. L’évolution depuis la conception jusqu’à la
maturité correspond à la récapitulation par chaque personne, des stades par les¬
quels l’humanité est passée depuis les débuts de son évolution et qui ont laissé une
théorie de trace génétique. C’est la théorie biogénétique de la RÉCAPITULATION.
la récapitulation
Chaque stade que nous traversons, depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte,
correspond pour Hall à la reproduction ou à l’image d’une période traversée par
l’humanité dans son évolution philogénétique. Dans l’effort pour rendre symétriques
l’évolution philogénétique (au cours des millénaires) et le développement ontogéné-
tique (dans la vie d’une même personne), on constate que l’influence de Darwin a
beaucoup joué.

Hall (1904) proposa quatre stades de développement: a) la petite enfance (de


0 à 4 ans); b) l’enfance (de 5 à 7 ans); c) la jeunesse ou préadolescence (de 8 à 12
Théories de l’adolescence 9

ans); et d) l’adolescence (de 13 à 24 ans). Pour lui, le jeune enfant vit comme un
animal (comme nos ancêtres l’avaient fait un jour lorsqu’ils marchaient à quatre
pattes) et, poussé par ses forces maturationnelles internes, codées génétiquement, il
évolue graduellement vers un comportement plus articulé, mieux contrôlé. Dans ce
contexte, l’environnement n’a pas beaucoup d’importance puisque tous les hommes
traversent les mêmes étapes peu importe le contexte socio-culturel où ils se déve¬
loppent. L’enfance correspond pour Hall à l’époque où l’homme vivait de chasse et
de pêche comme en témoignent les jeux de cache-cache, les poursuites et les
constructions de cabanes et de cavernes. Entre 8 et 12 ans (c’est-à-dire la jeunesse
ou la préadolescence), une prédisposition à l’apprentissage du contrôle personnel et
d’habitudes diverses se manifeste. Pour Hall, c’était un moment privilégié pour
l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, de langues étrangères, d’habiletés méca¬
niques, etc. L’adolescence est une période que l’on pourrait comparer à l’époque où
l’homme vivait dans des sociétés tribales sans technique mais où se présentaient des
transitions fréquentes et turbulentes. C’est l’époque précédant la civilisation; c’est
une période de tumulte et de stress («storm and stress») caractérisée par les contra¬
dictions, par l’oscillation entre l’activité passionnée et la léthargie indifférente et par
le passage de l’égocentrisme étroit à l’altruisme noble. L’adolescent veut tantôt
s’isoler dans la solitude, tantôt vivre parmi les amitiés les plus présentes (Muuss,
1975).

Pour Hall, l’adolescence est une période très importante, capable de changer
le cours de la vie future. C’est le moment où les rôles sociaux se déterminent, où les
valeurs se développent en fonction des capacités nouvelles de raisonner et d’entrer
en relation interpersonnelle de façon consciente et plus mature.

Parmi les critiques adressées à la théorie de Stanley Hall, on rencontre sou¬


vent celle soulignant la non-considération de l’environnement dans son explication
du développement de l’enfant et de l’adolescent. Dans sa position extrême, il soute¬
nait que même les comportements socialement indésirables étaient le reflet de la
récapitulation d’une époque de l’histoire philogénétique, et que parents et éduca¬
teurs n’avaient pas à s’en inquiéter puisque ces comportements disparaîtraient
comme ils étaient apparus, c’est-à-dire par le développement génétique sans interven¬
tion de l’environnement (Muuss, 1975).

1.5 ARNOLD GESELL: PERSPECTIVE NORMATIVE

Influencé par l’approche biogénétique de Hall, Arnold Gesell, psychologue


américain, a proposé au début des années 1950 une théorie normative du dévelop¬
pement, c’est-à-dire un modèle de l’évolution normale basé sur l’observation des
événements développementaux généralement rencontrés d’une année à l’autre de la
vie. En tant que directeur d’un centre de l’enfant à l’Université Yale, il rassembla une
quantité impressionnante de données issues de l’observation de plus de dix mille
enfants en situation normale de jeu et d’interaction sociale. Gesell proposa une série
10 Chapitre 1

de séquences rythmiques ou de cycles développementaux pour expliquer les varia¬


tions dans la vitesse apparente des changements ontogénétiques. Pour lui, malgré
des irrégularités apparentes, l’adolescence est un processus consistant de matura¬
tion; il estime aussi que chaque individu est unique dans sa structure de croissance
mais qu’il partage une structure génétique de développement avec tous les autres
membres de son espèce. Pour Gesell, le processus de changement maturationnel se
morphogénèse nomme la morphogénèse. Ce processus de changement peut se concevoir comme
une spirale déterminant des moments de progrès rapides et des moments de régres¬
sion utiles pour consolider l’acquis, suivis à leur tour par des pointes de progression
et ainsi de suite, de l’enfance à l’âge adulte. La contribution la plus connue, et peut-
être aussi la plus critiquée de Gesell est sans doute les normes du développement
en fonction de l’âge chronologique qu’il a mises au point. En effet, on a reproché aux
profils psychologiques de Gesell: a) de ne pas tenir compte des différences entre les
garçons et les filles (les filles devancent les garçons d’envirbn 2 ans dans leur déve¬
loppement biologique au début de l’adolescence); b) d’être trop dépendants de l’âge
chronologique et de ce fait de négliger de considérer adéquatement les différences
existant entre la maturation précoce et la maturation tardive; et c) de ne pas tenir
suffisamment compte de l’influence de facteurs socioculturels tels que la famille,
l’école, la culture, les amis, etc. (Lefrançois, 1981). La contribution de Gesell
consiste donc principalement en une description d’une structure génétique com¬
mune qui, si elle ne colle pas exactement au développement de chaque individu,
constitue néanmoins la norme collective servant de référence. La longue citation
suivante donnera plus de détails sur la contribution moins normative de Gesell sur
l’adolescence:

«Années d’adolescence. - Bien que le cerveau ait presque atteint le même


poids que celui de l’adulte à l’âge de 8 ans, l’adolescence entraîne de
profonds changements dans / organisation plus complexe du système
nerveux central et dans les échanges biochimiques de l’organisme. Ces
changements s’accompagnent d’altérations également profondes des
structures de comportement et des attitudes émotionnelles. L’individua¬
lité de base de l’enfant reste assez constante, même pendant les transi¬
tions de la jeunesse, mais son point de vue sur lui-même et sur la culture
subit des réorientations de grande portée. Les traits les plus développés
du caractère humain font alors leur apparition. Ayant été acquis sur le
tard dans l’histoire de la race, ils apparaissent naturellement tard dans le
cycle de développement de l’individu. Ils jaillissent quelquefois avec la
brusquerie qui caractérise sa croissance physique.

Il y a très peu de temps encore nous avions en lui un être indiffé¬


rent aux adultes. Il commence maintenant à être sensible à leurs opi¬
nions, aux particularités de leur comportement: il cherche parmi eux des
modèles à imiter, des héros à adorer. Il choisit aussi ses héros dans
Théories de l’adolescence 11

l’histoire et les biographies. Il est maintenant sensibilisé à l’extrême aux


influences culturelles. Autrefois, il se suffisait à lui-même, le voilà mainte¬
nant en quête d’idéal. La littérature, l’art, la religion prennent une signifi¬
cation nouvelle et peuvent créer de nouvelles confusions dans sa pensée.
Il porte un intérêt nouveau tout à fait surprenant aux idées abstraites. Il
les recherche afin de se trouver lui-même. Dans cette quête il passe
d’une idée à l’autre butinant tout comme l’enfant de 2 ans et demi.
L’enfant d’âge préscolaire a les mêmes difficultés à s’orienter, à établir
des distinctions, à équilibrer les contrastes. Il est bon de rappeler que ces
difficultés préscolaires ne représentent qu’un stade temporaire de déve¬
loppement. Nous trouvons chez l’adolescent des problèmes de crois¬
sance comparables et des mécanismes de croissance analogues.

Il est toujours sujet aux insuffisances de son manque de maturi¬


té, même s’il est maintenant singulièrement ouvert à l’influence d’autrui
et s’efforce plus que jamais d’entrer en rapport avec la culture de son
temps. Les forces environnantes opèrent peut-être avec une puissance
accrue, mais ni lui, ni ses parents malgré le zèle qu’ils y mettent, ne
peuvent dépasser les lois de base du développement. Son développe¬
ment se poursuit essentiellement de la même façon que celle qu’il a
connue pour passer de l’étape trébuchante de 2 ans, en passant par
l’étape paradoxale de 2 ans et demi pour aboutir au palier de consolida¬
tion de 3 ans. Nous avons tenté de le comparer à un adolescent alors
qu’il n’était qu’un enfant de l’école des tout-petits. Une fois adolescent,
nous pourrons le comparer rétrospectivement à ce qu’il était dans son
enfance préscolaire.»3

Gesell a de plus proposé une conceptualisation intéressante de l’interaction


adolescent-parents. Ainsi les parents sont en développement comme leurs
adolescents de sorte que la qualité de leur interaction réciproque est fonction du
synchronisme de leur évolution mutuelle (Gesell, Ilg et Ames, 1956). Il est en effet
normal pour l’adolescent de rechercher son autonomie et de vouloir expérimenter
des rôles qui mettent à profit ses nouvelles capacités physiques, sexuelles, cogni¬
tives et sociales. Or, si ses parents maintiennent la même attitude de contrôle qu’ils
avaient auparavant avec leur enfant sans lui confier davantage de responsabilités,
l’autonomie de la jeune personne ne pourra s’acquérir sans heurt. Cette notion
d’interaction parents-enfant constitue aujourd’hui un élément de base dans le déve¬
loppement tel que conçu par l’approche écologique (Belsky, 1981).

(3) GESELL, A. et ILG, F.L. Le Jeune Enfant dans la civilisation moderne. 10e éd. Paris: Presses universitaires
de France, 1978, p. 258-260. Traduction de F. Lézine.
12 Chapitre 1

1.6 THÉORIES PSYCHODYNAMIQUES DE


L’ADOLESCENCE

1.6.1 Sigmund Freud

Le principal concepteur de l’approche psychodynamique du développement


humain est sans contredit Sigmund Freud (1856-1939), le père de la psychanalyse.
Pour lui, l’activité mentale et le comportement sont contrôlés par une énergie libidi¬
nale responsable du développement psychologique. Le psychisme est articulé selon
ça trois structures qui s’élaborent au cours du développement: a) le ça est le réservoir
des pulsions et des instincts; c’est la structure à partir de laquelle les deux autres
moi puisent l’énergie utile à leur développement; b) le moi assure le contrôle des pulsions
et l’adaptation de la personne à la réalité extérieure, il régit les fonctions mentales
surmoi telles que le raisonnement, la mémoire et le jugement; et c) le surmoi, c’est-à-dire la
structure morale, détermine le bien et le mal, les aspirations et les interdits. Freud
croyait que le monde psychique, auquel on peut accéder grâce au rêve ou à l’hyp¬
nose, ne consiste pas seulement en ce dont nous sommes conscients mais renferme
inconscient aussi tout un univers inconscient qui, indépendamment de notre volonté, influence
notre comportement.

La théorie freudienne4 du développement propose deux processus matura-


tionnels interdépendants: a) le développement du moi qui se traduit par la différen¬
ciation progressive de la personnalité et par l’apparition du principe de la réalité
permettant ainsi à la personne de contrôler ses pulsions et de s’adapter à son
environnement; et b) la progression selon cinq stades de développement psycho¬
sexuels dont la succession est déterminée génétiquement indépendamment de l’en¬
vironnement (Baldwin, 1980; Strachey, 1953-1974).

stade oral De la naissance à 12 ou 18 mois, l’enfant est au stade oral. La bouche, alors
principal médium de gratification libidinale, joue un rôle important dans les contacts
avec le monde extérieur (nutrition, contact avec la mère, succion à vide, exploration
d’objets, etc.). Cette période se divise en deux sous-stades: le sous-stade «oral
dépendant» allant de la naissance au sevrage, et le sous-stade «oral agressif» à partir
du sevrage et de l’apparition des dents (et conséquemment, l’apparition de la capaci¬
stade anal té de mordre). Le stade anal (12-18 mois à 3 ans) se caractérise par la substitution de
la bouche à la zone anale comme source principale de plaisir. Le contrôle des
sphincters associé à l’apprentissage de la propreté est un phénomène caractéristi¬
que de cette période où la recherche du contrôle des objets influence l’ensemble des
stade phallique relations du jeune avec son environnement. Le stade phallique apparaît à partir de 3
ou 4 ans; au cours de cette période, les organes génitaux deviennent le centre

(4) Pour un bon résumé de la théorie de Sigmund Freud, voir: BALDWIN, A.L. Théories of Child Development.
2e éd. New York: Wiley, 1980, p. 327-395.
Théories de l’adolescence 13

principal de satisfaction. C’est à cette période que le garçon vit le complexe d’Oe-
dipe, c’est-à-dire qu’inconsciemment il désire sa mère et envie son père qu’il craint
comme rival (peur de la castration). Le complexe d’Oedipe se résorbe par l’abandon
du désir de la mère et par l’identification au père. Chez la fille, un conflit analogue
existe sous le nom de complexe d’Electre: le père est désiré et des sentiments
hostiles sont ressentis à l’égard de la mère. La période de latence s’étend de 6-7 ans
à 11-12 ans et se caractérise par un ralentissement des pulsions sexuelles et une
forte identification au parent du même sexe. Enfin, le stade génital couvre l’ensem¬
ble de la période adolescente (de 12 à 18 ans) et se caractérise par une grande
préoccupation à l’égard des moyens adultes de satisfaction sexuelle et par une
croissance marquée des pulsions sexuelles. Selon Freud, cette longue période de
développement psychosexuel inclut une régression au stade phallique: la masturba¬
tion apparaît à nouveau comme mode de gratification sexuelle et le retour du conflit
oedipien débouchant non plus sur l’identification au père mais plutôt sur l’identifica¬
tion aux pairs et sur l’établissement de relations hétérosexuelles avec des contem¬
porains plutôt qu’avec la mère (ou le père dans le cas du complexe d’Electre).

À chaque stade correspond un mode privilégié de gratification libidinale5. Une


fixation plus ou moins importante des modes adaptatifs de chaque stade traversé
s’imprime sur la personnalité de l’individu. Ainsi, la bouche comme zone érogène
conserve un rôle important dans la satisfaction sexuelle d’une personne adulte
même si elle ne constitue plus la source dominante de satisfaction libidinale comme
c’était le cas chez le nouveau-né; il en va de même pour le stade anal. Lorsqu’il y a
une fixation excessive d’énergie libidinale sur les mécanismes d’adaptation d’un
stade précoce du développement (inadéquats dans la réalité adulte), il y a psychopa¬
thologie.

Dans cette théorie, le but principal de l’adolescence consiste à atteindre le


stade génital comme mode principal de gratification sexuelle et à réussir à investir
des objets libidinaux non incestueux (Spiegel, 1951).

1.6.2 Anna Freud

Dans cette description freudienne du développement, il est manifeste que


l’adolescence ne constitue pas la préoccupation centrale. On considère d’ailleurs
que la contribution de la fille cadette de Freud, Anna Freud (1895, —) a donné
beaucoup plus de signification à l’approche psychodynamique en ce qui concerne
l’adolescence (Gallatin, 1980). Cette psychanalyste a mis en évidence la différence
qui existe entre les pulsions sexuelles de l’enfance et celles de l’adolescence: les
premières sont dirigées vers une satisfaction individuelle, auto-érotique, tandis que
les secondes ont une fonction de reproduction possédant une dimension de survie

(5) La libido est l’énergie psychologique de base issue de l'instinct sexuel dirigé vers la recherche du plaisir.
14 Chapitre 1

biologique par le biais de la relation interpersonnelle. Selon Anna Freud, l’augmenta¬


tion de l’énergie sexuelle amenée par la puberté peut menacer le contrôle personnel:
les pulsions du ça peuvent devenir si fortes que le moi peut en être débordé dans sa
fonction adaptative, partant l’impulsivité et le manque de tolérance à la frustration
peuvent devenir des traits fonctionnels dominants chez la personne. Parallèlement,
une autre forme d’inadaptation menaçant potentiellement l’adolescent consiste en
un contrôle excessif des pulsions sexuelles pouvant générer une accumulation ex¬
plosive de tensions personnelles. Ces deux tendances contraires, c’est-à-dire celle
qui consiste à être dépassé par les pulsions et celle qui consiste à les contrôler de
façon excessive, se reflètent dans plusieurs zones du comportement adolescent
(amour—haine, solitude—hyperactivité sociale, égocentrisme—générosité extrême,
etc.) et traduisent, selon Anna Freud, la lutte intérieure que mène l’adolescent pour
assurer un équilibre entre le contrôle et les satisfactions libidinales. Dans leurs
descriptions de la dynamique adolescente, Sigmund et Anna Freud mettent davan¬
tage l’accent sur la fonction de défense contre les pulsions tandis que Peter Bios, un
psychanaliste ayant contribué activement à l’explication psychodynamique de l’ado¬
lescence, a ajouté à cette fonction défensive du moi contre les pulsions une fonction
adaptative au centre du processus développemental (Newman et Newman, 1979).

1.6.3 Peter Bios

Bios (1979) explique les états psychiques contradictoires de l’adolescence


comme résultant aussi d’un processus fondamental de «déidéalisation» des objets
libidinaux de l’enfance. Par ce processus, la jeune personne défait les images paren¬
tales idéales (père et mère) de son enfance en y découvrant toutes les imperfections;
elle défait aussi l’idéal de soi quelle s’était fait en découvrant ses limites personnelles.
déidéalisation Cette «déidéalisation» fait partie intégrante du processus de croissance puisqu’elle
est l’unique chemin menant à la construction de nouveaux objets plus adaptés à la
réalité de la condition humaine. Cependant, c’est à l’adolescence que Bios perçoit la
plus grande intensité de changement en comparant ce processus à la révolution
copernicienne où l’homme a perdu sa place au centre de l’univers dans la pensée
scientifique (Bios, 1979, p. 486). Pour lui, l’adolescence constitue un processus
dialectique de tension entre la régression et la progression (entre les pulsions et le
moi) l’une et l’autre étant nécessaires à l’individuation. Ainsi, le tumulte adolescent
est l’effet normal de la croissance et témoigne de la reconstruction d’une nouvelle
personne où les objets d’amour de l’enfance perdent leur perfection imaginée et sont
réintégrés avec leurs bons côtés et leurs mauvais côtés dans une mosaïque person¬
nelle différenciée et autonome. Bios (1979) parle d’«ambivalence mature» pour ex¬
pliquer cette intégration de forces contradictoires.

Selon Bios (1962) l’adolescence comprend trois étapes: 1) le début de l’ado¬


lescence; 2) l’adolescence comme telle; et 3) la fin de l’adolescence. Au début, une
perturbation développementale se manifeste marquant ainsi la fin de la période de
latence; elle est alimentée par l’écart entre le degré de maturité biologique et la
Théories de l’adolescence 15

conscience psychologique, la croissance personnelle étant fonction de l’intégration


de ces deux dimensions existentielles. À l’adolescence la personne remet en ques¬
tion les images de son enfance et réévalue ses investissements libidinaux abandon¬
nant d’anciens objets pour utiliser l’énergie ainsi libérée dans la création de nouvelles
amitiés. La fin de l’adolescence se caractérise par la consolidation:

«Les structures psychiques acquièrent alors un haut degré d’irréversibili¬


té. Elles perdent pour ainsi dire la fluidité et l’élasticité unique de l’en¬
fance qui facilite, encore à l’adolescence, les corrections adaptatives du
passé. La stabilisation structurale de la fin de l’adolescence est marquée
par la finalisation de la formation du caractère. Cette acquisition de la
personnalité à la fin de l’adolescence marque le passage de l’enfance ou,
en langage courant, de l’adolescence. Conséquemment à tout ce qui a
été dit, je considère que l’adolescence ne peut se prolonger indéfiniment.
Comme tous les autres stades de l’enfance, l’adolescence perd son mo-
mentum développemental sans égard au degré d’achèvement des défis
que comporte cette période. La fin de l’adolescence survient de façon
normale ou anormale à un moment déterminé selon la biologie et la
culture. Le fait que des points de fixation à divers stades antérieurs
soient transportés vers les stades suivants maintenant ainsi constam¬
ment actif l’effort que le moi déploie pour harmoniser la sensibilité, la
vulnérabilité et les idéaux qui constituent l’essence de chaque individu,
semble être une loi du développement. Dans ce sens, nous pouvons dire
en citant Wordsworth que «l’enfant est le père de l’homme.»6

Coleman (1980) résume en quatre points la perspective psychanalytique de


l’adolescence:

«En premier lieu, l’adolescence est vue comme une période où il y a une
vulnérabilité marquée de la personnalité résultant principalement de la
résurgence des instincts à la puberté. Deuxièmement, l’accent est mis
sur la probabilité des conduites inadaptées en raison des défenses psy¬
chologiques inadéquates pour faire face aux conflits et aux tensions
internes. Des exemples de ces conduites se trouvent dans les fluctua¬
tions extrêmes de l’humeur, l’inconsistance des relations interperson¬
nelles, la dépression et le non-conformisme. Troisièmement, le processus
de désengagement y prend une importance spéciale car il est considéré
comme nécessaire à l’établissement de relations émotionnelles et
sexuelles matures à l’extérieur de la famille.»7

(6) BLOS, P. The Adolescent Passage. New York: International Universities Press, 1979, p. 496-497. Traduction
de l’auteur du présent ouvrage.

(7) COLEMAN, J.C. The Nature of Adolescence. Londres: Methuen, 1980, p. 6. Traduction de l'auteurdu présent
ouvrage.
16 Chapitre 1

Enfin, Coleman mentionne la formation de l’identité comme quatrième élément


important associé à l’adolescence par la théorie psychanalytique. L auteur estime
que l’apport de ce courant théorique renchérit la notion de difficulté à l’adolescence
comme s’il résultait d’une expérience de l’adolescence établie dans un milieu hospita¬
lier ou clinique, ce qui n’est pas représentatif de ce que vit l’ensemble de la popula¬
tion adolescente (Coleman, 1980).

1.7 ERIK H. ERIKSON: LA CRISE D’IDENTITÉ

Erik Homburger Erikson8 est né à Francfort (Allemagne) en 1902, de parents


danois. 11 a étudié la psychanalyse avec Sigmund Freud à Vienne et a suivi une
analyse didactique avec Anna Freud. 11 était ami et collègue de Peter Bios à cette
époque. Au début des années 1930, il émigra aux États-Unis où il oeuvra dans
plusieurs université importantes comme chercheur et analyste d’enfants et publia
différents ouvrages (voir Coles (1970) pour une biographie détaillée).

Erikson est habituellement considéré comme faisant partie de l’approche


psychodynamique. C’est en raison de l’importance de son étude de 1 adolescence
qu’il est considéré ici de façon indépendante.

Erikson propose huit stades de développement au cours desquels la per¬


sonne évolue de l’enfance à l’âge adulte. Chaque stade se caractérise par des conflits
et des tensions que la personne doit surmonter en s’adaptant aux exigences du
milieu tout en préservant son identité. Comme c’était le cas dans la théorie de Bios,
la tension et les conflits entre des tendances contradictoires sont perçus comme
générateurs de croissance. De chaque stade la personne peut sortir grandie si le
conflit entraîne une solution constructive, la tendance positive est alors intégrée au
moi pour construire une nouvelle identité personnelle. Toutefois, si le conflit n’est
pas résolu de façon satisfaisante, c’est la tendance négative qui s’intégre au moi en
freinant le développement et en donnant lieu éventuellement à une psychopatholo¬
gie.

Le tableau 1.1 schématise les huit stades d’Erikson en fonction des tendances
qui s’opposent dans chacun d’eux. On peut y voir que l’auteur décrit le développe¬
ment humain dans un contexte socio-culturel marquant un élargissement important
par rapport au triangle père-mère-enfant (comprenant le complexe d’Oedipe) pro¬
posé par Freud. À chacun des stades, l’identité personnelle est confrontée aux
attentes et aux aspirations influencées par le monde social et culturel de l’individu;
chaque stade est une crise psychosociale à résoudre mettant en jeu des tendances
opposées qui ne sont pas absentes pendant les autres stades mais en viennent à leur

(8) Homburger est le nom de son beau-père. Le couple Erikson s’étant séparé avant la naissance d'Erik, sa
mère a épousé ce médecin alors que l'enfant n'avait que cinq ans (Coles, 1970).
Théories de l’adolescence 17

apogée, c’est-à-dire à la crise, lors d’une phase déterminée du développement. Pour


Erikson, la qualité de l’interaction sujet-milieu n’est pas entièrement contrôlée par
l’environnement puisque, selon les moyens dont il dispose, le sujet contribue acti¬
vement à son développement (Erikson, 1959, 1968).

TABLEAU 1.1: Description des huit stades du développement humain selon Erikson*

Stade Tendances qui s’opposent Enjeu psychosocial du stade

1 Petite enfance Confiance — Méfiance La reconnaissance mutuelle

2 Age préscolaire Autonomie — Doute et honte La volonté d’être soi-même

3 Début à l’école Initiation — Culpabilité L’initiative et l’anticipation


des rôles futurs (ambition)

4 Période de latence Habileté — Infériorité L’identification des tâches


et la maîtrise technique

5 Adolescence Identité — Diffusion dans les rôles L’identité personnelle

6 Jeune adulte Intimité — Isolement La relation intime

7 Adulte Perpétuation — Stagnation La descendance

8 Âge mûr Intégrité — Désespoir La transcendance

* Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: ERIKSON, E. H. Identity: Youth and Crisis. New York: Norton, 1968.

1.7.1 La reconnaissance mutuelle


Au cours du stade de la reconnaissance mutuelle, la confiance et la méfiance
sont en opposition. Cette phase du développement correspond au stade oral de
Freud, c’est-à-dire à la petite enfance. Le moyen privilégié de satisfaction et de
contact avec le monde est la bouche. Le bébé doit alors faire suffisamment confiance
au monde pour accepter de s’ouvrir à lui, de recevoir; la mère (ou son substitut)
possède une grande influence dans l’élaboration de cette confiance de base («a confiance de base
sense of basic trust»).

Ainsi, selon ce qu’il vivra au cours de la première année de sa vie, l’enfant


intégrera le sentiment qu’il peut ou non faire confiance aux autres et réciproquement
que lui-même mérite la confiance des autres.

1.7.2 La volonté d’être soi-même


Ce deuxième stade correspond à la phase anale de Freud et se caractérise
par la bataille pour l’autonomie, l’acquisition d’un contrôle équilibrant les fonctions
rétention—élimination:
18 Chapitre 1

«Ce stade devient donc décisif en ce qui concerne le rapport entre la


bonne volonté aimante et l’insistance hostile, entre la coopération et
l’obstination et entre l’expression de soi et l’autocontrainte compulsive
ou l’obéissance soumise. Un sentiment d’autocontrôle sans perte de
l’estime de soi est la source ontogénétique du sentiment de libre arbitre.
D’un sentiment inévitable de perte du contrôle de soi et d’un contrôle
parental excessif naît une tendance persistante au doute et à la honte.»9

1.7.3 Le stade de l’initiative

Après avoir acquis, au cours du stade 2, la conviction d’être une personne


distincte, l’enfant doit maintenant définir ses ambitions: Quel type de personne
veut-il être? Quels rôles veut-il assumer? La maîtrise du langage et de la locomotion
permet à ce stade de développer son sens de l’initiative qui correspond à la phase
phallique de Freud. L’enfant utilise un mode fonctionnel caractérisé par l’intrusion:
intrusion dans l’espace par une motricité vigoureuse, intrusion dans l’activité des
autres par une voix et un langage potentiellement agressifs, etc. L’initiative de l’en¬
fant peut cependant entraîner des rivalités avec ceux qui occupent déjà le champ
dans lequel il s’introduit (comme c’est le cas pour le complexe d’Oedipe par exem¬
ple). L’enfant peut alors connaître la culpabilité en contrepartie de son initiative.

«La contribution indispensable du stade de l’initiative au développement


ultérieur de l’identité est évidemment de libérer l’initiative de l’enfant et
sa détermination à l’égard des tâches adultes futures, ce qui rend possi¬
ble l’accomplissement des capacités personnelles sans toutefois le ga¬
rantir.»10

1.7.4 Le stade de l’identification des tâches

Selon Erikson, à aucun autre moment l’enfant n’est plus disponible pour
apprendre qu’au stade 4 auquel correspond la période de latence chez Freud. L’en¬
fant s’ouvre alors à tout ce qui lui semble important dans son environnement dans
l’espoir de devenir quelqu’un. Son industrie et sa méticulosité à apprendre, à déve¬
lopper toutes sortes d’habiletés dans divers domaines amènent éventuellement des
réussites et une reconnaissance qui estompent le sentiment d’infériorité pouvant se
situer à l’origine même de cette avidité d’apprendre. Cependant, dans son désir
d’apprendre il y a danger d’un trop grand conformisme où l’imagination peut être
sacrifiée au profit d’une vocation trop vite choisie, ce qui peut inhiber l’épanouisse¬
ment ultérieur.

(9) Ibid. p. 109-110.

(10) Ibid. p. 122.


Théories de l’adolescence 19

1.7.5 La crise d’identité

Le cinquième stade, celui de l’adolescence, correspond à la crise d’identité


chez Erikson. C’est pour lui une période de recherche, d’introspection et d’explora¬
tion à partir de laquelle l’identité surgit. L’identité constitue pour lui un phénomène
d’intégration des éléments d’identification des stades précédents, du potentiel et des
compétences actuelles et des aspirations futures. Le défi d’établir une identité per¬
sonnelle en évitant la diffusion des rôles ou la confusion de l’identité implique d’abord
l’établissement d’un bilan personnel de la part de la jeune personne: Qui suis-je?
D’où est-ce que je proviens? Où vais-je? Ces questions sont individuelles et privées
et personne ne peut y répondre pour autrui. Cependant, la présence dans l’environ¬
nement de points de repère pour identifier l’histoire ou la tradition personnelle
pourra aider le jeune à effectuer ce bilan et à choisir des valeurs conséquentes. Par
exemple, l’absence de famille ou la présence de tumultes sociaux majeurs rendront
ce bilan plus difficile à réaliser. L’échec dans l’établissement d’une telle identité
personnelle résulte pour Erikson en une diffusion des rôles, une confusion et un
sentiment d’aliénation durable. Cette diffusion des rôles se trouve par exemple chez
les jeunes qui changent de personnage en fonction du contexte social immédiat dans
lequel ils évoluent: soumis et rangés à l’école, obstinés et capricieux avec leurs
parents, prêts à tout en groupe de pairs, etc. Lorsque ce stade «caméléon» subsiste
à la fin de l’adolescence et qu’il n’y a pas d’engagement dans une identité définie, la
diffusion persiste comme un obstacle à l’établissement de relations intimes et vraies;
par contre, lorsque le jeune adulte parvient à se retrouver dans son personnage,
cette phase «caméléon» n’aura été qu’une expérimention constructive sur le plan
développemental.

Le groupe de pairs constitue un milieu très favorable pour expérimenter des


rôles, pour présenter des images différentes et en connaître l’effet social dans le
cadre de relations interpersonnelles réelles. Les premières amours sont aussi per¬
çues par Erikson comme des passages utiles pour tester le moi; elles sont pour lui
davantage «interpersonnelles» que «sexuelles» comme en témoigne la préférence
pour les longs échanges entre adolescents amoureux: «Voilà pourquoi plusieurs
jeunes préfèrent converser et régler des questions d’identification mutuelle à s’em¬
brasser11.»

Selon Erikson (1959), tous les adolescents ne passent pas par le même pro¬
cessus de recherche d’identification; ainsi il appelle «identité forclose» («forclosure identité forclose
identity») celle qui survient sans crise, sans expérimentation réelle. C’est le cas par
exemple d’une jeune personne qui joue très tôt un rôle social ou occupe un emploi
sans avoir connu autre chose, ni s’être questionnée sur sa propre orientation future.
Ces personnes sont souvent devenues ce quelles sont, non par choix délibéré, mais

(11) Ibid. p. 132.


20 Chapitre 1

souvent selon les décisions de leurs parents (ou autres intervenants) lesquelles sont
prises en fonction de valeurs religieuses, culturelles ou politiques. Par conformisme
et respect de l’autorité, ces jeunes ont accepté tacitement ce type de futur sans
réellement participer à leur devenir personnel. Encore aujourd’hui, il existe des
cultures où les jeunes évoluent dans un chemin qui leur est tracé à l’avance par leurs
parents.

Par ailleurs, les adolescents qui se sentent exclus de la culture dominante et


qui ont l’impression d’être rejetés par la société se construiront ce qu’Erikson ap¬
identité négative pelle une «identité négative», c’est-à-dire qu’ils se définiront par leur marginalité,
qu’ils valoriseront les comportements antisociaux, qu’ils aspireront à devenir d’ha¬
biles escrocs, etc. L’identité négative peut être à l’origine, non seulement de compor¬
tements antisociaux mais aussi de névroses profondes:

«Par exemple, une mère dont le fils aîné est décédé et qui, à cause de
sentiments compliqués de culpabilité, n’a jamais réussi à s’attacher à
ses autres enfants de façon comparable à l’importante dévotion qu’elle
consacre à la mémoire de son fils, suscita chez l’un de ses autres fils la
conviction que le fait d’être malade ou mort constituait une meilleure
assurance d’être «reconnu» que d’être en bonne santé.

Autre exemple. «Une mère, animée d’une ambivalence inconsciente à


l’égard de l’un de ses frères qui avait sombré dans l’alcoolisme, ne ré¬
pondait chez son fils qu’aux caractéristiques qui semblaient constituer
une répétition du sort de son frère. Il en résulta que cette identité néga¬
tive semblait parfois avoir plus de réalisme pour le fils que ses tentatives
naturelles d’être bon; il travailla fort pour devenir ivrogne mais man¬
quant des éléments nécessaires pour y parvenir, il finit par se trouver
dans un état de paralysie décisionnelle générale.»12

1.7.6 La relation intime

Le stade six, ou la sixième crise, est celle de l’intimité. Pour Erikson, l’intimité
réelle, en tant que fusion de deux identités, n’est possible que lorsque l’identité
individuelle est formée. Pour cet auteur, l’intimité sexuelle n’est qu’une partie de
cette relation: «La jeune personne qui n’est pas certaine de son identité évitera de se
compromettre dans des relations intimes ou se lancera dans des actes intimes qui
sont «promiscuitifs» mais sans abandon réel de soi13.»

(12) Ibid. p. 175.

(13) Ibid. p. 136.


Théories de l’adolescence 21

Le jeune adulte qui n’arrive pas à établir des relations intimes se cantonnera
dans un style stéréotypé de relations interpersonnelles et pourra éprouver un senti¬
ment profond d’isolement. Dans le modèle d’Erikson, l’isolement est la tendance
opposée à l’intimité.

1.7.7 Stade de la descendance

Le septième stade, celui qui correspond à la maturité de 1 âge adulte, est


caractérisé par le souci d’avoir des enfants et de les aider à se développer de façon
adéquate. Cette motivation à l’égard de la descendance peut se diriger vers d’autres
projets que celui d’avoir des enfants, par exemple dans des réalisations d’une autre
nature (vocationnelles ou institutionnelles) où la personne laisse son empreinte, se
perpétue en quelque sorte. La tendance opposée à ce désir de créer, de générer est
le sentiment de stagnation. La personne se traite alors comme son enfant unique,
elle se préoccupe excessivement d’elle-même parfois par le biais d’un handicap
physique ou psychologique. Le désir de créer, de s’actualiser, de se perpétuer est
donc une motivation centrale de la vie adulte selon Erikson.

1.7.8 La transcendance

Le huitième stade correspond à la dernière partie de la vie dans la théorie


d’Erikson. Cette dernière phase concerne l’attitude adoptée à l’égard de la vie passée.
D’un côté il y a le sentiment d’avoir fait ce que l’on avait à faire de notre mieux, au
cours des bons moments et des moins bons, avec l’idée que les membres des
générations plus jeunes sont des partenaires de vie à qui on peut confier les com¬
mandes et permettre aussi d’autres réalisations. C’est le sentiment d’intégrité par
rapport à l’ensemble de sa vie laquelle est perçue comme un cycle unique auquel l’âge
mûr appartient de plein droit. De l’autre côté de la scène se trouve le désespoir qui
résulte de l’incapacité d’effectuer cette intégration de la vie passée. Le désespoir
provient de l’impression que le temps a été trop court et qu’il n’en reste plus suffi¬
samment pour entreprendre autre chose, pour commencer une autre vie et, selon
Erikson, ce désespoir se cache parfois derrière l’expression du dégoût, de la décep¬
tion, de l’amertume à l’égard de la vie, de certaines institutions, symboles ou per¬
sonnes.

La théorie d’Erikson n’est sans doute pas toujours aussi précise qu’on pour¬
rait le souhaiter, mais elle a le rare mérite d’accompagner la personne du début à la
fin de son développement. Elle propose une perspective complète de la vie et 1 ado¬
lescence y tient une place cruciale. Dans ce scénario en huit actes de l’évolution
psychosociale humaine, l’adolescence a pour rôle de mouler le visage adulte de la
personne en définissant son identité.
22 Chapitre 1

1.7.9 La perspective psychodynamique et l’adolescence


contemporaine
Dans le courant psychodynamique, c’est aux néo-freudiens tels que Bios et
Erikson que l’on doit l’explication la plus élaborée du développement à l’adoles¬
cence, stade où l’état de crise n’est pas seulement présenté comme le résultat d’une
défense contre les pulsions, mais aussi et peut-être davantage, comme une phase
adaptative, une recherche de soi-même impliquant normalement des essais ratés,
une intégration difficile mais intense du passé et de l’avenir dans la conscience
présente.

L’explication psychanalytique du développement humain en général et de


l’adolescence en particulier nous apparaît s’être épanouie avec les contributions
postfreudiennes, mais certaines dimensions restent encore à développer. Par exem¬
ple, si Erikson a contribué à préciser notre conception de la personne en lui attri¬
buant une autonomie plus grande d’adaptation à son milieu se décentrant ainsi de
l’idée d’une tension intérieure qui s’exerce entre les défenses et les pulsions libidi¬
nales, le conscient et l’inconscient, etc., son oeuvre ne couvre peut-être pas complè¬
tement ce que vit l’adolescente d’aujourd’hui. Dans la théorie freudienne, on a
parfois l’impression de vivre selon la culture du début du siècle en ce qui concerne
les rapports hommes—femmes par l’utilisation massive du complexe d’Oedipe
comme notion dynamique en contrepartie du complexe d’Electre qu’il est encore
plus difficile à rendre vraiment utile dans l’explication du développement de la fille
moderne. Parallèlement, avec l’approche d’Erikson on a parfois l’impression d’être
en contact avec une culture d’après-guerre où se produit une ouverture de la triade
père—mère—enfant sur l’ensemble de la société, mais où la proposition d’un modèle
dans lequel la femme contemporaine peut se retrouver de façon satisfaisante est
absente. Avec Erikson, la dimension sociale n’a pas été intégrée à l’explication
psychodynamique du développement laquelle n’a d’ailleurs pas encore intégré com¬
plètement la dimension historique comme facteur crucial de conditionnement de la
recherche d’une identité à l’adolescence (Elder, 1980). La libération de la femme et la
reconnaissance empirique de la trajectoire distincte des sexes à l’adolescence étant
récentes, l’approche psychodynamique n’a pas encore complètement traversé ce
stade: «[...] Je crois qu’une formulation future des différences sexuelles doit au
moins comprendre des idées postfreudiennes en vue d’éviter de succomber aux
répressions et aux dénis de l’époque préfreudienneu.»

1.8 L’ANTHROPOLOGIE CULTURELLE ET


L’ADOLESCENCE
Les théories modernes présentées jusqu’ici, c’est-à-dire celles de Hall à Erik¬
son, en passant par Gesell et Freud, s’inspirent toutes plus ou moins de l’approche

(14) Ibid. p. 268.


Théories de l’adolescence 23

darwinienne dans la mesure où elles accordent la prépondérance à la biologie


comme moteur du développement humain en soutenant conséquemment que les
mécanismes décrits à l’adolescence sont universels puisque inscrits génétiquement.
Or, une sérieuse remise en question de l’universalité de certaines notions en tant
que parties intégrantes de la biologie humaine a été soulevée dès les années 1930 par
les découvertes de l’anthropologie culturelle.

Margaret Mead (1901-1978), la célèbre anthropologue américaine, a assumé


un important rôle d’avant-garde dans cette voie. L’anthropologie culturelle ne s’est
pas uniquement opposée aux explications biologiques ou dynamiques du développe¬
ment, elle a permis de démontrer que les phénomènes observés dans les cultures
occidentales n’existaient pas dans toutes les sociétés humaines et elle s’est souvent
inspirée des concepts de la psychanalyse pour interpréter les données recueillies sur
le terrain (Mead, 1928; 1973). Les travaux de Margaret Mead ne contiennent cepen¬
dant pas de théorie explicite du développement à l’adolescence bien que des notions
comme celle du relativisme culturel aient contribué à évaluer l’influence de la culture relativisme culturel
sur le vécu de cette période de la vie, notamment par la description des rites de
passage à l’adolescence dans les sociétés primitives (Muuss, 1975).

Les travaux de Ruth Benedict (1887-1948), autre anthropologue célèbre et


amie de Margaret Mead, ont apporté une précision significative sur la perspective
anthropologique de l’adolescence (Benedict, 1934; 1938).

Alors que les théories biologiques et dynamiques du développement propo¬


sent des stades impliquant une discontinuité dans l’évolution humaine, Mead (1933)
et Benedict (1938) conçoivent le développement comme un processus graduel et
continu. Pour elles, la transition entre la dépendance quasi totale du nouveau-né et
l’autonomie de l’adulte peut s’effectuer selon une progression uniforme, c’est la
culture qui crée les stades:

«Les théories basées sur des stades développementaux devraient aussi


subir de sérieuses révisions si elles étaient soumises aux tests des socié¬
tés primitives. Non seulement les théories plus grossières relatives au
stress et aux difficultés inévitables accompagnant la puberté physiologi¬
que ou relatives à un «stade collectif» vont alors par-dessus bord mais
plusieurs variations plus subtiles surviennent.»15

Ainsi, dans la culture occidentale, il existe une différence marquée entre un enfant et
un adulte. Par exemple, l’enfant n’a pas accès a la sexualité, on restreint son expres¬
sion sexuelle, il ne voit pas de relations sexuelles et n’a que très rarement l’occasion
de voir une naissance, etc. Cela n’est toutefois pas le fait de toutes les cultures et
Mead (1928) a observé qu’à Samoa (Samoa orientales, en Polynésie) les enfants

(15) MEAD, M. «The primitive child». A Handbook of Child Psychology (C. Murchison, dir.). 2e éd. Worcester.
Massachusetts: Clark University Press, 1933, p. 918. Traduction par l'auteur du présent ouvrage.
24 Chapitre 1

avaient accès à ce type d’information parce qu’ils n’étaient pas considérés comme
différents des adultes. En Occident, l’enfant se distingue facilement de l’adulte par le
fait qu’il n’a pas de responsabilité et qu’il est placé sous l’autorité de ce dernier. Les
enfants occidentaux n’ont pas l’occasion d’exercer le rôle de dominance car la
culture ne leur reconnaît pas ce droit à cause de leur statut. Or, à Samoa Mead
(1928) a observé une alternance contextuelle dès l’enfance dans l’exercice des res¬
ponsabilités et des rôles dominants: «Aucune mère ne s’occupera de discipliner l’un
de ses jeunes enfants si l’un de ses plus vieux peut s’en voir confier la responsabili¬
té16.» Les filles surtout ont la responsabilité de s’occuper des enfants plus jeunes et,
dès 6-7 ans, elles peuvent vivre un rôle de dominance et pas seulement de dominée.
À Samoa dans des secteurs comme le transport de la nourriture, les garçons ont
aussi très tôt des responsabilités concrètes. Mead a ainsi décrit une société où
l’adolescence n’apportait pas de changement brusque mais une augmentation gra¬
duelle de la charge de responsabilités dont l’enfance avait déjà permis l’exploration
et l’exercice.

Cette progression graduelle contraste avec la conception de l’adolescence


dans les sociétés occidentales où cette période est associée au vécu de changements
majeurs sur trois plans psychosociaux: 1) le passage d’un rôle où il n’y a pas de
vraies responsabilités à un rôle de responsabilité; 2) la transition d’un statut de
soumission à un statut de dominance; et 3) l’accès au monde de la sexualité contras¬
tant avec l’exclusion à l’enfance.

La perspective anthropologique de Mead et de Benedict place la culture


avant la biologie comme facteur de conditionnement de l’adolescence. Sans nier les
mécanismes biologiques fondamentaux dans la maturation pubertaire, elles présen¬
tent l’adolescence comme un phénomène d’abord social en appuyant cette hypo¬
thèse sur l’observation de sociétés primitives où les problèmes de l’adolescence
occidentale n’apparaissent pas de la même façon (ou pas du tout) ni aux mêmes
moments. Dans ces sociétés primitives, la culture est plus homogène, il n’y a pas de
changement brusque dans les rôles en fonction de l’âge et les différences indivi¬
duelles sont moins marquées que dans les sociétés modernes. Four cette théorie,
c’est le morcellement des statuts, des rôles et des responsabilités des sociétés
modernes qui créent le stress de l’adolescence. La vie y est compartimentée et les
gens sont confinés à des rôles qui les spécialisent et les distinguent entre eux en
raréfiant les expériences communes et en cloisonnant les générations par la discri¬
mination basée sur l’âge. De cette façon, chaque passage d’un «compartiment» à un
autre provoque le stress normal qu’entraîne tout changement d’environnement;
l’individu doit changer de fonction, de statut, de rôle et souvent d’environnement
physique et social: la succession maison familiale—garderie—école élémentaire—
école secondaire—école postsecondaire—travail en est un bel exemple. Le nombre

(16) MEAD, M. Corning of Age in Samoa. New York: Blue Ribbon Books, 1928, p. 24. Traduction par l’auteur du
présent ouvrage.
Théories de l’adolescence 25

de compartiments distincts auxquels les adolescents contemporains doivent ap¬


prendre à s’adapter est-il réductible? Si oui, de combien? Peut-on concevoir une
organisation sociale moderne selon les lois d’une société primitive? Voilà autant de
questions qui se posent encore même lorsqu’on attribue un rôle prépondérant à la
culture comme agent de conditionnement de la crise adolescente. La perspective
anthropologique permet en tout cas d’envisager la possibilité que 1 adolescence soit
autre chose qu’une crise nécessaire, notamment en rendant la société plus homo¬
gène, moins sectionnée en fonction des rôles, des statuts ou des espaces discrets.

1.9 THÉORIE DES RÔLES SOCIAUX: APPROCHE


SOCIOLOGIQUE DE L’ADOLESCENCE

Comme les adeptes de l’approche anthropologique, ceux en faveur de la


théorie des rôles sociaux ne considèrent pas que ce qui se vit à l’adolescence est
avant tout biologique. Sans nier l’importance de la puberté, cette perspective met
l’accent sur le processus de socialisation par le biais des rôles joués par l’individu.
Pour des auteurs tels que Davis (1944), Brim (1965; 1966; 1976), Elder (1968; 1975) et
Thomas (1968), l’adolescence se caractérise par une transition générale dans les rôles
que la personne assume. Pendant l’enfance, les rôles sont déterminés et assignés par
les adultes (parents ou autres agents de socialisation); à l’âge adulte, c est la per¬
sonne qui assume elle-même la nature des rôles qu’elle occupe ainsi que la manière
(c’est-à-dire le style) dont elle les assume. Or comme l’adolescence est la période de
transition entre l’enfance et l’âge adulte, elle constitue donc le moment où s’élabore
un nouveau répertoire de rôles sociaux. À cette période, certains rôles de l’enfance
sont maintenus mais évoluent en fonction des implications personnelles; ainsi l’ado¬
lescente conserve son rôle de «fille» dans la famille mais des attributions nouvelles et
plus complexes y sont désormais associées. Cette même adolescente peut par
ailleurs jouer le rôle de partenaire dans un couple, rôle qu’elle n’avait pas connu
jusqu’ici. Les rôles de fils, de fille, d’étudiant, d’étudiante et d’ami continuent donc
d’exister mais se développent en s amplifiant et en se complexifiant, des rôles nou¬
veaux apparaissent aussi: responsable d’équipe ou de projet à l’école, gardienne
d’enfants, client autonome, employé, etc. Ces changements dans les anciens rôles
(intra-rôles) et l’accès à de nouveaux rôles peuvent se faire de façon plus ou moins
harmonieuse. La discontinuité dans les changements impliquant parfois des alter¬
nances paradoxales de statut (enfant—adulte—enfant) est considérée comme une
source importante de stress pour les jeunes. Par exemple, 1 adolescente, éloignée de
sa famille, qui fréquente régulièrement et librement un garçon dans la ville où elle
étudie, peut éprouver un vif sentiment de discontinuité lorsqu’elle retourne dans son
village familial où ses parents la considèrent toujours comme leur «petite fille chérie».
De tels écarts entre les attentes du milieu provoquent des tensions internes chez les
jeunes mais peuvent aussi stimuler le processus d’identification personnelle lorsque
la personne arrive à surmonter l’ambivalence.
26 Chapitre 1

Selon l’approche sociologique, plusieurs facteurs conditionnent le vécu de


l’adolescence: la culture imprime ses valeurs mais la classe sociale et la famille ont
aussi leur influence avec toutes les dimensions que ces agents de socialisation peu¬
vent contrôler. Le besoin de réussir par exemple pourra être très variable d’une
personne à l’autre en fonction des attentes de la classe sociale (Davis, 1944). Le
support et la compréhension de la famille peuvent aussi influencer significativement
l’anxiété que suscitent les changements de rôles adolescents (Baumrind, 1975); la
période historique au cours de laquelle se vit l’adolescence constitue aussi une
source majeure de variation du stress provoqué par les changements de rôles. Selon
Elder (1980), le processus de socialisation qu’a vécu la jeunesse pendant la dernière
guerre n’est pas comparable à ce que vivent les adolescents d’aujourd’hui; tout le
concept d’adolescence est transformé par la décade dans laquelle il s’inscrit. L’igno¬
rance de cette dimension historique serait d’ailleurs à l’origine de la difficulté de
vraiment comprendre l’adolescence encore aujourd’hui (Elder, 1980).

L’approche sociologique conçoit donc l’adolescence comme un tournant ma¬


jeur dans le processus de socialisation qui implique des tensions reliées aux chan¬
gements de rôles, aux pressions extérieures et intérieures que subit la personne.
Ces tensions seront plus ou moins grandes selon: a) l’interaction que vivra le jeune
avec ses agents significatifs de socialisation (parents, enseignants, amis, etc.); b) le
contexte socio-culturel dans lequel il vit; et c) le moment de l’histoire où se déroule
son adolescence.

1.10 LA THÉORIE FOCALE DE COLEMAN

John C. Coleman est un psychologue anglais qui s’est particulièrement in¬


téressé au caractère contradictoire de l’adolescence en tant que période de déve¬
loppement. Sa contribution est originale surtout par l’effort d’intégration qu’elle
représente en vüe d’une explication théorique qui colle davantage à la réalité pra¬
tique. Comment, en effet, dégager des tendances utiles à la prédiction du com¬
portement lorsque justement la caractéristique dominante de ce comportement
est l’instabilité ? Selon lui, c’est en transcendant les contradictions observées
pendant l’adolescence et en recherchant une explication réaliste qui englobe les
différences individuelles que se trouve la solution.

Après un examen de la littérature théorique et empirique sur l’adolescence,


Coleman (1980) convient de l’existence de deux grandes théories de l’adolescence:
1 approche psychanalytique et l’approche sociologique. Malgré des divergences fon¬
damentales, ces deux courants s accordent pour définir l’adolescence comme une
période de crise. Pour la psychanalyse, comme nous l’avons vu précédemment, le
stress de 1 adolescence est causé par la résurgence des pulsions et des instincts
sexuels reliés à la puberté créant ainsi un déséquilibre que la personne doit rétablir
en se redéfinissant, d’où la crise d’identité adolescente. Pour l’approche sociologi-
Théories de l’adolescence 27

que, l’adolescence est stressante en raison des changements et des conflits qui
surviennent dans les rôles. Les jeunes doivent changer de fonction sociale, redéfinir
et agrandir leur participation sociale et le stress provient de la complexité de cette
tâche développementale rendue plus difficile par la discrimination associée à l’âge et
par les contradictions entre les valeurs et les modèles sociaux.

Coleman (1980) estime que ces deux approches théoriques sont mal ap¬
puyées empiriquement; selon lui, peu d’études récentes peuvent nous permettre
d’affirmer qu’il y a une sérieuse crise d’identité à l’adolescence. D’après la plupart
des études empiriques, une relation positive et constructive et un partage important
des valeurs de base existent entre les adolescents et leurs parents et non un profond
fossé entre les générations. Les études empiriques n’appuient pas 1 idée que le
groupe des pairs encourage les comportements antisociaux et les études que Cole¬
man (1980) a passées en revue n’indiquent pas une incidence de psychopathologie
plus forte à l’adolescence qu’à d’autres moments de la vie.

Pour Coleman, les deux grands courants théoriques présentent une vision
biaisée de la réalité adolescente: ils consistent en des théories sur l’anormalité les¬
quelles ne répondent pas au besoin d’une théorie sur l’adolescence normale. Alors
que les psychanalystes rencontrent une population non représentative des jeunes
dans leur travail clinique (hôpitaux, cabinets, etc.), les sociologues ont du mal à faire
le partage entre les mouvements de jeunes (les groupes de pression) et les jeunes en
général. Voilà ce qui peut expliquer l’écart entre ces deux courants théoriques et les
données empiriques de recherche rendant ainsi ces théories inadéquates pour ex¬
pliquer le développement de la majorité des adolescents, c’est-à-dire le développe¬
ment normal.

Coleman (1974) propose une théorie basée sur l’étude du concept de soi, des
relations avec les parents et les pairs, etc. Selon cette théorie, les relations avec les
parents, l’attitude à l’égard des pairs et des relations avec l’autre sexe se modifient
pendant l’adolescence mais ces facteurs atteignent des sommets d importance dis¬
tincts et se manifestent à des moments différents:

«La théorie propose qua différents âges des patrons ou types de rela¬
tions particuliers se focalisent, c’est-à-dire deviennent plus importants,
mais qu’aucun patron n’est spécifique à un âge donné. Ainsi, les patrons
se chevauchent, différents sujets deviennent plus captivants à des mo¬
ments précis, mais ce n’est pas parce qu’une problématique n’est pas le
sujet le plus important d’un âge donné quelle ne peut pas être critique
pour certains individus.»17

Coleman croit que cette perspective par étapes dominantes n est pas complètement
différente des théories qui proposent des stades, mais il la perçoit plus souple. Pour

(17) COLEMAN, J.C. The Nature of Adolescence. Londres: Methuen, 1980, p. 184-185
28 Chapitre 1

lui, la résolution d’un problème n’est pas une condition essentielle au passage à une
autre étape puisqu’une majorité de jeunes sont aux prises avec plusieurs problèmes
à la fois (conflits avec les parents, peur d’être rejeté par le groupe d’amis, anxiété à
théorie focale l’égard des liens hétérosexuels, etc.) De plus, selon cette théorie focale la séquence
des événements de l’adolescence n’est pas invariante mais elle peut être influencée
par le contexte socio culturel. Coleman estime qu’une explication possible du fait
que la majorité des jeunes passent sans heurt important à travers les nombreux
changements de l’adolescence est qu’ils vivent un problème à la fois en étalant le
processus de changement sur des périodes annuelles.

Coleman (1980) juge que sa théorie focale a l’avantage d’être basée sur des
données empiriques et d’expliquer l’apparente contradiction entre l’importance de
l’adaptation requise par les changements dans les relations interpersonnelles et le
fait qu’une majorité d’adolescents réussissent avec succès l’imposante transition de
l’enfance à l’âge adulte.

1.11 L’EXPLICATION COGNITIVO-DÉVELOPPEMENTALE

Jean Piaget a été à l’origine du courant théorique appelé «cognitivo-


développemental». Les travaux du psychologue d’origine allemande Heinz Werner
(émigré aux États-Unis sous le régime hitlérien) et des américains J.H. Flavell, David
Elkind, Jerome Bruner et Lawrence Kohlberg font aussi plus ou moins intégralement
partie de ce courant théorique du développement humain. Baldwin (1980) considère
que quatre accords théoriques réunissent les tenants du courant cognitivo-développe-
mental: a) le développement donne lieu à des changements qualitatifs du fonction¬
nement cognitif et pas seulement à des additions quantitatives d’habiletés; b) chaque
changement qualitatif donne lieu à un palier développemental de sorte que le déve¬
loppement ne se fait pas de façon continue mais plutôt par stades; c) l’impulsion du
développement provient de conflits posés par un problème donné dont la résolution
donne lieu à une nouvelle organisation, un nouvel équilibre c’est-à-dire un nouveau
stade; et d) le développement est un phénomène transactionnel en ce qu’il est la
conséquence d’une interaction constante entre l’individu et son milieu physique et
social. Le nombre de psychologues du développement que l’on pourrait qualifier de
néo-piagétiens s’est considérablement accru au cours des trente dernières années
mettant à profit les idées que Piaget a énoncées ou suscitées par ses travaux. La
force de cette perspective du développement humain provient non seulement de
1 explication très articulée qu’elle formule mais aussi des bases empiriques reproduc¬
tibles sur lesquelles elle repose. En effet, bien que Piaget ait été fréquemment criti¬
qué sur le plan méthodologique (voir Baldwin, 1980; Diamond, 1982), son approche
clinique de l’enfant et de l’adolescent a permis la description d’une séquence déve¬
loppementale qui n’a pas encore été infirmée. Malgré les normes développementales
sujettes parfois à d’importantes variations interindividuelles et interculturelles (les
décalages horizontaux décalages horizontaux), les stades de développement piagétiens semblent se succé-
Théories de l’adolescence 29

der selon une séquence invariante dans plusieurs cultures (Dasen, 1972; Baldwin,
1980). On peut retrouver chez Piaget des idées déjà émises par des auteurs qui l’ont
précédé, notamment en ce qui a trait aux fondements biogénétiques de l’évolution
du comportement, mais Piaget a vraiment proposé une nouvelle façon de compren¬
dre le développement. Son oeuvre gigantesque, qui possède d influentes ramifica¬
tions dans plusieurs disciplines (psychologie, épistémologie, biologie, philosophie,
sociologie, mathématiques, etc.), repose non seulement sur une réflexion active et
cohérente mais aussi sur des données empiriques abondantes issues d une observa¬
tion originale de l’enfant et de l’adolescent. On déplore parfois que le courant
cognitivo-développemental compte beaucoup plus de reproductions des idées de
Piaget que d’études originales mettant sa théorie à l’épreuve (Diamond, 1982).

Heinz Werner a formulé un principe général du développement des orga¬ Werner


nismes qui résume bien la vision des développementalistes. Il s agit d un principe
ontogénétique selon lequel les organismes vivants se développent depuis un état de
globalisme et d’indifférenciation relatif jusqu’à des états progressifs de différencia¬
tion et d’articulation accrues (Werner, 1957, p. 127). Le foetus qui, à partir d une
cellule unique, se différencie en plusieurs systèmes distincts mais interdépendants
sur le plan fonctionnel (systèmes nerveux, squelettique, musculaire, endocrinien,
etc.), constitue un bel exemple d’application de ce principe général de développe¬
ment.

Pour Piaget, il n’y a pas que le corps qui évolue de cette façon mais aussi
l’intelligence. Il propose un modèle du développement cognitif dans lequel une diffé¬
renciation et une articulation de plus en plus grandes sont attribuées à la pensée
dont les structures se modifient en fonction des stades traversés. Comme Stanley
Hall, Piaget croit que l’enfant traverse, au cours du développement de sa connais¬
sance, les mêmes stades que l’humanité au cours de 1 histoire et qu en conséquence,
l’observation de l’enfant peut apporter des explications épistémologiques très riches.
Toutefois, à la différence de Hall qui croyait en une récapitulation des stades de
l’histoire humaine transmise génétiquement, Piaget soutient que c est par le biais de
la filiation des structures cognitives que le développement ontogénétique a une
signification épistémologique. En d’autres mots, c est parce que les structures de la
pensée se transforment selon une séquence unique et que l’intelligence n’a qu un
seul chemin structural pour se développer, que 1 enfant passe par les mêmes étapes
que nos ancêtres et non, comme le croyait Hall, parce que 1 histoire de 1 humanité
est codée génétiquement. Ce sont les mécanismes fondamentaux de 1 adaptation
humaine qui sont transmis génétiquement et donnent lieu à ce «plan» invariant de
développement, et non les événements de l’histoire. Pour Piaget, l’intelligence est
une forme d’adaptation de l’organisme à son milieu au même titre que l’adaptation
biologique. La connaissance est une construction qui résulte de l’interaction de
l’individu avec son milieu. Ainsi chacun de nos actes dépend de l’équilibre entre ce
que nous sommes et ce qu’est notre milieu; le milieu pose des exigences auxquelles
nous devons nous accommoder («accommodation»), mais notre organisme a des
30 Chapitre 1

façons de faire, ou des structures propres, qui influencent et transforment le milieu


(«assimilation»). L’adaptation résulte donc de cette interaction réciproque sujet-
milieu. Or les façons de s’adapter évoluent en fonction du degré de maturation
biologique et aussi en fonction de l’influence que le milieu physique et l’environne¬
ment social exercent sur la personne. Les mécanismes d’adaptation évoluent, ils
s’organisent selon ces facteurs de développement (maturation, milieu physique,
équilibration environnement social) et selon une tendance innée à chercher l’équilibre: l’équilibra¬
tion. Les mécanismes d’adaptation s’organisent selon des stades qui définissent des
structures plus ou moins différenciées et plus ou moins généralisables.

Le chapitre 4 présentera plus en détail la théorie de Piaget et les stades de


développement qu’il propose. De même, le chapitre 5 résume l’évolution du juge¬
ment moral selon Kohlberg. Nous terminerons ici notre examen de l’approche
cognitivo-développementale considérée comme l’une des plus utiles à la compré¬
hension de l’adolescence (notamment par ses implications éducatives) et ce malgré
sa considération quasi exclusive du domaine cognitif dans le développement humain
(Baldwin, 1980; Cloutier, 1981).

1.12 APPROCHE ÉCOLOGIQUE DU DÉVELOPPEMENT


HUMAIN

L’approche écologique se distingue des perspectives biologiques ou sociolo¬


giques en ce qu’elle ne privilégie pas nécessairement un pôle au détriment de l’autre
comme source de conditionnement du développement:

«...à la base même de l’orientation écologique et la distinguant très net¬


tement des approches dominantes dans l’étude du développement hu¬
main, se trouvent l’intérêt pour l’accommodation progressive entre l’or¬
ganisme humain en croissance et son environnement immédiat, et la
façon selon laquelle cette relation est transmise par les forces émanant
des régions plus éloignées dans les milieux physique et social plus larges.
L’écologie du développement humain se situe à un point de convergence
entre les disciplines des sciences biologique, psychologique et sociale
dans leur étude de l’évolution de l’individu dans la société.»18

Cette approche se distingue des autres théories par la considération essen¬


tielle qu’elle fait du contexte global dans lequel se produit le développement. Dans
cette optique, la considération de l’individu seul n’a pas plus de sens que celle de
l’environnement seul dans la recherche d’une explication du développement. Cha¬
cun de nous serait différent s’il s’était développé dans un milieu autre, ou si les
milieux physiques et sociaux qui ont encadré notre développement étaient apparus

(18) BRONFENBRENNER, N. The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design:
Cambridge, Massachusetts. Harvard University Press, 1979, p. 13. Traduction par l’auteur du présent
ouvrage.
Théories de l’adolescence 31

à des moments différents de notre vie. C’est le contexte momentané de la rencontre


du sujet avec son milieu qui explique le comportement. Il existerait des lois écologi¬
ques régissant les relations de l’individu avec son environnement et c est dans 1 ob¬
servation du comportement en milieu naturel, dans son contexte seulement qu il
devient possible de l’expliquer. Cette approche critique vivement les études du
comportement qui proposent des modèles développementaux sur la base d expé¬
riences artificielles menées en laboratoire modifiant ainsi complètement 1 écologie
humaine pour ensuite proposer des principes explicatifs soi-disant universels.

L’environnement écologique correspond à une série de structures qui s’em¬ environnement


écologique
boîtent les unes dans les autres et au centre desquelles se développe la personne. La
famille, l’école, le groupe d’amis, la colonie de vacances, le village, l’usine, la pro¬
vince, etc. sont autant de cellules écologiques qui, à des degrés divers selon le
moment développemental, influencent la vie de la personne et s interinfluencent.
«L’habileté d’un enfant à apprendre à lire dans les classes de l’élémentaire peut
dépendre de la façon dont on lui enseigne mais aussi du type de relation entre
l’école et sa famille19.»

Les travaux de Barker sont à l’origine de cet intérêt pour l’étude du compor¬
tement dans son contexte naturel (Barker et Wright, 1955; Barker, 1963, 1968,
Barker et Gump, 1964). Pour Barker, le comportement observé est le résultat d’un
lien écologique entre les caractéristiques de la personne et les caractéristiques du
contexte dans lequel elle se trouve au moment de l’observation. Certains contextes
environnementaux seront reliés à certains comportements de façon privilégiée: la
classe, une soirée dansante, une joute de hockey sont autant d exemples de
contextes comportementaux adolescents. Pour Barker et Wright (1955), 1 étude du
comportement dans son contexte doit tenir compte: 1) du nombre d heures passées
dans le contexte (par année); 2) du degré d’implication de la personne dans le
contexte et des responsabilités qu’elle y assume; 3) des schèmes de comporte¬
ments, c’est-à-dire des façons de faire typiquement associées au contexte; et 4) des
fonctions comportementales incluant la fréquence, le rythme et la vitesse des
conduites, des exigences situationnelles sur le plan du raisonnement, des échanges
verbaux, des activités motrices, des implications émotionnelles, etc. Afin de cerner
l’ensemble complexe que représente ce spectre de variables, l’observation directe
en milieu naturel a été la méthode adoptée. Barker (1968) décrit des courants de
comportements («behavior stream») apparaissant en fonction du contexte, dans
certaines situations, des conduites probables surgiront selon les attentes du milieu
indépendamment des individus pris isolément.

Selon Barker, l’adolescence se traduit notamment par une augmentation


importante du nombre de contextes auxquels l’individu a accès en raison de sa
mobilité et de sa maturité plus grandes; conséquemment la jeune personne est

(19) Ibid. p. 3.
32 Chapitre 1

TABLEAU 1.2: Exemples de concepts centraux de l’approche écologique du développement humain selon
Bronfenbrenner (1979)*

1. Étude écologique du développement humain

«L écologie du développement humain implique l’étude scientifique de l’accommodation mutuelle et progressive entre d’une part la
personne en croissance et en action, et d’autre part les propriétés changeantes des milieux immédiats dans lesquels l’individu vit, ce
processus d accommodation étant influencé par les relations entre ces milieux et les environnements plus vastes dans lesquels ces
derniers sont intégrés».

2. Les quatre niveaux structuraux de l’environnement écologique sont: le microsystème, le mésosystème, l’exosystème et le
macrosystème

A) «Le microsystème est un patron d’activités, de rôles et de relations interpersonnelles connus par la personne dans un milieu
d activités donné qui possède des caractéristiques physiques et matérielles particulières». La garderie, la maison familiale ou l’école sont
des exemples de milieux avec les interactions concrètes qu’elles permettent selon les rôles, les activités et les contacts interpersonnels
qui s’y trouvent.
B) «Le mésosystème correspond aux interrelations qui existent entre plusieurs lieux de participation tels que, pour l’enfant, sa famille,
son école, ses amis du voisinage; ou, pour I adulte, la famille, le travail et la vie sociale». Il faut comprendre le mésosystème comme un
réseau de microsystèmes. À l’adolescence, le mésosystème s’accroît considérablement puisque la personne étend et intensifie sa
participation à diverses cellules sociales dans divers rôles.
C) «L’exosystème concerne un ou plusieurs milieux («settings») qui n’impliquent pas la participation active de la personne mais dans
lesquels des événements surviennent qui affectent ou sont affectés par ce qui se produit dans le milieu propre de l’individu en
développement». Le milieu de travail du père ou de la mère, le réseau d’amis des parents, le comité municipal des loisirs, le conseil
d’administration de l’école, etc., sont autant d’exemples d’éléments de l’exosystème d’un adolescent. La conscience que peut avoir la
jeune personne de l’influence de tels éléments se développe considérablement au cours de l’adolescence grâce aux outils conceptuels
nouveaux et à l’accroissement de la diversité des expériences.
D) «Le macrosystème est le système de croyances, de valeurs, des façons défaire caractéristiques d’une société ou d’une culture telles
que véhiculées dans les sous-systèmes. Par exemple, la place qu’occupent les 12-18 ans dans chacun de ces sous-systèmes définit une
perception culturelle d ensemble à I égard de I adolescence; cette perception globale fait partie du macrosystème».

3. La transition écologique

Bronfenbrenner (1979; p. 26) estime qu’une transition écologique survient à chaque fois que la position écologique se modifie à la suite
d’un changement de rôle ou de milieu. Pour lui, la transition écologique est l’élément de base du changement développemental et
conséquemment devrait être le principal point d’intérêt des études sur le développement humain. Dans cette optique, l’adolescence peut
être perçue comme une période de transition écologique intense compte tenu des changements nombreux qui surviennent dans les rôles
et les milieux de vie (changements d’école, responsabilités nouvelles, rôles sexuels, etc.)

4. La nature du développement humain

«Le développement humain est le processus par lequel la personne acquiert une conception plus étendue, mieux différenciée et plus
valide de l’environnement écologique et devient motivée et apte à initier des activités qui font connaître, supportent ou restructurent cet
environnement à des degrés égaux ou plus grands de complexité quant à la forme et au contenu». Cette définition très complexe de la
nature du développement humain est peut-être moins directement applicable à ce que vit le nouveau-né, mais est certes pertinente à
l’adolescence à cause du renouvellement de la conception sociale qui se produit en même temps que la participation plus intense et mieux
différenciée à diverses instances sociales.

‘ Source: BRONFENBRENNER, U The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design. Cambridge,
Massachusetts:
Harvard University Press, 1979, p. 21 et suivantes. Traduction et adaptation par l'auteur du présent ouvrage.
Théories de l’adolescence 33

appelée à jouer un plus grand nombre de rôles et donc à élargir son répertoire
comportemental.

Avec les travaux de Urie Bronfenbrenner, l’approche écologique du dévelop¬


pement humain a connu un nouvel essor (Bronfenbrenner, 1970; 1979)20. Le tableau
1.2 présente les concepts centraux de cette approche tels que formulés par Bron¬
fenbrenner (1979) et malgré la grande densité de son contenu, il est possible d’y
percevoir non seulement les valeurs importantes de ce courant théorique du déve¬
loppement humain mais aussi les critiques que cette perspective formule à l’égard
des autres théories. Les quatre sous-systèmes qui y sont définis sont en relation
hiérarchique entre eux, le microsystème s’intégre dans le mésosystème qui est
lui-même inclus dans l’exosystème et ainsi de suite.

L’approche écologique offre une perspective d’ensemble du développement


où tous les éléments provoquant le changement sont considérés. Sur le plan métho¬
dologique, cette perspective peut avoir des effets considérables. Ainsi dès à présent,
il ne peut plus être acceptable de réduire un champ d’étude pour des raisons de
commodité expérimentale, pas plus que d’influencer le milieu comportemental sans
tenir compte de la distorsion ainsi créée systématiquement dans ce qui est observé.
Le développement n’est plus considéré comme un phénomène qui se produit «dans»
une personne sans égard au contexte; il s’agit du résultat d’une transition écologique
identifiable à des modifications dans les conceptions et dans les rôles à divers paliers
structuraux.

La recherche en milieu naturel devient la seule qui puisse refléter 1 interdé¬


pendance entre les systèmes et les sous-systèmes qui influencent le comportement
pourvu qu’elle-même ne constitue pas un élément intrusif qui modifie l’équilibre du
milieu.
L’approche écologique du développement humain n’a pas encore produit une
théorie de l’adolescence comme telle, mais les principes quelle sous-tend de même
que les bases empiriques quelle s’est rapidement donné selon une méthode nou¬
velle nous permettent de concevoir la transition entre 12 et 18 ans d’une nouvelle
façon. À la lumière de ces travaux, l’adolescence doit être envisagée comme le
résultat d’une interaction longitudinale sujet—environnement. Ainsi, les parents
aussi se développent avec le temps, la famille évolue, elle se modifie de l’intérieur et
modifie ses relations avec l’extérieur (Belsky, 1981). L’étude de l’évolution entre 12
et 18 ans ne peut ignorer ces changements contextuels. L’approche écologique du
développement permet d’intégrer et de respecter ces sources d’influence et elle
propose des voies méthodologiques prometteuses pour l’étude future de l’adoles¬
cence.

(20) Pour une revue détaillée et synthétique de la littérature sur cette approche, voir.
BELSKY, J. «Early human expérience: a family perspective». Developmental Psychology. 1981, vol. 17,
n° 1, p. 3-23.
34 Chapitre 1

AUTO-ÉVALUATION
1. Selon la perspective adoptée, l’adolescence peut être perçue: 1) comme un stade intermédiaire; ou 2) comme une période de
tumulte. En respectant cet ordre de mention, indiquez le motif à l’appui de chacune de ces deux perceptions parmi les propositions
suivantes:

a) Une période de suspension des droits légaux;


b) une période confrontant les jeunes avec plusieurs tâches développementales;
c) un temps d’arrêt permettant de choisir une voie;
d) une période d’instabilité réciproque.

2. Même dans ses assises physiques, l’adolescence est influencée par l’histoire car les normes de croissance et l’âge de la maturation
varient d’un siècle à l’autre.

a) Vrai
b) Faux

3. Platon croyait que l’âme avait trois couches; en respectant leur ordre de mention, indiquez la couche associée à chacun des éléments
suivants:

1) le courage; 2) l’esprit; et 3) les désirs.

a) Première couche
b) Deuxième couche
c) Troisième couche

4. Lequel des auteurs suivants croyait en la dualité du corps et de l’âme?

a) Platon
b) Aristote
c) Comenius

5. Selon Aristote, le développement vers la maturité adulte se ferait selon des périodes de développement. Parmi les propositions
suivantes identifiez les âges concernés par chacune des périodes développementales proposées par Aristote:

a) De 0 à 7 ans;
b) de 8 à 14 ans;
c) de 12 à 18 ans;
d) de 15 à 21 ans;
e) de 18 à 24 ans.

6. Différentes conceptions psychologiques ont émergé de l’histoire avant la Renaissance. En respectant leur ordre de mention, de quelle
approche nous provient chacune des conceptions suivantes:

1) Le corps et l’âme sont des structures reliées fonctionnellement;


2) les idées existent déjà à la naissance et l’apprentissage consiste à les redécouvrir;
3) le développement consiste en un agrandissement quantitatif sans différenciation des tissus ou des organes.

a) Platon
b) Aristote
c) Le Moyen-Âge

7. Pour John Locke, la réalité intérieure évolue de la passivité mentale de la petite enfance à l'activité cognitive de l’adolescence et
l’environnement n’y joue pas un rôle significatif

a) Vrai
b) Faux
Théories de l’adolescence 35

8. Pour Jean-Jacques Rousseau, l’enfant est fondamentalement bon et la société doit se garder de le corrompre en lui imposant des
normes et des règles allant à l’encontre de l’harmonie naturelle de son développement.

a) Vrai
b) Faux

9. Jean-Jacques Rousseau proposa quatre stades de développement:

a) De 0 à 14 ans;
b) de 5 à 12 ans;
c) de 12 à 15 ans;
d) de 15 à 20 ans.

À quels âges correspondent respectivement les stades «jeunesse», «animal» et «sauvage» dans sa théorie?

10. Rousseau fut vraiment l’avocat du respect de la nature humaine dans sa conception développementale au risque de mettre au second
plan le rôle de l’environnement dans l’évolution personnelle.

a) Vrai
b) Faux

11. Expliquez brièvement le principe de la sélection naturelle de Darwin.

12. Choisissez la ou les propositions vraies concernant la théorie de la récapitulation de Stanley Hall:

a) Le plan de développement de toute l’espèce humaine est inscrit dans la structure génétique de chaque individu;
b) l’enfant évolue par des stades reproduisant ceux qu’a traversé l’humanité au cours de l’histoire, et cette récapitulation est
provoquée par la culture humaine;
c) les stades traversés par l’évolution humaine ont laissé une trace génétique en chacun de nous.

13. Pour Stanley Hall, l’environnement n’a pas beaucoup d’importance puisque tous les hommes traversent les mêmes étapes sans égard
au contexte socio culturel où ils se développent.

a) Vrai
b) Faux

14. Stanley Hall croyait que les parents et les éducateurs n’avaient pas à s’inquiéter des comportements indésirables des jeunes puisque
ces conduites déviantes disparaîtraient d’elles-mêmes sans que l’environnement n’intervienne.

a) Vrai
b) Faux

15. Comment se conceptualise la morphogénèse pour Gesell (5 lignes maximum) ?

16. Parmi les propositions suivantes, identifiez celle qu’utilise Gesell pour expliquer les variations dans la vitesse des changements
ontogénétiques:

a) Il propose un principe de développement uniforme;


b) il propose des cycles développementaux;
c) il postule des différences de stimulation environnementale;
d) il postule des séquences motivationnelles à la croissance.

17. Parmi les critiques suivantes, identifiez celles qui ont été le plus fréquemment adressées à l’égard des profils psychologiques de
chaque âge proposés par Arnold Gesell:

a) De trop donner d’importance aux facteurs socio-culturels tels que la famille, l’école, la culture, les amis, etc.;
b) de négliger de considérer les différences existant entre maturation tardive et maturation précoce;
c) de trop insister sur l’âge chronologique;
d) de trop insister sur les différences entre garçons et filles.
36 Chapitre 1

18. Gesell estime que nous trouvons chez l’adolescent des problèmes de croissance comparables et des mécanismes de croissance
analogues à ceux de l’enfant d’âge préscolaire.

a) Vrai
b) Faux

19. Sur le plan des relations parents-adolescents, à quoi Gesell attribue-t-il la qualité des interactions réciproques? Choisissez la meilleure
proposition:

a) La qualité de l’interaction parents-adolescents est fonction du stade de l’évolution adolescente;


b) la qualité des interactions réciproques est fonction du synchronisme de l’évolution mutuelle parents-adolescents;
c) la qualité des interactions réciproques est fonction des attitudes de recherche d’autonomie de la jeune personne.

20. Selon Sigmund Freud, le psychisme est articulé selon trois structures: a) le ça; b) le moi; et c) le surmoi. En respectant l’ordre de
mention des fonctions suivantes, identifiez leur structure psychique d’appartenance:

1) Le régisseur du raisonnement;
2) le réservoir des pulsions;
3) la structure qui désigne les interdits.

21. La théorie psychanalytique conçoit le développement comme une série de stades déterminés génétiquement dont la succession est
relativement dépendante de l’environnement.

a) Vrai
b) Faux

22. Parmi les propositions suivantes, identifiez celles qui s’accordent le mieux avec la description de l’adolescence (12 à 18 ans) de
Sigmund Freud:

a) Un ralentissement des pulsions sexuelles;


b) une régression au stade phallique avec un retour du complexe d’Oedipe;
c) une forte identification au parent du même sexe;
d) l’objectif de réussir à investir des objets libidinaux non incestueux.

23. Selon Anna Freud, quelle est la différence entre les pulsions sexuelles de l’enfance et celles de l’adolescence?

24. Selon Anna Freud, l’augmentation de l’énergie sexuelle amenée par la puberté peut avoir deux types de conséquences. Identifiez
chacun de ces types parmi les propositions suivantes:

a) Le surmoi peut devenir incapable d’assurer les fonctions d’adaptation à la réalité;


b) la personne peut établir un contrôle excessif des pulsions sexuelles créant une accumulation de tensions personnelles;
c) le moi peut être débordé dans sa fonction adaptative;
d) le ça peut connaître une diminution de l’énergie libidinale.

25. À l’instar de Peter Bios, Sigmund et Anna Freud mettent davantage l’accent sur la fonction adaptative du moi dans la dynamique
adolescente par opposition à sa fonction de défense contre les pulsions.

a) Vrai
b) Faux

26. Parmi les événements suivants, identifiez celui ou ceux que Peter Bios associe au processus de «déidéalisation»:

a) L’adolescent se construit des images parentales idéales;


b) la jeune personne défait l’idéal de soi en découvrant ses limites personnelles;
c) les objets libidinaux de 1 enfance perdent leur perfection imaginée et de nouveaux objets plus réalistes sont construits;
d) une perturbation mentale se traduisant par une incohérence temporaire dans les idéaux.
Théories de l’adolescence 37

27. Selon Peter Bios, la croissance personnelle à l’adolescence est fonction de l’intégration de la maturité biologique et de la conscience
psychologique.

a) Vrai
b) Faux

28. Comment Coleman (1980) résume-t-il la perspective psychanalytique de l’adolescence?

29. Pour Erik Erikson comme pour Peter Bios, la tension et les conflits entre des tendances contradictoires à l’adolescence sont
présentés comme des inhibiteurs de croissance.

a) Vrai
b) Faux

30. Dans la théorie d’Erikson, un stade de développement est une crise psychosociale à résoudre mettant en jeu des tendances opposées
qui sont absentes pendant les autres stades mais en viennent à se confronter lors d’une phase déterminée du développement.

a) Vrai
b) Faux

31. Erikson propose quatre stades de développement avant l’adolescence: 1) la petite enfance; 2) l’âge préscolaire; 3) les débuts à
l’école; et 4) la période de latence. En respectant leur ordre de mention, reliez chacun de ces stades à son enjeu psychosocial:

a) La reconnaissance mutuelle;
b) l’identification des tâches;
c) la volonté d’être soi-même;
d) l’initiative.

32. De l’adolescence à la fin de la vie, Erikson propose quatre stades dont les enjeux sociaux concernent: la descendance, l’identité
personnelle, la transcendance et la relation intime. En respectant cet ordre de mention, reliez chacun de ces enjeux à son stade
développemental:

a) Adolescence;
b) jeune adulte;
c) adulte;
d) âge mûr.

33. À quel stade freudien correspond la période du développement de la confiance de base dans la théorie d’Erikson?

a) Oral;
b) anal;
c) phallique;
d) période de latence;
e) génital.

34. À quel stade de la théorie freudienne correspond le stade de l’initiative chez Erikson?

a) Oral;
b) anal;
c) phallique;
d) période de latence;
e) génital.
35. Dans la théorie d’Erikson, chaque stade implique 1 opposition de deux tendances. Ainsi, 1 autonomie, I habileté, 1 intimité et 1 intégrité
sont des forces positives auxquelles s’opposent des forces négatives. En respectant cet ordre de mention, identifiez les forces
négatives qui leur font respectivement opposition parmi les suivantes:

a) Infériorité;
b) désespoir;
c) isolement;
d) doute.
38 Chapitre 1

36. Quel est le stade au cours duquel l’enfant présente une disponibilité maximale pour apprendre dans le modèle d’Erikson?

a) Stade 1;
b) stade 2;
c) stade 3;
d) stade 4;
e) stade 5;
f) stade 6;
g) stade 7;
h) stade 8;

37. Expliquez comment, dans la théorie d’Erikson, la recherche de l’identité personnelle est reliée à un processus d’intégration?

38. Parmi les conséquences négatives suivantes, identifiez celles (2) qu’Erikson prévoit en cas d’échec dans l’établissement de l’identité
personnelle:

a) Une confusion et un sentiment d’aliénation;


b) de la culpabilité;
c) un sentiment d’infériorité;
d) une diffusion de rôles;
e) un sentiment de désespoir.

39. Le groupe des pairs constitue pour Erikson un milieu très favorable pour expérimenter des rôles à l’adolescence.

a) Vrai
b) Faux

40. Que veut dire Erikson par «identité forclose» à l’adolescence?

a) Une crise d’identité précoce;


b) une identification sans crise;
c) une crise d’identité implosive;
d) une identification bisexuelle;
e) une crise d’identité tardive.

41. Parmi les éléments suivants, identifiez ceux qu'Erikson associe à la notion «d’identité négative»:

a) Une identification par marginalité;


b) une identification au parent du sexe opposé;
c) la valorisation de comportements antisociaux ;
d) le refus de sa propre sexualité.

42. À quelle tendance Erikson relie-t-il le désir de s’actualiser survenant à l’âge adulte?

a) La perpétuation;
b) la transcendance;
c) l’isolement;
d) l’intimité; <
e) l’intégrité.

43. Parmi les contributions théoriques suivantes, identifiez celles qui accordent une prépondérance à la biologie par rapport à la culture,
comme facteur responsable du développement humain:

a) Ruth Benedict;
b) le darwinisme;
c) Margaret Mead;
d) l’approche psychodynamique;
Théories de l’adolescence 39

e) l’approche écologique;
f) la théorie des rôles sociaux;
g) Gesell.

44. Selon Mead et Benedict, la transition de la dépendance du nouveau-né à l’autonomie adulte ne peut se faire sans stades, c’est-à-dire
selon une progression uniforme.

a) Vrai
b) Faux

45. L’anthropologie culturelle estime que l’adolescence dans les sociétés occidentales est associée à des changements majeurs sur trois
plans psychosociaux. Quelles sont ces trois dimensions de changement?

46. Selon Mead et Benedict, les sociétés primitives possèdent une culture plus homogène avec moins de changements brusques dans les
rôles, et des différences individuelles moins marquées que dans les sociétés modernes.

a) Vrai
b) Faux

47. Parmi les propositions suivantes, identifiez celle ou celles que l’approche sociologique de l’adolescence (théorie des rôles sociaux)
appuie:

a) L’adolescence est d’abord un processus biologique;


b) l’adolescence se caractérise par une transition générale dans les rôles que la personne assume;
c) la discontinuité dans les changements de rôles est un phénomène normal qui ne peut être associé au stress à l’adolescence;
d) la classe sociale de l’adolescent peut influencer le vécu de son adolescence;
e) la période historique dans laquelle se passe l’adolescence constitue une source majeure de variation dans le stress provoqué par
les changements de rôles.

48. Coleman (1980) croit que les deux grands courants théoriques de l’adolescence que sont l’approche psychanalytique et l’approche
sociologique sont mal appuyées empiriquement. Parmi les arguments suivants, identifiez celui ou ceux qu’il utilise pour se justifier:

a) Plusieurs études récentes font mention d’une crise sérieuse d’identité à l’adolescence;
b) selon la plupart des études, il y aurait un partage important des valeurs entre les adolescents et leurs parents plutôt qu’un fossé de
génération;
c) les travaux empiriques connus appuient l’idée que le groupe des pairs encourage les comportements antisociaux.

49. Comment la théorie focale de Coleman peut-elle être considérée comme un modèle de développement par étapes dominantes?

50. Parmi les propositions suivantes, identifiez les accords théoriques que Baldwin (1980) considère comme la base de 1 accord entre les
tenants du courant cognitivo-développemental:

a) Le développement donne lieu à des additions quantitatives d’habiletés;


b) le développement s’effectue de façon continue;
c) l’impulsion du développement provient de conflits;
d) le développement est la conséquence d’une interaction constante entre l’individu et son milieu.

51. Identifiez parmi les énoncés suivants, ceux qui sont en accord avec la perspective piagétienne du développement humain:

a) La pensée se développe en se différenciant et en s’articulant de façon croissante;


b) les structures de la pensée se développent selon des stades qui se succèdent de façon variable d’une personne à l’autre;
c) ia connaissance est une construction résultant de l’influence du milieu sur le sujet;
d) les mécanismes d’adaptation s’organisent selon des stades qui définissent des structures plus ou moins généralisables.

52. L’approche écologique se distingue des perspectives biologiques ou sociologiques en ce qu’elle ne privilégie pas nécessairement le
bagage génétique du sujet ou son environnement comme source de conditionnement du développement.

a) Vrai
b) Faux
40 Chapitre 1

53. Expliquez brièvement comment l’approche écologique se distingue des autres théories par sa considération du contexte global dans
lequel se produit le développement humain.

54. Barker (1968) décrit des courants de comportements («behavior stream») impliquant que dans certaines situations, certaines
conduites surgiront probablement plus en fonction des individus, indépendamment des attentes du milieu.

a) Vrai
b) Faux

55. Bronfenbrenner (1979) propose un modèle écologique structuré selon quatre sous-systèmes: 1) le microsystème; 2) le mésosystème;
3) l’exosystème; et 4) le macrosystème. En respectant cet ordre de mention, indiquez à quel sous-système se rattache respective¬
ment chacune des entités suivantes:

a) La relation famille-garderie;
b) la famille;
c) le conseil d’administration de l’école;
d) les attitudes sociales face aux jeunes au Québec.
Chapitre 2
La croissance physique
à l’adolescence

2.1 LA POUSSÉE DE CROISSANCE

2.2 RYTHME DE CROISSANCE PHYSIQUE

2.3 NATURE ET SÉQUENCE DES CHANGEMENTS CORPORELS


2.3.1 Nature des changements corporels
2.3.2 Séquence des changements corporels

2.4 CHANGEMENTS DANS LA CAPACITÉ PHYSIQUE

2.5 MATURATION SEXUELLE


2.5.1 Critères de maturité sexuelle
2.5.2 Modifications de l’appareil sexuel
2.5.2.1 Maturation sexuelle féminine
2.5.2.2 Maturation sexuelle masculine

AUTO-ÉVALUATION
42 Chapitre 2

2.1 LA POUSSÉE DE CROISSANCE


Le corps humain est en développement depuis sa conception jusqu’à la fin de
sa vie. Des périodes d’accélération et de décélération de croissance surviennent
cependant à des étapes spécifiques de l’existence. Ainsi, au cours de la première
année de la vie post-natale, la croissance du corps est très rapide, alors que par la
suite on observe une décélération progressive du rythme du développement physi¬
que jusque vers 9-10 ans environ.

explosion À l’adolescence, une véritable explosion de croissance se produit: à aucun


de croissance moment de la vie post-natale, exception faite de la première année, la croissance du
corps n’est plus rapide qu’à cette période. Chez la personne qui traverse cette
époque de la vie, le corps subit une véritable métamorphose. De nouvelles fonctions
apparaissent, les capacités physiques sont modifiées, le corps de l’enfant se trans¬
forme en corps adulte. Subjectivement, ce processus est imprévisible, il se réalise en
dehors du contrôle de l’individu qui le vit, de sorte qu’au plan psychologique, les
transformations physiques de l’adolescence suscitent une remise en question et une
restructuration moins apparente mais tout aussi importante pour l’adaptation fu¬
ture.

Objectivement, c’est-à-dire vu de l’extérieur, l’explosion de croissance reliée


à la puberté s’inscrit dans une continuité structurale qui donne des dimensions
moins drastiques à la «métamorphose» adolescente. J.M. Tanner, un chercheur
anglais ayant effectué de nombreux travaux sur la croissance physique, disait à ce
sujet:

«... on aurait certainement tort de laisser croire que l’explosion de croissance


à l’adolescence, qu’elle soit précoce ou tardive, modifie la structure corporelle
de façon radicale: elle ne le fait certes pas. Elle apporte plutôt la touche finale
à un physique reconnaissable depuis plusieurs années. Quiconque a examiné
une série de photographies d’enfants prises à différentes étapes de leur crois¬
sance jusqu’à l’âge adulte, doit d’abord être impressionné par la similitude de
l’apparence du sujet d’un âge à l’autre. Cette constance est si grande qu’une
personne exercée à l’examen de photos d’enfants peut sans doute prédire
avec justesse le type de physique (le somatotype) qu’aura à l’âge adulte un
individu photographié à l’âge de cinq ans ou même plus tôt.» (Tanner, 1962, p.
104, traduction de l’auteur.)

Les dimensions objectives des transformations physiques à l’adolescence ne


correspondent pas nécessairement au vécu subjectif intime. Aussi, dans les deux
chapitres qui suivent, ces deux perspectives seront abordées séparément: les chan¬
gements physiques seront étudiés d’abord, et les effets psychologiques des trans¬
formations physiques seront présentés ensuite.
La croissance physique à l’adolescence 43

2.2 RYTHME DE CROISSANCE PHYSIQUE

Le commencement de l’accélération de la croissance typique de l’adoles¬


cence n’apparaît pas au même moment chez les filles et chez les garçons. Les filles
atteignent en moyenne leur vitesse maximale de croissance environ deux ans avant
les garçons, soit vers 12-13 ans, alors que pour ces derniers c’est vers 14-15 ans que
la croissance est généralement la plus rapide. Les figures 2.1 et 2.2 illustrent le
rythme de croissance des garçons et des filles. Ce décalage chronologique fait que,
généralement, les filles sont plus grandes que les garçons entre dix ans et demi et
treize ans alors que leurs dimensions corporelles étaient légèrement plus petites
auparavant (Tanner, 1961). La poussée de croissance plus tardive mais plus longue poussée de
des garçons les amènera à rattraper puis à dépasser les filles. On notera, à la figure croissance
2.2, que le poids du corps suit une trajectoire différente de la hauteur pendant
l’enfance mais qu’à l’adolescence, poids et hauteur ont des progressions semblables.

FIGURE 2.1: Rythmes de croissance des filles et des garçons, de l’enfance à la fin de l’adoles¬
cence

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
ÂGE (ANS)

Source: TANNER, J.M. «Growing up». Scientific American. 1973, vol. 229, n°3, p. 34-43.
44 Chapitre 2

FIGURE 2.2: Courbes illustrant la croissance typique des filles et des garçons

A) HAUTEUR B) POIDS

LÉGENDE: GARÇONS
FILLES

Source: TANNER, J.M., WHITEHOUSE, R.H., TAKAISHI, M. «Standards from birth to maturity for height,
weight-height velocity and weight velocity; british children, 1965». Archives of the Diseases in Child-
hood. 1966, vol. 41, p. 455-471. Ce tableau a été reproduit avec la permission des auteurs.

FIGURE 2.3: Caricature illustrant l'évolution du rapport visage-tête de l’enfance à l’âge


adulte. (Le schéma illustre la forte modification du visage.)
La croissance physique à l’adolescence 45

L’accélération de la croissance physique survient environ deux ans avant


l’atteinte de la maturité sexuelle, c’est-à-dire la puberté. Des différences individuelles
assez importantes peuvent être observées quant au moment d’apparition de l’accé¬
lération comme telle, de sorte que pour englober toutes les variations de l’ensemble
d’une population, il semble qu’il faille considérer la période allant de 8 à 19 ans pour
les filles et de 10 à 23 ans pour les garçons (Malina, 1974).

Le crâne et le cerveau ne suivent cependant pas la même progression que le


reste du corps. Tanner (1961) mentionne qu’à 1 an, le cerveau atteint 60% de son
poids adulte, et 90% environ dès l’âge de cinq ans. Conséquemment, le diamètre
crânien n’est pas modifié au même rythme que le reste du squelette, même si
l’épaisseur de la boîte crânienne augmente à l’adolescence. La face connaît toutefois
une évolution plus proche de celle du corps, de sorte que l’adolescent acquiert des
proportions visage-tête se rapprochant de celles de l’adulte. La figure 2.3 illustre de
façon caricaturale l’évolution de ce rapport visage-tête de l’enfance à l’âge adulte. On
peut y noter que malgré la très faible augmentation des dimensions de la boîte
crânienne, le visage permet de distinguer l’âge facilement. À la figure 2.4, on com¬
pare une boîte crânienne d’enfant à celle d’un adulte; les différences de proportion y
sont évidentes.

FIGURE 2.4: Illustration de la croissance de la face. (Ce dessin compare le crâne d’un
nouveau-né avec celui d’un adulte.)

Source: Redessiné à partir de KATCHADOURIAN, H. The Biology ot Adolescence. San Francisco: W.H.
Freeman, 1977, p. 44.

Les yeux et les oreilles ont aussi une évolution importante à la période pré¬
adolescente, de sorte que leur croissance à l’adolescence est plutôt faible par rap¬
port au reste du corps.
46 Chapitre 2

2.3 NATURE ET SÉQUENCE DES CHANGEMENTS


CORPORELS

2.3.1 Nature des changements corporels

À peu près toutes les parties du corps augmentent en poids et en volume


pendant l’adolescence de sorte que ce n’est pas un inventaire exhaustif des change¬
ments corporels qui est proposé ici. Il s’agit plutôt d’un bref examen des modifica¬
tions les plus apparentes et les plus typiques de l’adolescence. Les sections qui
suivent ajouteront certains éléments importants à cette présentation, notamment au
sujet du fonctionnement endocrinien, sexuel et musculaire du corps arrivé à maturi¬
té. Les transformations pubertaires les plus manifestes constituent le groupe des
caractéristiques
caractéristiques sexuelles secondaires. Le tableau 2.1 en présente les éléments prin¬
sexuelles
cipaux chez les filles et chez les garçons.
secondaires

Parmi les phénomènes les plus manifestes amenés par la croissance physique
à l’adolescence, on trouve la distinction de l’apparence en fonction du sexe. En effet,
les caractéristiques corporelles spécifiques à chaque sexe, de peu manifestes
qu’elles étaient au cours de l’enfance, s’accentuent de façon importante. Typique¬
ment, l’élargissement des épaules des garçons est proportionnel à celui de leurs
hanches, de sorte que le rapport de largeur épaules/ hanches est constant de 9 ans à
18 ans (Hansman, 1970), tandis que chez les filles ce rapport change en raison de
l’élargissement plus important aux hanches qu’aux épaules. Les garçons connais¬
sent par ailleurs une plus grande augmentation de leur masse musculaire, tandis que
les filles emmagasinent une masse plus importante de tissus adipeux.

Le rapport de grandeur assis/debout constitue une autre distinction garçons-


filles qui apparaît au moment de la poussée pubertaire. Ce rapport, qui indique la
contribution du tronc à la taille totale, devient légèrement plus grand chez les filles et
demeure ainsi par la suite. À taille égale, les filles ont donc généralement tendance à
avoir des jambes plus courtes (Malina et Ranick, 1973).

L’apparition des caractéristiques sexuelles secondaires propres à chaque


sexe font qu’à la fin de l’adolescence, des corps relativement semblables pendant
l’enfance, se trouvent radicalement différents dans leur apparence générale.

2.3.2 Séquence des changements corporels

L’importance des caractéristiques sexuelles secondaires est très variable


d’une personne à l’autre et d’une race à une autre. Il semble cependant possible de
définir une séquence plus probable ordonnant les changements corporels dans le
La croissance physique à l’adolescence 47

TABLEAU 2.1: Principales caractéristiques sexuelles secondaires apparaissant chez les filles
et chez les garçons*

CHEZ LES FILLES CHEZ LES GARÇONS

- Élargissement des épaules. - Élargissement des épaules et apparition de la


forme triangulaire du tronc.
- Élargissement des hanches avec accentuation de
leur rondeur et de la ligne de taille. - Apparition de poils sur le pubis, les aisselles, les
membres et éventuellement sur la poitrine, et ap¬
- Arrondissement relatif des membres supérieurs
parition de la barbe.
et inférieurs dû au dépôt de tissus adipeux.
- Changements dans la couleur et la texture de la
- Développement des seins.
pigmentation cutanée et maturation fonctionnelle
des glandes sudoripares.
• Apparition de poils sur le pubis, les aisselles et les
membres, et apparition de duvet facial générale¬
- Muance.
ment incolore.

- Accroissement des glandes sudoripares et intensi¬


fication de leur fonctionnement.

- Ajustement vocal graduel impliqué par le passage


de la voix de petite fille à la voix de femme.

Ces caractéristiques sont dites secondaires parce qu’elles ne sont pas essentielles à la reproduction; leur
contribution à la psychologie de la sexualité et aux comportements sexuels est cependant très importante.
Ces changements varient en intensité selon les individus.

FIGURE 2.5: Comparaison de l’évolution de la croissance physique chez la fille et chez le


garçon

Source: Redessiné à partir des données de KATCHADOURIAN, H. The Biology of Adolescence. San Fran¬
cisco: W.H. Freeman and Co. 1977, p. 73.
temps1. Les pieds, les mains et les jambes atteignent leurs dimensions maximales au
début. Ensuite, la taille (c.-à-d. la hauteur du corps) connaît sa poussée de crois¬
sance, suivie par celle de la masse musculaire (incluant le muscle cardiaque), la
largeur des épaules et des hanches, et l’augmentation conséquente du poids. Il est à
noter que la taille augmente davantage en raison de l’allongement du tronc que de
celui des jambes dont une bonne partie de la croissance s’est produite plus tôt, au
moment de la prépuberté. Sur le plan squelettique, outre l’allongement et l’élargis¬
sement des os, l’adolescence amène un changement de composition et de structure.
Alors qu’au début de l’enfance, les os sont relativement flexibles en raison de leur
forte teneur en tissus cartilagineux, la croissance infantile amène une calcification
progressive qui s’accélère au moment de la poussée de croissance pubertaire. Les
os deviennent alors plus durs, plus denses et plus fragiles. Le tableau 2.2 présente la
séquence probable des changements physiologiques importants qu’amène l’adoles¬
cence chez les filles et chez les garçons.

2.4 CHANGEMENTS DANS LA CAPACITÉ PHYSIQUE


La croissance du corps s’accompagne d’une importante transformation des
capacités physiques de l’organisme. Au plan interne, la capacité pulmonaire et le
volume sanguin progressent en fonction de la dimension corporelle mais ralentissent
aussi leur rythme fonctionnel, celui-ci se rapprochant graduellement de celui de
l’adulte. Le volume et le poids du coeur sont plus importants chez les garçons que
chez les filles. Cela se traduit par un ralentissement un peu plus marqué chez les
garçons (environ 5 battements par minute de moins vers la fin de l’adolescence).

Les changements reliés à la capacité musculaire ont un impact psychologique


important, en particulier chez le garçon qui non seulement connaît un développe¬
ment plus intense à cet égard, mais dont le rôle sexuel typique valorise beaucoup cet
acquis. La figure 2.6 présente les courbes d’accroissement de la masse musculaire
chez les filles et les garçons; on peut remarquer l’écart qui survient à partir de 13 ans
entre garçons et filles.

L’augmentation du poids du corps à l’adolescence est en bonne partie due à


l’accroissement des tissus musculaires, dont la contribution de 25 % au poids total de
l’enfant peut passer à 50 % du poids total de l’homme adulte. Les indices de la force
physique enregistrés à l’aide d’un dynamomètre par exemple, peuvent doubler entre
12 et 16 ans. La figure 2.7 nous renseigne sur la progression de la force de la main et
du bras chez les filles et les garçons; on observe aussi un écart entre filles et garçons
à partir de 13 ans.

(1) Cette séquence probable n’est elle-même pas exempte de variations entre individus: Faust (1977) obtient
des données où 76 % des garçons et 75 % des filles possèdent un ordre variable par rapport au moment de
croissance maximum de 5 dimensions squelettiques (hauteur, longueur du tronc corporel, longueur des
jambes, largeur des épaules et des hanches).
La croissance physique à l’adolescence 49

TABLEAU 2.2: Séquence probable des changements physiologiques importants survenant à


l’adolescence chez les filles et chez les garçons*

SÉQUENCE CHEZ LES FILLES** SÉQUENCE CHEZ LES GARÇONS

- Nouvel équilibre hormonal. - Nouvel équilibre hormonal.

- Accélération de la croissance squelettique et de - Début de l’accélération de la croissance squelet¬


la masse musculaire. tique et de la masse musculaire.

- Début du développement des seins et des - Augmentation du volume des organes génitaux.
hanches.
- Apparition des premiers poils pubiens.
- Apparition des premiers poils pubiens.
- Début de la muance.
- Atteinte de la vitesse maximale de croissance.
- Premières éjaculations (par émissions nocturnes
• Apparition de poils pubiens plus denses et plus ou autrement).
drus.
- Apparition de poils pubiens frisés plus denses et
- Premières menstruations. plus drus.

• Élargissement des lèvres vaginales internes et ex¬ - La croissance physique atteint sa vitesse maxi¬
ternes; les sécrétions vaginales deviennent plus male.
acides (de basiques qu’elles étaient).
- Apparition des premiers poils au visage (barbe),
- Apparition de poils aux aisselles et sur les mem¬ aux aisselles et éventuellement sur l’abdomen.
bres (avant-bras et jambes).
- Maturation finale de la voix.
- La voix se rapproche de sa tonalité adulte.
- Apparition graduelle de la barbe adulte.
- Les seins et les hanches atteignent leurs dimen¬
sions adultes.
* Tableau élaboré à partir des données fournies par Muuss (1975) et Dacey (1979).
” Les changements commencent généralement deux ans plus tôt chez les filles.

FIGURE 2.6 : Accroissement de la masse musculaire telle que mesurée par la quantité de créati¬
nine excrétée

Source: Redessiné à partir des données de TANNER, J.M. Growth at Adolescence. 2e éd. Oxford: Blackwell,
1962. Reproduit avec permission.
50 Chapitre 2

Après avoir révisé les données sur le sujet, Asmussen (1973) situe deux
différences prédominantes entre garçons et filles sur le plan du développement de la
force musculaire force musculaire. Premièrement, pendant l’enfance, les garçons tendent à être plus
forts que les filles de même taille et ce, à tous les âges. Cette différence est percepti¬
ble dans la force des mains, des bras et du tronc corporel mais n’apparaît pas pour
les jambes des enfants. Deuxièmement, à la puberté, les changements hormonaux
reliés au sexe font que la masse musculaire des garçons augmente davantage, de
sorte qu’à compter de 13 ans, l’écart de force enregistré plus tôt s’accroît et devient
plus perceptible pour les membres supérieurs, le tronc et les jambes. Cet écart
s’accroîtra jusqu’à l’âge adulte et se maintiendra par la suite. La différence moyenne
de force entre les deux sexes correspond à environ 35 % de la force du mâle. La force
musculaire est en relation positive avec la taille et le poids. Par contre, et contraire¬
ment à ce que l’on pourrait croire de prime abord, la performance motrice (c.-à-d. la
capacité de grimper, de sauter, de courir, de lancer; les tâches d’équilibre, etc.) n’est
que peu influencée par la dimension du corps (Espenschade, 1940). Ce n’est que
pour des rendements exceptionnels que la taille entre en jeu. Ainsi, les garçons
affichant de hautes performances athlétiques posséderaient un corps de taille
moyenne, avec des jambes relativement courtes et des hanches plutôt étroites,
comparativement aux garçons affichant de faibles performances et dont la carrure
est grosse, les hanches larges et les jambes longues (Espenschade, 1940). La même
étude rapporte que chez les filles aussi, les rendements moteurs élevés se trouvent
davantage chez les physiques minces avec jambes plutôt courtes, comparativement
aux physiques grands et lourds dont les performances motrices sont plutôt faibles
(Espenschade, 1940).

FIGURE 2.7: Comparaison de la force de préhension de la main (A) et de la force de traction


du bras (B) entre filles et garçons

ÂGE (ANS) ÂGE (ANS)

Source: Redessiné à partir des données de KATCHADOURIAN, H. The Biology of Adolescence. San Fran¬
cisco: W.H. Freeman and Co. 1977, p. 41.
La croissance physique à l’adolescence 51

11 existe une croyance populaire voulant que la croissance rapide du corps de


l’adolescent s’accompagne d’une sorte de maladresse généralisée. Or, plusieurs
études, dont certaines ont plus de 40 ans, ont démontré que cette idée était fausse.
En effet, la dimension du corps, la force physique et la coordination motrice sont
trois facteurs qui augmentent au cours de l’adolescence; leur rythme de progression
n’est pas exactement le même, mais tous s’accroissent (Dimock, 1937; Espenschade,
1940; Powell, 1971; Eckert, 1973). Il n’y a donc pas de base empirique soutenant
l’idée que la croissance rapide apporte de la maladresse. Les mêmes travaux dénon¬
cent un autre préjugé populaire voulant que la force physique des filles décroisse
après les premières menstruations.

Dans la plupart des activités motrices, les capacités physiques plus grandes
des garçons se traduisent par des rendements plus élevés. La dimension du corps, la
structure anatomique, les indices de capacité physiologique (poumons, coeur, etc.)
sont autant de facteurs qui avantagent les performances masculines. L’écart moteur
entre garçon et fille ne se manifeste toutefois clairement qu’à partir de 1 adolescence
puisque auparavant, les capacités physiques des garçons n’étaient que légèrement
supérieures.

Eckert (1973) mentionne que cet écart de motricité entre garçon et fille
s’explique, au moins en partie, par des facteurs socio culturels. La plupart des
cultures dévalorisent l’effort physique soutenu et violent chez les filles. L’auteur cite
des données (comparatives avec les données américaines) où des filles bulgares
n’affichent pas un écart aussi important par rapport aux garçons pour les tâches
motrices courantes (courir, sauter, lancer). La culture bulgare aurait une attitude
analogue envers les garçons et les filles eu égard à ces activités motrices (Eckert,
1973).

2.5 MATURATION SEXUELLE

2.5.1 Critères de maturité sexuelle

On sait que l’adolescence est la période qui sépare l’enfance de l’âge adulte.
Un des jalons les plus significatifs de ce passage correspond à l’accession à la
maturité sexuelle, c’est-à-dire la puberte qui s exprime par 1 apparition des premières
menstruations chez la fille et par l’apparition des spermatozoïdes chez le garçon.
Ces indices ne sont toutefois pas des critères absolus, et ce, même s’ils sont les plus
fréquemment utilisés.

Ainsi, les premières menstruations ne constituent pas un indice infaillible de la


capacité d’engendrer un enfant, car on a observé que l’irrégularité des premiers
cycles rendait moins probable la fécondation. Le concept de «stérilité adolescente» a stérilité adolescente
été associé à ce phénomène. Cependant, 1 observation de cas de grossesses dès les
premières menstruations enlève beaucoup d’assurance à cette notion de stérilité
comme base de contrôle des naissances (Stone et Church, 1979).

Chez les garçons, la première éjaculation nocturne a été populairement utili¬


sée comme critère de maturité sexuelle. Pendant le sommeil, le pénis entre souvent
en érection et le sperme, c’est-à-dire le liquide contenant les spermatozoïdes, est
parfois éjaculé. Il s’agit là du processus normal, pour l’organe de reproduction mâle,
de se départir d’une accumulation excessive de sperme. Ces émissions nocturnes
n’apparaissent toutefois qu’un certain temps après le développement pubertaire et
ne peuvent donc servir de critère sine qua non de la maturité sexuelle mâle, c’est-à-
dire de l’atteinte du pouvoir de fécondation.

L’analyse microscopique de l’urine, pour détecter la présence éventuelle de


spermatozoïdes, semble être l’une des techniques les plus sûres d’attestation de
maturité sexuelle chez le garçon.

Enfin, il demeure que les critères les plus couramment admis pour déterminer
la maturité sexuelle sont les premières menstruations chez la fille et la présence de
spermatozoïdes dans les testicules pour le garçon. Les figures 2.8 et 2.9 illustrent
l’évolution de l’apparence des organes génitaux pendant l’adolescence.

FIGURE 2.8: Évolution de l’apparence des organes génitaux masculins du début à la fin de
l’adolescence
La croissance physique à l’adolescence 53

FIGURE 2.9: Évolution de l’apparence de la région génitale féminine du début à la fin de


l’adolescence

2.5.2 Modifications de l’appareil sexuel

La figure 2.10 schématise les principales composantes des appareils sexuels


féminin et masculin. La croissance physique à l’adolescence implique des transfor¬
mations des caractéristiques sexuelles primaires, c’est-à-dire des organes de repro¬
duction comme tels, et des caractéristiques sexuelles secondaires (voir le tableau
2.1). Ces deux paliers de transformation sont interreliés et contribuent à la différen¬
ciation physique des hommes et des femmes. La présente section portera sur les
changements sexuels primaires.

FIGURE 2.10: Schéma des principales composantes des appareils sexuels féminin et masculin

FEMME HOMME

VÉSICULE SÉMINALE

CANAL DÉFÉRENT. PROSTATE

GLANDE DE COWPER

2.5.2.1 Maturation sexuelle féminine

Les glandes sexuelles féminines - ou gonades féminines - sont les ovaires.


Localisées à l’intérieur de l’abdomen, les ovaires se développent déjà à partir de 8-9
ans et, pour cette raison, leur croissance est moins prononcée que celle de 1 utérus
au cours de l’adolescence. À la naissance, les ovaires contiennent entre 200 000 et
400 000 follicules, chacun étant susceptible de produire un ovule. Au moment des
menstruations, ce nombre diminue à 10 000 environ (Eichorn, 1980).
54 Chapitre 2

Le fait que les menstruations soient un phénomène apparent justifie proba¬


blement l’utilisation plus courante de l’expression «cycle menstruel» lequel est fonc¬
cycle ovarien tion du moment des règles que l’expression «cycle ovarien» basé plutôt sur le mo¬
ment de l’ovulation.

Le cycle ovarien est contrôlé par une série de variations endocriniennes


comprenant trois hormones: l’oestrogène, la progestérone et l’androgène. La glande
pituitaire, située dans l’hypothalamus, fonctionne en relation avec les glandes repro¬
ductrices périphériques pour créer une sorte d’équilibre hormonal qui détermine
l’évolution du cycle ovarien dont la durée moyenne est de 28 jours. Pendant la
première moitié de ce cycle, la glande pituitaire sécrète une hormone qui stimule la
maturation d’un follicule (ou exceptionnellement de plusieurs) localisé dans un des
deux ovaires. Une fois la maturation du follicule complétée, l’ovule qui en résulte est
rejeté par l’ovaire dans la trompe de Fallope et entreprend sa descente vers l’utérus.

Pendant ce temps, la paroi utérine interne se transforme et devient apte à


l’implantation éventuelle de l’ovule fécondé. La fécondation est la pénétration de
l’ovule par un spermatozoïde et elle se produit généralement pendant la période où
la cellule féminine descend dans la trompe de Fallope vers l’utérus. Arrivé à l’utérus,
l’ovule fécondé s’accroche à la paroi et le mécanisme de nutrition du foetus débute.

Quelques jours avant sa maturation, le follicule ovarien provoque la libération


d’oestrogène; cette hormone constitue un message pour la glande pituitaire à savoir
que celle-ci doit cesser toute sécrétion d’hormone favorable à la transformation des
follicules en ovules. Ainsi, l’ovule qui arrive à maturité avertit le centre de contrôle de
ne plus produire d’autres ovules. La glande pituitaire continue toutefois à provoquer
la croissance d’autres follicules qui restent dans l’ovaire après l’ovulation. Ces folli¬
cules constituent eux-mêmes, à chaque cycle, une glande: la glande lutéique. Celle-ci
sécrète de la progestérone dont le rôle est de favoriser, pendant le cycle, le dévelop¬
pement membraneux de la paroi utérine nécessaire à l’implantation du foetus.

Si 1 ovule n est pas fécondé, la quantité d’oestrogène diminue et la progesté¬


rone, après une première augmentation, diminue au moment où la glande lutéique se
désintègre. A ce moment du cycle ovarien, la membrane qui recouvre la paroi
interne de l’utérus se détache et provoque les menstruations. Le cycle ovarien se
reproduit de la puberté à la ménopause*.

2.5.2.2 Maturation sexuelle masculine

La maturation sexuelle chez le garçon âgé de 10 à 13 ans débute avec la


croissance des testicules et du sac qui les contient, le scrotum (Eichorn, 1980). La

La ménopause correspond à I arrêt définitif des menstruations et donc du cycle menstruel. Elle survient
généralement vers 45-50 ans.
La croissance physique à l’adolescence 55

production des spermatozoïdes résulte de plusieurs étapes de développement


contrôlées par les stimulations hormonales de la glande pituitaire.

Sur la figure 2.11, on peut voir que le sperme sécrété par le testicule séjourne
dans l’épididyme pour s’acheminer ensuite dans le canal déférent avant d’évoluer
vers la vésicule séminale et la prostate. Le liquide sécrété par la glande de Cowper
modifie le pH de l’urètre et le lubrifie; il est expulsé avant l’éjaculation, au moment où
la stimulation sexuelle est devenue intense. À la figure 2.11, il est possible de retracer
le cheminement complet des spermatozoïdes.

FIGURE 2.11: Schéma du parcours effectué par le spermatozoïde du testicule lors de l’éjacu¬
lation

4 VÉSICULE
SÉMINALE

5 PROSTATE

GLANDE DE
b COWPER
3
7 URÈTRE

Les spermatozoïdes produits par le testicule sont d’abord entreposés dans


l’épididyme (un par testicule). Au moment de l’excitation sexuelle, le sperme traverse
le canal déférent et se dirige vers la vésicule séminale et la prostate lesquelles
sécrètent un liquide qui, mêlé avec les spermatozoïdes, leur donne plus de mobilité. La
glande de Cowper sécrète le liquide préséminal (qui précède le liquide spermatique)
dont la fonction est de modifier la composition chimique de l’urètre: d’acide qu’elle
était, elle devient basique. C’est ce liquide préséminal qui est libéré avant l’éjacula¬
tion proprement dite. Le sperme continue ensuite son évolution vers 1 urètre pour
être expulsé au moment de l’éjaculation.

Une éjaculation normale ne contient pas uniquement des spermatozoïdes


(dont le nombre atteint généralement 100 millions dans une seule éjaculation), mais
tout un ensemble d’éléments destinés à favoriser 1 évolution de la cellule vers son
but.
56 Chapitre 2

AUTO-ÉVALUATION

1. Le corps humain est en développement depuis sa conception jusqu’à la fin de sa vie. Des périodes d’accélération de croissance
surviennent cependant à des étapes spécifiques de l’existence. Ordonnez les périodes de vie suivantes selon le rythme de crois¬
sance qu’on y trouve (de la plus forte croissance à la moins forte).

a) 17 à 20 ans;
b) 2 à 3 ans;
c) 0 à 1 an;
d) 13 à 15 ans.

2. Une personne exercée à l’examen d’enfants peut sans doute prédire avec justesse le type de physique (le somatotype) qu’aura à
l’âge adulte un individu photographié à l’âge de 5 ans.

a) Vrai
b) Faux

3. Le début de l’accélération de la croissance typique de l’adolescence n’apparaît pas au même moment chez les filles et chez les
garçons. Indiquez laquelle des propositions suivantes décrit le mieux les moments moyens de croissance maximale:

a) 12-13 ans chez les garçons et 14-15 ans chez les filles;
b) 10-12 ans chez les filles et 12-14 ans chez les garçons;
c) 12-13 ans chez les filles et 14-15 ans chez les garçons;
d) 10-12 ans chez les garçons et 11-12 ans chez les filles.

4. L’accélération de la croissance physique survient en même temps que l’atteinte de la maturité sexuelle, c’est-à-dire la puberté.

a) Vrai
b) Faux

5. Des différences individuelles assez importantes peuvent être observées quant au moment d’apparition de i’accélération de crois¬
sance, de sorte que pour englober toutes les variations de l’ensemble d’une population, il faut considérer la période allant de 8 à 19
ans pour les filles et de 10 à 23 ans pour les garçons.

a) Vrai
b) Faux

6. Tanner (1961) mentionne qu’à un an le cerveau atteint 60 % de son poids adulte et 90 % environ dès l’âge de cinq ans.

a) Vrai
b) Faux

7. Cette figure présente les courbes de croissance (cm/an) des


filles (ligne pointillée) et des garçons. Choisissez la proposition
qui désigne le mieux l’âge où il y a croissance maximale chez les
filles et les garçons:

a) 12 ans chez les filles, 14 ans chez les garçons;


b) 14 ans chez les filles, 12 ans chez les garçons;
c) 10 ans chez les filles, 12 ans chez les garçons;
d) 11 ans chez les filles, 15 ans chez les garçons.

ÂGE (ANS)
La croissance physique à l’adolescence 57

8. Le rapport de largeur épaules/hanches est constant de 9 ans à 18 ans chez les garçons (Hansman, 1970).

a) Vrai
b) Faux

9. Les filles et les garçons connaissent une augmentation équivalente de leur masse musculaire et de leurs tissus adipeux à 1 adoles¬
cence.

a) Vrai
b) Faux

10. Énumérez trois caractéristiques sexuelles secondaires féminines apparaissant à l’adolescence.

11. Énumérez trois caractéristiques sexuelles secondaires masculines apparaissant à 1 adolescence.

12. Une caractéristique sexuelle est dite secondaire parce quelle survient à la suite de la puberté.

a) Vrai
b) Faux

13. À taille égale, les filles ont généralement tendance à avoir des jambes plus longues.

a) Vrai
b) Faux

14. Même si l’on y observe des variations dans la pratique, il existe une séquence probable des changements physiologiques chez la fille
à l’adolescence. Ordonnez les événements suivants selon cette séquence probable (Muss, 1975; Dacey, 1979).

a) Vitesse maximale de croissance;


b) dimension adulte des seins et des hanches;
c) premières menstruations;
d) nouvel équilibre hormonal.

15. Même si l’on y observe des variations dans la pratique, il existe une séquence probable des changements physiologiques chez le
garçon à l’adolescence. Ordonnez les événements suivants selon cette séquence probable (Muss, 1975, Dacey, 1979).

a) Vitesse maximale de croissance;


b) maturation finale de la voix;
c) apparition des premiers poils pubiens;
d) nouvel équilibre hormonal.
16. L’augmentation du poids du corps à l’adolescence est due, pour une bonne part, à l’accroissement des tissus musculaires. La
contribution du tissu musculaire au poids total demeure cependant la même que pendant l’enfance, c’est-à-dire 25%.

a) Vrai
b) Faux
17. Pendant l’enfance, les garçons ont tendance à être plus forts que les filles de même taille. Cette différence est perceptible dans la
force des mains, des bras et du tronc corporel mais n’apparaît pas pour les jambes des enfants.

a) Vrai
b) Faux

18. Parmi les dimensions physiques suivantes, indiquez-en trois qui augmentent à 1 adolescence.

a) Le rythme cardiaque;
b) la force physique;
c) la coordination motrice;
d) le rythme respiratoire;
e) le volume sanguin.
58 Chapitre 2

19. Comment certaines études expliquent-elles, par des facteurs socio-culturels, au moins une partie des différences de capacités
motrices entre filles et garçons?

20. Lequel des énoncés suivants définit le mieux le concept de «stérilité adolescente»?

a) L’incapacité de féconder pour le garçon pubère;


b) 1 irrégularité des premières menstruations rendant moins probable la grossesse;
c) l’impossibilité d’avoir des enfants pendant l’adolescence;
d) l’absence de menstruations pendant l’adolescence.

21. Chez le garçon, la première éjaculation nocturne a été populairement utilisée comme critère de maturité sexuelle, mais c’est
I analyse microscopique pour détecter des spermatozoïdes dans l’urine qui semble l’une des techniques les plus sûres d’attestation
de la maturité sexuelle.

a) Vrai
b) Faux

22. Indiquez parmi les suivantes deux des trois hormones reconnues responsables du cycle ovarien chez la femme:

a) Testostérone;
b) oestrogène;
c) gonadotropine;
d) progestérone;
e) androgène;
f) adrénocorticotropine.

23. Ordonnez les éléments suivants selon la séquence de leur apparition dans le cycle de reproduction chez la femme.

a) Fécondation de l’ovule par un spermatozoïde;


b) ovule rejeté par l’ovaire;
c) follicule ovarien;
d) ovule fécondé implanté dans l’utérus;
e) foetus.

24. Ordonnez les éléments suivants selon le cheminement effectué par les spermatozoïdes lors de l’éjaculation.

a) Urètre;
b) vésicule séminale;
c) épididyme;
d) prostate;
e) canal déférent.
Chapitre 3
Facteurs reliés aux
transformations_
physiques à l’adolescence

3.1 MÉCANISMES DE DÉCLENCHEMENT DE LA PUBERTÉ

3.2 FACTEURS D’INFLUENCE DES TRANSFORMATIONS PHYSIQUES


3.2.1 Croissance et hérédité
3.2.2 Influence de l’environnement sur la croissance
3.2.2.1 La tendance séculaire de la croissance physique
3.2.2.2 La nutrition
3.2.2.3 Exercice physique et croissance
3.2.2.4 La maladie
3.2.2.5 Niveau socio-économique et croissance physique

3.3 EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES TRANSFORMATIONS PHYSIQUES


3.3.1 Effets psychologiques du rythme de maturation
3.3.2 Apparence physique et image sociale

AUTO-ÉVALUATION
60 Chapitre 3

3.1 MÉCANISMES DE DÉCLENCHEMENT DE LA


PUBERTÉ

Par quel mécanisme le développement relativement calme de l’enfance est-il


soudainement modifié par une explosion de croissance et une métamorphose fonc¬
tionnelle du corps?

L’ensemble des événements qu’amène l’adolescence est relié à la maturation


du système nerveux et au fonctionnement du système endocrinien. L’hypothalamus
serait une des dernières composantes du cerveau à atteindre sa maturité fonction-
glande pituitaire nelle. Or, ce centre nerveux, relié à la glande pituitaire antérieure, contrôle une
antérieure partie importante du fonctionnement endocrinien. Parvenu à maturité, à la fin de
l’enfance, l’hypothalamus provoque la libération d’hormones contenues dans la
glande pituitaire antérieure (voir la figure 3.1). Ces hormones, qui étaient présentes
dans la glande pituitaire antérieure depuis la naissance, ne sont libérées que lorsque
l’hypothalamus a atteint son plein développement. Il s’agit là d’une évolution vrai¬
semblablement contrôlée génétiquement, mais dont nous connaissons mal le méca¬
nisme déclencheur (Tanner, 1960).

La glande pituitaire se divise en deux parties distinctes: la pituitaire antérieure


(«adenohypophysis») et la pituitaire postérieure («neurohypophysis»). C’est la pre¬
mière qui nous intéresse ici.

La glande pituitaire antérieure sécrète six hormones contrôlant la sécrétion


d’autant de glandes périphériques. Ainsi, l’hormone pituitaire qui contrôle la glande
thyroïde est appelée thyrotropique («thyro» pour thyroïde, et «tropique» du grec
aller vers). Il y a aussi:

- l’hormone somatotropique, l’hormone de croissance (vers les os);


- l’hormone adrénocorticotropique (vers les glandes surrénales);
- deux hormones gonadotropiques (vers les glandes sexuelles);
- l’hormone lactotropique ou prolactine (vers les seins).

Ce n’est que récemment - vers la fin des années soixante - que l’influence de
1 hypothalamus sur la glande pituitaire antérieure a été démontrée (Guillemin et
Burgus, 1972). L’hypothalamus sécrète des hormones qui provoquent la libération
des hormones pituitaires qui, à leur tour, en voyageant dans le sang, stimulent les
sécrétions des glandes périphériques.

La glande pituitaire antérieure, dite glande maîtresse, communique avec les


autres centres endocriniens par le biais des six hormones quelle libère et qui circu¬
lent dans le sang. Ces hormones sont reçues par la glande thyroïde (située à la base
de la gorge), par les glandes surrénales (situées au-dessus des reins), et par les
glandes sexuelles ou gonades (les ovaires pour les filles, et les testicules pour les
garçons). Chacune de ces glandes endocriniennes joue un rôle important dans les
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 61

changements physiques qui surviennent au cours de l’adolescence. La figure 3.1


illustre les principales fonctions de ces glandes. Un déséquilibre dans le système
hormonal qui contrôle la croissance peut causer des anomalies physiques; l’appari¬
tion de seins chez le garçon (c.-à-d. la gynécomastie) ou la présence de barbe au
menton chez la fille (un des symptômes de virilisme) en sont des exemples. Il existe
des thérapies pour rétablir l’équilibre endocrinien souhaité, notamment des séries
d’injections d’hormones.

FIGURE 3.1: Schéma et description des principaux centres endocriniens influençant la


croissance pendant la puberté

GLANDES IMPLIQUÉES DANS LA HORMONE SÉCRÉTÉE RÔLE PRÉSUMÉ DANS LA


POUSSÉE DE CROISSANCE À CROISSANCE
L’ADOLESCENCE

LA GLANDE PITUITAIRE ANTÉRIEURE Elle contrôle l’ensemble du pattern de


dite aussi «glande maîtresse» sécrète croissance (grandeur, poids, force, etc.).
l’hormone de croissance et plusieurs au¬ La surproduction de l’hormone de crois¬
tres hormones dites tropiques, c’est donc sance provoque le gigantisme et la sous-
dire qu’elle influence l’action d’autres production, le nanisme.
glandes.

LA GLANDE THYROÏDE sécrète l’hor¬ En relation avec l’hormone pituitaire de


mone thyroxine. croissance, elle contrôle l’augmentation
du rythme de croissance squelettique et
les changements métaboliques qui sur¬
viennent au cours de la période de l’ado¬
lescence.

LA GLANDE SURRÉNALE ou plus pré¬ Reliée au développement musculaire et à


cisément le cortex surrénal sécrète les plusieurs changements physiologiques.
hormones corticotropiques et les andro¬
gènes.

LES GONADES (ovaires ou testicules) Reliés de façon directe au développement


sécrètent les hormones gonadotropiques des caractéristiques sexuelles secondai¬
et les androgènes testiculaires. res.

Source: Figure dessinée à partir des données de D P. Ausubel (1954), J.K. Thomas (1973) et D.H. Eichorn
(1980).
62 Chapitre 3

3.2 FACTEURS D’INFLUENCE DES TRANSFORMATIONS


PHYSIQUES

Les transformations physiques qui surviennent à l’adolescence amènent une


quantité telle de différences individuelles qu’il est possible d’affirmer qu’il n’y a pas
deux modèles pubertaires exactement pareils. Les transformations physiques à l’a¬
dolescence sont influencées par une série de facteurs dont la section qui suit présen¬
tera les plus connus.

3.2.1 Croissance et hérédité

Le bagage génétique fourni par les deux parents détermine le potentiel de


croissance et ce n’est qu’au-delà de ce potentiel que les facteurs environnementaux
peuvent influencer la croissance. Certaines dimensions physiques demeurent ce¬
pendant plus indépendantes du milieu que d’autres. La grandeur du corps (hauteur)
est, par exemple, plus indépendante du milieu de vie que le poids. Ainsi, Carson
(1963) mentionne que des jumeaux identiques élevés séparément ont un écart
moyen de poids de 4,5 kg comparativement à 1,8 kg pour les jumeaux élevés
ensemble. L’âge d’apparition des premières menstruations semble aussi étroitement
lié aux gènes. Les jumelles identiques ont en moyenne leurs premières règles à deux
mois d intervalle, tandis que les jumelles non identiques ont un écart moyen de 10
mois entre elles (Tanner, 1961).

L’hérédité est donc le premier architecte du corps et de son plan de crois¬


sance, et le milieu vient conditionner l’évolution dont le potentiel est déjà tracé à la
naissance dans les chromosomes.

3.2.2 Influence de l’environnement sur la croissance

Bon nombre de transformations physiques survenant à l’adolescence subis¬


sent l’influence de facteurs environnementaux. La nutrition, la maladie, le niveau
socio-économique de la famille et l’exercice physique sont autant d’exemples de
facteurs reconnus susceptibles d influencer de façon relative les changements phy¬
siques à l’adolescence. Un phénomène impressionnant attirera d’abord notre atten¬
tion: il s’agit de l’évolution de la croissance physique au cours des siècles.

3.2.2.1 La tendance séculaire de la croissance physique

Cette tendance séculaire se traduit par l’apparition plus précoce de la maturi¬


té physique au cours des siècles, et par une augmentation progressive de la taille et
du poids de la population (Tanner, 1961; 1962; 1972). En Europe, depuis 1900 envi¬
ron jusqu’à maintenant, la taille moyenne des enfants de 10 à 14 ans a augmenté de 2
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 63

à 3 centimètres par décade. Autrement dit, les adolescents qui avaient 14 ans en
1970 étaient, selon la moyenne statistique de l’ensemble de la population, de 2 à 3
centimètres plus grands que les adolescents qui avaient 14 ans en 1960. La taille
adulte a aussi augmenté depuis un siècle mais à un degré moindre. Ainsi, en Europe
occidentale de 1880 à 1960, la taille moyenne des adultes a augmenté de 0,6 centimè¬
tre par décade (Tanner, 1972).

La tendance séculaire s’est aussi manifestée quant à l’âge des premières tendance séculaire
menstruations par une atteinte plus précoce de la maturité physiologique. Tanner
(1962) fournit des données provenant de plusieurs pays occidentaux lesquelles indi¬
quent un abaissement de l’âge moyen des premières menstruations de l’ordre de 4
mois par décade depuis 1850. En Norvège par exemple, l’âge moyen était de 17 ans
en 1840 et 13 ans 3 mois en 1960; aux États-Unis, il était de 14 ans en 1900 et 12 ans 8
mois en 1960; en Angleterre, de 13 ans 6 mois qu’il était en 1947, il est passé à 12 ans
7 mois en 1960.

Les causes de cette tendance séculaire sont probablement multiples. Une


meilleure alimentation et des croisements génétiques plus diversifiés, occasionnés
par une mobilité géographique accrue (permettant ainsi plus de mariages entre
partenaires originaires de régions différentes), semblent être les principales causes
(Tanner, 1973; Muuss, 1975).

La première observation de ce phénomène séculaire aurait été faite par un


dénommé Roberts, médecin anglais du milieu industriel, qui écrivait en 1876 «... un
enfant de 9 ans travaillant à l’usine aujourd’hui pèse autant que celui de 10 ans qui
travaillait en 1833... chaque âge a gagné un an depuis quarante ans» (tiré de Tanner,
1972, p. 22; traduction libre de l’auteur). Si cette évolution continue à se manifester
en Europe encore maintenant, elle semble avoir atteint un plafond aux États-
Unis où le rythme de croissance est peut-être arrivé à un point culminant (Newman
et Newman, 1979). À l’échelle millénaire, certaines données indiqueraient qu’à
l’époque gréco-romaine, l’âge des menstruations était en moyenne de 13-14 ans,
et qu’il aurait augmenté progressivement jusqu’à 18 ans en Europe au début du 19e
siècle (Zacharias, Rand et Wurtman, 1976). La qualité de vie des civilisations
grecque et romaine serait à l’origine de cette maturation précoce.

3.2.2.2 La nutrition

Tel que mentionné ci-dessus, la nutrition apparaît comme l’un des facteurs
responsables de l’évolution de la maturation physique humaine au cours des siècles.
Pour chaque individu, l’alimentation apparaît comme le facteur environnemental qui
influence le plus le développement physique. Avant même que l’enfant naisse, la
qualité de l’alimentation maternelle conditionne la croissance foetale. La malnutri¬
tion en cours de grossesse augmente la probabilité de complications neo-natales,
d’un poids déficient à la naissance et de mortalité infantile. L’adolescence, comme la
64 Chapitre 3

période prénatale et la petite enfance, correspond à une période d’intense dévelop¬


pement physique, ce qui confère alors une très grande importance à la qualité de la
nutrition.

Une carence alimentaire prolongée, comme on en rencontre encore cou¬


ramment dans les pays économiquement pauvres, a pour conséquence le ralentis¬
sement du rythme de croissance et le retard de la maturation sexuelle. L’âge tardif
des premières menstruations dans les pays pauvres est un des indices les plus
révélateurs de cette relation alimentation-maturation physique (Tanner, 1970).
Même dans des pays riches comme les États-Unis, le déficit calorifique de la diète
chez des adolescents provenant de zones défavorisées peut s’élever à plus du tiers
de la quantité recommandée, c’est-à-dire l’absorption quotidienne de 1800 à 2000
calories plutôt que 2800 à 3000 telle que souhaitable (Newman et coll., 1979).

FIGURE 3.2: Courbes d’évolution des besoins quotidiens de calories en fonction de l’âge
(garçons et filles)

Source: Figure redessinée à partir de KATCHADOURIAN, (H. The Biology of Adolescence San Francisco:
W.H, Freeman and Co., 1977, p. 81.

La figure 3.2 renseigne sur l’évolution des besoins quotidiens en calories à


chaque âge. On peut y observer que c’est entre 14 et 18 ans que les besoins sont les
plus élevés puisque après 18 ans la courbe fléchit. 11 apparaît donc normal que les
adolescents (surtout les garçons) soient de «gros mangeurs».
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 65

Les habitudes alimentaires à l’adolescence sont particulièrement importantes


pour les comportements futurs à l’égard de la nutrition. En effet, l’augmentation
normale de l’appétit pairée avec l’accroissement de l’autonomie comportementale,
fait que l’adolescent doit assumer de façon relativement indépendante l’ajustement
de ses comportements nutritionnels à ses besoins. Or, la «lecture» des sensations
internes de la faim peut être facilement faussée par des états psychologiques nou¬
veaux pour l’adolescent, auxquels celui-ci est davantage sujet que pendant son
enfance. Le stress, qui accompagne les défis nouveaux à relever pendant la puberté,
peut par exemple provoquer une perte d’appétit chez l’un, et une faim insatiable
chez l’autre. Maintenu pendant une période prolongée, un tel cycle stress-faim peut
non seulement avoir des conséquences sur le poids, mais aussi façonner des habi¬
tudes de vie très difficiles à modifier par la suite en raison de la forte dépendance
psychologique reliée aux habitudes alimentaires. Particulièrement vulnérable à l’ir¬
régularité alimentaire en raison de ses plus grands besoins, l’adolescent (fille ou
garçon) est en même temps sujet à sauter des repas, le petit déjeuner notamment,
ou à les remplacer par une barre de chocolat, ou d’autres friandises à valeur nutritive
douteuse (Gift, Washborn et Harrison, 1972). Cependant, avec une information
adéquate et les outils cognitifs plus puissants (c’est-à-dire la pensée formelle) dont il
dispose, l’adolescent peut développer un autocontrôlé mieux adapté à ses besoins
alimentaires (Bruch, 1970).

3.2.2.3 Exercice physique et croissance

L’exercice physique pendant l’adolescence, comme pendant l’enfance d’ail¬


leurs, ne semble pas affecter le rythme de croissance du corps, ni modifier de façon
importante sa morphologie (Tanner, 1952; Parfskovâ, 1973). Les conséquences les
plus perceptibles de l’exercice physique soutenu et sur lesquelles nous possédons le
plus d’informations sont de deux ordres: premièrement des modifications de la
composition tissulaire, et deuxièmement des modifications du fonctionnement mé¬
tabolique.
Selon l’intensité et la durée du régime d’exercice physique, la composition du
corps sera modifiée dans le sens d’une augmentation de la proportion des tissus
maigres dans le corps au détriment de la masse de tissus gras. Parfskovâ (1978) et
Parfskovâ et Sprynarovâ (1967; 1970) ont mené des recherches longitudinales sur
des groupes de garçons qui avaient des régimes variés d exercices physiques. Les
auteurs ont ainsi suivi des sujets de 11 ans à 18 ans. Ces travaux ont démontré une
relation inverse entre la proportion de graisse et 1 exercice, le lien étant le plus fort
pour les 14-15 ans, mais les groupes actifs n’étaient pas différents des groupes
passifs en ce qui a trait aux dimensions suivantes: le poids total du corps, la gran¬
deur, la circonférence du thorax, la hauteur assis, la largeur des hanches et la
robustesse du squelette (évaluée selon la largeur des poignets et des genoux).

L’arrêt du régime d’exercice entraîne une augmentation du poids du corps, arrêt de


régime d’exercice
gain principalement constitué de graisse. Ce phénomène ne serait pas seulement dû
66 Chapitre 3

à une disproportion entre la quantité de calories absorbée par rapport à celle dépen¬
sée, mais aussi à des adaptations métaboliques dues à la passivité nouvelle (Parisko-
vâ, 1973).

capacité aérobique Sur le plan du métabolisme, la capacité fonctionnelle aérobique est grande¬
ment favorisée par l’exercice physique et ce, à tout âge. La consommation d’oxy¬
gène est plus efficace autant dans des conditions d’effort normal que dans des
conditions d’effort maximal, le rythme cardiaque est ralenti, etc. L’exercice physique
amène un meilleur fonctionnement métabolique du corps. L’augmentation de la
quantité d’information diffusée à ce sujet et la plus grande disponibilité des équipe¬
ments sportifs ont amené la société contemporaine, et peut-être encore davantage
la population adolescente, à accepter la relation «exercice-bonne forme physique».
La popularité accrue des programmes d’exercice physique chez les adolescents
(jogging, vélo, natation, ski de fond, etc.) témoigne de cette attitude nouvelle dont les
bienfaits psychologiques non négligeables s’ajoutent au bien-être physique.

3.2.2.4 La maladie

La résistance à la maladie infectieuse semble s’accroître à l’adolescence de


sorte que l’enfant est plus vulnérable que l’adolescent sur ce plan (Bayer et Snyder,
1950). 11 semble, d’autre part, que les maladies passagères comme la rougeole, la
petite vérole, etc. ne perturbent pas l’évolution adolescente (Tanner, 1970). Par
contre, les oreillons chez le garçon à l’adolescence peuvent avoir des conséquences
plus sérieuses que pendant l’enfance à cause de la stérilité qui peut s’ensuivre,
surtout si la maladie s’accompagne d’enflure des deux testicules. La diphtérie et la
tuberculose sont deux types d’affection qui se manifestent plus fréquemment à
l’adolescence qu’au cours de l’enfance (Powell, 1971).

Selon Eberly (1975), les maladies vénériennes sont les infections les plus
sérieuses à l’adolescence. Le fait que ces maladies ne soient pas déclarées à temps
constitue l’obstacle principal à la prévention de leurs effets. Or, le risque de conta¬
mination augmente en fonction des pratiques sexuelles plus libérales des adoles¬
cents d’aujourd’hui lesquels n’ont toutefois pas acquis la maturité suffisante à l’égard
de la consultation médicale (Newman et coll., 1979).

3.2.2.5 Niveau socio-économique et croissance physique

La pauvreté du milieu, avec les problèmes de nutrition qui l’accompagnent,


constitue un handicap à la croissance physique pendant l’enfance et l’adolescence.
Murray (1973), à la suite d’une étude comparative effectuée en Angleterre sur 919
adolescents masculins, observe que le poids n’est pas relié à la classe socio¬
économique mais que la hauteur et la force du corps sont plus grandes chez les
mieux nantis. Tanner (1961) présente plusieurs recherches allant dans le même sens
et précise que la différence de taille est probablement due à une maturation plus
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 67

précoce des classes favorisées, la nutrition et le régime de vie (sommeil, exercice


physique, régularité du programme de vie, etc.) étant plus propices au développe¬
ment dans ces milieux.

3.3 EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES


TRANSFORMATIONS PHYSIQUES

Psychologiquement, le corps est le premier point de repère de notre exis¬


tence, le premier univers connu. Les premières représentations et activités mentales
se construisent à partir de l’exploration du corps et des effets de son activité dans
l’environnement physique et social (Piaget, 1963). Survenant après la période d ac¬
calmie relative que constitue la deuxième moitié de l’enfance, les changements
physiques de l’adolescence vont remettre en question la référence de base qu’est le
corps. La personne doit redécouvrir son corps.

Le corps et l’identité personnelle sont socialement indissociables: le nom, la


citoyenneté, les fonctions, les propriétés, etc. n’ont de signification que si elles sont
associées, ne serait-ce qu’en dernier lieu au moins, à un corps défini. Or, ce qui
survient à l’adolescence correspond à la transformation de ce référent premier, non
pas d’une façon contrôlée par la personne elle-même ou selon un rythme que 1 indi¬
vidu choisit, mais selon une programmation où la volonté n’intervient pas.

Imaginez que l’élément physique le plus près de vous, le plus intime, c est-à-
dire votre propre corps, se mette à changer, à se transformer sans que vous puissiez
contrôler la direction, le rythme ou le point d’arrêt de l’évolution. Certes, ce n’est
pas en une nuit que se produit la «métamorphose», mais chacune des nouvelles
transformations survient de façon imprévisible et malheureusement, pas toujours
conforme à l’idéal visé. En effet, bien que nous puissions prévoir objectivement
certaines caractéristiques physiques à partir des observations faites sur les parents,
l’espoir qu’ont les «trop petits» de devenir «grands» persiste jusqu’à l’âge adulte et
même au-delà. Les adolescents n’ont toutefois pas nécessairement le dédain de tous
les changements que subit leur corps, et bon nombre de caractéristiques nouvelles
font l’objet d’une grande fierté, leur venue étant vivement souhaitée. La force muscu¬
laire, la barbe des garçons, ou les seins, la forme des hanches et la taille des filles, en
sont autant d’exemples. Dans la section qui suit, les effets psychologiques et sociaux
du rythme pubertaire et des transformations physiques seront discutés.

3.3.1 Effets psychologiques du rythme de maturation

On sait que l’explosion de croissance, comme l’atteinte de la maturité


sexuelle, ne survient pas en même temps chez tous les individus. La maturité maturité précoce
sexuelle précoce n’a pas le même impact psychologique que la maturité tardive et le maturité tardive
rythme de maturation constitue un élément important du vécu personnel à l’adoles¬
cence.
68 Chapitre 3

Dans une classe de niveau secondaire regroupant des garçons de 14-15 ans
par exemple, l’élève qui a déjà sa voix adulte, de la barbe et un corps presque
achevé, possède une image sociale très différente de celle de son collègue qui a un
visage, une voix et une taille d’enfant. Weatherley (1964), après avoir examiné la
documentation sur ce sujet, mentionne que, pour les garçons, une maturité précoce
comporte des avantages incluant un statut social plus élevé auprès des pairs et des
adultes, un impact hétérosexuel plus grand et d’autres bénéfices comme des succès
athlétiques plus faciles, etc. Par contre, une maturation tardive chez le garçon a
tendance à ternir l’image qu’il a de lui-même face aux autres, à inhiber ses compor¬
tements d’interaction sociale, à susciter des sentiments de rejet et d’impuissance
(Jones, 1957; Weatherley, 1964). À l’école, l’individu qui a l’air jeune pour son âge
entre quand même en concurrence avec des collègues qui ont l’air de «grands
frères» par rapport à lui. Conséquemment, pour tout ce qui implique la popularité
personnelle, les attentes d’efficacité dans les sports, les responsabilités de groupe,
etc., l’apparence enfantine est généralement défavorable pour le garçon.

Chez les filles, l’effet du moment de maturation n’est pas aussi clair. Par
exemple, on a longtemps affirmé qu’une maturation sexuelle tardive avantageait les
filles. Jones (1946) mentionnait que les adolescentes qui ont l’air plus jeunes étaient
jugées plus favorablement par les adultes et par leurs pairs sur des dimensions
comme la sociabilité, le leadership, la jovialité, la tenue et l’expressivité. Le même
auteur mentionnait aussi que les parents des adolescentes précoces étaient plus
craintifs en ce qui a trait aux relations hétérosexuelles de leurs filles. Ainsi, au cours
des années 1949-1950, les signes précoces de maturité sexuelle féminine consti¬
tuaient une sorte de handicap social pour les filles mais un avantage pour les
garçons. La culture occidentale de l’époque se reflétait sans doute dans ce genre
d’attitude.

Des données plus récentes (Hamachek, 1980) indiquent toutefois que ces
attitudes fortement teintées des valeurs culturelles du moment ont évoluées puisque
les adolescentes contemporaines retirent des avantages d’une maturation physique
précoce même si ces derniers ne sont pas aussi apparents que chez les garçons.
C’est sur le plan social que le fait d’avoir l’air d’une femme a d’abord un impact et
rétroactivement, la popularité plus grande et le statut plus adulte que l’entourage
confère à l’adolescente précoce favorisent le développement de sa confiance en
elle-même.

Les effets psychologiques de la période de maturation pubertaire sont forte¬


ment conditionnés par la culture et susceptibles d’évoluer avec les années. C’est
l’image sociale du corps qui est à l’origine d’une bonne part de ces effets psychologi¬
ques de sorte qu’il est permis d’espérer un contrôle des effets négatifs reliés à la
maturation tardive. Connaissant mieux les mécanismes de valorisation sociale qui
jouent en faveur du rythme de maturation — que l’on ne choisit malheureusement
pas les milieux éducatifs (famille, école, etc.) peuvent développer des attitudes
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 69

moins dépendantes face aux apparences physiques et moins défavorables à l’égard


de certains adolescents. En étant plus conscient des effets de ce phénomène, il
devient possible de mieux contrôler son impact psychologique.

3.3.2 Apparence physique et image sociale

Si le moment au cours duquel se manifestent les changements physiques


influence le vécu de l’adolescent, la nature de ces changements possède aussi un
impact psychologique important. Dans la section qui précède, l’apparence «plus
adulte» provoquée par la maturation précoce est apparue comme un facteur socia¬
lement positif. Toutefois, toutes les transformations physiques si précoces soient-
elles ne sont pas nécessairement favorables. La beauté physique contribue aussi
dans le processus de valorisation sociale et d’élaboration de l’image personnelle des
adolescents; il n’y a pas que le rythme des changements qui compte, la qualité aussi.

Prenant d’abord racine dans le corps, l’image sociale de la personne semble


être soumise à des constantes esthétiques, certains types physiques sont qualifiés
d’emblée de plus attirants. La forme du corps définit des stéréotypes sociaux, c’est-
à-dire que l’entourage attribue à une personne des caractéristiques psychologiques
selon l’appréciation qu’il fait de son corps (Sheldon et Stevens, 1942; Cavior et Sheldon
Dokecki, 1973; Adams et Crossman, 1979). Les travaux de Sheldon au cours des
années 1940 ont ouvert la voie à tout un courant de recherches sur la corrélation
entre la personnalité et le type physique, c’est-à-dire le somatotype (Sheldon, Ste¬ somatotype
vens et Tucker, 1940; Sheldon, Dupertuis et McDermott, 1942). Par la suite, on a
raffiné les hypothèses de base et émis plus de réserves au sujet de la relation
corps-personnalité. Sorell et Nowak (1981) font une revue intéressante de la docu¬
mentation sur le rôle de l’apparence physique dans le développement.

Sheldon a défini trois somatotypes de base: le type endomorphe, le type


mésomorphe et le type ectomorphe. Chacun de nous constitue un exemple plus ou
moins pur de l’un ou l’autre de ces trois types. La figure 3.3 présente le schéma de
ces trois pôles de catégorisation de la population.

Le somatotype correspond à l’apparence générale du corps lorsque la crois¬


sance est achevée, c’est-à-dire vers 20 ans. Théoriquement, cette apparence est
immuable et ne dépend pas de l’alimentation ou de l’exercice physique. Le type
ectomorphe est celui dont le corps a une forme allongée, une structure délicate et
une musculature réduite, il projette une image de fragilité, de discrétion, de sensibili¬
té et de susceptibilité. Le type mésomorphe dont le corps est musclé, d’apparence
solide et de bonne hauteur, est socialement identifié à la force, à 1 audace, à 1 efficaci¬
té, à la réussite et au leadership. Enfin, le type endomorphe est gros, lourd, tout en
rondeur. Il projette une image de calme, de jovialité, de confort physique et de
bonhommie.
70 Chapitre 3

La désirabilité des caractéristiques sociales associées aux types physiques


peut varier d’une culture à l’autre et aussi d’une classe sociale à l’autre (Clausen,
1975). Dans certains groupes sociaux, les femmes bien en chair seront reconnues
comme les plus belles, alors qu’ailleurs les femmes maigres et élancées seront consi¬
dérées comme plus attirantes. Pour certaines cultures, les hommes solides et forts
seront les plus attirants, alors qu’ailleurs les femmes préféreront les types délicats et
cérébraux. Cependant, et sans qu’il soit possible de nier les attraits potentiels des
types endomorphes et ectomorphes, il apparaît que le type mésomorphe soit celui à
qui, généralement, on attribue la plus belle apparence physique (Cavior et Dokecki,
1973).

FIGURE 3.3: Schémas des trois somatotypes proposés par Sheldon

TYPE ENDOMORPHE: TYPE MÉSOMORPHE: TYPE ECTOMORPHE:


Gros, lourd, potelé. Grand, musclé, solide. Allongé, délicat, muscles réduits.

FEMMES

HOMMES
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 71

Il semble que les critères de beauté soient relativement consensuels et stables


pendant la durée de l’adolescence. Cavior et Dokecki (1973) ont en effet observé un
fort degré d’homogénéité dans l’évaluation de la beauté des pairs chez des adoles¬
cents des deux sexes. Les critères d’esthétique seraient donc, d’une part, sujets à
certaines variations culturelles et d’autre part, l’objet de consensus chez les adoles¬
cents.

Traditionnellement, l’apparence physique était considérée comme une pré¬ apparence physique
occupation plutôt féminine puisque «la beauté» n’avait pas tellement d’importance
pour les hommes. Des données récentes sur ce sujet démontrent que les relations
interpersonnelles des hommes comme celles des femmes sont influencées de façon
significative par l’apparence du visage et du corps (Adams et coll., 1979). Toutes
choses étant égales par ailleurs, les personnes de belle apparence sont mieux
aimées, jugées plus favorablement et considérées comme ayant davantage de pou¬
voir social que les autres (Wilson et Nias, 1976; Snyder, Berscheid et Tanke, 1977;
Hamachek, 1980). Ce phénomène joue pendant la plus grande partie de la vie de
sorte qu’il ne peut être considéré comme le propre de l’adolescence. Mais cette
période a ceci de particulier qu’elle permet la découverte, chez soi et chez autrui, de
l’interdépendance de l’apparence physique, de la popularité, du statut social, etc.
dans les relations interpersonnelles.

De plus, l’autonomie accrue de l’adolescent dans le choix de ses vêtements,


de sa coiffure, etc. l’implique davantage dans ce jeu social de l’image personnelle.
Les pulsions sexuelles physiques de concert avec la découverte sociale de l’autre
sexe demeurent peut-être les déclencheurs les plus puissants de cette prise de
conscience de l’effet interpersonnel du corps. Ce phénomène psychologique est
aussi alimenté par la sensibilité plus grande à l’égard des réactions des autres. La
difficulté de prévoir l’effet social des transformations de son corps, la recherche
d’une identité, le manque d’expérience sociale et de confiance en soi constituent
autant d’ingrédients qui concourent à entretenir la centration sur soi, ou l’égocen¬
trisme adolescent (Looft, 1971).

Quel est toutefois le pouvoir réel que l’individu possède sur son «apparence
sociale»? Four certains, la nature a bien fait les choses, pour d’autres non. Le type
physique (somatotype) et le rythme de croissance étant déterminés génétiquement,
il reste à chacun l’option de tirer le meilleur parti de son sort. C’est d’ailleurs en
bonne partie au moment de la prise de conscience et de l’acceptation de cet état de
fait que se décide le style social personnel. Les adolescents qui ont une belle appa¬
rence physique vont utiliser cet avantage dans leur développement social, c’est
normal. Trop tabler sur cet aspect risque cependant de nuire à long terme en
négligeant les autres fonctions personnelles à développer. Les adolescents qui pos¬
sèdent un moins bon «équipement corporel» vont tenter de construire leur image à
partir d’autres éléments. Les exemples de réussite sociale de personnes ayant un
physique désagréable sont nombreux, et servent d’ailleurs à maintenir la conviction
que l’individu lui-même possède un pouvoir significatif dans son évolution person¬
nelle.
72 Chapitre 3

AUTO-ÉVALUATION

1. La glande pituitaire postérieure sécrète les six hormones de contrôle des glandes périphériques.

a) Vrai
b) Faux

2. Les six hormones pituitaires contrôlent la sécrétion des glandes périphériques. Chaque hormone pituitaire est reliée à une glande
spécifique. Parmi les associations «hormone-glande» suivantes, identifiez celles qui sont justes.

a) L’hormone thyrotropique - glandes surrénales;


b) les hormones gonadotropiques - gonades;
c) l’hormone lactotropique - glandes mammaires;
d) l’hormone thyrotropique - glande thyroïde;
e) l’hormone adrénocorticotropique - glandes surrénales;
f) l’hormone somatotropique - les ovaires.

3. Les hormones pituitaires se véhiculent par le sang vers les glandes périphériques.

a) Vrai
b) Faux

4. La gynécomastie correspond à l’apparition de caractéristiques secondaires mâles chez la fille.

a) Vrai
b) Faux

5. Parmi les dimensions suivantes, identifiez-en deux qui sont davantage susceptibles d’être reliées au bagage génétique.

a) Le poids du corps;
b) la grandeur du corps;
c) l’âge des premières menstruations;
d) les goûts alimentaires;
e) la couleur des yeux.

6. La tendance de la croissance physique au cours des siècles se traduit par l’apparition plus tardive de la maturité physique et par une
augmentation progressive de la taille et du poids de la population.

a) Vrai
b) Faux

7. La tendance de la croissance physique au cours des siècles se manifeste par certaines modifications du pattern de croissance.
Identifiez parmi les facteurs suivants ceux que l’on a décrit comme étant influencés par cette tendance.

a) L’âge des premières menstruations;


b) l’habileté motrice;
c) la hauteur du corps de la population;
d) le poids de la population;
e) la proportion des jambes par rapport aux bras.

8. La carence alimentaire prolongée peut être une cause de ralentissement du rythme de croissance et de retard de la maturation
sexuelle.

a) Vrai
b) Faux
Facteurs reliés aux transformations physiques à l’adolescence 73

9. À quelle période de la vie les besoins alimentaires en calories sont-ils les plus importants?

a) 0 à 2 ans;
b) 8 à 10 ans;
c) 12 à 14 ans;
d) 14 à 18 ans;
e) 10 à 12 ans;

10. L’exercice physique à l’adolescence ne semble pas affecter le rythme de croissance du corps ni modifier de façon importante
sa morphologie.

a) Vrai
b) Faux

11. Identifiez, parmi les éléments suivants, deux des conséquences les plus perceptibles de l’exercice physique à l’adolescence.

a) La grandeur du corps;
b) la composition du corps;
c) le fonctionnement métabolique;
d) la robustesse du squelette;
e) la circonférence du thorax.

12. L’augmentation de la quantité de graisse conséquente à l’arrêt d’un régime d’exercice ne serait pas seulement due à une absorption
trop grande de calories par rapport à la dépense d’énergie, mais aussi à des adaptations métaboliques à la passivité nouvelle.

a) Vrai
b) Faux

13. La résistance aux maladies infectieuses décroît à l’adolescence de sorte que l’enfant est plus vulnérable que l’adolescent sur ce plan.

a) Vrai
b) Faux

14. La diphtérie et la tuberculose sont deux types d’affection qui apparaissent plus fréquemment pendant l’enfance qu’à l’adolescence.

a) Vrai
b) Faux

15. La hauteur et la force du corps seraient plus grandes chez les adolescents de milieux favorisés que chez ceux des milieux défavorisés.

a) Vrai
b) Faux

16. Identifiez parmi les éléments suivants, les effets possibles d’un rythme rapide de maturation chez l’adolescent masculin.

a) Un statut social plus élevé auprès des pairs;


b) un impact hétérosexuel plus grand;
c) des succès athlétiques moins grands;
d) un statut social moins élevé auprès des adultes;
e) des succès athlétiques plus faciles.

17. Au cours des années 40 et 50, les signes précoces de maturité sexuelle féminine constituaient une sorte de handicap social pour les
filles, mais des données plus récentes indiqueraient que les adolescentes d aujourd hui retirent des avantages d une maturation
physique précoce.

a) Vrai
b) Faux
74 Chapitre 3

18. Le somatotype correspond au type d’apparence générale du corps lorsque la croissance est achevée, c.-à-d. vers 20 ans. Identifiez
parmi les types suivants les trois somatotypes définis par Sheldon (1942).
a) Le type ectomorphe;
b) le type picnico-digestif;
c) le type musculomorphe;
d) le type mésomorphe;
e) le type endomorphe;
f) le type allomorphe.

19. Parmi les qualificatifs suivants, indiquez-en deux qui caractérisent théoriquement l’image projetée par le somatotype ectomorphe.
a) Sensible;
b) audacieux;
c) leader;
d) susceptible;
e) calme;
f) discret;
g) jovial;
h) fragile;
i) bonhomme;
j) efficace.

20. Parmi les qualificatifs suivants, indiquez-en deux qui caractérisent théoriquement l’image projetée par le somatotype mésomorphe.
a) Sensible;
b) audacieux;
c) leader;
d) susceptible;
e) calme;
f) discret;
g) jovial;
h) fragile;
i) bonhomme;
j) efficace.

21. Parmi les qualificatifs suivants, indiquez-en deux qui caractérisent théoriquement l’image projetée par le somatotype endomorphe.
a) Sensible;
b) audacieux;
c) leader;
d) susceptible;
e) calme;
f) discret;
g) jovial;
h) fragile;
i) bonhomme;
j) efficace.

22. Sans qu’il soit possible de nier les attraits potentiels des types endomorphes et ectomorphes, il apparaît que le type mésomorphe soit
celui à qui généralement on attribue la plus belle apparence physique (Cavior et coll., 1973).
a) Vrai
b) Faux

23. Des données récentes démontrent que les relations interpersonnelles des hommes ne sont pas influencées de façon significative par
l’apparence du visage et du corps (Adams et coll., 1979).
a) Vrai
b) Faux
Chapitre 4

Le développement de
l’intelligence à
l’adolescence

4.1 ACTIVITÉ MENTALE ET EXPÉRIENCE DE VIE

4.2 LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF À L'ADOLESCENCE SELON PIAGET

4.3 LA STRUCTURE DE LA PENSÉE FORMELLE


4.3.1 Le groupe INRC
4.3.2 Le système combinatoire

AUTO-ÉVALUATION
76 Chapitre 4

Développement mental et expérience de vie


Exemple 1
Anne-Marie, 17 ans.
«L’échelle physique des choses»

«J’ai passé cinq ans de mon enfance dans le quartier sud de la ville. De 2 ans à 7 ans j’ai habité sur la rue Dupont. J’ai encore en
tête l’image de la ruelle et des cours arrières des maisons: très longue, la ruelle rassemblait les entrées d’une multitude de grands terrains,
chacun donnant sur une maison différente, sur un «domaine» où vivaient des gens différents. J'ai mis plusieurs années à maîtriser ce
monde, à oser l’explorer en entier, à l’encontre parfois de certaines défenses de mes parents. J’ai maintenant 17 ans et viens tout juste
d’obtenir mon permis de conduire. L’autre jour, j’avais l’auto du paternel, j’ai décidé de retourner rue Dupont en voiture pour revoir ce
coin.

«Incroyable! En arrivant dans la ruelle en voiture, j’ai eu un choc. J’aurais juré qu’on avait tout rapetissé, tout divisé au moins par
deux. La grande ruelle était devenue minuscule, les cours, des espaces exigus où deux voitures trouvent à peine leur place. Dans ma tête,
l’image de mon enfance et celle que j’ai eue l’autre jour ne peuvent coller l’une à l’autre, même si en fait elles traduisent la même réalité. Je
conserve celle de mon enfance et oublie l’autre...»

Exemple 2
Louis, 16 ans.
«Les idoles de l’enfance»

«J’ai été élevé en campagne, non pas sur une ferme mais dans une maison de rang entourée de fermes. Notre voisin de gauche.
Monsieur Martin a toujours été bien équipé: beau tracteur, bons outils, belle voiture. Lorsque j'étais plus jeune j’ai toujours admiré
Monsieur Martin. Il était fier et ne me parlait pas, mais il m’impressionnait beaucoup. Il avait l’air fort, puissant.

«Notre voisin de droite, Monsieur Tremblay, était à peu près le contraire. Il ne possédait qu’une vieille camionnette et un vieux
tracteur, il avait l’air de prendre la vie comme elle venait sans se presser. Lorsqu’il nous voyait mes amis et moi, il nous parlait volontiers.
Nous l’appelions le «père Tremblay» et il ne nous impressionnait guère. Il était trop facile, trop «ordinaire».

«Depuis quelques années j’ai pu aider l’un et l’autre de nos voisins à l’occasion. Ma vision de chacun a complètement changé. Les
beaux outils de Monsieur Martin ne m’impressionnent plus et j’admire beaucoup plus le contact d’amitié de Monsieur Tremblay. Avec lui
je suis traité comme un homme alors que Monsieur Martin me traite comme un petit jeune, ne me confie pas de travaux importants et ne
me parle presque pas. J’aime mieux travailler deux jours avec le père Tremblay qu’une heure avec Monsieur Martin.»

Exemple 3
Louise, 15 ans.
«Le bal de fin d’année»

«Dans un mois c’est le bal de fin d’année de notre classe. C’est maintenant le temps d’inviter un garçon pour m’accompagner. Rien
qu’à y penser je deviens nerveuse. J’ai le coeur qui accélère. Toutes sortes d’idées me viennent à l’esprit. J’ai peur d’être refusée, je ne
sais pas quelle robe mettre, je me dis que je pourrais me déclarer malade ce jour-là et ne pas avoir à aller au bal. Cette série d’idées me
vient continuellement à l’esprit depuis une semaine, depuis que j’ai décidé d’appeler Robert pour qu’il m’accompagne.

«Je connais Robert depuis au moins dix ans. Nous avons très souvent joué ensemble lorsque nous étions jeunes. Plusieurs fois il
est venu passer quelques jours au chalet, l’été. Lorsque nous allions à l’école élémentaire, il m’invitait à manger chez lui et je faisais la
même chose. Ça ne me dérangeait pas lorsqu’il refusait une invitation ou ne pouvait pas venir, sans rancune, je me trouvais un autre ami,
ou amie.

«Maintenant seulement à l’idée de lui téléphoner j’ai peur. Je ne sais pas ce que je vais faire s’il refuse de m’accompagner. Je sais
que je pourrai avoir Paul, le frère de mon amie Lucie. Mais il est plus jeune et je crois que je préférerais ne pas aller à la soirée plutôt que
d’y aller avec lui. Je ne sais pas quoi dire à Robert pour ne pas qu’il refuse. C’est très compliqué...».
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 77

4.1 ACTIVITÉ MENTALE ET EXPÉRIENCE DE VIE

La poussée de croissance du corps, l’apparition des caractéristiques


sexuelles secondaires et la maturation sexuelle ne sont pas les seuls changements
qu’apporte le tournant des 12 ans. L’ensemble de l’activité mentale connaît en même
temps une restructuration importante. De nouveaux outils de pensée se dévelop¬
pent et exercent leur activité sur des contenus jusqu’alors inaccessibles, tant du côté
du monde physique que du côté du monde social.

Du côté de l’environnement physique, l’adolescence ouvre l’accès à des no¬


tions que l’enfant ne pouvait saisir dans toute leur réalité en raison de leur trop
grande complexité. Les notions d’accélération, de proportion, de probabilité, de
corrélation en sont des exemples. Quant à l’environnement social, ce que les autres
pensent de nous, de notre image, la qualité morale de la conduite d’autrui, la justice
sociale sont des univers qui deviennent des objets de réflexion plus présents dans la
vie mentale. L’adolescent découvre progressivement les facettes complexes des
relations interpersonnelles. Sa propre théorie explicative du comportement des
autres évolue en même temps qu’il apprend à se connaître lui-même, à comprendre
sa propre personnalité. Les «ce qu’il pense que je pense de lui», «j’espère avoir le
courage de lui dire vraiment ce que je pense d’elle» sont des exemples de réflexions
sociales qui surgissent à l’adolescence. L’adolescent peut réfléchir sur des concepts,
penser à des pensées; il s’agit là d’un phénomène nouveau pour lui.

Ainsi, l’activité mentale connaît des transformations profondes et, de la même


façon que le corps d’enfant devient un corps d’adulte, la pensée enfantine devient
une pensée adulte. C’est comme si la réalité physique et les relations sociales n’a¬
vaient été envisagées jusqu’à maintenant que selon deux dimensions et que, à partir
de 12 ans, la troisième dimension apparaissait pour remettre en question l’ensemble
de l’équilibre notionnel. De même que la croissance physique n’apporte pas que des
changements malheureux mais aussi tout un univers de possibilités nouvelles et
heureuses, l’activité mentale de l’adolescent n’est pas constituée que de tumulte et
de remises en question, elle permet aussi l’accès à une nouvelle puissance de raison¬
nement qui fait que dans les relations avec le monde adulte «on n’est plus un enfant».
L’adolescence apporte un bagage cognitif qui transformera progressivement l’acti¬
vité mentale de l’enfant en une pensée adulte.

Les transformations de l’activité mentale ne sont pas seulement une zone de


changement parmi d’autres à l’adolescence, elles constituent aussi le centre premier
de l’évolution de l’expérience de vie car c’est par la pensée que l’adolescent réalise sa
vie. Chacune des dimensions physique, sociale, émotionnelle, sexuelle, vocation-
nelle, etc. de la vie n’existe pour l’individu que dans la mesure où elle possède sa
place dans l’activité mentale. La pensée est le coeur de la vie subjective.

Souvent à tort, on réduit la pensée au raisonnement scientifique ou à la


stricte logique, impliquant ainsi que tout ce qui n’est pas régi par une règle, une loi,
78 Chapitre 4

une numérotation ou un nom n’appartient pas à la pensée, mais plutôt à quelqu’au-


tre monde appelé émotion, affectivité ou instinct.

Les langages distincts qu’emploie la psychologie pour parler d’intelligence,


d’affectivité ou de socialisation sont probablement responsables de cette confusion
de la pensée et de la logique. Pourtant on sait que c’est par son activité mentale que
la personne se rend compte de ce qui lui arrive, qu’elle réalise ses expériences dans
toutes les sphères de sa vie.

Or, si les outils de base de cette activité mentale sont modifiés, transformés
pour devenir plus puissants, toute l’expérience de vie en est affectée. C’est ce qui se
produit à l’adolescence, moment où la capacité d’établir des relations mentales
devient plus grande. L’adolescent peut comprendre des situations plus complexes
que l’enfant parce qu’il peut considérer plusieurs facteurs à la fois. 11 peut élaborer
des projets dans sa tête sans être lié au concret, il peut effectuer des analyses et des
déductions impossibles à l’enfant, ce qui lui permet de comprendre et de critiquer les
positions des adultes.

Ainsi, l’adolescence amène une transformation profonde de l’appareil mental


qui modifie, en y ajoutant des dimensions nouvelles, l’ensemble de l’expérience du
vécu personnel. La vie affective, l’image de soi, la personnalité sociale, la pensée
logique sont autant de facettes du vécu qui sont touchées par le développement
cognitif à l’adolescence. La théorie du développement cognitif élaborée par le psy¬
chologue suisse Jean Piaget constitue à ce jour l’explication la mieux structurée des
changements qui surviennent au sein de l’appareil conceptuel au cours de l’adoles¬
cence. Après un bref rappel de l’évolution du raisonnement au cours de l’enfance, la
section qui suit tente de faire ressortir les grandes lignes de l’explication piagétienne
du développement cognitif.

4.2 LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF A L’ADOLESCENCE


SELON PIAGET

Jean Pioget Jean Piaget fut d’abord biologiste. Sa formation dans cette discipline influen¬
ça l’ensemble de son oeuvre sur le développement et le fonctionnement de l’intelli¬
gence humaine. Né en 1896, Piaget obtint un doctorat en 1918 de l’Université de
Neufchâtel et sa thèse traitait des mollusques1. Intéressé par l’adaptation biologique,
Piaget s’arrêta sur le développement de l’intelligence chez l’enfant afin d’apprendre
comment évolue la capacité d’adaptation au milieu. Pour Piaget, l’intelligence hu¬
maine est une forme d’adaptation qui est un prolongement des mécanismes adapta¬
tifs biologiques (Piaget, 1963). «Dire que l’intelligence est un cas particulier de In¬
adaptation biologique daptation biologique, c’est donc supposer quelle est essentiellement une organisa¬

is Thèse publiée en 1921 sous le titre Introduction à la malacologie valaise.


Le développement de l’intelligence à l’adolescence 79

tion et que sa fonction est de structurer l’univers comme l’organisme structure le


milieu immédiat» (Piaget, 1963, p. 10). L’intelligence a pour fonction d’organiser la
réalité selon des structures qui ont leur point de départ dans des actions très
concrètes (les schèmes réflexes du nouveau-né ou les schèmes sensorimoteurs du schèmes
bébé). Ces structures ont leur point d’achèvement dans le raisonnement formel de
l’adolescent et de l’adulte. L’oeuvre de Piaget couvre une partie considérable de
cette évolution de l’activité mentale humaine qui passe du simple réflexe au raison¬
nement abstrait. Dès les années 1920, Piaget avait la conviction que la connaissance
humaine posait le problème des relations entre l’organisme qui agit et les objets de
son expérience, c’est-à-dire entre le sujet et son milieu. Jusqu’à sa mort en 1980,
Piaget n’a cessé de s’intéresser au développement de la connaissance. Son oeuvre
gigantesque en fait un des tout premiers psychologues du XXe siècle.

Un bon nombre d’ouvrages ont été publiés afin de présenter une vue d’en¬
semble de cette théorie et nous invitons le lecteur désireux de l’approfondir davan¬
tage à s’y référer (Dolle, 1974; Ginsberg et Opper, 1979; Flavell, 1963; Piaget, 1970).

La théorie de Jean Piaget s’articule autour d’une série de mécanismes fon¬


damentaux appelés «invariants fonctionnels». Il s’agit de fonctions de base du déve¬ invariants
loppement à partir desquelles les comportements, aussi bien moteurs qu’intellec¬ fonctionnels
tuels, évoluent en s’ajustant graduellement.

Le développement se traduit par une équilibration progressive des conduites.


À la base de ce cycle développemental se trouvent les fonctions d’adaptation et adaptation
d’organisation. L’adaptation est l’équilibre que l’organisme établit entre lui-même et organisation
son milieu. C’est la fonction externe du cycle développemental. L’organisation, c’est-
à-dire la fonction interne du développement, est inséparable de l’adaptation en ce
quelle structure les mécanismes internes nécessaires à l’adaptation.

L’adaptation et l’organisation sont complémentaires: en s’adaptant au milieu,


le sujet s’organise, il articule son fonctionnement autour de structures de conduite
de plus en plus différenciées (les schèmes). Ce faisant, il augmente sa capacité
d’adaptation au milieu. Ainsi, une meilleure organisation permet une meilleure adap¬
tation.

Deux mécanismes se trouvent à la base de l’adaptation: l’assimilation et assimilation


l’accommodation2. L’assimilation correspond à l’incorporation d’éléments du milieu
à la structure de l’organisme. Le sujet transforme alors les éléments pour les inté¬
grer, les assimiler à ses structures. Pour ce qui est de l’accommodation, le sujet accommodation
modifie ses structures (ses schèmes), il se transforme en fonction des pressions
qu’exerce sur lui le milieu extérieur.

(2) On peut aussi parler de ces mécanismes dans la fonction interne du développement, c.-à-d. dans l’organisa¬
tion. L’assimilation correspondrait alors à l’intégration par un schème «A» d’un autre schème «B», tandis
que l’accommodation correspondrait à l’inverse, soit la transformation du schème «A» au profit du schème
« B ».
80 Chapitre 4

L’adaptation résulte d’un équilibre relatif entre l’assimilation et l’accommoda¬


tion. Selon Piaget, ce cycle adaptatif se retrouve aussi bien sur le plan biologique que
sur le plan du fonctionnement de l’intelligence. Le tableau 4.1 présente des exemples
d’adaptation en matière d’assimilation et d’accommodation.

Les fonctions d’adaptation et d’organisation sont intimement liées dans le


développement de l’intelligence. L’interaction sujet-milieu est conditionnée par le
degré d’organisation atteint par l’intelligence, et ce dernier degré évolue grâce à une
construction progressive alimentée par l’activité du sujet, c.-à-d. par l’interaction

TABLEAU 4.1: L’adaptation définie en fonction des mécanismes d’assimilation et d’accommodation selon Piaget (1963)

ADAPTATION

L'adaptation est l’équilibre entre l'assimilation et l'accommodation. Elle est le résultat de l'assimilation d’éléments en fonction des
structures préexistantes dans l’organisme, et de l’accommodation des structures aux éléments et aux situations nouvelles. Théorique¬
ment, la recherche d’équilibre, c.-à-d. l’équilibration, est constante pendant le développement et ne s’achève que lorsqu’un système stable
d’adaptation est constitué. L’adaptation combine donc les transformations que l’organisme imprime sur son milieu (assimilation) et celles
qu’il subit lorsqu’il incorpore le nouveau (accommodation). C’est l’équilibre entre ces deux pôles qui constitue l’adaptation.

ASSIMILATION ACCOMMODATION

L’assimilation est le mécanisme par lequel l’organisme incorpore L'accommodation est le mécanisme par lequel l’organisme modifie
les éléments extérieurs en fonction de ses structures propres. ses structures afin de s’adapter à une réalité ou à une expérience
nouvelle

L’ensemble des conduites humaines comporte une certaine dose d’assimilation et d’accommodation, depuis le plan biologique jusqu’aux
activités mentales complexes. En voici quelques exemples:

Exemple 1: La digestion. Lorsqu’une personne se nourrit, les éléments incorporés sont digérés, c’est-à-dire assimilés au corps, à ses
structures. Cette incorporation se fait toutefois de façon différente selon le type d’aliment. Le fonctionnement digestif
s’accommode ou se plie aux caractéristiques des aliments de sorte que la transformation pourra être de deux à trois fois plus
longue pour certaines viandes crues que pour certains potages légers.

Exemple 2: Le manche de hache. Au début du siècle, les bûcherons se sculptaient parfois de nouveaux manches de hache en début de
saison de coupe. Une certaine période d’adaptation à l’outil pouvait alors être observée où la main de l’homme (c’est-à-dire
la structure de l’organisme) assimilait l’outil par frottement et en usait des parties de façon distinctive. La main s’accom¬
modait par ailleurs à la carrure du manche en développant des ampoules puis de la corne à certains endroits spécifiques
selon le frottement. La main et la hache s’adaptaient l’une à l’autre.

Exemple 3: La résolution du problème. La solution à un problème posé suppose au préalable que ses données soient assimilées,
c’est-à-dire intégrées aux structures mentales lesquelles, à leur tour, doivent s’accommoder aux caractéristiques spécifi¬
ques des données du problème. La solution au problème, c’est-à-dire l’adaptation, est le résultat de la rencontre entre les
opérations mentales dont le sujet est capable (pôle d’assimilation) et l’application appropriée de ces structures au contexte
du problème (pôle d’accommodation).

Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: PIAGET, J. La Naissance de l’intelligence. 4e éd. Neufchâtel: Delachaux et Niestlé,
1963.
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 81

entre son milieu physique et son milieu social. C’est pour cela que la théorie de
Piaget est dite interactionniste et constructiviste. L’auteur propose quatre facteurs
responsables du développement cognitif: a) la maturation physique; b) l’interaction
avec l’environnement physique; c) l’influence du milieu social; et d) l’équilibration. équilibration
Ce dernier facteur, plus particulier à la théorie de Piaget, correspond à une tendance
innée de l’organisme à rechercher un équilibre adaptatif, à intégrer les données du
milieu à ses structures et à ajuster ces dernières aux impératifs de l’environnement.
Par l’équilibration, le sujet améliore l’organisation de ses conduites lui permettant
ainsi des adaptations mieux réussies.

Certaines conduites sont moins adaptées parce qu’il y a un déséquilibre


relatif entre les deux pôles en raison de l’excès de l’un d’eux.

Exemple d’excès d’assimilation: La personne qui effectue un sondage d’opinion par


téléphone et qui doit répéter des centaines de fois les mêmes phrases dans le
même ordre peut en venir à fonctionner «automatiquement» sans faire de
distinction d’un répondant à l’autre. Ici, les schèmes ou habitudes de l’enquê¬
teur dominent sa conduite et rendent son comportement moins adapté par
excès d’assimilation. C’est la rigidité de la personne qui n’écoute pas.

Exemple d’excès d’accommodation: C’est le cas de l’adolescent qui n’a que peu
d’amis et qui, en groupe, veut tellement établir de bonnes relations avec tous
qu’il approuve à peu près tout au risque de se contredire fréquemment. C’est
alors l’excès d’accommodation. Il néglige sa personne en se pliant abusive¬
ment aux courants d’opinions extérieurs.

Sur le plan cognitif donc, Piaget décrit le fonctionnement de l’intelligence


comme une adaptation résultant d’un équilibre entre deux pôles fonctionnels (l’as¬
similation et l’accomodation); celle-ci est conditionnée par le degré d’organisation,
ou de structuration, de l’intelligence. Il propose une évolution du développement des
structures de l’intelligence selon des stades. Quatre grandes périodes du dévelop¬ périodes du
pement cognitif sont ainsi proposés par Piaget: 1) l’intelligence sensorimotrice (de 0 développement
à 2 ans); 2) l’intelligence préopératoire (la pensée symbolique de 2 à 5 ans, puis cognitif
intuitive de 5 à 7 ans); 3) la période des opérations concrètes (de 7 à 12 ans); et 4) la
période opératoire formelle (de 12 ans à l’âge adulte). Le tableau 4.2 fournit plus de
détails sur les caractéristiques de l’activité mentale de chaque niveau.

Pour Piaget, l’organisation de la pensée humaine évolue selon une séquence


unique de l’enfance à l’âge adulte. Si l’intelligence peut progresser plus ou moins vite
selon les individus, les milieux et les domaines d’opérations mentales, elle ne peut
évoluer que selon une série unique d’étapes définissant des stades. Chaque stade
nouveau de développement amène une réorganisation des structures de pensée en
intégrant les données du stade précédent aux nouvelles acquisitions. Le stade nou¬
veau est donc quantitativement différent du précédent parce qu’il réunit plus d’élé¬
ments, mais il est aussi qualitativement distinct en raison de son organisation struc¬
turale particulière.
82 Chapitre 4

TABLEAU 4.2: Sommaire des caractéristiques cognitives à chaque période du développement selon Piaget

INTELLIGENCE SENSORIMOTRICE INTELLIGENCE SYMBOLIQUE ET INTUITIVE


(de 0 à 2 ans environ) (Période préopératoire)
(de 2 ans à 7 ans environ)

Au cours des deux premières années de sa vie, l’enfant Entre deux ans et cinq ans, c’est la fonction symbolique qui
pense par le biais de son action. D’abord limité à une activité marque l’évolution cognitive. L’intelligence de perception et d’ac¬
essentiellement réflexe, à la naissance, l’enfant prolonge graduel¬ tion de la période précédente fait place à une intelligence d’images
lement son interaction avec le monde qui l’entoure. Les réflexes lui utilisant éventuellement des symboles pour représenter le monde.
servent de base pour les comportements nouveaux. Ses premières Les personnes ou les choses n’ont plus à être présentes physi¬
explorations lui permettent de découvrir son propre corps. En¬ quement pour être objets de réflexion puisque leur image est main¬
suite, l’enfant établit des relations entre ses actions et les objets tenant disponible à l’enfant, même en leur absence.
extérieurs, puis, entre les objets extérieurs. Les perceptions de
l’environnement et les actions sont au départ indépendantes mais La fonction symbolique permet le développement du lan¬
vont bientôt se relier, se coordonner pour donner lieu à de nou¬ gage, c’est-à-dire l’ouverture à un système symbolique conven¬
veaux potentiels. La coordination de la vision et de la préhension tionnel permettant de communiquer. Au cours de cette période du
en constitue un exemple. développement, la communication demeure toutefois très proche
du point de vue de l’enfant qui ne peut pas encore se mettre à la
Fondé sur une intelligence d’action, le monde sensori- place de son interlocuteur. Sa communication et sa pensée de¬
moteur est limité au présent, à P«ici et maintenant». Ce qui est meurent centrées sur son point de vue propre; elles sont dites
arrivé plus tôt et ce qui viendra plus tard ne peuvent être intégrés «égocentriques». La pensée symbolique peut se transformer au gré
dans le raisonnement puisque ce dernier ne dispose pas de sup¬ des désirs de l’enfant. Le jeu symbolique constitue d’ailleurs une
port symbolique pour représenter ce qui n’est pas immédiatement activité mentale importante à cette période. L’association entre
perceptible. La pensée sensorimotrice est aussi «privée» et non objet réel et image mentale de l’objet reste alors discrète et ne se
communicable puisqu’il n’existe pas de langage différencié pour en généralise pas en concepts. Piaget parle de préconcepts parce
faire état. Graduellement, le monde extérieur (physique et social) qu’ils demeurent liés à l’expérience privée de l’enfant sans pouvoir
sera intériorisé. Les objets seront «représentés», c’est-à-dire s’en dégager pour se généraliser en concepts.
qu’une image pourra les évoquer même en leur absence. Ainsi,
vers 2 ans les objets possèdent une permanence pour l’enfant: ils La pensée intuitive qui apparaît vers 5 ans permet un cer¬
peuvent demeurer présents à son esprit même en leur absence; tain dépassement de l’image unique pour englober des ensembles
c’est la «permanence de l’objet». Petit à petit, l’enfant dépassera plus larges (on parle alors de configuration d’objets). Elle demeure
l’observation du monde et son exploration de plus en plus systé¬ cependant incapable de réversibilité. L’enfant à ce stade est encore
matique lui permettra de découvrir de nouvelles relations causales, incapable d agir mentalement. Il ne peut combiner plusieurs as¬
d’inventer des moyens nouveaux pour atteindre des buts. pects d’une même réalité (il ne pourra pas combiner la hauteur et
la largeur d’un contenant pour évaluer la quantité de son contenu;
La période sensorimotrice est donc marquée par le déve¬ il sera «centré» sur une seule de ces dimensions dans son évalua¬
loppement des fonctions sensorielles et motrices et par le passage tion). L’enfant est aussi centré sur son propre point de vue, inca¬
d’une activité dominée par les réflexes (à la naissance) à un monde pable d’adopter une autre perspective que la sienne dans l’espace.
représenté par des images mentales vers deux ans. Progressivement, les centrations seront dépassées et l’enfant
pourra considérer, non pas simultanément, mais séquentiellement
plus d une dimension. On parlera alors de régulation d’un aspect à
l’autre, étape préliminaire à l’acquisition de la réversibilité.

INTELLIGENCE OPÉRATOIRE CONCRÈTE INTELLIGENCE FORMELLE


(de 7 ans à 12 ans environ) (de 12 ans environ à l’âge adulte)

Vers l’âge de 7 ans une évolution très importante se produit La pensée formelle permet l’établissement de relations en¬
sur le plan de l’activité mentale. Il s’agit de l’avènement de l’ope'ra- tre le réel et le possible. Vers douze ans, la pensée hypothético-
tion mentale, ou de la capacité d’agir par la pensée. Le système déductive émerge et habilite progressivement l’adolescent à géné^
symbolique développé au cours de la période précédente est main¬ rer ses hypothèses devant une situation et à tester systémati¬
tenant utilisé pour effectuer sur les objets des transformations en quement leur véracité pour finalement en tirer les conclusions
pensée. Ces opérations peuvent se faire et se défaire mentalement, appropriées. Le raisonnement formel permet d’opérer sur plus de
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 83

elles sont donc réversibles. Cette réversibilité permet à l’enfant de deux catégories de variables à la fois. L’adolescent pourra par
sortir ds l’apparence immédiate des choses et de retourner en exemple résoudre un problème concernant la durée d’un vol d’a¬
arrière dans le temps. Si par exemple, une boulette de plasticine vion, compte tenu de la distance, des conditions atmosphériques
est aplatie en galette, l’enfant pourra dépasser l’apparence de cette qui influencent sa vitesse et de la durée d’une série d’escales aux
nouvelle forme et retourner mentalement à la boulette initiale pour endroits prévus. La capacité de raisonner sur des propositions
établir l’équivalence de la quantité de plasticine sous les deux abstraites libère l’intelligence du réel et la rend indépendante du
formes (c’est la conservation de la substance par réversibilité). Au contenu sur lequel porte la question. L’avion peut ainsi être rem¬
cours de cette période, les notions de conservation du nombre, du placé par le symbole «X» sans que la question en soit modifiée. Le
poids, du volume seront progressivement acquises en même contrôle des actions concrètes à partir des actions abstraites per¬
temps que les structures logiques relatives à la classification, à la met d’envisager tous les cas possibles dans une situation. En exa¬
sériation etc. minant l’ensemble des actions virtuelles avant d’exécuter les ac¬
tions réelles, l’adolescent peut fonctionner selon un plan d’ensem¬
À partir de sept ans, l’enfant commence à pouvoir passer ble organisé, et non pas de proche en proche, d’une opération
du spécifique au plus général. Il pourra organiser des objets en concrète à une autre.
classes et en sous-classes. Par exemple, si on lui montre un jeu de
ferme miniature, il pourra diviser les éléments selon les classes Le «plateau développemental» souvent manifeste vers 14-15
«hommes», «animaux», «objets inanimés». Dans la classe «ani¬ ans ne marque pas à ce stade la fin de la progression puisque la
maux» il pourra créer des sous-classes «vaches», «cochons», etc. pensée formelle peut évoluer pendant l’âge adulte. Chez la plupart
et distinguer la double appartenance possible d’une vache à la des adolescents, elle ne se présente pas de façon achevée. Dans
sous-classe des «vaches» et à la classe des «animaux». Devant une plusieurs pays différents, des groupes de chercheurs ont repris des
série de bâtonnets de différentes longueurs, l’enfant de ce stade expériences de Jean Piaget et ont démontré que spontanément la
arrivera à les ordonner du plus petit au plus grand. majorité des adolescents ne possèdent qu’une maîtrise partielle du
raisonnement formel (Dale, 1970; Dulit, 1972; Tomlinson-Keasy,
Plus mobile, l’intelligence concrète n’en demeure pas moins 1972; Martorano, 1977; Lagacé, 1981).
reliée à la représentation physique des objets sur lesquels portent
les opérations. La pensée concrète est limitée aux opérations sur L’adolescence s’accompagne donc d’une réorganisation de
le réel, et ce n’est qu’à la période suivante que les opérations l’appareil conceptuel. L’innovation principale de ce changement
pourront porter sur des propositions abstraites ou sur des hypo¬ réside dans la capacité de passer du réel au possible, c’est-à-dire de
thèses. Alors, l’adolescent ne sera plus limité à réfléchir sur des sortir du concret pour accéder à l’abstrait, à l’hypothèse, à la
choses mais pourra songer à des idées, opérer sur des concepts, déduction. Formuler des hypothèses, planifier des activités fu¬
etc. tures, déduire des conclusions à partir de l’examen de certaines
données, estimer des chances de succès ou d’échec, etc. sont
autant d’opérations dorénavant accessibles à la pensée de l’ado¬
lescent.

La pensée opératoire formelle est donc une des acquisitions les plus impor- pensée opératoire
tantes de l’adolescence. Elle permet d’accéder à un monde mental nouveau, à de formelle
nouvelles stratégies de résolution des problèmes. La section qui suit propose une
brève étude des caractéristiques de la pensée formelle par le biais d’exemples de
problèmes spécifiques.

Caractéristiques du raisonnement formel par le biais d’exemples de problèmes spécifiques

La section suivante propose quelques problèmes dont la solution exige l’application d’une ou de plusieurs aptitudes de la pensée
formelle.

Problème 1: Les montres défectueuses.

Dans une manufacture de montres, on a reçu plusieurs plaintes à l’effet que certaines montres étaient défectueuses. Le directeur
de l’usine fait alors conduire une enquête par un technicien. Après certaines recherches, le technicien informe le directeur: «J’ai constaté
que toutes les montres fabriquées en septembre sont défectueuses.»
84 Chapitre 4

Le directeur fait alors apporter une série de montres pour les examiner personnellement.

a) Devant une montre fabriquée en juillet, le directeur dit: «Elle ne peut pas être défectueuse puisqu’elle n’a pas été fabriquée en
septembre.»

A partir des informations du technicien, le directeur peut-il dire cela? Pourquoi?

b) Examinant une deuxième montre, le directeur constate qu’elle retarde. Il dit: «Cette montre est défectueuse, donc elle a été
fabriquée en septembre».

Peut-il affirmer cela? Pourquoi?

c) Enfin, une troisième montre examinée fonctionne parfaitement. Le directeur dit alors: «Cette montre fonctionne très bien. Elle
n’a donc pu être fabriquée en septembre».

Le directeur a-t-il raison? Pourquoi?

Dans ce problème, l’implication qu’il importe de bien saisir est que si une montre a été fabriquée en septembre, alors elle est
défectueuse. Toutefois, si une montre n’a pas été faite en septembre, elle pourra être soit défectueuse, soit non défectueuse.

Seule la troisième conclusion du directeur (c) est appropriée, les deux autres sont erronées. La première conclusion erronée (a)
suppose la transformation de «toutes les montres fabriquées en septembre sont défectueuses» à «toutes les montres défectueuses ont été
faites en septembre». Cette confusion, plus fréquente chez les sujets préformels, amène à tort la conclusion «qu’une montre qui n’a pas
été faite en septembre ne peut pas être défectueuse».

Problème 2: L’oscillation du pendule.

Un pendule est composé d’un objet suspendu au bout d’un fil. L’objet est mobile par rapport à un point fixe de suspension.
Qu’est-ce qui détermine le rythme d’oscillation du pendule?

On sait que le poids, la forme, la composition, etc. de l’objet suspendu peuvent varier. On sait aussi que la longueur du fil peut
varier ainsi que la hauteur du départ de l’objet lui-même, etc.

Comment faire pour déterminer le facteur qui contrôle le rythme du pendule?

Ici, le propre de l’approche formelle serait de poser des hypothèses et de vérifier systématiquement leur valeur. Pour arriver à ne
pas oublier une seule possibilité, un plan d’expérience est élaboré avant l’action concrète de vérification.

Pour simplifier ici, nous ne considérons que les variables «longueur du fil» et «poids de l’objet». Voici comment pourrait se
présenter le plan d’expérience:

Longueur Poids Oscillation


1) Longue Lourd ?
2) Longue Léger ?
3) Courte Lourd ?
4) Courte Léger ?

Après avoir soumis ces hypothèses à l’expérimentation, vous obtenez les résultats suivants:

Longueur Poids Oscillation


1) Longue Lourd Lente
2) Longue Léger Lente
3) Courte Lourd Rapide
4) Courte Léger Rapide

Quelle conclusion peut-on tirer de cette expérience?

C’est la longueur du fil qui détermine le rythme d’oscillation du pendule. Le poids n’influence pas le rythme.
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 85

Ainsi, dans cette démarche à caractère formel, un plan d’expérience systématique a été élaboré à partir de la formulation préalable
d'hypothèses, une expérience, a été entreprise selon le plan de départ et les résultats ont permis la déduction d’une conclusion. Le sujet
préformel typique entreprend immédiatement des essais concrets, sans organisation d’ensemble, de sorte qu’il peut très bien oublier des
possibilités et répéter le même essai sans s’en rendre compte. Le raisonnement formel organise l’action de façon hypothético-déductive
tandis que le raisonnement concret fonctionne de proche en proche, d’une situation concrète à l’autre.

Problème 3: Les arrangements de chiffres.

On vous donne deux piles de petits cartons sur lesquels sont inscrits des chiffres. Des «1» sont imprimés sur les cartons de la
première pile et des «2» sur les cartons de la deuxième pile.

Combien de nombres différents de deux chiffres pouvez-vous faire avec ces «1» et ces «2»?-

Si maintenant vous disposez de trois piles: des «1», des «2» et des «3». Combien de nombres différents de deux chiffres
pouvez-vous faire?

Avec quatre chiffres?... Avec cinq?...-

Pour arriver à résoudre ces problèmes, il faut procéder systématiquement, surtout lorsque le nombre de possibilités augmente.
Une méthode consiste à fixer un chiffre et à faire varier les autres:

fixe variable fixe variable fixe variable


1 1 1 1 1 1
1 2 1 2 1 2
Total: 4 nombres 1 3 1 3
de 2 chiffres avec 2 1 1 4
des «1» et des «2» 2 2 2 1
2 2 2 1
2 3 2 2
Total: 9 nombres 2 3
de 2 chiffres avec 3 1 2 4
des «1», des «2» 3 2
et des «3» 3 3 3 1
3 2
3 3
3 4

Total: 16 nombres 4 1
de 2 chiffres avec 4 2
des «1», des «2», 4 3
des «3» et des «4» 4 4

Cette approche que l’on pourrait appeler «fixation-variation» combine deux opérations systématiques: fixer un chiffre et faire
varier l’autre. En effet, il s’agit d’effectuer une opération sur une opération, ou une opération du second degré typique du degré formel de
raisonnement.

Maintenant, une fois apparue la progression de 4 nombres à 9 nombres à 16 nombres lorsque l’on passe de 2 à 3 à 4 chiffres
disponibles, le raisonnement formel permet de dépasser la vérification concrète et de dégager une loi de cette situation.

Si 2 chiffres donnent 4 nombres à deux chiffres, que 3 chiffres donnent 9 nombres à deux chiffres et que 4 chiffres donnent 16
nombres à deux chiffres, on peut donc déduire que le résultat correspond au carré des chiffres disponibles. Ainsi, avec 5 chiffres
disponibles j’obtiendrai 25 nombres différents, avec 6, 36; avec 9, 81. Combien de nombres différents à 3 chiffres peut-on faire avec des
«1» et des «2»? Réponse 23. Combien de nombres différents à 9 chiffres peut-on faire avec des «1», des «2», des «3», des «4» et des «5»?
Réponse 59.
86 Chapitre 4

Le raisonnement formel permet de dégager des principes de l’observation du réel, de dépasser la situation concrète et de tirer des
lois généralisables, c’est-à-dire s’appliquant à tous les cas possibles. Imaginez le temps qu’il faudrait pour construire réellement tous les
nombres à 9 chiffres que l’on peut faire avec des «1», des «2», des «3», des «4» et des «5» comme le demande la dernière question... Or,
avec la maîtrise de l’algorithme en jeu, la solution exacte est atteinte en quelques secondes. Voilà un bel exemple de dépassement du
concret par l’abstrait.

Problème 4: Les proportions

a) Partage

Voici deux groupes d’individus: «A» et «B». Chacun a un certain nombre de tartes à manger. Dans quel groupe chaque bonhomme
aura-t-il la plus grande quantité de tarte à manger? Où est-ce que tous les sujets auront la même quantité à manger? Inscrivez une croix
dans la case de votre choix.

Groupe «A» Groupe «B»

°^)X) QQ QO
Mi

plus
□égal

plus
à manger ici à manger ici

b) Hasard

Imaginez que, les yeux fermés, vous avez à piger une bille dans l’une des boîtes ci-dessous. Y a-t-il un côté où vous auriez plus de
chances de choisir au hasard une bille noire, ou est-ce la même chose dans les deux boîtes?

Boîte «A» Boîte «B»

□ □ □
plus chances égalés plus
de chances ici de chances ici
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 87

c) Concentration3

Sur les plateaux «A» et «B» on a déposé un certain nombre de verres remplis d’eau (verres blancs) et d’autres de jus d’orange
(verres foncés). Si l’on vidait tous les verres du plateau «A» dans un pot, et tous les verres du plateau «B» dans un autre pot, est-ce qu’un
mélange goûterait plus l’orange ou est-ce que les deux mélanges auraient le même goût?

Plateau «A» Plateau «B»


goût plus fort ici

même goût

goût plus fort ici

d) Les surfaces à peindre

Deux peintres ont commencé leur travail en même temps sur deux surfaces différentes à peindre. La partie foncée de la surface
représente ce qui est peint, et la partie blanche ce qui reste à peindre. Si chacun continue au même rythme, est-ce que l’un d’eux finira
avant ou si les deux finiront en même temps?

Surface «A» Surface «B»

«A» finira le premier ils finiront en même temps «B» finira le premier

e) Course d’obstacles

Deux coureurs sont partis en même temps chacun sur sa piste d’obstacles. S’ils continuent de courir au même rythme, y aura-t-il
un gagnant ou est-ce que les deux coureurs finiront en même temps? Cochez la case de votre choix.

Piste «A» Piste «B»

i i m*i \ LU I 1 i

«A» gagnera la course


ils finiront
en même temps

«B» gagnera la course

(3) Exemple tiré de NOELTING, G. «The development of proportional reasoning and the ratio concept.» Educational Studies in Mathematics.
1980, vol. 11, p. 217-253.
88 Chapitre 4

Les cinq petits problèmes qui précèdent sont posés dans des contextes
concrets différents. Sur le plan logique toutefois ils mettent tous en jeu le même
proportions concept: les proportions. On peut en effet remarquer que chaque problème met en
jeu la comparaison de 3/5 avec 4/7, la bonne réponse est «A» dans les cinq situa¬
tions. Le raisonnement formel possède cette autre caractéristique d’être indépen¬
dant du contenu sur lequel il porte. Ainsi, qu’il s’agisse de billes, de tartes ou de
coureurs, la même stratégie d’évaluation des proportions ou des rapports en jeu
peut s appliquer aux cinq problèmes précédents. La même solution se retrouve
d’ailleurs à chacun.

Les sujets de degré préformel sont plus dépendants du matériel concret dans
leur raisonnement et verront difficilement la similitude d’un problème à l’autre, ils
changeront de stratégie selon le contexte matériel.

La pensée formelle possède donc une série de caractéristiques toutes axées


vers une maîtrise plus grande de la capacité de fonctionner, c’est-à-dire de s’adapter.
hypothético- Elle est hypothético-déductiue en ce sens quelle permet de générer des hypothèses,
déductive de les vérifier systématiquement et de déduire d’après les résultats obtenus les
conclusions appropriées. La pensée formelle est indépendante du contenu sur le¬
quel elle porte puisqu’elle peut fonctionner à un degré abstrait. Elle peut s’exercer
sur des propositions hypothétiques comme sur des éléments concrets. Elle permet
de résoudre des problèmes multidimensionnels en intégrant plusieurs variables à la
fois (par exemple: le temps, la distance parcourue, l’accélération, etc.). Elle permet
aussi d’effectuer des opérations dites du second degré, c’est-à-dire des opérations
sur des opérations (par exemple: établir des rapports entre des ensembles et com¬
parer ces rapports). Elle est enfin dite combinatoire parce quelle permet d’accéder à
tous les cas possibles d’une situation (voir par exemple, le problème des arrange¬
ments de nombres).

4.3 LA STRUCTURE DE LA PENSÉE FORMELLE

Les périodes de développement proposées par Piaget donnent lieu à l’établis¬


sement de structures d ensemble, c’est-à-dire de cadres d’organisation de la pensée.
La période formelle repose ainsi sur deux structures d’ensemble: a) le système
combinatoire ou le réseau de la logique des propositions donnant lieu à la capacité
de combiner tous les cas possibles d une situation (c.-à-d. de faire une combina¬
toire), et b) le groupe INCR, dont chaque lettré désigne respectivement l’identité, la
négation (ou l’inversion), la réciprocité et la corrélativité (ou l’inverse de la récipro¬
que). Les quatre opérations du groupe 1NRC seront d’abord étudiées ici.

4.3.1 Le groupe INRC

Le terme identité concerne une opération initiale donnée, par exemple mettre
un poids sur un des deux plateaux d’une balance (voir la figure 4.1). La né-
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 89

gation correspond à la simple inversion de la première opération, c’est-à-dire


selon l’exemple précité, l’opération d’enlever le poids du plateau A. L’opération de
réciprocité (c.-à-d. l’établissement de la réciproque) correspond à annuler l’effet de
l’opération première (identité) en modifiant une autre variable du système. Selon
l’exemple de la figure 4.1, la réciproque serait de mettre un poids P’ sur le plateau B
de la balance afin d’annuler l’effet du poids P en A, la réciproque pourrait aussi être
de déplacer le joug de la balance vers la droite en compensation de l’addition du
poids en A. L’opération corrélative correspond à l’inverse de la réciproque, c’est-à-
dire dans l’exemple, l’enlèvement de P’ du plateau B ou le replacement du joug à son
point original. Le groupe INRC constitue donc un réseau d’opérations fermé sur
lui-même, c’est-à-dire que les effets de toute opération du groupe (ou de leur combi¬
naison) peuvent être contre-balancés par les effets d’une autre opération du groupe
(ou de leur combinaison).

FIGURE 4.1: Illustration des opérations du groupe INRC par l’exemple de la balance

Plateau A Plateau B

Autre exemple du groupe INRC

Monsieur Tremblay est employé des


chemins de fer; il est occupé à travailler sur
un wagon ouvert.

Le cheminot sur le wagon comme le


wagon lui-même peuvent se déplacer dans
un sens ou dans l’autre sur la voie.
90 Chapitre 4

1) Si 1 opération «identité» consiste en un dé¬


placement du cheminot vers la droite sur
le wagon immobile:

2) La «négation» (le contraire de l’identité)


pourra être un déplacement de M. Trem¬
blay vers la gauche sur le wagon immobile.

3) La «réciproque» (c’est-à-dire l’annulation


de l’effet de l’identité par l’intervention
d’une autre variable du système) pourrait
être le mouvement du wagon vers la
gauche équivalant au déplacement de l’o¬
pération identité (voir 1 ci-dessus), de
sorte que par rapport à un signal lumineux
fixé au sol, M. Tremblay ne s’éloignerait
pas.

4) La «corrélative» serait l’inverse de la réci¬


proque, c’est-à-dire...? (Identifiez l’opéra¬
tion en jeu sur le système utilisé en exem¬
ple.)

4.3.2 Le système combinatoire

( . ^ne deuxième structure d’ensemble sert de pilier au raisonnement formel4: il


s agit du système logique combinatoire permettant d’envisager tous les cas possibles

ierme rormei se apporte a i indépendance du contenu de ce type de pensée où c'est la forme ou


compte; le contenu peut varier du concret à l’abstrait sans que le schème de raisonnement en soit affecté.
La pensée formelle porte sur les opérations effectuées sur les contenus plutôt que sur les contenus
eux-memes. °
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 91

inhérents à une situation donnée. Ce système dont l’explication verbale est relati¬
vement complexe illustre un ensemble de combinaisons accessibles potentiellement
à l’adolescent. Si le sujet arrive à effectuer ces opérations, il n’est pas conscient de
leur structure telle que décrite ici. Seize opérations sont obtenues avec deux signes
(logique bivalente), 256 avec trois (logique trivalente) et 4096 avec quatre (logique
quadrivalente), etc. Le tableau 4.3 fournit la liste des seize opérations de la combina¬
toire construite à partir des événements âge (jeune, vieux) et sexe (homme, femme).
L’enfant, au stade des opérations concrètes (de 7 à 11 ans), arrivait à construire
certaines combinaisons d’événements. Ainsi, à partir des facteurs «jeune», «vieux»,
«homme» et «femme», il lui était possible de produire les quatre possibilités sui¬
vantes: 1) femme jeune; 2) femme vieille; 3) homme jeune; et 4) homme vieux. C est
par sa capacité de dépasser ces premières opérations par des combinaisons nou¬
velles que se distingue le sujet formel du sujet concret. C’est en cela que le raison¬
nement formel implique les opérations du second degré, c est-à-dire des opérations
sur des opérations déjà constituées.

Nous avons déjà mentionné le fait que la finalisation du développement de la


pensée formelle, c’est-à-dire la maîtrise achevée du raisonnement hypothético-
déductif, n’était pas le propre de tous les adolescents. En effet, une forte proportion
de jeunes adultes normaux affichent encore des décalages à cet égard (Lagacé,
1981; Martorano, 1977). En terminant ce bref examen de la théorie de Piaget sur le

TABLEAU 4.3: L’épidémie: combinatoire élaborée en fonction de l’âge (vieux, jeunes) et


du sexe (hommes, femmes) d’une population de travailleurs*

* Une épidémie survient dans un petit village. Afin de contrer ses effets, une campagne de désinfection
générale est organisée. Le maire forme de petites équipes de travailleurs en tenant compte de leur âge
et de leur sexe pour équilibrer les forces. Il envisage d’abord toutes les possibilités et obtient les
combinaisons suivantes:

1. Vieux hommes seulement


2. Vieilles femmes seulement
3. Jeunes hommes seulement
4. Jeunes femmes seulement
5. Vieux hommes et vieilles femmes
6. Jeunes hommes et jeunes femmes
7. Vieux hommes et jeunes femmes
8. Jeunes hommes et vieilles femmes
9. Femmes seulement: jeunes et vieilles
10. Hommes seulement: jeunes et vieux
11. Vieux hommes et femmes, et jeunes hommes
12. Vieux hommes et femmes, et jeunes femmes
13. Jeunes hommes et femmes, et vieux hommes
14. Jeunes hommes et femmes, et vieilles femmes
15. Vieux hommes et femmes, et jeunes hommes et femmes
16. Aucun travailleur
92 Chapitre 4

TABLEAU 4.4: Résumé des principales caractéristiques du raisonnement formel selon Piaget

Caractéristique Implication sur le plan du raisonnement Exemple illustratif

Le raisonnement formel implique la capaci¬ Il s’agit là de la plus importante propriété Une équipe de hockey connaît des difficul¬
té de passer du réel au possible générale de la pensée formelle puisque tés sur le plan offensif. Elle n’arrive pas à
toutes les autres en découlent. C’est la ca¬ compter des buts. Les quatre trios offensifs
pacité d’envisager toutes les possibilités de l’équipe fonctionnent mal. À titre d’en¬
qu’une situation peut permettre en combi¬ traîneur vous avez à réorganiser l’offensive.
nant mentalement les différentes relations Votre capacité de considérer chaque
possibles. joueur offensif, avec ses qualités, ses dé¬
fauts, en relation avec les autres joueurs,
c.-à-d. de dépasser la situation réelle ac¬
tuelle pour envisager ce qui serait possible,
illustre cette caractéristique générale de la
pensée formelle.

La pensée formelle est une pensée proposi¬ Le raisonnement formel n’est plus limité à Dans l’exemple de l’équipe de hockey dé¬
tionnelle des contenus concrets ou perceptibles crite ci-dessus, la possibilité de l’entraîneur
sensoriellement mais peut porter sur de de mettre en relation les qualités de jeu de
l’abstrait, sur des propositions, des idées, chaque joueur et de trouver l’effet combiné
sur des données abstraites et effectuer sur de chaque nouveau trio sans même que les
elles des transformations. Le raisonnement joueurs soient présents, illustre cette capa¬
formel est indépendant du contenu. Les cité de raisonner sur des propositions.
opérations peuvent donc s’effectuer sur
des chiffres, des symboles nouveaux, des
énoncés verbaux, des villes ou des voi¬
tures, sans être affectées.

La pensée formelle est hypothético- L’adolescent placé devant une situation Si tel joueur est placé avec tel autre, le troi¬
déductive peut générer des hypothèses en les testant sième du trio sera dans telle situation à l’of¬
systématiquement et en tirer des conclu¬ fensive...
sions.

La pensée formelle permet une analyse Placé devant une situation où plusieurs fac-
L’analyse combinatoire permettra à l’en¬
combinatoire des situations teurs sont en jeu, l’adolescent pourra poser
traîneur de l’équipe de hockey de ne pas
des hypothèses sur toutes les combinai¬ oublier de joueur, d’envisager toutes les
sons d’événements possibles, sans en ou¬ combinaisons possibles.
blier. Ainsi, la combinatoire de toutes les
possibilités peut s’établir.

Source: PIAGET, J.et INHELDER, B. De la logique de l'enfant à la logique de l’adolescent. Paris: P.U.F., 1955
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 93

développement cognitif à l’adolescence, il est important de noter que si l’atteinte du


stade formel constitue l’accès à un dernier palier de développement intellectuel, elle
ne correspond en rien à la fin des transformations des structures de l’appareil
conceptuel, appareil qui ne cessera pas de «construire» de nouvelles connaissances
toute la vie durant. Inutile de dire enfin que l’atteinte du stade formel n implique
aucunement la connaissance ou la conscience explicite par le sujet des caractéristi¬
ques nouvelles de sa pensée. Les transformations psychogénétiques de la pensée à
l’adolescence se réalisent sans que les adolescents connaissent la théorie de Piaget...
94 Chapitre 4

AUTO-ÉVALUATION

1. Identifiez parmi les suivantes deux notions nouvellement acquises à l’adolescence.

a) Accélération;
b) conservation;
c) logique de l’inclusion de classe;
d) conservation du poids;
e) proportion.

2. L’adolescent peut réfléchir sur des concepts, penser à des pensées. Ce phénomène est nouveau pour lui

a) Vrai
b) Faux

3. Identifiez parmi les suivantes trois facettes du vécu personnel touchées par le développement cognitif à l’adolescence.

a) L’image de soi;
b) la vie affective;
c) la personnalité sociale;
d) la croissance physique;
e) la réussite scolaire;
f) la vie économique;
g) la pensée logique.

4. Jean Piaget s’intéressa au développement de l’intelligence chez l’enfant afin d’apprendre


comment évolue la capacité de s’adapter au
milieu, mais il fut d’abord biologiste et sa thèse de doctorat traitait des mollusques.

a) Vrai
b) Faux

5. Choisissez le meilleur énoncé. Pour Piaget, l’intelligence humaine est:

a) Une capacité déterminée par la biologie;


b) une forme d’adaptation qui est un prolongement des mécanismes adaptatifs biologiques;
c) une forme d’adaptation dont les structures sont déjà présentes chez le nouveau-né qui lès utilise peu à peu-
d) un potentiel d abord social et ensuite physique.

6. Donnez un exemple d’adaptation en identifiant les dimensions assimilation et accommodation que l’on y trouve

7. Désignez parmi les énoncés suivants la meilleure définition de Y assimilation dans la théorie de Piaget.

a) Le mécanisme par lequel l’organisme s’adapte au milieu;


b) le mécanisme par lequel l’organisme modifie ses structures afin de s’adapter à une réalité nouvelle-
c) le contraire de l’accommodation;
d) le mécanisme par lequel l’organisme incorpore les éléments extérieurs en fonction de ses structures propres-
e) le mécanisme par lequel le sujet s’intégre mentalement à son milieu.

8. L ensemble des conduites humaines comporte une certaine dose d’assimilation


et d’accommodation, depuis le degré biologique
jusqu’aux activités mentales complexes.

a) Vrai
b) Faux
Le développement de l’intelligence à l’adolescence 95

9. Désignez, parmi les énoncés suivants, la meilleure définition de l'accommodation dans la théorie de Piaget.

a) L’équilibre entre l’assimilation et l’adaptation de l’organisme dans son milieu;


b) le mécanisme par lequel l’organisme modifie ses structures afin de s’adapter à une réalité ou à une expérience nouvelle,
c) le mécanisme par lequel l’organisme incorpore les éléments extérieurs en fonction de ses structures propres;
d) le principe par lequel le sujet d’adapte mentalement au milieu extérieur;
e) le mécanisme par lequel le sujet développe son adaptation en assimilant des éléments extérieurs à ses structures.

10. L’adaptation, fonction externe du cycle développemental, est l’équilibre que 1 organisme établit entre lui-même et son milieu.

a) Vrai
b) Faux

11. L’adaptation et l’organisation ne sont pas complémentaires puisqu’une meilleure organisation permet une meilleure adaptation.

a) Vrai
b) Faux

12. Parmi les facteurs suivants, identifiez-en deux que Piaget rend responsables du développement cognitif.

a) La maturation physique;
b) l’équilibration;
c) les relations familiales;
d) l’équilibre écologique;
e) l’exercice physique;
f) l’interaction avec l’environnement physique.

13. Donnez un exemple de problème où un sujet «concret» et un sujet «formel» se distingueraient 1 un de 1 autre par leur approche.
Décrivez la différence entre les deux.

14. Piaget a proposé quatre grandes périodes de développement. Ordonnez la séquence du développement normal selon ces quatre
périodes en vous servant des propositions suivantes.

a) Intelligence psychomotrice;
b) intelligence symbolique et intuitive;
c) intelligence sensorimotrice;
d) intelligence formelle;
e) intelligence opératoire pratique;
f) intelligence opératoire concrète.

15. Pour Piaget, l’intelligence peut progresser plus ou moins vite selon les individus, les milieux et les domaines d’opérations mentales,
mais elle ne peut évoluer que selon une série unique d’étapes définissant des stades.

a) Vrai
b) Faux

16. À partir d’un exemple spécifique, illustrez comment le raisonnement formel permet de dégager des principes de l’observation du réel
et de dépasser le concret pour tirer des lois généralisables. (Voir le problème numéro 3: «arrangements de chiffres» p. 85.)

17. Les sujets de stade préformel (concret par exemple) ne sont pas plus dépendant du matériel concret que les sujets formels, mais ils
changent de stratégie d’un problème à l’autre.

a) Vrai
b) Faux
96 Chapitre 4

18. Parmi les propositions suivantes, identifiez quatre caractéristiques de la pensée formelle.

a) Concrète;
b) intuitive;
c) hypothético-déductive;
d) propositionnelle;
e) abstraite;
f) combinable;
g) combinatoire;
h) égocentrique;
i) dépassement du réel vers le possible.

19. Donnez un exemple pratique d’un système d’opérations où l’on peut retrouver un groupe INRC.

20' SSL'Tr? dp3r°T INRC iden,i,fc N ■ né9a,i°n; R ■ <*"«»* C - corrélative) établi, une relation entre une
operation et une autre. Parmi les propositions suivantes identifiez-en deux qui ne sont pas vraies.

a) La négative est le contraire de l’identique;


b) la corrélative et l’identique ont le même effet;
c) la négative et la réciproque peuvent s’annuler;
d) la réciproque et l’identique vont dans le même sens;
e) la corrélative ne peut annuler l’identique.
Chapitre 5
Activité mentale et
différences individuelles

5.1 LES DIFFÉRENCES INDIVIDUELLES DANS LE RENDEMENT INTELLECTUEL


5.1.1 La psychométrie
5.1.2 La notion d’intelligence en psychométrie
5.1.3 Origine des intérêts psychométriques

5.2 LE STYLE COGNITIF


5.2.1 Réflexivité — impulsivité
5.2.2 Contrôle interne — contrôle externe du renforcement
5.2.3 Dépendance — indépendance perceptuelle

5.3 ÉVOLUTION DE LA PENSÉE MORALE À L’ADOLESCENCE


5.3.1 Kohlberg (1955): description et évolution des stades
5.3.2 L’adolescent et les règles sociales
5.3.3 L’égocentrisme adolescent

AUTO-ÉVALUATION
98 Chapitre 5

5.1 LES DIFFÉRENCES INDIVIDUELLES


DANS LE RENDEMENT INTELLECTUEL

5.1.1 La psychométrie

La fonction cognitive, si elle se développe chez tous selon une séquence


unique comme le décrit Piaget, ne donne pas pour autant à tous la même capacité de
résoudre des problèmes, c’est-à-dire le même rendement intellectuel. Depuis le
début du siècle, notamment avec les travaux d’Alfred Binet (Binet, 1903; Binet-
Simon, 1905), tout un courant de la psychométrie s’est intéressé au développement
tests standardisés d instruments objectifs d’évaluation de l’intelligence: les tests standardisés. Conçus
pour fournir 1 image la plus fidèle et la plus stable possible du rendement intellectuel
des individus, les tests d’intelligence n’avaient pas pour but la compréhension des
mécanismes cognitifs, mais plutôt la mise en évidence d’un rendement ou d’un
quotient intellectuel «quotient intellectuel» propre à la personne.

À la différence du courant cognitivo-développemental dont fait partie l’école


piagétienne, le courant psychométriste ne s’intéresse pas d’abord au processus mais
à la capacité dans le rendement intellectuel. L’intelligence est considérée comme
une aptitude ou un trait personnel distinctif de chaque individu. L’attrait exercé par la
possibilité de mesurer le rendement intellectuel a été très fort à divers moments du
XXe siècle. D’abord la prédiction des capacités de travail et d’éducabilité a fait entrer
la psychométrie dans les domaines de l’éducation, de la santé et du travail. «Connaî¬
tre le profil d’aptitudes de l’enfant pour lui offrir un programme éducatif adapté à ses
besoins»... «Bien diagnostiquer les difficultés mentales pour prescrire la bonne inter¬
vention ou le bon programme de rééducation»... «Choisir les employés en fonction
de la correspondance de leurs aptitudes aux exigences de l’emploi, de façon à avoir
le bon homme au bon poste». Voilà autant d’exemples d’arguments justifiant l’idée
de l’évaluation standardisée du rendement intellectuel.

5.1.2 La notion d’intelligence en psychométrie

D’abord conçue comme un facteur général plus ou moins unique, l’intelli¬


gence s’est progressivement différenciée en psychométrie pour devenir un ensemble
de dimensions ou d’habiletés qui se combinent de façon unique chez chaque indivi¬
du. Grandement influencée par les progrès de la statistique, l’évaluation de l’intelli¬
gence a progressé sous l’impulsion de chercheurs comme Terman, Spearman,
Thurstone. Le modèle psychométrique le plus perfectionné de la structure de l’intel¬
ligence nous provient de J.P. Guilford (1967). À partir de nombreux travaux de
Guilford recherche utilisant 1 analyse factorielle des habiletés, Guilford en est venu à proposer
une classification en fonction de 3 dimensions: a) les opérations mentales; b) les
contenus et c) les produits impliqués par la tâche. La figure 5.1 illustre le modèle de
Guilford appelé «la structure de l’intelligence». Le cube comporte 120 cellules diffé-
Activité mentale et différences individuelles 99

rentes dont chacune représente théoriquement une habileté mentale spécifique met¬
tant en jeu un type d’opération sur un contenu donné et résultant en un produit. Par
exemple, la compréhension des mots «menhir», «bielle», «douve», comme l’exigent
certains tests de vocabulaire implique l’opération de cognition effectuée sur un
contenu sémantique et produisant une unité (définition). Ou encore, si l’on vous
demande de décrire l’apparence qu’aura, une fois dépliée, une feuille de papier pliée
dont on aura coupé un coin, on exigera de vous une opération de cognition effectuée
sur un contenu figuratif donnant lieu à la production d’une transformation. Enfin, si
l’on vous demande de retrouver tous les 0 et les 9 dans une page pleine de chiffres,
on vous demandera alors d’effectuer des opérations d’évaluations (identifications)
sur des contenus symboliques pour produire des unités. En pratique cependant, une
bonne part des cellules de Guilford restent à identifier au moyen de données empiri¬
ques obtenues chez des sujets humains.

Une des contributions les plus récentes à la connaissance de l’intelligence à


partir de la psychométrie nous provient des travaux de Ekstrom, French, Harman et
Derman (1976) du centre américain «Educational Testing Service». Il s’agit d’un
modèle basé sur des facteurs identifiés empiriquement dans plusieurs laboratoires.
Le modèle compte 23 facteurs différents où se trouvent par exemple le raisonne¬
ment logique, la mémoire visuelle, la production idéationnelle, l’orientation spatiale,
la compréhension verbale, etc. Chacun des 23 facteurs a été identifié à l’aide de tests
et peut servir à établir un profil d’habiletés mentales propres à chaque personne.

Du point de vue psychogénétique aucune aptitude n’a été identifiée par les
psychométriciens comme surgissant spécifiquement à l’adolescence. Une augmen¬
tation plus marquée du développement de certaines habiletés a cependant été ob¬
servée, notamment: a) la capacité de mémoriser des contenus; b) l’aptitude à re¬
chercher l’information pertinente aux problèmes; c) l’habileté à élaborer des
concepts utiles à englober la réalité; d) la capacité de se représenter mentalement
l’espace physique et d’opérer des transformations sur ces représentations et, e) la
capacité générale de résoudre des problèmes (Newman et Newman, 1979). Notons
cependant l’étroite correspondance entre ces aptitudes accrues documentées par
les mesures de l’intelligence et les caractéristiques de la pensée formelle décrites
plus haut; ces progrès du rendement intellectuel observés en psychométrie sont
prédictibles à partir des caractéristiques de la pensée hypothético-déductive.

Les différences individuelles de rendement intellectuel sont reconnues incon¬


testablement. Quelles sont les causes de ces variations? Voilà une question qui a
donné lieu à un grand nombre de travaux de recherche. On accorde parfois près de
60 % des variations observées aux causes génétiques (Nichols, 1980). Ainsi les argu¬
ments les plus fréquemment énoncés en faveur des fondements génétiques du ren¬
dement intellectuel seraient liés au fait que, par rapport aux jumeaux non identiques,
les jumeaux identiques possèdent une plus grande similarité intellectuelle et que,
élevés séparément, il persiste une relation très étroite entre leurs quotients intellec-
100 Chapitre 5

tuels (QI). D’autre part, il existe aussi une relation plus grande entre le QI de l’enfant
et celui de sa mère biologique qu’avec celui de sa mère adoptive.

Plusieurs éléments environnementaux sont aussi étroitement associés au


rendement intellectuel: la richesse des stimulations du milieu, la qualité de la nutri¬
tion offerte à l’enfant et le degré de scolarisation en sont des exemples. Il n’y a
toutefois pas de consensus sur la proportion de 60 % hérédité — 40 % milieu dans le
façonnement de l’intelligence. Par ailleurs, certains auteurs considèrent que ce genre
de spéculation est inutile: «ce qu’il faut dire, c’est que l’importance de chacune de
ces deux variables (hérédité et milieu) est de 100 %; leur rapport n’est pas additif
mais multiplicatif. Cela signifie que lorsqu’on s’interroge sur la contribution de l’hé¬
rédité et du milieu sur l’intelligence, c’est comme si on demandait quelle est la contri¬
bution de la largeur d’un champ à sa surface et quelle est la contribution de sa
longueur» (Hebb, 1974).

Plusieurs facteurs interreliés sont donc à l’origine des différences de rende¬


ment intellectuel entre les individus.

FIGURE 5.1: La structure de l’intelligence selon J.P. Guilford

ÉVALUATIONS.
OPÉRATIONS PRODUCTIONS CONVERGENTES.
DE L’INTELLIGENCE PRODUCTIONS DIVERGENTES •<
MÉMOIRE
COGNITION
UNITÉS
CLASSES
PRODUITS
RELATIONS
DE L’INTELLIGENCE
SYSTÈMES
TRANSFORMATIONS
IMPLICATIONS •...
FIGURATIFS
CONTENUS SYMBOLIQUES
DE L’INTELLIGENCE SÉMANTIQUES
COMPORTEMENTAUX

Source: GUILFORD, J.P. The Nature ot Human Intelligence. New York: McGraw-Hill, 1967. Traduction libre de
l'auteur; reproduction avec autorisation.
Activité mentale et différences individuelles 101

5.1.3 Origine des intérêts psychométriques


D’où provient l’intérêt pour la mesure des différentes formes de rendement
intellectuel? Dès le début du siècle, la possibilité d’évaluer des aptitudes de façon
reproductible, de retrouver dans divers milieux la distribution normale des aptitudes
(voir la figure 5.2) a donné une forte impulsion à l’intérêt psychométrique. On
découvrait à l’époque que les succès des gens dans différentes sphères d’activités
étaient reflétés (voire prédictibles) d’après les résultats obtenus à des tests standar¬
disés pertinents. Par exemple, les comptables sont plus forts en arithmétique, les
juristes sont meilleurs en logique verbale, les architectes ont de meilleures perfor¬
mances dans les problèmes d’organisation spatiale tandis que les mécaniciens sont
plus à l’aise avec des problèmes d’assemblage d’éléments.

FIGURE 5.2: Courbe normale (dite de «Gauss») illustrant la répartition théorique du quotient
intellectuel (QI) dans la population*

Pourcentage de la population
se situant normalement dans cette

* Dans cette figure, ia moyenne du QI est 100 et l’écart type est 16. Le total des pourcentages n’atteint pas 100 parce
qu’il y a une petite fraction de la population dont le QI est supérieur à 148 et une autre dont le QI est inférieur à 52.

À partir de ces constatations, on en est venu à percevoir les tests comme des tests
instrumens de prédiction. En effet, si les tests reflètent la réussite dans certains
secteurs d’activités, ils peuvent établir les chances de succès des individus dans
différents domaines. C’est ce raisonnement qui a fait des tests psychométriques des
instruments privilégiés en orientation scolaire et professionnelle, en sélection de
personnel, etc.

Il y a toutefois un élément très important qui est apparu progressivement au


cours des vingt dernières années à savoir qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’avoir de
mauvais résultats à un test. Ainsi, si vous avez un score élevé en raisonnement
arithmétique, on ne peut que vous en accorder le crédit; mais si votre cote est faible
ce n’est pas nécessairement parce que vous n’avez pas d’aptitude en arithmétique.
De même, le fait que les personnes issues de certaines ethnies ou certains groupes
socio-économiques affichent un rendement systématiquement plus bas que la
moyenne de la population est devenue très apparent au cours de la même période
(Feuerstein, 1979).
102 Chapitre 5

L’usage traditionnel des tests psychométriques est remis en question en


raison des injustices qu’il peut entraîner. Les tests mesurent-ils ou créent-ils les
différences? Dans le domaine de l’éducation, on dénonce de plus en plus activement
le tort causé par l’étiquette quasi permanente que l’on attribue aux enfants selon leur
rendement à certains tests à une certaine époque de leur vie. Le rendement mesuré
est soupçonné de ne pas refléter l’ensemble des potentialités mais seulement une
partie, c.-à-d. celle qui est stable et qui donne une bonne cote de fidélité à l’intru-
ment.

«// est curieux que nous utilisions les tests d’intelligence principalement pour
prédire la capacité à apprendre et qu’aucun de nos tests n’implique quel-
qu’apprentissage que ce soit; ils nous fournissent plutôt un aperçu de ce qui a
déjà été appris par le sujet1».

TABLEAU 5.1: Illustration de l’approche d’évaluation dynamique de Feuerstein

Feuerstein ( 1979) a mis au point une série d’exercices servant de matériel d’apprentissage en vue d’évaluer
dynamiquement des sujets. L’objectif est alors de voir ce que le sujet peut acquérir plutôt que ce qu’il a déjà
acquis dans le passé. Voici des exemples d’exercices impliquant du matériel figuratif tirés de Feuerstein
(1979).

Qu est-ce qu’il y a ici? En haut à gauche, il


y a un quart de cercle placé au-dessus d’un trian¬
gle. De l’autre côté, à droite en haut, ils ont
changé d’orientation, comme dans un miroir. La
même chose va se produire en bas. Il y a un
drapeau et une demi-ellipse. Ils vont aussi chan¬
ger d’orientation, comme dans un miroir. (La
bonne réponse est le numéro 6.)

(1) VERNON, P.E. Intelligence and Cultural Environment. Londres: Methuen, 1969, p. 106.
Activité mentale et différences individuelles 103

O n
A
12 3 12 3

A 3
0 H 0 5

■A. A’ A 0 0 00 a
Voici un trapèze. Il y a quatre côtés. Dans Dans le carré de gauche en haut, on voit
chaque coin, on voit un petit arc de cercle. À un carré. Lorsqu’il passe à droite, ses côtés se
droite, on voit le même trapèze avec les arcs de resserrent. En bas à gauche, on a un cercle.
cercles à l’extérieur. Notez bien leur orientation. Qu’est-ce qui va lui arriver lorsqu’il passera à
En dessous, nous avons un triangle. Dans cha¬ droite? Ses côtés vont se resserrer aussi. La ré¬
cun de ses coins, il y a un petit triangle. Qu’est-ce ponse numéro 6 n’est pas bonne parce que le
qui va arriver lorsqu’ils sortiront du gros triangle? cercle est rétréci en haut et en bas. (La bonne
Le choix numéro 2 n’est pas bon parce que l’o¬ réponse est le numéro 3.)
rientation des petits triangles n’est pas juste; ils
ne sont pas renversés. (La bonne réponse est le

a x ex
Dans le carré de gauche en haut, nous Faites vous-même ce problème,
avons une ligne et dans le carré d’à côté nous
avons une autre ligne parallèle à la première avec
un X qui relie les deux. En bas nous avons un£
(un 3 à l’envers). Qu’est-ce qui lui arrivera lors¬
qu’il passera à droite? Il y aura un autre £ paral¬
lèle à lui et un X réunira les deux. (La bonne
réponse est 6.)
Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: FEUERSTEIN, R. The Dynamlc Assessment ol
Relarded Pertormers. Baltimore: University Park Press, 1979, p. 374-379. Traduction et adaptation de
R. Cloutier. Reproduit avec permission.
104 Chapitre 5

Présentement, des approches nouvelles se développent dont celle de Reuven


Feuerstein Feuerstein appelée l’évaluation dynamique qui innove en ce qu’elle propose au sujet
une situation où il peut apprendre. L’objectif est alors d’évaluer la plasticité plutôt
que l’acquis (Feuerstein, 1979; 1980). Le tableau 5.1 illustre cette approche.

Les préoccupations récentes concernant les objectifs de ces tests et les effets
nocifs des étiquettes attribuées aux jeunes ne peuvent qu’apporter des améliora¬
tions dans l’utilisation de l’information psychométrique. Très sensible aux attitudes
de 1 entourage à son égard, l’adolescent est parfois le juge le plus sévère de son
propre fonctionnement en manifestant un défaitisme injustifié. Le renouveau psy¬
chométrique place l’éducateur devant les potentialités plutôt que devant les «trous»:
on parle maintenant volontiers de «bilan fonctionnel» plutôt que de «déficits à com¬
bler» chez l’adolescent.

5.2 LE STYLE COGNITIF

Une autre source de différence interindividuelle se trouve dans le style cogni¬


tif. À rendement intellectuel égal (même Ql), deux personnes peuvent afficher un
style cognitif fort différent. Leur approche des problèmes, leur façon de choisir une
stratégie ou de sélectionner l’information peuvent être différentes de façon
constante.

Le style cognitif concerne l’approche personnelle des situations. Il existe


plusieurs modèles de classification des individus en fonction de leur style cognitif;
Messick et coll. (1976) ont relevé dix-neuf composantes descriptives du style cognitif
dans la documentation psychologique. La plupart des modèles situent les gens selon
deux pôles extrêmes d’une dimension cognitive ou perceptuelle. Le style cognitif,
déjà présent au cours de l’enfance, influence cependant de façon significative les
relations que l’adolescent établit avec son entourage physique et social par les con¬
ditions psychologiques qu’il y détermine (Chess, 1968).

La notion de style cognitif se situe à la limite des domaines traditionnels de la


cognition et de la personnalité. Elle constitue un bel exemple de l’incidence directe
du style de pensée sur l’ensemble des conduites, sur la «personnalité». C’est donc là
une bonne occasion d’observer l’unicité chez la personne et de se rendre compte
que les catégories «cognition», «affectivité», «socialisation», etc. désignent chez elle
des couches d’une même réalité intégrée à la vie psychologique.

Afin de rendre nos propos plus explicites, nous décrirons ici trois dimensions
connues du style cognitif : a) réflexivité - impulsivité; b) contrôle interne - contrôle
externe du renforcement et c) dépendance - indépendance perceptuelle.
Activité mentale et différences individuelles 105

5.2.1 Réflexivité — impulsivité

Kagan (1965) a observé chez les enfants un degré variable d’impulsivité et de


réflexivité. Les sujets impulsifs ont tendance à réagir promptement, sans examiner
toutes les données de la situation et leur rendement scolaire est généralement
inférieur à ce qu’il pourrait être si leurs capacités personnelles étaient mieux exploi¬
tées. Ainsi l’adolescent impulsif succombe facilement à son empressement face à
une situation où il est nécessaire d’avoir toutes les informations pertinentes en main
avant d’envisager des solutions et d’en adopter une. De plus, il se laisse rapidement
séduire par l’attrait du succès. Ces traits caractéristiques de l’adolescent impulsif
accentuent la difficulté qu’il éprouve à employer efficacement ses capacités nou¬
velles de raisonnement hypothético-déductif. Parallèlement, l’adolescent réfléchi
examine les différentes avenues, prend son temps pour répondre car il apprécie le
processus de réflexion, et s’efforce d’éviter l’échec qu’il redoute. Son style cognitif
est très favorable à la maîtrise précoce de notions abstraites ou formelles dont la
complexité ne l’effraie pas.

Plus globalement, le type impulsif aime le risque, les situations nouvelles, les
grands groupes, etc. alors que le type réfléchi est posé, réservé et plutôt incommodé
par l’imprévu (Kagan, 1965). Théoriquement, les deux pôles définissent une échelle
où peut être situé chaque adolescent. Les cas purs de «réfléchi» ou «d’impulsif» sont
plutôt rares.

5.2.2 Contrôle interne — contrôle externe du renforcement

La notion de lieu de contrôle proposée par Rotter (1966) porte sur l’interpré¬ lieu de contrôle
tation par l’individu des renforcements qu’il reçoit, c’est-à-dire sur la perception
d’une relation causale entre le comportement et les récompenses ou punitions qui
s’ensuivent. Si la personne croit que ce qui lui arrive dans la vie dépend des efforts
qu’elle fait et de son comportement comme tel, elle adhère à un style de contrôle
interne. Le style de contrôle externe se caractérise par la croyance que les récom¬
penses ou les punitions qui surviennent sont causées par des facteurs autres que le
comportement personnel: la chance, la destinée, la superstition, etc. Le style cognitif
d’attribution de ce qui arrive influencera l’ensemble des projets personnels, des
efforts pour réussir et même des stratégies employées pour atteindre les buts fixés
(Lefcourt, 1966).

L’adolescent qui obtient une bonne note et croit qu’il a été «chanceux à
l’examen» risque fort d’être influencé différemment de son compagnon qui croit qu’il
a obtenu une bonne note parce qu’il a beaucoup étudié. L’impression que les succès
de la vie sont obtenus à coup d’efforts (contrôle interne) détermine des stratégies
différentes de celles alimentées par l’idée que ceux qui ont du succès ont eu de la
chance (contrôle externe).
106 Chapitre 5

Encore ici les deux pôles constituent des extrêmes entre lesquels une échelle
graduée offre une place à chacun.

5.2.3 Dépendance — indépendance perceptuelle

dépendance Proposé par Witkin (1954; 1962; 1976), le facteur de dépendance perceptuelle
perceptuelle correspond au degré selon lequel une personne peut fonctionner intellectuellement
en utilisant une partie du champ perceptuel indépendamment de l’ensemble de ce
champ. La figure 5.3 présente quelques tâches semblables à celles proposées par
Witkin dans son test «Figures cachées» («Embedded Figures») dont le but est d’éva¬
luer le degré de dépendance du champ.

La personne qui est dépendante du champ («field dépendent») organise son


espace perceptuel à partir d’indices apparents plutôt qu’à partir de bases intérieures
à elle-même. Elle subit donc l’influence des apparences du contexte immédiat où elle
évolue. Ainsi son identité personnelle est davantage affectée par le milieu et est
moins dépendante d’une structure individuelle intérieure (Witkin, 1954). La dépen¬
dance perceptuelle est plus marquée chez les jeunes mais elle tend à diminuer avec
la venue de l’adolescence.

Le style indépendant («field indépendant») organise son espace selon des


indices intérieurs à lui-même plutôt que selon des éléments perçus dans l’environ¬
nement. Il résiste aux indices environnementaux. Articulé et différencié, le sujet
indépendant possède une identité bien définie; il est moins dépendant du support de
l’environnement (Wenar, 1971).

Les pôles «dépendant» et «indépendant» se situent donc aux extrêmes d’un


continuum le long duquel chacun peut être situé. Le style perceptuel a donné lieu à
un grand nombre de recherches au cours des vingt dernières années. Il a été associé
à toutes sortes d’autres dimensions psychologiques. Par exemple, dans le domaine
du choix vocationnel, on associe le style dépendant aux professions qui comportent
beaucoup de relations sociales (vendeur, agent de relation, etc.), et le style indépen¬
dant est relié aux métiers comportant des tâches analytiques (mécanique, informati¬
que, génie, etc.)

Théoriquement, le style cognitif intervient donc pour influencer l’ensemble


des adaptations que l’adolescent doit réaliser autant dans les domaines scolaire et
interpersonnel que face aux défis personnels qu’il se pose, aux décisions qu’il prend
et aux types de relations qu’il entretient avec son milieu.

Chaque adolescent est donc unique dans son fonctionnement cognitif. Ses
aptitudes personnelles et son style cognitif impriment sur chacune de ses adapta¬
tions un caractère singulier et de plus en plus personnalisé à mesure qu’il avance
dans cette période de développement.
Activité mentale et différences individuelles 107

FIGURE 5.3: Exemples de «figures cachées» semblables à celles utilisées pour l’évaluation de
la dépendance perceptuelle*

Essayez de retrouver le
plus rapidement possible
DANS CETTE IMAGE
CETTE FIGURE

* Ces dessins ont été créés par l’auteur et ne sont donc pas des reproductions de ceux de Witkin (1954).

5.3 ÉVOLUTION DE LA PENSÉE MORALE


À L’ADOLESCENCE

La pensée morale correspond à l’ensemble des critères utilisés par une per¬
sonne pour juger des comportements selon leur justice ou leur injustice, selon qu’ils
sont bons ou mauvais. Le développement cognitif possède une influence directe sur
le jugement moral car ce dernier met en jeu le raisonnement logique, la capacité
d’intégrer de l’information et de réfléchir sur différentes possibilités. Aussi la pensée
morale se développe-t-elle de façon parallèle aux structures cognitives. Cela expli¬
que la présence de la section qui suit dans le présent chapitre: la pensée morale est
une des zones de la pensée.
108 Chapitre 5

Au cours des années 30, Fiaget fut l’un des premiers auteurs à décrire le
développement de la pensée morale chez l’enfant (Piaget, 1973). À partir de l’obser¬
vation des enfants face aux règles qui gouvernent leurs activités, il en a proposé
deux stades de développement: le stade de la moralité hétéronome, et le stade de la
moralité autonome. Le premier stade (7 ans et moins) définit une moralité centrée
sur la lettre des règles, qui, de façon rigide, ne s’interprètent pas. La pensée statique
du jeune enfant préopératoire ne lui permet pas de considérer différents points de
intention vue, de tenir compte de l’intention des agents ou du contexte de l’action jugée. C’est
la correspondance avec la règle qui indique si une action est bonne ou pas, rien
d’autre. Pour le sujet de ce premier stade, la justice est immanente, c’est-à-dire que
les méchants sont punis par les événements malheureux qui leur arrivent du simple
fait qu’ils ont commis de mauvaises actions.

À partir de sept ans l’enfant évolue vers une moralité autonome où le sujet
considère l’intention de l’auteur lorsqu’il porte un jugement sur des actes. La règle
n’est plus quelque chose d’immuable mais une convention utile qui peut faire l’objet
d’interprétation. L’autorité n’est plus exclusivement considérée comme une source
de prescriptions, mais aussi comme un partenaire avec lequel il est possible de
coopérer.

Dans ses travaux sur le jugement moral, Piaget (1973) proposait des situa¬
tions à des enfants et étudiait leurs réactions. Dans ses interrogations d’enfants il
utilisait par exemple des scénarios semblables au suivant:

Il était une fois deux petites filles: Louise et Claire. Un jour, Louise
constata que l’encrier de sa mère était vide et décida de lui rendre service en le
remplissant avec la grosse bouteille d’encre. Mais en ouvrant la bouteille
Louise renversa de l’encre sur la table et fit une grande tache sur la nappe.
Claire, elle, joua avec l’encrier de sa mère et fit une petite tache en s’amusant.
Laquelle des deux fillettes est la plus fautive? Pourquoi?

Généralement, les enfants de moins de sept ans jugent les acteurs en fonction
du dégât causé, sans tenir compte de l’intention du personnage. Pour eux c’est
Louise qui est «la plus fautive» car elle a fait une grande tache sur la nappe. Pour les
sujets plus âgés, l’intention entre en ligne de compte dans le jugement moral de sorte
que, pour eux c’est Claire qui est la plus coupable puisqu’elle a fait une tache en
s’amusant alors que Louise voulait rendre service à sa mère. On pourrait ajouter ici
que dans notre culture contemporaine, l’intention de s’amuser est moralement
moins appréciée que celle de rendre service... Il est possible qu’en plus de centrer
leur jugement sur les effets des actes, les jeunes enfants ne partagent pas encore
cette distinction de valeur entre l’amusement et le comportement d’aide. Cette
indifférenciation constituerait une explication supplémentaire de leurs jugements.
Activité mentale et différences individuelles 109

Les travaux initiaux de Piaget ont été poussés plus loin par Lawrence Kohl¬ Kohlberg
berg (1958; 1969; 1972; etc.) qui a proposé une évolution du jugement moral selon
six stades regroupés en trois niveaux de développement.

5.3.1 Kohlberg (1958): description et évolution des stades*

Kohlberg, à l’aide d’une étude longitudinale, a pu identifier plusieurs étapes


distinctes dans le développement du jugement moral. Il distingue trois niveaux ou
paliers dans ce développement:

a) niveau d’une morale préconventionnelle (de 4 à 10 ans environ);


b) niveau d’une morale conventionnelle (de 13 à 18 ans environ);
c) niveau d’une morale postconventionnelle (20 ans et plus).

À chaque palier, il existe au moins deux types de structures différentes de raisonne¬


ment moral. Le développement du jugement moral s’opère alors selon six stades séquentiels
mais distincts les uns des autres:

Niveau préconventionnel Stade 1 orientation dite de la punition ou de l’obéissance simple


Stade 2 orientation du relativisme utilitariste;

Niveau conventionnel Stade 3 orientation de la bonne concordance interpersonnelle;


Stade 4 orientation dite de la loi et de l’ordre;

Niveau postconventionnel Stade 5 orientation légale de type contrat social;


Stade 6 orientation des principes éthiques.

Comme le souligne Rest (1973), un stade de jugement moral est un bagage


conceptuel utile pour interpréter les interrelations sociales et les responsabilités
mutuelles. Chaque stade de jugement moral a des façons différentes de définir un
dilemme moral donné et d’évaluer les aspects critiques d’un problème.

Ces stades évoluent vers une plus grande autonomie et une plus grande
conscience individuelle. Avant le stade initial, le «devoir» moral se limite à ce que le
moi veut faire ou a le pouvoir de faire physiquement. Au stade initial (stade 1) du
jugement moral, l’individu comprend l’existence de contraintes quelconques sur ses
actions. Cependant, il ne fait pas la différence entre les propriétés objectives, physi¬
ques d’une action et les propriétés subjectives ou psychologiques de cette action. La
valeur morale d’une action n’est pas basée sur le lien entre cette action et un état
subjectif quelconque, un désir, une motivation, ou une valeur, puisque l’individu
confond les résultats de l’action et les motifs qui la sous-tendent. (Exemple : « Quel-

' Source: LABELLE, J. Influence de la méthode dans l’évaluation du jugement moral. Université Laval, 1979.
Mémoire de maîtrise. Reproduit avec la permission de l’auteur.
qu’un d’important voyage en avion et a la phobie des hauteurs; l’hôtesse ne peut lui
donner de médicament parce que le seul qu’elle avait, elle l’a donné à une amie
malade. Au retour, il est probable que l’hôtesse sera emprisonnée parce qu’elle n’a
pas aidé la personne importante». Kohlberg, 1971, p. 89.) Ainsi, il vaut mieux aider
une personne importante et influente et qui de surcroît est riche que sa propre amie.

Au stade 2, le sujet réussit à distinguer les propriétés objectives, physiques de


l’action, et ses propres motifs psychologiques en rapport avec cette action. La valeur
morale d’une action est maintenant dérivée principalement de la relation qu’a l’ac¬
tion avec un désir psychologique quelconque, une motivation ou une valeur de la
part du sujet. Dans la réalité interpersonnelle plus générale, c’est à ce stade que le
sujet réussit à différencier les états psychologiques non observables et les appa¬
rences physiques observables (ou comportements) d’une autre personne. Ce que le
sujet ne comprend pas encore, c’est la conception réciproque que l’individu a de lui.
(Exemple: «Si un animal meurt, vous pouvez vivre sans lui, ce n’est pas quelque
chose dont vous avez réellement besoin. Si votre femme meurt, vous pouvez tou¬
jours avoir une nouvelle femme, mais ce n’est pas la même chose». Kohlberg, 1971,
p. 89.) Ici, ce qui importe, c’est la valeur qu’a pour le sujet, la personne, l’animal ou
l’objet. C’est la contribution spécifique que cette personne peut avoir pour le sujet
qui détermine l’action.

Au stade 3, le sujet commence à se concevoir lui-même suivant la perspective


de l’autre, il reconnaît que les autres posent des jugements subjectifs sur ses propres
actions. Il met de côté la relation entre ses actions et ses besoins instrumentaux
propres, et se préoccupe de la façon dont les autres évaluent son action. Il prend la
place de l’autre, d’un «autre généralisé» et décrit des valeurs normatives. Ces va¬
leurs doivent être adoptées par tout individu et s’opposent aux valeurs dérivées des
besoins instrumentaux d’un acteur particulier (stade 2) ou d’une force extérieure
spécifique (stade 1). L’individu coordonne et balance les valeurs subjectives des
acteurs individuels, chacun ayant ses besoins instrumentaux propres, pour dériver
des valeurs généralisées qui sont partagées par tous. (Exemple: «Henri doit voler le
médicament s’il aime sa femme et croit qu’il doit tout faire pour la sauver. On ne peut
pas laisser mourir un être humain sans rien faire pour le sauver».)

Les normes diffuses du stade 3 se «solidifient» par le biais de lois et de règles


qui définissent spécifiquement l’action juste et qui s’appliquent également à tous les
acteurs. Au stade 4, chaque acteur doit s’orienter sur la position des autres puisqu’il
fait partie d’un système plus général de rôles et de règles suivant lesquels tous
s’orientent. Puisque les droits de chaque membre du système sont reconnus plus
clairement qu’au stade 3, ces droits constituent l’avantage individuel retiré grâce au
maintien du système. (Exemple: «Il n’y a rien de pire pour la société ou la religion que
la perte délibérée d’une vie humaine. La vie est la chose la plus importante qu’il y a
pour la société. Si vous n’aviez pas de loi contre le vol, la société, la loi et l’ordre
seraient minés. Mais si vous laissez les gens mourir, il ne restera plus ni loi, ni
société». Kuhn et coll., 1977, p. 184.)
Activité mentale et différences individuelles 111

Pour la première fois, au stade 4/2, le sujet, plutôt que de porter des juge¬
ments uniquement en fonction du système, commence à en porter sur le système de
règles lui-même. Il commence à le considérer comme un système parmi la réalité
totale des systèmes possibles. C’est un stade de transition au cours duquel le sujet
devient conscient de l’aspect arbitraire de son propre système de règles.

Au stade 5, la personne se préoccupe du ou des principes qui doivent générer


un ensemble donné de règles, plutôt que de l’ensemble des règles lui-même. Elle se
préoccupe notamment des droits naturels et universels de tous les humains, et les
principes universels de devoir moral doivent dériver de l’existence de ces droits
humains universels. Cela prend la forme d’une préoccupation pour la maximisation
des conséquences de bien-être. (Exemple: «Si la vie de votre femme n’est pas
protégée par la loi, vous êtes justifié de violer la loi pour protéger sa vie. Le droit à la
vie est quelque chose que la loi doit protéger; c’est pour ça que les lois sont faites.
Vous pouvez avoir des sociétés sans propriété privée mais vous ne pouvez avoir de
sociétés qui ne protègent pas le droit à la vie». Kuhn et coll., 1977, p. 184.)

Au stade 6, les obligations morales universelles découlent d’une conception


de l’univers, des droits naturels intrinsèques à tout individu. Ces droits peuvent être
exprimés par des concepts de liberté, d’égalité et de réciprocité ou simplement par
une conception d’égalité entre les êtres où chacun est une fin en lui-même et non un
moyen. (Exemple: «Le respect pour la vie est un principe qui vient avant n’importe
quelle autre règle, puisque c’est le point de départ de toute moralité. En dépit du
droit légal du pharmacien de violer ce principe, il est encore moralement correct
pour vous de décider de voler». Kuhn, 1977, p. 185.)

Kohlberg et coll. (1975) ont également défini deux sous-stades pour chacun
des stades. Le sous-stade A est orienté vers les règles et les conséquences pratiques
(la perspective objective) et le sous-stade B est orienté vers la réciprocité, l’équité et
la justice (la perspective subjective).

Le sous-stade A est plus pratique, les jugements moraux sont plus descriptifs
et prédictifs «en matière de données objectives». Un individu de stade 3 et de
sous-stade A (3A) se demande, lorsqu’il est confronté à la question du vol du
médicament (voir le tableau 5.2), ce que ferait un bon mari ou ce à quoi peut
s’attendre une épouse. Un individu de stade 4A, face à la même question, s’interroge
sur les attentes du système social.

Au sous-stade B, l’individu a tendance à juger par lui-même et à violer les


règles ou attentes conventionnelles en faveur de ce qui lui semble correct. Il affiche
une orientation plus proche de la personne qu’au sous-stade A. Un individu de stade
3B, par exemple, se demande ce que ferait un mari dans une relation de couple et ce
que chaque partenaire peut attendre de l’autre dans cette relation. Au stade 4B, il se
demande ce qu’un citoyen peut attendre du système social et ce que le système
social lui-même peut exiger et exige de fait de l’individu. Le sous-stade B ne semble
112 Chapitre 5

pas obligatoire; on peut aller d’un sous-stade A vers un autre sous-stade A (par
exemple de 3A à 4A) sans passer par le sous-stade B. Le sous-stade B est plus
mature que le sous-stade A; un sujet de stade 3A progresse au stade 3B, mais un
sujet de stade 3B ne se dirige pas vers le stade 3A. Il évolue plutôt vers le stade 4A
(Kohlberg, Kauffman, Scharf et Hickey, 1974).

Le tableau 5.2 décrit les stades proposés par Kohlberg et fournit des exem¬
ples de raisonnements concernant des dilemmes moraux que l’auteur a utilisés dans
ses recherches.

Pour Kohlberg, le raisonnement moral se développe selon une séquence


invariable pour les trois niveaux. L’évolution d’un stade à un autre est sous-tendue
par un facteur d’équilibration du type piagétien, et chaque nouveau stade permet
une adaptation plus grande que la précédente. L’individu d’un stade donné peut
comprendre les arguments des stades moins évolués mais sa compréhension dimi¬
nue face aux arguments de stades plus avancés. Tous les jugements moraux posés
par une personne ne sont pas nécessairement au même stade: un stade dominant
existe, mais des comportements d’un autre niveau peuvent apparaître selon le
contexte. Ainsi, dans une situation moins compromettante une personne peut rai¬
sonner à un niveau postconventionnel alors que dans un contexte d’urgence où de
graves conséquences personnelles peuvent en découler, la même personne peut
raisonner à un niveau tout juste conventionnel.

Il est intéressant de noter que la stratégie de Kohlberg dans l’interrogation de


ses sujets a été non pas de classer une solution apportée par rapport à sa valeur
«objective», mais de classer un niveau de raisonnement personnel ou une stratégie
de recherche face à une situation où il n’y a pas vraiment d’issue, c’est-à-dire un
dilemme moral dilemme. Ainsi, face aux dilemmes du tableau 5.3, il n’y a pas de solution satisfai¬
sante, et c’est grâce aux arguments d’analyse envisagés par le sujet qu’il est possible
de situer son niveau de raisonnement moral dans l’échelle de Kohlberg.

Un grand nombre de travaux de recherche ont confirmé la progression du


raisonnement moral selon l’âge, ainsi que la corrélation de cette évolution avec le
développement cognitif, le quotient intellectuel, le degré de scolarité et le niveau
socio-économique des individus (Hoffman, 1970; Rest, Davidson et Robbins, 1978).
Des différences individuelles importantes ont aussi été mises en évidence de sorte
que le niveau III (c.-à-d. les stades 5, 6 et 7; voir le tableau 5.2), théoriquement atteint
à l’adolescence, peut très bien ne pas être atteint avant l’âge adulte ou ne pas être
atteint du tout par certaines personnes. On a'aussi démontré la possibilité de faire
progresser expérimentalement le jugement moral, ce qui souligne l’importance de
l’éducation dans cette zone d’activité mentale (Crowley, 1968; Adams, 1977; Labelle
et Cloutier, 1981).

Kuhn, Langer, Kohlberg et Haan (1977) ont observé, selon un échantillon


d’adolescents de 16 ans, que sur 60% des sujets classés formels d’après les épreuves
de raisonnement, 10% seulement répondaient aux dilemmes moraux selon le niveau
postconventionnel.
Activité mentale et différences individuelles 113

Par ailleurs, la méthode utilisée pour évaluer le degré de jugement moral peut
influencer les résultats de façon significative. Labelle et coll. (1981) ont montré que
les mêmes réponses donnaient lieu à des classements différents selon qu’on utilisait
la technique «globale» ou la technique «détaillée» de cotation de Kohlberg et coll.
(1977). De plus, les situations hypothétiques proposées aux sujets (voir les dilemmes
dans le tableau 5.3) ne suscitent pas les mêmes réactions que les situations vécues
réellement. En effet, Haan (1975) a observé que la plupart des étudiants interrogés
raisonnaient à un stade différent selon qu’il s’agissait de problèmes hypothétiques ou
de situations réelles. L’auteur explique ces différences par l’implication personnelle
beaucoup plus grande occasionnée par les* situations vécues. Dans ces dernières, les
sujets établissent une balance entre les divers éléments du contexte (c.-à-d. les
pressions sociales, les sentiments envers les autres, les risques, etc.) plutôt que
d’exprimer plus ou moins froidement une opinion sur ce qui est logiquement bien ou
mal dans une situation hypothétique.

TABLEAU 5.2: Stades de développement moral selon Kohlberg (1958)

Dilemme moral utilisé pour les exemples: le médicament

En Europe, une femme atteinte d’un cancer était condamnée à mourir. Les médecins croyaient qu’il n’y avait qu’un seul
médicament qui pouvait la sauver; c’était une sorte de radium découvert récemment par un pharmacien de la même ville. Il en coûtait
cher au pharmacien pour le faire, il payait 200 $ pour le radium et il exigeait 2000 $ pour une petite dose du médicament. Henri, le mari de
la femme malade, se présente chez tous ceux qu’il connaît et à toutes les maisons de finances pour leur emprunter de l’argent, mais il ne
réussit qu’à ramasser 1000 $, soit la moitié de la somme requise.

Il explique au pharmacien que sa femme est mourante et lui demande alors soit de lui vendre le médicament moins cher, soit de le
laisser payer plus tard. Mais le pharmacien lui répond: «Non, c’est moi qui ai découvert le médicament et je veux en retirer le plus d argent
possible». Henri se découragea et la nuit suivante, il alla voler le médicament chez le pharmacien pour sauver sa femme. Henri a-t-il bien
fait? Pourquoi?

Niveau préconventionnel (de 4 à 10 ans environ)

À ce niveau, l’enfant répond aux règles culturelles du bon et du mauvais, mais il applique ces étiquettes en fonction des conséquences
physiques et hédonistes (plaisir) de l’action (punition, récompense, échange de bons soins), ou encore selon le pouvoir de coercition
physique de ceux qui énoncent ou font respecter ces règles.

Stade 1 Orientation dite de la punition ou de l’obéissance

Description Exemples

Les conséquences physiques d’une action déterminent ici sa bonté a) «Si vous laissez votre femme mourir, vous aurez du trouble.
ou sa malice, sans égard à la signification ou à la valeur humaine de Vous serez blâmé pour ne pas avoir dépensé d’argent pour la
ces conséquences. L’esquive de la punition et une déférence in¬ sauver et il y aura une enquête sur vous pour la mort de votre
conditionnelle au pouvoir sont ici valorisées en elles-mêmes, et non femme».
pas par respect pour un ordre moral sous-jacent à la punition et à b) «Vous ne pouvez voler la drogue parce que vous serez pris et
l’autorité (ce qui sera plutôt le fait du stade 4). envoyé en prison si vous le faites».
• • •

Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: LABELLE, J. Influence de la méthode dans l'évaluation du jugement moral. Université
Laval, 1979, appendice I. Mémoire de maîtrise.
114 Chapitre 5

Stade 2 Orientation du relativisme utilitariste

Description Exemples

L’action juste est ici celle qui peut satisfaire des besoins person¬ a) «S’il arrive que vous soyez pris, vous pourrez redonner la dro¬
nels et occasionnellement, les besoins des autres. Les relations gue et vous n’obtiendrez pas beaucoup d’années de prison. Cela
humaines sont considérées comme des relations strictement ne vous dérangera pas de faire de la prison si vous avez votre
commerciales d’une place de marché. On retrouve certes ici la femme quand vous sortirez».
sincérité (fairness), la réciprocité et le partage, mais ces éléments b) «Il n’aura pas beaucoup plus qu’un terme de prison s’il vole la
sont toujours marqués d’un pragmatisme matériel. La réciprocité drogue, mais sa femme mourra probablement avant qu’il soit
consiste en un donnant-donnant où la loyauté, la gratitude et la sorti. De toute façon cela ne sera pas très bon».
justice sont absentes.

Niveau conventionnel (de 13 à 18 ans environ)

À ce niveau, l’action qui satisfait aux attentes de la famille, du groupe ou de la nation est perçue comme valable en soi, indépendamment
des autres conséquences. L’attitude morale comporte ici non seulement une conformité aux attentes de l’entourage et de l’ordre social,
mais aussi une loyauté envers ces dernières, doublée d’une volonté active de maintenir, de supporter et de justifier ses vues avec celles
des personnes physiques ou morales qui le composent.

Stade 3 Orientation de la bonne concordance interpersonnelle


(vers 13 ans, adolescent moyen)

Description Exemples

La bonne action est ici celle qui plaît, celle qui aide les a) «Personne ne pensera que vous êtes mauvais si vous volez la
autres ou celle que les autres approuvent. Il y a, à ce stade, une drogue mais votre famille pensera que vous êtes un mari inhu¬
forte conformité aux images stéréotypées du comportement de la main si vous ne le faites pas.»
majorité ou identifié comme naturel. De plus, l’action est fré¬ b) «Ce n’est pas seulement le pharmacien qui pensera que vous
quemment jugée selon les intentions qui la sous-tendent. Pour la êtes un criminel, chacun le pensera aussi. Si vous volez en
première fois, le «il a voulu bien faire» devient important. On sachant cela, vous déshonorerez votre famille et vous-même».
cherche ici à gagner l’approbation des autres en étant gentil.

Stade 4 Orientation dite de la loi et de l’ordre (entre 16 et 20 ans)

Description Exemples

On trouve ici une disposition à soutenir l’autorité, les règles défi¬ a) «Si Henri vole la drogue, il donnera un exemple qui pourra
nies et l’ordre social. La bonne action est celle qui consiste à causer I anarchie et la destruction de plus de vies que celle de sa
accomplir son devoir, à être respectueux envers l’autorité et à femme».
maintenir l’ordre social établi. b) «Si vous avez un sens de l’honneur, vous ne laisserez pas votre
femme mourir. Vous vous sentirez toujours coupable envers
elle.»

Stade 4/2 Orientation du relativisme éthique

Description
Exemple

Ce stade ressemble au stade 2, mais il offre une structure d’en¬


«Légalement non. Moralement, oui. Après tout, toutes les mo¬
semble qui fait appel à un niveau d’abstraction beaucoup plus élevé rales» ne sont pas des lois. Mais la plupart de nos lois sont des
que celui du stade 2. L’individu de stade 4>/2 fera appel, dans ses morales». (Kohlberg, 1973, p. 63.)
jugements moraux, à des critères «individuels», car il a remarqué
que les morales des sociétés et des cultures souvent se contredi-
Activité mentale et différences individuelles 115

sent. Alors qu’au stade 4, l’individu est fidèle à sa culture, et qui.


l’on peut dire de lui qu’il est «relativiste culturel», au stade 414, il
devient «relativiste éthique» ayant découvert que ce qui est bon à
l’est est déclaré mauvais à l’ouest, et vice versa. N’ayant pas en¬
core atteint le stade 5, et quand même obligé par les événements
de poser des jugements moraux, l’individu de stade 414 en sera
réduit à juger moralement en utilisant comme critère ses concep¬
tions et goûts personnels, ce en quoi il peut être confondu avec un
individu de stade 2.

Niveau postconventionnel (18-20 ans et plus)

À ce niveau, il y a un effort notoire pour définir des valeurs et des principes valides, sans que cette validité ne dépende ni de
l’autorité des personnes physiques ou morales qui peuvent les soutenir, ni du degré d’implication de l’individu avec ces personnes.

Stade 5 Orientation légale de type contrat social (rarement avant 20-25 ans)

Description Exemple

À ce stade, l’action juste est définie surtout selon des droits indivi¬ «Bien que Henri ait brisé la loi pour voler la drogue, que vaut la loi
duels ou selon des critères examinés de façon critique et admis par si elle empêche sa femme de vivre. Les actions du pharmacien sont
l’ensemble d’une société. On reconnaît à ce stade le relatif des totalement immorales et Henri n’a pas le choix et vole la drogue».
opinions personnelles; l’accent est souvent mis sur les règles de
procédure capables de favoriser un consensus véritable. Sauf pour
ce qui est constitutionnellement et démocratiquement admis, le
«bien» relève des valeurs personnelles. L’accent est mis sur le
point de vue légal, accompagné d’une forte insistance sur l’oppor¬
tunité de changer les lois, selon un processus rationnel, lorsque le
bien commun l’exige. En deçà du domaine légal, les ententes libres
et les contrats honnêtes constituent la substance de l’obligation
morale.

Stade 6 Orientation des principes éthiques (peu probable avant 30-35 ans)

Description Exemples

Le bien est ici défini selon la décision de la conscience individuelle a) «Oui une vie humaine l’emporte sur n’importe quelle autre va¬
éclairée appliquant à une situation concrète des principes éthi¬ leur morale ou légale. La vie humaine est une valeur inhérente
ques. Ces principes seront choisis en fonction de leur pertinence, qu’elle soit ou non valorisée par un individu en particulier».
cohérence, globalité et universalité. Ces principes moraux sont (Kohlberg, 1971, p. 90.)
abstraits et ne constituent pas à proprement parler des règles b) «Henri doit voler la drogue si ses actions sont pour sauver la vie
morales, comme par exemple les dix commandements. Fonda¬ humaine. Une loi qui permet à sa femme de mourir est une loi
mentalement, il s’agit des principes de justice, d’égalité et de réci¬ immorale parce qu’elle viole le principe universel selon lequel
procité des droits humains et de respect de la valeur humaine de chacun a un droit légal à vivre. Henri doit désobéir à cette loi
parce qu’elle est incompatible avec le bien-être de l’humanité».
chaque individu.

Stade 7 Orientation vers la résolution de questions méta-éthiques: pourquoi être moral?

Description Exemple

Ce stade implique une expérience contemplative de variété non «Chaque religion contredit nécessairement chacune des autres, et
égoïste et non dualistique. Le mouvement part avec du désespoir. probablement se contredit elle-même. Peu importe la religion
116 Chapitre 5

Un tel désespoir implique le commencement d’une perspective qu’un homme peut avoir, c’est un accident historique autant que la
cosmique. C’est quand nous commençons à voir nos vies comme langue qu’il peut parleo>.
finies à partir d’une perspective plus infinie que nous sentons le
désespoir. La signification de nos vies en face de la mort est la
signification du fini à partir d’une perspective de l’infini. La résolu¬
tion du désespoir que l’on appelle stade 7 représente la continuité
d’un processus de prise d’une perspective plus cosmique dont la
première phase est le désespoir. Cela représente en un sens un
changement figure-fond.

TABLEAU 5.3: Exemples de dilemmes moraux utilisés par Labelle et Cloutier (1981)*

La responsabilité du docteur

Le docteur Marois est à la maison en train de regarder une partie de football à la télévision. Soudain, il entend le bruit d’une
énorme collision dehors. Quand il sort pour voir ce qui s’est passé, il constate un gros accident d’autos. Le conducteur de l’une des
voitures repose face contre terre et semble être inconscient. Le docteur Marois craint que si l’homme n’est pas soigné rapidement, il
puisse mourir. Cependant, le docteur est aussi conscient que soigner quelqu’un dans une telle situation pourrait facilement lui entraîner
des poursuites judiciaires.

L Le docteur Marois devrait-il venir en aide à l’homme blessé?


Oui-Non_Pourquoi?
2. Si 1 homme blessé n’est pas réellement en danger de mort mais qu’il souffre beaucoup, le docteur Marois devrait-il l’aider?
Oui-Non_Pourquoi?
3. Si le docteur Marois sait que les poursuites judiciaires pourraient possiblement le mener à la perte de son droit d’exercer,
comment cela devrait-il influencer sa décision?
4. Trouvez-vous juste qu’un médecin puisse être poursuivi pour être venu en aide à quelqu’un?
Oui-Non_Pourquoi?

Classez les justifications suivantes par ordre de préférence:

a) Le docteur Marois craint que si l’homme n’est pas soigné rapidement, il puisse mourir.
( )
b) Lorsqu il s agit d une urgence, le droit de chacun à la vie peut restreindre la liberté de choix du médecin
( )
c) Un des principes les plus importants pour un médecin est de conserver la santé et de soigner la maladie
( )
d) Pour le docteur, soigner quelqu’un dans une telle situation pourrait amener une foule de problèmes.
( )

Ces exemples de dilemmes ont été traduits et adaptés par l’auteur à partir de l’ouvrage collectif de : BLATT, M.M., COLBY A et SPEICHER-DUBIN
B. Hypothetical Dilemmas for Use in Moral Discussion. Moral Education and Research Foundation. 1974. Document miméographié.

Plagiat

Il y a un cours au cégep considéré très difficile. C’est un cours optionnel (non obligatoire) dans lequel le professeur exige cinq
travaux durant le semestre.

Un étudiant à sa dernière année de cégep prend ce cours et fait les quatre premiers travaux. Au moment où il faut remettre le
cinquième travail, il a plusieurs autres travaux à faire pour obtenir son diplôme. Or un de ses amis a suivi le cours deux ans auparavant et
a encore ses travaux, il lui en demande un. Il réécrit quelques parties et remet le travail croyant que le professeur ne se souviendra jamais
d’un travail qui a été fait si longtemps auparavant surtout que depuis ce temps, beaucoup d’étudiants ont pris le cours. Cependant, le
professeur reconnaît le travail et se souvient du nom de l’étudiant qui l’a écrit le premier.
Activité mentale et différences individuelles 117

1. Que devrait faire le professeur? Pourquoi?


2. Supposons que la punition habituelle pour le plagiat est l’expulsion de l’école. Le professeur devrait-il considérer le fait que
l’étudiant en est à sa dernière année et qu’il va obtenir son diplôme? Oui-Non-Pourquoi?
3. Est-ce que l’expulsion de l’école est une punition juste pour avoir copié? Oui-Non-Pourquoi?
4. Est-ce que l’étudiant qui a prêté le travail est coupable de quelque chose? Oui-Non-Pourquoi?

Classez les justifications suivantes par ordre de préférence:

a) Le professeur pourrait tenir compte du fait que l’étudiant en est à sa dernière année de cégep et qu’il a plusieurs autres
travaux à faire pour obtenir son diplôme. ( )
b) Dans un cégep, les professeurs ne tolèrent pas la tricherie afin que les chances soient égales pour tous. ( )
c) Ce qui compte pour le professeur, c’est qu’il n’a reçu que quatre travaux faits par l’étudiant concerné alors
qu’il en a demandé cinq durant le semestre. ( )
d) Le professeur est confronté avec le cas particulier de l’étudiant qui peut finir son cours bientôt et la règle du
cégep. ( )

Émeutes sur la place publique

Au milieu et à la fin de l’année 1960, il y a eu plusieurs émeutes dans un grand nombre de villes canadiennes. Au cours de presque
toutes les émeutes, il y eut un grand nombre de vols dans les magasins. Durant une émeute à Montréal, les policiers ont reçu 1 ordre de
tirer sur les manifestants et sur les voleurs. Les policiers devaient tirer non pas pour les tuer mais plutôt pour les blesser. Un policier à qui
on avait assigné une partie du territoire à surveiller, voit un groupe d’adolescents en train de voler. Il est en conflit avec lui-même et se
demande s’il doit tirer ou non.

1. Que devrait faire le policier? Pourquoi?


2. Votre décision serait-elle la même si vous étiez propriétaire d’un magasin? Oui-Non _Pourquoi?
3. Votre décision serait-elle la même si vous étiez un des adolescents en train de voler? Oui- Non_Pourquoi?
4. Supposons que le policier obéit aux ordres et tue un voleur par erreur; est-ce correct? Oui_ _ Non_Pourquoi?

Classez les justifications suivantes par ordre de préférence:

a) Dans notre société, les policiers ont la responsabilité de faire respecter la loi et l’ordre dans le but de protéger tous les
citoyens. ( )
b) Le policier sait que désobéir aux ordres dans une telle situation pourrait lui amener une foule de problèmes sérieux. ( )
c) La validité de l’action policière doit être évaluée en fonction du respect de la vie des gens et aussi du bien-être
de la communauté. ( )
d) Le policier veut bien obéir aux ordres mais il voit qu’il devrait blesser les adolescents qui font partie du groupe des
voleurs. ( )

L’exemple qui suit est boiteux parce qu’il ne propose pas une situation vécue,
mais il peut aider à comprendre la distance entre le réel et l’hypothétique en matière
de jugement moral.

Vous êtes à bord d’un bateau de plaisance sur le point de faire naufrage en
raison d’une très grosse tornade et votre fils vous accompagne. Compte tenu
du matériel disponible vous avez le choix: vous échapper avec votre enfant ou
rester pour sauver la vie de plusieurs passagers. Que faites-vous?
118 Chapitre 5

5.3.2 L’adolescent et les règles sociales

Lorsque l’adolescent découvre que les règles de la société des adultes sont
souvent bafouées par ces derniers, il réévalue plusieurs notions morales. En consta¬
tant que ce n’est pas toujours avantageux de se conformer aux règles, l’adolescent
remet en question ses adhésions aux divers codes qu’on lui a inculqués. Il découvre,
avec ses capacités plus puissantes de raisonnement, que la société ne correspond
pas toujours aux absolus qu’on lui a présenté depuis son enfance. Ces «décou¬
vertes» apportent des déceptions et provoquent un rejet plus ou moins radical du
monde adulte et de son caractère artificiel.

Si l’on ajoute aux capacités logiques nouvelles de l’adolescent son désir in¬
tense de trouver une identité personnelle, indépendante des «modèles préfabriqués»
des adultes, on peut comprendre les nombreuses remises en question qui donnent à
l’adolescence une allure de révolution dans certains cas (Erikson, 1968; Loevinger,
1966).

5.3.3 L’égocentrisme adolescent

Comment la mobilité accrue de la pensée, la capacité d’envisager plusieurs


hypothèses et le pouvoir de raisonner sur plusieurs variables à la fois peuvent-ils
amener 1 égocentrisme? Dans la théorie de Piaget, trois moments du développement
accompagnent une forme d’égocentrisme (Piaget, 1973; 1955; Elkind, 1974). Chez le
tout jeune enfant, à la période de l’intelligence sensorimotrice, l’égocentrisme se
traduit par l’incapacité de différencier l’action de son propre corps des réactions des
objets environnants. Le bébé poussera par exemple un hochet et son action, comme
la réaction de ce dernier, seront confondues. Plus tard, l’action et la réaction se
différencieront laissant place au développement initial de la causalité c’est-à-dire la
distinction entre la cause et l’effet. À la période préopératoire, l’égocentrisme se
traduit par l’incapacité de se décentrer de son propre point de vue. Dans l’espace
par exemple, cela fait que l’enfant de 3-4 ans ne peut imaginer qu’une autre personne
devant lui voit les objets avec une perspective différente de la sienne, il croit que les
autres voient ce que lui voit.

Au début de l’adolescence, au moment de l’accession à la pensée formelle, les


idées, l’intelligence, les attitudes deviennent des objets de réflexion. L’adolescent
peut raisonner sur sa pensée mais aussi sur celle des autres. L’égocentrisme de
l’adolescent provient du fait qu’il ne différencie pas les objets de sa pensée de ceux
de la pensée des autres. Il croit par exemple que les autres sont préoccupés par sa
personne de la même façon que lui-même l’est. La fille de 12-13 ans qui change sa
coiffure croira que son entourage est tout autant conscient du changement quelle
l’est elle-même. Cette centration sur soi est évidemment aiguisée par les préoccupa¬
tions intenses provoquées par les changements physiques dans leurs dimensions
sexuelle, émotionnelle et sociale. «L’égocentrisme est une absorption du moi dans
les choses et dans les personnes, avec indifférenciation du point de vue propre et
des autres points de vue» (Piaget, 1973, p. 63).
Activité mentale et différences individuelles 119

AUTO-ÉVALUATION

1. Conçus pour fournir l’image la plus fidèle et la plus stable possible du rendement intellectuel des individus, les tests d’intelligence ont
aussi pour but la compréhension des mécanismes cognitifs.

a) Vrai
b) Faux

2. Le modèle de structuré de l’intelligence de Guilford classifie les aptitudes mentales selon 3 dimensions. Identifiez-les parmi les
propositions suivantes.

a) Produits;
b) concepts;
c) algorithme;
d) contenus;
e) symboles;
f) opérations.

3. Dans le contexte de la théorie de Guilford sur la structure de l’intelligence, si on vous demandait de retrouver tous les «0» et les
«9» dans une page pleine de chiffres, on vous demanderait alors d’effectuer des opérations ? , sur des contenus ? pour pro¬
duire des ? . Retrouvez parmi les suivants les concepts qui remplaceraient chaque point d’interrogation.

a) Évaluation;
b) symbolique;
c) figuratif;
d) mémorisation;
e) unités;
f) relations.

4. Aucune habileté n’a été identifiée par les psychohiétriciens comme surgissant spécifiquement à l’adolescence, ils ont toutefois
observé une augmentation plus marquée du développement de certaines zones. Parmi les propositions suivantes, identifiez deux
habiletés susceptibles de se développer à un rythme accéléré à l’adolescence.

a) La capacité d’apprendre des langues;


b) la capacité de mémoriser des contenus;
c) la capacité de se représenter mentalement l’espace;
d) la capacité d’identifier des visages;
e) la capacité générale de résoudre des problèmes.

5. L’hérédité est reconnue comme ayant un impact sur les différences de rendement intellectuel. Ordonnez les couples suivants selon
leur probabilité d’avoir un rendement intellectuel similaire en commençant par la probabilité la plus forte.

a) Mère adoptive et fille adoptée;


b) père et fils;
c) jumeaux identiques;
d) demi-frère et demi-soeur;
e) jumeaux.

6. Dans le secteur de l’éducation, on dénonce de plus en plus activement le tort causé aux enfants en les étiquetant de façon quasi
permanente d’après le rendement fourni a certains tests à une certaine epoque de leur vie.

a) Vrai
b) Faux
120 Chapitre 5

7. À partir de la relation entre les deux figures des cases du haut, laquelle de celles proposées en bas irait dans la case vide?

8. L’approche de Feuerstein innove en ce qu’elle propose une situation de test où le sujet peut démontrer son acquis antérieur.

a) Vrai
b) Faux

9. Il existe plusieurs composantes descriptives du style cognitif (Messick, 1976). Retrouvez parmi les propositions suivantes deux
dimensions que l’on connaît du style cognitif.

a) Autonomie-passivité;
b) réflexivité-impulsivité;
c) contrôle interne - contrôle externe;
d) logique - illogique; *
e) passif - impulsif;
f) dépendance perceptuelle - indépendance perceptuelle.

10. Selon Kagan (1965) le type impulsif possède des caractéristiques définies. Identifiez parmi les suivantes deux caractéristiques
attribuées au type impulsif.

a) N’aime pas le risque;


b) aime les grands groupes;
c) aime les situations nouvelles;
d) est plutôt réfléchi;
e) aime le risque.

11. L adolescent qui obtient une bonne note et qui croit qu il a été «chanceux à l’examen» diffère de son compagnon qui estime avoir eu
une bonne note «parce qu’il a beaucoup étudié». Le premier attribue à la chance ce que le deuxième attribue à ses efforts. Identifiez le
style cognitif de chacun parmi les propositions suivantes.

a) Le premier réagit selon le style «contrôle interne»;


b) le deuxième réagit selon le style «contrôle externe»;
c) le premier réagit selon le style «contrôle externe»;
d) le second réagit selon le style «contrôle interne»;
e) le premier réagit selon un style impulsif.
Activité mentale et différences individuelles 121

12. Le style «dépendant» de Witkin organise son espace à partir d’indices intérieurs à lui-même plutôt qu’à partir d’éléments de
l’environnement.

a) Vrai
b) Faux

13. Kohlberg a proposé une série de stades dans le développement du jugement moral. Ordonnez les propositions suivantes selon la
séquence de développement proposée par cet auteur (de la plus évoluée à la moins évoluée).

a) La loi et l’ordre;
b) la bonne concordance interpersonnelle;
c) le contrat social;
d) le relativisme utilitariste.

14. Pour Kohlberg, le raisonnement moral se développe selon une séquence dont 1 ordre peut varier d une personne à 1 autre.

a) Vrai
b) Faux

15. Au milieu et à la fin de l’année 1960, il y a eu plusieurs émeutes dans un grand nombre de villes canadiennes. Dans presque toutes les
émeutes, il y eut un grand nombre de vols dans les magasins. Durant une émeute à Montréal, les policiers ont reçu l’ordre de tirer non
pas pour tuer mais plutôt pour blesser les manifestants et les voleurs. Un policier à qui on a assigné une partie du territoire à
surveiller, voit un groupe d’adolescents en train de voler. 11 est en conflit avec lui-même et se demande s’il doit tirer ou non.

Face à ce problème, identifiez la justification la moins évoluée selon Kohlberg.

a) Dans notre société, les policiers ont la responsabilité de faire respecter la loi et 1 ordre dans le but de protéger tous les citoyens,
b) le policier sait que désobéir aux ordres dans une telle situation pourrait lui amener une foule de problèmes sérieux,
c) la validité de l’action policière doit être évaluée en fonction du respect de la vie des gens et aussi du bien-être de la communauté;
d) le policier veut bien obéir aux ordres mais il voit qu’il devrait blesser les adolescents qui font partie du groupe de voleurs.

16. Il y a un cours au cégep considéré très difficile. C’est un cours optionnel (non obligatoire) dans lequel le professeur exige cinq travaux
durant le semestre.

Un étudiant à sa dernière année de cégep prend ce cours et fait les quatre premiers travaux. Au moment où il faut remettre le
cinquième travail, il a plusieurs autres travaux à faire pour obtenir son diplôme. Or, un de ses amis a suivi le cours deux ans
auparavant et a encore ses travaux. Il lui en demande un. Il réécrit quelques parties et remet le travail croyant que le professeur ne se
rappellera jamais un travail qui a été fait si longtemps auparavant surtout que depuis ce temps beaucoup de personnes ont pris le
cours. Cependant, le professeur reconnaît le travail et se souvient du nom de l’étudiant qui l’a écrit le premier.

Face à ce problème, identifiez la justification la moins développée parmi les suivantes en fonction de 1 échelle de Kohlberg.

a) Le professeur pourrait tenir compte du fait que l’étudiant en est à sa dernière année de cégep et qu’il a plusieurs autres travaux à
faire pour obtenir son diplôme;
b) dans un cégep, les professeurs ne tolèrent pas la tricherie afin que les chances soient égales pour tous;
c) ce qui compte pour le professeur c’est qu’il n’a reçu que quatre travaux faits par l’étudiant concerné alors qu’il en a demandé cinq
durant le semestre; ...
d) le professeur est confronté avec le cas particulier de l’étudiant qui peut finir son cours bientôt et la réglé du cegep.

17 Le docteur Marois est à la maison en train de regarder une partie de football à la télévision. Soudain, il entend le bruit d une énorme
' collision dehors Quand il sort voir ce qui s’est passé, il constate un gros accident d’autos. Le conducteur de l’une des voitures repose
face contre terre et semble être inconscient. Le docteur Marois craint que si l’homme n’est pas soigné rapidement, il puisse mourir.
Cependant, le docteur est aussi conscient que soigner quelqu’un dans une telle situation pourrait facilement lui entraîner des
poursuites judiciaires.

Face à ce problème, ordonnez les justifications suivantes de la moins développée à la plus développée.
122 Chapitre 5

a) Le docteur Marois craint que si l’homme n’est pas soigné rapidement, il puisse mourir;
b) lorsqu’il s’agit d’une urgence, le droit de chacun à la vie peut restreindre la liberté de choix du médecin;
c) un des principes les plus importants pour un médecin est de conserver la santé et de soigner la maladie;
d) pour le docteur, soigner quelqu’un dans une telle situation pourrait amener une foule de problèmes.

18. L égocentrisme de l’adolescent correspond à la croyance que les autres sont préoccupés par son apparence et son comportement
personnel de la même façon que lui-même l’est.

a) Vrai
b) Faux
Chapitre 6
Adolescence et sexualité

6.1 LA SEXUALITÉ: INTRODUCTION

6.2 PHYSIOLOGIE DES FONCTIONS SEXUELLES


6.2.1 La stimulation sexuelle
6.2.2 Le toucher
6.2.3 La vue
6.2.4 L’odorat
6.2.5 L’ouïe
6.3 LE CYCLE DE LA RÉPONSE SEXUELLE
6.3.1 La phase d’excitation
6.3.2 La phase du plateau
6.3.3 La phase de l’orgasme
6.3.4 La phase de résolution

6.4 LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOSEXUEL


6.4.1 Le début de l’activité sexuelle
124 Chapitre 6

6.4.2 L’activité sexuelle prépubertaire


6.4.3 L’orgasme fait-il partie de l’activité sexuelle prépubertaire?

6.5 LES COMPORTEMENTS SEXUELS À L’ADOLESCENCE


6.5.1 Fréquence des conduites sexuelles
6.5.2 Importance des principales activités sexuelles au cours des années
6.5.3 La masturbation
6.5.4 Le coït prémarital

AUTO-ÉVALUATION

6.1 LA SEXUALITÉ: INTRODUCTION

La sexualité est une réalité présente chez tout individu. Voilà peut-être la
seule généralisation que I on puisse faire en matière de sexualité humaine. Les
sources des différences sont par contre innombrables: l’âge de l’individu, son sexe,
ses caractéristiques physiques, son activité mentale, son histoire personnelle, son
statut civil, sa culture, sont autant de facteurs qui contribuent à rendre unique ce
que chacun de nous vit sexuellement.

Est-il possible de parler de sexualité à l’adolescence sans tenir compte des


différences entre garçons et filles? Peut-on décrire la sexualité des adolescents qué¬
bécois de la même manière que celle des adolescents malaisiens, suédois ou polo¬
nais? Deux adolescentes habitant une meme ville, sur une même rue, connaissent-
elles une évolution sexuelle identique?

C’est par la négative qu’il faut répondre à chacune de ces questions puisque
chaque personne est particulière, unique dans ce qu elle vit psychologiquement.
Toutefois, les connaissances dont nous disposons jusqu’à maintenant sur la sexuali¬
té nous permettent de faire une description relativement précise de la réponse
sexuelle sur le plan physiologique. Les comportements sexuels dans leurs variétés
pratiques ont aussi fait l’objet de plusieurs études. Bon nombre de travaux ont été
consacrés à l’influence de la culture sur les pratiques sexuelles et leur contrôle. Sur
le plan médical, les méthodes contraceptives, et les maladies vénériennes et leur
épidémicité ont été l’objet de beaucoup d’attention au cours des vingt dernières
années. Dans la plupart de ces domaines, les chercheurs avouent avoir encore plus
de distance à parcourir qu’il n’y en a de franchie jusqu’à aujourd’hui; il reste beau¬
coup de chemin à faire. Dans le chapitre qui suit, nous aborderons ces questions
dans ce quelles ont de pertinent pour l’adolescence.

Dans un premier temps, nous étudierons la physiologie des fonctions


sexuelles. Par la suite, nous envisagerons le développement psychosexuel, les activi¬
tés sexuelles prépubertaires et les comportements sexuels à l’adolescence, la
Adolescence et sexualité 125

contraception, les maladies transmises sexuellement et les déviations sexuelles.


Finalement, nous aborderons la sexualité en relation avec la culture.

6.2 PHYSIOLOGIE DES FONCTIONS SEXUELLES

L’anatomie des organes sexuels mâles et femelles a déjà été décrite au chapi¬
tre 2 traitant du développement physique à l’adolescence; elle ne sera pas reprise ici.
La section qui suit s’attardera d’abord brièvement aux dimensions sensorielles de la
stimulation sexuelle et ensuite à la description de la réponse sexuelle chez la femme
et chez l’homme. Une telle considération isolée de la physiologie des fonctions
sexuelles comporte une certaine distorsion de la réalité puisqu’elle néglige les com¬
posantes psychologiques intrinsèques à toute activité sexuelle. Comment, en effet,
considérer la stimulation et l’excitation sexuelle sans y inclure les pensées de la
personne? La même stimulation peut engendrer de l’irritation dans un contexte
donné et de l’excitation dans un autre, selon l’interprétation mentale qu’en fait la
personne stimulée. Or comme on ne peut aborder toutes les dimensions a la fois,
nous devons avouer et accepter ici cette contrainte.

6.2.1 La stimulation sexuelle

Comment peut-on susciter une excitation sexuelle chez quelqu’un? Qu’est-ce


qu’une stimulation sexuelle? Il existe une infinité de réponses possibles à ces ques¬
tions. Un rêve, une pensée, un film, un toucher, une musique peuvent amener une
réponse sexuelle, mais dans certains cas une telle réponse sexuelle peut survenir
sans qu’il y ait de cause perceptible. Ainsi, chez les jeunes adolescents masculins,
des érections peuvent se produire dans des situations où aucune stimulation
sexuelle perceptible n’a joué: à l’église, en nageant, lors d un retard à un rendez-
vous, etc. Il semble toutefois que ces réponses sans cause sexualisée ne sont pas
dues à un pur hasard et qu’elles comportent souvent une charge émotive. A mesure
que passent les années de l’adolescence, ces réactions érotiques indifférenciées
(souvent associées à une tension nerveuse) se raréfient et les réponses sexuelles
sont de plus en plus spécifiquement associées a des stimulations à caractère eroti¬
que manifeste.

6.2.2 Le toucher

De tous les sens, c’est sans doute le toucher qui constitue le mode prédomi¬
nant de stimulation sexuelle. Il s’agit du seul sens auquel le corps humain peut réagir
sans l’intervention des centres nerveux supérieurs. Ainsi, un homme dont l’épine
dorsale serait intacte mais coupée de ses liaisons avec la tête, pourrait avoir une
érection si ses organes génitaux étaient caressés (Katchadourian et Lunde, 1975).
Toutefois, le plaisir ne serait pas ressenti comme tel.
126 Chapitre 6

Les cellules sensorielles responsables de la sensation du toucher ne sont pas


distribuées également sur le corps de sorte que certaines régions sont beaucoup
plus sensibles que d’autres. Les zones dites érogènes sont situées, pour la plupart,
dans des zones de plus grande sensibilité.

zones érogènes Le tableau 6.1 fournit une liste des zones érogènes chez la femme et chez
1 homme; cette liste n’ordonne que grossièrement les zones selon leur degré de
sensibilité, de sorte que chez certaines personnes des inversions peuvent se pro¬
duire dans la sensibilité des diverses parties du corps.

TABLEAU 6.1: Zones érogènes chez la femme et chez l’homme

Chez la femme Chez l’homme

- Le clitoris - Le gland du pénis


- Les petites lèvres du vagin et le vestibule - Le scrotum
- La région située entre l’anus et le vagin - L’intérieur des cuisses
- L’intérieur des cuisses - La région située entre l’anus et le scrotum
- L’anus - L’anus
- Les fesses - Les fesses
- Les seins - Les seins
- La bouche (les lèvres et la langue). - La bouche (les lèvres et la langue).

Contrairement à ce que 1 on pense parfois, certaines régions du corps ne


possèdent pas une grande sensibilité érotique: le tronc du pénis et le canal vaginal en
sont des exemples.

Au-delà de ces zones érogènes plus généralisables, chaque personne possède


sa sensibilité particulière en fonction de sa personnalité et de sa psychologie
sexuelle. Ainsi les caresses au cou ou au centre du dos peuvent procurer des
sensations de chaleur et d’abandon à une personne et exacerber une autre; ou
encore, la caresse de la plante des pieds sera une région érotiquement sensible pour
quelqu un et une source d irritation pour quelqu’un d’autre. Chaque personne pos¬
sède une distribution unique des zones érogènes. Les facteurs qui influencent cette
distribution sont très nombreux et peuvent s’enraciner dans toute l’histoire person¬
nelle de l’individu selon les divers conditionnements qu’il a vécus.

6.2.3 La vue

La vue constitue sans doute le deuxième sens le plus impliqué dans la stimu¬
lation sexuelle. Elle semble toutefois posséder une importance variable d’un sexe à
l’autre. Ainsi par exemple, la vue par un homme des organes génitaux d’une femme
constitue une source certaine d’excitation, mais l’inverse, c’est-à-dire la vue par une
femme des organes génitaux mâles ne semble pas avoir la même puissance d’excita-
Adolescence et sexualité 127

tion. La culture peut avoir une influence sur ce genre de différences entre hommes
et femmes. 11 en va de même pour l’attraction à l’égard de la pornographie (photos,
films, spectacles de strip-tease, etc.) qui semble «se vendre» davantage auprès des
hommes que des femmes.

6.2.4 L’odorat

Malgré une nette régression de la sensibilité olfactive chez l’homme par rap¬
port aux autres mammifères, l’odorat posséderait tout de même un rôle significatif
dans la sexualité (Schneider, 1971). L’usage multiculturel de parfums, les préoccupa¬
tions à l’égard des odeurs corporelles en seraient des indices.

6.2.5 L’ouïe

L’ouïe (ou le son) semble posséder une valeur de stimulation dans le cadre
des activités sexuelles non seulement pour les échanges verbaux entre partenaires,
mais aussi en tant que source additionnelle de rétroaction («feedback») sur les
caresses et contacts physiques divers. L’audition de certaines musiques peut aussi
générer un contexte plus favorable aux explorations sensorielles.

6.3 LE CYCLE DE LA RÉPONSE SEXUELLE

Nos connaissances sur le cycle de la réponse sexuelle chez la femme et chez


l’homme ont été fortement influencées par les travaux de Masters et Johnson Masters et Johnson
(1966)1. Ces auteurs ont étudié la réponse sexuelle en laboratoire auprès de 694
sujets volontaires des deux sexes dont 276 couples mariés, 106 femmes et 36
hommes. Les travaux ont porté principalement sur la physiologie de l’orgasme et ont
donné lieu à des observations et enregistrements divers, et à des films relatant les
réactions des organes génitaux et de l’ensemble du corps au cours des quelques
10 000 orgasmes ainsi observés entre 1954 et 1965. La description du cycle de la
réponse sexuelle par Masters et Johnson est maintenant reconnue valide par de
nombreux chercheurs bien que le caractère artificiel du laboratoire d origine des
observations laisse encore place à une certaine critique de leurs travaux (Fox et
Fox, 1969; Katchadourian et coll., 1975). Les quatre phases de la réponse sexuelle
de Masters et Johnson sont donc maintenant reconnues mondialement. Les figures
6.1 et 6.2, tirées de Masters et Johnson (1966), décrivent le cycle complet de la
réponse sexuelle chez la femme et chez l’homme.

(1) Un résumé succinct en français de leur contribution se trouve dans: MASTERS, W.H. et JOHNSON, V.E.
«Les cycles de la réponse sexuelle de l'homme et de la femme: anatomie et physiologie comparées.»
Sexologie contemporaine (C. Crépault, J. Lévy et H. Gratton, dir.). Slllery: Presses de l'Université du
Québec, 1981, p. 253-270. L'ouvrage de Crépault et coll. (1981) réunit aussi plusieurs textes intéressants
sur la sexualité contemporaine,
128 Chapitre 6

FIGURE 6.1: Cycle de la réponse sexuelle de l’homme selon ses quatre phases: 1) excitation;
2) plateau; 3) orgasme; 4) résolution*

Source: MASTERS, W.H. et JOHNSON, V.E. Human Sexual Response. Boston: Little Brown & Co.. 1966

FIGURE 6.2: Cycle de la réponse sexuelle de la femme selon ses quatre phases: 1) excitation;
2) plateau; 3) orgasme; 4) résolution (avec les trois formes possibles)*

* Source: MASTERS, W.H. et JOHNSON, V.E. Human Sexua, Response. Boston: Little Brown & Co„ 1966
Adolescence et sexualité 129

Pour les deux sexes, les phases sont: a) l’excitation; b) le plateau; c) l’or¬
gasme; et d) la résolution. Malgré cette symétrie des phases de la réponse d’un sexe
à l’autre, il existe des différences fondamentales entre l’homme et la femme, diffé¬
rences ayant leurs racines dans l’anatomie du corps et probablement aussi dans
l’organisation du système nerveux. Cette organisation concernant l’orgasme reste
néanmoins largement inconnue.

La première différence majeure que l’on peut d’ailleurs visualiser en compa¬


rant les figures 6.1 et 6.2, concerne la variation possible du schème de la réponse:
l’homme n’a qu’un seul patron de base, tandis que la femme en a trois possibles2. Le
patron féminin «A» se rapproche de celui de l’homme dans son évolution tandis que
les patrons «B» et «C» sont uniques à la femme. Le schème «B» se caractérise par
une série d’orgasmes rapides que la femme ressent comme un seul orgasme
constant suivi d’une phase lente de résolution (voir figure 6.2). Le patron «C» se
définit par une phase d’excitation rapide et saccadée conduisant rapidement à un
sommet orgastique puissant, lui-même suivi d’une résolution brusque et rapide.

Une deuxième différence importante entre les deux sexes consiste en l’exis¬
tence d’une période réfractaire chez l’homme et inexistante chez la femme. Cette période réfractaire
période réfractaire se définit par l’incapacité de l’homme à répondre à une stimula¬
tion tant qu’un certain laps de temps ne s’est pas écoulé depuis la dernière réponse
sexuelle. Dans la figure 6.1 on peut voir que la période réfractaire débute immédia¬
tement après l’orgasme. Cette période n’a pas une durée nettement définie et peut
persister selon l’âge et la santé de l’homme. Pendant cette période réfractaire,
l’homme ne peut atteindre une érection complète ni un orgasme et ce, peu importe
l’intensité de la stimulation sexuelle. La femme n’a pas cette limitation et peut vivre
plusieurs orgasmes consécutifs. Plus de 50% des femmes peuvent vivre ce schème
de réactions multiples (Masters et Johnson, 1965). Si la femme est stimulée à nou¬
veau immédiatement après l’orgasme, elle peut revivre une nouvelle expérience
orgastique sans que le niveau d’excitation ne s’abaisse au-dessous du niveau «pla¬
teau» (voir figure 6.2). La capacité orgastique de l’homme est donc plus limitée que
celle de la femme.

Au-delà de ces différences, la réponse sexuelle comprend quatre étapes


comparables d’un sexe à l’autre, chacune accompagnée des réactions physiques
décrites aux tableaux 6.2 et 6.3.

Le tableau 6.2 décrit les réactions observables dans la région pelvienne chez
l’homme et la femme tandis que le tableau 6.3 décrit les réactions plus générales du
corps à chacune des étapes de la réponse sexuelle masculine et féminine. La tension
sexuelle, constituant l’énergie de base de l’ensemble de la réponse sexuelle, est
physiquement associée à: a) la uasocongestion, c’est-à-dire la congestion ou l’engor- vasocongestion

(2) Il s’agit là de patrons types qui peuvent connaître des variantes d’une personne à l’autre.
130 Chapitre 6

gement des vaisseaux sanguins accompagné d’une augmentation de l’influx sanguin


dans les vaisseaux et b) la myotonie, c’est-à-dire l’augmentation de la tension muscu¬
laire du corps.

Normalement, le flot de sang frais qui se dirige vers les divers organes par les
artères correspond quantitativement au flot sanguin qui retourne vers le coeur et les
poumons par les veines (pour s’oxygéner). Or, au moment de l’activité sexuelle, il y a
plus de sang qui se dirige vers les zones périphériques qu’il y en a qui retourne au
coeur par les veines. 11 en résulte une congestion dans les conduits périphériques (les
petites artères). Les tissus où il y a vasocongestion deviennent enflés, rouges et
chauds. L’exemple le plus apparent d’un effet de la vasocongestion est l’érection du
pénis chez l’homme. La vasocongestion s’accompagne donc d’une tension du sys¬
tème circulatoire. La pompe de ce système, le coeur, est directement impliquée dans
cette augmentation de l’activité circulatoire expliquant ainsi le phénomène de la
«tachycardie» mentionné dans le tableau 6.3. Les poumons, dans leur rôle d’oxygé¬
nation sanguine, sont impliqués aussi et provoquent «l’hyperventilation». Les chan¬
gements de couleur, de volume et de température de diverses régions sont ainsi
amenés par la vasocongestion.

Intimement associée à cette augmentation de la tension cardiovasculaire,


l’augmentation de la tension musculaire (myotonie) accompagne inévitablement l’ac¬
tivité sexuelle. Cette tension implique l’ensemble du corps mais est plus marquée
dans certaines régions et à certaines phases de la réponse sexuelle. Dans l’érection
du pénis par exemple, la tension des muscles péniens qui accompagne la vasocon¬
gestion à ce stade sera plus ou moins grande selon la phase en jeu dans la réponse
sexuelle. Le tableau 6.2 renseigne sur l’évolution de l’érection selon les phases.

6.3.1 La phase d’excitation

La phase d’excitation peut être initiée par une stimulation sexuelle physique
ou psychique, mais le plus souvent ces deux dimensions sont impliquées. L’excita¬
tion peut augmenter plus ou moins rapidement selon la stimulation en jeu. Cette
phase est la plus variable sur le plan de la durée; on a observé des excitations de
quelques minutes à peine et d’autres beaucoup plus rares de plusieurs heures. Il
s’agit sans doute de la phase du cycle sur laquelle le contrôle volontaire possède
l’emprise la plus forte. Les effets de la vasocongestion et de la myotonie deviennent
apparents (voir le tableau 6.2).

6.3.2 La phase du plateau

Lorsque la phase d’excitation continue de se développer jusqu a un degré


élevé par le maintien efficace de la stimulation, elle se transforme en phase du
plateau. Celle-ci correspond donc à une excitation stabilisée à un degré élevé à partir
duquel l’individu aboutit généralement à l’orgasme. Le plateau correspond souvent à
Adolescence et sexualité 131

TABLEAU 6.2: Réactions observables dans la région pelvienne selon Masters et Johnson

CHEZ L’HOMME

1. Phase d’excitation 3. Phase de l’orgasme


Erection pénienne (3 à 8 secondes). Éjaculation
Redressement, contraction et élévation des té¬ 1. Contraction des organes associés à la repro¬
guments du scrotum. duction
Élévation et accroissement en volume des testi¬ a) canal déférent
cules. b) vésicules séminales
c) canal éjaculateur
d) prostate.
2. Phase du plateau
Accroissement de la circonférence du pénis à la 2. Relâchement du sphincter externe de la ves¬
sie.
hauteur de la couronne et tumescence testicu¬
3. Contractions de l’urètre pénien 0,8 s pour 2 à
laire (élargissement de 50 à 100 %).
3 contractions (plus lentement après pour 2 à
Complète élévation testiculaire et rotation (30 à
4 contractions de plus).
35 degrés).
4. Contractions du sphincter anal externe (2 à 4
Mutation au pourpre de la couronne du pénis
contractions à des intervalles de 0,8 s).
(n’apparaissant pas toujours, même si un or¬
gasme doit s’ensuivre).
Émission mucoïde (glandes de Cowper).

4. Phase de résolution
1. Période réfractaire avec perte rapide de la
vasocongestion pelvienne.
2. Perte de l’érection pénienne en deux étapes;
la première, rapide, la seconde plus lente.
132 Chapitre 6

un point de non-retour vers l’orgasme. Sa durée, malgré des variations possibles, est
ordinairement courte (une minute ou moins selon Katchadourian, 1975). Au cours
de la phase du plateau, la sensibilité à des stimuli étrangers est affaiblie et la concen¬
tration sur l’activité sexuelle devient très grande. La vasocongestion évolue et donne
lieu, chez la femme, à la formation d’une plate-forme orgastique qui consiste en
l’épaississement des parois du tiers inférieur du vagin jusqu’à une réduction possible
de 50% du diamètre du canal vaginal. Chez l’homme, la circonférence du pénis
s’accroît à la hauteur de la couronne, malgré une pleine érection déjà atteinte à la
phase de l’excitation.

6.3.3 La phase de l’orgasme3

Selon Crépault (1981; p. 273), l’orgasme peut être défini «comme une expé¬
rience psychophysiologique de courte durée consistant en un brusque relâchement
d’une tension érotique accumulée». Le tableau 6.2 renseigne sur les réactions ob¬
servées dans la région pelvienne pendant l’orgasme. Il existe une grande variation
entre les expériences orgastiques chez une même personne, d’une expérience à
l’autre et entre les individus.

Chez la femme cependant, Masters et Johnson (1966) considèrent que tous


les orgasmes sont physiologiquement identiques malgré leur intensité variable. La
principale réaction physiologique qu’ils ont observée consiste: a) en des contrac¬
tions à la hauteur de la plate-forme orgastique qui se répéteraient de 4 à 12 fois et
simultanément b) en des contractions utérines à partir du fond jusqu’à la partie
inférieure. L’orgasme de la femme se manifeste aussi par la contraction de certains
groupes de muscles répartis dans tout le corps et par l’accélération du rythme
respiratoire et du rythme cardiaque (voir la description des réactions dans les
tableaux 6.2 et 6.3).

éjaculation Chez l’homme, l’orgasme se manifeste principalement par l’éjaculation qui


peut se diviser en deux phases. Dans une première phase appelée «mise sous
pression», les muscles des canaux déférents, de la prostate et des vésicules sémi¬
nales se contractent de façon à exercer une pression sur le liquide spermatique dans
l’urètre. L’urètre est à ce moment fermé par ses sphincters lisses et striés (Masters
et Johnson, 1966; Crépault, 1981). Au cours de cette première étape de l’éjaculation,
le liquide sécrété par diverses glandes est donc accumulé dans l’urètre dilaté et
soumis à une pression. À ce moment, l’homme sent que l’éjaculation est inévitable.
De deux à quatre secondes après les contractions associées à la mise sous pression
survient l’expulsion du liquide spermatique hors du pénis sous la poussée des
contractions vigoureuses et répétées des muscles entourant la racine du pénis, de

(3) Le mot orgasme vient du grec «orgân» qui signifie «bouillonner d’ardeur». Crépault et coll. (1981) en
donnent une description plus détaillée.
Adolescence et sexualité 133

CHEZ LA FEMME

1. Phase d’excitation 2. Phase du plateau


Lubrification vaginale (5 à 15 secondes). Seuil orgastique pour le tiers inférieur du vagin.
Redressement des parois vaginales; contraction Complète expansion pour les deux tiers supé¬
et élévation des grandes lèvres. rieurs du vagin, élévation du col de l’utérus.
Allongement des deux tiers supérieurs du vagin, Coloration en «peau sexuelle» (rouge sombre
et élévation du col et du canal. des petites lèvres, toujours si l’orgasme doit
s’ensuivre).
Emission mucoïde (glandes de Bartholin).

3. Phase de l’orgasme
Réaction pelvienne
1. Contraction de l’utérus à partir du fond et
progressant jusqu’à son niveau inférieur.
2. Relâchement minime du méat urinaire (chez
les nullipares).
3. Contractions de la plate-forme orgastique Utérus
0,8 s pour 4 à 8 contractions (plus lentement
après pour 2 à 4 contractions de plus). Fond du vagin
4. Contractions du sphincter anal externe (2 à 4
contractions à des intervalles de 0,8 s). Col utérin
Parfois: 2 à 3 contractions à intervalles irrégu¬
Diamètre
liers (10 à 15 %).
vaginal
Plate-forme
orgastique

4. Phase de résolution Sphincter anal


1. Retour aisé à l’orgasme avec retardement de externe
la perte de.la vasocongestion pelvienne.
2. Disparition de la couleur «peau sexuelle» et ■ Clitoris
de la plate-forme orgastique en deux étapes,
Petites
la première rapide, la seconde plus lente sur¬
lèvres
tout au moment de la décongestion pel¬
vienne. -Grande lèvres

* Tableau élaboré à partir de: MASTERS, W.H. et JOHNSON, V.E. «The sexual response cycles of the human male and female: comparative
anatomy and physiology». Sex and Behavior (F.A. Beach, dir.) New York: Wiley, 1965, p. 512-534.
et:
MASTERS, W.H. et JOHNSON, V.E. Human Sexual Response: Boston: Little Brown & Co., 1966.
134 Chapitre 6

TABLEAU 6.3: Réactions du corps à chacune des étapes de la réponse sexuelle chez l’homme et chez la femme selon
Masters et Johnson (1965 et 1981)*

Réactions masculines Réactions féminines

Phase d’excitation

Érection du mamelon (30 %)4 Rougeur sexuelle (25 %)


Érection du mamelon

Phase du plateau

Rougeur sexuelle (25 %) Rougeur sexuelle (75 %)


Extension et raidissement des mains et des pieds Extension et raidissement des mains et des pieds
(spasme carpopédal) (spasme carpopédal)
Tension généralisée de la musculature Tension généralisée de la musculature
Hyperventilation Hyperventilation
Tachycardie (100 à 160/min) Tachycardie (100 à 160/min)

Phase de l’orgasme

Contractions de certains groupes de muscles Contractions de certains groupes de muscles


Hyperventilation Hyperventilation
Tachycardie (100 à 180/min) Tachycardie (110 à 180/min)

Phase de résolution

Sudation (30 à 40 %) Sudation (30 à 40 %)


Hyperventilation Hyperventilation
Tachycardie (150 à 80/min) Tachycardie (150 à 80/min)

* Ce tableau a été reproduit avec la permission des auteurs à partir de: MASTERS, W.H. et JOHNSON, V E. «Les cycles de la réponse sexuelle
de l’homme et de la femme: anatomie et physiologie comparée». Sexologie contemporaine (C. Crépault, J. Lévy et H. Gratton, dir.). Sillery:
Presses de l'Université du Québec. 1981, p. 260.

1 ensemble des muscles reliés à toute la longueur de l’urètre et du sphincter strié de


l’urètre. L’expulsion donne ordinairement lieu à 3 ou 6 contractions, d’abord fortes
et séparées d’un intervalle de 0,8 s, et ensuite plus faibles et espacées. Le liquide
spermatique (variable en volume: habituellement + 3 cc) est composé des spermato¬
zoïdes en provenance des testicules et des sécrétions respectives de la prostate, des
vésicules séminales et des glandes de Cowper. L’odeur et la texture laiteuse du
liquide dépendent des sécrétions de la prostate. Les spermatozoïdes ne représen¬
tent qu’une petite partie du liquide total.

plaisir orgastique Le plaisir associé à l’orgasme est probablement le plus intense que l’on puisse
ressentir naturellement. Quelles sont les structures responsables de ce plaisir? La

(4) Les pourcentages indiquent la fréquence selon laquelle la réaction est observée au moment de l’activité
sexuelle.
Adolescence et sexualité 135

recherche d’une réponse satisfaisante à cette question a fait l’objet d’innombrables


efforts sans que l’on ne soit vraiment fixé encore aujourd’hui. Après plusieurs an¬
nées de recherches expérimentales sur les animaux dans les domaines de la neuro¬
physiologie et de la psychophysiologie, on a associé au système limbique les habi¬
tudes alimentaires et les comportements offensifs, défensifs et sexuels. Le système
limbique est un groupe de structures et de régions situées dans la partie antérieure
du cerveau; il comprend l’amygdale, l’hippocampe, la région septale et les centres de
projection olfactive. Le système limbique est relié à l’hypothalamus, au thalamus, à la
glande pituitaire et à la formation réticulée quoique ceux-ci n’en font pas partie. Olds
(1956) a mis en évidence le rôle important de l’hypothalamus, du thalamus et du
mésencéphale dans les sensations de plaisir. Pour ce faire, il expérimenta l’installa¬
tion de microélectrodes dans le cerveau de rats de façon à permettre l’autostimula-
tion électrique de leur cerveau. Normalement les rats soumis à de telles conditions
appuient spontanément sur le levier de stimulation plusieurs fois par heure mais
Olds (1956) constata que lorsqu’il plaçait les microélectrodes dans l’hypothalamus,
le thalamus et le mésencéphale, les rats pouvaient appuyer sur le levier de stimula¬
tion jusqu’à 5000 fois par heure jusqu’à épuisement en dépit de la faim et de la soif.
Olds parlait alors des «centres du plaisir» en se référant à ces structures d’implanta¬
tion. Chez l’homme, Heath (1972) rapporte que la stimulation électrique5 de cer¬
taines zones du système limbique (la région septale ou l’amygdale) suscitait du plaisir
à caractère sexuel. Ces régions correspondent à peu près à celles que l’on a isolées
chez les animaux. De plus, lorsque les sujets étaient stimulés sexuellement, des
changements électroencéphalographiques (ondes du cerveau) étaient observés
dans la région septale. L’hypothèse d’un «centre du plaisir» fera sans doute l’objet
d’autres vérifications ultérieures, mais pour le moment il apparaît que le système
limbique et certaines structures comme le thalamus et l’hypothalamus sont directe¬
ment impliqués dans le plaisir sexuel humain.

6.3.4 La phase de résolution

Après la phase d’excitation, la phase de résolution est la plus variable dans sa


durée. Elle consiste en l’abaissement final de la tension sexuelle et à l’achèvement
des effets physiologiques résiduels postorgastiques. Chez l’homme, cet «après or¬
gasme» implique d’abord la phase réfractaire pouvant durer dans certains cas (no¬
tamment chez les hommes plus âgés) jusqu’à la fin de la phase de résolution. Dans le
tableau 6.3, on peut remarquer que le coeur reprend graduellement son rythme
normal au cours de cette phase.

(5) Recherche menée auprès de patients psychiatriques ayant subi des Implantations d'électrodes à des fins
thérapeutiques.
136 Chapitre 6

6.4 LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOSEXUEL

6.4.1 Le début de l’activité sexuelle

Pour la culture occidentale traditionnelle, la sexualité humaine évolue de


l’innocence sexuelle complète de l’enfance à l’éveil plus ou moins brutal et désorga¬
nisé des pulsions sexuelles de l’adolescence, pour aboutir enfin à «l’équilibre de la
sexualité adulte». Cette conception quelque peu simpliste ne tient compte ni de ce
que vivent l’enfant et l’adolescent, ni du développement progressif et des transitions
vécues; elle présuppose un équilibre chez l’ensemble des adultes. À quel moment
origine de
peut-on localiser l’origine de l’activité sexuelle? Sachant que dès les premières
l’activité sexuelle
heures de la vie, il est possible d’observer une érection du pénis chez le garçon, dans
quelle mesure ne s’agit-il pas là d’un réflexe résultant de l’activité des structures
nerveuses de l’épine dorsale, plutôt que la conséquence d’une excitation sexuelle où
les centres nerveux cérébraux, la pensée et l’émotion sont en jeu?

Depuis longtemps, on a observé l’intérêt marqué du jeune bébé pour l’explo¬


ration de son corps dont les organes génitaux. Cette exploration plus ou moins
aléatoire et étendue à tout le corps peut-elle être intégrée à la sexualité? Physique¬
ment on reconnaît que vers quatre mois les bébés des deux sexes répondent à la
stimulation de leurs organes génitaux par une réaction qui laisse croire fortement à
un plaisir érotique (Katchadourian et Lunde, 1975). Au fur et à mesure qu’il se
développe, l’enfant intègre de nouveaux champs d’exploration qui ne sont plus
uniquement liés à son propre corps. Ce dernier demeure une zone d’intérêt où les
organes génitaux n’ont toutefois plus une importance particulière.

On observe parfois des enfants de deux ou trois ans qui cherchent à voir les
organes génitaux de leurs copains et à montrer les leurs. Généralement, il s’agit
d’explorations suscitées par la curiosité, un peu comme c’était le cas du plus jeune
bébé pour son propre corps.

Socialement, les baisers, les caresses et autres contacts physiques interindi¬


viduels jouent un rôle important dans l’établissement et le maintien des relations
interpersonnelles significatives. Imaginons par exemple ce que serait une relation
mère-enfant sans contact physique. Comment concevoir une relation fraternelle ou
amicale où les individus ne se touchent jamais? Les contacts physiques sont des
moyens de communication sociale où existent des degrés d’intimité adaptés à cha¬
que type de relation. Bien qu’il soit facile pour l’adulte de faire la distinction entre les
contacts physiques à caractère affectif et social et d’autres orientés vers la re¬
cherche de plaisir érotique, pour les enfants cette distinction est plus difficile à faire.

En recherchant les origines de la vie sexuelle, nous sommes amenés à consta¬


ter que certains aspects des comportements sexuels adultes apparaissent très tôt
chez l’enfant. La question qui se pose alors est de savoir ce qu’on entend par
Adolescence et sexualité 137

sexualité? Est-ce que le fait, pour le bébé de quatre mois, de réagir avec plaisir à la
stimulation de ses organes génitaux est un signe manifeste de sexualité? La question
se pose aussi au sujet des enfants de trois ans qui s’embrassent ou explorent mutuel¬
lement leurs corps.

La sexualité adulte est constituée de déterminants biologiques qui incluent les


besoins innés, conditionnés par l’équilibre hormonal, et les désirs acquis, condition¬
nés par le plaisir et l’apprentissage du plaisir. Malgré la présence précoce de réac¬
tions sexuelles chez l’enfant, une évolution se produit sur le plan physique faisant
ainsi naître des pulsions sexuelles qui n’apparaissent qu’à l’adolescence.

La sexualité adulte ne peut cependant pas s’expliquer seulement par ses


origines biologiques puisque les comportements sexuels sont aussi fortement condi¬
tionnés par des déterminants psychologiques. Ainsi, les émotions et les pensées,
intimement liées aux actions pendant l’activité sexuelle, sont le résultat de l’histoire
personnelle et du développement psychosexuel de chaque individu.

L’enfant possède-t-il les déterminants biologiques d’une vraie sexualité? Est-


ce qu’il réunit dans son comportement les déterminants psychologiques typiques
associés à une sexualité mature?

Si l’on estime que le but premier et la raison d’être de la sexualité sont la


perpétuation de l’espèce, il apparaît évident que la sexualité ne commence qu’après
la puberté; par contre, si on estime que c’est le plaisir qui en est l’essence, on doit
alors situer son origine au début de la vie où l’on a déjà observé un plaisir érotique.

D’autre part, si on conçoit la sexualité comme un ensemble comportemental


déterminé par des facteurs biologiques et des facteurs psychologiques, on est amené
à constater une évolution progressive depuis l’enfance où certaines conduites
étaient déjà présentes (par exemple, l’érection du pénis), jusqu’à l’âge adulte, où
surgissent certains besoins d’affiliation et d’expression d’amour, en passant par
l’adolescence moment d’apparition de pulsions nouvelles dues aux changements
hormonaux.

Cette dernière perspective «développementale» nous semble la plus plausi¬


ble. Elle nous permet d’intégrer à la notion de sexualité les activités sexuelles prépu¬
bertaires en reconnaissant toutefois que celles-ci possèdent un caractère distinct sur
les plans biologique et psychologique de la sexualité mature.

6.4.2 L’activité sexuelle prépubertaire

En admettant qu’un comportement peut avoir un caractère sexuel, et ce


même s’il n’est pas consciemment et volontairement axé vers l’atteinte d’un or¬
gasme, Kinsey et coll. (1948; 1953) ont interrogé des adultes à propos des souvenirs
de leur sexualité prépubertaire; ils ont aussi obtenu des données à partir de l’interro-
138 Chapitre 6

gation d’enfants. Il semble qu’une forte proportion des conduites sexuelles prépuber¬
taires soient motivées par la curiosité et conditionnées par la présence de parte¬
naires.

Les activités érotiques solitaires (masturbation, frottements, etc.) constituent


la forme la plus répandue de conduite sexuelle pendant l’enfance. Après l’érotisme
solitaire, la forme la plus répandue de jeu sexuel prépubertaire est l’exhibitionnisme
et la manipulation de ses propres organes génitaux en présence de compagnons.

TABLEAU 6.4. Expérience des jeux sexuels prépubertaires chez les garçons et les filles selon
Kinsey (1948; 1953)*

% d’enfants ayant vécu l’expérience % d’enfants ayant vécu l’expérience

Légende: garçonsBI filles

Dans les données de Kinsey la notion des jeux sexuels («sex play») implique les organes génitaux. Les
pourcentages expriment la proportion des échantillons Kinsey ayant vécu au moins une expérience à l'âge
indiqué. Ces données exprimées en pourcentage (%) ont été tirées de: KINSEY, A.C., POMEROY, W.B. et
MARTIN, C.E. Sexual Behavior in the Human Male. Philadelphie: W.B. Saunders Co.. 1948. KINSEY, A.C.,
POMEROY, W.B., MARTIN, C.E. et GEBHARD, P.H. Sexual Behavior in the Human Female. Philadelphie:
W.B. Saunders Co., 1953.

Chez les garçons, ce type de jeu sexuel (l’exhibitionnisme et la masturbation


en groupe) est assez courant et constitue une valorisation sociale en même temps
qu’érotique. La plupart du temps, ces jeux homosexuels ne se prolongent pas au-
delà de l’adolescence quoique, selon Kinsey (1948), une majorité d’adultes homo¬
sexuels ont commencé leurs pratiques homosexuelles avant la puberté.

Chez les filles, Kinsey (1953) rapporte qu’une fois sur trois les activités,
sexuelles de groupe avant la puberté ne vont pas plus loin que l’examen mutuel des
organes génitaux. Il apparaît aussi que les filles ont plus tendance à s’examiner entre
Adolescence et sexualité 139

elles qu’en présence des garçons. Selon Kinsey, 5% seulement des filles ayant connu
des activités homosexuelles prépubertaires les ont continuées pendant l’adoles¬
cence.

Le tableau 6.4, reconstruit à partir des données de Kinsey et coll. (1948; Kinsey
1953)6, présente une comparaison concernant l’évolution des conduites sexuelles
entre garçons et filles âgés de cinq à treize ans. Vieilles de plus de trente ans, ces
données américaines ne sont évidemment pas présentées ici comme un portrait
fidèle de la situation contemporaine. Elles ne sont fournies qu’à titre indicatif car
malgré leur grande qualité initiale, les données de Kinsey ne réflètent pas les chan¬
gements d’attitudes qui se sont manifestés depuis les années 1950. À cet effet, on
peut émettre l’hypothèse que la libéralisation des perspectives à l’égard de la sexuali¬
té a eu pour effet d’augmenter la probabilité des jeux sexuels prépubertaires en
raison d’une répression des adultes atténuée. Les pourcentages fournis dans le
tableau 6.4 ne signifient pas que les enfants concernés sont constamment engagés
dans des jeux sexuels; pour la plupart, il s’agit d’activités sporadiques et pour cer¬
tains autres, d’activités uniques, c’est-à-dire n’ayant été pratiquées qu’une seule fois.

On remarquera dans le tableau 6.4 que les jeux homosexuels sont plus fré¬
quents à tous les âges et pour les deux sexes que les jeux hétérosexuels. Les
garçons à presque tous les âges sont nettement plus actifs que les filles mais comme
elles, ils affichent une certaine baisse d’activité à l’approche de l’adolescence. Com¬
ment relier cette baisse relative avec «l’explosion pulsionnelle» de la puberté? Peut-
être s’agit-il là de la confirmation du caractère plus enfantin de ces jeux sexuels
prépubertaires qui perdent de l’importance avec la maturation? Il importe toutefois
de souligner que cette baisse est moins considérable chez les garçons en raison de
leur pourcentage élevé par rapport à celui des filles et qu’une bonne partie de
l’activité hétérosexuelle aurait tendance à se maintenir au cours de l’adolescence,
tandis que les contacts homosexuels seront probablement interrompus (Katcha-
dourian et coll., 1975). La différence marquée entre les garçons et les filles dans différence entre
l’activité sexuelle prépubertaire est le début d’une tendance qui se maintiendra au garçons et filles
cours de l’adolescence traçant deux trajectoires clairement distinctes l’une de l’au¬
tre.

6.4,3 L’orgasme fait-il partie de l’activité sexuelle


prépubertaire?

L’orgasme semble pouvoir être expérimenté par les deux sexes bien avant la
puberté. Pour le garçon prépubère, l’orgasme se manifestera alors sans sa contre-

(6) Kinsey, entomologiste américain de l’Université de l’Indiana, a consacré une grande partie de sa carrière à
l’étude du comportement sexuel humain. L’entrevue personnelle détaillée fut sa principale méthode de
recueil de données. Lui et ses collègues ont recueilli plus de 16 000 histoires personnelles aux États-Unis.
Bien que l'échantillonnage n’ait pas été aléatoire, ce vaste réservoir d'informations a donné lieu à deux
ouvrages importants encore fréquemment utilisés et cités: Kinsey, Pomeroy et Martin (1948) et Kinsey,
Pomeroy, Martin et Gebhard (1953).
140 Chapitre 6

partie d’éjaculation qui n’apparaît qu’après la puberté au moment où la prostate et


les autres glandes reliées au transport du sperme deviennent fonctionnelles. Dans la
mesure où il est possible d’interpréter avec précision ce que ressentent intimement
de jeunes enfants, Kinsey a estimé que plus de la moitié des garçons ont le potentiel
pour atteindre l’orgasme vers quatre ans et que la plupart d’entre eux peuvent
l’atteindre de 3 à 5 ans avant leur puberté. Bien que l’auteur n’ait pas fait d’évalua¬
tion similaire concernant les filles, on rapporte aussi des observations d’orgasmes
féminins chez des sujets en très bas âge (Katchadourian et coll., 1975). Evidemment,
ce potentiel orgastique prépubertaire n’implique aucunement que les enfants attei¬
gnent ou devraient atteindre l’orgasme par stimulation délibérée. Il ne s’agit pas
d’une expérience courante.

6.5 LES COMPORTEMENTS SEXUELS A


L’ADOLESCENCE

En raison de l’évolution propre à chaque sexe en matière de comportements


sexuels postpubertaires, il importe de considérer séparément les garçons et les filles.
On doit aussi éviter de prendre un sexe comme critère et de constamment évaluer
l’autre par rapport à lui. Les distinctions entre les garçons et les filles sont suffisam¬
ment importantes pour justifier la présence de deux sexualités distinctes et auto¬
nomes dans leur évolution comme dans leur expérience. Ces différences entre le
comportement sexuel masculin et le comportement sexuel féminin font que les
comparaisons entre les sexes ne sont possibles que dans une certaine mesure. Ainsi,
l’intensité de l’activité sexuelle féminine peut être diminuée par les contrôles que la
société impose aux femmes sans égard à leur potentiel sexuel. Par ailleurs, l’absence
d’éjaculation et la plus grande présence d’activité sexuelle significative sans orgasme
chez la femme rendent la fréquence plus difficile à préciser chez la femme que chez
l’homme (chez qui l’orgasme peut servir de base de fréquence).

6.5.1 Fréquence des conduites sexuelles

Chez le garçon, la baisse relative des conduites sexuelles prépubertaires se


termine dans l’année précédant la puberté proprement dite (vers 12 ans) pour laisser
place à une croissance rapide de l’intensité des comportements sexuels. Les explo¬
rations sporadiques prépubertaires font place à des activités sexuelles plus régu¬
lières. En quelques années, l’homme atteint alors son maximum d’intensité compor¬
tementale. La figure 6.3, construite à partir des données de Kinsey (1948), renseigne
sur la fréquence totale des comportements sexuels masculins depuis l’adolescence
jusqu’à la fin de la vie7. On peut remarquer que c’est avant trente ans que l’activité
sexuelle est la plus intense et qu’entre 15 ans et 30 ans, les variations sont mineures.

(7) La notion de «comportements sexuels» implique ici l’ensemble des orgasmes («total sexual outlet») at¬
teints pendant une semaine normale grâce à la masturbation, aux rêves sexuels, au «petting», au coït et
aux activités homosexuelles.
Adolescence et sexualité 141

FIGURE 6.3: Fréquence hebdomadaire moyenne de l’ensemble des activités sexuelles des
hommes de 15 à 85 ans*

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Groupes d âge (années)

* Voir la note (7) à la page précédente.

Source: KINSEY, A.C., POMEROY, W.B. et MARTIN, C E. Sexual Behavior in the Human Male. Philadelphia:
W.B. Saunders Co., 1948.

Même si certains rares adolescents peuvent avoir expérimenté l’orgasme


pendant leur enfance, il semble que 90% d’entre eux vivent leur première expérience
entre 11 et 15 ans (Kinsey (1948) situe l’âge moyen à 13 ans et 10 mois et demi).

Chez la femme, l’ampleur des différences individuelles semble être plus


grande que chez l’homme en ce qui a trait à la fréquence des activités sexuelles.
Ainsi, certaines femmes ont très peu d’activités sexuelles conduisant à l’orgasme
pendant leur vie tandis que d’autres atteignent l’orgasme plusieurs fois au cours de
chaque activité d’une vie sexuelle qui se prolonge pendant plusieurs décennies. La
femme est physiologiquement constituée de façon à pouvoir vivre plusieurs or¬
gasmes en une même heure ce qui n’est pas le cas pour l’homme dont les limites
sont plus vite atteintes.
142 Chapitre 6

La figure 6.4 élaborée à partir des données de Kinsey (1953) renseigne sur les
fréquences moyennes des activités sexuelles chez l’ensemble des femmes au cours
de la vie depuis l’adolescence. Ces moyennes ne sont pas des barèmes de normalité
puisqu’elles incluent les sujets extrêmes de la population, c’est-à-dire des femmes qui
ont très peu d’activités sexuelles et d’autres qui en ont beaucoup. Dans l’échantillon
de Kinsey, environ 30 % des femmes célibataires des groupes de 16-20 ans, 26-30 ans
et 46-50 vivaient en moyenne un orgasme à toutes les deux semaines. Dans le
groupe des 16-20 ans, moins de 5 % avaient plus d’un orgasme par semaine. Dans les
groupes de 26-30 ans et 46-50 ans, environ 10 % des sujets vivaient un orgasme par
semaine (Katchadourian et coll., 1975).

FIGURE 6.4: Fréquence hebdomadaire moyenne de l’ensemble des activités sexuelles des
femmes de 15 à 85 ans*

Groupes d’âge (années)

* Voir la note (7) à la page 140.

Source: KINSEY, A.C., POMEROY, W.B., MARTIN, C E. et GEBHARD, P.H. Sexual Behavior in the Human
Female. Philadelphie: W.B. Saunders Co., 1953.
Adolescence et sexualité 143

Chez les femmes mariées de 21 à 25 ans, le tiers environ vivaient de un à deux femmes mariées
orgasmes par semaine, tandis que 5 % d’entre elles en avaient trois par semaine en
moyenne et un autre 5 % en avaient entre cinq et sept par semaine; moins de 20 % de
ce groupe avaient moins d’un orgasme par deux semaines. Entre 36 et 40 ans, 25 %
des femmes mariées avaient un orgasme par semaine et un autre 25 % un orgasme
par deux semaines. Entre 51 et 55 ans, près des deux tiers des femmes mariées
vivaient moins d’un orgasme par semaine.

Selon les données de Kinsey (1948) obtenues auprès d’américains blancs, la


moyenne générale des hommes de 15 à 85 ans serait trois orgasmes par semaine.
Encore ici il ne s’agit aucunement d’une norme puisque cette moyenne inclut des
sujets n’ayant que très peu d’activités sexuelles (par exemple, un orgasme en trente
ans) et d’autres en ayant beaucoup (de 25 à 30 orgasmes par semaine pendant 30
ans) (Katchadourian et coll., 1975).

Les hommes les plus actifs sexuellement, tel que l’indique la figure 6.3, sont
âgés de moins de trente ans. Dès l’adolescence, la fréquence orgastique quasi
maximale est atteinte et durera une quinzaine d’années pour ensuite baisser de
façon régulière jusqu’à la vieillesse.

Selon les données de Kinsey, les hommes ont donc une activité orgastique activité orgastique
plus grande que celle des femme et la différence est particulièrement marquée au
cours de l’adolescence à partir de 15 ans. Cette observation contraste avec la
capacité orgastique plus grande des femmes telle que décrite par Masters et John¬
son (1966). Ainsi les femmes ont potentiellement la capacité de vivre plusieurs
orgasmes dans une même activité sexuelle, mais elles en atteignent un moins grand
nombre au cours de leur vie.

En comparant les figures 6.3 et 6.4, on peut voir que les fréquences mascu¬
lines baissent à partir de 30 ans tandis que celles des femmes se maintiennent à leur
plus haute fréquence encore pendant les 10 ans suivant cet âge, c’est-à-dire jusqu’à
40 ans. C’est toutefois entre 41 et 45 ans que les fréquences moyennes des deux
sexes sont les plus proches.

Les données de Kinsey (1948; 1953) indiquent que 2 % des filles et 10 % des
garçons avaient vécu une expérience coïtale avant 15 ans, alors que 18 % des filles et
42 % des garçons avaient expérimenté le coït avant 19 ans.

6.5.2 Importance des principales activités sexuelles au cours


des années

Dans une revue comprenant vingt recherches américaines entreprises au


cours des trente dernières années, Diepold et Young (1979) ont tenté de tracer
l’évolution des comportements sexuels suivants: 1) fixer des rendez-vous («dating»);
2) les étreintes; 3) les caresses («petting»); 4) la masturbation; 5) le coït prémarital;
144 Chapitre 6

6) les contacts homosexuels; et 7) le contrôle des naissances. Leur étude des don¬
nées tend à démontrer que les filles se sont progressivement mais constamment
rapprochées des garçons en matière de comportements sexuels au cours de cette
période. Les auteurs soulignent que l’évolution s’est faite graduellement et qu’on ne
peut à proprement parler de révolution sexuelle. Nous nous attarderons brièvement
ici à leur étude des données évolutives concernant la masturbation et le coït préma¬
rital à l’adolescence.

6.5.3 Masturbation

Les auteurs constatent qu’il n’y a pas eu de changement significatif au sujet


de la masturbation masculine depuis les trente dernières années, tandis que les filles
semblent s’y adonner davantage. Près de 80 % des garçons de 14 ans avaient connu
l’orgasme par masturbation et plus de 90 % à partir de 18 ans. Les débuts de la
masturbation chez le garçon apparaîtraient généralement à l’époque de la puberté et
la circoncision ne semblerait pas avoir d’effet. Les garçons pubères à un plus jeune
âge commenceraient plus tôt à se masturber et atteindraient une fréquence
plus grande pendant les années de l’adolescence que ceux dont la puberté est plus
tardive. Certaines études citées par Diepold et coll. (1979) démontrent que la fré¬
quence masturbatoire serait plus considérable chez les sujets de degré de scolarité
plus élevé et chez les garçons homosexuels que chez les hétérosexuels.

Une proportion moins grande de filles pratiquerait la masturbation; par


exemple Kinsey (1953) évaluait à 20 % seulement le nombre de filles ayant atteint
l’orgasme par masturbation avant 15 ans et 33 % avant 19 ans; mais selon lui 73 %
des orgasmes vécus par les filles avant la fin du cours secondaire sont attribuables à
la masturbation. La relation entre la puberté précoce et la fréquence masturbatoire
chez les filles semble être différente de celle qui existe chez les garçons et plusieurs
études sous-tendent un lien plus étroit entre l’homosexualité et la masturbation chez
la fille.

6.5.4 Coït prémarital

Les études revisées par Diepold et coll. (1979) indiquent que les données de
1940 concernant le coït prémarital masculin sont à peine différentes de celles des
années 1970: aujourd’hui le garçon célibataire de 18 ans aurait la même fréquence de
coït que celui de 19 ans en 1940. Les filles ont à cet égard manifesté une forte
augmentation pendant la même période: chez les jeunes filles de 15 ans, il y a 500 %
plus de coïts pour la période de 1940 à 1970 et 300 % chez celles de 18 ans. Ainsi les
filles d’aujourd’hui de plus de 16 ans auraient presque autant d’expérience dans ce
domaine que les garçons. Pour les deux sexes, la fréquence du coït prémarital
doublerait entre 17 et 18 ans.
Adolescence et sexualité 145

11 y auiait aussi chez les deux sexes une relation inverse significative entre la
pratique religieuse et le coït prémarital et entre le niveau socio-économique et cette
pratique sexuelle. Ainsi, plus les adolescents sont impliqués religieusement moins ils
ont de relations coïtales, et plus ils ont un statut social élevé moins ils ont de
relations coitales. Les relations existant entre la religion, le coït et le niveau socio¬
économique tendraient cependant à s’amenuiser vers la fin de l’adolescence.

Il ne semble pas y avoir de différence de fréquence coïtale8 pour les deux fréquence coïtale
sexes entre hétérosexuels et homosexuels (garçons: ± 50 % et filles: 36 %, dans les
deux cas). Toutefois, selon Saghir et Robins (1973), les homosexuels mâles et
femelles auraient des expériences coïtales (c’est-à-dire hétérosexuelles) plus pré¬
coces. Pour ces derniers auteurs, il apparaît que la majorité des homosexuels ren¬
contrent des membres du sexe opposé dans le but d’expérimenter le coït et de tester
la valeur de leur choix sexuel. Ces adolescents davantage préoccupés par leur
orientation sexuelle feraient des efforts d’exploration particuliers dans une relation
hétérosexuelle afin de pouvoir s’identifier par rapport aux informations obtenues au
cours de l’expérience personnelle.

Des données plus récentes que celles de Kinsey sur la fréquence des activités
sexuelles nous proviennent aussi de l’étude québécoise de Crépault et Gemme
(1975). Ces auteurs ont enquêté auprès de 629 célibataires (379 garçons et 250 filles)
de 19 à 22 ans de la région de Montréal. Même si ces sujets sont de jeunes adultes
car ils débordent la période adolescente de 12-18 ans considérée dans cet ouvrage,
nous estimons que les données de cette étude peuvent éclairer notre discussion.

Crépault et Gemme (1975) déterminent une cote d’agir sexuel global à partir cote d’agir sexuel
des 23 activités sexuelles présentées dans le tableau 6.5; à chacune de ces activités
est attribuée une valeur de 1, 2, 3 ou 4 points selon que le répondant affirme n’avoir:
«jamais», «une ou deux fois», «plusieurs fois», ou «très souvent» fait l’acte dont ii est
question.

Dans l’ensemble, les 379 garçons ont obtenu une cote moyenne d’agir sexuel
de 39,58 (écart type: 10,29) tandis que les 250 filles ont obtenu une cote moyenne de
34,17 (écart type: 8,31). Le degré d’activité sexuelle plus grand des garçons se trouve
ainsi confirmé par cette étude. Toutefois, la dispersion plus grande des fréquences
orgastiques féminines observée par Kinsey (1953) ne s’exprime pas ici, les scores
féminins sont moins dispersés autour de la moyenne. Les femmes se trouvent aussi
dans une moins grande proportion parmi les détenteurs de scores les plus élevés et
les moins élevés d’agir sexuel global (Crépault et colL, 1975). Ces résultats démon¬
trent que pour 11 des 23 conduites, les garçons sont de façon significative plus
actifs que les filles. Notons par ailleurs que cette étude québécoise présente des
données assez conservatrices concernant la masturbation: 34 % des garçons et 76 %

(8) C’est-à-dire de coït prémarital entre un garçon et une fille.


146 Chapitre 6

TABLEAU 6.5: Distribution des conduites sexuelles masculines et féminines (en %)

Conduites sexuelles Sexe TS* PF* 1-2F* J* X-*

Baiser (A)* M* 61,2 17,4 9,2 12,2


F* 67,6 18,4 4,8 9,2 p< 0,11

Baiser (NA)* M 13,2 30,1 26,6 30,1


F 4,4 15,6 31,2 48,8 p< 0,001

Caresse des seins (A) M 44,3 19,8 11,4 24,5


F 39,2 23,6 10,4 26,8 p< 0,50

Caresse des M 8,7 19,5 19,0 52,8


seins (NA) F 1,2 4,8 11,6 82,4 p< 0,001

Necking actif (A) M 34,0 20,1 13,7 32,2


F 26,8 22,4 10,8 40,0 p < 0,09

Necking actif (NA) M 4,5 15,6 19,2 60,7


F 0,4 1,6 8,0 90,9 p <0,001

Necking passif (A) M 29,6 21,4 14,2 34,8


F 26,4 22,8 14,0 36,8 p < 0,85

Necking passif (NA) M 3,4 16,4 18,5 61,7


F 0,4 2,8 7,6 89,2 p< 0,001

Petting actif (A) M 22,2 18,5 15,8 43,5


F 18,4 13,2 10,8 57,6 p< 0,001

Petting actif (NA) M 2,6 8,7 16,1 72,6


F 0,4 0,0 4,0 95,6 p< 0,001

Petting passif (A) M 20,1 16,6 14,8 48,5


F 20,8 16,4 14,0 48,8 p<0,99

Petting passif (NA) M 2,9 11,3 14,3 71,5


F 0,4 0,8 4,0 94,8 p< 0,001

Relations M 21,6 18,5 11,9 48,0


sexuelles (A) F 18,0 18,0 6,8 57,2 p< 0,07

Relations M 2,9 10,5 17,2 69,4


sexuelles (NA) F 0,4 1,2 5,6 92,8 p< 0,001

Gérontophilie M 0,0 0,0 0,3 99,7


hétérosexuelle F 0,0 0,0 0,0 100,0 p<0,84

Exhibitionnisme M 0,3 0,8 3,2 95,7


F 0,0 0,0 3,2 96,8 13 < 0,45

Masturbation M 5,8 25,1 35,1 34,0


F 1,6 8,4 14,0 76,0 p< 0,001

Homosexualité entre M 0,5 0,3 1,3 12,2


jeunes adultes F 0,0 0,0 1,2 98,8 p< 0,58
Adolescence et sexualité 147

Inceste hétérosexuel M 0,0 0,0 0,3 99,7


fraternel F 0,0 0,0 0,4 99,6 p <0,67

Inceste hétérosexuel M 0,0 0,0 0,0 100,0


parental F 0,0 0,0 0,4 99,6 P <0,84

Touchers sexuels M 0,0 0,5 6,1 93,4


avec cousin(e) F 0,4 0,0 0,4 99,2 p <0,002

Touchers sexuels M 0,0 0,3 1,3 98,4


avec oncle (tante) F 0,0 0,0 0,8 99,2 p <0,60

Attentat à la pudeur M 0,0 2,1 8,5 89,4


F 0,0 0,4 0,0 99,6 p< 0,001

* Les abréviations utilisées dans ce tableau ont les significations suivantes:

TS très souvent
PF plusieurs fois
1-2F une ou deux fois
J jamais
X2 test statistique du khi carré (degré de signification)
(A) amoureux
(NA) non amoureux
M masculin
F féminin

des filles âgées de 19 à 22 ans répondent n’avoir jamais pratiqué la masturbation. Ces
données ne projettent pas exactement la même image que celles résultant de plu¬
sieurs autres travaux publiés sur ce sujet9. Crépault et coll. (1975) ont cependant
tenté de faire la distinction entre les activités sexuelles vécues dans une relation relation amoureuse
amoureuse entre les partenaires et celles vécues dans une relation non amoureuse.
Le résultat de cette recherche tend à prouver que, dans une relation amoureuse,
aucune différence significative entre les sexes n’a été constatée sur le plan des
activités hétérosexuelles, sauf en ce qui a trait au «petting» actif pratiqué par 56,2 %
des garçons et par 42,4 % des filles. Dans une relation non amoureuse, la situation
est très différente puisque pour les sept conduites hétérosexuelles, les différences
sont significatives (p< 0,001). Cette étude met donc en évidence l’importance du
contexte dans lequel apparaissent les activités sexuelles au cours de comparaisons contexte des
entre les garçons et les filles. activités sexuelles

Les observations de Miller et Simon (1980) appuient cette distinction contex¬


tuelle: typiquement10, la fille vivra sa première expérience coïtale avec un garçon

(9) Voir à ce sujet les travaux de Sorenson (1973), Miller et Simon (1974), Hopkins (1977) et Diepold et coll.
(1979).

(10) Selon Miller et Simon (1980), «typique» signifie le mode ou la fréquence la plus élevée qui est observée.
Évidemment, ici il ne s’agit pas de tous les cas observés.
148 Chapitre 6

dont elle est amoureuse et avec qui elle prévoit se marier, tandis que le plus souvent
le garçon fera l’amour pour la première fois avec une partenaire pour laquelle il
première n’éprouve ni amour, ni émotion particulière. Pour les deux sexes, la première expé¬
expérience coïtale rience coïtale aurait lieu le plus souvent avant le mariage.

fantaisies Pour ce qui est des fantaisies (c’est-à-dire les pensées libres ou rêves diurnes),
Miller et coll. (1980) signalent qu’une majorité de garçons (87 %) et de filles (79 %)
affirment qu’au moment de la masturbation ou de l’excitation sexuelle, leurs images
mentales concernent des relations sexuelles dans un contexte d’affection. Les fan¬
taisies intimes de la majorité des adolescents des deux sexes renferment donc des
valeurs considérées positivement par la société (c’est-à-dire l’affection reliée à la
sexualité). Toutefois, comme deuxième élément d’importance dans la fantaisie (lors
de la masturbation ou de l’excitation sexuelle), 75 % des garçons mentionnent l’i¬
mage mentale de «caresses et d’une relation sexuelle avec quelqu’un d’inconnu» et
seulement 22 % des filles impliquent un étranger dans leurs fantaisies alors que dans
une proportion de 74 % (presque autant que dans leur premier choix) elles affirment
penser «à faire des choses non sexuelles avec quelqu’un que l’on aime». Le thème le
plus courant dans la fantaisie masculine serait donc le comportement sexuel mani¬
feste, le contexte émotionnel occupant la deuxième place. Pour la fille, la fantaisie
reliée à l’érotisme serait d’abord émotionnelle, et ensuite sexuelle.

Il ressort de ce bref examen de l’importance des activités sexuelles que les


garçons et les filles se distinguent par leur degré d’activité sexuelle et par leur
psychologie de la sexualité dans ses dimensions psychiques ou cognitives. Les gar¬
çons seraient plus actifs et d’abord centrés sur la sexualité manifeste. Les filles
seraient moins actives dans l’ensemble mais compte tenu du contexte émotionnel de
l’activité sexuelle, elles se rapprocheraient sensiblement du degré d’activité des
garçons lorsqu’il s’agit d’activités hétérosexuelles avec une personne aimée.

Depuis les trois dernières décennies, nous avons pu constater une évolution
progressive des moeurs sexuelles due en partie à un abaissement de l’âge des
premières relations et a un accroissement de la pratique masturbatoire.
Adolescence et sexualité 149

AUTO-ÉVALUATION

1. Une même stimulation physique peut provoquer une excitation sexuelle dans un contexte et une irritation dans un autre.

a) Vrai
b) Faux

2. Choisissez parmi les sources de stimulation sexuelle suivantes, les trois qui, généralement, sont les plus puissantes:

a) La gustation;
b) le toucher;
c) l’ouïe;
d) la vue;
e) l’olfaction;
f) le rythme.

3. Les stimulations érotiques non sexuelles qui surviennent parfois au début de l’adolescence ne sont pas reliées à une tension
nerveuse.

a) Vrai
b) Faux

4. À mesure que passent les années de l’adolescence, les réponses sexuelles sont de moins en moins spécifiquement associées à des
stimulations à caractère érotique manifeste.

a) Vrai
b) Faux

5. Parmi les éléments suivants, ordonnez les trois zones corporelles généralement les plus sensibles à la stimulation sexuelle chez la
femme (de la zone la plus sensible à la zone la moins sensible):

a) Le scrotum;
b) les fesses;
c) le clitoris;
d) les petites lèvres du vagin et le vestibule;
e) le gland du pénis;
f) l’anus;
g) le dos;
h) l’intérieur des cuisses;
i) la région située entre l’anus et le vagin;
j) la région située entre l’anus et le scrotum.

6. Parmi les éléments suivants, ordonnez les trois zones corporelles généralement les plus sensibles à la stimulation sexuelle chez
l’homme (de la zone la plus sensible à la zone la moins sensible):

a) Le scrotum;
b) les fesses;
c) le clitoris;
d) les petites lèvres du vagin et le vestibule;
e) le gland du pénis;
f) l’anus;
g) le dos;
h) l’intérieur des cuisses;
i) la région située entre l’anus et le vagin;
j) la région située entre l’anus et le scrotum.
150 Chapitre 6

7. Le tronc du pénis et le canal vaginal sont des exemples de régions du corps ne possédant pas une très grande sensibilité érotique.

a) Vrai
b) Faux

8. La vue des organes génitaux d’un membre du sexe opposé constitue une source très puissante d’excitation sexuelle, autant pour les
hommes que pour les femmes.

a) Vrai
b) Faux

9. À partir des éléments suivants, ordonnez les étapes de la réponse sexuelle féminine selon Masters et Johnson (1966):

a) La résolution;
b) le plateau;
c) la période réfractaire;
d) l’excitation;
e) l’orgasme;
f) l’oscillation.

10. A partir des éléments suivants, ordonnez les étapes de la réponse sexuelle masculine selon Masters et Johnson (1966):

a) La résolution;
b) le plateau;
c) la période réfractaire;
d) l’excitation;
e) l’orgasme;
f) l’oscillation.

11. Dans le cycle de la réponse sexuelle, la période réfractaire correspond à:

a) Un moment d’augmentation progressive de la stimulation;


b) une période de forte excitation sexuelle stabilisée;
c) un brusque relâchement d’une tension érotique accumulée;
d) une période d’incompatibilité entre partenaires;
e) une incapacité momentanée de répondre sexuellement;
f) l’abaissement final de la tension sexuelle vers le calme.

12. Dans le cycle de la réponse sexuelle, le plateau correspond à:

a) Une période de forte excitation sexuelle stabilisée;


b) un moment d’augmentation progressive de la tension sexuelle;
c) un brusque relâchement d’une tension érotique accumulée;
d) une incapacité momentanée de répondre sexuellement;
e) l’abaissement final de la tension sexuelle vers le calme.

13. Dans le cycle de la réponse sexuelle, l’orgasme correspond à:

a) Une incapacité momentanée de répondre sexuellement;


b) un brusque relâchement d’une tension érotique accumulée;
c) l’abaissement final de la tension sexuelle vers le calme;
d) une période de forte excitation sexuelle stabilisée;
e) un moment d’augmentation progressive de la tension sexuelle.
Adolescence et sexualité 151

14. Il existe des différences fondamentales entre la réponse sexuelle de la femme et celle de l’homme. Trouvez-en trois parmi les
propositions suivantes:

a) L homme n a qu un seul patron de base dans sa réponse tandis que la femme en a trois possibles;
b) contrairement à la femme, l’homme n’a pas de période réfractaire;
c) la capacité orgastique de l’homme est plus limitée que celle de la femme;
d) contrairement à l’homme, la femme n’a pas de période réfractaire;
e) il n’y a pas de phase du plateau dans la réponse de l’homme.

15. Si la femme est stimulée à nouveau immédiatement après l’orgasme, elle peut revivre une nouvelle expérience orgastique sans que
son niveau d’excitation s’abaisse en dessous du niveau «plateau».

a) Vrai
b) Faux

16. Tout en respectant l’ordre de présentation, indiquez à quelles phases de la réponse sexuelle masculine appartiennent normalement
les réactions physiques suivantes observables dans la région pelvienne.

1) Perte de l’érection;
2) érection du pénis;
3) contractions de l’urètre pénien;
4) émission mucoïde.
a) Excitation;
b) plateau;
c) orgasme;
d) résolution.

17. Tout en respectant l’ordre de présentation, indiquez à quelles phases de la réponse sexuelle féminine appartiennent normalement les
réactions physiques suivantes observables dans la région pelvienne.

1) Contraction de l’utérus à partir du fond vers le bas;


2) disparition de la plate-forme orgastique;
3) émission mucoïde;
4) lubrification vaginale.

a) Excitation;
b) plateau;
c) orgasme;
d) résolution.

18. La tension sexuelle générale est associée à deux phénomènes physiologiques de base. Identifiez-les parmi les propositions suivantes:

a) Vasocongestion;
b) masturbation;
c) excitation;
d) myotonie;
e) hyperventilation.

19. La plate-forme orgastique correspond à l’épaississement des parois du fond du vagin.

a) Vrai
b) Faux

20. Masters et Johnson (1966) considèrent que tous les orgasmes féminins sont physiologiquement identiques malgré leur intensité
variable.

a) Vrai
b) Faux
152 Chapitre 6

21. Le liquide spermatique éjaculé au moment de l’orgasme masculin est sécrété par:

a) Le pénis;
b) la prostate;
c) les testicules;
d) la glande de Cowper;
e) les vésicules séminales;
f) l’urètre;
g) le canal déférent.

22. Pendant 1 orgasme de la femme, on peut observer les réactions pelviennes suivantes:

a) Érection du mamelon;
b) contraction de l’utérus;
c) hyperventilation;
d) contraction du sphincter anal externe;
e) contractions de la plate-forme orgastique;
f) tachycardie.

23. Le plaisir ressenti au moment de I orgasme est probablement le plus intense que l’on puisse connaître naturellement. Identifiez, parmi
les propositions suivantes, deux structures nerveuses reliées à la sensation de plaisir (voir Olds, 1956; et Heath, 1972):

a) L’hypothalamus;
b) la moelle épinière;
c) le thalamus;
d) le tractus optique;
e) le mésencéphale;
f) le corps calleux.

24. La phase de résolution implique une période réfractaire observée chez les deux sexes mais davantage chez l’homme.

a) Vrai
b) Faux

25. On sait que les jeunes bébés mâles ne sont pas capables d’avoir une érection pénienne en raison de leur immaturité neurologique.

a) Vrai
b) Faux

26. La sexualité adulte ne peut pas s’expliquer seulement par ses origines biologiques, les comportements sexuels sont aussi fortement
conditionnés par des déterminants psychologiques.

a) Vrai
b) Faux

27. Dans l’optique développementale, la notion de sexualité intègre les activités sexuelles prépubertaires tout en reconnaissant leur
caractère biologiquement et psychologiquement distinct de la sexualité mature.

a) Vrai
b) Faux

28. Parmi les activités sexuelles suivantes, identifiez celles que l’on rencontre avant la puberté en les ordonnant selon un ordre de
fréquence décroissant (voir Kinsey, 1948; 1953): e

a) Le coït;
b) l’érotisme solitaire;
c) l’exhibition et la masturbation en groupe.
Adolescence et sexualité 153

29. Selon Kinsey, les jeux homosexuels des deux sexes sont plus courants à tous les âges prépubertaires que les jeux hétérosexuels.
a) Vrai
b) Faux

30. Le degré d’activité sexuelle prépubertaire des garçons et des filles est équivalent.

a) Vrai
b) Faux

31. Selon des enquêtes, on a constaté que des expériences orgastiques pouvaient se manifester plus de trois ans avant l’âge de la
puberté.

a) Vrai
b) Faux

32. Parmi les propositions suivantes, identifiez celles qui constituent des facteurs limitatifs quant à la possibilité de comparer directement
et avec certitude les comportements sexuels des femmes avec ceux des hommes.

a) La différence existant entre le nombre de phases dans la réponse sexuelle des hommes et des femmes;
b) les contrôles sociaux plus restrictifs envers la sexualité féminine;
c) la présence d’un plus grand nombre d’activités sexuelles significatives sans orgasme chez la femme;
d) l’absence d’éjaculation chez la femme rendant son orgasme moins manifeste;
e) le degré motivationnel moins grand des femmes.

33. Parmi les groupes d’âges suivants, identifiez celui qui, selon Kinsey (1948), correspond à la période la plus intense d’activités sexuelles
chez l’homme.

a) De 16 à 30 ans;
b) de 0 à 15 ans;
c) de 31 à 45 ans;
d) de 46 à 60 ans;
e) de 61 à 85 ans.

34. Parmi les groupes d’âges suivants, identifiez celui qui, selon Kinsey (1953), correspond à la période la plus intense d’activités sexuelles
chez la femme.

a) De 46 à 60 ans;
b) de 0 à 15 ans;
c) de 16 à 30 ans;
d) de 31 à 45 ans;
e) de 61 à 85 ans.

35. La plus grande capacité orgastique des hommes contraste avec la plus grande activité orgastique des femmes.

a) Vrai
b) Faux

36. Selon l’étude des travaux effectuée par Diepold et coll. (1979), il apparaît qu’au cours des trente dernières années les comportements
sexuels des filles se sont constamment rapprochés de ceux des garçons.

a) Vrai
b) Faux

37. Chez les garçons comme chez les filles, ceux qui atteignent une maturité sexuelle précoce auraient tendance à pratiquer la
masturbation plus tôt et davantage que ceux dont la puberté est plus tardive.

a) Vrai
b) Faux
154 Chapitre 6

38. Selon Diepold et coll. (1979), la fréquence du coït prémarital, chez les filles comme chez les garçons, doublerait entre 17 et 18 ans.

a) Vrai
b) Faux

39. Parmi les facteurs suivants, identifiez ceux qui sont reliés (positivement) à une plus faible pratique du coït prémarital:

a) Le niveau socio-économique bas;


b) la pratique religieuse;
c) l’homosexualité;
d) la pratique sportive;
e) le niveau socio-économique élevé.

40. Selon Crépault et coll. (1975), il n y a aucune différence significative entre les filles et les garçons québécois en ce qui concerne les
activités hétérosexuelles dans un contexte amoureux, sauf pour le «petting» actif.

a) Vrai
b) Faux

41. Miller et coll. (1980) ont observé autant chez les garçons que chez les filles, que la première expérience coïtale a lieu avant le mariage,
cependant les filles ont généralement leur première relation sexuelle avec un garçon aimé et prévu comme époux futur.

a) Vrai
b) Faux

42. Psychologiquement, l’érotisme apparaît d’abord sexuel pour le garçon et par la suite seulement émotionnel, tandis que pour la fille
c est l’inverse qui se produit.

a) Vrai
b) Faux
Chapitre 7
Phénomènes
psychosociaux
reliés à la sexualité
adolescente

7.1 LA CONTRACEPTION
7.2 LES DÉVIATIONS SEXUELLES À L’ADOLESCENCE
7.2.1 L’homosexualité
156 Chapitre 7

7.3 LES MALADIES TRANSMISES SEXUELLEMENT


7.3.1 La blennorragie
7.3.2 La syphilis

7.4 LA CULTURE ET LA SEXUALITÉ


7.5 COMPARAISON DES CONDUITES ET ATTITUDES SEXUELLES DES FILLES ET DES
GARÇONS

7.6 LE CHOIX DU PARTENAIRE HÉTÉROSEXUEL


AUTO-ÉVALUATION

7.1 LA CONTRACEPTION

Si les tentatives de contraception remontent historiquement à plus de 1000


ans av. J.-C. et quelles ont été assez courantes chez les Grecs et les Romains
(Noonan, 1967), ce n’est que récemment, pour la première fois dans l’histoire de
l’humanité, qu’il est devenu possible de contrôler efficacement les naissances;
plusieurs d entre nous ne seraient pas ici aujourd’hui si nos parents avaient eu le
contrôle réel des naissances. De nos jours, le contrôle des naissances ne pose plus
de problèmes techniques directs puisque des méthodes efficaces (quoique encore
perfectibles) existent. Les problèmes actuels concernent peut-être surtout la diffu¬
sion de l’information sur les techniques, la disponibilité et l’utilisation justifiée des
moyens contraceptifs.

Depuis les projections démographiques de Malthus, sociologue anglais de la


fin du XVIIIe début du XIXesiècle, il est apparu clairement que la progression géomé¬
trique de la population mondiale poserait tôt ou tard des problèmes sérieux de
surpopulation surpopulation. Ainsi ce n’est qu’en 1830 que la population du globe a atteint
1 milliard d’habitants, chiffre qui a doublé cent ans après et triplé 150 ans plus tard,
c’est-à-dire aujourd’hui. À un rythme de croissance globale de plus de 2 % par année'
la population mondiale doublera d’ici l’an 2010 ou 2015 (Ehrlich et Ehrlich, 1972). Ce
problème est encore beaucoup plus aigu considérant la régionalisation du phéno¬
mène de croissance démographique: par exemple, la population du Brésil double
dans une période d’environ 22 ans alors que le Danemark prend 88 ans environ pour
le faire.

contrôle Le contrôle des naissances jouera donc un rôle démographique crucial pour
des naissances l’humanité d’ici la fin du siècle et encore davantage au XXIe siècle. À une autre
échelle, le contrôle des naissances aura une importance capitale pour ce qui est de
maîtriser la transmission des maladies héréditaires comme l’hémophilie et les diffor¬
mités éventuelles causées par la consommation de certaines drogues comme la
thalidomide pendant la grossesse. Le contrôle des naissances aidera aussi à prévoir
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 157

les risques élevés d’affections chromosomiques comme le mongolisme (c’est-à-dire


la trisomie 21 ou le syndrome de Down).

La motivation la plus forte en faveur de la contraception est probablement le


désir d’éviter une grossesse non désirée. Toutefois, l’usage des contraceptifs de¬ grossesse non désirée
meure souvent mal contrôlé. Yalom et coll. (1978) ont interrogé toutes les femmes
ayant accouché au Stanford Hospital (Palo Alto, Californie) au cours d’un mois: des
39 femmes interviewées (dont la moyenne d’âge était 23 ans), 75 % avouaient n’avoir
pas prévu leur grossesse même si plusieurs étaient désirées.

Le tableau 7.1 décrit sommairement les principales méthodes contraceptives


disponibles dans le commerce ainsi que les avantages et désavantages de chacune.

Chez les adolescents, l’augmentation de la fréquence de la pratique du coït


et l’abaissement de l’âge des premières relations, ne semblent pas avoir été suivis
d’une évolution correspondante dans l’utilisation des contraceptifs. En France, Lau¬
rent (1980) mentionne une étude effectuée en 1978 et intitulée Dossiers de l’étudiant
dans laquelle il est souligné que moins de la moitié des lycéens ayant une expérience
sexuelle ont recours à la contraception; il s’agirait alors essentiellement de la pilule
que prennent les filles puisque seulement un garçon sur dix utiliserait des contracep¬
tifs. Selon Tordjman (1978), les trois quarts des adolescents français n’utilisent
aucun moyen contraceptif lors de leur première relation sexuelle. Michaud (1979)
obtient des données moins extrêmes pour la Suisse où la moitié des jeunes appli¬
quent une méthode contraceptive au moment de la première relation sexuelle et que
par la suite, la moitié des garçons et les trois quarts des filles en utilisent régulière¬
ment; 10% seulement n’en ferait jamais usage.

Aux États-Unis, le nombre élevé de grossesses adolescentes (plus de 1,3 grossesses


millions par année chez les moins de 19 ans dont 20 % seulement accoucheront) adolescentes
serait relié au fait qu’environ 30 % seulement des adolescents ont recours à la contra¬
ception (Scales et Gordon, 1979).

L’ignorance des risques de grossesse et des techniques contraceptives serait


la cause première de ce problème des jeunes à l’égard des grossesses non désirées.
L’imprévisibilité et la sporadicité des relations sexuelles rendraient aussi la contra¬
ception plus difficile à maîtriser: «C’est après que l’on songe aux implications». En
France, Laurent (1980) rapporte que 1,4 % seulement des lycéennes encore vierges
prennent la pilule. Michaud (1979) a observé que les moyens contraceptifs sont
davantage utilisés par les jeunes bien informés ayant une relation stable, tandis que
ceux qui risquent davantage de connaître des problèmes se caractérisent par: a) des
relations sexuelles précoces (avant 16 ans); b) une formation scolaire brève et une
famille perturbée dont ils rejettent les valeurs religieuses; et c) une mauvaise infor¬
mation sur la contraception.
En constatant l’importance de l’information sur la contraception pour pallier
les grossesses prémaritales non désirées et les autres difficultés possibles associées
158 Chapitre 7

TABLEAU 7.1: Description sommaire des méthodes contraceptives et de leurs caractéristiques d’utilisation*

Le tableau 7.1 a été remplacé par un tableau


plus récent que vous trouverez en annexe.
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 159

aux relations sexuelles, par exemple les maladies vénériennes, Crépeault et coll.
(1975) affirment «qu’il serait illogique de maintenir la grande majorité des jeunes
dans l’ignorance, alors qu’ils sont presque tous sexuellement actifs». En effet,
compte tenu de l’importance de l’activité sexuelle à l’adolescence et des consé¬
quences irrémédiables causées par des grossesses prémaritales non désirées, l’igno¬
rance face à la sexualité, à la contraception et aux maladies transmises sexuellement
est la source de problèmes sociaux considérables, partant elle est inacceptable. Le
Conseil du statut de la femme du Québec a recommandé en 1978 qu’un travail de
diffusion systématique des connaissances sur ces sujets soit entrepris dans le milieu
scolaire tant au niveau élémentaire qu’au niveau secondaire.
160 Chapitre 7

FIGURE 7.1: Type de stérilet le plus couramment utilisé*

* Reproduit avec l’autorisation de la compagnie Ortho Pharmaceutique ltée (Canada).

7.2 LES DÉVIATIONS SEXUELLES À L’ADOLESCENCE

À proprement parler, il n existe pas de déviation sexuelle exclusive à l’ado¬


lescence. On trouve toutefois au cours de cette période des éléments de déviation
connus pendant l’enfance et existant chez les adultes. Freud en 1905 dans Trois
essais sur la théorie de la sexualité soulignait qu’une déviation sexuelle existe dans
la mesure où le comportement en jeu prend plus d’importance que la relation coïtale
hétérosexuelle normale. Selon lui, une déviation sexuelle découle d’une défaillance
du développement sexuel et peut se manifester par: a) le choix de l’objet sexuel
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 161

c est-à-dire la personne qui attire sexuellement et b) le choix du but sexuel, c’est-à-


dire ce que l’on entend faire avec l’objet sexuel.

La relation hétérosexuelle n’étant habituellement pas accessible pendant


[adolescence, le critère freudien de présence d’une déviation s’applique difficile¬
ment. Il y a là un aspect fondamental rendant moins pertinente l’étiquette «déviation
sexuelle» lorsqu elle s’adresse aux enfants ou aux adolescents. Les caractères spo¬
radique, temporaire et exploratoire des jeux sexuels à l’enfance et à l’adolescence
font que l’on ne peut prédire assurément le comportement sexuel adulte à partir du
comportement sexuel adolescent. Robins (1966) a observé que, jusqu’à l’adoles¬
cence, les comportements sexuels déviants des garçons et des filles sont comme les
autres comportements déviants, par exemple la délinquance, et prédisent des com¬
portements déviants adultes, et non pas nécessairement des comportements
sexuels déviants. Kohlberg, La Crosse et Ricks (1972, p. 1249) adhèrent à la même
opinion et concluent leur rétrospection des ouvrages sur le sujet en affirmant qu’il y
a très peu de données empiriques concernant la prévisibilité des pathologies
sexuelles futures à partir des attitudes et des symptômes sexuels de l’enfant (voir
Kohlberg et coll., 1972).

Il ressort donc ici que: a) une déviance n’existe que lorsqu’elle implique une déviance
conduite prédominante par rapport au coït hétérosexuel: on ne peut parler de
déviance stable sachant que les adolescents n’ont pas librement accès aux relations
hétérosexuelles et b) les conduites sexuelles de l’enfance et de l’adolescence sont
des comportements déviants au même titre que les autres et ne prédisent pas plus
que ces derniers l’apparition de déviations sexuelles à l’âge adulte. Nous sommes
donc amenés à conclure qu’il n’existe pas de déviation sexuelle typique à l’adoles¬
cence; il est sans doute possible de constater certaines des conduites sexuelles
déviantes de l’âge adulte mais cela est très rare (à l’exception peut-être de l’homo¬
sexualité qui est assez répandue chez les adolescents mais qui conserve encore son
caractère ludique).

Le tableau 7.2 fournit une description sommaire des principales déviations


sexuelles humaines qui ne sont en aucune façon typiques de la déviance sexuelle
adolescente. Dans le présent ouvrage, nous n’insisterons que sur l’homosexualité.

7.2.1 L’homosexualité1

L’homosexualité (ou homophilie) est la déviation sexuelle la plus répandue et


sans doute la mieux connue; elle est maintenant de plus en plus tolérée dans les pays
occidentaux dans la mesure où elle implique des adultes consentants. Toutefois, les
problèmes d’adaptation sociale demeurent nombreux (Weinberg et Williams, 1974).

(1) Le mot «homosexualité» est un dérivé du grec «hom» qui signifie «le même», il ne tire pas ses origines du
latin «homo» signifiant «homme» comme on pourrait le croire de prime abord.
162 Chapitre 7

TABLEAU 7.2: Description sommaire des déviations sexuelles humaines*

DÉVIATIONS CONCERNANT L’OBJET SEXUEL


(c’est-à-dire la source de l’attrait sexuel)

Homosexualité: activité sexuelle avec une personne du même sexe. Le terme «lesbienne» est souvent utilisé pour désigner la femme
homosexuelle. C’est la déviation d’objet la plus courante et la plus connue; elle fait maintenant l’objet de mouvements «gais» qui
revendiquent le droit de vivre librement leur homosexualité.

Pédophilie: activité sexuelle caractérisée par l’utilisation d’enfants. Cette déviation est beaucoup plus fréquente chez l’homme et implique
un garçon ou une fille prépubères mais rarement les deux; elle est généralement la conséquence d’un déséquilibre psychologique
important. La pédophilie constitue une offense qui est très sévèrement punie par la loi.

Inceste: relation sexuelle avec un parent; le plus souvent il s’agit du père avec sa fille ou de la mère avec son fils mais le concept englobe
aussi les relations entre frères et soeurs, avec les grands-parents, les oncles et tantes, etc. L’inceste, violation d’un tabou universel, a un
impact psychologique très puissant sur les victimes.

Zoophilie: contacts sexuels avec des animaux. Cette déviation, appelée aussi bestialité, se trouve plus fréquemment dans les sociétés
rurales où l’adolescent côtoie plus souvent et plus facilement les animaux. La zoophilie est, dans la majorité des cas, occasionnelle au
cours de la période de l’adolescence.

Fétichisme: utilisation d’un objet inanimé à titre d’objet sexuel. Cette déviation, presque exclusivement masculine, n’est reconnue que si
l’objet fétiche importe plus que l’objet humain. Plusieurs objets sont susceptibles d’être utilisés par ce type de déviant, notamment des
chaussures ou sous-vêtements féminins.

Autres: Il existe d’autres déviations encore plus rares dont on ne parlera pas ici, par exemple, la nécrophilie, la gérontophilie, etc.

DÉVIATIONS CONCERNANT LE BUT SEXUEL


(c’est-à-dire ce que l’on veut faire avec l’objet sexuel)

Voyeurisme: perversion d’un individu pour lequel il est plus satisfaisant de voir une personne nue, ou toute autre scène érotique, que de
participer à une relation coïtale. Cette déviation se trouve surtout chez les hommes et dans 95 % des cas il s’agit de l’observation de
personnes étrangères. L’excitation du voyeur réside dans l’acte de défi envers les conventions sociales. Katchadourian et coll. (1975)
soulignent que la moyenne d’âge des voyeurs ayant fait l’objet d’une arrestation est 23,8 ans; cela comprend donc une forte proportion
d’adolescents.

Exibitionnisme: déviation consistant pour un adulte mâle à exiber ses organes génitaux à des femmes ou à des enfants; la réaction du
témoin est un élément important de la satisfaction. Cette offense est très sérieuse mais on considère de plus en plus qu’il y a un
déséquilibre psychique en jeu, au moins pour le premier délit.

Sadomasochisme: relation au cours de laquelle l’individu doit infliger (sadisme) ou recevoir (masochisme) des brutalités pour atteindre la
satisfaction sexuelle.

Viol: utilisation de la force ou de la menace pour obtenir une satisfaction sexuelle d’une personne non consentante. Le viol est
généralement commis par des hommes assez jeunes; selon MacDonald (1971), l’âge moyen des violeurs arrêtés est 24,5 ans ce qui est
susceptible d’intégrer une certaine proportion d’adolescents. Lacerte-Lamontagne et Lamontagne (1980) ont fait une étude à partir de
101 cas de viol au Québec; ils observent qu’en moyenne l’agresseur a 26 ans et la victime 24 ans. Dans plus de la moitié des cas
agresseurs et victimes se connaissent: ils se sont rencontrés chez la victime (39 %), dans un bar ou club (37 %). Dans près de 75 % des
cas, le lieu du délit est le domicile de la victime, une auto (22 %), ou le domicile de l’agresseur (16 %). Ce dernier est souvent chômeur ou
sans métier, et dans 88 % des cas il a un casier judiciaire.

* Les déviations décrites dans ce tableau ne sont pas typiques à l’adolescence; au contraire, elles sont probablement moins fréquentes au cours
de cette période qu’à l’âge adulte.

Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: KATCHADOURIAN, H.A. et LUNDE, D.T. Fundamentals of Human Sexualitv pean
New York: Holt, Reinhart and Winston, 1975. y'
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 163

Les données de Kinsey (1948; 1953) sont, malgré leur âge, les plus impor¬
tantes quantitativement et servent de base pour évaluer la fréquence. Selon lui,
avant la puberté environ 60 % des garçons ont connu une activité sexuelle quelcon¬
que avec un ou des garçons (Kinsey, 1948). En excluant ces expériences enfantines,
Kinsey estime que 37 % des hommes et 18 % des femmes ont connu un orgasme
homosexuel avant 45 ans. Les expériences orgastiques homosexuelles sont plus expériences
répandues chez les célibataires que chez les gens mariés: avant 45 ans: 50 % des homosexuelles
hommes célibataires et 26 % des femmes ont eu des expériences orgastiques homo¬
sexuelles comparativement à 10 % et 3 % respectivement chez les gens mariés.

Aux États-Unis, en Suède et en Allemagne, les études révèlent que la propor¬


tion d’homosexuels masculins exclusifs n’est que de 2 à 4 % (Katchadourian et coll.,
1975). Selon Sorenson (1973), environ 9 % des adolescents américains connaîtraient
au moins une expérience homosexuelle entre 13 et 19 ans (11 % des garçons et 6 %
des filles) et la probabilité d’activités homosexuelles à l’adolescence serait beaucoup
plus forte chez ceux qui en ont vécu auant l’adolescence.

Toutefois, à l’encontre de l’image de l’adolescent perverti par le vieil homo¬


sexuel, il semble que la plupart des adolescents ont leur première expérience homo¬
sexuelle avec un autre adolescent. La faible fréquence des activités homosexuelles à
l’adolescence est souvent motivée par la curiosité et le désir d’exploration, plutôt
que par une tendance homosexuelle réelle. Au cours de l’adolescence, environ 37 %
des garçons et 14 % des filles disent avoir été sollicités au moins une fois en vue d’un
contact homosexuel (Sorenson, 1973).

Y a-t-il des causes physiques ou psychologiques à l’homosexualité?

En 1952, Kallman démontrait par une étude que si un jumeau identique était
homosexuel l’autre l’était aussi, tandis que la concordance n’était pas aussi parfaite
pour les jumeaux non identiques. Partant, il émettait l’hypothèse d’une base géné¬
tique à l’homosexualité. Ces données ont été fort critiquées par la suite; on accusait
l’auteur de ne pas avoir tenu compte de l’environnement des sujets étudiés. De plus,
d’autres études plus récentes n’ont pas apporté les mêmes résultats que ceux de
Kallman.

En bref, les études connues n’ont pas réussi à identifier une différence biolo¬
gique entre les homosexuels et les hétérosexuels (Katchadourian et coll., 1975), ce
qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de facteurs héréditaires à l’origine d’un com¬
portement homosexuel.

Sur le plan psychologique, on a associé l’homosexualité masculine à une


évolution dans un contexte familial typique où la mère est dominante et le père passif
(Bieber et coll., 1962). La mère est décrite comme surprotectrice et intimiste envers
son fils, tandis que le père typique, lorsqu’il est présent, serait froid voire hostile
envers le fils. Cette explication psychanalytique de la dynamique familiale sous-tend
164 Chapitre 7

l’inhibition des comportements masculins chez le garçon, le père n’acceptant ni la


compétition ni l’opposition, et la mère concentrant sur elle l’expression des émotions
hétérosexuelles du fils. Le modèle paternel d’identification serait ainsi remplacé par
un modèle maternel. Plus tard, le garçon conserverait une crainte à l’égard des
relations hétérosexuelles et une frustration liée au besoin inassouvi d’amour mascu¬
lesbianisme lin pendant l’enfance. Concernant les femmes, les explications du lesbianisme sont
moins abondantes et moins articulées. Certains couples de lesbiennes dans lesquels
une femme joue le rôle de l’homme et l’autre celui de la femme, pourraient avoir, au
moins partiellement, une dynamique psychologique semblable à celle que l’on trouve
chez les homosexuels masculins. La partenaire qui joue le rôle masculin se serait
identifiée à son père, sa mère ayant été passive et froide et son père, intimiste et
exclusif. Pendant l’enfance, l’image féminine n’aurait pas été attirante et le désir
d’être un homme justifierait l’identification. Il y a cependant plusieurs cas de lesbia¬
nisme où l’on ne trouve pas ces rôles constants; souvent les femmes homosexuelles
rejettent l’homme comme partenaire sexuel en raison de son incompréhension de la
femme et de son égocentrisme sexuel.

Les psychologues s’accordent généralement sur l’importance de l’enfance


dans l’apparition de l’homosexualité; les explications fournies ne convergent cepen¬
dant pas toutes. Ainsi, certains rejettent l’hypothèse psychanalytique selon laquelle
le garçon s’identifie à sa mère parce que le profil du père et de la mère ne correspond
pas à celui décrit par tous les homosexuels mâles. D’autres accordent une impor¬
tance plus grande à l’apprentissage du plaisir orgastique. Ainsi, si l’individu vit ses
premières satisfactions sexuelles réelles dans un contexte homosexuel, il aura ten¬
dance à y revenir malgré une identification normale. Tous les homosexuels ne sont
pas efféminés et certains sont bisexuels2.

7.3 LES MALADIES TRANSMISES SEXUELLEMENT3

11 existe plusieurs types de maladies transmises sexuellement dont les deux


plus répandues sont la «gonorrhée»4 et la syphilis, la première étant moins grave
mais plus répandue que la seconde.

(2) Le qualificatif «bisexuel» concerne les personnes qui ont des activités homosexuelles et hétérosexuelles.
Elles ne sont donc ni exclusivement homosexuelles, ni exclusivement hétérosexuelles.

(3) L'expression «maladies vénériennes» englobe le même concept. Le mot «vénérienne» est déviré de «Vénus»,
déesse de l’amour et de la beauté dans la mythologie romaine. Parce que ces maladies sont transmises
sexuellement, on leur a attribué ce qualificatif.

(4) Ce mot est un anglicisme lexical issu de «gonorrhea»; dorénavant nous utiliserons dans le texte le terme
français correspondant «blennorragie».
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 165

La maladie vénérienne est un problème individuel assez délicat, mais en maladie vénérienne
même temps un problème collectif d’envergure qui touche une proportion élevée de
jeunes. Aux États-Unis, les cas de maladies vénériennes ont triplé depuis 1960. Cette
augmentation est due à plusieurs facteurs, notamment une plus grande permissivité
sexuelle, une ignorance des précautions à prendre et une utilisation de moins en
moins répandue du préservatif masculin depuis l’apparition de la pilule. Johns, Sut-
ton et Webster (1975) ont constaté que parmi tous les cas recencés de maladies
vénériennes, 50% concernaient les jeunes de moins de 25 ans.

Depuis la découverte de la pénicilline, il existe des traitements efficaces pour


contrer les épidémies de maladies vénériennes: le problème épidémiologique ne se
situe donc pas sur le plan des moyens dont nous disposons pour combattre l’infec¬
tion mais réside plutôt dans l’attitude de la population concernée. En effet, la plupart
des gens atteints d’une «maladie honteuse» tardent à consulter un médecin; ce
retard et parfois même cette absence de consultation médicale dus à la pudeur ou à
l’ignorance de l’infection, peuvent entraîner la contamination d’autres personnes.
Partant, les personnes atteintes ont une responsabilité sociale et en ce sens la com¬
munication devient essentielle.

7.3.1 La blennorragie

Dans le langage populaire, la blennorragie est appelée aussi la «gonorrhée»


ou la «pisse-chaude» probablement en raison de l’inflammation des voies urinaires;
ce symptôme apparaît après la période d’incubation de la bactérie. C’est le physicien
polonais Neisser qui, en 1879, a découvert la bactérie causant la blennorragie (c’est-
à-dire le gonocoque ou «neisseria gonorrhea»). Cet organisme en forme de grain de
café ne peut survivre et se multiplier que dans le corps humain; au contact de l’air, la
bactérie meurt. Partant elle se transmet d’une personne à l’autre par les muqueuses
comme le gland du pénis, le vagin, la gorge, l’anus, etc. La contagion par le biais des
sièges de toilette est une croyance populaire.

Il est admis que l’infection ne peut se transmettre par le baiser (sous-


entendant la bouche), mais on a observé, notamment chez les homosexuels, que la
transmission de la bactérie pouvait se faire par la gorge et l’anus (Katchadourian,
1977).

Les premiers symptômes de la blennorragie n’apparaissent qu’après une pé¬


riode d’incubation de la bactérie variant de trois à sept jours5. Chez l’homme, le
premier symptôme est l’écoulement par l’urètre du pénis d’un liquide blanc jaunâtre.
Il s’agit d’un pus qui peut être confondu avec les émissions nocturnes; toutefois, la

(5) Selon Katchadourian (1977), les premiers symptômes peuvent apparaître une journée après le contact et
parfois trois semaines après la relation sexuelle.
brûlure ressentie au moment d’uriner permet d’identifier l’infection. Au bout d’envi¬
ron deux semaines, les symptômes de l’infection sont plus manifestes: le liquide
devient verdâtre et plus épais, le malade est fiévreux et ressent de la fatigue. Le
médecin peut facilement diagnostiquer la maladie en demandant une analyse en
laboratoire des pertes du pénis attestant qu’il y a ou non présence du gonocoque.

Les traitements disponibles actuellement sont efficaces et peuvent guérir


assez rapidement la plupart des cas. Si le malade ne subit aucun traitement, les
symptômes décrits plus haut persistent pendant environ un mois et diminuent en
intensité avec le début de la phase chronique d’infection. À ce moment, il est possi¬
ble que la personne ne se sente pas vraiment mal, mais la bactérie continue à
progresser et à envahir graduellement tous les canaux génitaux (ce qui éventuelle¬
ment peut amener la stérilité), les articulations et même dans certains cas les valves
cardiaques. Tant et aussi longtemps que l’infection n’est pas soignée, elle peut
continuer à se propager par les activités sexuelles.

Chez la femme l’identification des symptômes de l’infection est plus difficile


car habituellement c’est le col de l’utérus, au fond du vagin, qui est infecté le premier;
les pertes infectieuses (c’est-à-dire le pus) doivent traverser le vagin avant d’être
perceptibles. Les premiers symptômes de la blennorragie sont moins importants
chez la femme que chez l’homme: les pertes sont moins importantes et peuvent être
confondues avec d’autres pertes vaginales courantes. À cause de cette difficulté plus
grande d’identification, la femme peut ignorer son état infectieux, continuant possi¬
blement la contamination si elle a des relations avec différents partenaires tout en
laissant évoluer la bactérie en elle-même. Une telle évolution sans traitement infecte
le système de reproduction par le biais des trompes de Fallope et provoque éventuel¬
lement la stérilité.

7.3.2 La syphilis

La syphilis est beaucoup moins répandue que la blennorragie mais elle est
beaucoup plus grave. Sans aucun traitement, la syphilis est mortelle.

Causée par le microbe «tréponème» (treponema pallidum) qui nécessite un


milieu humide, la syphilis se transmet généralement par les contacts sexuels et
exceptionnellement par la bouche (baisers). Comme la blennorragie, la syphilis ne
peut se transmettre autrement que par des contacts «intimes» entre humains6.

(6) Les sièges de toilettes, les verres et les tasses, les ustensiles, l’eau des piscines, les animaux domestiques,
les meubles, etc. ne peuvent transporter le germe de la syphilis.
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 167

L évolution de 1 infection syphilitique a été décrite selon trois stades. Après la


période d’incubation variant ordinairement de 12 à 30 jours un chancre c’est-à-dire chancre
un ulcère rond et généralement insensible, apparaît accompagné de fièvre légère et
de fatigue; c’est la phase primaire. Chez l’homme, le chancre apparaît habituelle¬
ment sur le pénis ou le scrotum7. Chez la femme, il se présente le plus souvent sur
les organes génitaux externes (grandes lèvres, région pubienne, etc.); il peut aussi
apparaître dans le vagin ou sur le col utérin, et ainsi ne pas être apparent.

Si la syphilis n est pas traitée au cours de la première phase, le chancre


disparaîtra. Entre deux semaines et six mois après sa disparition, des rougeurs
apparaissent sur le corps, principalement aux endroits humides (les muqueuses,
entre les fesses, les aisselles, etc.). Ces éruptions s’accompagnent de maux de tête,
de fièvre, de maux de gorge, de douleurs musculaires et articulatoires: c’est la phase
secondaire.

Après la phase secondaire, tous les symptômes disparaissent pour laisser


place à une phase de latence qui peut durer plusieurs années. Entre temps le
microbe s’étend dans l’organisme attaquant les vaisseaux sanguins, le système ner¬
veux central et les os. Dans la moitié des cas, la maladie continue d’évoluer vers la
phase tertiaire: le microbe attaque alors les yeux, les muscles et les systèmes car¬
diaque et nerveux (cerveau, épine dorsale, etc.) subissent des lésions. À ce stade
fort heureusement rarement atteint, le traitement devient pratiquement impossible
et la maladie évolue jusqu’à la mort de la personne.

Il est possible de déceler le microbe dès la première phase grâce à une


analyse du sang appelée «VDRL». La cure, généralement à base de pénicilline, traite
efficacement la syphilis lorsqu’elle est prescrite par un médecin avant l’évolution du
microbe dans le corps c’est-à-dire le plus tôt possible.

Il existe d’autres maladies transmises sexuellement dont nous ne traiterons


pas ici8; mentionnons seulement que plusieurs impliquent une infection de la région
de l’urètre ou de la région du vagin et du col utérin, et d’autres l’apparition de
chancres, de ganglions ou de tumeurs à certains endroits du corps. Dans tous les
cas un traitement précoce s’impose, et l’on ne doit pas laisser la peur d’afficher une
infection vénérienne retarder une action médicale curative efficace et disponible.

(7) Le chancre peut parfois apparaître ailleurs que sur le pénis; on a observé son apparition, tant chez l’homme
que chez la femme, dans les régions mammaire, rectale et buccale.

(8) Pour un examen plus approfondi des diverses maladies transmises sexuellement, voir: KATCHADOURIAN,
H.A. et LUNDE, D.T. Fundamentals of Human Sexuallty. 2eéd. New York: Holt, Reinhart and Winston, 1975.
Pour une description assez complète et avec des termes simples, voir: BOUDREAU, Y. La Sexualité expli¬
quée aux adolescents. Montréal: Éditions L'Univers, 1980.
168 Chapitre 7

7.4 LA CULTURE ET LA SEXUALITÉ

Sur le plan individuel, la sexualité est reconnue comme étant un des besoins
primaires de l’homme et elle exerce une grande influence motivationnelle sur son
comportement. En effet, le besoin sexuel peut être une source très puissante de
motivation pour amener l’individu à fournir des efforts soutenus afin d atteindre le
but associé à la satisfaction du besoin. Cette tendance innée caractérise tous les
membres de la philogénèse à laquelle appartient l’espèce humaine. Sur le plan col¬
lectif, la sexualité est une source puissante de désintégration ou d’intégration so¬
ciale. Aussi la culture doit-elle assurer le fragile équilibre entre d’une part, la satisfac¬
tion des besoins vitaux primaires associés à la survie de l’espèce et la santé mentale
de ses membres et d’autre part, le maintien d’une stabilité sociale minimale que peut
menacer l’énergie sexuelle non canalisée.

L’ensemble des travaux sur la gestion culturelle de la sexualité démontre que


la régulation sociale de la sexualité est universelle: il n’y a aucune culture connue qui
permette l’expression sexuelle sans contrainte (Broude, 1981). On observe toutefois
de nombreuses différences interculturelles dans les modes de contrôle social de la
sexualité. Parmi celles étudiées le plus fréquemment nous trouvons par ordre d’im¬
portance: a) les normes relatives à la sexualité prémaritale des filles (les attitudes
culturelles des garçons face aux pratiques prémaritales font l’objet de très peu de
recherches, peut-être en raison de l’indulgence multiculturelle face à la sexualité du
mâle célibataire); b) les normes relatives à la sexualité extra-maritale; c) les normes
relatives à l’homosexualité; et d) les données reliées à l’anxiété sexuelle.

Dans sa revue des ouvrages parus sur le thème de la gestion culturelle de la


sexualité, Broude (1981) observe que la plupart des chercheurs conçoivent les
normes sociales relatives aux pratiques sexuelles comme une réaction collective
face aux contraintes socio-économiques en jeu, tandis que d’autres associent la
permissivité ou le contrôle restrictif de la sexualité à des dispositions psychologiques
ou aux méthodes d’éducation des enfants impliquant la mère en particulier. Le
tableau suivant a été élaboré à partir de la revue de Broude (1981) et il résume les
points qui ressortent des ouvrages interculturels sur le contrôle social de la sexua¬
lité.

Le tableau 7.3, élaboré grâce à la synthèse de Broude (1981), présente


plusieurs implications concernant la sexualité à l’adolescence dans notre société.
Plusieurs questions en surgissent:

- Dans quelle mesure le double standard imposant des normes sexuelles plus
restrictives pour les filles est-il encore présent chez nous?
- Qu’est-ce que la plus grande contribution financière de la femme moderne
aux besoins de la famille peut amener comme conséquence concernant la
sexualité? le rapport de domination dans le mariage?
- La restriction sociale de la sexualité n’est-elle pas imposée par la domina-
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 169

tion masculine puisque là où l’homme est moins dominant on observe une


plus grande permissivité sexuelle?
Quels effets peut-on associer à la libération de la femme dans notre société
par rapport à la sexualité à l’adolescence?

TABLEAU 7.3: Sommaire d’une série d’études interculturelles sur les attitudes sexuelles humaines*

Sommaire des études sur les normes sexuelles prémaritales des filles
- Les sociétés* patriarcales- tendent à avoir des normes sexuelles restrictives à l’égard de l’activité sexuelle prémaritale des femmes.
- Les normes restrictives incitent les jeunes à axer leurs énergies vers des activités de subsistance intrinsèques aux sociétés industriali¬
sées et exigeant une discipline personnelle. Quant aux sociétés moins organisées vivant de la chasse et de l’agriculture, elles requièrent
moins de discipline et sont plus permissives en ce qui a trait au contrôle de la sexualité.
- Les normes restrictives sont moins nécessaires et moins efficaces dans les petites communautés.
- Dans les sociétés où 1 on considère que les enfants descendent du père d’abord (en portant son nom par exemple), le statut de l’enfant
illégitime est ambigu. Ainsi les normes étant restrictives à l’égard des grossesses prémaritales, la mère non mariée reçoit moins de
support de sa famille. Par contre, dans les sociétés où la descendance relève de la mère plutôt que du père, les grossesses prémaritales
n’ont pas à être évitées; les mères célibataires peuvent compter sur le support de la parenté qui n’est pas humiliée par l’illégalité de
l’acte.
- Dans les sociétés où la mobilité d une classe sociale à l’autre est plus facile, les pères tentent généralement d’empêcher l’union de leur
fille avec un garçon de classe sociale inférieure à la leur.
Si le garçon doit offrir un présent à la famille de sa future femme, la virginité de celle-ci joue un rôle primordial car «les hommes ne paient
pas le plein prix pour un bien endommagé»; une grossesse prémaritale diminue aussi la valeur marchande de la femme.
Là où 1 homme contribue davantage que la femme aux besoins de la famille, l’activité sexuelle devient un moyen d’échange pour elle car
les normes sexuelles la restreignent. Si par contre, la femme contribue plus que l’homme dans le mariage, la valeur du sexe n’est pas
«inflationniste» et l’activité sexuelle prémaritale est permise à la fille. Lorsque la femme contribue beaucoup à la subsistance, l’homme a
de la difficulté à lui imposer des normes restrictives. (Il s’agit de la théorie de l’échange de Eckardt (1971). )

Sommaire des études sur les normes de sexualité extra-maritale


- On a observé que quand les femmes dominent, le comportement sexuel des hommes est inhibé alors que la dominance masculine est
associée à une sexualité masculine non inhibée. Dans les milieux où la dominance féminine inhibe la sexualité masculine, il y aurait de
faibles attentes de fidélité conjugale, et donc des relations sexuelles extra-maritales plus fréquentes.
- Lorsque les époux ont été élevés ensemble, sous un même toit par exemple, leur attraction sexuelle réciproque est faible, ce qui
implique une fréquence d’infidélité conjugale assez élevée mais tolérée.
- Dans les sociétés où les normes sont différentes pour les hommes et pour les femmes (dans le sens d’une plus grande restriction du
comportement sexuel féminin), on trouve aussi beaucoup de lieux publics réservés aux hommes (tavernes, clubs masculins, etc.).
Cette relation entre le «double standard» et les «maisons d’hommes» est interprétée par Broude (1976) comme l’indice d’une hostilité
latente à l’égard des femmes.

Sommaire des travaux sur les facteurs reliés à l’anxiété face à la sexualité
- Whiting et Child (1953) émettent une hypothèse basée sur la fixation négative. Selon eux, quand pendant l’enfance les comportements
à caractère sexuel sont punis, les adultes développent une anxiété à l’égard de la sexualité. En contrepartie, les auteurs proposent aussi
une hypothèse de fixation positive. La permissivité face aux comportements sexuels pendant l’enfance conduit à une dépendance
durable à l’âge adulte à l’égard de la sexualité en tant que source de sécurité.
- Les principaux prédicteurs de l’anxiété ressentie face à la sexualité et communs à toutes les cultures sont reliés à des tabous sexuels
Parmi les plus courants, on trouve le post-partum (période de continence après un accouchement) qui est en relation positive avec le
tabou menstruel (c’est-à-dire les efforts déployés par la société pour cacher les menstruations et la ségrégation à l’égard de la période
menstruelle); ce dernier est associé à une éducation sexuelle sévère, à une peur de la castration et aux restrictions sexuelles en général.

* Dans ce tableau, le mot «société» désigne une culture distincte et indépendante ayant son évolution propre. Les observations résumées plus haut ont été
vérifiées dans plusieurs sociétés distinctes, ce qui renforce leur potentiel de généralisation.
170 Chapitre 7

Il n’est pas dans notre intention de chercher ici à répondre à toutes ces
questions. À la section suivante, nous nous attarderons brièvement à la comparai¬
son des conduites et attitudes sexuelles des filles et des garçons; cette question nous
apparaît d’une grande importance dans le contexte de 1 adolescence contemporaine.

7.5 COMPARAISON DES CONDUITES


ET ATTITUDES SEXUELLES DES FILLES
ET DES GARÇONS

Nous avons déjà vu que des différences entre les normes sociales relatives à
la sexualité féminine et à la sexualité masculine existent dans de nombreuses cul¬
double standard tures, il s’agit du concept du «double standard». Très fortement enraciné dans les
fondements de la vie sociale, le double standard a fait dans le passé 1 objet de
plusieurs luttes historiques des femmes pour leurs droits à 1 égalité et le combat s est
certainement intensifié au cours de la dernière décennie. Pourquoi traite-t-on
encore la sexualité de la femme d’une façon différente de celle de l’homme dans la
majorité des cultures contemporaines? Serait-ce parce que les femmes ont la res¬
ponsabilité de l’enfantement ce qui les rendraient plus dépendantes dans leurs
conduites sexuelles en raison d’une grossesse possible leur donnant ainsi «naturel¬
lement» le rôle de première responsable des enfants. Serait-ce parce que les femmes
sont moins fortes physiquement et qu’historiquement elles ont été dominées par les
hommes plus puissants? On peut se demander ce qui se passerait sur le plan social si
du jour au lendemain les femmes devenaient physiquement pius fortes que les
hommes. Nous pourrions sans doute spéculer longtemps sur les raisons du double
standard; toutefois la fonction dans la reproduction (reliant sexualité et maternité) et
la constitution physique ont sans doute joué un rôle historique important. Le double
standard maintenant une différence constante entre les sexes s’exprime non seule¬
ment dans la permissivité et la répression sexuelles mais aussi dans la répartition du
travail dans la société et dans l’accès aux postes de pouvoir (politique, économique,
syndical, judiciaire, etc.).

À ce sujet, le tableau 7.4 nous renseigne sur l’évolution du taux d’activité de


la femme sur le marché du travail au Québec entre 1941 et 1971 (Barry, 1977, p. 18).
De façon générale on remarque une nette augmentation sauf en ce qui concerne les
moins de vingt ans; cette évolution moins marquée s’explique par la prolongation de
la scolarisation des adolescentes. Si au cours des trente dernières années, la propor¬
tion de femmes sur le marché du travail a augmenté, il n’en demeure pas moins que
le double standard semble encore bien présent si l’on en juge par la répartition des
tâches en fonction du sexe. À titre d’exemple, dans l’enseignement au Québec en
1977-1978, les femmes représentaient 90% du personnel enseignant mais 10% seule¬
ment du personnel de direction au niveau élémentaire. On observait aussi une
diminution de la proportion d’enseignantes à mesure que le niveau scolaire s’élevait:
40% du personnel enseignant au secondaire, 30% au collégial, et moins de 20% à
l’université (Conseil du statut de la femme, 1978, p. 41).
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 171

TABLEAU 7.4: Taux d activité des femmes selon l’âge au Québec de 1941 à 1971

Groupes d’âge des femmes

Années moins de 20-24 25-34 35-44 45-54 55 ans


20 ans ans ans ans ans et plus
(%) (%) (%) (%) (%) (%)
1941 26,60 42,18 27,46 18,27 14,20 8,79
1951 39,71 46,20 23,93 20,61 19,10 10,06
1961 36,81 51,03 26,91 24,74 26,64 13,94
1971 32,48 61,18 39,88 34,35 33,80 17,82
1941 à 1971 +5,88 +19,00 +12,42 +16,08 +19,60 +9,03
Source: BARRY, F Travail de la femme au Québec, évolution de 1940 à 1970. Québec: Presses de l'Université
du Québec, 1977, p. 18.

En ce qui concerne la sexualité des jeunes, Crépault et Gemme (1975)


concluent leur examen de la littérature de la façon suivante:

«Les résultats de recherches entreprises au cours des dix dernières


années relatives aux standards sexuels masculin et féminin ont fait res¬
sortir deux faits importants: d’une part, que l’égalitarisme sexuel est
adopté par la majorité des garçons et des filles et d’autre part, que ces
dernières ont tendance à adopter en plus grand nombre le double stan¬
dard sexuel orthodoxe,»9

Selon Crépault et coll. (1975), il y aurait donc eu au Québec une évolution


vers une attitude égalitaire entre les sexes concernant les normes: le double stan¬
dard laisserait progressivement place à 1 égalitarisme, mais les filles elles-mêmes
auraient une attitude plus marquée de double standard, c’est-à-dire quelles seraient
sexuellement plus permissives pour les garçons que pour elles-mêmes. En admet¬
tant que cette évolution se fasse aussi à l’échelle internationale occidentale, com¬
ment se traduit-elle dans les conduites sexuelles? Le tableau 7.5 fournit une réponse
partielle à cette interrogation; il contient la compilation de données obtenues à partir
d’une série d’études sur l’incidence du coït prémarital chez les garçons et chez les
filles entre 1962 et 1973 dans différents pays européens et nord-américains. Excep¬
tion faite de l’Allemagne, de la Suède et du Danemark où l’on observe une fréquence
égale ou plus élevée chez les filles, le coït prémarital est davantage pratiqué par les
garçons. Il s’agit là de données intéressantes sur le maintien du relatif du double
standard.

(9) CRÉPAULT, C. et GEMME, R. La Sexualité prémaritale. Montréal: Presses de l’Université du Québec, 1975,
p. 34.
L'égalitarisme sexuel détermine une même attitude par rapport aux conduites sexuelles pour les filles et les
garçons, tant pour ce qui est permis que pource qui est défendu. Le double standard orthodoxe définit une
attitude plus restrictive pour la fille que pour le garçon à l’égard de l’ensemble des conduites sexuelles.
172 Chapitre 7

Ces données comparatives entre pays ne tiennent pas compte du contexte


dans lequel le coït prémarital a lieu. En effet, et comme nous 1 avons vu plus tôt,
l’égalité entre les garçons et les filles est beaucoup plus forte si 1 on ne considère la
pratique du coït que dans un contexte amoureux (Crépault et coll., 1975).

7.6 LE CHOIX DU PARTENAIRE HÉTÉROSEXUEL

Quels sont les facteurs qui déterminent le choix du partenaire hétérosexuel?


Ici la culture joue un rôle de première importance. Il existe encore aujourd hui des
cultures avec leurs coutumes civiles et religieuses où l’on contraint une personne à
s’unir à une autre prédéterminée depuis l’enfance et même avant la naissance dans
certains cas (Cairns, 1979).

TABLEAU 7.5: Incidence du coït prémarital chez les garçons et les filles*

Études Pourcentage de pratique du


coït prémarital
Garçons Filles Différence
(%) (%) (%)
États-Unis
Christensen et Carpenter (1962) 51 21 30
Robinson et coll. (1968) 65 29 36
Luckey et Nass (1969) 58 43 15
Peretti (1969) 48 21 27
Kaats et Davis (1970) 60 44 16
Christensen et Gregg (1970) 50 34 16
Robinson et coll. (1972) 65 37 28
Sorensen (1973) 59 45 14

Ailleurs
Christensen et Carpenter (1962): Danemark 64 60 4
Schofield (1965): Angleterre 20 12 8
Mann (1967): Canada 35 15 20
Zetterberg (1969): Suède 83 86 -3
Luckey et Nass (1969): Canada 57 35 22
Angleterre 75 63 12
Allemagne 54 59 -5
Norvège 67 54 13
Mann (1970): Canada 50 37 13
Israël et coll. (1970): Suède , 78 77 1
Christensen et Gregg (1970): Danemark 95 97 -2
Larsen (1971): Norvège 100 100 0
Schmidt et Sigusch (1971): Allemagne 50 52 -2
Hobart (1972): Canada 56 44 12
Eysenck (1972): Angleterre 55 19 36
Les pourcentages ne tiennent pas compte de la fréquence, ils représentent les proportions de jeunes ayant
vécu l’expérience au moins une fois.

* Source: CRÉPAULT, C. et GEMME, R. La Sexualité prémaritale. Montréal: Presses de l'Université du Québec,


1975, p. 36.
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 173

Dans les sociétés où il existe un choix libre, comme c’est théoriquement le


cas dans la majorité des pays occidentaux industrialisés, la beauté physique, la
santé, la richesse et le statut social ont été reconnus comme jouant un rôle dans le
choix du partenaire (Rosenblatt, 1974). La véracité de l’adage «Qui se ressemble
s’assemble» a été appuyée à plusieurs reprises par des résultats de recherche (Hus-
ton, 1974). L explication plausible du phénomène de rapprochement par similitude
réside dans le partage entre les partenaires potentiels des valeurs, des intérêts, des
options sociales futures, etc. Toutefois on ne peut pas dire que «plus un garçon et
une fille sont près I un de 1 autre, plus ils ont de chances de se choisir mutuellement»
car un frère et une soeur sont très proches l’un de l’autre dans leurs antécédents
respectifs mais le tabou de 1 inceste, qui existe dans toutes les cultures selon Lindsey
(1967), les séparera sexuellement. De plus les enfants, sans lien de parenté, élevés
ensemble n affichent que peu d attraits mutuels en tant que partenaires hétéro¬
sexuels (Shepher, 1971).

Ainsi le partage d’antécédents communs est un facteur puissant dans le


choix d un partenaire hétérosexuel, mais une trop grande proximité atténue l’attrait
mutuel.

Par ailleurs, le libre choix théorique des jeunes partenaires potentiels dans
notre culture n’est pas vraiment complet. Des pressions parentales s’exercent sou¬
vent à 1 égard de la classe sociale du candidat ou de la candidate, à propos de sa
religion, de sa race, de son emploi, etc., de sorte que les adolescents ou jeunes
adultes des deux sexes subissent des influences réelles dans le choix de leur parte¬
naire hétérosexuel.
174 Chapitre 7

AUTO-ÉVALUATION
1. Identifiez parmi les propositions suivantes, les facteurs souvent mentionnés comme des avantages reliés à la contraception.

a) Diminution des grossesses à risques élevés;


b) diminution des effets secondaires des médicaments;
c) prévention des grossesses non désirées;
d) croissance démographique plus forte;
e) contrôle des maladies héréditaires.

2. Avec l’existence de moyens contraceptifs efficaces, on observe que la majorité des parents potentiels contrôlent efficacement les
naissances.

a) Vrai
b) Faux

3. Chez les adolescents, l’augmentation de la fréquence de la pratique du coït et l’abaissement de l’âge des premières relations sexuelles
ne semblent pas avoir été suivis d’une évolution correspondante dans l’usage des contraceptifs.

a) Vrai
b) Faux

4. Identifiez parmi les éléments suivants les facteurs associés au trop grand nombre de grossesses adolescentes non désirées.

a) L’inefficacité des contraceptifs;


b) le désir inconscient d’avoir un enfant;
c) l’ignorance des risques et des techniques contraceptives;
d) le caractère imprévu et sporadique des relations sexuelles;
e) la crainte des maladies vénériennes.

5. Ordonnez les méthodes contraceptives suivantes selon un ordre décroissant d’efficacité:

a) condom;
b) méthode sympto-thermique;
c) pilule;
d) Ogino-Knauss.

6. La vasectomie implique une opération chirurgicale mineure d’une durée approximative de 15 minutes et n’empêche pas le fonction¬
nement sexuel normal ni l’éjaculation.

a) Vrai
b) Faux

7. Identifiez parmi les propositions suivantes les caractéristiques personnelles les plus souvent observées chez les adolescents à «haut
risque» au sujet des grossesses non désirées.

a) Ils ont une relation stable;


b) ils ont des relations sexuelles précoces;
c) ils ont une formation scolaire brève;
d) ils sont bien informés sur la contraception;
e) ils ont une famille perturbée.

8. Il n’existe pas de déviation sexuelle exclusive à l’adolescence.

a) Vrai
b) Faux
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 175

9. Un comportement sexuel déviant pendant l’adolescence


permet de prévoir la déviation sexuelle qui sera vécue à l’âge adulte
(Kohlberg et coll., 1972).

a) Vrai
b) Faux

10. Pour Freud (1905), une déviation sexuelle existe réellement à condition que:

a) Le comportement en jeu ait plus d’importance que le coït hétérosexuel;


b) le but sexuel ne soit pas hétérosexuel;
c) l’objet sexuel soit variable.

11. Parmi les déviations sexuelles suivantes, identifiez celles qui selon Freud concernent un but sexuel déviant:

a) L’inceste;
b) le viol;
c) l’homosexualité;
d) le sadomasochisme;
e) la zoophilie;
f) le fétichisme;
g) le voyeurisme.

12. Selon l’étude québécoise de Lacerte-Lamontagne et coll. (1980) sur le viol, dans plus de la moitié des cas, victimes et agresseurs se
connaissent déjà, et le plus souvent l’agresseur a un casier judiciaire.

a) Vrai
b) Faux

13. Parmi les caractéristiques parentales suivantes, identifiez celles que Bieber et coll. (1962) ont typiquement associées à l’environ¬
nement familial du garçon homosexuel:

a) Mère froide et distante;


b) père froid et distant;
c) mère intimiste;
d) père n’acceptant pas la compétition;
e) père passif.

14. Identifiez parmi les facteurs suivants, les éléments reliés à l’augmentation des maladies vénériennes chez les jeunes américains depuis
les années 60.

a) L’augmentation de la prostitution;
b) l’ignorance des précautions à prendre;
c) l’usage moins fréquent du préservatif masculin;
d) les coûts plus élevés des consultations médicales;
e) la permissivité sexuelle plus grande chez les jeunes;
f) la répression sociale de plus en plus forte des maladies dites honteuses.

15. Le problème épidémiologique central des maladies transmises sexuellement ne consiste pas en l’absence de moyens pour combattre
les infections vénériennes mais plutôt en l’attitude de la population qui tarde à consulter un médecin pour une «maladie honteuse».

a) Vrai
b) Faux

16. Parmi les éléments suivants, identifiez ceux par lesquels la blennorragie peut se transmettre d’une personne à une autre:

a) Un siège de toilette;
b) un ustensile de cuisine;
176 Chapitre 7

c) le contact avec la gorge;


d) le vagin;
e) une tasse ou un verre à boire;
f) le gland du pénis;
g) l’anus.

17. Les premiers symptômes de la blennorragie chez l’homme (notamment un liquide blanc jaunâtre s’écoulant du pénis) apparaissent
généralement dès le lendemain de l’infection et donnent lieu à une sensation de brûlure au moment d uriner.

a) Vrai
b) Faux

18 Chez la femme, l’identification des symptômes de l’infection est plus difficile à faire parce que (identifiez les propositions vraies):

a) Les pertes proviennent du fond du vagin (distance);


b) les pertes sont moins abondantes que chez l’homme;
c) les pertes ne sont pas visibles du tout;
d) l’infection a une période d’incubation d’un mois et plus;
e) le vagin infecté est moins visible que le pénis infecté.

19. L’évolution de la syphilis a été décrite en fonction des étapes suivantes:

a) La période d’incubation;
b) la phase primaire;
c) la phase secondaire;
d) la phase de latence;
e) la phase tertiaire.

Identifiez, en conservant leur ordre de présentation ici, les symptômes suivants:

1) Le microbe attaque les yeux, les systèmes cardiaque et nerveux ont des lésions;
2) aucun symptôme depuis l’infection;
3) entre deux semaines et six mois après la disparition du chancre, des rougeurs apparaissent sur le corps accompagnées de fièvre,
de maux de tête et de gorge, etc.;
4) un chancre apparaît;
5) le microbe se répand dans tout le corps attaquant graduellement les vaisseaux sanguins, le système nerveux central et les os, sans
symptôme apparent.

20. Selon Broude (1981), il n’y a pas de culture connue qui permette l’expression sexuelle sans aucune contrainte.

a) Vrai
b) Faux

21. Les sociétés patriarcales tendent à avoir des normes sexuelles restrictives à l’égard de l’activité sexuelle prémaritale des femmes,
tandis que dans les sociétés où la descendance relève de la mère, les grossesses prémaritales n’ont pas à ête évitées et les mères
célibataires peuvent compter sur le support de la parenté.

a) Vrai
b) Faux

22 Lorsque les femmes contribuent beaucoup à la subsistance dans le mariage, les hommes ont de la facilité à leur faire respecter des
normes sexuelles restrictives.

a) Vrai
b) Faux
Phénomènes psychosociaux reliés à la sexualité adolescente 177

23. Lorsque les epoux ont été élevés ensemble, sous un même toit par exemple, leur attraction sexuelle mutuelle est forte et il en résulte
une taible fréquence d’infidélité conjugale.

a) Vrai
b) Faux

24. Le concept de «double standard» se rattache à la répression sociale plus forte des activités sexuelles féminines que des activités
sexuelles masculines.

a) Vrai
b) Faux

25. Dans certains pays occidentaux, on a observé une incidence légèrement plus grande du coït prémarital chez les filles que chez les
garçons.

a) Vrai
b) Faux

26. En matière de choix du partenaire sexuel, les études démontrent que le vieil adage «Qui se ressemble s’assemble» n’a vraiment pas de
fondement.

a) Vrai
b) Faux
\ ri. , f
,■ ï- • .•
Chapitre 8

Le développement social
à l’adolescence

8.1 INTRODUCTION

8.2 LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL: PERSPECTIVE D'ENSEMBLE


8.2.1 Les stades de développement social selon Gordon
8.2.2 Le développement du style interpersonnel
8.2.3 Mécanismes de socialisation à l’adolescence
8.2.4 Le développement du moi (ego) et la socialisation adolescente
8.2.5 Écologie du développement social à l’adolescence

8.3 LES VALEURS DE L’ADOLESCENT


8.3.1 Les valeurs comme reflet de la socialisation
8.3.2 Les valeurs importantes pour les adolescents

AUTO-ÉVALUATION
180 Chapitre 8

8.1 INTRODUCTION

socialisation La socialisation peut se définir comme le processus d acquisition des compor¬


tements, des attitudes et des valeurs nécessaires à l’adaptation sociale de 1 individu.
Ce processus s’engage dès l’établissement des premières relations humaines et se
poursuit tant qu’un équilibre adaptatif stable n’est pas atteint, c’est-à-dire éventuel¬
lement toute la vie.

L’adolescence n’est donc pas le point de départ de la socialisation et 1 âge


adulte n’en garantit pas l’achèvement: il n’y a pas d’âge précis marquant la fin de la
socialisation. Par contre, l’évolution sociale qui s’amorce dès le tout jeune âge
change de rythme à l’adolescence sous l’impulsion des transformations physiques et
mentales qui apparaissent vers 12 ans.

Sur le plan physique, les changements corporels transforment l’image de soi.


La maturité sexuelle modifie l’équilibre biologique et des dimensions psychologiques
inconnues auparavant se manifestent dans le domaine de la sexualité. L’adolescent
doit assumer un rôle social masculin ou féminin; il doit alors faire face à une nécessi¬
té et non à un choix. Si au cours de l’enfance, filles et garçons affichaient des
caractéristiques physiques peu distinctes en apparence, la puberté met les cartes
sur table: les filles deviennent des femmes et les garçons des hommes. Socialement,
cette identification nouvelle se définit par une série d’étapes à franchir, d’obstacles à
surmonter. L’adolescent est ainsi placé dans cette situation où il doit d’une part
satisfaire ses propres besoins sociaux (anciens et nouveaux), et d’autre part satis¬
faire des attentes sociales nouvelles plus exigeantes que jamais. Le tableau 8.1
tâches présente une liste des tâches développementales que les adolescents doivent ac¬
développementales complir.

TABLEAU 8.1: Les tâches développementales à l’adolescence selon Hagighurst*

1. Accéder à l’indépendance émotionnelle face aux parents et aux autres adultes.


2. S’assurer une indépendance économique.
3. Choisir un métier et s’y préparer.
4. Se préparer pour le mariage et la vie familiale.
5. Développer les habiletés intellectuelles et les concepts nécessaires aux rôles civiques.
6. Développer un comportement social responsable. >
7. Acquérir un système de valeurs et d’éthique guidant son comportement.
8. Développer des relations nouvelles et plus matures avec les pairs des deux sexes.
9. Assumer un rôle social masculin ou féminin.
10. Accepter son corps tel quel et apprendre à l’utiliser efficacement.

* Source: Ce tableau a été traduit par l'auteur d’après l'ouvrage de: KALAFATICH, A. «Adolescence, a separate
stage of life». Approaches to the Care of Adolescents (A. Kalafatich, dir.). New York: Appleton -
Century Crofts, 1975, p. 6.
Le développement social à l’adolescence 181

L environnement social parle un langage nouveau à l’adolescent: on lui dit


qu il n est plus un enfant et doit maintenant se comporter en adulte. Les parents,
1 école, les amis, la carrière future, la société, un peu comme des créanciers, reven¬
diquent leur dû à tour de rôle. Chaque sphère sociale apporte ses exigences nou¬
velles sous-tendues par les notions de responsabilité, de devoir et d’autonomie. La
société exige qu entre 12 et 18 ans l’individu passe d’un état social de dépendance
enfantine à un état autonome et indépendant. Cette autonomie, indicative de la
«maturité sociale», doit se conquérir. Le milieu social réclame des progrès mais en
même temps résiste aux conquêtes des jeunes. Ainsi, l’adolescent doit acquérir son
autonomie poussé par ses propres besoins intimes et selon les principes de sa
culture, mais il doit aussi se battre avec calme, constance et souplesse pour chaque
centimètre de terrain franchi car 1 agressivité, l’impulsivité et l’inconstance sont sou¬
vent condamnées et réprimées socialement.

La socialisation est le résultat de l’interaction d’un réseau complexe de fac¬


teurs psychosociaux. Aussi discuter d’un seul aspect à la fois de ce processus
distorsionne nécessairement la réalité. Par exemple, parler du groupe d’amis ou des
valeurs, sans considérer le sexe ou l’occupation de l’adolescent, limite la portée
pratique du discours puisque dans la réalité, ces dimensions sont interdépendantes.
Malheureusement, on ne peut parler en même temps de tous les facteurs pertinents;
il importe donc de se rappeler constamment le caractère multidimensionnel du
processus de socialisation.

8.2 LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL: PERSPECTIVE


D’ENSEMBLE

8.2.1 Les stades de développement social selon Gordon

On peut considérer que l’évolution sociale s’étend de la naissance à la mort. évolution sociale
En effet, ce n’est ni la fin de l’enfance ni celle de l’adolescence qui mettront un terme
aux modifications perceptibles dans les relations d’une personne avec les autres.
Gordon (1971) a proposé un modèle (voir le tableau 8.2) qui présente les stades du
développement social typique du cycle de vie de la classe moyenne de la population
en milieu urbain. L’intérêt de la théorie de Gordon réside en ce qui nous concerne,
dans la représentation qu’elle donne des stades adolescents par rapport à l’ensemble
du cycle social de la vie. Les personnes les plus significatives énumérées dans la
troisième colonne du tableau 8.2 apparaissent selon un ordre approximatif d’impor¬
tance. Parmi les particularités dominantes des stades de l’adolescence (stades 5 et 6
du tableau 8.2), on remarquera la réorganisation de l’importance relative des per¬
sonnes. Les parents viennent en premier au début de l’adolescence (comme pen¬
dant l’enfance d’ailleurs). Au cours de la deuxième partie de l’adolescence, l’indé¬
pendance accrue par rapport à la famille se traduit par une diminution de l’impor¬
tance des parents. Les amis du même sexe et du sexe opposé deviennent alors des
182 Chapitre 8

personnes plus significatives: pour la première fois dans la vie, des relations sociales
relations extra-familiales pourront acquérir une signification plus importante que les relations
extra-familiales intra-familiales. Les parents demeurent importants, mais la transition est amorcée
vers l’attachement à des personnes étrangères à la famille.

tendances vitales Sur le plan des tendances vitales, le début de l’adolescence pose le défi de
réaliser l’équilibre entre l’acceptation sociale et la réussite sociale. Sinon directement
opposées, ces deux tendances n’en possèdent pas moins des zones conflictuelles.
En effet, les attitudes à posséder pour accepter la société et ses normes, pour
s’accepter soi-même et accepter les autres, ne sont pas toujours compatibles avec la
compétition et les combats exigés par la réussite. Ainsi, la compétition pour obtenir

TABLEAU 8.2: Stades du développement social typique de la vie selon Gordon*

Stade de la vie Âge Personnes les plus significatives Tendances vitales majeures exerçant
approximatif un attrait et devant être intégrées par
l’individu

1. Début de la vie 0 à 12 mois La mère G ratification affective/ exploration


sensorimotrice

2. Petite enfance 1 à 2 ans La mère, le père Obéissance /autocon trôle

3. Période 3 à 5 ans Les parents, la fratrie et les copains Lxpressivité/exploration de nouveaux


oedipienne de jeu. moyens

4. Enfance 6 à 11 ans Les parents, les amis du même sexe et les Relations avec les pairs/évaluation des
enseignants. habiletés

5. Début de 12 à 15 ans Les parents, les amis du même sexe, les Acceptation sociale/réussite sociale
l’adolescence pairs du sexe opposé et les enseignants.

6. Fin de 16 à 20 ans Les amis du même sexe, les amis du sexe Intimité/autonomie
l’adolescence opposé, les parents, les enseignants, la
personne aimée et la femme ou le mari.

7. Jeune adulte 21 à 29 ans L’être aimé, la femme ou le mari, les Affiliation/autodétermination


enfants, les employeurs et les amis.

8. Début de la 30 à 44 ans La femme ou le mari, les enfants, Stabilité/accomplissement


maturité les supérieurs, les collègues,
les amis et les parents.

9. Pleine maturité 45 ans jusqu’à La femme ou le mari, les enfants', Dignité/contrôle


l’âge de la les collègues, les amis et les
retraite associés plus jeunes.

10. Le vieil âge De l’âge de la Les membres vivants de la famille, les Intégration de la vie/autonomie
retraite à la mort amis de longue date et les voisins.

* Source: Les données de ce tableau ont été tirées de: GORDON, C. «Social characteristics of early adolescence». 12 to 16 Barty Adolescence
(J. Kagan et R. Coles, dir.). New York: Norton, 1972, p. 26.
Le développement social à l’adolescence 183

les notes scolaires les plus élevées n’est pas toujours un facteur d’acceptation par le
groupe classe. Par contre, la compétition pour acquérir les meilleures performances
sportives peut être un élément de popularité.

Selon Gordon (1972), les garçons déploient au cours de la première partie de


1 adolescence une énergie accrue pour réussir et conquérir une indépendance per¬
sonnelle. Ils sont encouragés dans cette voie par la valeur qu’accorde l’environne¬
ment social à la compétence personnelle et à l’autodétermination. Les filles par
contre s’orientent davantage du côté de l’expressivité sociale, appuyées par la valo¬
risation des habiletés interpersonnelles. Donc, sur le plan culturel les garçons se¬
raient davantage orientés vers la réussite sociale tandis que les filles le seraient vers
l’affiliation sociale (se faire aimer et accepter des autres, etc.).

À partir de 16 ans (stade 6 du tableau 8.2), il y a modification des tendances.


La recherche d’intimité côtoie maintenant celle de l’autonomie, comme si l’adoles¬
cent devait se retirer dans un monde à lui, indépendant et autonome, pour
construire sa vie sociale adulte. Mais là encore, la culture ne considère pas les
garçons et les filles selon le même contexte de défi et de récompense. Traditionnel¬
lement, les filles ne recherchaient pas leur autonomie aussi activement que les
garçons, toutefois des changements importants se sont produits ces dernières an¬
nées avec l’émancipation de la femme: des modèles différents de celui de la femme
au foyer sont proposés. La recherche d’intimité sociale est conventionnellement plus
féminine que la recherche d’autonomie, mais l’évolution des mentalités placera peut-
être les adolescentes de demain dans la même situation de recherche active d’auto¬
nomie sociale que les garçons puisque les distinctions entre les rôles sociaux sem¬
blent se modifier avec le temps.

Selon Gordon (1971; 1972), la société américaine contemporaine propose


aux garçons un modèle de recherche de sécurité pour l’avenir et valorise la perfor¬
mance. Au cours de sa vie, le garçon risque donc d’être orienté davantage vers les
dimensions comportementales suivantes: exploration sensorimotrices (au début),
autocontrôlé, activités de participation, développement d’habiletés évaluées socia¬
lement, réussite personnelle, autonomie et autodétermination sociales. Parallèle¬
ment, les schèmes culturels pousseraient davantage les filles à la recherche de
gratification affective, à l’obéissance, à l’expressivité, aux relations avec les pairs, à la
recherche d’acceptation sociale puis d’intimité, à l’affiliation, à la stabilité, à la re¬
cherche de dignité et à l’intégration du vécu (en fin de vie).

Ces schèmes donnent lieu à des pressions que la culture exerce sur les
individus pour les mouler selon une image sociale typique. On pourrait concevoir
des cultures qui se distinguent de ce que le tableau 8.3 présente pour chaque sexe,
mais il semble que les cultures occidentales contemporaines exercent encore ce
type d’influence (Gordon, 1972).
184 Chapitre 8

TABLEAU 8.3: Les tendances associées aux sexes féminin et masculin dans le
développement social

Pour les filles Pour les garçons

- Recherche de gratifications affectives. - Explorations sensorimotrices actives dès le tout


- Développement de l’expressivité. jeune âge.
• Obéissance. - Autocontrôlé
- Développement de relations soutenues avec les - Activités de participation.
pairs. - Développement d’habiletés faisant l’objet d’éva¬
- Recherche d’acceptation sociale et d’affiliation. luation sociale.
- Recherche d’intimité et de stabilité. - Réussite personnelle.
- Autonomie et autodétermination sociales.

Le développement social de l’adolescent, s’il marque l’étape très impor¬


tante du passage de la dépendance enfantine à l’autonomie adulte, n’en est pas
moins intégré dans l’ensemble du cycle de la vie sociale. Aussi, les étapes qui
précèdent l’adolescence conditionnent-elles fortement ce que sera la société adoles¬
cente, de la même façon que les stades de la vie adulte seront influencés par
l’expérience vécue entre 12 et 18 ans. Voilà où réside l’intérêt d’examiner ce proces¬
sus en tenant compte de son insertion dans l’ensemble de la vie comme le permet le
tableau 8.3.

8.2.2 Le développement du style interpersonnel

interactions sociales Dans son étude du développement des interactions sociales (à ne pas
confondre avec l’ensemble du processus de socialisation), Newman (1976) propose
trois éléments constituants du style interpersonnel, chacun étant fonction des ac¬
quisitions antérieures de l’individu. Il considère que le style d’interaction est le résul¬
tat de: a) l’habileté à créer un sentiment d’intimité, de contact étroit et d’implication
avec les autres; b) l’habileté de s’exprimer verbalement de façon efficace; et c) la
maturité cognitive. L’auteur associe chacune de ces trois composantes du style
interpersonnel à des habiletés acquises antérieurement par la personne. Ainsi par
exemple, la capacité d’établir un sentiment d’intimité dépendrait: 1) de l’attachement
social; 2) de l’identification parentale; 3) de l’empathie; 4) de l’expérience de partici¬
pation en groupe; et 5) des expériences d’amitié dyadiques (des amitiés à deux
permettant des liens plus étroits). D’autre part, l’habileté à s’exprimer clairement
découlerait des compétences suivantes: 1) l’aptitude à évoquer une réponse sociale;
2) le développement du vocabulaire et de la grammaire; 3) la capacité d’utiliser des
concepts abstraits; 4) la censure du langage (le contrôle de ce que l’on dit); et 5) le
potentiel d’utilisation du langage pour résoudre des problèmes. La figure 8.1 illustre
le rattachement des trois composantes de l’interaction sociale avec les acquisitions
antérieures dont ils sont fonctions.
Le développement social à l’adolescence 185

FIGURE 8.1: Les composantes du comportement interpersonnel selon Newman (1976)*

L’habileté à créer un sentiment d’intimité 1. l’attachement social de la personne;


dépend des acquis antérieurs suivants: 2. l’identification aux parents;
3. l’empathie de la personne;
4. l’expérience de participation à la vie de
groupe;
5. les expériences d’amitié à deux.

L’utilisation efficace du langage pour 1. l’aptitude à évoquer;


communiquer dépend des acquis anté¬ 2. le développement du vocabulaire et de la
rieurs suivants: grammaire;
3. la capacité à utiliser des concepts abstraits;
4. le contrôle (censure) de ce que l’on dit;
5. le potentiel d’utilisation du langage pour
résoudre des problèmes.

La maturation cognitive dépend des ac¬ 1. la diminution de l’égocentrisme;


quis antérieurs suivants: 2. la compréhension des règles et des normes
de conduite;
3. l’habileté à trouver différentes solutions
aux problèmes;
4. l’habileté à concevoir la relation interper¬
sonnelle idéale;
5. la capacité d’introspection.

* Source: Cette figure a été élaborée par l’auteur à partir des données fournies par: NEWMAN, B. «The development of social interaction from
infancy through adolescence». Small Group Behavior. Février 1976, vol. 7, n° 1.

La section suivante traitera des mécanismes dans le processus de socialisa¬


tion. L’interdépendance des acquis à divers moments de la vie y apparaîtra aussi de
façon nette.

8.2.3 Mécanismes de socialisation à l’adolescence

La socialisation est un processus qui implique l’individu et son milieu. C’est en


effet l’avis de plusieurs spécialistes dans le domaine (Brim, 1965; Baumrind, 1975;
Thomas, 1968; Coleman, 1980a). Les caractéristiques personnelles (c’est-à-dire la
force de la personnalité, les capacités mentales, l’apparence physique, etc.) seraient
ainsi en interaction avec celles de son milieu social (c’est-à-dire le style d’autorité
parentale, le niveau socio-économique de la famille, la culture, etc.) pour diriger le
processus de socialisation.
186 Chapitre 8

Baumrind Baumrind (1975) propose cinq mécanismes psychologiques comme éléments


de base dynamique de la socialisation: 1) le renforcement; 2) l’identification; 3) l’éveil
cognitif; 4) l’adoption réciproque des rôles; et 5) la réactivité psychologique. Les trois
premiers facteurs sont mieux connus en psychologie. En bref, ils impliquent respec¬
tivement: a) que le processus de socialisation s’orientera en fonction des récom¬
penses et des valorisations offertes à l’enfant ou à l’adolescent (renforcement);
b) que les caractéristiques des modèles importants dans l’entourage pourront in¬
fluencer les comportements et les attitudes des adolescents; et c) que le développe¬
ment cognitif influence les relations interpersonnelles par les perceptions, les straté¬
gies et les analyses sociales plus ou moins poussées qu’il permet. Les deux derniers
adoption réciproque mécanismes sont moins connus. Baumrind (1975) définit «l’adoption réciproque des
des rôles rôles» comme étant l’effet que les rôles préalablement assumés par les membres de
la famille ont sur le choix des rôles joués par l’individu. Si par exemple, les deux
parents sont d’excellents administrateurs, il est possible que, malgré le processus
d’identification qui joue chez l’enfant, celui-ci ne développe pas d’habiletés en admi¬
nistration parce qu’on n’en a pas besoin dans la famille. De même, si la mère affiche
une dépendance enfantine envers son entourage, il est possible que la fille aînée
comble le besoin familial en assumant un rôle maternel. Cette notion d’équilibre des
rôles dans la cellule de vie semble donc influencer l’adoption réciproque des rôles.
Ce phénomène se manifeste un peu de la même manière que le réveil matinal dans
une famille. Si la mère ou le père assume la responsabilité du lever des adolescents, il
est probable que des conflits se produiront: le parent multipliant les interventions
pour que l’enfant se lève et ce dernier percevant l’intervention du parent comme une
intrusion. Dans les familles où les adolescents assument les responsabilités de leur
propre horaire, ce type de confrontation se présente plus rarement. La réussite dans
le partage des rôles est donc aussi fonction des besoins de prise en charge des
adolescents et de la délégation de pouvoirs que les parents acceptent.

réactivité La «réactivité psychologique» est un concept repris par Diana Baumrind mais
psychologique qui a d’abord été avancé par Brehm (1972). Cette expression se rapporte par exem¬
ple à la vive motivation d’un individu pour retrouver sa liberté alors qu’il l’a perdue
ou qu’il est menacé de la perdre. Ainsi, un adolescent qui remarque chez ses amis
des zones de liberté qu’on lui refuse, peut réagir par un grand désir d’obtenir ces
privilèges. En réaction à une privation ou à une menace de privation, l’attrait
de l’objet de la privation sera augmenté. Si par exemple, l’argent est un sujet d’active
préoccupation dans sa famille, et que l’on est privé sur tout par crainte d’en man¬
quer, la réaction de l’adolescent peut être de rechercher avec une avidité exception¬
nelle le confort financier.

Le tableau 8.4 présente un bref résumé des mécanismes de socialisation que


nous venons d’examiner dans la perspective de Baumrind (1975). Nous ne propo¬
sons pas ces cinq mécanismes comme étant le reflet exact de ce qui se passe chez
l’individu en regard de la socialisation mais plutôt comme des concepts pouvant
servir à mieux comprendre ce processus.
Le développement social à l’adolescence 187

TABLEAU 8.4: Mécanismes de socialisation selon Baumrind (1975)*

Récompense ou punition conséquente au comportement de la personne et qui en augmente ou diminue la


probabilité d’apparition. Les conduites récompensées ont tendance à augmenter en fréquence et celles qui
sont punies ont tendance à diminuer.

Mécanisme par lequel une personne intègre dans son comportement les modes de conduite des personnes
avec lesquelles elle vit une relation significative.

Développement de la pensée et acquisition de nouvelles notions permettant une compréhension plus


approfondie du monde physique et social.

Mécanisme d’interdépendance dans la répartition des rôles au sein d’une cellule sociale. Le choix des rôles
est conditionné par les rôles joués par les personnes significatives de l’entourage.

Mécanisme par lequel la motivation de l’individu face à une liberté ou un privilège est augmentée en fonction
de la menace (réelle ou imaginée) de perdre cette liberté ou ce privilège. Par exemple, un adolescent peut
être davantage motivé à agir selon ses propres idées s’il ressent une restriction soutenue de son autonomie
d’action.

* Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: BAUMRIND, D. «Early socialization and adolescent compétence». Adolescence In
lhe Llfe-Cycle: Psychologlcal Change and Social Conlext (S.E. Dragastin et G.H. Elder jr, dir.). Washington, D.C.: Hemisphere, 1975.
188 Chapitre 8

8.2.4 Le développement du moi (ego) et la socialisation


adolescente

Le concept du moi (ego) figure parmi les apports les plus importants de la
psychanalyse à notre compréhension du développement personnel. L approche
psychanalytique conçoit le moi ou l’ego comme la structure de la personnalité qui
joue le rôle de médiateur entre les pulsions du ça et les demandes du surmoi
(superego). Le rôle particulier du moi à l’adolescence a d’abord été défini, dans les
années 30, comme l’appareil de défense personnel contre les pulsions nouvelles
amenées par la puberté (Freud, 1936). Plus tard, avec la contribution d’Erikson
(1956, 1968), s’est ajoutée une fonction adaptative, indépendante des pulsions du ça.
Selon Erikson, c’est dans le moi que l’expérience individuelle s’organise car le moi
est «le gardien de l’unité de la personne» (Erikson, 1968, p. 289).

fonctions du moi On attribue maintenant trois fonctions au moi pendant l’adolescence: 1) un


rôle de défense contre les pulsions amenées par la puberté; 2) un rôle de consolida¬
tion de l’autonomie personnelle; et 3) un rôle d’intégration de l’identité propre (Jos-
selson, 1980). Les deuxième et troisième fonctions ne sont pas exclusivement liées
aux pulsions sexuelles de la puberté. Ainsi, dans la consolidation de l’autonomie
personnelle, le moi interviendrait comme un agent de différenciation entre le moi et
l’autre et ainsi développerait le sens de la responsabilité personnelle. Une distance
s’établirait ainsi entre les tuteurs de l’enfance et l’adolescent, distance qui provoque¬
rait l’émergence d’une identité nouvelle. Autonomie et identité seraient donc liées: la
prise en charge provoque une distanciation face aux parents ce qui contribue à
placer l’adolescent devant sa propre réalité, son identité personnelle (Bios, 1967).

A l’adolescence le développement du moi se traduit par l’intériorisation des


estime de soi valeurs, du contrôle du comportement et de l’estime de soi. L’adolescent, afin
d’orienter sa conduite de façon autonome, doit définir ses options à partir de ses
propres valeurs, et non plus fonctionner selon des normes prescrites. Pour effectuer
ses choix de façon cohérente, une certaine confiance dans son énergie personnelle
et sa valeur individuelle lui est nécessaire. L’estime de soi contribuera alors à main¬
tenir un sentiment intime de continuité dans les progressions et les régressions de
l’adolescence. Le système d’organisation de l’expérience adolescente, c’est-à-dire le
moi, serait plus ou moins stable en fonction du degré d’estime de soi. Sans ce
sentiment de bien-être qui donne confiance et qui rassure dans les moments de plus
grande turbulence, l’organisation de l’expérience de vie ne peut se réaliser de façon
cohérente. Une faible estime de soi est généralement associée à de l’anxiété et à de
l’instabilité émotionnelle, nuisibles au processus de socialisation à l’adolescence.

Bref, le moi peut être considéré comme le cadre de référence interne à partir
duquel l’adolescent trouve sa propre réponse aux questions fondamentales aux¬
quelles il est confronté: Qui suis-je? Qu’est-ce que je veux devenir? Qu’est-ce qui est
important pour moi? Où est ma place parmi les autres? Le moi ne peut remplir sa
Le développement social à l’adolescence 189

fonction avec cohérence sans un degré acceptable d’estime de soi, de confiance en


soi.

8.2.5 Ecologie du développement social à l’adolescence

La socialisation est un processus déterminé par l’interaction du sujet et du


milieu. Or la plupart des notions utilisées pour décrire ce processus portent soit sur
le sujet, soit sur son milieu. La perspective écologique brise cette tendance et
permet d’englober l’ensemble de la socialisation.

Barker et Gump (1964) ont été parmi les premiers à utiliser la perspective
écologique dans leurs travaux sur la réalité de l’école. Au lieu de s’intéresser spécifi¬
quement à des individus, à des groupes ou à des facteurs comme l’âge, le sexe, etc.,
ces auteurs ont abordé l’école par le biais de contextes de comportement («behavior
settings»). L’histoire suivante peut illustrer leur approche. Imaginons qu’une étu¬
diante en psychologie ne connaissant pas le hockey sur glace veuille comprendre le
rôle du gardien de but sur la patinoire. Quelle méthode adopter pour faire ce travail
le plus correctement possible? Elle pourrait s’installer près de la patinoire et obser¬
ver systématiquement des comportements choisis du gardien: noter le nombre de
rondelles qu’il touche, le nombre de chutes qu’il a faites, le nombre de sorties de la
zone des buts, etc. Cette méthode, quoique très «exacte», ne donnerait sans doute
pas à l’étudiante une bonne compréhension du jeu auquel participe le gardien. Le
contexte du comportement du gardien de but, c’est-à-dire la joute de hockey, n’est
pas perceptible avec cette méthode qui ne permet pas de comprendre le rôle du
gardien. L’étudiante pourrait aussi interviewer le gardien sur ses intérêts, ses pro¬
blèmes de vie, ses craintes au jeu, ses attitudes face aux différentes erreurs de ses
coéquipiers, etc. Mais ces informations sur la personne du gardien ne lui apporte¬
raient pas une bonne compréhension de son comportement sur la glace.

«L’écologie est l’étude des relations entre les êtres vivants et leur milieu»
(Quillet). La perspective écologique du développement social de l’ado¬
lescent s’intéresse aux changements sociaux qui surviennent chez l’indi¬
vidu en tenant compte de son milieu de vie.

La méthode que la perspective écologique adopterait sans doute serait d’ob¬


server la partie de hockey dans son ensemble en reliant les actions du gardien à
celles des autres joueurs sur la patinoire. Ainsi, le contexte entier de la situation
pourrait être saisi et la conduite du gardien interprétée en fonction de son rôle. C’est
probablement aussi ce que le «gros bon sens» commun choisirait comme méthode;
sur le plan «scientifique» toutefois, il n’est pas rare de voir sacrifier la vue d’ensemble
au profit de «l’exactitude». Ainsi, dans quelle mesure peut-on expliquer une réussite
scolaire exceptionnelle seulement par un fort potentiel intellectuel de l’élève?
190 Chapitre 8

À partir de ces observations concernant le gardien de but, on peut compren¬


dre pourquoi, chez l’adolescent, l’approche écologique du développement social ne
peut se limiter à l’étude des relations spécifiques entre le nombre de ses amis, le
revenu de ses parents, son quotient intellectuel, ses résultats scolaires ou ses
performances sportives. C’est ainsi que dans une étude comparative du processus
de socialisation effectuée aux États-Unis et en U.R.S.S., Bronfenbrenner (1970) a
pris en considération les méthodes d’éducation familiale (soins maternels et techni¬
ques disciplinaires), les ressources d’éducation préscolaire et scolaire et leur impact
sur les relations sociales, la télévision, le voisinage, les mécanismes d’intégration à la
société, etc. Ses travaux (Bronfenbrenner, 1970, 1977) ont eu un effet d’entraîne¬
ment important sur la recherche de méthodes d’étude de la socialisation qui tiennent
compte de l’ensemble social entourant l’enfant afin d’éviter de morceler son monde
dans des visées partielles.

C’est ainsi que Garbarino, Burston, Raber, Russell et Crouter (1977) ont
développé une méthode pour cerner la représentation cognitive et affective que se
font les jeunes de leur environnement. La méthode est basée sur les éléments
suivants: a) demander d’abord à l’enfant d’identifier les gens qui sont importants
pour lui dans son environnement; b) rechercher ensuite les caractéristiques objec¬
tives de ces personnes et leurs relations avec l’enfant; c) demander aux parents de
l’enfant d’évaluer ce réseau social si besoin est afin de compléter la description de
l’enfant; d) établir le degré de correspondance entre le tableau social fourni par
l’enfant et celui de ses parents. Ces éléments qui proviennent de l’enfant lui-même,
de ses parents et des caractéristiques objectives des personnes qui lui sont significa¬
tives (leur rôle, leur âge, etc.) constituent des indices de développement social. En
examinant leur évolution d’une année à l’autre, elles ont permis à Garbarino et coll.
(1977) de décrire la transition sociale à l’adolescence.

Qui connaît l’enfant hors de son foyer? Qui s’intéresse à lui? Quelles sont les
personnes que l’enfant a l’impression de bien connaître? Comment les réponses des
parents à ces questions correspondent-elles à celles de l’enfant? Les données objec¬
tives et subjectives ressortant de ces interrogations constituent la base de leur
analyse des ressources sociales de l’enfant. En mettant ces données en relation avec
le degré de maturation physique de l’enfant et de l’adolescent, il devient possible de
situer les effets conjoints de l’environnement et de la biologie.

réseau social Dans leur étude portant sur le réseau social extra-familial des élèves de
sixième année issus de trois milieux géographiques différents (rural, de banlieue et
urbain), Garbarino et coll. (1977) ont observé que les réseaux des garçons ne se
distinguaient pas de ceux des filles. Les enfants des zones rurales ont mentionné un
plus grand nombre de personnes que ceux de la banlieue ou de la ville. Par ailleurs,
pour ce qui est des dix personnes les plus importantes pour l’enfant la description
des enfants banlieusards est plus proche de celle de leurs parents que celle des
enfants des deux autres milieux; ceux des villes ont tendance à mentionner plus
d’adultes que les autres dans ce groupe. Le nombre d’adultes mentionné dans ce
Le développement social à l’adolescence 191

groupe des dix personnes les plus importantes constitue un bel indice de l’implica¬
tion adulte dans la société de l’enfant; les contacts suivis et significatifs des adultes
étrangers à la famille seraient plus nombreux en ville qu’à la campagne ou en ban¬
lieue. Les auteurs observent que 60% des enfants banlieusards ne mentionnent
aucun adulte dans ce groupe des dix. De plus, le nombre d’adultes diminue à mesure
que l’enfant évolue vers l’adolescence.

Cette recherche montre que l’environnement géographique et le stade de


développement modifient le réseau social pendant l’adolescence. La méthode utili¬
sée tient compte des données «objectives» mais considère aussi des données subjec¬
tives, c’est-à-dire qui proviennent du vécu de la personne en tant que témoin du
processus de socialisation à l’adolescence.

8.3 LES VALEURS DE L’ADOLESCENT

8.3.1 Les valeurs comme reflet de la socialisation

La socialisation met en jeu les caractéristiques personnelles de l’individu et


celles de son environnement humain. À l’adolescence, la compréhension de soi-
même et des relations sociales est renouvelée sous l’impulsion des compétences
intellectuelles croissantes. La pensée hypothético-déductive permet une réinterpré¬
tation de l’ensemble des relations interpersonnelles. L’adolescent fait le point, tente
de définir ses options, de fixer ses buts en fonction de l’auto-évaluation de ses forces
et de ses faiblesses. Une réorganisation intérieure s’effectue parallèlement à une
redéfinition sociale. Les caractéristiques de l’individu s’entremêlent avec celles de
son environnement pour créer cette interaction complexe appelée socialisation.

Comment la connaissance des valeurs ou des systèmes de valeurs des ado¬


lescents peut-elle nous faire mieux comprendre le processus de l’intégration sociale?

Selon Rokeach (1973), une valeur implique la croyance qu’une façon d’agir ou
d’être est préférable à une autre. Cette croyance guide les attitudes et les actions à
l’égard des objets, des situations et des idées; elle conditionne l’image de soi que l’on
souhaite présenter aux autres, les évaluations, les jugements, les comparaisons de
soi avec les autres et les tentatives pour influencer autrui. Rokeach (1973) attribue
aux valeurs personnelles un rôle dans l’adaptation sociale, dans l’actualisation per¬
sonnelle, dans le développement des connaissances et dans la défense du moi.

Une valeur peut découler d’une structure abstraite impliquant un concept


général comme la liberté, la justice, etc., qui se lie à un réseau d’associations diffé¬
rant d’une personne à l’autre (Feather, 1980). En ce sens, une valeur est essentielle¬
ment personnelle. Pour un adolescent donné, la justice pourrait se résumer à l’appli¬
cation du dicton «Oeil pour oeil, dent pour dent», tandis que pour un autre ce con¬
cept pourrait consister en l’ensemble des principes moraux définis par la charité
192 Chapitre 8

chrétienne. En plus de pouvoir différer d’une personne à l’autre dans sa signification


et les principes qu’elle sous-tend, une valeur donnée peut varier d’une période de vie
à une autre. Les valeurs sont aussi associées aux émotions et aux sentiments indivi¬
duels. Par exemple, un groupe de parents peut estimer «tout à fait choquant» de
constater que de plus en plus de jeunes vivent ensemble sans être mariés alors
qu’une majorité de jeunes ne s’en offusque aucunement (Agnès et Gaussen, 1981).

système de valeurs Le système de valeurs résulte de l’interaction du monde intérieur de la per¬


\ sonne et des demandes de son milieu. C’est ainsi que l’évolution du système de
valeurs de l’adolescent met en évidence le processus d’intégration sociale.

8.3.2 Les valeurs importantes pour les adolescents

Différences entre les garçons et les filles

Les valeurs des adolescents par rapport à leur vie future sont influencées par
le type de participation que la société leur offre ou leur permet. Les croyances
personnelles des adolescents, comme celles des enfants et des adultes d’ailleurs,
sont influencées par les relations qu’ils entretiennent avec les autres. Ainsi, dans la
mesure où la société propose des rôles masculins et féminins distincts et où l’intégra¬
tion des individus en son sein est conditionnelle au respect d’un conformisme
sexiste, il ne faut pas s’étonner que les adolescentes ne partagent pas les mêmes
valeurs que les adolescents même si les stéréotypes sociaux liés au sexe évoluent
avec les années.

Parsons (1958) mentionnait dans ses observations que les filles, d’abord
orientées vers les relations interpersonnelles et l’expression de soi, étaient vouées
aux rôles traditionnels de mère et d’épouse, tandis que les garçons étaient davan¬
tage identifiés à un modèle où la réalisation personnelle, l’autonomie et l’indépen¬
dance prédominent. Les modifications observées plus récemment concernant l’ac¬
cès aux responsabilités sociales et la répartition des rôles familiaux (notamment en
ce qui a trait au partage de la responsabilité dans l’éducation des enfants) ont rendu
cette traditionnelle distinction entre les garçons et les filles moins évidente (Hoffman,
1977). Toutefois pour une bonne part de la population adolescente, la valorisation de
la compétence et de la réussite sociale des garçons et l’importance des relations
interpersonnelles et de la «chaleur sociale» des filles demeurent une base vraisem¬
blable de distinction des valeurs entre les sexes (Feather, 1980).

valeurs importantes Quelles sont les valeurs importantes à l’adolescence?

Plusieurs spécialistes dans le domaine se sont penchés sur cette question.


Ainsi aux États-Unis, Beech et Schoeppe (1974), à l’aide du questionnaire Value
Survey de Rokeach, ont enquêté auprès de 189 garçons et filles de New York, âgés
entre 11 et 17 ans, afin de connaître la nature et l’évolution des valeurs. Le question-
Le développement social à l’adolescence 193

naire de Rokeach (1973) utilise deux catégories de valeurs: a) les valeurs dites valeurs terminales
terminales, c est-à-dire portant sur des objectifs existentiels de grande portée (par valeurs
exemple, la paix, la liberté, le bonheur, etc.) et b) les valeurs dites comportemen¬ comportementales
tales, c est-à-dire portant sur des qualités personnelles ou des modes de conduite.
L instrument de Rokeach (1973) propose 18 valeurs pour chaque catégorie que le
répondant doit ordonner selon leur importance.

Beech et Schoeppe (1974) ont observé que la paix dans le monde, la liberté,
l’égalité et la sécurité familiale apparaissent constamment parmi les quatre ou cinq
valeurs terminales les plus importantes pour les garçons de tous les âges alors que le
salut de l’âme et la reconnaissance sociale étaient constamment situées parmi les
quatre ou cinq dernières valeurs terminales. Pour ce qui est des valeurs comporte¬
mentales, être honnête et être affectueux apparaissaient constamment dans les
premiers rangs tandis qu’être logique et imaginatif se situaient dans les derniers
rangs. De 11 ans à 17 ans, les garçons trouvaient de plus en plus important le sens
de l’accomplissement, le respect de soi, la sagesse, l’ambition, l’ouverture d’esprit,
être intellectuel et être responsable. Au contraire, un monde de paix, la vraie amitié,
être joyeux, être propre, être indulgent, utile et obéissant diminuaient en importance
à mesure que l’âge augmentait.

Chez les filles, à tous les âges considérés, un monde de paix et la liberté
apparaissaient constamment parmi les quatre premières valeurs terminales tandis
que le salut de l’âme apparaissait constamment parmi les valeurs terminales les
moins importantes. Être honnête et affectueuse étaient classées parmi les valeurs
comportementales les plus importantes alors qu’être imaginative et logique obte¬
naient les rangs d’importance les plus bas. Elles accordaient une importance de plus
en plus grande à l’accomplissement personnel, à l’égalité, à l’harmonie intérieure, au
respect de soi, à la reconnaissance sociale, à la sagesse, à l’ambition, à l’ouverture
d’esprit, à l’indépendance, à être logique et à être responsable. Au contraire, la vie
confortable, la vie excitante, un monde de beauté, la sécurité familiale, le plaisir, le
salut, la vraie amitié, être joyeuse, utile, honnête, obéissante, polie perdaient de leur
importance relative selon que les filles interrogées étaient plus âgées.

Évolution des valeurs pendant l’adolescence

La figure 8.2 illustre cette évolution de l’importance des valeurs pour les
garçons et les filles de 11 à 17 ans. Pour les deux sexes, on peut y noter l’accroisse¬
ment relatif des préoccupations à l’égard de la réalisation et de l’identité person¬
nelles, de l’autonomie et de la responsabilité sociale. Par contre, les valeurs qui
diminuent en importance semblent réfléter un désir d’éloignement par rapport au
conformisme social plus ou moins imposé par le monde des adultes (par exemple la
baisse des valeurs suivantes: vie confortable, vie excitante, être obéissante, être
polie, etc.).
194 Chapitre 8

FIGURE 8.2: Évolution des valeurs des adolescents âgés de 11 à 17 ans*

17 ans
t GARÇONS

Accomplissement
1
Un monde de paix
t
Accomplissement
FILLES

La vie confortable 17 ans


Respect de soi La vraie amitié Égalité La vie excitante
16 ans Sagesse Être joyeux Harmonie intérieure Un monde de beauté 16 ans
Ambition Être propre Respect de soi Sécurité familiale
15 ans Ouverture d’esprit Être indulgent Reconnaissance sociale Le plaisir 15 ans
Être intellectuel Être utile Sagesse Le salut de l’âme
14 ans Être responsable Être obéissant Ambition La vraie amitié 14 ans
Ouverture d’esprit Être joyeuse
13 ans Indépendance Être utile 13 ans
Être logique Être honnête
12 ans Être responsable Être obéissante 12 ans
Être polie
11 ans 11 ans

t
Valeurs qui
I
Valeurs qui
t
Valeurs qui Valeurs qui
augmentent diminuent augmentent diminuent
en importance n importanc en importance >n importance

* Source: Cette figure a été élaborée à partir des résultats des enquêtes de: BEECH, R.P. et SCHOEPPE, A. «Development of values Systems in
adolescents». Developmental Psychology. 1974, vol. 10, p. 644-656.

Feather (1975) s’est servi du même questionnaire au cours d’une enquête


menée auprès d’environ 3000 étudiants australiens âgés, pour la plupart, entre 15 et
17 ans. Les résultats obtenus en Australie ressemblent fort à ceux obtenus à New
York par Beech et Shoeppe (1974)1. Toujours à partir de ce même questionnaire
proposant aux répondants d’ordonner 18 valeurs terminales et 18 valeurs compor¬
tementales, Feather (1980) présente une vaste comparaison interculturelle mettant
en parallèle des sujets masculins fréquentant des collèges ou des universités de cinq
pays différents: États-Unis, Canada, Australie, Israël et Nouvelle-Guinée. Les don¬
nées recueillies à la fin des années 60 et au début des années 70 sont résumées dans
le tableau 8.5.

Ces données comparatives réflètent l’influence que la culture et les préoccu¬


pations nationales peuvent avoir sur les valeurs des adolescents. Compte tenu de la
situation politique en Israël au tournant des années 1960-1970, on peut expliquer la
très forte importance de la paix dans le monde et de la sécurité nationale dans les
valeurs des adolescents interrogés. De même en Nouvelle-Guinée, un pays neuf

(1) Des coefficients de corrélation ordinale (rho de Spearman) de 0,8 pour les garçons et de 0,85 pour les filles
ont été obtenus entre les résultats de l'enquête de New York et ceux de l’enquête en Australie (Feather,
1980).
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Le développement social à l’adolescence

Source: Ce tableau a été traduit et adapté par l'auteur à partir des données de: FEATHER, N T. «Values in adolescence». Handbook of Adolescent Psychology
(J. Adelson, dir.). New York: Wiley, 1980, p. 263 et 266, tableaux 2 et 3.
195
196 Chapitre 8

confronté au problème de l’affirmation de son identité nationale et à une situation


socio-économique plus difficile, les adolescents interrogés valorisent la paix et l’égali¬
té sociale comme valeurs terminales. Ces préoccupations sociales n’étant pas le
propre des trois pays riches et relativement stables que sont les États-Unis, le
Canada et l’Australie où des valeurs comme la sécurité nationale sont placées en fin
de liste par les garçons interrogés (17e rang sur 18).

Au Québec, Ryan (1980) a mené une enquête auprès de 368 étudiants et


travailleurs (garçons et filles) âgés de 16 à 20 ans, de milieux urbain et rural. Les
données recueillies au cours d’entrevues de groupes de 6 à 8 adolescents ont fait
l’objet d’une analyse de contenu selon les thèmes suivants: mode de vie, travail,
loisir, politique, vie sociale et valeurs les plus significatives.

Le tableau 8.6 présente, selon l’ordre d’importance accordée par les répon¬
dants, les valeurs de cette population interviewée. Être bien dans sa peau, avoir le
sens des responsabilités et être à la recherche de soi occupent les trois premières
positions; viennent ensuite le respect de l’environnement et la réussite. Il apparaît
que le sens des responsabilités et la réussite sont plus importantes pour les jeunes
travailleurs que pour les étudiants et que parmi ces derniers, ceux de niveau secon¬
daire y accordent davantage d’importance que ceux du niveau collégial qui ratta¬
chent ces notions à l’épanouissement personnel. Dans l’ensemble, cette étude révèle
que les jeunes sont pragmatiques et que les valeurs actives les intéressent davantage
que les valeurs réflexives. Il ressort des contenus d’entrevues que les jeunes, «par

TABLEAU 8.6: Valeurs des jeunes Québécois selon Ryan (1980)*

Rang Valeur

1 Être bien dans sa peau


2 Avoir le sens des responsabilités
3 Recherche de soi
4 Respect de l’environnement
5 Réussite
6 Besoin de créer
7 Non-violence
8 Civisme
9 Sens de la discipline
10 Tolérance
11 Dépassement personnel (défi)
12 Confort matériel
13 Musique
14 Spiritualisme
15 Compétition

* Source: Ces données sont tirées de: RYAN, N. Les Valeurs des jeunes de 16 à 20 ans. Québec, ministère de
l’Éducation: Éditeur Officiel du Québec. Juin 1980.
Le développement social à l’adolescence 197

réalisme et par désir de se protéger ressentent le besoin de limiter leur monde


d intervention et d interaction au territoire où ils exercent un contrôle, c’est-à-dire là
où ils peuvent observer, connaître, comprendre et agir» (Ryan, 1980, p. 114).

Cette «restriction volontaire» des intérêts sociaux amènerait les jeunes à une
certaine tolérance à l’égard des réalités extérieures à leur propre champ de partici¬
pation sociale.

Au delà de ces distinctions socio-politiques évidentes, une cohésion intercul¬


turelle remarquable réside dans la primauté relative accordée à la liberté, à l’honnê¬
teté, à la responsabilité sociale, et dans la dévalorisation relative de qualités person¬
nelles telles que la propreté, la politesse ou l’imagination.

En résumé, l’étude des valeurs des adolescents démontre que ceux-ci ten¬
dent invariablement vers des objectifs d’autonomie et de responsabilité sociales de
réalisation de soi grâce à une identité définie et à l’accomplissement en plaçant
l’honnêteté dans les tout premiers rangs des qualités personnelles. Ces éléments
nous sont utiles afin de mieux préciser la trajectoire généralement suivie dans le
processus de socialisation à l’adolescence. L’étude de l’évolution des valeurs adoles¬
centes selon l’âge nous renseigne aussi sur les changements qui marquent la vie
intérieure des jeunes à mesure qu’ils se rapprochent de leur autonomie sociale et des
responsabilités associées à l’indépendance adulte. L’évolution de la conscience so¬
ciale à l’adolescence aux plans des valeurs, de la conscience de soi et d’autrui, etc.
témoignerait donc de façon relativement significative du processus d’intégration
sociale des 12-18 ans (Tomé, 1972). Enfin, les comparaisons interculturelles permet¬
tent de comprendre que si l’âge apporte des changements, la culture et la période
historique dans laquelle cette période est vécue influencent aussi les priorités intimes
des individus et leur façon de concevoir leur devenir social.
198 Chapitre 8

AUTO-ÉVALUATION

1. À quel âge de la vie le processus de socialisation se termine-t-il?

2. Nommez deux facteurs qui contribuent à modifier le rythme du développement social à l’adolescence.

3. Énumérez quatre tâches développementales à l’adolescence.

4. La compétition pour obtenir les notes scolaires les plus élevées est toujours un facteur d acceptation par le groupe classe. Par contre,
la compétition pour acquérir les meilleures performances sportives nuit à la popularité personnelle de I adolescent.

a) Vrai
b) Faux

5. À quelles périodes de la vie les stades du développement social de Gordon (1971) sont-ils associés?

6. Quelles sont les personnes généralement les plus importantes pour le jeune adolescent de 12 ans (au début de l’adolescence)?

7. À la fin de l’adolescence, qui remplacent les parents en tant que personnes les plus importantes dans le monde social?

8. À quel moment ou stade de l’évolution sociale, les relations extra-familiales peuvent-elles devenir plus importantes que les relations
intra-familiales?

9. Au cours de la première partie de l’adolescence, comment se distinguent généralement les filles des garçons au sujet des valeurs
sociales de vie?

10. À partir de 16 ans, quelle est la valeur sociale qui côtoie habituellement la recherche d’autonomie?

11. Énumérez deux tendances associées au sexe féminin et deux au sexe masculin dans le développement social.

12. Quelles sont les trois composantes du style interpersonnel selon Newman (1976)?

13. Donnez un exemple du phénomène d’adoption réciproque des rôles selon Baumrind (1975).

14. Baumrind (1975) propose cinq mécanismes psychologiques comme base dynamique de la socialisation: a) le renforcement; b) l’iden¬
tification; c) l’éveil cognitif; d) l’adoption réciproque des rôles; et e) la réactivité psychologique. Identifiez par la lettre correspondante,
le mécanisme impliqué dans les situations suivantes.

a) Paul entretient des relations amicales en tenant compte d’abord des avantages qu’il peut retirer personnellement. Le mécanisme
qui prime chez lui est_(Inscrire une lettre).
b) La mère de Louise est une grande utilisatrice du téléphone et entretient des relations amicales presque exclusivement basées sur
des conversations téléphoniques. Or dans un groupe, Louise est devenue l’agent de liaison téléphonique par excellence. Quel
mécanisme peut avoir suscité le développement de ce trait de la personnalité sociale de Louise?_(Inscrire une lettre).
c) Depuis l’âge de 12 ans environ, Pierre perçoit son père de façon différente: il se rend compte que le rendement élevé que son père
exige de lui n’est pas un caprice personnel mais plutôt un intérêt marqué pour la réussite de Pierre, au risque de voir sa popularité
affectée auprès de son fils. Quel mécanisme parmi ceux proposés par Baumrind (1975) peut avoir occasionné ce changement de
perception chez Pierre?_(Inscrire une lettre).
d) Fille de deux excellents musiciens, Claire ne se sent pas du tout attirée par une carrière musicale pourtant très présente autour
d’elle. Quel est le mécanisme de Baumrind (1975) qui pourrait le mieux expliquer la faible motivation de Claire?_
(Inscrire une lettre).
e) Les parents de Luc, 17 ans, lui refusent la permission de s’acheter un cyclomoteur avec ses économies. Tous ses amis en ont un.
Luc en rêve la nuit, en parle constamment et jure de s’offrir une grosse moto dès sa majorité. Quel est le mécanisme de Baumrind
(1975) qui pourrait expliquer un attrait si intense face à l’objet défendu?_(Inscrire une lettre).

15. Selon Baumrind (1975) la réactivité psychologique est le mécanisme par lequel la motivation de l’individu face à une liberté ou un
privilège est augmentée en fonction de la menace réelle ou imaginée de perdre cette liberté ou ce privilège. Donnez un exemple
pratique de ce mécanisme.
Le développement social à l’adolescence 199

16. Mentionnez deux des trois fonctions maintenant attribuées au moi à l’adolescence.

17. L estime de soi peut contribuer à maintenir un sentiment intime de continuité dans les progressions et régressions de l’adolescence.
Illustrez ce phénomène par un exemple concret.

18. Sans 1 estime de soi, c’est-à-dire ce sentiment de bien-être qui donne confiance et rassure dans les moments de plus grande
turbulence, 1 organisation de l’expérience de vie à l’adolescence ne peut se réaliser de façon cohérente?

a) Vrai
b) Faux

19. Une faible estime de soi est généralement associée à de l’anxiété et à de l’instabilité émotionnelle, ce qui est utile au développement
social harmonieux.

a) Vrai
b) Faux

20. L’écologie du développement social à l’adolescence s’intéresse à l’effet spécifique de facteurs particuliers comme l’âge, le sexe, etc.
sur la socialisation.

a) Vrai
b) Faux

21. La perspective écologique du développement permet d’étudier l’évolution dans son ensemble sans diviser artificiellement la réalité
vécue.

a) Vrai
b) Faux

22. Les travaux de Garbarino et coll. (1977) montrent que l’environnement géographique et le stade de développement ne modifient pas
significativement le réseau social pendant l’adolescence.

a) Vrai
b) Faux

23. Si vous aviez à définir le rôle académique d’un étudiant à l’université dans une perspective écologique, nommez trois éléments (ou
plus) que vous prendriez en considération.

24. Encore aujourd’hui selon Feather (1980), pour une bonne part de la population adolescente, les garçons accordent plus d’importance
aux valeurs de compétence et de réussite, tandis que les filles valorisent davantage les relations interpersonnelles et la chaleur
sociale. Il s’agit là d’une base de distinction toujours valable entre les garçons et les filles.

a) Vrai
b) Faux

25. La connaissance des valeurs ou des systèmes de valeurs des adolescents peut faire mieux comprendre la socialisation parce que:
(choisissez le meilleur énoncé)

a) Les valeurs constituent des réponses à l’interaction entre le monde intérieur d’une personne et les exigences de son milieu;
b) les valeurs sont le résultat d’une série de décisions personnelles qui situent l’adolescent face à lui-même;
c) les valeurs ou les systèmes de valeurs sont le résultat de la force du milieu social de l’adolescent et elles définissent la personne
durant toute sa vie.

26. On a observé qu’entre 11 et 17 ans, les garçons accordaient généralement de plus en plus d’importance à:

a) Un monde de paix;
b) un sens de l’accomplissement;
c) être imaginatif;
d) être joyeux.
200 Chapitre 8

27. On a observé qu’entre 11 et 17 ans les filles accordent généralement une importance de plus en plus grande à:

a) La vie confortable;
b) la vraie amitié;
c) l’accomplissement personnel;
d) la vie excitante.

28. Les valeurs dites terminales sont associées à:

a) Des qualités personnelles atteintes avec l’âge;


b) des valeurs qui persistent encore à la fin de notre vie;
c) des objectifs existentiels de grande portée.

29. L’évolution des valeurs chez les adolescents s’effectue indépendamment de la culture dans laquelle le développement se produit.

a) Vrai
b) Faux

30. Au Québec, l’étude de Ryan (1980) sur les valeurs des adolescents a montré qu’être bien dans sa peau constitue une valeur de
première importance pour les jeunes de 16 à 20 ans.

a) Vrai
b) Faux

31. Au delà des distinctions socio-politiques observables, les recherches montrent qu’une cohésion interculturelle se trouve dans la
valorisation de certains thèmes et la dévalorisation de certains autres. Parmi les paires de valeurs suivantes, choisissez-en une qui est
généralement placée en tête de liste par les adolescents.

a) Honnêteté et politesse;
b) liberté et responsabilité sociale;
c) imagination et propreté;
d) responsabilité sociale et politesse.
Chapitre 9
Le monde social
adolescent

9.1 LES AGENTS DE SOCIALISATION


9.1.1 La famille
9.1.2 Les antécédents familiaux et le comportement social à l’adolescence
9.1.3 L’école
9.1.4 Le milieu de travail
9.1.5 La collectivité des adolescents
9.1.6 Les moyens de communication de masse

9.2 LA SOCIÉTÉ ADOLESCENTE


9.2.1 L’amitié à l’adolescence
9.2.2 Évolution de l’amitié pendant l’adolescence
9.2.3 Le groupe à l’adolescence
9.2.4 La famille et les amis

AUTO-ÉVALUATION
202 Chapitre 9

9.1 LES AGENTS DE SOCIALISATION

9.1.1 La famille

La cellule familiale constitue le principal agent de socialisation pendant 1 en¬


fance et elle conserve généralement une influence très grande au cours de 1 adoles¬
cence. C’est au sein de la famille que se créent les premières relations interperson¬
nelles. L’enfant apprend à vivre avec d’autres humains d’abord dans son milieu
familial où le modèle interpersonnel qui règne influence l’ensemble des relations
qu’il aura par la suite. Les habiletés sociales, c’est-à-dire la façon d entrer en contact
avec les autres, de rechercher leur présence ou de les fuir, de s’exprimer verbale¬
ment et non verbalement, de donner et de recevoir, de gagner et de perdre, etc. sont
acquises dans la famille, puis expérimentées et adaptées à l’extérieur du cercle
familial (Cloutier, 1981).

Ainsi c’est dans la famille que s’élabore la première compréhension du


monde social; l’enfant apprend à connaître et à comprendre les motifs qui poussent
les autres à agir, le statut de chaque individu dans la hiérarchie sociale, les liens
d’affection ou d’hostilité interpersonnelle, etc. Par exemple, un père autoritaire et
froid pourra créer une image masculine menaçante pendant toute la vie d’une
femme; une mère protectrice et permissive pourra affecter considérablement et
pour longtemps l’énergie sociale d’un homme; une relation fraternelle dynamique,
chaleureuse et sincère pourra contribuer à perpétuer les contacts entre frères et
soeurs jusqu’à l’âge adulte parce que chacun des membres recherchera ces
contacts.

Si la famille conserve une grande importance à l’adolescence, il reste que le


jeune doit sortir du cadre familial et se construire une vie sociale autonome. Un
dépassement social de la famille doit donc être réalisé. Si la famille ne permet pas ce
dépassement en inhibant les tentatives de liens sociaux extra-familiaux, l’adolescent
ne réussira pas à s’épanouir socialement ou entrera en conflit avec sa famille. Ainsi,
si la famille n’a pas bien joué son rôle comme premier milieu de construction sociale
personnelle, l’adolescent peut la rejeter en la jugeant inutile à sa réalisation ou en
subir, plus ou moins consciemment, les carences pendant de longues années, ou les
deux. La famille demeure très importante dans la socialisation adolescente parce
que d’une part elle continue de modeler des apprentissages sociaux encore incom¬
plets et que d’autre part, elle constitue un monde à dépasser sur le plan social. Ce
dépassement de la cellule familiale au plan social peut constituer une expérience de
vie oscillant entre l’éclatement et la restriction, le conflit ouvert et la rancune inhibée,
la délégation de responsabilités et le refus de la reconnaissance. Il peut aussi consti¬
tuer une expérience d’accession graduelle et consentie à une autonomie sociale
personnelle. La famille, c’est-à-dire les parents avec leur style propre d’autorité,
constitue un facteur primordial dans le vécu adolescent de cette expérience de
dépassement.
Le monde social adolescent 203

9.1.2 Les antécédents familiaux et


le comportement social à l’adolescence

La famille, agent de socialisation très important pendant l’adolescence,


continue de susciter de nouveaux acquis sociaux et peut bloquer ou accélérer
l’ouverture aux réseaux sociaux extra-familiaux. Le type social de l’adolescent est le
reflet de 1 éducation sociale qu il a reçu de sa famille. Nous allons maintenant consi¬
dérer la relation entre le style d éducation familiale et le comportement social à
l’adolescence. Dans ce rapprochement, nous utiliserons le modèle de Diana Baum- Baumrind
rind (1975) qui propose huit types sociaux d’adolescents, chacun étant le résultat de
la combinaison de trois dimensions sociales. Le tableau 9.1 décrit cette typologie que
nous étudierons en lui opposant les types contraires, comme le fait Baumrind (1975).

TABLEAU 9.1: Huit types sociaux d’adolescents selon Baumrind (1975)*

Note: Un haut degré est indiqué par le signe©et un faible degré par le signe©

* Source: BAUMRIND, D. «Early socialization and adolescent compétence». Adolescence in the Life Cycle (S.E. Dragastin et G. Elder, dir.).
Washington, D.C.: Hemisphere, 1975.

** Sensibilité sociale: Par rapport à l’adolescent insensible socialement, la personne sensible est amicale plutôt qu'hostile avec ses pairs;
coopérative dans les activités dirigées par les adultes; obéissante, conformiste et désireuse de réussir; objective et
autocontrôlée.

*** Activité sociale: Par rapport à l’adolescent passif, l’individu actif est expressif plutôt que réservé, réactif plutôt que flegmatique,
explosif plutôt que calme, et laborieux plutôt que paresseux.

"** Individualisme social: Par rapport à l'adolescent suggestible, l’individualiste est ascendant socialement plutôt que soumissif; sa conduite
est déterminée plutôt qu'instable et peu influençable.
204 Chapitre 9

L’agent social et la victime sociale

agent social L’agent social, à l’opposé de la victime sociale, est capable et puissant,
confiant dans sa capacité d’influencer son destin, tandis que la victime sociale se
perçoit comme incapable et impuissante, dépendante du hasard de ce qui lui arrive.
Le premier est impliqué dans plusieurs activités et idéologies sociales et se comporte
en fonction de principes définis, alors que la victime sociale est un individu passif,
suggestible et peu impliqué socialement.

victime sociale Selon Baumrind (1975), la victime sociale est le plus souvent issue de familles
où les parents ont peu de ressources ou contrôlent de façon arbitraire et inconsis¬
tante les récompenses des enfants: les deux situations peuvent aussi se présenter
simultanément dans une même famille. Les enfants perdent alors confiance dans
leur capacité d’influencer ce qui leur arrive étant donné que les bons comportements
ne sont pas nécessairement récompensés (et vice versa), et que leurs parents eux-
mêmes ne respectent pas les règles que la société juge importantes. Parallèlement,
un statut social élevé et des ressources plus abondantes utilisées avec justice et
conformément à des principes clairs caractérisent les parents des agents sociaux;
ils utilisent activement la communication verbale afin de faire comprendre à l’enfant
les raisons de leurs décisions ce qui permet aux jeunes de mieux distinguer leur
réalité. À l’opposé, les parents des victimes sociales n’offrent pas à leurs enfants un
modèle de compétence sociale, ni l’information qui leur est nécessaire pour saisir les
raisons justifiant les règles imposées. L’agent social serait donc élevé dans une
atmosphère sociale riche, consistante, rationnelle dans ses méthodes de contrôle,
alors que ce serait le contraire pour l’environnement éducatif de la victime sociale.
Le sentiment de pouvoir contrôler et adapter l’environnement selon ses besoins
serait la base de la distinction entre ces deux types sociaux.

Le traditionnaliste et l’aliéné

traditionnaliste Ce qui caractérise le traditionnaliste est l’accord de son orientation person¬


nelle, de ses adhésions et de son identité avec les valeurs parentales. Dans la mesure
où il réussit à rencontrer les exigences de cette conformité aux traditions, le tradi¬
tionnaliste ressent un sentiment de continuité et de signification dans ce qu’il vit. Le
aliéné type aliéné, décrit par Baumrind (1975), se caractérise au contraire par un rejet
ouvert des valeurs dominantes de son entourage; il est décrit comme pessimiste,
méfiant, égocentrique, retiré, tant sur le plan social que sur le plan culturel. L’aliéné
se distinguerait de la victime sociale par son individualisme (voir le tableau 9.1).

L’éducation du traditionnaliste est basée sur une discipline ferme, des liens
familiaux étroits et des normes de conduite prescrites par les parents mais appuyées
par des valeurs religieuses et patriotiques. Les parents du type aliéné n’offrent pas ce
modèle d’adhésion mais plutôt une image sociale d’ambivalence et de désespoir, ils
sont incapables d’inscrire le devenir de leurs enfants (ni le leur) dans des options
Le monde social adolescent 205

définies. Ils peuvent être restrictifs à l’égard de leurs enfants et voir leurs valeurs
rejetées par eux, ou être permissifs et libéraux et se voir eux-mêmes rejetés en tant
qu individus, même si leurs valeurs sont compatibles avec celles de leurs enfants.

Le socialisé et le délinquant

Le type socialisé fait spontanément confiance aux autorités et évite d’en¬ type socialisé
freindre les règlements de sorte qu’il reste en conformité avec sa communauté et ses
pairs, c est le conformiste naïf. Le type délinquant ne fait pas confiance aux autori¬
type délinquant
tés et s’attend à être traité injustement, aussi s’emploie-t-il activement à violer les
lois.

Les parents du type socialisé sont consistants et bien organisés mais sévères
et autocratiques. Les enfants acceptent leur code et ont une image positive d’eux,
acceptant de faire ce que les autorités leur demandent en autant que ces dernières
sont respectables. Le type délinquant a aussi des parents dont l’autorité est plus
grande que ce qui est souhaitable, mais avec cette différence qu’elle est employée de
façon inconsistante et abusive. Ceux-ci ne respectent pas les règles qu’ils imposent,
ils utilisent leur autorité pour eux-mêmes en fonction de leurs caprices. L’enfant
réagit à cette autorité arbitraire et abusive en se révoltant car il ne peut juger
positivement ceux qui exercent le pouvoir: pour lui, ce sont des exploiteurs égo¬
centriques.

Les types socialisé et délinquant ont donc en commun une figure parentale
autoritaire, la première donnant lieu à un conformisme naïf, la seconde à une mé¬
fiance de base qui nourrit l’agressivité sociale.

L’humaniste et l’antihumaniste

Selon Baumrind (1975), l’adolescent humaniste est empathique, socialement humaniste


responsable et autonome. À la différence de l’agent social, il n’est toutefois pas
intéressé à utiliser son pouvoir pour contrôler la société. Les adolescents antihuma¬ antihumaniste
nistes se perçoivent comme n’ayant que peu de choses en commun avec les autres
et ne voient pas de raison de ne pas profiter d’eux si cela sert leurs intérêts. L’anti¬
humaniste ne s’implique pas socialement; il recherche activement le pouvoir social
(deux caractéristiques partagées avec le type délinquant), mais il n’est pas individua¬
liste et se place volontiers du côté du plus fort afin de profiter des gains.

Baumrind (1975) estime que le milieu éducatif propice à l’humanisme déve¬


loppe le conformisme par la raison et l’amour plus que par le contrôle strict. Le type
antihumaniste serait issu d’un milieu impulsif où l’autorité est arbitraire et dont les
options vont d’un extrême à l’autre. Les parents peuvent être plus ou moins autori¬
taires mais ils ont en commun leur manque d’expression d’amour, leur inconsistance
206 Chapitre 9

et leur faible confiance en leurs enfants concernant 1 usage qu ils ront de leur propre
liberté.

S’il est rare de rencontrer un type pur, correspondant en tout point à l’un
des huit portraits présentés dans le tableau 9.1, on y trouve cependant un modèle
d’analyse intéressant de l’insertion sociale à l’adolescence.

En plus de tracer des portraits-robots servant de points de repère dans le


processus de socialisation, la typologie de Baumrind souligne 1 importance de la
modèles parentaux famille et des modèles parentaux dans le devenir social des individus. La compé¬
tence des parents dans l’exercice de leur rôle d’agents sociaux intervenant auprès
de l’enfant doit ainsi être considérée comme un déterminant de 1 avenir social per¬
sonnel. Le processus de socialisation à l’adolescence conditionne 1 adaptation future
par les orientations qu’il permet. Au cours de l’adolescence, 1 individu peut acquérir
des habitudes affectant toute la vie. Il peut adopter des comportements problèmes
comme l’alcoolisme et la prostitution ou encore des conduites conventionnelles
comme la discipline dans le travail et la pratique religieuse.

9.1.3 L’école

À l’école, la mise en relation de l’adolescent avec le monde des adultes


s’exprime selon un mode différent de celui observé dans le cadre familial. Au sein de
l’institution scolaire, la présence des adultes est assurée par des représentants spé¬
cialisés qui font partie d’un ensemble du style plutôt corporatif et hiérarchisé (pro¬
fesseur, directeur, etc.). Quoique les relations de l’adolescent avec l’autorité adulte
constituent avant tout un échange de personne à personne (soit entre le professeur
et l’élève), le caractère obligatoire de ce rapport c’est-à-dire le contexte réglemen¬
taire dans lequel il se déroule et la hiérarchie scolaire qui se profile derrière le
professeur, placent l’adolescent en contact avec une organisation de type bureau¬
cratique. C’est d’ailleurs au sein d’une organisation semblable qu’il devra le plus
souvent s’insérer à titre d’adulte. L’organisation fonctionnelle de l’école reproduit
davantage le modèle de la société que ne le fait la famille. Piel (1968) souligne le
caractère formel et structural de l’intervention scolaire dans la socialisation adoles¬
cente.

L’adolescent entretient avec ses pairs de nombreuses et intenses relations


qui se nouent dans le cadre officiel et imposé des groupes de travail formés par les
classes. En principe, celles-ci sont homogènes tant sur le plan de l’acquisition de la
culture que sur le plan de l’âge. Bien qu’il soit assez difficile de vérifier l’homogénéité
de l’acquisition de la culture, il n’en va pas de même pour l’âge. En effet, le retard
scolaire de certains élèves atteint souvent des proportions telles que dans une même
classe se côtoient des adolescents d’âge très différent. Bush-Rossnagel et Vance
scolarisation (1982) résument leur examen de la littérature concernant les effets de la scolarisa¬
tion sur le développement des adolescents en affirmant que l’atmosphère de la
Le monde social adolescent 207

c asse joue un rôle significatif dans l’évolution du concept de soi et des relations avec
es pairs et les professeurs et dans le développement du jugement moral. Une
atmosphère de classe démocratique influence favorablement le développement af¬
fectif, tandis qu’une atmosphère autoritaire suscite la tricherie et le retrait soumissif.

On peut évaluer la part de 1 école dans le processus de socialisation de


adolescent en mettant en évidence le caractère marqué de son intervention sur le
plan des connaissances et l’aspect formel et obligatoire de son action (Piel, 1968).

9.1.4 Le milieu de travail

L adolescent qui ne fréquente plus l’école trouvera un emploi dans la mesure


où le marché du travail le permet. Le milieu de travail jouera alors un certain rôle
dans l’évolution sociale adolescente.

Pour le jeune qui commence à travailler, le processus de socialisation est


accéléré et son statut d’adolescent est généralement très peu reconnu. Le passage
rapide du statut d’enfant à celui de jeune adulte, en éliminant le statut intermédiaire
qu’est l’adolescence, est particulièrement délicat pour le jeune qui, dans une entre¬
prise, est en compagnie de travailleurs adultes. Cette accélération développemen¬
tale est moins nette quand l’adolescent exerce son activité professionnelle dans un
atelier, une usine ou un bureau regroupant principalement de la main-d’oeuvre
jeune; elle est moins marquée encore pour l’adolescent qui travaille pour son père.

Dans la majorité des cas, le jeune travailleur exerce sa profession dans un


milieu adulte et est le plus souvent soumis au même régime que les adultes. Ces
relations, entretenues dans un cadre strict et non choisi, sont déterminées par la
position du jeune travailleur dans l’ordre hiérarchique de l’entreprise. Selon Piel
(1968), c’est dans l’intensité des contacts imposés par le milieu de travail et dans
l’assimilation au statut des adultes qu’il faut rechercher l’origine de l’accélération du
processus de socialisation chez les jeunes travailleurs.

Les relations que peut avoir l’adolescent avec ses pairs (si ceux-ci sont assez
nombreux et s’ils travaillent dans le même service que lui) revêtent un caractère
essentiellement provisoire puisque le fonctionnement du milieu de travail repose sur
un réseau de relations entre adultes. L’intervention du milieu de travail dans la
socialisation de l’adolescent présente, comme l’école, un caractère formel et obliga¬
toire. Toutefois, contrairement au milieu scolaire, cette intervention tend à réduire
et même à supprimer l’importance de l’adolescence, en accélérant l’accession au
statut d’adulte responsable.

9.1.5 La collectivité des adolescents

Dans la collectivité des jeunes, la reconnaissance du statut d’adolescent est


très marquée; les membres éprouvent un sentiment d’appartenance partagé basé
208 Chapitre 9

sur un stéréotype (le «teen-ager», le «chum», etc.) auquel correspond un réseau


d’attitudes et d’opinions. Quelques signes extérieurs peuvent parfois déterminer le
statut de l’adolescent: notamment le port de certains vêtements, la longueur des
cheveux, la possession d’un vélomoteur, etc. Certains groupes d’adolescents (par
exemple les mouvements de jeunesse ou les clubs sportifs) contribuent explicite¬
ment à la reconnaissance du statut en exigeant comme critère d’admissibilité un âge
précis.

La collectivité des adolescents est un ensemble de jeunes qui cherchent à se


rencontrer et à vivre entre eux, aussi les relations avec les adultes n’y sont-elles que
faiblement assurées parce qu’elles ne figurent pas parmi les objectifs de base. Dans
ce cas, le contact avec les adultes y est établi sous diverses formes mais plutôt
accessoirement ou occasionnellement. Par contre, dans la collectivité des adoles¬
cents, les relations avec les pairs sont intenses et polyvalentes: c’est ici, sans aucun
doute, qu’on découvre le rôle fondamental de cet agent de socialisation (Piel, 1968).
Dans la section 9.2, nous aborderons plus en détail la réalité de la société adoles¬
cente.

9.1.6 Les moyens de communication de masse

En plus de populariser le statut de l’adolescent et de créer une collectivité


mass médias distincte, les moyens de communication de masse (mass médias) interviennent dans
la transmission de la culture ou, plus exactement, dans le développement et la
transmission d’un secteur spécialisé de celle-ci à savoir la culture de masse.

L’intervention des moyens de communication de masse en tant qu’agents de


socialisation résidé davantage dans la confirmation de l’existence d’une culture
particulière propre aux adolescents: la littérature, la musique et les moyens audio¬
visuels renforcent leur sentiment d appartenance a une collectivité spécifique. C’est
peut-être moins en transmettant des contenus culturels qu’en suscitant une vérita¬
ble croyance que les moyens de communication de masse contribuent à socialiser
l’adolescent.

} nature des effets que les mass médias ont sur la personnalité des jeunes
n est pas encore très bien connue. On peut cependant affirmer que leurs effets ne
sont pas superficiels si nous considérons qu’ils occupent une énorme place dans
notre vie.

9.2 LA SOCIÉTÉ ADOLESCENTE

Peut-on parler d’une culture adolescente? Depuis que cette période de vie
séparant l’enfance de l’âge adulte est reconnue, c’est-à-dire depuis les temps an¬
ciens, il existe un stéréotype social de l’adolescent: personne idéaliste, romantique
Le monde social adolescent 209

instable dans son humeur et dans ses options, sujette à l’anxiété et au désespoir plus
ou moins passagers, capable des passions les plus vives, des générosités les plus
folles et des rejets les plus catégoriques. Les façons d’agir et de ressentir des adoles¬
cents ont été identifiées depuis longtemps comme étant constamment sujettes à
1 excès ou à la carence. Ce groupe social composé d’individus qui se cherchent
peut-il se définir par une culture ou par l’absence d’une culture? À en juger par la
récupération de certaines modes contemporaines initiées par les adolescents, on modes
serait plutôt porté à croire qu’il s’agit bien d’une culture ou d’un «marché» identifia¬
ble: par exemple, les styles vestimentaires qui ont fait du jeans un vêtement de ville,
les modes musicales (rock, pop, etc.) qui sont devenues la vocation des disquaires et
des stations de radio et de télévision, etc. Si les psychologues s’interrogent encore
sur l’existence d’une culture adolescente, le marketing occidental semble avoir réso¬ culture adolescente
lu ce problème depuis longtemps. L’importance que la société accorde à l’adoles¬
cence est maintenant perceptible puisque bon nombre d’innovations dans les usages
et les modes ne peut être attribué qu’aux adolescents. Si leur participation sociale
s’est accrue au cours des dernières années, cela est davantage relié à leur potentiel
économique ou politique (notamment avec le droit de vote acquis plus tôt) qu’à
une volonté réelle de partage du pouvoir des adultes. À cela s’ajoute la possibilité de
prolonger socialement l’adolescence: il est maintenant loisible à l’adolescent d’avoir
une vie sexuelle, socio-économique (appartement, voyages, moto, voiture, etc.) et
politique autonome sans pour autant, comme il était de rigueur autrefois, se marier,
avoir des enfants, faire une carrière, en somme assumer des responsabilités sociales.
Si on peut s’interroger encore sur l’existence d’une culture adolescente définie, on
doit considérer que la période entre 12 et 18 ans se traduit manifestement par une
évolution significative des relations entre les personnes. L’amitié et le groupe consti¬
tuent ainsi des bases sociales en pleine évolution même au cours de cette période.
Nous traiterons de cette évolution à la section 9.2.2.

9.2.1 L’amitié à l’adolescence

Déjà au cours de l’enfance, l’amitié constitue, dans le développement per¬


sonnel, un élément d’expérience sociale nouvelle. Elle permet l’établissement de
relations choisies et basées sur une attirance mutuelle non pas selon un axe vertical
hiérarchique comme c’est le cas avec les parents ou les enseignants, mais selon un
axe horizontal où la réciprocité et le respect prédominent grâce à la loyauté mutuelle
des amis. L’amitié permet aussi à l’individu de se sentir valorisé, apprécié pour ce
qu’il est et pour ce qu’il peut faire; elle aide aussi l’enfant comme l’adolescent à
apprendre à contrôler son monde social en lui donnant la possibilité de créer des
règles et des ententes avec les autres. L’amitié lui apporte une image sociale de
lui-même car les amis constituent une importante source d’informations sur sa
personne et ses agissements en même temps qu’une base de comparaison indépen¬
dante des préjugés familiaux.

«Tu n’es plus mon ami. Je ne jouerai jamais plus avec toi!» Dans une même
journée, deux amis, pourvu qu’ils aient moins de six ans, peuvent utiliser cette
210 Chapitre 9

phrase-choc à plusieurs reprises. Le poids d’une telle déclaration augmente en im¬


portance à mesure que les années passent jusqu’à devenir inacceptable, sauf lors
d’une crise majeure, déjà au début de l’adolescence.

Le voisinage immédiat ne constitue plus une condition essentielle aux rap¬


ports amicaux comme c était le cas au cours de l’enfance, les moments de rencontre
ne sont plus déterminés a 1 avance par la famille mais dépendent de plus en plus de
l’initiative personnelle et même de la planification mutuelle; les lieux de rencontre et
espace social les activités sont davantage sélectionnés. À l’adolescence, l’espace social plus vaste
et le contenu des échanges sociaux (activités, buts des rencontres, etc.) plus per¬
sonnel sont encore sous le contrôle parental quoique celui-ci soit moins direct et
moins immédiat.

, Les amitiés adolescentes tendent à être plus sélectives que les amitiés enfan¬
tines; l’adolescent cherche moins à avoir «beaucoup d’amis» (Horrock, 1969). Les
relations adolescentes sont plus stables que celles entretenues à l’enfance, elles sont
peut-être aussi plus franches et davantage sujettes à la critique explicite qu’elles ne le
seront à 1 âge adulte. D ailleurs, les adultes sont parfois étonnés de voir comment les
adolescents, pourtant amis, se traitent les uns les autres.

Alors qu au début de 1 adolescence, l’acceptation au sein d’un groupe d’amis


peut rendre l’individu dépendant et lui faire adopter des attitudes incohérentes, la fin
de l’adolescence se caractérise par un conformisme atténué et une indépendance
besoin d’intimité accentuée face aux pairs (Boyd, 1975). À cela s’ajoute un besoin d’intimité caracté¬
ristique de l’adolescence. Pour les filles en particulier, l’intimité devient condition¬
nelle à la vraie amitié et offre l’occasion de partager des sentiments plus difficiles à
assumer et souvent à connotation sexuelle (Douvan et Adelson, 1966).

Les relations d’amitié à l’adolescence constituent un laboratoire social de


premier choix pour vivre et explorer des dimensions comme la tolérance, le tact, la
justice, les limites des confidences possibles, la résistance aux influences des autres
ofr 9

Les différences observées entre les garçons et les filles sur le plan des valeurs
se manifestent aussi sur le plan des relations amicales. Ainsi les filles sont davantage
préoccupées par le fait d’aimer et d’être aimées en laissant une place plus grande à
in imite dans les rapports amicaux véritables fondés sur la sensibilité et l’empathie
Les garçons, de leur côté, sont plus soucieux de leur affirmation personnelle (auto¬
nomie et autocontrôlé) et de l’éloignement de l’autorité parentale que des relations
intimes et chaleureuses (Douvan et Adelson, 1966).

Les relations amicales sont donc influencées dans leurs modalités par les
stéréotypes
rôles sociaux relies au sexe. Les stéréotypes masculin et féminin étant distincts les
garçons et les filles réaliseront leur identification à leur rôle social respectif grâce à
des relations qui permettent l’exercice de ces attitudes. Ainsi, entre amis les garçons
cherchent a s affirmer, a afficher leur autonomie et leur indépendance face à l’autori-
Le monde social adolescent 211

té, en même temps qu’ils obtiennent de leurs amis un support personnel et qu’ils
entretiennent avec eux des relations favorables à la connaissance d’eux-mêmes, à
leur identification et à leurs choix futurs. Quant aux filles, elles se lient d’amitié
d’abord parce qu’elles recherchent une compréhension mutuelle, qu’elles veulent
partager leurs intérêts, aimer et être aimées (choisies) et discuter de préoccupations
personnelles (sexualité, angoisses, etc.). Les stéréotypes des rôles sociaux in¬
fluencent donc les valeurs des adolescents et conditionnent le vécu de leurs rela¬
tions amicales. En retour, les contacts avec les amis de même sexe facilitent l’identi¬
fication à ces rôles distincts. Toutefois, les stéréotypes associés aux valeurs, aux
intérêts et aux modes de relations amicales ont des limites et sont sujets à des
remises en question importantes dans le monde contemporain. Par exemple, le
stéréotype de l’adolescente se préparant à son rôle d’épouse et de mère est forte¬
ment ébranlé par la perspective d’une carrière dans un métier choisi (Tangri, 1972).
Si les attitudes parentales et la situation socio-économique familiale conservent une
influence déterminante sur les options futures des adolescentes, le désir grandissant
d’égalité entre les sexes dans la réalisation personnelle offre aux filles l’accès à la
compétence et à l’autonomie.

Après avoir examiné les nombreuses recherches sur les différences entre les
garçons et les filles, Coleman (1980b) souligne qu’on ne peut affirmer que l’amitié est
plus importante pour un sexe que pour l’autre quoique les filles expriment davantage
leurs préoccupations à l’égard des relations amicales. On observe aussi une diffé¬
rence dans la signification de l’amitié entre les garçons et les filles surtout vers le
milieu de l’adolescence: les garçons privilégient les relations orientées vers l’action
tandis que les filles s’intéressent davantage aux relations qui satisfont des besoins
émotionnels. Une étude menée par Douvan et Adelson (1966) auprès de garçons de
14 à 16 ans révèle que ceux-ci sont très peu préoccupés par les notions de sensibilité
et d’empathie en ce qui a trait à leurs attentes face à l’amitié. Par contre, les projets
communs, les activités de groupe et l’aide apportée en cas de besoin sont fréquem¬
ment mentionnés. La spécificité des sexes dans les stéréotypes de socialisation
(notamment la plus grande valeur accordée aux relations humaines, à l’intimité et à
la dépendance par les filles) peuvent probablement expliquer une bonne partie de
ces différences.

La confrontation des stéréotypes traditionnels avec les tendances contem¬ amitiés


poraines concernant la répartition des rôles sociaux entre les sexes s’exprime non amoureuses
ouvertement par les amitiés non amoureuses entre garçons et filles. entre garçons et filles

L’amitié entre garçons et filles

Pour certains adolescents, il est impossible d’entretenir une relation amicale


non amoureuse entre un garçon et une fille, tandis que pour d’autres il s’agit d’une
réalité vécue quotidiennement. Peretti (1976) observa chez des collégiens noirs
américains que les amitiés entre garçons et filles étaient plus intimes que celles entre
212 Chapitre 9

individus du même sexe parce qu’elles impliquaient plus d’échanges sur soi et un
sentiment de réciprocité plus fort. On a aussi remarqué qu’un ami masculin pouvait
apporter à l’adolescente un puissant support moral à l’égard de ses aspirations
personnelles lorsque celles-ci diffèrent du stéréotype féminin traditionnel (Tangri,
1972; Newman et Newman, 1979). Pour les adolescents, une amitié féminine peut
permettre des échanges sur des craintes, des faiblesses personnelles qui ne sont pas
permis avec d’autres garçons sans porter atteinte à l’image de soi. Newman et coll.
(1979) identifient toutefois un certain nombre d’obstacles à l’amitié entre garçons et
filles à l’adolescence. L’égale participation sociale des hommes et des femmes est
d’autant plus difficile à accepter pour un individu qu’il s’identifie à l’un ou l’autre des
stéréotypes masculin ou féminin. Combien de garçons accordent une place égale à
la femme et à l’homme dans leur vision sociale? Pour une adolescente qui refuse le
rôle féminin traditionnel et vise d’abord une réalisation professionnelle, il pourra
s’avérer difficile de trouver un ami qui partage ses vues dans le vécu même de leur
amitié. Sur les plans intellectuel ou émotionnel, celui-ci pourra se sentir menacé par
la supériorité éventuelle de l’adolescente. Inversement, les filles s’attendent à trouver
moins de caractéristiques «féminines» chez les garçons quelles n’en possèdent elles-
mêmes et elles ne sont pas toujours prêtes à répondre aux besoins de dépendance
et de support qu’ils peuvent ressentir (Newman, 1982).

9.2.2 Evolution de l’amitié pendant l’adolescence

On s’accorde généralement pour dire que l’âge influe sur l’importance et la


signification de l’amitié de sorte que le stade atteint par l’individu dans l’évolution
adolescente influencera le caractère de ses relations amicales (Coleman, 1980b). Le
tableau 9.2 résume les caractéristiques reconnues de l’amitié au début, au milieu et à
la fin de l’adolescence. On peut y noter la transition de l’amitié-activité du début à
l’amitié-solidarité du milieu de l’adolescence. Ce passage témoigne d’une intériorisa¬
tion croissante des fonctions sociales à l’adolescence ainsi que d’un besoin plus vif
de support interpersonnel face aux expériences vécues. À la fin de l’adolescence, le
besoin de l’appui inconditionnel de l’ami du même sexe se dissipe graduellement à
mesure que la confiance en soi et l’autonomie personnelle croissent; les relations
avec les autres laissent alors une place plus grande au couple hétérosexuel. L’ami de
même sexe n’a plus autant ce rôle de support contribuant à satisfaire le besoin de
solidarité qui est alors ressenti moins intensément qu’auparavant. L’individu dispose
d’une confiance et d’une stabilité plus grande lui permettant d’axer ses relations
personnelles vers la réalisation de son futur.

Cette description de l’évolution est basée sur des observations générales et


chaque individu ne s’y reconnaît que si l’on tient compte de ses particularités pro¬
pres. Par exemple la fille qui, de 14 à 16-17 ans, sort régulièrement avec le même
garçon évolue différemment par rapport au cheminement décrit dans le tableau 9.2;
sa relation précoce avec un garçon lui permet de vivre plus tôt ce qui est caractéris-
Le monde social adolescent 213

tique de la fin de l’adolescence. La qualité ou la quantité de ses relations avec des


amies est par ailleurs susceptible d’être affectée par la place occupée par son ami
dans sa vie. Voici un autre cas où l’évolution de l’amitié adolescente ne suit pas la
tendance générale décrite plus haut. Le garçon très sportif qui entretient du début à
la fin de son adolescence de multiples relations amicales basées essentiellement sur
des activités sportives pourra ne pas connaître vraiment l’amitié-solidarité parce qu’il
traverse cette période en prolongeant l’amitié-activité ce qui l’empêche de ressentir
l’insécurité tant face à lui-même que face aux autres. Ainsi, ce dernier type d’amitié
c’est-à-dire l’amitié-activité sera peut-être moins affectée par le déplacement géo¬
graphique de l’individu (par exemple, déménagement dans une autre ville) que
l’amitié-solidarité dans la mesure où le nouveau milieu proposera rapidement des
activités équivalentes à celles de l’ancien quartier. Enfin, certains adolescents ne
connaissent que Pamitié-solidarité et vivent le plus souvent des relations amicales de
couple peu nombreuses et intimes; ils traversent l’adolescence dans un univers où
l’intensité des relations d’amitié est plus qualitative que quantitative.

TABLEAU 9.2: Évolution de l’amitié à l’adolescence*

Amitié-activité • L’amitié est plus centrée sur les activités conjointes que sur la relation elle-même.
(Début de l’adolescence: • Les amis sont ceux avec qui on a des activités.
de 11 à 13 ans). • Les sentiments (réciprocité, profondeur du lien, etc.) associés à la relation d’amitié sont encore
mal différenciés.

Amitié-solidarité • La relation est basée sur la solidarité et le désir de sécurité est prédominant.
(Milieu de l’adolescence: • L’ami est avant tout une personne loyale sur laquelle on peut compter.
de 14 à 16 ans). • L’amitié est aussi (surtout pour les filles) une relation de soutien moral et d’échange sur les
nouvelles situations de vie comme les premiers rendez-vous hétérosexuels.
• C’est la période de plus grande insécurité dans l’évolution de l’amitié.

Amitié-réciprocité • Le partage d’expériences devient le principal but de la relation. L’intimité est basée sur la
(Fin de l’adolescence: compréhension mutuelle plutôt que sur la satisfaction d’un besoin individuel.
17-18 ans). • L’ami est considéré selon son apport à la relation. Ses qualités personnelles sont distinguées et
les différences individuelles sont appréciées telles quelles.
• Le besoin d’échange demeure mais l’importance croissante des liens hétérosexuels entraîne la
diminution graduelle de celle des amis de même sexe.

* Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de: DOUVAN, E. et ADELSON, J. The Adolescent Expérience. New York: Wiley, 1966 et
de: COLEMAN. J.C. «Friendship and the peer group in adolescence». Handbook of Adolescent Psychology (J. Adelson, dir ). New
York: Wiley, 1980b.

9.2.3 Le groupe à l’adolescence

Nous avons vu à la section précédente l’évolution de l’amitié sur le plan


individuel, nous aborderons maintenant le groupe et son évolution pendant l’adoles¬
cence.
214 Chapitre 9

Le groupe d’amis n’est pas une réalité sociale qui émerge à 1 adolescence;
l’enfant a déjà connu cette réalité dans son voisinage, à l’école, au sein des mouve¬
ments de jeunes qu’il a fréquentés, etc. À l’adolescence, le groupe d amis se rap¬
proche davantage de la personne et de ses choix. Les déplacements géographiques
provoqués par l’entrée au secondaire rompent le lien ami-voisinage; les rencontres
étant plus nombreuses, les groupes sont plus hétérogènes. La conscience de soi plus
articulée donne une signification nouvelle et plus grande au groupe auquel on appar¬
tient ou veut appartenir. Le groupe représente pour l’adolescent une sorte de labo¬
ratoire d’expérimentation pour la recherche d’une identité sociale à adopter dans le
futur. L’adolescent trouve dans le groupe des possibilités de rencontres et d’expé¬
riences interpersonnelles nouvelles et plus nombreuses. C’est souvent à partir du
groupe que s’effectue la transition des amitiés entre individus de même sexe à
l’expérience des relations avec l’autre sexe. Le groupe peut apporter un support
important sur le plan émotionnel grâce au statut qu’il attribue à la personne en lui
offrant une place pour elle-même. Dans un groupe, l’adolescent est évalué selon sa
personnalité avec ses côtés forts et ses côtés faibles. Il y reçoit de l’information
directe sur sa personne et sur son comportement, ce qui n’est pas toujours le cas
dans la famille. Cette information en provenance des pairs, donc d’égaux, peut lui
paraître plus crédible et stimuler l’élaboration de ses objectifs personnels. Face aux
incompréhensions des parents ou des autorités scolaires, le groupe peut devenir le
point d’appui, le milieu où il trouve respect et confiance. L’adolescent y trouve aussi
les normes de conduite (vêtements, activités, choses qu’il faut aimer ou rejeter, etc.)
qui diminuent son incertitude face à ce qu’il doit faire.

TABLEAU 9.3 Les apports possibles du groupe d’amis

1- Le groupe représente pour l’adolescent un laboratoire d’expérimentation pour la recherche d’une identité sociale à adopter dans le
futur.
2- Le groupe offre des possibilités de rencontres et d’expériences interpersonnelles nouvelles et plus nombreuses.
3- Souvent, il permet la transition des amitiés entre individus du même sexe vers des amitiés hétérosexuelles.
4- Le groupe peut donner un appui sur le plan émotionnel par le statut qu’il donne à l’adolescent en lui offrant une place pour lui-même.
5- Le groupe peut fournir une critique sans distorsion à l’adolescent et lui permettre ainsi d’ajuster sa conduite sans intervention de
l’autorité.
6- Le groupe peut devenir le milieu de confiance et d’appui en cas de conflit avec l’autorité parentale ou autres.

Dans sa lutte pour l’indépendance face aux autorités, le groupe peut offrir au
jeune les énergies nécessaires à la conquête de son autonomie. Par exemple lors
d’un conflit momentané avec ses parents, l’adolescent n’est plus isolé, il peut recou¬
rir à un réseau de liens extra-familiaux qui dépendent de lui et où il est autonome.
Voilà autant de raisons qui expliquent pourquoi l’appartenance à un groupe a une
importance plus grande à l’adolescence que pendant l’enfance ou à l’âge adulte.

Le groupe ne doit cependant pas être perçu comme étant seulement une
source d’énergie opposée au monde adulte; plusieurs auteurs ont démontré que
Le monde social adolescent 215

nombre de valeurs du groupe adolescent typique et du citoyen moyen convergeaient valeurs du groupe
(Campbell, 1964; Douvan et Gold, 1966; Wenar, 1971). Par exemple, les adolescents
(qui forment les groupes d’adolescents) valorisent la coopération, l’honnêteté, l’auto¬
contrôlé, le sens des responsabilités, etc. Les garçons adolescents n’aiment généra¬
lement pas les filles dominantes ou sophistiquées tandis que les adolescentes n’ap¬
précient pas les garçons vaniteux, égocentriques ou malpropres. La correspon¬
dance entre ces valeurs et les valeurs sociales traditionnelles est évidente.

Des divergences peuvent toutefois être aussi clairement perceptibles entre


les valeurs véhiculées par les groupes d’adolescents et celles véhiculées par la famille
de classe moyenne: les études et la sexualité en sont deux exemples. Les groupes
d’adolescents ne valorisent pas toujours la réussite scolaire de la même façon que les
milieux adultes desquels ils relèvent et, sur le plan de l’exploration sexuelle, les
adolescents contemporains dépassent souvent les normes acceptables fixées par les
valeurs sociales traditionnelles de leurs parents.

Sur d’autres plans, le groupe adolescent perpétue et accentue certains dé¬


fauts de la société adulte (Wenar, 1971). En ce qui a trait au conformisme par conformisme
exemple, le groupe pourra ridiculiser le moindre écart à la norme dans le langage,
l’habillement ou les manières d’un membre du groupe ou d’une même classe. La
discrimination fondée sur des préjugés relatifs à la provenance socio-économique,
ou sur des préjugés esthétiques est courante.

À l’école secondaire, l’adolescente ou l’adolescent obèse ou. de très petite


taille est souvent la proie des sarcasmes. L’attraction interpersonnelle guidant géné¬
ralement le choix des amis est souvent placée après le respect des modes et de
préjugés dans le but de se faire accepter dans un groupe en vogue. Le conformisme
de groupe à l’adolescence joue un rôle important dans la recherche de l’identité et de
l’autonomie typiques de cette période. La force et la solidarité du groupe s’accrois¬
sent face aux pressions adultes grâce à une plus grande cohésion des pensées et des
actions. Le besoin de conformisme n’est toutefois pas d’une intensité constante
pendant toute l’adolescence et ne se présente pas chez tous les individus au même
degré.

Afin d’étudier l’évolution de la tendance conformiste en fonction de l’âge,


Costanzo et Shaw (1966) ont réparti 96 sujets selon quatre groupes d’âges lesquels
se subdivisaient en quatre sous-groupes de quatre sujets chacun (appartenant au
même groupe d’âge et au même sexe). L’expérience consistait en la comparaison de
quatre lignes; chaque sujet était isolé dans une cabine où était projetée l’image des
quatre lignes dont l’une était identifiée comme étant la longueur étalon. Le témoin,
d’abord informé sur les réponses des trois autres, devait désigner la ligne qui était de
longueur semblable à l’étalon en pressant sur le bouton lumineux correspondant.
L’expérience comportait 24 essais et l’expérimentateur faussait les réponses des
trois autres témoins au cours de 16 essais. Le score de conformité correspondait au
216 Chapitre 9

nombre d’essais sur 16 où la réponse du témoin corroborait les estimations erro¬


nées. La figure 9.1 illustre les résultats de cette étude.

Plusieurs autres études, notamment celle de Coleman (Coleman, 1980b) ont


obtenu des résultats semblables. On a par ailleurs observé que les sujets qui avaient
un haut statut (popularité et leadership) dans un groupe étaient moins sensibles à la
pression des autres que les sujets de bas statut (Harvey et Rutherford, 1960).

FIGURE 9.1: Degré moyen de conformisme en fonction de l’âge*

o L-\\—l-1-1-[
7-9 ans 11-13 ans 15-17 ans 19-21 ans

Source: Cette figure, reproduite avec la permission des auteurs, a été tirée de COSTANZO, P.R. et SHAW, M.E.
«Conformity as a function of âge level». Child Development. 1966, vol. 37, n°4, p. 967-975.

* Il y avait douze garçons et douze filles dans chaque groupe d'âge.

Qu’est-ce qui détermine la popularité dans le groupe?

Coleman (1980b), après avoir examiné de nombreux travaux de recherche


sur cette question, conclut que la popularité est souvent reliée aux facteurs suivants:
1) une personnalité attirante (initiative dans les activités, enthousiasme, empathie,
etc.); 2) une belle apparence physique; et 3) les aptitudes sportives chez les garçons.

Le développement du groupe à l’adolescence

Au sujet de 1 évolution de la structure du groupe à l’adolescence, il importe


clique de distinguer les notions de clique et de bande. Les cliques sont des petits groupes
bande de quatre ou cinq personnes alors que les bandes comptent plus de membres,
c’est-à-dire de 15 à 30. Si la distinction entre clique et bande se fait d’abord sous
l’angle du nombre de membres, d’autres aspects les distinguent aussi. La clique
Le monde social adolescent 217

regroupe généralement des membres de même niveau socio-économique et de


même niveau de scolarité qui partagent des intérêts, des valeurs, des goûts similaires
(Coleman, 1980b). La bande est formée de plusieurs cliques et, selon Dunphy
(1963), l’appartenance à une clique semble être essentielle à l’adhésion dans une
bande. La clique aurait davantage un rôle de moyen de communication quotidienne
entre les membres (conversation, échanges, etc.) alors que la bande aurait une
fonction sur le plan de l’organisation d’activités principalement au cours des fins de

FIGURE 9.2 Stades de développement du groupe à l’adolescence* *

Fin de l’adolescence

Stade 5: Début de la désintégration de la bande:


groupes de couples liés sporadiquement.

Stade 4: La bande est développée au maximum: as¬


sociation étroite de cliques des deux sexes.

Stade 3: La bande est en transition structurale: cli¬


ques unisexuelles dont des membres de
haut statut forment une clique hétéro¬
sexuelle.

Stade 2: Début de la bande: des cliques unisexuelles


se regroupent dans des rapports de une à
une.

Stade 1: Stade prébande: cliques unisexuelles iso¬


lées.

Légende:

Groupe unisexuel Garçons

Garçons et filles Filles

* Source: Cette figure a été élaborée à partir des données fournies par: COLEMAN, J.C. «Friendship and the
peer group in adolescence». Handbook ol Adolescent Psychology (J. Adelson, dir.). New York:
Wiley, 1980b.
et par:
DUNPHY, D.C. «The social structure of urban adolescent peer groups». Sociometry. 1963, n° 26,
p. 230-246.
218 Chapitre 9

semaines (danses, fêtes, etc.). Selon Dunphy (1963), la bande, en associant des
cliques, permet le passage des relations sociales exclusivement unisexuelles du
début de l’adolescence aux relations hétérosexuelles. La figure 9.2 décrit l’évolution
de la structure du groupe à l’adolescence selon les données de Dunphy (1963).

L’évolution des besoins sociaux à l’adolescence se réflète ainsi dans la pro¬


gression de la structure du groupe. On remarquera que dans la figure 9.2, on ne
spécifie pas d’âge d’apparition des stades ce qui laisse place à des variations de
rythme à l’intérieur de la séquence définie.

9.2.4 La famille et les amis

On a souvent considéré le groupe d’amis comme un nouvel environnement


qui entrait en compétition avec la famille; ainsi, plus un adolescent entretient des
liens étroits avec un groupe d’amis, plus il rejette sa famille et ses valeurs. Or la
situation ne semble pas aussi simple si l’on en juge par les recherches effectuées sur
conflit ce sujet. D’abord, il apparaît que le conflit des générations est souvent surestimé,
des générations que certaines valeurs importantes des parents chevauchent celles du groupe d’amis
(Conger, 1977) et que la correspondance des attentes de la famille face aux amis de
l’adolescent constitue un facteur d’influence dans le choix de ces derniers par l’ado¬
lescent (Offer et Offer, 1976; Coleman, 1980b). Les amis, par l’information dont ils
disposent, peuvent influencer positivement la décision sur des sujets où les parents
sont moins à l’aise. Plusieurs études démontrent aussi que l’implication avec les amis
atteint son paroxysme chez les adolescents qui ne bénéficient pas d’un support
familial minimal; à ce moment, le groupe d’amis comble un vide relationnel plus qu’il
ne vient créer de conflits (Coleman, 1980b).

Enfin, il semblerait que l’influence du groupe sur l’adolescent soit moindre


que ne le croient beaucoup d’adultes et que cette influence soit plus fréquemment en
accord avec les idées parentales qu’en opposition avec elles.
Le monde social adolescent 219

AUTO-ÉVALUATION

1. Pourquoi la famille demeure-t-elle si importante même à l’adolescence?

a) Parce qu’à l’adolescence la famille n’a pas encore cédé sa place comme agent exclusif de socialisation;
b) parce qu’elle continue de modeler les apprentissages sociaux de l’adolescent et qu’elle peut aider à son devenir social extra-familial
ou le freiner;
c) parce que les parents exercent une influence sociale grandissante à mesure que l’adolescent évolue vers l’autonomie.

2. Baumrind (1975) a défini huit types sociaux à l’adolescence en fonction de trois dimensions sociales:

1) Sensibilité (et insensibilité);


2) activité (et passivité);
3) individualisme (et suggestibilité).

a) Indiquez deux des caractéristiques sociales définissant l’agent social.

a) Sensible socialement;
b) insensible socialement;
c) actif socialement;
d) passif socialement;
e) individualiste;
f) suggestible.

b) En vous servant des choix offerts à la question 2 a), indiquez deux des caractéristiques sociales définissant le délinquant,

c) En vous servant des choix offerts à la question 2 a), indiquez deux des caractéristiques sociales définissant l’humaniste.

3. Ce qui caractérise le type social traditionnaliste est la concordance de son orientation personnelle, de ses adhésions et de son identité
avec les valeurs de ses parents.

a) Vrai
b) Faux

4. Le type de l’adolescent délinquant ne fait pas confiance aux autorités et s’attend à être traité injustement de sorte qu’il s’emploie
activement à violer les lois. Indiquez deux caractéristiques du style éducatif des parents du délinquant parmi les suivantes:

a) Consistants;
b) autoritaires;
c) abusifs;
d) subjectifs;
e) généreux.

5. Les types socialisé et délinquant ont en commun une figure parentale autoritaire, la première donnant lieu a un conformisme naïf, la
seconde à une méfiance de base qui nourrit l’agressivité sociale.

a) Vrai
b) Faux

6. L’organisation fonctionnelle de l’école reproduit moins le modèle de la société que ne le fait la famille.

a) Vrai
b) Faux

7. Les mass médias renforcent chez les adolescents le sentiment d appartenance à une collectivite spécifique.

a) Vrai
b) Faux
220 Chapitre 9

8. Le processus de socialisation est très accéléré et le statut d’adolescent est très peu reconnu dans:

a) La famille;
b) l’école;
c) le milieu de travail;
d) la collectivité des adolescents;
e) les stéréotypes véhiculés par les mass médias.

9. Pour le jeune travailleur, le milieu de travail tend à ignorer les caractéristiques de l’adolescence car le fonctionnement social du milieu
est basé sur un réseau de relations entre adultes.

a) Vrai
b) Faux

10. L’amitié à l’adolescence diffère à plusieurs égards de l’amitié enfantine. Parmi les facteurs contextuels suivants, indiquez celui ou ceux
qui évoluent de l’enfance à l’adolescence:

a) L’horaire des rencontres entre amis;


b) le voisinage de quartier est la base de l’amitié;
c) le contrôle des parents devient plus strict à l’adolescence;
d) l’intérêt est plus marqué pour le grand nombre d’amis;
e) l’espace social devient plus vaste à l’adolescence.

11. Comparativement au début de l’adolescence, la fin de cette période se distingue par une dépendance accrue face au groupe d’amis.
Ainsi l’acceptation par la clique d’amis peut inciter davantage l’adolescent plus âgé que le jeune adolescent à adopter des attitudes
fausses (ou des comportements faux) pour se conformer.

a) Vrai
b) Faux

12. Selon Douvan et Adelson (1966), les relations amicales entre filles se distinguent de celles entre garçons à l’adolescence. Des deux
observations suivantes, laquelle caractérise les garçons et laquelle caractérise les filles en ce qui concerne les relations amicales?

1) Plus grande préoccupation à l’égard du fait d’être aimé, avec une place plus grande accordée à l’intimité dans les rapports
amicaux.
2) Plus grande préoccupation à l’égard de l’affirmation personnelle et de l’autonomie face à l’autorité.

Choisissez l’une des combinaisons suivantes:

a) L’observation n° 1 concerne les garçons et l’observation n° 2 les filles;


b) l’observation n° 1 concerne les filles et l’observation n° 2 les garçons;
c) les observations nos 1 et 2 concernent les garçons;
d) les observations n°s 1 et 2 concernent les filles.

13. À I adolescence, 1 amitié semble être aussi importante pour les garçons que pour les filles mais les filles expriment davantage de
préoccupations à l’égard des relations amicales.

a) Vrai
b) Faux

14. On s accorde généralement pour dire que l’âge influe sur l’importance et la signification de l’amitié de sorte que celle-ci possède
habituellement des caractéristiques dominantes distinctes au début, au milieu et à la fin de l’adolescence. Situez les caractéristiques
suivantes en fonction de la période de l’adolescence:

1) Amitié-solidarité;
2) Amitié-activité;
3) Amitié-réciprocité.
Le monde social adolescent 221

Choisissez parmi les suivantes la combinaison adéquate:

a) n° 1 : début; n° 2 : milieu; n° 3 : fin;


b) n° 1 : milieu; n° 2 : début; n° 3: fin;
c) n° 1 : fin; n° 2 : milieu; n° 3 : début;
d) n° 1 : début; n° 2 : fin; n° 3 : milieu.

15. Énumérez trois contributions possibles que le groupe peut offrir à l’adolescent qui en fait partie.

16. À plusieurs égards, les valeurs des groupes d’adolescents correspondent aux valeurs traditionnelles auxquelles les parents adhèrent.
Parmi les domaines suivants, identifiez les deux zones les plus susceptibles de créer des conflits entre les valeurs du groupe
d’adolescents et les valeurs traditionnelles des parents de la classe moyenne:

a) La coopération;
b) les études;
c) l’autocontrôlé;
d) l’honnêteté;
e) la sexualité.

17. Des travaux expérimentaux sur le conformisme ont démontré qu’à tous les âges de l’adolescence, les filles sont légèrement plus
conformistes que les garçons (Costanzo et Shaw, 1966; Coleman, 1980b).

a) Vrai
b) Faux

18. Parmi les éléments suivants, identifiez en deux qui sont reconnus comme étant souvent reliés à la popularité dans le groupe:

a) Une personnalité attirante;


b) une identification personnelle claire;
c) de la volonté;
d) une belle apparence physique;
e) un haut degré de conformisme.

19. Certaines études ont démontré que les attentes de la famille face aux amis de 1 adolescent ne possédaient pas d influence réelle sur le
choix des relations de l’adolescent (Offer et Offer, 1976; Coleman, 1980).

a) Vrai
b) Faux

20. Il semblerait que l’influence du groupe sur l’adolescent soit moindre que ne le croient beaucoup d adultes et que cette influence soit
plus fréquemment en accord avec les idées des parents qu’en opposition avec elles.

a) Vrai
b) Faux

21. En quoi la bande se distingue-t-elle de la clique?

22. Comment les relations entre clique et bande peuvent-elles faciliter 1 établissement de liens hétérosexuels à 1 adolescence?
'


Chapitre 10
Psychopathologie
à l’adolescence

10.1 INTRODUCTION
10.2 PSYCHOPATHOLOGIE: UNE DÉFINITION
10.2.1 Le système de classification clinique

10.3 INFLUENCE DE L'APPROCHE THÉORIQUE DU CLINICIEN


10.4 CLASSIFICATION DE. LA PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ADOLESCENT
10.4.1 LeDSMIII
10.4.2 Épidémicité des troubles mentaux à l’adolescence

10.5 LA SCHIZOPHRÉNIE
224 Chapitre 10

10.5.1 Symptômes de la schizophrénie


10.5.2 Symptômes mixtes
10.5.3 Symptômes prédicteurs

10.6 LA DÉPRESSION

10.7 LES COMPORTEMENTS SUICIDAIRES À L’ADOLESCENCE


10.7.1 Le passage à l’acte suicidaire
10.7.2 Facteurs biologiques reliés au suicide
10.7.3 Facteurs sociaux et familiaux
10.7.4 Facteurs sociaux plus spécifiques
10.7.5 Facteurs familiaux plus spécifiques
10.7.6 Facteurs reliés à la personnalité
10.7.7 Distinctions entre filles et garçons

AUTO-ÉVALUATION

10.1 INTRODUCTION

Le caractère essentiellement transitoire de ce que vit l’adolescent sur les


plans image physique, image de soi, réseau social, vie sexuelle, dépendance familiale,
etc., pose des difficultés psychodiagnostiques beaucoup plus aiguës que chez
l’adulte. Comment distinguer un excès comportemental normal associable à l’explo¬
ration de vie de l’adolescence, d’un indice de perturbation mentale? Comment s’as¬
surer que la perturbation mentale durera suffisamment longtemps pour justifier un
diagnostic et une intervention psychiatrique? Quel tort peut-on faire en négligeant
d’intervenir à temps?

L’évolution rapide des adolescents pose donc un défi particulier au domaine


de la psychopathologie. Le chapitre qui suit s attardera plus particulièrement aux
perturbations psychologiques les plus courantes à l’adolescence dans leurs dimen¬
sions épidémiologique et dynamique. En premier lieu, nous verrons la classification
des perturbations psychiques, ensuite nous aborderons la schizophrénie, la dépres¬
sion et le suicide.

10.2 PSYCHOPATHOLOGIE: UNE DÉFINITION

La psychopathologie est 1 étude des troubles mentaux. Ce domaine scientifi¬


que intéressé aux problèmes ou pathologies mentales, est fortement dépendant
a) du système de classification utilise dans le diagnostic de la pathologie mentale et
b) de l’approche théorique utilisée pour interpréter les problèmes observés.
Psychopathologie à l’adolescence 225

10.2.1 Le système de classification clinique

Le système de classification utilisé repose sur une série de concepts ou


d’étiquettes dont on se sert pour identifier les maladies mentales. La plupart des
troubles mentaux ne sont pas identifiables à partir d’un seul symptôme, ils en impli¬
quent plusieurs; on parle alors de syndrome. Il s’agit d’une série plus ou moins syndrome
élaborée de symptômes typiquement associés à une catégorie donnée d’affections,
par exemple, le syndrome de Down définit l’ensemble des symptômes couramment
associés au mongolisme.

La classification que l’on utilise (ou le système d’étiquettes) doit présenter des
catégories bien distinctes les unes des autres afin d’éviter les confusions entre un
problème et un autre et entre un traitement et un autre. Cela ne pose pas seulement
une difficulté sur le plan linguistique, mais aussi en ce qui a trait au champ d’étude et
au critère de pathologie. En effet, certains symptômes se trouvent dans plusieurs
affections mentales différentes. Par exemple, la difficulté d’établir un contact inter¬
personnel gratifiant est observée chez plusieurs types de schizophrènes, mais aussi
chez des dépressifs, des obsessifs, etc. Aux symptômes communs à plusieurs caté¬
gories diagnostiques doivent donc s’ajouter des symptômes exclusifs à chaque caté¬
gorie, de façon que l’on puisse distinguer un trouble d’un autre. Chaque étiquette
doit définir une configuration unique de symptômes observables.

La spécificité du concept utilisé peut aussi influencer la fidélité des jugements;


par exemple la catégorie «schizophrénie» est beaucoup plus vaste que la sous-
catégorie «schizophrénie hébéphrénique». De la même façon, la catégorie «pro¬
blème d’hyperanxiété» apparaît beaucoup plus large que la catégorie «névrose
obsessive-compulsive accompagnée de symptômes hypocondriaques». Certains
systèmes de classification présentent des catégories plus larges que d’autres sys¬
tèmes et conséquemment influencent le degré de validité des diagnostics. Plusieurs
études ont démontré que les psychologues ou psychiatres cliniciens s’entendent
bien entre eux lorsqu’il s’agit de différencier des catégories larges de problèmes
organiques, de schizophrénie, de névrose ou de trouble de personnalité, mais s’ac¬
cordent beaucoup moins bien lorsqu’il s’agit d’établir des distinctions dans des caté¬
gories étroites comme les schizophrénies simple, hébéphrénique, catatonique rési¬
duelle, etc. (Zubin, 1967; Tarter, Templer et Hardy, 1975; Weiner, 1980).

À cette difficulté de définition des catégories diagnostiques s’ajoute celle du


degré variable de présence d’un symptôme justifiant le diagnostic. Sur quel critère se
base-t-on pour déterminer la présence d’une pathologie psychique? Où se situe la
frontière entre la maladie et la différence «normale», le trait de caractère? Dans
quelle mesure les cliniciens s’accordent-ils entre eux au sujet des critères d’évalua¬
tion de l’importance d’un trouble psychique? À chacune de ces questions, on est
forcé de répondre que «cela dépend»; plusieurs facteurs contextuels peuvent faire
que dans un cas le symptôme est un trait de caractère dit «normal», alors que dans
l’autre il s’agit d’un symptôme pathologique. Ainsi, l’impact du problème sur l’adap-
226 Chapitre 10

tation fonctionnelle de la personne pourra changer la situation. Si le sujet peut vivre


sa vie «normalement» avec son symptôme ou sa particularité, il est possible qu il ne
consulte pas de spécialiste à ce sujet et que son problème ne soit jamais répertorié.
Si au contraire, la vie quotidienne de la personne ou de son entourage est vraiment
gênée par le problème, il y aura probablement consultation et éventuellement dia¬
gnostic clinique.

Autrement dit, avant qu’un problème ne soit diagnostiqué par un clinicien, il


doit y avoir consultation d’une façon ou d’une autre mais tous les cas ne sont pas
recensés. Certains individus peuvent vivre longtemps avec leur problème en s’y
adaptant tant bien que mal, tandis que d’autres ne parviennent pas à cette adapta¬
tion ou refusent (eux-mêmes ou leurs proches) de vivre avec lui: ils consultent alors
un clinicien afin de trouver une solution. À ce moment les instruments utilisés pour
l’examen clinique, les dimensions considérées dans l’évaluation mentale, l’impor¬
tance accordée aux divers symptômes observés, la théorie utilisée par le profession¬
nel pour interpréter les données psychodiagnostiques, etc. sont autant de facteurs
pouvant faire passer un problème du normal au pathologique ou d’une catégorie
diagnostique à une autre.

10.3 INFLUENCE DE L’APPROCHE


THÉORIQUE DU CLINICIEN

S’il existe des maladies nerveuses propres aux civilisations modernes, les
troubles mentaux ont généralement des racines historiques profondes. Les sociétés
maladies mentales anciennes attribuaient souvent la cause des maladies mentales, comme des maladies
physiques d’ailleurs, aux esprits maléfiques qui venaient habiter le corps des vic¬
times. Les traitements connus au cours de l’histoire sont innombrables: de la trépa¬
nation simple, c’est-à-dire l’ouverture de la boîte crânienne pour en faire sortir
«l’esprit mauvais», aux bûchers pour les sorcières du Moyen Âge, en passant par la
relaxation pratiquée chez les Grecs et les Romains (et encore aujourd’hui d’ailleurs).
Le vingtième siècle a amené une attitude plus respectueuse des malades mentaux en
leur reconnaissant des droits à un certain respect. Cependant, il y a quarante ans à
peine, on construisait encore de ces immenses hôpitaux psychiatriques, véritables
villes closes, servant de ghettos à ceux dont les sympitômes «anormaux» (et parfois
le destin seulement) y avaient rassemblés. Ce n’est que récemment que les sociétés
modernes ont commencé à avoir moins peur'des malades mentaux et ont compris
que les «villes psychiatriques» n’étaient pas une solution réaliste au problème social
impliqué. On comprend aussi de plus en plus que la psychopathologie n’est pas
toujours le résultat d’un trouble génétique, d’un «bobo» que l’on doit extirper de la
personne atteinte pour la «guérir», mais que c’est souvent le résultat d’une évolution,
d’une réaction à un environnement physique et social.

On parle de milieux à hauts risques pour décrire les environnements qui


génèrent davantage de troubles mentaux (Forgays, 1978). Par exemple, on sait qu’il
Psychopathologie à l’adolescence 227

y a souvent plus de risques de vivre des difficultés psychiques dans certains milieux
défavorisés que dans des zones de vie mieux nanties économiquement; on sait aussi
que les suicides sont plus nombreux dans certaines régions et à certaines époques
de l’année ou de la vie des gens. Ces connaissances, acquises récemment, découlent
de la découverte d’autres approches scientifiques que le modèle médical tradition¬
nel. Dans l’optique du modèle médical traditionnel, la personne qui a un trouble
psychique est victime d’une maladie, partant, il faut trouver de quelle maladie il
s’agit, c’est-à-dire effectuer un psychodiagnostic en fonction d’un système de classi¬ psychodiagnostic
fication donné pour ensuite choisir le traitement approprié à la maladie. L’application
du traitement devrait ensuite permettre à la maladie de s’estomper pour que la
personne «guérisse et redevienne normale». De nouvelles perspectives ont permis
une évolution des attitudes professionnelles à l’égard de l’épidémie et de la santé
mentale. À ce sujet, l’approche écologique du comportement propose un modèle où
l’on considère que l’individu est en constante interaction avec son ou ses environ¬
nements (famille, école, milieu de travail, quartier, ville, culture, etc.).

Selon cette approche, un symptôme ou un syndrome non physique ne peut


être perçu comme une maladie intrinsèque à un individu mais comme un résultat,
c’est-à-dire la conséquence d’une interaction entre le sujet et le milieu ce qui, avec le
temps, provoque un déséquilibre adaptatif chez l’individu. Par exemple, si les be¬
soins fondamentaux de chaleur et de confiance de l’enfant ne sont pas comblés par
l’environnement social il s’ensuivra que l’enfant se fermera ou se retirera de la
société, ou manifestera une dépendance maladive à l’égard dudit environnement.
Les parents rigides qui ne remettent ni leur statut d’autorité, ni leurs modes relation¬
nels en cause au moment de l’adolescence de leur enfant, ne répondent pas aux
exigences minimales d’accommodation mutuelle individu-environnement requises
pour l’accession progressive à l’autonomie entre 12 et 18 ans. En effet, selon l’ap¬
proche écologique l’adolescence correspond à un cycle de la vie où les enfants,
comme leurs parents, sont appelés à changer de rôle social (Bronfenbrenner, 1977;
1979; Lerner et Busch-Rossnagel, 1981; Bouchard, 1981).

Afin d’illustrer plus concrètement l’influence possible de l’approche théorique


du clinicien consulté sur le diagnostic et le traitement d’un problème psychologique,
nous utilisons ici l’exemple de Lovibond (1964) rapporté par Schwartz et Johnson
(1981). Le tableau 10.1 présente un cas d’énurésie abordé selon: a) le modèle psy¬ énurésie
chodynamique (généralement associé au modèle médical) et b) le modèle d’appren¬
tissage social (généralement associé au modèle behavioriste). Dans cet exemple, on
peut facilement constater que ce que vivra le client après sa première consultation
variera selon l’approche théorique du clinicien qu’il aura consulté. Sachant que le
tableau 10.1 ne compare que deux des multiples approches théoriques existantes en
pratique clinique, on peut imaginer le nombre de variations possibles.

La valeur d’un diagnostic psychiatrique ou psychologique est donc sujette à


des variations selon le système de classification utilisé et selon l’approche adoptée
par le clinicien (Weiner, 1980). Ce problème de validité de l’évaluation des troubles
228 Chapitre 10

mentaux est encore plus aigu lorsqu’il s’agit de ceux de la période adolescente.
Période de tumulte, de grands écarts fonctionnels, de changements personnels
rapides, d’intense développement, l’adolescence représente un défi encore plus
grand pour le clinicien: comment distinguer le «normal» du pathologique dans cette
période de transformation généralisée? La fugue, la nouvelle marotte, la gaffe, la
révolte, l’hostilité, etc., si souvent observées chez les 12-18 ans, permettent-elles de
distinguer l’expérience développementale courante du symptôme pathologique?

TABLEAU 10.1: Deux approches théoriques distinctes d’un même problème d’énurésie*

Approche de l’apprentissage Approche psychodynamique

(Modèle behavioriste) (Modèle médical)


L’énurésie est une carence d’habitude. L’énurésie est le symptôme d’une perturbation émotionnelle.

Cause de l’énurésie: Dans la plupart des cas: absence des condi¬ Cause de l’énurésie: Conflit psychologique ou stress. L’énurésie
tions normalement nécessaires pour acquérir un contrôle appro¬ est le symptôme d’un problème plus général dans la majorité des
prié des sphincters de la vessie. Dans une minorité de cas: occu¬ cas.
rence de conditions qui font perdre les acquisitions antérieures de
contrôle (tension nerveuse).

Traitement proposé: Apprentissage par l’acquisition d’un réflexe Traitement proposé: Psychothérapie afin d’annihiler la perturba¬
conditionné grâce à un appareil spécial (toile de lit munie d’un tion émotionnelle sous-jacente.
système de sonnerie qui se déclenche lorsque la toile est humectée
avertissant ainsi le sujet de se rendre à la salle de toilette). Dans
quelques cas, ce traitement s’accompagne d’une drogue ou de
moyens pour réduire la tension environnementale, ou les deux.

Critique du traitement psychodynamique: Inutile dans la plupart Critique du traitement par apprentissage: Traitement de symp¬
des cas. Potentiellement utile dans une minorité de cas pour ré¬ tôme: inutile si appliqué seul. Peut être nuisible en provoquant une
duire la tension nerveuse. crise émotionnelle ou une substitution du symptôme.

* L’énurésie est un manque de contrôle des émissions urinaires à un âge où normalement la majorité des enfants l'ont acquis, c'est-à-dire vers
cinq ans.

Source: Ce tableau, reproduit avec permission, a été adapté à partir de: LOVIBOND, S. Conditioning and Enuresis. New York: Pergamon Press,
1964.

10.4 CLASSIFICATION DE LA PSYCHOPATHOLOGIE


DE L’ADOLESCENT

Malgré l’identification de nombreuses difficultés dans l’utilisation des nomen-


nomenclatures en clatures en psychopathologie, particulièrement chez les adolescents, il persiste un
psychopathologie intérêt soutenu pour développer des systèmes plus valides. Cet intérêt est sans
doute basé sur la conviction que des troubles psychiques spécifiques suscitent des
manifestations (symptômes) distinctes. Ainsi, même en acceptant l’unicité de cha¬
que cas, il semble qu’on ne puisse ignorer l’information clinique que peut apporter
l’analyse du problème (le psychodiagnostic clinique) pour choisir la meilleure inter¬
vention connue.
Psychopathologie à l’adolescence 229

10.4.1 LeDSMIII

La nomenclature la plus connue, le DSM1, a été développée par l’American


Psychiatrie Association. Le premier manuel DSM, le DSM I, a été publié en 1952,
l’édition revue et corrigée, DSM II, est parue en 1968 et en 1980 le DSM III est
apparu. Cette dernière version accorde beaucoup plus d’importance à la psychopa¬
thologie de l’enfant et de l’adolescent que les deux premières versions: dans le DSM
III, les catégories relatives aux enfants et aux adolescents sont presque deux fois
plus nombreuses que dans le DSM II, et des critères de diagnostic plus spécifiques
accompagnent la plupart des catégories assurant ainsi des jugements plus valides
(American Psychiatrie Association, 1968; 1980).

Le tableau 10.2 présente les problèmes psychologiques apparaissant habituel¬


lement pendant l’enfance ou l’adolescence; il va sans dire que d’autres désordres
psychotiques ou névrotiques peuvent se manifester chez les jeunes au cours de ces
périodes.

TABLEAU 10.2: Problèmes psychologiques apparaissant habituellement pendant l’enfance ou l’adolescence

Autisme infantile: perturbation fonctionnelle importante caractérisée par une incapacité durable d’entrer en relation avec
d’autres personnes et par un rendement intellectuel généralement déficient mais comportant certains types d’activité mentale normaux
ou quasi normaux.

Troubles d’organicité: troubles psychologiques causés par une lésion cérébrale. La ou les lésions cérébrales peuvent avoir été
occasionnées par divers facteurs comme: un traumatisme à la naissance, une déficience congénitale, un choc crânien, un fonctionnement
métabolique anormal (par exemple: hypoglycémie, intoxication rénale), une infection (par exemple: encéphalite, méningite) ou un
empoisonnement (alcool méthylique, plomb, mercure, etc.). L’épilepsie est considérée comme un trouble organique. Les troubles
d’organicité s’accompagnent très souvent de déficience mentale plus ou moins prononcée.

Problèmes d’anxiété: perturbations psychologiques associées à un état de tension mentale. Les phobies (c’est-à-dire les peurs
irrationnelles suscitées par certaines situations ou objets), le mutisme sélectif, les réactions de retrait en sont des exemples.

Problèmes de contrôle du comportement: hyperactivité, agressivité, désordres de conduite, tics, syndrome de Tourette, mou¬
vements stéréotypés atypiques.

Problèmes reliés à l’alimentation: anorexie nerveuse, boulimie, rumination.

Problèmes reliés à l’élimination: énurésie, encoprésie.

Problèmes de langage: bégaiement, zézaiement, retard dans l’acquisition du langage.

Problèmes d’apprentissage scolaire: lecture, écriture, arithmétique.

(1) DSM signifie: Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.


230 Chapitre 10

10.4.2 Épidémicité des troubles mentaux à l’adolescence

Selon Weiner (1980), les données épidémiologiques disponibles les plus com¬
plètes sur la psychopathologie à l’adolescence proviennent du registre d une clinique
du comté de Monroe dans l’État de New York. Ce registre, tenu depuis 1960, ne
contient pas, comme c’est habituellement le cas, uniquement des informations
concernant les patients hospitalisés ou examinés dans des cliniques, mais aussi des
renseignements sur l’ensemble des consultations psychiatriques de la communauté
qui, selon Gardner, Miles, Bahn et Romano (1963), recencerait 95 % de toute 1 activi¬
té psychiatrique de cette collectivité. À partir de ce registre, Weiner et Del Gaudio
(1976) ont étudié la distribution des catégories diagnostiques de 1334 adolescents
âgés de 12 à 18 ans enregistrés en 1961 et en 1962. Le tableau 10.3 reproduit la
distribution qu’ils ont ainsi obtenue.

Les catégories mentionnées dans le tableau 10.3 sont très larges et compor¬
tent autant de caractéristiques communes qu’il peut y avoir de différences entre
chacune d’elles (Weiner, 1980). Cependant, elles permettent d’évaluer certaines
particularités des problèmes mentaux à l’adolescence dont la plus frappante pro¬
désordres vient du grand nombre de diagnostics (27,1 %) classés «désordres situationnels»
situationnels contrastant avec les 5 à 6 % (maximum) que l’on trouve généralement dans les
populations adultes. Face à cette particularité, Weiner (1980) se demande s’il s’agit
d’une véritable spécificité de la distribution des difficultés à l’adolescence, ou plutôt
du résultat d’une surutilisation de cette catégorie par les cliniciens qui ne peuvent ou
ne veulent pas étiqueter trop tôt des adolescents selon des catégories de la psycho¬
pathologie adulte. L’auteur mentionne que, par définition, les troubles situationnels
ne nécessitent pas de psychothérapie comme telle et qu’ils n’évoluent habituellement
pas vers des formes plus sérieuses de psychopathologie puisque, théoriquement, ils
sont causés par des facteurs précipitants, passagers et contextuels. Or on remarque
que d’après le suivi effectué sur une période de dix ans (de 1962 à 1972)2 (voir le
tableau 10.3) les «désordres situationnels» resurgissent dans une aussi grande pro¬
portion que les catégories «névrose» ou «désordre de la personnalité». On aurait
donc tendance à recourir davantage au diagnostic «désordre situationnel» pour les
adolescents possiblement par crainte de classer à tort un individu dans une catégo¬
rie de pathologie sérieuse. Cette tendance peut toutefois avoir pour effet de mas¬
quer des problèmes plus sérieux que ceux classés «désordre situationnel» et qui,
éventuellement, peuvent resurgir plus tard 9i les soins appropriés n’ont pas été
dispensés à temps. Weiner et coll. (1976) observent que, sur une période de dix ans,
les diagnostics répétés émis au sujet d’un même cas identifié «désordre situationnel»
concordent beaucoup moins (14,9 % d’accord) que ceux identifiant les cas de «schi-

(2) Weiner et Del Gaudio (1976) ont observé que le nom de 52,4 % des cas de leur échantillon initial apparai-
sait au moins une autre fois sur le registre psychiatrique du comté pendant les dix années suivant l’étude.
De plus, ce chiffre est amoindri par l’impossibilité de retracer le nombre de cas qui ont consulté un clinicien
ailleurs que dans le comté au cours de la période 1962-1972.
Fsychopathologie à l’adolescence 231

zophrénie» par exemple (62,2 % d’accord). On pourrait expliquer cette tendance en


disant que lors de la première consultation psychiatrique, on «laisse la chance au
coureur» c’est-à-dire qu’on ne pose pas un diagnostic lourd à l’adolescent mais que
s il revient à la clinique, on cherche la cause du problème ailleurs que dans la
situation contextuelle. Cette attitude des cliniciens se manifeste aussi dans l’ensem¬
ble des milieux cliniques à l’égard des 12-18 ans et elle va à l’encontre de la significa¬
tion et de l’objectif de la catégorie «désordre situationnel»; elle a pour effet de
négliger d’apporter l’attention et les soins requis par des difficultés mentales récur¬
rentes et non pas simplement contextuelles (Masterson, 1968; Meeks, 1973; Weiner
et coll., 1976). L’échantillon de Weiner et coll. (1976) se composait d’adolescents
rencontrés dans différents milieux de consultation psychiatrique: hôpitaux d’État et
de comté (5,9 %), départements psychiatriques d’hôpitaux généraux (1,1 %), cli¬
niques externes (69,6 %) et bureaux privés (23,4 %). Les auteurs observent de plus

TABLEAU 10.3: Distribution des catégories diagnostiques observées pendant deux ans sur les 1334 adolescents du comté
de Monroe (État de New York)*

Catégorie Pourcentage Proportion Nombre moyen


diagnostique des diagnostics de résurgence de consultations
en 1961 et en 1962 entre 1962 et 1972 résurgentes en
(%) (%) psychiatrie***

Schizophrénie Garçons 8,5


8,5 non disponible 8,18
Filles 8,4

Névrose Garçons 11,7


13,3 51,7 4,47
Filles 15,4

Désordre de la Garçons 33,7


31,4 51,3 3,22
personnalité Filles 28,5

Désordre Garçons 26,0


27,1 51,9 3,93
situationnel Filles 28,6

Tentative de Garçons 1.5


2,8 non disponible
suicide Filles 4.5

Autre++ Garçons 16,7


16,9 non disponible
Filles 12,3
— 52,4
Total

* L’échantillon comprenait 583 filles et 751 garçons.


** Incluant: psychose affective, syndrome cérébral organique, alcoolisme, retard mental, réaction psychophysiologique, anorexie nerveuse,
problème à symptôme particulier, problème de comportement de l'adolescence, diagnostic reporté et pas de diagnostic psychiatrique.
*** C'est-à-dire le nombre moyen de consultations psychiatriques postérieures à la période 1961-1962 initialement étudiée; ceci donne un
indice conservateur de l’importance des rechutes puisque les cas qui ont consulté ailleurs que dans le comté n’y sont pas inclus.

Source: Ce tableau a été adapté et traduit par l’auteur du présent ouvrage à partir des données de:
WEINER, I.B. et DEL GAUDIO, A.C. «Psychopathology in adolescence: An epidemiological study». Archives of General Psychlatry.
1976, vol. 33, p. 187-193.
232 Chapitre 10

que 37,9 % des cas de «névrose» de l’échantillon sont diagnostiqués par des clini¬
ciens de bureaux privés. Les bureaux privés sont d ailleurs le seul milieu clinique où
la catégorie «désordre situationnel» est la plus importante: les cliniciens de ces
bureaux auraient donc tendance à émettre des diagnostics moins graves que les
autres milieux cliniques3.

Le tableau 10.3 indique aussi que la distribution des garçons et des filles n’est
pas exactement la même selon les catégories diagnostiques: il y a plus de névroses et
de tentatives de suicide chez les filles, mais plus de désordres de la personnalité chez
les garçons. Cette distribution confirme les observations faites au Canada, en Tché¬
coslovaquie, en Angleterre et en Nouvelle-Zélande chez les adolescents hospitalisés
(Weiner et coll., 1976). Enfin, le total de l’échantillon de Weiner et coll. (1976)
compte plus de garçons que de filles, ce qui témoigne d une plus forte incidence de
consultations psychiatriques chez les garçons.

Selon Weiner (1980), les difficultés reliées à l’utilisation des catégories dia¬
gnostiques traditionnelles peuvent être évitées en adoptant une approche centrée
sur des problèmes observables comme les tentatives de suicide ou les comporte¬
ments délinquants. Toutefois, de tels indices comportementaux ne mettent pas à
profit les connaissances cliniques et expérimentales associées aux catégories tradi¬
tionnelles comme la schizophrénie ou la dépression. Pour l’adolescence, l’auteur
suggère une approche de compromis en utilisant une nomenclature partagée entre
«problèmes observables» et «catégories traditionnelles»: a) schizophrénie; b) dé¬
pression; c) comportement suicidaire; d) taux d’absentéisme scolaire; e) problème
de réussite scolaire; et f) comportement de délinquance (Weiner, 1980, p. 450). Nous
utiliserons cette classification dans ce chapitre.

10.5 LA SCHIZOPHRÉNIE

Dans l’ensemble de la population, la schizophrénie est la plus fréquente des


pathologies mentales sérieuses. C’est au moment de l’adolescence ou des premières
années de l’âge adulte qu’elle est le plus susceptible d’apparaître pour la première
fois. Plusieurs études ont en effet démontré que la plupart des affections schizo¬
phréniques tendent à apparaître pendant l’adolescence ou tôt après (Arieti, 1974;
Holzman et Grinker, 1974; Weiner, 1980). Par ailleurs, Weiner et coll. (1976) ont
observé qu’environ 25 à 30 % des adolescents admis dans des hôpitaux psychiatri¬
ques et 6 à 8 % de ceux qui sont rencontrés en cliniques psychiatriques (externes)
souffrent de schizophrénie.

(3) Les auteurs ont aussi noté qu’il y avait plus de cas diagnostiqués «schizophrénie» chez les adolescents de
milieux socio-économiques bas et plus de cas diagnostiqués «névroses» et «désordre situationnel» chez
les individus des classes économiques dites moyennes et supérieures.
Psychopathologie à l’adolescence 233

La schizophrénie touche environ 2 % de la population à un moment ou un


autre de la vie; elle est considérée comme le problème numéro un de la santé
mentale aux États-Unis où près de la moitié des patients d’hôpitaux psychiatriques
et près du quart de tous les patients d’hôpitaux généraux, sont des malades schizo¬
phrènes (Weiner, 1980). Quels sont les symptômes de la schizophrénie?

10.5.1 Symptômes de la schizophrénie

On s’accorde généralement pour associer la schizophrénie4 aux manifesta¬


tions suivantes tant chez les adultes que chez les adolescents:

1) capacité réduite de penser de façon cohérente, logique et à des degrés


appropriés d’abstraction;
2) capacité réduite d’établir et de maintenir des relations interpersonnelles
confortables et gratifiantes. Cette dimension sociale est très importante
car la possibilité spontanée de la personne à établir des relations récipro¬
quement gratifiantes peut constituer une contre-indication au diagnostic
de schizophrénie (Weiner, 1970);
3) contrôle affaibli de la pensée, des sentiments et des impulsions (Arieti,
1974).

Concernant plus spécifiquement la schizophrénie à l’adolescence, Weiner schizophrénie


(1980) mentionne trois éléments distinctifs: a) la schizophrénie qui débute pendant à l’adolescence
1 adolescence présente plus souvent que celle qui apparaît à l’âge adulte des manifes¬
tations mixtes où les symptômes habituels de la schizophrénie sont voilés par d’au¬
tres problèmes. Il n’y aurait que 30 à 40 % des adolescents schizophrènes qui pré¬
senteraient clairement les symptômes typiquement associés à la schizophrénie, les
autres afficheraient des troubles dits mixtes; b) certains types d’évolution de la
personnalité enfantine ou adolescente peuvent être identifiés comme comportant
des risques élevés d’apparition éventuelle de la schizophrénie; c) le pronostic à long
terme est moins infaillible selon qu’il s’agit d’une schizophrénie débutant à l’adoles¬
cence ou d’une schizophrénie qui surgit plus tard, à l’âge adulte.

10.5.2 Symptômes mixtes

Deux groupes de symptômes mixtes ont été plus fréquemment associés au


commencement de la schizophrénie adolescente. Dans le premier groupe, le garçon
ou la fille présente des symptômes de dépression accompagnés de sentiments de
désespoir, d’un désintéressement plus ou moins généralisé à l’égard des autres
personnes, des activités et des pensées. Dans le deuxième groupe, il s’agit plutôt de

(4) Le mot schizophrénie vient du grec «schizô» signifiant séparer, dissocier, et du mot grec «phren», esprit,
pensée.
234 Chapitre 10

comportements antisociaux incluant des conflits familiaux, de 1 hostilité et des


conduites agressives (des batailles), du vol et du vandalisme, des fugues et des
échecs scolaires (Weiner, 1970; 1980). Ces deux groupes de symptômes dessinent
des profils différents sinon opposés, et pourtant les deux peuvent accompagner les
débuts de la schizophrénie à l’adolescence. Ainsi, parfois ce n est qu après avoir
surmonté ces premiers symptômes que les indices plus durables de la schizophrénie
se distinguent.

10.5.3 Symptômes prédicteurs

Ces deux profils différents ont aussi été identifiés dans des études visant à
connaître les indices prédicteurs de la schizophrénie. Ainsi, Bower, Shellhamer et
Daily (1960) observent que ceux qui deviennent schizophrènes ont au départ moins
d’intérêt pour les relations sociales et les activités de groupe et affichent une person¬
nalité fermée, retirée. Par contre, Robins (1966) a observé que les enfants et adoles¬
cents devenus plus tard schizophrènes avaient davantage tendance à présenter des
période conduites antisociales qu’à passer inaperçus ou à être fermés pendant la période
préschizophrénique préschizophrénique.

En fait, il semble que ces deux tendances ne sont pas contradictoires mais
complémentaires puisque l’on trouve souvent, pendant l’enfance et l’adolescence
des schizophrènes, des indications: a) de retrait social et b) de comportements
antisociaux (Woerner, Pollack, Rogalski, Pallack et Klein, 1972; Watt, 1978; Weiner,
1980). Watt (1978) mentionne que les garçons de niveau secondaire qui tendent vers
la schizophrénie sont plus irritables, plus agressifs et plus négatifs que leurs compa¬
gnons, tandis que les adolescentes préschizophrènes sont plus inhibées, plus timides
et plus retirées que leurs compagnes. Il est donc possible que le facteur sexe expli¬
que, au moins en partie, cette dualité «retrait social — comportement antisocial»
dans les symptômes précurseurs de la schizophrénie: les filles étant davantage
retirées et les garçons antisociaux.

Kreisman (1970) affirme, d’après des statistiques, que les adolescents qui
n’ont que très peu d’amis avec lesquels ils ont peu d’intérêts et d’activités, qui ne les
voient que sporadiquement et dans un contexte de profit personnel plutôt que de
réciprocité ont plus souvent tendance à devenir schizophrène que les autres adoles¬
cents qui n’ont pas beaucoup d’amis mais vivent avec eux des relations intimes et
réciproques.

On a par ailleurs observé que l’orientation des conduites antisociales pouvait


distinguer les jeunes qui, éventuellement, deviendront schizophrènes. Ainsi, les ado¬
comportements lescents qui ont des comportements antisociaux envers la collectivité mais non
antisociaux envers leur famille tendent plus souvent vers des «désordres de personnalité» à l’âge
adulte, tandis que les adolescents qui affichent des comportements antisociaux chez
eux, dans leur propre famille ou envers des gens qu’ils connaissent ou des amis, ont
Psychopathologie à l’adolescence 235

davantage tendance à devenir schizophrènes (Nameche, Waring et Ricks, 1964;


Robins, 1966; Weiner, 1980).

Les symptômes mixtes présentent une difficulté dans l’établissement d’un


diagnostic valable de schizophrénie à l’adolescence; Weiner (1970) décrit trois fac¬
teurs susceptibles d en augmenter la validité clinique: a) la persistance des symp¬
tômes caractéristiques de la schizophrénie; b) le degré d’anormalité des préoccupa¬
tions et des intérêts de la personne par rapport aux autres jeunes du même âge et
c) la prédominance de troubles reliés au processus de la pensée plutôt qu’aux
contenus de la pensée seulement.

a) La persistance des symptômes caractéristiques de la schizophrénie

Ce premier facteur est présenté comme le plus fiable pour assurer la valeur
du diagnostic mais il peut demander beaucoup de temps et ainsi retarder les actions
curatives. En effet, le temps semble être un puissant élément pour distinguer les
profils très semblables du délinquant sociopathe et de l’adolescent schizophrène

«puisque d’une part les sociopathes sont isolés et sans amis, qu’ils affi¬
chent des poussées sentimentales brutales et des épisodes psychotiques
et que, d’autre part, les schizophrènes ont souvent un faible contrôle de
leurs pulsions et des périodes de passage à l’acte, la combinaison des
deux symptomatologies (c’est-à-dire les symptômes mixtes) chez un
adolescent fermé et non coopératif représente un des problèmes les plus
difficiles à résoudre5» (Masterson, 1967, p. 52).

Chez d’autres adolescents schizophrènes, un temps relativement long de


persistance peut être rendu nécessaire pour distinguer le normal du pathologique
lorsqu’il s’agit de symptômes tels que le jugement déficient, l’empathie limitée, la
difficulté à éprouver de l’agrément, le retrait sur soi, etc.

Cette utilité du facteur temps dans l’observation des symptômes associés à la


schizophrénie adolescente a été soulignée il y a plus de 20 ans par Spotnitz qui
affirmait:

«On s’accorde généralement sur le fait que la persistance d’une symp¬


tomatologie est l’un des critères les plus sûrs de différenciation. Les
périodes de retrait, d’abattement, de préoccupations sexuelles ou philo¬
sophiques ne durent pas longtemps ou n’entraînent pas une rupture
avec la réalité si l’égo est essentiellement sain mais traverse une phase
de morcellement transitoire normalement associée à l’adolescence. Ce¬
pendant, si un tel comportement se prolonge, on est tenu de sonder la
possibilité d’une réaction schizophrénique» (Spotnitz, 1961, p. 224).

(5) Traduction de l'auteur.


236 Chapitre 10

Par prolongation, cet auteur entendait alors une période de plusieurs semaines ou
de plusieurs mois.

b) Le degré d’anormalité des préoccupations et des intérêts de la personne par


rapport aux autres jeunes de son âge

Dans les cas où des préoccupations et intérêts personnels normaux se trou¬


vent chez un adolescent soupçonné de schizophrénie, les intérêts normaux à 1 égard
des amis, des fêtes, des sorties et autres activités sociales à 1 adolescence, des
sports, des objets à la mode (vélomoteurs, vêtements, disques), etc. diminuent la
probabilité d’une telle affection même s’il existe d’autres problèmes. La perte de
contact avec les préoccupations contemporaines peut donner lieu soit à une imma¬
turité, soit à une pseudo-maturité par rapport aux autres du même âge. L immaturité
se traduit typiquement par des préoccupations nettement plus enfantines que celles
de son âge, tandis que la pseudo-maturité donne une allure de calme, de sérieux, de
manières recherchées souvent valorisées par le monde adulte. Dans les deux cas, il
s’agit d’une distance manifeste par rapport à la société contemporaine de l’individu.

c) La prédominance de troubles reliés au processus de la pensée

Selon Weiner (1970), un adolescent qui décrit des fantaisies bizarres, des
rêves étranges ou fait état de préoccupations inusitées peut être en réaction schizo¬
phrénique. Toutefois, ces contenus non standards de pensée ne sont pas des indica¬
teurs vraiment sûrs si l’adolescent ne les raconte pas de façon dissociée, en vrac,
sans organisation et avec minutie, style typiquement relié aux perturbations structu¬
rales de la pensée schizophrénique. L’absence de recul ou d’autocritique par rapport
à ses comportements anormaux et un jugement déficient sont aussi des indices
formels de cette pathologie. Weiner (1970) rapporte le cas d’un garçon de 17 ans qui,
à la fin de son cours secondaire, prévoyait jouer au football dès son entrée au
collège. Lorsqu’on lui demanda quelle avait été son expérience antérieure du foot¬
ball, il répondit qu’il n’en avait jamais joué parce qu’il voulait éviter les risques de se
blesser et se réservait pour ce «grand moment».

Les troubles formels peuvent aussi apparaître au cours d’une conversation:


des réponses sans relation avec les questions ou le sujet abordé, des réactions
émotives inappropriées au contexte par leur trop grande importance (exclamations
subites, rires exagérés, etc.), leur absence totale en apparence ou leur persistance
inhabituelle (sourire figé, froncement prolongé des sourcils, etc.), l’utilisation de
mots «spéciaux», des variations inhabituelles du timbre de la voix, de l’emphase
verbale ou de l’accentuation des prononciations (DeHirsch, 1967).

pronostic relié Le pronostic relié à la schizophrénie n’est pas très encourageant: selon
à la schizophrénie Mosher (1975) un tiers des adultes qui ont déjà été hospitalisés à la suite d’une
Psychopathologie à l’adolescence 237

réaction schizophrénique s en sortent, un autre tiers d’entre eux s’améliorent mais


rechutent de temps en temps et doivent ainsi faire un autre séjour à l’hôpital, tandis
que les autres, malades chroniques, demeurent hospitalisés en permanence. Lors¬
que la schizophrénie est diagnostiquée à l’adolescence, le pronostic, émis après
1 hospitalisation du malade, est encore moins reluisant: 23 % des adolescents hospi¬
talisés guérissent, 25 % s’améliorent mais sont hospitalisés de nouveau à cause de la
résurgence des sympômes et les 52 % qui restent ne font que peu ou pas de progrès
et demeurent à l’hôpital indéfiniment (Weiner, 1980). Pour les cas traités en cliniques
externes et ne nécessitant pas d hospitalisation, il semblerait que le pronostic soit
meilleur même s’il n’existe pas de données tangibles quantifiables.

10.6 LA DÉPRESSION

Dans la perspective psychanalytique, la dépression est une réaction à la perte


d’un objet. Celle-ci peut être réelle, comme dans le cas d’un décès, d’un divorce,
d’une amitié brisée ou d une séparation; elle peut aussi être ressentie comme une
atteinte à l’intégrité corporelle. Le sentiment «de ne plus être le même» peut être
provoqué par plusieurs facteurs depuis l’incapacité subséquente à une maladie ou à
un accident jusqu’à l’obligation de porter des lunettes. La dépression survenant à la
suite de la perte identifiable d’un objet important (au moins subjectivement), sans
qu’il n’y ait eu d’évolution graduelle, est habituellement désignée comme une «réac¬ réaction dépressive
tion dépressive aiguë»; la perte peut aussi être symbolique et ne pas être liée à une aiguë
disparition manifeste ou subite d’un objet aimé. La dépression peut aussi s’implanter
progressivement chez une personne par l’hypertrophie subjective des déceptions et
des dévalorisations rendant sans importance l’ensemble des aspects positifs de la réaction dépressive
vie. On parle alors de «réaction dépressive chronique». Il existe une autre forme de chronique
dépression souvent présente à l’adolescence: la «réaction dépressive voilée ou mas¬ réaction dépressive
quée» (Lesse, 1974; 1979). Dans ce cas les symptômes peuvent aussi bien se mani¬ voilée ou masquée
fester par de l’hyperactivité, de l’hypocondrie, des problèmes psychosomatiques,
des phobies ou des conduites délinquantes (Cytryn et McKnew, 1972; Schwartz et
coll., 1981).

Selon Beck (1967; 1970; 1974), exception faite des cas de perte réelle d’objet,
il y a trois schèmes possibles de fausse interprétation de la réalité chez les dépressifs:
1) une perte imaginée de l’objet; 2) des impressions négatives et non fondées de soi
amenant l’apathie, un sentiment d’impuissance et de dépendance et des tendances
suicidaires; et 3) des attentes négatives, irréalistes ou invraisemblables à l’égard du
futur nourrissant le désespoir et le pessimisme de la personne.

Pour Seligman (1974), la dépression résulte de l’apprentissage de l’impuis¬ apprentissage


sance. Ainsi, la personne apprendrait au cours de ses expériences de vie quelle n’a de l’impuissance
pas de contrôle sur ce qui lui arrive, qu’il s’agisse de punitions ou de récompenses,
de réussites ou d’échecs. Ce sentiment d’impuissance la conduirait à l’apathie:
238 Chapitre 10

«Puisque mes efforts n’ont aucune relation perceptible avec ce qui m’arrive, à quoi
bon les maintenir».

Seligman (1974) a observé que le fait de vivre une difficulté ou un traumatisme


incontrôlable, c’est-à-dire auquel on ne peut rien changer malgré les efforts, avait des
effets sur la vie future lesquels seraient reliés à la dépression. Selon lui, les individus
qui à la suite de difficultés ou traumatismes doivent en affronter d’autres deviennent
passifs; ils sont plus lents à entreprendre une action pour régler leur problème ou
encore ne font rien du tout. Les individus qui antérieurement ont appris l’impuis¬
sance deviennent plus lents à apprendre que leur action peut aider à résoudre leur
problème; ils ont de la difficulté à admettre qu’ils peuvent s’en sortir en faisant
quelque chose. De plus, l’apprentissage de l’impuissance semble durable s’il n’est
pas combattu et entraîne une baisse d’agressivité et des désirs alimentaires, sociaux
et sexuels. Pour Seligman (1974), le moyen privilégié sinon le seul efficace pour
combattre l’apprentissage de l’impuissance, c’est-à-dire pour combattre la dépres¬
sion, est de forcer la personne à réapprendre la puissance. Étant donné qu elle-
même ne croit plus pouvoir influencer son sort, il faut la placer dans des situations
où elle est obligée de constater que son action apporte quelque chose. Il faut la
seconder dans son entreprise, c’est-à-dire la pousser à agir pour lui prouver à elle-
même qu’elle peut atteindre un but, une récompense, une satisfaction.

sytnptôrnGS associés Le tableau 10.4 renseigne sur les symptômes couramment associes a la de
à la dépression pression chez l’adulte et chez l’adolescent. On y notera que les indications concer¬
nant davantage les adolescents sont fréquentes chez les 12-18 ans. En effet, on
observe fréquemment de la fatigue chez les adolescents, état que l’on attribue à leur
croissance physique rapide et à leur vie active. Il en va de même pour la préoccupa¬
tion à l’égard de la santé souvent rattachée aux changements de l’image personnelle
et à l’attention que les jeunes accordent à leur apparence physique qui se modifie
rapidement.

La réaction dépressive n’est pas une pathologie que l’on diagnostique fré¬
quemment chez les adolescents rencontrés en psychiatrie. Weiner (1980) rapporte
qu’aux États-Unis moins de 10 % des diagnostics posés à l’égard des patients ado¬
lescents rencontrés dans les départements psychiatriques des hôpitaux et des clini¬
ques mentionnent la réaction dépressive comme facteur premier. Toutefois environ
50 % d’entre eux présentent des symptômes d’humeur triste, de dépréciation per¬
sonnelle, de crises de larmes, de pensées suicidaires ou de tentatives de suicide
(Masterson, 1967).

Le tableau 10.5 tiré de Weiner (1975) montre qu’aux États-Unis sur une
population de plus d’un million de patients psychiatriques âgés de 10 à 44 ans
rencontrés dans trois milieux de consultation différents, les diagnostics «réaction
psychonévrotique dépressive» sont croissants. Dans tous les groupes d’âges, il y a
plus de femmes que d’hommes dont le diagnostic mentionne la dépression, le rap¬
port atteignant parfois 2 pour 1.
Psychopathologie à l’adolescence 239

TABLEAU 10.4: Symptômes associés à la réaction dépressive*

Chez l adulte (plusieurs symptômes sont pertinents tant pour les enfants que pour les adolescents)
Perte d’intérêt et de plaisir dans la plupart des activités courantes ou de loisir, ou simultanément dans ces deux types
d activités.
- Humeur caractérisée par la tristesse, le désespoir, la morosité, l’irritabilité et l’apathie.
- Perte ou gain d’appétit ou de poids significatifs.
- Insomnie ou hypersomnie.
- Perte d’énergie et fatigue généralisée.
- Dévalorisation de soi-même, autocritique sévère, sentiment de culpabilité excessif ou inapproprié.
Impressions ou observations d une diminution dans la capacité de penser ou de se concentrer.
- Idées suicidaires, désirs de mort ou tentatives de suicide.

C, iez l adolescent (symptômes plus typiques de l’adolescence mais pas nécessairement les seuls apparents)
- Fatigue généralisée.
- Préoccupation excessive à l’égard du corps et de la santé (hypocondrie).
Difficulté de concentration souvent associée a une baisse de rendement et d’intérêt scolaires.
- Crises de larmes ou périodes de pleurs.
- Sentiment de solitude, d’être sans valeur, d’être incompris.
- Difficulté à éprouver de l’enthousiasme.

Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données fournies par:


American Psychiatrie Association. Diagnostic and Statlstlcal Manual of Mental Dlsorders (DSM III). Washington, D.C.: American
Psychiatrie Association, 1980.
et par:
WEINER, I.B. «Psychopathology in adolescence». Handbook of Adolescent (J. Adelson, dir.). New York: Wiley, 1980, chap. 14.

TABLEAU 10.5: Pourcentage de cas psychiatriques diagnostiqués «réaction psychonévrotique dépressive» (selon l’âge et
le sexe)*

Groupes d’âges

10-14 ans 15-17 ans 18-19 ans 25-44 ans


(%) (%) (%) (%)
Hôpitaux Femmes 2,1 4,8 10,4 14,8
psychiatriques Hommes 1,6 2,0 4,6 7,8
externes Total 1,7 3,3 7,6 14,8
Hôpitaux Femmes 7,2 13,8 19,8 19,6
généraux Hommes 4,9 88 10,5 9,7
Total 5,8 11,6 15,8 15,9
Hôpitaux Femmes 3,6 5,6 11,0 16,8
psychiatriques Hommes 1,7 2,0 3,7 5,3
Total 2,3 3,5 6,6 10,0

* Ces données sont issues des statistiques américaines du Département de la santé publique à partir de 466 102 dossiers fermés de patients
cliniques, 380 922 patients sortis d'hôpitaux généraux et 153 314 premières admissions à un hôpital psychiatrique.

Source: WEINER, I.B. «Dépréssion in adolescence». The Natureand Treatment of Dépréssion (F.F. Flach et S.C. Draghi, dir.). New York: Wiley,
1975. Ces données ont été reproduites avec la permission de l'éditeur.
240 Chapitre 10

Dans la population générale des adolescents, Albert et Beck (1975) ont ob¬
servé dans 30 à 40% des cas des sentiments de tristesse, d’être sans valeur ou de
pessimisme face au futur. Le normal et le pathologique peuvent donc s’avérer diffi¬
ciles à distinguer en matière de dépression à l’adolescence, surtout si 1 on y tient
dépressions voilées compte du nombre de dépressions voilées. Dans ces derniers cas, la dépression
peut en effet être cachée par le maintien chez la personne d’un haut degré d activité,
la recherche constante de nouveauté et un évitement systématique de l’inactivité; la
répétition et le «déjà vu» ennuient alors l’individu très rapidement eUa solitude doit
être évitée par la présence constante d’amis. Ainsi ce qui peut paraître le fruit d un
dynamisme intense peut n’être en fait que la fuite de 1 introspection (Weiner, 1975,
1980).

La dépression chez l’adolescent peut aussi provoquer 1 apparition de com¬


appels à l’aide portements déviants désignés par certains auteurs comme des «appels à l’aide»
(Glaser, 1967; Anthony, 1968; Lesse, 1979); il s’agit notamment de fugues, de rébel¬
lion, de vols (d’auto, à l’étalage, etc.), de vandalisme ou autres comportements
antisociaux. À ce sujet, les adolescents qui attirent ainsi l’attention sur eux se
distinguent des délinquants ordinaires en ce que leurs comportements sortent clai¬
rement de leurs habitudes et contrastent avec les normes qu’ils respectaient anté¬
rieurement. Ces conduites déviantes «d’appel à l’aide» sont souvent effectuées
ouvertement de façon à se faire surprendre ou à être observé de quelqu’un (Weiner,
1980).

10.7 LES COMPORTEMENTS SUICIDAIRES


À L’ADOLESCENCE

suicide Selon Rosenthal (1981), le suicide serait la troisième cause de décès aux
États-Unis et la deuxième chez les jeunes garçons de 15 à 19 ans. Au Québec, selon
les données de Campagna (1982), le suicide est en tête de liste des causes de décès
chez les 15-29 ans lorsqu’on inclut les suicides déguisés en accidents d’automobiles.
Miller (1981) affirme qu’il y aurait probablement cinq fois plus de suicides que le
nombre rapporté, et dix fois plus de tentatives de suicide que de suicides dans
l’ensemble de la population. D’après Jocobinzer (1965), chez les adolescents, le
rapport des tentatives de suicide et des décès par suicide atteindrait plus de 50
contre 1, ainsi aux États-Unis environ un adolescent sur 1000 tenterait de se suicider
entre 12 et 18 ans (Seiden, 1969).

En raison de sa grande importance épidémiologique et de son coût social très


élevé en vies humaines, en services de santé, en perturbations psychosociales, etc.,
le suicide a fait l’objet d’une attention soutenue dans le domaine de la recherche
scientifique depuis quelques décennies. Bien que plusieurs éléments psychologiques
et sociologiques demeurent mystérieux en matière de suicide, il existe maintenant
un certain nombre de phénomène assez bien démontrés sur les plans comporte-
Psychopathologie à l’adolescence 241

mental et épidémiologique; nous en présenterons ici les grandes lignes concernant


l’adolescence.

10.7.1 Le passage à l’acte suicidaire

Le désir réel de se tuer doit susciter une peur intense chez la personne de
sorte que cette peur est probablement un facteur de dissuasion important à l’égard
du suicide. La plupart des individus sont angoissés lorsque approche le moment de
l’acte suicidaire (Rosenthal, 1981) et pour passer concrètement à l’acte, la crainte
normale doit, d’une façon ou d’une autre, être réduite sans que soit abandonné le
projet de se donner la mort. Avant de poser le geste, la personne ressentirait un
profond désespoir en même temps qu’un vif besoin d’agir qui consiste à appliquer «le
seul remède efficace dans la situation», c’est-à-dire le suicide.

Selon Dorpat (1968), la hardiesse face à la mort est souvent facilitée par le
manque de sommeil et la consommation d’alcool, de narcotiques, de sédatifs, d’hal¬
lucinogènes, etc. De telles altérations du degré de conscience ne conduisent certes
pas tous ceux qui les vivent au suicide; d’autres facteurs comme des facteurs biolo¬
giques, sociaux, familiaux et psychologiques déterminent le comportement suici¬
daire.

10.7.2 Facteurs biologiques reliés au suicide

Sur le plan biologique ou physiologique, Gunn (1973) a observé que les


épileptiques étaient particulièrement vulnérables face au suicide. 11 semblerait que le
sentiment d’impuissance causé par une maladie incontrôlable augmente le risque de
suicide (Miller, 1981). Les facteurs biologiques associés au suicide concernent sur¬
tout la perte de la santé physique. Ainsi, à la suite d’une maladie ou d’un accident,
l’adolescent peut devenir handicapé physiquement et perdre courage par rapport à
l’avenir. L’importance ressentie des effets immédiats du problème et le laps de temps
entre l’état handicapé et la réhabilitation peuvent suffire à convaincre le jeune indivi¬
du qu’il est dans une impasse et que la mort pourrait être la meilleure solution.

10.7.3 Facteurs sociaux et familiaux

Sur le plan social, on remarque que les jeunes qui ont des tendances suici¬
daires ont souvent une longue histoire de problèmes psychologiques et sociaux
pouvant inclure des comportements antisociaux (en particulier ceux qui sont mono¬
symptomatiques, c’est-à-dire très spécifiques). La difficulté d’établir des relations
interpersonnelles satisfaisantes est souvent présente chez les suicidaires (Miller,
1981).
242 Chapitre 10

D’après Maxmen et Tucker (1973), il semblerait que les adolescents, dont


déjà un membre de la famille s’est suicidé, seraient beaucoup plus sensibles au
suicide qui leur apparaîtrait comme une solution acceptable à l’impasse dans laquelle
ils se trouvent. Des parents trop impliqués dans la vie de leurs enfants peuvent nuire
à leur épanouissement personnel, restreindre leur développement et ainsi provoquer
rejeté leur suicide. La conviction persistante d’être rejeté par ses parents est souvent
par ses parents ressentie au cours de la période précédant l’acte suicidaire chez les adolescents.
Selon Petzel et Riddle (1981), plusieurs études émettent l’hypothèse que les jeunes
suicidaires vivent dans un contexte familial plus désorganisé que les autres ou qu ils
ont de la difficulté à établir des relations familiales adéquates ou encore qu’ils vivent
les deux situations. La plus grande désorganisation peut être causée par la perte
d’un parent, un conflit familial, des problèmes de santé, des attitudes négatives dans
la relation parents-enfants. Des modes de communication et des principes discipli¬
naires parentaux inadaptés aux besoins de l’adolescent ont aussi été relié au suicide
adolescent. Psychologiquement, le suicide adolescent ne résulte généralement pas
d’une impulsion à la suite d’un chagrin d’amour ou autre, mais est souvent le point
d’achèvement d’une lutte prolongée et perdue contre des difficultés personnelles.
Souvent des relations familiales perturbées, le rejet des parents et l’absence d’un
support interpersonnel satisfaisant dans le réseau social immédiat font partie du
monde personnel de l’adolescent suicidaire (Weiner, 1980). Une déception impor¬
tante peut certes provoquer l’action suicidaire mais seulement dans le cas où la
personne est préalablement vulnérable. Petzel et Riddle (1981) résument les facteurs
les mieux connus des causes de suicide chez les jeunes (voir le tableau 10.6).

10.7.4 Facteurs sociaux plus spécifiques

Les adolescents suicidaires semblent avoir des relations interpersonnelles


intenses mais instables, ils ont aussi de la difficulté à supporter la solitude (Crumley,
1979). Ils sont souvent décrits comme isolés socialement, retirés, seuls et rejetés.
Pour certains adolescents, une augmentation du retrait social et de comportements
asociaux peut apparaître peu avant la tentative de suicide, alors que pour d’autres
ce retrait accru peut apparaître longtemps avant (Jacobs, 1971). La perte d’une
personne chère (ami, parent), ou la menace d’une séparation accompagnée d’une
forte réaction personnelle a souvent été considérée comme facteur précipitant du
suicide.

De nombreuses études de cas rapportées par Petzel et coll. (1981) associent


le suicide adolescent à l’expérience de problèmes sexuels, comme une inhibition
sexuelle, des conflits associés à l’homosexualité, l’exercice de la sexualité comme
moyen de rapprochement social, des avances sexuelles du père, une grossesse non
désirée, la promiscuité sexuelle, une confusion à l’égard de l’identité sexuelle per¬
sonnelle, etc.
Psychopathologie à l’adolescence 243

TABLEAU 10.6. Résumé des faits pertinents à l’étude du suicide chez les jeunes*

1. Les conflits familiaux ont été positivement identifiés dans les antécédents des adolescents suicidaires comme facteurs précipitants
majeurs dans leur comportement autodestructeur. Il semble que la nature plutôt que l’envergure de tels conflits soit particulièrement
significative.
2. Les rôles joués par chaque parent (comme modèle d’identification) affectent probablement les adolescents suicidaires de façon
différente, la mère ayant une influence significative.
3. La jeune fille suicidaire semble particulièrement distante envers ses parents.
4. Le suicide au sein des familles a un impact en tant que facteur d’augmentation du risque de suicide chez les autres membres
(particulièrement chez les plus jeunes). Ainsi il importe donc en matière de santé mentale de continuer les recherches et la
prévention.
5. Au moment de la perte d’un parent, l’âge de l’enfant peut constituer un facteur plus déterminant dans le comportement suicidaire
que les circonstances ou les causes de la perte du parent (maladie, accident, suicide).
6. Les pensées suicidaires ne sont pas nécessairement présentes chez tous les adolescents.
7. Les difficultés à l’école semblent constituer plus souvent un problème pour les filles que pour les garçons tant chez les adolescents
suicidaires que chez ceux qui continuent à faire des tentatives par la suite.
8. Un isolement social relatif semble être une caractéristique davantage présente chez les filles et les garçons qui font des tentatives
répétées de suicide et le réussissent à la longue ou à la première tentative.
9. Les adolescents qui abusent des drogues présentent un risque plus élevé que les autres, mais ils ne constituent qu’une petite
proportion de ceux qui tentent de se suicider.
10. En ce qui a trait aux comportements suicidaires à l’adolescence, on n’a pas observé d’effet direct du lieu de résidence, de l’emploi ou
des conditions économiques, mais pour les 12-18 ans une mobilité géographique accrue y serait reliée.
11. Les médias ne semblent pas avoir d’influence précise sur le comportement suicidaire quoique selon certaines études, on remarque
une baisse des suicides chez les filles lorsque les journaux leur sont moins accessibles.
12. En temps de guerre les risques de suicide semblent plus élevés chez les garçons.
13. La dépression adolescente est probablement associée à un risque accru en faveur du comportement suicidaire, particulièrement des
comportements suicidaires récurrents. Cependant, l’identification du rôle de la dépression a été rendu plus difficile par les contro¬
verses sur la nature de la dépression à l’adolescence.
14. Il n’y a pas de ligne directrice claire dans les catégories diagnostiques formelles pour les adolescents suicidaires.
15. Pour les adolescents, l’interaction de la maladie physique et d’autres facteurs comme le sexe, les rôles sexuels, un désordre
émotionnel, le moment de la vie, l’apparence des symptômes peuvent devenir une source de motivation pour le comportement
suicidaire.
16. Le rôle de l’apprentissage dans le développement du comportement suicidaire a été sous-estimé.
17. Plusieurs problèmes scolaires, familiaux, sociaux ainsi que d’autres facteurs motivationnels peuvent être caractéristiques de pertur¬
bations émotionnelles à l’adolescence plutôt que typiquement reliés aux comportements suicidaires.
18. Il y a suffisamment de différences entre les sexes pour recommander la considération séparée des garçons et des filles suicidaires à
l’adolescence.
19. On recommande une étude plus approfondie des effets du milieu scolaire sur le suicide à l’adolescence et l’inclusion du suicide
comme thème abordé dans la formation des futurs enseignants au niveau secondaire.
20. L’utilisation plus générale de techniques psychométriques dans l’étude du suicide à l’adolescence pourrait préciser le profil de la
personnalité et les caractéristiques affectives distinctives des jeunes suicidaires.
21. Afin de contrer le suicide, une attention accrue pourrait être consacrée à la trop grande disponibilité de moyens efficaces de se
donner la mort (certains médicaments prescrits, les armes à feu, etc.).
22. L’identification des facteurs psychosociaux associés à l’étiologie des comportements suicidaires à l’adolescence pourrait devenir
plus spécifique si l’on accordait davantage d’attention à l’influence et à l’interaction de facteurs multiples comme le sexe, les
événements vécus, la puissance des comportements autodestructeurs et l’adaptation émotionnelle générale.

• Source: Ce tableau a été élaboré à partir de données américaines traduites par l'auteur du présent ouvrage et reproduit avec la permission de
l’éditeur de:
PETZEL, S.V. et RIDDLE, M. «The interlocking psychologies of suicide and adolescence». Adolescent Psychiatry. Vol. IX: Develop-
mental and Clinical Studies (S.C. Feinstein, J.G. Looney, A.Z. Schwartzberg et A.D. Sorosky, dir ). Chicago: üniversity of Chicago
Press, 1981, chap. 23, p. 343-398.
244 Chapitre 10

Par rapport à l’école, les problèmes de rendement académique ont été les
facteurs de stress le plus fréquemment associés au suicide à 1 adolescence. 1 échec
scolaire répété, les changements fréquents d’institution, la pression des parents
pour que l’adolescent obtienne de meilleurs résultats (Jacobs, 1971; Petzel et coll.
1981).

10.7.5 Facteurs familiaux plus spécifiques

Marks et Haller (1977), comparant la situation familiale d’adolescents suici¬


daires et d’adolescents perturbés sur le plan émotionnel (mais non suicidaires), ont
observé que chez les garçons suicidaires on trouvait davantage de mères abusant de
l’alcool ainsi qu’un plus grand éloignement du père pendant 1 enfance. Les filles
suicidaires, plus que les perturbées émotionnelles, avaient vécu de façon plus dis¬
tante de leurs deux parents, la distanciation par rapport au père était encore plus
marquée celui-ci étant souvent perçu comme froid, critique, et effrayant. Maxmen et
Tucker (1973) ont montré que le fait d’avoir un parent suicidé rendait les adolescents
particulièrement vulnérables face au suicide. En effet, chez les adolescents qui ten¬
tent ou réussissent un suicide, on constate que, dans une proportion de 10 à 15 %
(Crumley, 1979), il y a une incidence familiale (parents ou fratrie) de comportements
suicidaires.

10.7.6 Facteurs reliés à la personnalité

Sur le plan personnel, l'adolescent suicidaire est décrit comme triste, dépri¬
mé, autopunitif, et s’estimant émotif, socialement vulnérable, réagissant fortement à
la perte et à la séparation, plus irritable que les autres, éprouvant de la difficulté à
contrôler ses moments de colères et affichant parfois de «l’acting out»6 (Marks et
Haller, 1977; Crumley, 1979).

Sur le plan intellectuel, les adolescents suicidaires auraient au moins une


intelligence moyenne et leur apparence générale serait peu attirante socialement
(Petzel et coll., 1981).

10.7.7 Distinctions entre filles et garçons

Trois différences importantes ressortent habituellement des études statisti¬


ques sur le suicide: 1) il y a plus d’hommes que de femmes qui se suicident. Au
Québec, aux États-Unis et dans la plupart des pays de l’Europe occidentale, selon
Schneidman (1975) et Campagna (1982), la proportion est de trois contre un; 2) par
contre, plus de femmes que d’hommes font des tentatives de suicide (dans un
rapport de 3 à 1) et, selon Rosenthal (1981), probablement dans un rapport de 4 à 1

(6) L’expression «acting out» signifie ici la tendance à passer à l’acte, à agir conformément à ses pulsions.
Psychopathologie à l’adolescence 245

pendant l’adolescence, 3) les moyens utilisés pour l’acte suicidaire diffèrent selon le
sexe.

Dans plusieurs études on a observé que chez les femmes, les tentatives de tentatives
suicide sont plus souvent provoquées par des problèmes relationnels significatifs. Il de suicide
apparaît que les sujets qui tentent de se suicider ont plus de liens interpersonnels
que ceux qui réussissent (Peck, 1977; Rosenthal, 1981), ce qui expliquerait partiel¬
lement le fait que davantage d’hommes réussissent à s’enlever la vie même si les
tentatives sont plus nombreuses chez les femmes. Ces dernières auraient plus de
raisons de demeurer en vie malgré le désespoir, elles auraient aussi plus de possibili¬
tés de se faire aider que les hommes.

Selon madame Suter (1976), une tentative de suicide au cours de laquelle


l’individu ne veut pas vraiment mourir est un signe de désespoir face à ses propres
moyens d’adaptation mais qui comporte aussi un désir d’être aidé par d’autres.
Partant, la tentative de suicide serait un acte particulièrement «féminin» par rapport
à notre culture car elle implique un sentiment d’impuissance associé au désir d’être
sauvé par quelqu’un. Selon la même culture, le suicide serait plutôt un acte «mascu¬
lin» en ce sens qu’un homme ne doit pas se faire aider ou espérer se faire secourir s’il
a échoué dans son adaptation. Rosenthal (1981) estime que l’homme, plus que la
femme, veut réussir son suicide parce que non seulement un échec le ramènerait à
cette vie intolérable, mais il lui imposerait une image de lâche et de perdant jusque
dans ce geste ultime: «j’ai raté ma vie, et même ma mort». La femme ne serait pas
aussi influencée par cette crainte d’être perçue comme lâche; elle aurait moins peur
de faire face aux autres après une tentative de suicide.

Cette influence de la culture occidentale sur les comportements suicidaires


distincts selon les sexes féminin et masculin serait appuyée par les statistiques de Lin
(1969) qui démontrent qu’au Japon où le suicide est culturellement valorisé tant
chez les femmes que chez les hommes dans certaines circonstances, le taux de
suicide des femmes est proche de celui des hommes.

Il y aurait aussi une différence reliée au sexe quant aux moyens utilisés dans moyens utilisés
la tentative de suicide. De façon générale, les hommes auraient tendance à choisir
des moyens plus radicaux que les femmes (pendaison et arme à feu plutôt que
surdosage, empoisonnement, etc.) ce qui expliquerait, au moins en partie, 1 inci¬
dence beaucoup plus grande de la mort chez les hommes même dans une propor¬
tion moindre de tentatives.
246 Chapitre 10

AUTO-ÉVALUATION

1. Le caractère transitoire de ce qui se vit à l’adolescence pose des difficultés psychodiagnostiques beaucoup plus aiguës pendant cette
période qu’à l’âge adulte.

a) Vrai
b) Faux

2. Un syndrome correspond à:

a) Un symptôme typiquement associé à une affection donnée;


b) un ensemble de causes entraînent une maladie mentale;
c) une série de symptômes typiquement associés à une catégorie d’affection.

3. Plusieurs études ont démontré que les cliniciens s’entendent bien entre eux lorsqu’il s’agit de différencier des catégories larges de
problèmes, mais s’accordent beaucoup moins bien pour différencier des catégories diagnostiques plus étroites.

a) Vrai
b) Faux

4. Parmi les éléments suivants, identifiez les facteurs reconnus comme susceptibles de faire varier le psychodiagnostic au moment d’une
consultation clinique.

a) La théorie utilisée pour interpréter les données psychodiagnostiques;


b) les instruments utilisés pour l’examen clinique;
c) l’état civil du client;
d) l’importance relative accordée aux symptômes;
e) le degré de scolarité du patient.

5. L’approche écologique du comportement considère que le trouble psychique est une maladie comme les autres devant être
diagnostiquée afin de traiter la personne pour éventuellement la guérir de sa maladie.

a) Vrai
b) Faux

6. L’approche de l’apprentissage ne présente pas un problème comme l’énurésie de la même façon que l’approche psychodynamique.
Identifiez parmi les propositions suivantes celles qui relèvent de l’approche de l’apprentissage face au problème de l’énurésie:

a) L’énurésie est le symptôme d’une perturbation émotionnelle dans la majorité des cas;
b) le traitement approprié de l’énurésie est l’apprentissage du contrôle des sphincters à l’aide d’un appareil aidant le sujet à se rendre
compte qu’il mouille son lit;
c) l’énurésie est une carence d’habitude de contrôle des sphincters de la vessie;
d) la cause de l’énurésie est ordinairement l’absence des conditions nécessaires pour acquérir un contrôle approprié des sphincters;
e) le traitement approprié de l’énurésie est la psychothérapie afin d’éliminer la perturbation émotionnelle sous-jacente;
f) l’énurésie est ordinairement causée par un conflit psychologique ou le stress.

7. L’idée que les troubles psychiques spécifiques donnent lieu à des symptômes distincts est sans doute à la base du maintien de l’intérêt
pour développer des systèmes de classification diagnostique plus valides.

a) Vrai
b) Faux

8. Le DSM III constitue la nomenclature récente la plus répandue dans les milieux cliniques; il se consacre spécifiquement à la
psychopathologie de l’adolescence.

a) Vrai
b) Faux
Psychopathologie à l’adolescence 247

9. Décrivez trois problèmes psychologiques apparaissant habituellement pendant l’enfance ou l’adolescence.

10. Une des particularités psychodiagnostiques les plus frappantes à l’adolescence (selon Weiner et Del Gaudio, 1976) provient de la
petite proportion de diagnostics «désordre situationnel» qui contraste avec la grande proportion que l’on trouve chez les adultes.

a) Vrai
b) Faux

11. À partir des données de Weiner et coll. (1976), ordonnez les diagnostics suivants selon un ordre décroissant de fréquence pour
l’ensemble des adolescents.

a) Désordre de la personnalité;
b) schizophrénie;
c) névrose.

12. On a observé qu’il y a beaucoup moins d’accord entre les diagnostics répétés (pour un même cas) pour la catégorie «désordre de la
conduite» que pour «schizophrénie» (Weiner et coll. 1976). Choisissez la proposition la plus plausible pour expliquer cette tendance.

a) Lors du premier diagnostic, le clinicien connaît mal le patient;


b) lors de la première consultation, on laisse davantage «la chance au coureur» en évitant les diagnostics lourds;
c) les connaissances cliniques du professionnel s’améliorent d’une consultation à l’autre;
d) le diagnostic «désordre de la conduite» est moins facile à faire que le diagnostic «schizophrénie».

13. On a observé dans l’État de New York que les cliniciens de bureaux psychiatriques privés auraient tendance à émettre des
diagnostics moins graves que ceux des autres milieux cliniques (c’est-à-dire des hôpitaux et des cliniques externes).

a) Vrai
b) Faux

14. À l’adolescence, les garçons et les filles ne se distribuent pas exactement de la même façon parmi les catégories diagnostiques.
Identifiez les énoncés qui sont vrais parmi les suivants:

a) Il y a plus de névroses chez les garçons;


b) il y a plus de tentatives de suicide chez les filles;
c) il y a plus de névroses chez les filles;
d) il y a plus de désordres de la personnalité chez les garçons;
e) il y a plus de désordres de la personnalité chez les filles.

15. À l’adolescence, on a observé une plus forte incidence des consultations psychiatriques chez les filles.

a) Vrai
b) Faux

16. Pour l’ensemble de la population, la schizophrénie est la plus fréquente des maladies mentales sérieuses: aux États-Unis, près de la
moitié des patients psychiatriques sont schizophrènes.

a) Vrai
b) Faux

17. Parmi les propositions suivantes, identifiez les symptômes généralement associés à la schizophrénie chez les adultes et les ado¬
lescents.

a) Capacité réduite de penser de façon cohérente;


b) habileté accrue à raisonner de façon logique;
c) habileté réduite à établir et à maintenir des relations interpersonnelles gratifiantes;
d) contrôle maximal des sentiments et des impulsions;
e) contrôle affaibli des sentiments et des impulsions.
248 Chapitre 10

18. La schizophrénie qui débute pendant l’adolescence présente, moins souvent que celle qui commence à l’âge adulte, des manifesta¬
tions mixtes où les symptômes courants sont voilés par d’autres problèmes.

a) Vrai
b) Faux

19. Deux groupes de symptômes mixtes ont été plus fréquemment associés au début de la schizophrénie adolescente. Identifiez ces
deux groupes parmi les propositions suivantes.

a) Des symptômes obsessifs avec un souci excessif à l’égard de la propreté;


b) une augmentation de l’intérêt pour les relations sociales;
c) des problèmes de comportements antisociaux;
d) des symptômes de déviation sexuelle avec hypertension;
e) des symptômes de dépression avec des sentiments de désespoir.

20. On a observé que les adolescents qui n’ont que peu d’amis qu’ils voient dans un but de profit personnel plutôt que de réciprocité,
tendent plus souvent vers la schizophrénie que les autres adolescents qui n’ont pas beaucoup d’amis mais vivent avec eux des
relations intimes et réciproques.

a) Vrai
b) Faux

21. On a observé que les adolescents affichant des comportements antisociaux dirigés contre leur famille tendaient plus souvent vers des
«désordres de la personnalité» alors que ceux affichant des comportements antisociaux dirigés contre la collectivité (et non pas
contre leur famille) évoluaient plus souvent vers la schizophrénie.

a) Vrai
b) Faux

22. Face à la difficulté posée par les symptômes mixtes dans l’établissement d’un diagnostic valable de schizophrénie à l’adolescence,
Weiner (1970) définit trois facteurs à étudier de plus près. Identifiez ces facteurs parmi les propositions suivantes.

a) L’âge du sujet faisant l’objet du psychodiagnostic;


b) la prédominance de troubles reliés au processus plutôt qu’aux contenus de la pensée;
c) les motivations à la psychothérapie chez le sujet;
d) la présence de préoccupations et d’intérêts anormaux par rapport aux autres adolescents du même âge;
e) la persistance des symptômes caractéristiques de la schizophrénie;
f) la prédominance de troubles reliés aux contenus plutôt qu’au processus de la pensée.

23. Dans la phrase suivante, remplacez les points d’interrogation par la lettre correspondant à la proposition ci-dessous qui convient le
mieux.

La dépression qui se construit peu à peu par l’accumulation subjective des déceptions est appelée (?), tandis que la dépression
survenant à la suite d’une perte identifiable sans qu’il y ait eu d’évolution graduelle est appelée (?)

a) La dépression précipitée;
b) la dépression aiguë;
c) la dépression chronique;
d) la dépression graduelle.

24. Mis à part les cas de perte réelle d’objet, les dépressifs interpréteraient la réalité de façon erronée de trois manières possibles (Beck
1974). Identifiez ces trois schèmes d’interprétation erronée parmi les propositions suivantes.

a) Des impressions négatives de soi non fondées;


b) la perte réelle d’un objet important;
c) des impressions trop positives qui entraînent l’apathie;
d) des attentes négatives invraisemblables face au futur;
e) la perte imaginée d’un objet.
Psychopathologie à l’adolescence 249

25. Pour Seligman (1974), la dépression est le résultat de l’apprentissage de l’impuissance. 11 a observé que le fait de vivre une difficulté
incontrôlable malgré les efforts pour la contrer avait des effets sur le comportement futur. Identifiez trois de ces effets parmi les
propositions suivantes.

a) Baisse des désirs alimentaires, sociaux et sexuels;


b) désir accru de réussir dans le travail;
c) lenteur à apprendre que sa propre action peut aider à résoudre le problème;
d) lenteur à entreprendre une action face à un problème;
e) baisse de l’apathie et de l’inertie face à la nouveauté.

26. Pour Seligman (1974), le moyen privilégié, sinon le seul efficace, pour combattre l’impuissance apprise (c’est-à-dire la dépression) est
de forcer la personne à réapprendre la puissance en la plaçant dans des situations où elle est obligée de constater que son action
amène une récompense.

a) Vrai
b) Faux

27. On a observé aux Etats-Unis que moins de 10 % des patients adolescents rencontrés dans les départements psychiatriques des
hôpitaux étaient généralement diagnostiqués «dépressifs» car les symptômes de tristesse, de dépréciation personnelle, etc. reliés à
cette catégorie diagnostique étaient habituellement très rares chez les adolescents.

a) Vrai
b) Faux

28. Énumérez quatre symptômes de dépression plus typiquement rencontrés à l’adolescence.

29. Aux États-Unis, on a observé que dans tous les groupes d’âges, il y a plus de femmes que d’hommes dont le diagnostic mentionne la
dépression, le rapport atteignant parfois 2 contre 1.

a) Vrai
b) Faux

30. Identifiez parmi les suivants, les éléments qui peuvent cacher la dépression dans les cas de dépression voilée.

a) Comportements antisociaux inhabituels;


b) maintien d’un haut niveau d’activité;
c) recherche constante de solitude;
d) recherche constante du neuf et évitement du «déjà vu»;
e) évitement de la solitude par la présence constante d’amis;
f) recherche d’introspection.

31. Les conduites déviantes dites ««d’appel à l’aide» observées parfois chez les adolescents dépressifs sont souvent effectuées de façon à
se faire surprendre ou à être observé de quelqu’un.

a) Vrai
b) Faux

32. Au Québec, on a observé que le suicide était la première cause de décès lorsqu’on inclut les suicides déguisés en accidents
d’automobiles.

a) Vrai
b) Faux

33. Parmi les sentiments suivants, identifiez ceux qui sont souvent présents avant le passage à l’acte suicidaire.

a) Sentiment d’une crainte intense face à la mort;


b) espoir de trouver une solution par d’autres moyens;
c) sentiment d’un vif besoin d’agir; • • •
250 Chapitre 10

d) sentiment de paix intérieure;


e) sentiment d’un profond désespoir.

34. Chez les suicidaires, la négation de la peur face à la mort est souvent facilitée par le sommeil et par la pleine conscience de la réalité.

a) Vrai
b) Faux

35. On a isolé des facteurs biologiques, sociaux, familiaux et psychologiques en relation avec le suicide à l’adolescence. Identifiez parmi
les propositions suivantes, des facteurs biologiques et familiaux que l’on a mis en relation avec le suicide à l’adolescence (respectez
l’ordre: 1) biologiques; 2) familiaux).

a) La conviction d’être aimé par l’un de ses parents;


b) le fait d’avoir des relations familiales inadéquates;
c) la perte de la santé physique;
d) le fait d’avoir une longue réhabilitation physique à vivre;
e) le fait d’avoir un parent décédé par suicide;
f) le fait de se sentir rejeté par ses parents;
g) un contexte familial plus organisé que les autres.

36. La difficulté d’établir des relations interpersonnelles satisfaisantes est très souvent présente chez les adolescents suicidaires.

a) Vrai
b) Faux

37. Identifiez parmi les propositions suivantes les facteurs qui ont été reliés au suicide chez les jeunes.

a) Une grande distance par rapport aux parents (chez la jeune fille);
b) la dépression à l’adolescence;
c) un réseau social actif;
d) l’absence de conflits familiaux;
e) le fait d’avoir une incidence de suicide dans la famille;
f) des difficultés à l’école (surtout pour les filles);
g) les thèmes suicidaires dans les médias;
h) l'abus des drogues;
i) la présence d’une guerre impliquant le pays (pour les garçons);
j) un isolement social relatif.

38. Parmi les qualificatifs suivants, identifiez ceux qui sont les plus pertinents dans la description de la personnalité de l’adolescent
suicidaire.

a) Triste;
b) invulnérable socialement;
c) sensible à la séparation;
d) moins irritable que les autres;
e) contrôlant mal ses moments de colère. 1

39. Il apparaît que les sujets qui tentent de se suicider ont moins de liens interpersonnels que ceux qui réussissent.

a) Vrai
b) Faux

40. De façon générale, les hommes auraient tendance à choisir des moyens de suicide plus radicaux que les femmes ce qui expliquerait,
au moins en partie, l’incidence plus grande de la mort par suicide chez les hommes.

a) Vrai
b) Faux
Chapitre 11
Les problèmes
d’adaptation
des 12-18 ans

11.1 LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE


11.1.1 Critères de délinquance
11.1.2 Importance du phénomène de la délinquance

11.2 LA DÉLINQUANCE CHEZ LES GARÇONS ET CHEZ LES FILLES

11.3 TYPES DE DÉLINQUANTS

11.4 RELATION ENTRE ADOLESCENCE ET DÉLINQUANCE

11.5 FACTEURS CONTRIBUANT À LA DÉLINQUANCE


11.5.1 La classe sociale
252 Chapitre 11

11.5.2 La famille et la délinquance


11.5.3 Le groupe des pairs et la délinquance juvénile

11.6 L’ABUS DES DROGUES À L’ADOLESCENCE


11.6.1 Drogue et culture
11.6.2 Épidémicité de l’usage des drogues à l’adolescence
11.6.3 Motivations à prendre de la droaue
11.6.4 Explications de la consommation juvénile de drogues
11.6.5 Évolution dans la consommation individuelle de drogues

11.7 PROBLÈMES RELIÉS À L’ALCOOLISME À L’ADOLESCENCE


11.7.1 Épidémicité
11.7.2 Nature et effets de l’alcool
11.7.3 Facteurs associés aux problèmes d’alcoolisme à l’adolescence

11.8 L’OBÉSITÉ À L’ADOLESCENCE

11.9 LE PROBLÈME DES ACCIDENTS À L’ADOLESCENCE

11.10 LE CHÔMAGE CHEZ LE JEUNES

AUTO-ÉVALUATION

11.1 LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE

Le concept de délinquance est essentiellement normatif, c’est-à-dire qu’il


dépend des règles ou des lois qui sont transgressées. Le langage courant attribue le
qualificatif «délinquant» aux jeunes qui ne respectent pas les lois, et qualifie plutôt de
«criminel» l’adulte qui comment un délit. La délinquance juvénile se caractérise par
un comportement antisocial et qui, par conséquent, nécessite une intervention lé¬
gale.

Pourquoi un même délit est-il «criminel» lorsqu’il est commis par un adulte,
«délinquant» lorsqu’il est commis par un «adolescent» et considéré comme une
«bévue» si c’est un enfant de 12 ans qui en est l’auteur? Les notions de maturité et de
responsabilité sont à l’origine de telles distinctions. L’enfant n’est pas tenu respon¬
sable de ses actes devant la loi car il n’a pas la maturité nécessaire pour en assumer
la responsabilité, tandis que l’adolescent n’est pas encore complètement mature
mais peut, au moins partiellement, être tenu responsable de ses actes. Comme les
12-18 ans ne sont pas encore autonomes socialement, la société ne peut pas les
considérer comme de véritables criminels. Cependant, la situation de dépendance
sociale de l’adolescent fait que certains autres types de délits lui sont réservés
lesquels, chez un adulte, ne sont pas considérés comme des infractions légales.
Ainsi, les infractions à la loi chez les jeunes («statute offenses») telles que le vaga¬
bondage, les fugues, l’immoralité, la désobéissance, la promiscuité ou le simple
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 253

flânage pourront sous-tendre des comportements considérés délictuels pour un


jeune mais tout à fait anodins pour un adulte. Or, l’intervention de la loi dans de tels
cas n’a pas toujours des effets positifs. Il semble que lorsque de tels problèmes de
comportement font l’objet d’interventions légales spécifiques, les parents, les voisins
et le personnel enseignant sont encouragés à les soumettre à des cliniques sociales
plutôt que d’essayer de les résoudre eux mêmes (Sandhu et Heasley, 1981). Plu¬
sieurs spécialistes de la justice ont recommandé la décriminalisation des infractions
reliées au statut d’adolescent. Aux États-Unis, Sandhu et coll. résument en cinq
points les motifs d’une telle recommandation:

1. La cour juvénile ne possède ni les ressources, ni les expertises néces¬


saires pour aider les jeunes dont les délits sont reliés à leur statut.
2. Souvent l’emprisonnement des jeunes favorise l’augmentation de la
probabilité de commettre des délits plus graves par la suite.
3. Les délits associés au statut de jeune étant sous la juridiction de la
cour, cela entraîne de la discrimination raciale, sexuelle et économi¬
que.
4. La juridiction de la cour concernant les délits reliés au statut de jeune
permet aux parents et aux divers agents attachés au service de la
jeunesse d’utiliser la cour comme moyen pour se débarrasser des
«indésirables».
5. Les vastes ressources humaines et matérielles utilisées par le système
judiciaire juvénile pour s’occuper des délits reliés au statut devraient
être utilisées pour aider les jeunes qui représentent un danger pour la
collectivité et les biens matériels à mieux s’adapter socialement (San¬
dhu et coll., 1981, p. 88-89).

Donc certains délits commis par les 12-18 ans ne sont pas considérés comme
des crimes parce que leurs auteurs ne sont pas encore des adultes entièrement
responsables de leurs actes, mais certains de leurs comportements sont considérés
comme des délits pour la même raison, c’est-à-dire que les jeunes ne sont pas encore
socialement autonomes et ne peuvent agir comme tels.

11.1.1 Critères de délinquance

Gold et Petronio (1980) définissent l’acte délinquant de la façon suivante: «un


comportement émis par un jeune constituant une violation délibérée de la loi et par
lequel son auteur se sait passible de poursuites judiciaires si l’acte en question est
porté à l’attention d’un agent de la loi1». Cette définition sous-tend l’intention de
commettre un acte illégal et exclut donc les accidents ou comportements considérés

(1) GOLD, M. et PETRONIO, R.J. «Delinquent behavior in adolescence». Handbook of Adolescent Psychology
(J. Adelson, dir ). New York: Wiley, 1980, p. 497. Traduction de l'auteur.
254 Chapitre 11

comme étant passibles de poursuite. Selon cette définition, il n’y a pas que les
comportements illégaux recensés par la police ou par d’autres instances de l’ordre
qui font partie des conduites délinquantes, il y a aussi toutes celles qui sont réelle¬
ment commises. Cela pose le problème de la mesure de l’importance réelle de la
délinquance.

délinquant juvénile Pour qu’un jeune soit socialement considéré comme «délinquant juvénile» et
aidé à ce titre, trois conditions sont ordinairement requises: 1) que le jeune soit
suffisamment mature pour être tenu responsable, au moins partiellement, des actes
antisociaux qu’il a commis; 2) qu’il soit hors du contrôle de ses parents ; et 3) qu’il ait
besoin de contrôle, de support et de rééducation de la part de la société (Newman et
Newman, 1979).

11.1.2 Importance du phénomène délinquance

Légalement, pour qu’un jeune soit reconnu comme délinquant, il faut que son
délit soit rapporté aux instances sociales responsables de l’ordre. Or les statistiques
provenant des cours juvéniles sous-estimeraient de façon assez marquée le nombre
de délits commis réellement. Ainsi une étude américaine effectuée entre 1957 et 1958
où on avait utilisé un questionnaire administré à des jeunes plutôt que les rapports
de la cour ou de la police, indiquait que plus de 80% des adolescents de l’échantillon
considéré avaient, à un moment ou à un autre de leur vie, transgressé des lois
concernant la consommation d’alcool, le code de la route, la protection de l’environ¬
nement, le vol à l’étalage, etc. (Short et Nye, 1957-1958).

Aux États-Unis le taux de délinquance connu du système judiciaire est passé


de 2% environ en 1957 à 3,5% en 1974 (Conger, 1977). En Angleterre, West et
Farrington (1977) rapportent que 30,8% des garçons de la classe ouvrière interrogés
à l’âge de huit ans avaient connu au moins une expérience avec la cour à 21 ans. Au
Québec, le taux d’infraction (délits rapportés) des jeunes et jeunes adultes a doublé
entre 1962 et 1979, passant de 90 à 184 infractions par 100 000 jeunes de 15 à 34 ans
(ministère de la Justice du Québec, 1981).

À quoi peut-on attribuer cette tendance? L’augmentation du taux de délin¬


quance dans les pays industrialisés est-elle attribuable à un système judiciaire trop
souple et à une société plus permissive, comme le veut la croyance populaire? Ou
s’agit-il plutôt d’une «surcriminalisation» due à une police et à un système judiciaire
plus puissants que jamais?

L’importance du phénomène de la délinquance juvénile varie cependant for¬


tement selon la méthode utilisée pour l’évaluer. On a vu que les cas rapportés
constituent un indice qui sous-estime le nombre de délits réellement commis (Vaz et
Lodhi, 1979). D’autres facteurs compliquent aussi l’évaluation précise des taux de
délinquance et les comparaisons entre pays ou entre époques: les policiers et autres
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 255

agents de l’ordre public ne traitent pas tous les délinquants de la même manière
(Chambliss, 1974); les lois et les systèmes judiciaires diffèrent d’un pays à l’autre et
les lois évoluent et modifient considérablement la signification des comportements
délinquants. Par exemple, un jeune surpris à prendre du haschich à Montréal en
1950 aurait sans doute été perçu comme plus dangereux par la police que celui qui
commettrait le même délit aujourd’hui. Parallèlement, l’automobiliste surpris à rou¬
ler à 90 km/h en ville en 1950 n’était probablement pas aussi sévèrement puni que
celui qui commet la même infraction aujourd’hui.

L’existence de plusieurs types de délinquants pose une autre difficulté dans types de délinquants
l’évaluation du phénomène de la délinquance car qualifier tous les délinquants de la
même façon constitue une approche simpliste de la réalité. Selon Maliphant (1979), il
n’est pas valable de classifier les délinquants selon le type d’infraction commise puis¬
qu’une forte proportion de jeunes ne commettent un délit qu’une seule fois et non
par habitude. De même, les sentences ne sont pas utiles pour classer les types de
délinquants puisque les attitudes et pratiques varient d’un juge à l’autre.

Les statistiques croissantes concernant la délinquance juvénile dans les pays


industrialisés doivent donc être interprétées avec des nuances car plusieurs varia¬
bles peuvent les influencer (Coleman, 1980 a; Hindelang, Hirschi et Weis, 1981).
Bien qu’il soit difficile d’évaluer avec précision l’ampleur de la délinquance, celle-ci
demeure toutefois une réalité sociale importante si on en juge par les efforts considé¬
rables déployés pour la combattre (Coleman, 1976; Weinrott, Jones et Howard,
1982). Selon Coleman (1980 a), la délinquance juvénile est le problème le plus
courant et le plus socialement troublant de tous les problèmes de l’adolescence.

11.2 LA DÉLINQUANCE CHEZ LES GARÇONS


ET CHEZ LES FILLES

Il y a plus de garçons délinquants que de filles délinquantes et cette tendance


existe depuis fort longtemps (Lunden, 1964; Griffin et Griffin, 1978; Biron, Gagnon
et Leblanc, 1980). Une croissance plus rapide des cas de délinquance féminine a
toutefois été observée depuis une vingtaine d’années. Aux États-Unis avant 1960, le
rapport de 4 à 1 entre les garçons délinquants et les filles délinquantes était plus ou
moins stable; entre 1965 et 1973, le rapport devient de 3 à 1 en raison de l’augmenta¬
tion plus rapide de la délinquance féminine (Department of Health, Education and
Welfare, 1973). Au Canada en 1960, le rapport garçons-filles était de 10 à 1, alors
qu’en 1977 il était devenu de 5 à 1 (Biron et coll., 1980).

L’évolution plus rapide de la délinquance chez les filles peut être attribuable à
une augmentation réelle du nombre de délits féminins; il est possible aussi que les
usages des organismes chargés de l’ordre social contribuent à ce phénomène en
reconnaissant plus facilement et plus ouvertement qu’auparavant les filles comme
«délinquantes». La figure 11.1 tirée de Biron et coll. (1980) compare la croissance de
la délinquance des jeunes au Canada entre 1960 et 1973.
256 Chapitre 11

Le type de délit commis a aussi été traditionnellement une base de distinction


entre les garçons et les filles. Les infractions impliquant de l’agressivité envers les
personnes étaient considérées comme «masculines», alors que les filles délinquantes
commettaient plutôt des délits non agressifs impliquant des biens ou des usages
quoique depuis quelques années aux États-Unis, on a observé une augmentation des

FIGURE 11.1: Augmentation du nombre de jeunes (garçons et filles) qualifiés «jeunes délin¬
quants*» au Canada de 1960 à 1973**

Indice

1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973

* Par «jeunes délinquants» on entend tout enfant et tout adolescent âgé de moins de 16 ou 18 ans, selon les
lois provinciales (au Québec: 18 ans), qui commet un acte répréhensible par la loi.

** Source: Statistique Canada. Jeunes Délinquants. Ottawa: Statistique Canada, 1973, document n° 85-202.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 257

délits féminins impliquant des comportements hostiles envers les personnes (Griffin
et coll., 1978). Malgré 1 augmentation des délits féminins, les garçons demeurent les
chefs de file de la délinquance juvénile. Le taux plus élevé de violence dans les délits
masculins réflète probablement une attitude plus permissive de la société à l’égard
des comportements des garçons, tandis que les taux plus élevés de fugues chez les
filles semblent indiquer que ces dernières perçoivent leur famille comme trop restric¬
tive puisqu’elles tentent plus souvent d’en sortir coûte que coûte (Griffin et coll.,
1978). Les tableaux 11.1 et 11.2 renseignent respectivement sur les types de délits
ayant provoqué l’arrestation des jeunes aux États-Unis en 1975 et au Canada en
1973. Ces deux tableaux indiquent que les garçons et les filles ne sont pas délin¬
quants pour les mêmes motifs.

Ainsi, les données disponibles tendent à démontrer que le type d’infraction


différencie significativement les filles des garçons, les premières étant davantage
sujettes aux infractions reliées à leur statut (immoralité, incorrigibilité, fugues, etc.).
La participation féminine à toutes les formes de délinquance a cependant tendance à
s’accroître notamment en ce qui a trait aux fautes traditionnellement masculines.

Mais dans quelle mesure cette évolution de la délinquance féminine est-elle


due à l’évolution des mentalités à l’égard de la femme? «La criminalité des filles criminalité des filles

TABLEAU 11.1: Répartition selon les types de délits ayant provoqué l’arrestation de jeunes
garçons et filles de moins de 18 ans aux États-Unis en 1975*

Description Garçons Filles


du délit

Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage


du nombre total du nombre total
des deux sexes des deux sexes
(%) (%)

Homicide 1 235 90 138 10


Vol qualifié 37 763 93 3 033 7
Assaut contre la personne 25 966 84 4 892 16
Vol avec effraction 191 202 95 10 367 5
Vol sans violence 269 415 71 109 298 29
Vandalisme 93 325 92 7 617 8
Désordre public 84 159 83 16 901 17
Flânerie 79 500 80 19 600 20
Fugue 67 894 43 90 566 57
Autres (sauf infractions routières) 178 923 79 46 299 21

* Source: Fédéral bureau of Investigation. Uniform Crime Reports. Washington, D.C.: Government of Printing Office, 1976, p. 187.
258 Chapitre 11

TABLEAU 11.2: Parution de jeunes* garçons et filles devant la cour selon les délits commis, au Canada en 1973**

Description du Garçons Filles


délit

Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage


du total du total
des deux sexes des deux sexe
(%) (%)

Atteintes à la liberté individuelle: 1 591 81 372 19


voies de fait (sauf attentat à la
pudeur), délit sexuel, négligence
criminelle, autres.

Infractions à la propriété 8 828 95 507 5


(avec violence): introduction avec
effraction, vol qualifié, autres.

Infraction à la propriété 12 222 80 3 076 20


(sans violence): vol, recel, autres.

Infraction à la loi sur 389 40 578 60


les jeunes délinquants: immoralité,
incorrigibilité, fugue, autres.

Infractions à la loi 943 85 166 15


sur les stupéfiants

Infractions au code 3 402 90 390 10


de la route.

Infractions à la loi 3 251 60 2 177 40


sur les spiritueux

* Par «jeunes délinquants» on entend tout enfant et tout adolescent âgé de moins de 16 ou 18 ans, selon les lois provinciales (au Québec: 18
ans), qui commet un acte répréhensible par la loi.

** Source: Ce tableau a été élaboré à partir des données de:


Statistique Canada. Jeunes Délinquants - 1973. Recueil statistique de justice pénale du Canada. Ottawa: ministère du Solliciteur
général, 1977, p. 102.

est-elle différente de celle des garçons et les réactions à la criminalité des filles
sont-elles différentes des réactions à la criminalité des garçons? Le problème reste
entier* 2.»

Par ailleurs Gagnon et Biron (1979) rapportent qu’au Canada plus de 90% des
jeunes délinquants sont amenés devant le tribunal à partir d’une plainte de la police

(2) BIRON, L., GAGNON, R. et LEBLANC, M. La Délinquance des tilles. Rapport n°3. Montréal: Université de
Montréal, Groupe de recherche sur l’Inadaptation juvénile, 1980, p. 110.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 259

mais que dans la proportion restante, la plainte provient du milieu familial plus
souvent quand il s’agit des filles que quand il s’agit des garçons.

Existe-t-il des procédures judiciaires spécifiques pour les garçons et pour les procédures judiciaires
filles? Biron et coll. (1980) observent qu’au Canada depuis 1962, malgré une ten¬
dance à rapprocher le traitement des garçons avec celui des filles dans le cas de
délits semblables , on a plus souvent recours pour les filles au placement en institu¬
tion spécialisée. Pourquoi, toute proportion gardée, les filles sont-elles plus fré¬
quemment placées dans des centres d’accueil que les garçons pour qui on a plus centres d’accueil
souvent recours à la liberté surveillée, à l’amende, etc.? Selon ces auteurs, il est
possible, compte tenu des types de délits féminins les plus courants, qu’on juge
qu elles aient davantage besoin de protection; on peut aussi se demander comme
Crites (1976) s’il ne s’agit pas là d’une attitude paternaliste reflétant un «double
standard»3 légal?

11.3 TYPES DE DÉLINQUANTS

11 existe des différences individuelles considérables au sein de la population


qualifiée délinquante. Un consensus est apparu concernant la nécessité de dévelop¬
per une typologie de la délinquance juvénile, partant il y a eu une prolifération des
systèmes de classification, certains ne comportant que deux catégories de délin¬
quants, d’autres plusieurs basées sur de multiples facteurs. Selon Griffin et coll.
(1978) aucune typologie particulière n’a jusqu’ici fait l’objet d’un assentiment général
et le besoin d’un système standard demeure. Les systèmes de classifications présen¬
tés plus bas ne constituent que quelques exemples des diverses typologies exis¬
tantes4.

Elkind (1967) distingue trois types de délinquants: a) les perturbés socio-


affectifs ayant connu une socialisation inadéquate ou incomplète; b) les délinquants
qui ne sont appréhendés qu’une seule fois, c’est-à-dire des jeunes qui n’ont pas
vraiment une conduite antisociale habituelle mais qui se sont faits prendre une fois et
qui ne répéteront probablement plus le délit; et c) les délinquants qui répètent les
délits. Selon Elkind, les jeunes de ce dernier groupe proviennent habituellement de
familles où les parents ne respectent pas leurs engagements envers l’enfant. Cette
rupture du contrat social de base n’est alors pas de courte durée, comme cela se
produit dans plusieurs familles d’adolescents. Au contraire, elle se prolonge provo¬
quant un vif sentiment de frustration face aux besoins de base non comblés par les
parents.

(3) Voir le chapitre 6 pour une explication de cette notion concernant la sexualité.

(4) Pour une revue plus détaillée des typologies connues, voir: GRIFFIN, B.S. et GRIFFIN, C.T. Juvénile
Delinquency in Perspective. New York: Flarper & Row, 1978, chap. 5., p. 93-113.
260 Chapitre 11

Newman et Newman (1979) quant à eux proposent cinq types de délin¬


quants: 1) le délinquant psychopathe est caractérisé par une personnalité impulsive,
défiante, sans culpabilité, incapable d’apprendre à partir de l’expérience et incapable
de maitenir des relations interpersonnelles étroites; 2) le délinquant névrotique est
affecté par des conflits psychologiques et son comportement antisocial exprime ses
besoins insatisfaits (d’admiration, de statut, d’aide, etc.) et l’échec parental à main¬
tenir un contrôle adéquat sur son évolution; 3) le délinquant psychotique a un
comportement violent résultant d’un manque de contrôle de ses pulsions et d un
manque de contact avec la réalité affectant ainsi sa perception et son jugement; 4) le
délinquant organique a un comportement antisocial provenant soit d un retard men¬
tal qui affecte son jugement et permet ainsi à d’autres délinquants plus intelligents de
le manipuler, soit d’une lésion cérébrale qui dérègle l’activité mentale temporaire¬
ment ou de façon permanente; et 5) le délinquant de bande qui s’intégre à une
société marginale avec autant de conformisme que dans la société traditionnelle
mais en opposition à cette dernière (c’est l’identité négative décrite par Erikson
adhésion à la (1959) ou l’adhésion à la contre-culture).
contre-culture
Plusieurs auteurs utilisent le degré de récidive comme moyen de catégoriser
les délinquants selon deux types: les délinquants qui n’ont commis qu'un seul délit et
ceux qui en ont commis plusieurs. Au Royaume-Uni, il y aurait environ la moitié des
délinquants qui ne passent en cour qu’une seule fois (Coleman, 1980 a). Gold (1970)
et West et coil. (1977) ont isolé des traits de personnalité spécifiques distinguant
ceux qui vont en cour plusieurs fois de ceux qui n’y vont qu’une fois.

L’importance de distinguer les divers types de délinquants est sous-tendue


par plusieurs travaux empiriques. En effet, la jeune personne qui ne s’engage pas de
façon durable dans la délinquance juvénile a un pronostic de développement per¬
sonnel fort différent. Dans leur étude menée à Montréal auprès de deux échantillons
de garçons (379 cas de cour juvénile et 458 autres jeunes), Fréchette et Leblanc
(1980) relient de la façon suivante le degré d’engagement dans la délinquance et le
développement personnel du jeune:

«Somme toute, si l’on reprend la signification du critère lui-même, c’est-


engagement dans la à-dire la signification du degré d’engagement dans la délinquance, il est
délinquance possible d’affirmer que le fait de commettre de la délinquance peu dura¬
ble et relativement mineure à l’adolescence n’empêche pas la personna¬
lité d’évoluer, de récupérer et éventuellement d’approcher le seuil de
normalité. Le fait de produire une délinquance passablement volumi¬
neuse et grave strictement dans la première moitié de l'adolescence
s’appuie d’une part sur une personnalité qui à ce moment là est assez
lourdement affectée mais, d’autre part, n’empêche pas celle-ci d'entrer,
lors de la deuxième partie de l’adolescence, dans un véritable processus
de restructuration des fonctions psychologiques. Le fait de générer une
délinquance qui, tout en étant continue tout le long de l’adolescence, ne
devient pas toutefois très intense, met en cause une personnalité divisée
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 261

contre elle-même d’une certaine façon, où plusieurs éléments négatifs


continuent de dominer à la fin de l’adolescence mais où une dynamique
dévolution apparaît aussi présente, ce qui finalement donne une combi¬
naison assez incertaine des deux tendances contraires, criminalisation-
socialisation. Le fait de s’engager dans une délinquance abondante,
grave et persistante étouffe la personnalité dans sa dynamique d’évolu¬
tion et la maintient jusqu au seuil de l àge adulte marquée par des ca¬
rences psychologiques et sociales profondes et dangereusement sta¬
bles.»5

Conger (1977) de son côté définit deux types de délinquants, le type «sociolo¬
gique» et le type «individuel». Au premier type est associé une «contre-culture»
familiale et collective qui façonne l’individu en l’opposant à la société; pour le délin¬
quant «sociologique», le comportement antisocial est la norme et il est légitime de
s opposer à la police et aux autres forces en autorité afin de survivre. Selon lui, le
comportement délinquant fait partie des rares moyens dont disposent les classes
défavorisées pour se procurer le nécessaire. Ce type de délinquant semble corres¬
pondre au «délinquant de bande» de Newman et coll. (1979). Quant au délinquant
«individuel», il évolue dans une famille qui désapprouve ses comportements antiso¬
ciaux et le plus souvent il est en conflit avec ses parents.

Fréchette (1976) a mené une étude auprès de 470 garçons âgés de 14 à 17 ans
s’étant déjà présentés à la Cour du bien-être social du Québec, et a isolé deux styles
de délinquance: «le premier, que l’on peut qualifier de «dysocial» se traduit par la
prédominance de la recherche d’excitation, du déroulement impulsif, du goût de
l’aventure ou de l’exploit et, en définitive, du caractère plutôt ludique de l’agir [...]; le
second, que l’on peut qualifier «d'antisocial» réfère à une orientation plus stricte¬
ment criminelle, comportant une volonté d'efficacité, une exécution rationnelle et
technique ainsi que la poursuite du gain maximum, et a avant tout une signification
utilitaire6». L’auteur note que l’échantillon se répartit assez également entre les deux
styles de délinquance. Cette proportion est sensiblement la même que celle avancée
par Coleman (1980 a) au Royaume-Uni entre les jeunes qui ne passent en cours
qu’une seule fois (50 %) et ceux qui récidivent, et celle de Fréchette et coll. (1980) au
Québec.

Les nombreuses catégories établies afin de classer les délinquants témoi¬


gnent du besoin de différenciation au sein de la notion de délinquance. En effet il ne

(5) FRÉCHETTE, M. et LEBLANC, M. Pour une pratique de la criminologie: configurations de conduites


délinquantes et portraits de délinquants. Montréal: Université de Montréal, Groupe de recherche sur l'ina¬
daptation juvénile, 1980, p. 136-137.

(6) FRÉCHETTE, M. Le Diagnostic et le pronostic de la délinquance grave. Rapport d’étape non publié du
Groupe de recherche sur l'inadaptation juvénile. Montréal. Décembre 1976, p. 75.
262 Chapitre 11

semble pas possible de considérer tous les délinquants de la même façon. La grande
variété de typologies fait cependant surgir des problèmes de signification des «éti¬
quettes» et laisse pressentir un besoin de standardisation des systèmes de classifica¬
tion en matière de délinquance juvénile.

11.4 RELATION ENTRE ADOLESCENCE


ET DÉLINQUANCE

Pourquoi y a-t-il plus d’infractions aux lois pendant l’adolescence qu’avant ou


après l’adolescence? Le tableau 11.3 fournit la répartition selon l’âge des arrestations
juvéniles aux États-Unis en 1975. On peut y noter une forte augmentation des
arrestations chez les sujets à l’approche de la puberté (vers 12-14 ans) et le maintien
des taux plus ou moins stable jusqu’à 18 ans. Notons que le tableau 11.3 rapporte les
arrestations arrestations et n’inclut pas les délits commis réellement qui n’ont pas été surpris par
la police.

TABLEAU 11.3: Arrestations de juvéniles aux États-Unis en 1975 selon l’âge*

Âge Pourcentage du total des arrestations


chez les moins de 18 ans
(%)

10 ans et moins 3,8


11-12 ans 7,7
13-14 ans 23,0
15 ans 19,7
16 ans 23,0
17 - 18 ans 22,8

* Source: Ce tableau a été traduit et adapté par l’auteur à partir des données fournies par:
Fédéral Bureau of Investigation. Unilorm Crime Reports: 1975. Washington, D.C.: Government
Printing Office, 1976, p. 188.

O’Malley, Bachman et Johnston (1977) ont mené une enquête longitudinale


auprès d’un échantillon de garçons depuis le secondaire IV (17-18 ans environ)
délits révélés jusqu’à l’âge de 23 ans. Selon leurs données, le taux de délits révélés par les jeunes
augmente du début à la fin de l’adolescence et le summum de gravité des délits se
situe à 15 ans. Un même tableau évolutif avait été observé quelques années aupara¬
vant par Gold et Reimer (1975) à partir de données issues de l’interrogation d’un
échantillon représentatif de près de 1400 adolescents américains des deux sexes
âgés de 11 à 18 ans. Le tableau 11.4 renseigne sur l’évolution des délits révélés par
les jeunes entre 11 et 18 ans.

Cette augmentation de la fréquence des délits à l’adolescence est-elle due à la


maturation physique qu’amène l’âge chronologique? Afin d’étudier la relation qui
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 263

existe entre la maturation physique et la délinquance, Gold et Tomlin (1975) ont


enregistré les données sur la maturation squelettique de 298 sujets des deux sexes
âgés de 11 à 18 ans et les délits révélés par ces sujets lesquels ont été classés selon
leur degre de maturation: tardive, normale ou précoce. Si la maturation du corps
était reliée à la délinquance, les sujets précoces seraient les auteurs d’un plus grand
nombre de délits et les sujets lents d’un moins grand nombre. Or à aucun des âges
considérés on n a pu établir un lien entre le développement physique et la délin¬
quance et ce, tant chez les filles que chez les garçons. Les filles et les garçons qui
sont puberes plus tôt ne semblent donc pas commettre plus de délits que ceux dont
la maturation physique est plus lente. Selon Gold et Petronio (1980) ces données
n’excluent pas la maturation comme facteur explicatif de l’augmentation des délits
chez les jeunes de 11 à 18 ans, mais elles portent à croire que l’effet de la maturation

TABLEAU 11.4: Fréquences moyennes des délits annuels révélés* par les jeunes américains
des deux sexes âgés de 11 à 18 ans**

: filles

: garçons

* L'expression «délits révélés» désigne les infractions que les répondants au cours des enquêtes ont dit avoir
commises; il ne s’agit pas nécessairement de délits connus des agents de l’ordre public.

** Source: Ce tableau a été redessiné et adapté par l'auteur à partir des données de:
The Netlonel Survey of Youth. 1972.
et par:
GOLD, M. et REIMED, D.J. «Changlng patterns of délinquant behavior among Amerlcans 13
through 16 years old: 1967-1972». Crime end Dellnquency Lltereture. 1975, vol, 7, p. 483-517,
264 Chapitre 11

changements de rôles sur la délinquance peut dépendre des changements de rôles à 1 adolescence et des
à l’adolescence réactions de l’entourage des jeunes à cet égard. Ces auteurs ont démontré que la
relation entre l’âge et la fréquence des délits était fortement diminuée si on annule
l’effet spécifique d’autres variables. Ainsi, le nombre de rendez-vous hétérosexuels
serait en relation avec le nombre de délits, de même que le fait d avoir une morale
permissive à l’égard des actes déviants (par exemple: «ce n est pas grave de mentir
sur son âge afin de pouvoir entrer dans un endroit réservé aux adultes»; «ce n’est
pas grave de voler dans un grand magasin qui fait tant de profits», etc.). Lorsque
Gold et coll. (1980) ont enlevé l’effet de telles variables par un procédé statistique, la
relation âge-fréquence des délits diminue considérablement. Cette étude indique
donc que ce n’est pas l’âge comme tel qui provoque une augmentation de la fré¬
quence des délits à l’adolescence, mais plutôt les changements qui, au cours de cette
période, se produisent dans les rôles sociaux et les attitudes morales.

11.5 FACTEURS CONTRIBUANT A LA DÉLINQUANCE


causes Quelles sont les causes de la délinquance? Chacun de nous possède sa
de la délinquance propre explication de la délinquance mais les croyances populaires sur les causes du
crime ne sont pas toujours confirmées par les investigations scientifiques. En 1968, le
gouvernement américain a mené une enquête auprès de la population en demandant
aux répondants: «Quelles sont les principales raisons pour lesquelles les gens de¬
viennent criminels?» Le tableau 11.5 donne la liste des raisons formulées à cette
époque. Cinquante-neuf pour cent des répondants ont mentionné «des parents trop
permissifs», c’est de loin le motif le plus fréquemment invoqué. Dans quelle mesure
ces raisons seraient-elles différentes aujourd’hui? Il semble que les gens continuent
d’associer la délinquance à la qualité de la vie familiale, à la drogue, à l’éducation et
aux mass-médias (Griffin et coll., 1978). Nous allons sommairement étudier la contri¬
bution de certains de ces facteurs telle qu’évaluée par des travaux scientifiques.

11.5.1 La classe sociale

Les chercheurs ont traditionnellement observé plus de délinquance juvénile


dans les classes défavorisées que dans les classes moyennes ou aisées (Shaw et
McKay, 1942; Lefrançois, 1981). Ce déséquilibre social peut cependant être en
partie attribuable à de la discrimination de la part des agents de l’ordre et du système
judiciaire à l’égard des classes défavorisées (Vaz et coll., 1979): il semble que les
délinquants des classes moyennes et aisées soient moins fréquemment appréhendés
que ceux des classes défavorisées (Lefrançois, 1981). Ainsi le comportement réel
des jeunes des différentes classes ne serait donc pas aussi distinct que les taux
d’arrestations pourraient le laisser croire.

Pour Elkind (1967), la délinquance ne concerne pas seulement les classes


défavorisées car souvent la délinquance manifeste dans les classes moyennes consti-
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 265

TABLEAU 11.5 «Pourquoi devient-on criminel?» Principales raisons invoquées par la popula¬
tion américaine en 1968*

Raisons invoquées Pourcentage de mention**


(%)
Parents trop permissifs
59
Mauvais environnement
16
Pauvreté
16
Chômage
12
Manque d’éducation
12
Manque de sens moral chez les jeunes 12
Alcoolisme
10
Drogue (narcotiques) 10
Familles brisées
9
Manque de loisirs pour les jeunes 9
Pour le plaisir
9
Parce qu’on est gâté et qu’on en a trop 7
Aide sociale excessive 7
Manque de religion 7
Indulgence des cours de justice 5
Epoque trop turbulente 4
Violence à la télévision 4
La maladie mentale 3
La police n’est pas assez libre d’agir 3
Autres motifs 8
Indécis 3

* Source: GRIFFIN, B.S. et GRIFFIN, C.T. Juvénile Delinquency in Perspective. New York: Harper & Row,
1978, p. 244. Traduction et adaptation de l'auteur.
Le total dépasse 100 % car certains répondants mentionnaient plusieurs raisons.

tue une réaction à «l’exploitation parentale». Une des multiples formes de cette exploitation parentale
exploitation parentale consiste à fixer au jeune des objectifs irréalistes pour lui
comme pour se prouver à eux-mêmes leur grande valeur. Cette exploitation peut
aussi transformer le jeune en main-d’oeuvre à bon marché assigné à des tâches trop
ardues. 11 y a aussi les parents pour qui toutes les fautes de leur jeune servent à
démontrer par contraste leur propre intégrité. Devant de telles attitudes, les jeunes
peuvent réagir et rejeter les normes déformées que leurs parents leur proposent.

Pour Elkind, de tels enfants, par rapport à leurs parents, sont un peu comme
des employés d’usine face à des patrons qui ne respectent pas la convention collec¬
tive. Différentes options s’offrent alors aux travailleurs: quitter leur emploi, faire la
grève, saboter l’usine ou se soumettre aux demandes illégales des patrons. Parallè¬
lement, les adolescents peuvent quitter le domicile familial, refuser de se conformer
aux exigences parentales, devenir délinquants ou se soumettre tant bien que mal
aux exigences irréalistes de leurs parents.
266 Chapitre 11

Gold et coll. (1980) observent que si plus de 80 % des adolescents américains


admettent avoir commis au moins un acte délinquant pendant les années de 1 ado¬
lescence (la plupart de ces actes sont mineurs), très peu d entre eux sont responsa¬
bles de la plupart des actes de délinquance juvénile. Contrairement à la tendance
selon certaines statistiques, ces auteurs affirment que les adolescents fortement
délinquants («délinquants graves») ne sont pas issus des classes défavorisées ou des
minorités ethniques de façon disproportionnée.

11.5.2 La famille et la délinquance

En tant que premier agent de socialisation, la famille a une influence prépon¬


dérante sur le style et les rôles sociaux adoptés par les jeunes au moment où ils font
leur entrée autonome dans la société; les relations sociales vécues dans la famille
sont prototypiques de toutes celles qui suivront par la suite (Cloutier, 1981). La
résistance plus ou moins grande aux influences sociales afin de maintenir une orien¬
tation personnelle conforme aux valeurs inculquées par la famille est fonction de la
force du moi de l’individu, de son sentiment d’identité personnelle et de sa confiance
en lui-même. Or dans chacun de ces domaines, la famille est intervenue dans le
développement personnel pour contribuer à satisfaire de façon plus ou moins com¬
plète les besoins fondamentaux d’amour, d’acceptation, de sécurité et de confiance
de base. L’influence de la famille est plus grande en bas âge et s’estompe peu à peu
pendant l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, de sorte que lorsque des privations émo¬
tionnelles importantes peuvent avoir un lien causal avec la délinquance juvénile,
c’est au cours de l’enfance qu’elles ont pris racine.

En même temps qu’elle constitue le premier agent de socialisation par les


relations interpersonnelles et les valeurs qu’elle implique en elle-même, la famille en
tant que cellule sociale possède un statut social qui conditionnera fortement le style
de socialisation extra-familiale des enfants. En effet, la classe sociale de l’enfant, son
quartier de résidence, son logement, son école, etc. sont autant de facteurs «hérités»
de la famille.

familles brisées Les familles brisées par la mort, le divorce, la séparation, etc. sont souvent
fonctionnellement déstabilisées et parfois moins aptes à répondre aux besoins déve¬
loppementaux des enfants. Selon plusieurs études, il y a une plus grande incidence
de délinquance juvénile dans ces familles monoparentales que dans les familles
parentales (Chilton et Markle, 1972; Griffin et coll, 1978). Glueck et Glueck (1968)
ont observé d’après leur échantillon que plus de la moitié des délinquants prove¬
naient de familles monoparentales, tandis que seulement 10 % des non-délinquants
étaient issus de telles familles. D’après ces auteurs, 60 % des délinquants ont vécu
un trouble familial quelconque pendant leur enfance comparativement à 34 % chez
les non-délinquants. Certaines recherches ont par ailleurs souligné que les jeunes
enfants (de 3 à 6 ans) sont plus sensibles que leurs aînés à la rupture de liens
parentaux, et que tous les enfants ne sont pas affectés de la même façon par ces
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 267

ruptures familiales, ce qui expliquerait que les frères et soeurs de la majorité des
délinquants ne le sont pas eux-mêmes (Griffin et coll., 1978).

La tension familiale est aussi reconnue comme un facteur contribuant à la tension familiale
délinquance juvénile. Nye (1958) affirmait que le malheur vécu par les enfants issus
de familles où tensions et conflits se côtoient était un meilleur prédicteur de la
délinquance que les familles monoparentales (Glueck et coll. (1968) et Griffin et coll.
(1978) sont du même avis). Ces auteurs observent de plus que les filles seraient plus
sensibles que les garçons aux tensions familiales et que l’on retrace plus souvent ce
facteur dans l’histoire personnelle des délinquants féminins que dans celle des délin¬
quants masculins.

Une discipline familiale inconsistante a souvent été associée au développe¬ discipline familiale
ment de la délinquance juvénile. Dans la relation parent-enfant, la façon dont les inconsistante
parents exercent leur autorité conditionne fortement l’image que se fait l’enfant de
son père ou de sa mère. Si l’enfant ne comprend pas les motifs justifiant les punitions
et les récompenses dispensées par ses parents, il pourra en être troublé surtout si
les parents ne s’accordent pas entre eux sur le type d’intervention, ou si leur attitude
éducative varie constamment. Baumrind (1975) a associé délinquance et inconsis¬
tance disciplinaire dans la famille lorsque l’enfant n’explique les conduites de ses
parents qu’en fonction de leurs caprices personnels, de leur humeur variable; par¬
tant, des parents qui abusent de leur autorité peuvent susciter chez l’enfant le
sentiment d’être traité injustement et ainsi provoquer un réflexe d’auto-défense face
à l’autorité.

Le rejet parental est considéré comme le facteur familial le plus solidement rejet parental
associé à la délinquance juvénile (Gibbons, 1970). Le rejet ouvert et l’hostilité à
l’égard des jeunes détruit le processus d’identification parentale et favorise le déve¬
loppement d’une frustration vivement ressentie par les adolescents. Les apprentis¬
sages des contrôles comportementaux peuvent alors être plus difficiles en l’absence
de modèles et de support parentaux adéquats et les comportements délinquants
peuvent constituer une compensation très attirante aux frustrations découlant de
l’insatisfaction des besoins émotionnels de base.

11.5.3 Le groupe des pairs et la délinquance juvénile


Selon Empey (1975) la vie familiale avec des parents non appropriés peut
susciter un vide dans la vie émotionnelle de certains adolescents rendant ainsi les
jeunes particulièrement susceptibles à la pression exercée par les groupes d’amis.
Ces jeunes manquent de confiance en eux et recherchent une identité en même
temps qu’ils ressentent un vif besoin d’acceptation et de sécurité interpersonnelles;
ils sont alors tout à fait prêts à «échanger» la transgression des normes sociales
(représentées notamment par leurs parents frustrants) contre la valorisation et le
support du groupe des pairs.

Nous avons déjà vu que la délinquance d’une jeune personne avait souvent
ses racines dans l’enfance; ainsi il est peu vraisemblable de considérer le groupe des
268 Chapitre 11

pairs adolescents comme responsable Dès l’enfance le comportement social semble


être un indicateur valable de la délinquance juvénile. Conger, Miller et Walsmith
(1965) ont montré que dès l’âge de 7 ou 8 ans, les futurs délinquants étaient déjà
perçus par leurs professeurs comme moins amicaux, moins responsables, plus im¬
pulsifs et plus opposés à l’autorité; ils étaient moins aimés et moins acceptés de leurs
pairs pendant l’enfance et connaissaient davantage de difficultés académiques que
les autres. Pour tous les âges considérés dans cette étude menée au Colorado par
Conger et coll. (1965), c’est-à-dire de 6 à 18 ans, les délinquants avaient tendance à
avoir une image plus négative d’eux-mêmes, à moins de se respecter eux-mêmes et à
se sentir moins utiles que les autres. Vers 11-12 ans, le rendement académique était
devenu plus variable chez les futurs délinquants, et vers 15 ans on pouvait distinguer
les délinquants des non-délinquants d’après la fréquence des refus de responsabilités
et d’après les conflits plus nombreux avec l’autorité,

groupe des pairs À l’adolescence, le groupe des pairs comme tel aurait donc une influence plus
ou moins grande selon l’histoire de la socialisation pendant 1 enfance. Si le processus
d’acquisition du contrôle de soi n’est pas suffisamment avancé à l’adolescence en
raison d’un retard du développement social pendant l’enfance, et si des conflits et
des tensions ont provoqué des frustrations personnelles persistantes, l’impulsivité,
l’agressivité et la recherche de satisfaction à court terme se manifesteront plus
librement; le groupe des pairs délinquant servira alors de support à l’expression de
ces pulsions ei pourra combler, au moins partiellement, les besoins d’acceptation et
de valorisation non comblés. En bref, l’influence du groupe en matière de délin¬
quance juvénile dépend des individus. Le groupe ne provoquera probablement pas
de problèmes durables de délinquance chez celles et ceux qui, pendant l’enfance,
ont appris l’autocontrôlé et l’usage de l’autonomie dans un contexte de respect et
de valorisation; par contre, il pourra servir de «cellule d’expression» de l’hostilité par
l’appui et la valorisation qu’il apportera à l’égard des éventuels comportements
antisociaux chez celles et ceux qui ressentent de l’hostilité à l’égard d’une société
d’adultes qui les a mal compris et laissés insatisfaits.

La délinquance juvénile est donc le résultat d’une série de facteurs qui ne


peuvent être réduits à un modèle de cause à effet simples. L’histoire familiale, le sexe
et la personnalité semblent être des facteurs très importants qui ne peuvent être
isolés du contexte global de vie de l’individu. La recherche des causes des conduites
antisociales à cette période de la vie doit, pour être valable, englober les multiples
dimensions qui en constituent l’écologie (Coleman, 1980 a).

11.6 L’ABUS DES DROGUES A L’ADOLESCENCE

11.6.1 Drogue et culture


L’usage de drogues dans le but de modifier le degré de conscience n’est pas le
fait d’une époque ou d’une société particulières; on retrace l’utilisation de diverses
drogues dans l’histoire de plusieurs civilisations (Blum, 1969).
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 269

La notion d abus de drogue est d abord culturelle, et comme les cultures


évoluent et se distinguent d une région a I autre, des variations considérables persis¬
tent au sujet de la consommation de substances psychotropes. Par exemple, lorsque
l’usage du tabac est apparu en Angleterre, on l’a d’abord interdit et en Turquie en
1623, ceux qui en faisaient usage étaient condamnés à mort. Dans les années 1920,
la consommation d’alcool était interdite aux États-Unis alors que jusqu’en 1914,
1 usage des opiacés (produits à base d’opium) sans ordonnance y était toléré (Bâtes
et Crowther, 1973). Aujourd hui à Calcutta et à Bombay, les gens peuvent se procu¬
rer et consommer du cannabis sans qu’il soit question d’abus de drogue ou de fléau
social, tandis que dans certains pays islamiques la consommation d’alcool est illé¬
gale.

Plusieurs facteurs conditionnent l’intégration ou le rejet d’une drogue par une


culture. 11 semble que lorsque les effets comportementaux d’une substance renfor¬
cent les normes culturelles déjà existantes, l’acceptation en est facilitée. Par exem¬
ple, Blum (1969) mentionne que la consommation d’alcool a été relativement vite
intégrée dans les sociétés latines qui valorisent l’action et l’expression de la «mascu¬
linité», tandis que le cannabis est plus facilement accepté dans les sociétés où le
calme et les comportements plus discrets sont valorisés.

D’autre part, si une drogue vient combler un besoin commun ou atténuer une
peine sociale, elle aura plus de chance d’être intégrée. Les Indiens du Pérou par
exemple, avaient l’habitude de prendre de la coca pour combattre la faim et la
fatigue dans leurs froides régions montagneuses. Aux États-Unis et au Canada, la
cocaïne, quoique illégale, est devenu un produit très estimé dans certaines profes¬
sions où la bonne humeur, les bonnes idées et l’efficacité sont essentielles.

L’évolution des usages en matière de types de drogues à la vogue est très éuolution des usages
rapide. Inciardi (1980) décrit comme suit l’évolution des modes de drogues au cours
des vingt dernières années dans les grandes villes américaines: au cours des années
60, la marijuana et le LSD dominaient; au début des années 70, ils ont été remplacés
par la «methaqualone» et la cocaïne qui ont ensuite laissé place au PCP («peace pill»
ou plus formellement Phencyclidine); depuis 1979-1980, les drogues psychopharma¬
ceutiques du type Talwain ® et Pyribenzamine ® prennent les devants.

L’usage de drogues est un phénomène que l’on doit juger en fonction de


l’époque et de la culture, ainsi elle apparaîtra tantôt criminelle, tantôt comme une
coutume acceptable sinon valorisée officiellement. C’est au-delà de ces facteurs
culturels que les variables reliées aux personnes elles-mêmes et à leur fonctionne¬
ment socio-économique conditionneront l’importance du phénomène de l’abus des
drogues.

Enfin les connaissances disponibles sur les effets réels des drogues consti¬ connaissances
tuent un autre facteur de conditionnement de l’opinion publique à l’égard des subs¬ disponibles
tances psychotropes non médicales. Non seulement les parents et les éducateurs
ont-ils pu être tenté de noircir sans fondement réel les effets de certaines drogues en
270 Chapitre 11

vue de faire peur aux jeunes consommateurs éventuels, mais certains chercheurs
scientifiques dont les études furent subventionnées par des organismes anti-drogues
ont aussi souvent risqué leur crédibilité en recherchant les justifications à des
conclusions établies d’avance plutôt que de la vérification neutre d hypothèses de
recherche (Inciardi, 1980; Johnson et Uppal, 1980). Si tous les effets annoncés par
les études dites scientifiques étaient relevés depuis les années 1950 sur la marijuana
par exemple, nous assisterions à un curieux mélange de fantasmes subjectifs et de
données empiriques reproductibles.

11.6.2 Épidémicité de l’usage des drogues à l’adolescence


Comme c’est le cas pour la délinquance, déterminer précisément l’ampleur de
la consommation de drogues à l’adolescence devient une tâche difficile à cause du
caractère illégal de cette activité qui incite les usagers à cacher leur pratique lors des
enquêtes. La plupart des estimations concernant l’ampleur de ce phénomène pro¬
viennent soit des dossiers de police et des centres de traitement, soit d’enquêtes
auprès de la population. La première catégorie de données ignore l’ensemble des cas
non recensés, tandis que la deuxième dépend de la fidélité des informations fournies
par les répondants et de la représentativité de ces derniers.
Dans le langage courant, on désigne par drogue les substances qui lors¬
qu’elles sont absorbées modifient une ou plusieurs fonctions de l’organisme: la sim¬
ple nourriture et les agents chimiques utilisés dans un but thérapeutique sont
exclus. Dans la section qui suit nous considérerons comme drogue les substances
qui sont absorbées pour leurs effets autres que thérapeutiques ou alimentaires.
définition Cette définition élimine de notre champ d’intérêt les substances utilisées pour la
prévention, le diagnostic, l’atténuation ou le traitement de la maladie; il s’agira donc
de l’usage non médical des drogues à l’adolescence. Le tableau 11.6 comprend,
classées selon leur composition, la liste des drogues les plus connues et leurs princi¬
paux effets. Notons toutefois que cette liste n’inclut pas le très grand nombre de
médicaments disponibles avec ou sans ordonnance et qui, comme Valium ®, peu¬
vent faire l’objet d’une consommation non médicale et donner lieu à certaines
formes de dépendance physique, psychologique ou les deux types de dépendance
simultanément (c’est le cas des comprimés analgégiques si facilement disponibles et
en si grand nombre dans le commerce). Usdin et Efron (1972) ont relevé plus de
1500 substances considérées comme des agents psychotropes, c’est-à-dire qui, d’une
façon ou d’une autre, affectent l’activité mentale. Il va sans dire que le tableau 11.6
ne fournit pas une liste exhaustive de tous les produits pouvant affecter le psychisme:
la grande majorité des substances énumérées dans ce tableau peuvent donner lieu à
une dépendance physique ou psychologique et chacune de ces substances peut,
selon la dose absorbée, avoir des effets plus ou moins variés sur l’organisme. Ainsi
lorsque la quantité de substance consommée est supérieure à la dose efficace,
c’est-à-dire une overdose, la substance absorbée est généralement toxique: elle
empoisonne l’organisme et peut entraîner la mort dans certains cas. Dans l’étude
sommaire qui suit, le tabac sera exclu des drogues considérées et l’alcool fera l’objet
d’une section particulière.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 271

TABLEAU 11.6: Principaux types de drogues psychotropes et leurs effets les plus connus

Opiacés
Tranquilisants et sédatifs

Opium - héroïne - morphine - codéine - méthadone - pethidine


Alcool - barbituriques (ex.: phénobarbital - nembutal) - diazepam
Ces drogues peuvent être consommées de diverses façons: par (Valium ®) - chiordiazepoxide (Librium ®)
aspiration (opium), par injection sous-cutanée ou intraveineuse, Ces drogues sont habituellement absorbées par voie orale ou par
par inhalation («sniffing») ou par voie orale (ex.: pilules contre la injections intraveineuses. Elles ont un effet dépresseur sur le sys¬
toux à base de codéine). Selon la dose, elles sont euphoriques, tème nerveux central: elles rendent les neurones moins sensibles
produisent des sensations de bien-être très agréables et entraînent en élevant leur seuil minimal de réaction. Plusieurs de ces drogues
une léthargie pouvant aller jusqu’au coma. Ce sont des analgési¬ peuvent entraîner une dépendance physique à plus ou moins court
ques très puissants qui agissent sur les centres nerveux responsa¬ terme selon leur nature chimique et la fréquence et l’intensité de
bles de la douleur et plusieurs d’entre eux ont joué un rôle très l’utilisation.
important dans 1 histoire médicale. Ces drogues peuvent provo¬
quer de fortes dépendances physiques et psychologiques. La tolé¬
rance croît avec leur usage. Les seringues mal aseptisées peuvent
provoquer des infections et des hépatites.

Stimulants

1; Amphétamines (dexedrine, benzedrine, methedrine ou 2: Cocaïne


«speed»)
Habituellement absorbées par voie orale, les amphétamines peu¬ Dérivée de la plante péruvienne coca, la cocaïne peut être absor¬
vent aussi être inhalées à partir d’un soluté ou injectées en intra¬ bée par voie orale (la feuille peut être mâchée), par injection ou
veineuse. Elles stimulent le système nerveux sympathique et aug¬ plus souvent par inhalation («sniffing») lorsqu’elle est en poudre.
mentent la vigilance et la force, favorisent une meilleure concentra¬ Elle stimule le système nerveux central et entraîne des effets
tion et provoquent une perte d’appétit. Les effets sont suivis d'une euphoriques d’assurance, de dynamisme et atténue la fatigue.
grande fatigue et de sentiments dépressifs. Des réactions para¬ Lorsque I effet s estompe, une fatigue et un état dépressif appa¬
noïaques peuvent surgir pendant et après l’effet. Une tolérance se raissent. L’usage régulier peut entraîner une perte de poids, de
développe rapidement. En doses importantes, elles peuvent en¬ I insomnie, des nausées et des réactions paranoïaques.
traîner des intoxications aiguës conduisant au coma et à la mort.

Hallucinogènes psychédéliques

1 : LSD 25 (diéthylamide de l’acide lysergique) 2: Mescaline


Le LSD est une substance très puissante pouvant provoquer des' La mescaline est une substance dérivée de la plante tropicale
effets même lorsqu’il est absorbé en très petite quantité (ex.: 20 «peyote» (un cactus Mexicain) dont les boutons peuvent être mâ¬
microgrammes; dose ordinaire: 50 à 100 microgrammes). Il peut chés ou dissous dans du thé. Moins puissante que le LSD, la
être absorbé par voie orale sur un morceau de sucre, un buvard, mescaline peut aussi provoquer des hallucinations mais implique
etc. Physiquement, le LSD provoque notamment la dilatation des une distorsion moins grande de la réalité permettant un degré plus
pupilles, l’érection des poils, l’accélération du rythme cardiaque et élevé de conscience et un meilleur contrôle de soi. Le comporte¬
l’élévation de la température du corps. Au plan psychique, le LSD ment devient moins prévisible et la personne peut poser des actes
provoque un changement d’humeur conduisant à l’euphorie («bon regrettables.
voyage») ou à 1 angoisse et la panique («bad trip») accompagné de
confusions et de distorsions perceptuelles accentuées incluant des
hallucinations et des changements de personnalité. L’effet dure
habituellement de 6 à 12 heures selon la dose et la tolérance. Les
comportements deviennent alors imprévisibles et peuvent avoir
des conséquences regrettables.
272 Chapitre 11

3. STP (méthylamphétamine ou DOM) 4: PCP (phenciclidine hydrochloride)


Hallucinogène et stimulant très puissant, le STP peut provoquer Connu d’abord comme tranquilisant pour les chevaux, le PCP est
des effets de longue durée (jusqu’à une semaine selon la dose) relativement répandu. Ses effets sont comparables à ceux du LSD
comparables à ceux du LSD 25. et il peut donc provoquer des hallucinations et des réactions psy¬
chotiques dépressives ou suicidaires.

Certains effets des hallucinogènes psychédéliques peuvent resur¬


gir après que la dose ait terminé son effet (on a observé des «corne
back» jusqu’à trois mois après l’expérience initiale). Le caractère
imprévisible du «voyage» psychique qu’ils provoquent en font des
drogues dangereuses maintes fois associées à des actes suici¬
daires. Comme pour les autres types de drogues, la qualité du
produit acheté sur le marché noir n’est jamais assurée.

Solvants volatils Type cannabis

Colle - éther - acéthone - toluene Marijuana et haschich


Généralement inhalés à partir de contenants fermés ou de sacs de L’agent actif de la marijuana et du haschich et le THC (tétra-
plastique, ces produits hautement toxiques peuvent provoquer hydrocannabinol) qui est en présence très variable selon la qualité
des désordres psychiatriques sérieux. Leurs effets incluent de de la substance; les doses réelles contenues dans un poids donné
l’euphorie, de la confusion et des hallucinations. Leur disponibilité peuvent donc varier beaucoup d’un produit à l’autre. Générale¬
plus grande et leur prix peu élevé en font des drogues poisons ment fumées (ou parfois avalées), ces substances provoquent un
particulièrement dangereuses pour les jeunes. effet rapide permettant à l’usager d’en contrôler la dose absorbée.
Elles entraînent une accélération du rythme cardiaque, un abais¬
sement de la température du corps, une augmentation de l’appétit
et une perte relative sur le plan de la coordination motrice fine. Les
effets psychologiques sont variables selon l’interprétation subjec¬
tive des effets physiques; ils peuvent aller de la peur chez le débu¬
tant craintif, à l’euphorie enthousiaste en passant par l’introspec¬
tion calme chez les usagers plus confiants. Sur le plan cognitif, la
personne peut ressentir une accélération de son idéation, peut
envisager certaines questions de façon nouvelle (création accrue),
peut être plus sensible à la musique, aux couleurs et aux formes,
peut avoir l’impression que le temps accélère ou ralentit. On attri¬
bue aussi des effets aphrodisiaques au cannabis (non vérifiés clai¬
rement par la science) et des sentiments d’anxiété et de peur
peuvent aussi être vécus. Une diminution de la capacité de résou¬
dre exactement des problèmes de logique (compter, raisonner de
façon hypothético-déductive) a aussi été rapportée. La toxicité du
cannabis est faible. La dépendance psychologique varie selon les
personnes et peut s’avérer très forte chez les sujets névrotiques ou
à faible contrôle personnel. Chez les sujets prépsychotiques, la
drogue peut provoquer des perturbations mentales sérieuses.

Quelle est l’ampleur de l’abus des drogues chez les adolescents d’au¬
jourd’hui? Les variations d’un pays à l’autre semblent être considérables. Aux États-
Unis, le phénomène est apparu au début des années 1960 et a rapidement pris de
l’ampleur, de sorte que si les taux de prolifération devaient se maintenir, bon nombre
d’observateurs prévoyaient une véritable épidémie pour les années 1970. Il semble
que maintenant, même si l’on ne peut réellement parler de baisse de la consomma¬
tion, la progression de l’abus des drogues s’est stabilisée chez les jeunes (Lefrançois,
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 273

1981). En France, il semble que depuis 1968, année de contestation du système


scolaire et de plusieurs autres «zones» sociales, ont ait assisté à une augmentation
de la consommation des drogues chez les jeunes (Pélicier et Thuillier, 1980).

Dans leur étude menée en 1975-1976 auprès de 1227 jeunes montréalais


(Québec) des deux sexes fréquentant l’école secondaire (12-18 ans environ), Québec
Poissant et Crespo (1976) ont observé que 68,7 % des répondants disent consom¬
mer de l’alcool et 41,9 % des cigarettes; 19,2 % consomment occasionnellement de la
marijuana; 15,5 % du haschich; 9,6 % de la mescaline; 2,7 % de l’acide (LSD) et 5,8 %
font usage de tranquillisants mineurs. Les usagers d’héroïne représenteraient moins
de 0,5 % de l’échantillon. Selon cette étude, le sexe ne serait pas un facteur discrimi¬
nant dans la consommation de drogue: les garçons et les filles se répartissent assez
également entre consommateurs et non-consommateurs. De plus, on a remarqué
que le nombre des consommateurs croissait en fonction de l’âge: 6,1 % de consom¬
mateurs à 12 ans; 8,3 % à 13 ans; 17,5 % à 14 ans; 30,3 % à 15 ans et 58,8 % chez les
élèves de 18 ans et plus. Enfin les auteurs n’ont pas observé de relation directe entre
le niveau socio-économique des familles des jeunes et leur consommation de dro¬
gue7; ils ont toutefois remarqué que plus la scolarité du père était élevée plus le
pourcentage de consommateurs diminuait, et à l’inverse, plus la scolarité de la mère
s’élevait plus le pourcentage de consommateurs augmentait.

En France, Fréjaville, Davidson et Choquet (1977) font état d’une étude France
menée en 1971-1972 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM) auprès des établissements sanitaires spécialisés dans les cas d’abus de
drogues8. L’étude qui a recensé 1030 cas au total (673 hommes et 357 femmes)
démontre que 17,2% des dossiers concernaient des jeunes de moins de 20 ans. Cette
population de jeunes rassemblait 11,9 % de tous les cas masculins et 27,2 % des cas
féminins. Compte tenu du nombre total moindre de cas féminins considérés, ces
données indiquent (comme celles de Poissant et coll. (1976) pour Montréal), qu’il y
aurait une proportion équivalente d’adolescentes et d’adolescents qui font usage de
drogues en France.

Dans cette étude française, le groupe des 20-24 ans constitue la cohorte
principale des usagers déclarés avec 63,1 % du total des cas; contrairement aux
12-18 ans, les hommes y sont beaucoup plus nombreux que les femmes: 460 cas
contre 190 respectivement sur les 1030 cas étudiés. Ainsi on peut dire qu’en France
au début des années 1970, les cas d’abus de drogues recensés dans des cliniques
sanitaires concernent en majorité les jeunes adultes et non les adolescents comme

(7) Les enfants dont le père n'a aucun revenu ou ceux dont le père a un revenu dans la catégorie supérieure
sont surreprésentés dans les consommateurs.

(8) Il s'agit d’une étude portant sur des cas vus en clinique à la suite de problèmes nécessitant une consulta¬
tion. Ces données ne sont donc pas directement comparables avec celles obtenues grâce à un questionnaire
auprès d’échantillons représentatifs de jeunes répondants.
274 Chapitre 11

tels. Enfin selon les résultats de l’étude, les sujets issus ae couches socio¬
économiques élevées seraient surreprésentés parmi les cas de drogués comparati¬
vement à l’ensemble de la population (Fréjaville et coll., 1977).

États-Unis Aux États-Unis, dans leur synthèse d’une enquête nationale menée en 1977
par le National Institute on Drug Abuse (N1DA), Miller, Cisin et Harrell (1978)
mentionnent que ceux qui essaient les drogues illégales sans en prendre régulière¬
ment sont beaucoup plus nombreux que ceux qui en prennent vraiment 1 habitude.
Les jeunes adultes (de 18 à 25 ans) affichent des taux de consommation plus élevés
que leurs cadets ou leurs aînés. L’étude indique d’ailleurs que les occasions de
prendre de la drogue sont beaucoup plus fréquentes chez les 17-34 ans que chez les
autres, et que les sujets de 15 à 34 ans profitent davantage des occasions d en
prendre que les autres. Il apparaît que la première expérience (l’initiation) survient
surtout entre 15 et 17 ans et qu’elle est très rare après 21 ans. Le fait de se marier ou
d’avoir des enfants ou encore d’entreprendre un nouvel emploi après le collège sont
des facteurs d’abandon de la consommation de drogues chez les jeunes adultes.
L’étude a démontré que chez les adolescents (moins de 18 ans) la probabilité était
beaucoup plus grande de consommer à la fois de l’alcool et des drogues illégales si
leur mère faisait usage de cigarettes, d’alcool ou d’un médicament prescrit médica¬
lement. Le lieu de résidence et la race ne semblent pas influer nettement la
consommation de drogues chez les adolescents et les jeunes adultes interrogés.

Dans une autre étude américaine menée en 1977 auprès de plus de 17 000
étudiants du secondaire V, Johnston, Bachman et O’Malley (1978) observent que
56,4 % de leurs sujets ont déjà consommé de la marijuana parmi lesquels 35,4 % en
ont pris depuis un mois et 9,1 % tous les jours depuis un mois. Ils concluent que: «la
marijuana est maintenant utilisée quotidiennement par une proportion significative
de cette population9 [...] même plus importante que celle qui consomme quotidien¬
nement de l’alcool. Moins de 1 % des répondants mentionne faire un usage quoti¬
dien d’autres drogues illicites10.»

Richards (1980) conclut son étude sur l’épidémicité de l’usage des drogues en
suggérant la possibilité que «l’épidémie» de la drogue chez les jeunes, principalement
en ce qui a trait aux drogues légères comme la marijuana, se conçoit de plus en plus
phénomène comme un phénomène «endémique» c’est-à-dire un usage plus ou moins habituel,
endémique plus ou moins toléré et relativement intégré aux moeurs. Une certaine proportion
d’individus normaux (et non plus une sous-culture marginale) qui continue de

(9) Notons qu’il s’agit de sujets du secondaire V (17-18 ans) et donc en transition entre latin de l'adolescence
et le début de l’âge adulte. Cependant comme ces sujets sont encore à l’école, on peut présumer qu’ils se
conforment tout autant aux valeurs sociales que leurs pairs qui ont laissé l’école.

(10) JOHNSTON, L.D., BACHMAN, J.G. et O’MALLEY, P.M. Drug Use among American High School Students
1975-1977. Rockville, MD: National Institute on Drug Abuse, 1978, p. 3. Traduction de l’auteur du présent
ouvrage.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 275

consommer de la drogue en dépit de la désapprobation d’une majorité devenue plus


tolérante serait impliquée. Cet accroissement de la tolérance ne concerne certes pas
les drogues fortes telles que l’héroïne dont les dommages physiques sont toujours
considérés comme catastrophiques et justifient des efforts de prévention et de trai¬
tements importants malgré la proportion relativement faible de la population qui en
et affligée11.

Quant à la consommation de marijuana chez les adolescents américains, il est marijuana


difficile de statuer sur le caractère soit endémique (c’est-à-dire relativement stable)
soit épidémique (c’est-à-dire en progression contagieuse) du phénomène. Les don¬
nées d’Abelson, Fishburne et Cisin (1977) obtenues à partir d’un échantillon de 4595
répondants de 12 ans et plus indiquent qu’en 1972, 14 % des 12-17 ans avaient déjà
expérimenté la marijuana ou le haschich; en 1977 la proportion avait augmenté à
28,2 %. La figure 11.2 indique l’évolution des proportions d’adolescents et de jeunes

FIGURE 11.2: Évolution de la proportion d’adolescent et de jeunes adultes qui disent avoir
déjà consommé de la marijuana ou du haschich*

* Source: ABELSON, H., FISHBURNE, P. et CISIN, I. National Survey on Drug Abuse: 1977. Vol, 1. Washing¬
ton, D.C.: National Institute ot Drug Abuse, 1977,

(11) Johnston et coll. (1978) indiquent qu'aux États-Unis, 0,5 % des jeunes fréquentant l’école secondaire
disent consommer des amphétamines sans contrôle médical; 0,3 % des tranquilisants et 0,2 % des opiacés
autres que l’héroïne. L’héroïne aurait été essayée au moins une fois par 1,8 % des répondants, tandis que 0,3 %
en aurait pris «depuis un mois» et aucun «à tous les jours depuis 1 mois».
276 Chapitre 11

adultes américains qui disent avoir déjà consommé de la marijuana ou du haschich


entre 1972 et 1977. L’écart considérable entre les adolescents et les jeunes adultes
mérite notre attention: en effet, ces derniers sont au moins deux fois plus nombreux
que les adolescents. Ces données vont dans le même sens que les résultats français
de Fréjaville et coll. (1977) et nous indiquent que la consommation de drogues
légères est significativement plus répandue chez les jeunes adultes (18-25 ans) que
chez les adolescents (12 17 ans).

11.6.3 Motivations à prendre de la drogue

Dans leur étude de cas ayant été vus en consultation sanitaire pour problème
de drogue, Fréjaville et coll. (1977) ont proposé à leurs répondants dix motivations
parmi lesquelles ils devaient choisir celle(s) qui les avait(ent) amenés à prendre de la
drogue. La curiosité, la recherche d’évasion et la recherche d effets réputés consti¬
tuent les trois premiers motifs en importance associés aux premières consomma¬
tions de drogues. Une fois l’habitude prise, c est le besoin, la recherche d évasion et
la recherche d’effets qui prennent respectivement la tête de la liste des motivations
choisies. À partir d’une autre étude menée auprès de 2339 lycéens français (15-20
ans), les mêmes auteurs rapportent que les jeunes placent «pour oublier le monde
quotidien» en tête des motifs qu’ils croient être à la base de la consommation de
drogues.

11.6.4 Explications de la consommation juvénile de drogues

Plusieurs facteurs ont été reliés à la consommation de drogues chez les


adolescents; certains concernent le sujet lui-même et sa personnalité, tandis que
d’autres portent sur son milieu (famille, école, groupe d’amis, etc.). Pélicier et coll.
(1980) associent une susceptibilité plus grande à la drogue à une personnalité domi¬
née par l’insécurité et caractérisée par «/a faiblesse et l’inconsistance du moi, gou¬
vernée par l’occasion et le caprice, sans référence morale [... avec ] de l’angoisse,
de la frustration et l’impossibilité de supporter les difficultés [.. ,]12» La faiblesse de la
personnalité est sans doute reliée à l’aliénation dans laquelle se trouvent des sujets
dépendants des drogues. Burke (1971) mentionne que la caractéristique distinctive
dominante des patients qui consultent pour un problème de drogues semble être
l’incapacité d’affronter les problèmes de la vie de façon réaliste. Kendall et Pittel
(1971) observent chez les usagers de drogues un manque de contrôle des pulsions,
une absence relative de valeurs intériorisées et une orientation vers les autres de
type narcissique. Les individus aliénés par la drogue semblent donc se caractériser
par un manque d’habileté à faire face aux problèmes de la vie et, devant leurs
problèmes, ils rechercheraient une solution ou une compensation dans la consom¬
mation de substances psychotropes.

(12) PÉLICIER, Y et THUILLIER, G. La Drogue. Paris: P,U.F., 1980, p. 56, coll. Que sais-je?, n° 1514.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 277

La famille a été l’un des facteurs environnementaux les plus fréquemment famille
associés à la dépendance aux drogues. Plusieurs études ont démontré que les
adolescents qui se sentent rejetés par leur famille, qui croient que leurs parents n’ont
pas confiance en eux et qu’ils ne s’intéressent pas vraiment à eux, font davantage
usage de drogues que les autres (Stephens, 1980). Graeven et Schaef (1978) croient
que les adolescents issus de familles brisées par le divorce, la séparation ou la mort
et présentant des conflits internes et peu de valorisation réciproque et de support
interpersonnel sont plus sujets à faire usage d’héroïne. Cependant, de tels stress
familiaux imposés aux adolescents ne les rendent pas tous nécessairement héroï¬
nomanes, d’autres raisons doivent s’y ajouter. En effet, plusieurs études ont démon¬
tré l’importance des modèles parentaux et de la fratrie quant à la consommation de
drogues comme palliatif au stress de la vie. Lorsque les parents ont des adolescents
qui consomment de la drogue ou lorsque les adolescents croient que leurs parents
absorbent des substances psychotropes, ils sont davantage sujets à en prendre
eux-mêmes; il en est de même des cadets dont les aînés en font usage (Stephens,
1980).

11.6.5 Évolution dans la consommation individuelle


de drogues

Il n’y a pas de drogue qui entraîne la consommation d’une autre drogue plus
forte, mais on a observé chez les personnes qui en sont venues aux drogues fortes:
tabac - alcool - marijuana (ou haschich) - pilules - drogues fortes (Shafer, 1973).
Ainsi, il n’y a pas de données permettant de dire que l’adolescent qui fume de
la marijuana consommera plus tard du LSD ou de l’héroïne: la grande majorité des
fumeurs de marijuana en reste là ou cesse d’en consommer; par contre, ceux qui
prennent de l’héroïne ont presque toujours fumé d’abord de la marijuana. Cela fait
que ceux et celles qui prennent de la marijuana ont plus de chances de progresser
vers les drogues fortes comme les amphétamines, le LSD, la cocaïne et l’héroïne
(Singel, Kandel et Faust, 1974). La consommation de plusieurs drogues différentes
par un même individu semble indiquer une progression plus probable vers des
drogues de plus en plus fortes, de même qu’une attitude «aventurière» à l’égard de
drogues douces peut laisser présager un goût de l’aventure actualisé aussi dans la
consommation de drogues plus fortes (Lefrançois, 1981).

11.7 LES PROBLÈMES RELIÉS À L’ALCOOL


À L’ADOLESCENCE

11.7.1 Épidémicité

En 1978, la consommation annuelle moyenne des Canadiens de plus de 15


ans était 11,82 litres d’alcool par année, ce qui représente une augmentation du tiers
de la consommation nationale par habitant établie en 1970 (ministère de la Santé et
278 Chapitre 11

augmentation de la du Bien-être social Canada, 1981). L’augmentation la plus marquée de la consomma¬


consommation tion d’alcool s’est produite chez les jeunes, filles et garçons, à 19 ans. Chez les
d’alcool garçons de 18-19 ans, il y a trois fois plus de «grands buveurs»13 que chez les filles du
«grands buveurs» même âge, alors que dans l’ensemble de la population il y a 2,4 fois plus de grands
buveurs masculins. Il semble cependant que la grande consommation d’alcool chez
les jeunes résulte davantage de beuveries que d’habitudes de consommation régu¬
lière, comme c’est le cas chez les plus âgés (ministère de la Santé et du Bien-être
social Canada, 1981).

Aux États-Unis et au Canada, malgré l’attention plus grande que le public


accorde à la consommation des autres drogues à l’adolescence, 1 alcool demeure
absorbé par plus de jeunes et de façon plus intense que les autres substances
psychotropes (Lefrançois, 1981). Par ailleurs, depuis vingt ans, l’augmentation de la
consommation des autres drogues chez les 12-18 ans n’a pas été suivie d’une dimi¬
nution de la consommation d’alcool mais plutôt d’une augmentation. L’idée voulant
que chez les jeunes, les drogues comme le cannabis soient des «substituts mo¬
dernes» à l’ancienne drogue qu’est l’alcool, ne semble donc pas se concrétiser dans
la réalité.

11.7.2 Nature et effets de l’alcool

Lorsque nous utilisons le mot «alcool», il ne faut pas le confondre avec l’alcool
méthylique (alcool de bois) ou d’autres types en usage dans l’industrie ou en méde¬
cine et qui sont généralement fortement toxiques. En effet, l’agent psychotrope
contenu dans les boissons alcoolisées est l’éthanol qui est obtenu par la fermentation
de fruits (ou autres produits organiques); sa concentration peut ère augmentée par

TABLEAU 11.7: Liste des boissons alcoolisées courantes avec leur contrainte habituelle
en éthanol*

Boisson % d’éthanol
Bière ±5
Vin 9 à 13
Vermouth, porto, sherrry 16 à 20
Eaux de vie (gin, vodka, whisky, rhum, ouzo, etc.) 40 à 45
Brandy, cognac 40
Pastis 1 45
Alcool blanc 40 à 94

* Certains produits dans le commerce contiendront plus ou moins d’éthanol: il s'agit là des teneurs les plus
courantes en alcool.

Source; Société des Alcools du Québec. Liste des produits. 1982.

(13) Ici, le «grand buveur» est celui qui consomme en moyenne 14 verres et plus par semaine, c’est-à-dire
l'équivalent de 14 onces de boisson forte.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 279

la distillation des liquides fermentées. Le tableau 11.7 contient une liste de boissons
alcoolisées courantes avec leur concentration en éthanol. Par exemple, un verre
contenant 2,8 cl (une once), de gin peut contenir autant d’alcool qu’une bouteille de
bière de 34 cl (12 onces environ). 11 faudra une heure et demie à l’organisme pour
métaboliser l’alcool contenu dans ce verre de gin ou cette bouteille de bière.

L’éthanol agit sur le système nerveux central comme un dépresseur. Cette dépresseur
action efface certains contrôles inhibiteurs (c’est-à-dire quelle enlève les freins) lais¬
sant libre cours à certaines activités habituellement inhibées et donnant ainsi l’im¬
pression que 1 alcool est un stimulant. Même si la personne qui a consommé de
l’alcool peut avoir l’impression d’être plus efficace, plus forte, etc., en réalité, la
discrimination, la mémoire, la coordination motrice et la concentration diminuent en
fonction de la quantité d’alcool absorbée. Certaines performances ordinairement
gênées par la timidité, l’anxiété ou la peur peuvent être mieux réussies sous l’effet de
faibles quantités d’alcool, mais il s’agit là d’effets désinhibiteurs de l’éthanol sur le
système nerveux et non le résultat d’une stimulation.

En dose importante l’alcool entraîne l’invresse qui s’accompagne de difficultés


motrices, de problèmes d’équilibre, de confusions, etc. Mis à part les problèmes
digestifs (indigestions, irritations gastriques, etc.) et de nombreux autres malaises
reliés aux excès improvisés des jeunes, les beuveries adolescentes se terminent
fréquemment par des méfaits impliquant non seulement l’individu mais aussi son
entourage: les accidents d’automobile ou de motocyclette en sont des exemples.
Aux États-Unis, de 50 à 60 % des collisions mortelles sont associées à l’alcool (Cam-
bell, 1964; Lefrançois, 1981); au Canada, plus de 30% des crimes violents commis en
1978 étaient reliés à la consommation d’alcool (ministère de la Santé et du Bien-être
social Canada, 1981).

Sur le plan comportemental, l’alcool peut amener chez certains individus la


détente ou l’euphorie, alors que chez d’autres il peut provoquer des comportements
agressifs ou encore de la tristesse et des sentiments dépressifs. La dépendance
physique à l’alcool survient après une période prolongée de consommation régulière
(variable selon les personnes), cependant l’effet désinhibiteur de l’alcool peut être
une source de forte dépendance psychologique dans des délais plus courts.

11.7.3 Facteurs associés aux problèmes d’alcoolisme


à l’adolescence

Comment peut-on expliquer que certains jeunes prennent rapidement l’habi¬


tude de boire tandis que d’autres contrôlent facilement leur consommation d’alcool?
Certains jeunes seront beaucoup plus marqués par les effets désinhibiteurs de l’al¬
cool; l’euphorie, la confiance, l’énergie ou l’oubli qu’entraîne l’alcool pourront avoir
une valeur plus ou moins grande pour le jeune selon ce qu’il vit. Lorsque l’absorption
d’alcool amène des satisfactions difficiles à trouver dans d’autres activités et que le
280 Chapitre 11

jeune a une personnalité plutôt faible facilement charmée par le «court terme», ses
chances de dépendance psychologique à l’alcool seront beaucoup plus grandes. Les
modèles existants dans l’entourage de la jeune personne sont aussi très importants
dans le choix de l’alcool comme source de gratification (plutôt qu’une autre forme
d’échappatoire).

Kandel, Kessler et Margulies (1978) ont mené une étude visant à évaluer
influence des parents l’influence respective des parents, du groupe d’amis, des attitudes des adolescents,
et de leurs autres comportements délinquants sur leur consommation de drogues et
d’alcool. Ils ont montré que de toutes ces variables, le comportement des parents
était le plus fort prédicteur des expériences précoces de l’adolescent avec l’alcool
(les autres facteurs avaient aussi une influence, mais moins grande). En ce qui
concerne l’usage des drogues, les auteurs n’ont pas isolé de facteur prédicteur
ressortant aussi clairement. Dans une autre étude, on a observé que plus de 82 %
des jeunes consommateurs s’étaient initiés à l’alcool dans leur famille, et les autres
18 % se caractérisaient par des conflits avec leurs parents (Coleman, 1980 a). Même
si le nombre de filles qui consomment de l’alcool s’est rapidement accru au cours des
dernières années, il semble que l’abus de l’alcool («grands buveurs») soit encore
beaucoup plus associé aux garçons à l’adolescence. Ainsi, chez les jeunes canadiens
de 18-19 ans, il y aurait presque autant de filles (300 000) que de garçons (330 000)
consommant de l’alcool mais chez ces derniers on trouverait 4 fois plus de grands
buveurs, c’est-à-dire qui consomment 14 verres et plus par semaine (40 000 garçons
et 10 000 filles) (ministère de la Santé et du Bien-être social Canada, 1981).

Le problème de l’alcool à l’adolescence est donc relativement important et il


ne semble pas en voie de se résorber: ses répercussions sociales sont multiples et
très coûteuses. Encore ici il faut éviter de considérer tous les jeunes consommateurs
sur le même pied car la majorité de ceux-ci n’est pas dépendante. La famille, par les
modèles et la tolérance qu’elle peut présenter, possède une influence très puissante
sur l’évolution du problème chez le jeune.

11.8 L’OBÉSITÉ À L’ADOLESCENCE

Dans le contexte du présent chapitre sur les problèmes d’adaptation à l’ado¬


lescence, l’obésité est présentée comme une. difficulté psychosociale et non pas
spécifiquement comme un problème physique. En effet, c’est principalement dans
définition ses dimensions psychologique et sociale que l’obésité constitue pour nous un obsta¬
de l’obésité cle à l’adaptation à l’adolescence. Qu’entend-on par obésité? La définition de l’obési¬
té peut varier mais désigne généralement par «obèse» une personne qui dépasse de
20 % son poids normal. Aux États-Unis, de 16 à 20 % de la population des 12-18 ans
entreraient dans cette catégorie. Selon plusieurs études, l’incidence de l’obésité
augmente à l’adolescence; les adultes obèses n’avaient pas nécessairement un poids
excessif à leur naissance; les bébés gras ne deviennent pas nécessairement obèses
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 281

plus tard mais 1 obésité qui débute pendant l’enfance persistera probablement au
cours de l’adolescence et de l’âge adulte (Daniel, 1982).

Le poids optimal d’une personne est fonction de sa hauteur et de son sexe; poids optimal
ainsi pour une hauteur de 1,50 mètre, le poids idéal de la femme est 45 kg et celui de
1 homme est 47,7 kg, à chaque centimètre additionnel, on ajoute 0,9 kg au poids de la
femme à 1,08 kg à celui de l’homme (Rodin, 1982). Ce type d’équation simple omet
toutefois de considérer plusieurs facteurs pertinents à la notion de poids idéal: un
athlète qui joue au hockey par exemple peut excéder le poids optimal de cette
équation mais avoir une proportion de tissus adipeux inférieure à la moyenne, tandis
qu’une personne sédentaire à structure osseuse délicate peut ne pas excéder le
poids dit «optimal» mais être tout de même trop grasse.

Le pourquoi de l’obésité a fait l’objet de bon nombre de recherches et il en


ressort qu il n y a pas de cause unique mais plutôt un ensemble complexe de fac¬
teurs génétiques et environnementaux dont l’interaction est mal connue (Daniel,
1982). Il y aurait plusieurs types d’obésité chacune ayant une cause variable d’une
personne à l’autre; de même, il y aurait chez les adolescents obèses plusieurs types
de personnalité. Carrera (1973) distingue entre les facteurs psychologiques incitant
les jeunes à trop manger et ceux en entraînant d’autres à l’inactivité. L’incidence de
l’obésité varie aussi d’une société à l’autre: ainsi elle est plus grande dans les pays
riches où la nourriture est abondante et la vie souvent sédentaire (Daniel, 1982).

Chisholm (1978) décrit plusieurs raisons pouvant expliquer l’obésité à l’ado¬ raisons pouvant
lescence. Premièrement, les jeunes obèses seraient incapables de reconnaître et expliquer l’obésité
d’interpréter adéquatement les indices internes de la faim: ils auraient de la difficulté
à reconnaître le moment où ils ont assez mangé. Schachter (1968) a obtenu des
résultats appuyant cette hypothèse: il a invité deux groupes de sujets, des «nor¬
maux» et des obèses, à participer à une étude sur le goût des aliments. La moitié de
chaque groupe avait mangé avant l’expérience, lors des tests de goût, chacun était
libre de manger autant qu’il le désirait. Les sujets des poids normal qui avaient
mangé avant l’expérience n’absorbaient que de petites quantités des aliments pour
les goûter, tandis que les obèses, qui eux aussi avaient mangé auparavant, man¬
geaient autant sinon plus que les «normaux» qui n’avaient pas mangé avant l’expé¬
rience. Ainsi, les sujets obèses interpréteraient mal les indices proprioceptifs émis
par leur corps en matière de satiété. Bruch (1965) estime que la conscience du corps
est une chose qui s’acquiert et que les adolescents obèses n’ont pas appris correc¬
tement à interpréter les signaux que leur donne leur corps; conséquemment, ils se
comportent différemment des autres à l’égard de la nourriture.

Une deuxième raison de l’obésité à l’adolescence résiderait dans le manque


de contrôle et d’autonomie personnels. Chez ces jeunes, la nourriture serait un
moyen d’exprimer leurs besoins et de compenser des sentiments négatifs (anxiété,
rejet, etc.). Bullen et coll. (1964) ont observé que les adolescentes obèses man¬
geaient à l’excès lorsqu’elles se sentaient mal, étaient préoccupées ou dépressives,
282 Chapitre 11

ou se sentaient laissées de côté. Conger (1977) fait état de plusieurs recherches


décrivant les adolescents obèses comme passifs, timides, tolérants des abus à leur
égard, soucieux de plaire aux autres. Chez ces personnes, la nourriture serait un
moyen d’abaisser les tensions ressenties, de compenser les frustrations et d’attein¬
dre un degré de satisfaction difficile à égaler par d’autres moyens.

Enfin on a aussi considéré l’obésité comme un mécanisme de défense contre


la sexualité, l’attrait interpersonnel et la compétition sociale. Le fait d’être obèse
constituerait alors une échappatoire aux confrontations sociales que constituent par
exemple les sports ou les rendez-vous hétérosexuels, etc. (Coleman, 1980 a).

Sur le plan de l’image de soi, l’obésité à l’adolescence peut laisser des sé¬
quelles permanentes. Stunkard et Menselson (1973) ont observé que chez les
obèses dont les parents ne l’étaient pas, l’image du corps était négative et associée à
des difficultés d’avoir des relations interpersonnelles, surtout avec les membres du
sexe opposé. Les auteurs indiquent que cette image du corps négative ne semble
pas se rétablir par la suite, même lorsqu’il y a perte de poids.

Selon un bon nombre de recherches, on a observé que depuis son enfance


échecs l’adolescent obèse avait dû faire face à de nombreux échecs dans ses tentatives pour
contrôler son poids (Daniel, 1982). En effet, souvent l’adolescent obèse l’était déjà
pendant l’enfance et généralement ses parents ont déjà tenté de convaincre l’adoles¬
cent pour qu’il réduise son poids sans obtenir de succès. Ces échecs répétés susci¬
tent un sentiment d’impuissance par rapport au corps auquel s’ajoute celui qu’ap¬
porte l’explosion de croissance reliée à la puberté. Chez le jeune obèse, ce sentiment
de frustration issu de la dépendance face à ce qui arrive à son corps est encore plus
grand que chez ses pairs non obèses et affecte donc de façon plus négative la
confiance en ses capacités personnelles.

11 est important de noter que l’attitude des parents affecte le jeune obèse de
façon importante dans la construction de son image personnelle à l’adolescence.
D’après certaines études, les jeunes obèses dont les parents le sont aussi sont plus
aimés, supportés et acceptés au sein de leur famille que ceux issus de familles où
l’excès de poids est une préoccupation constante. Dans ce dernier cas, l’évolution
vers un poids plus normal semble alors moins probable étant donné que le relations
intrafamiliales sont plus conflictuelles, les jeunes ont encore plus de difficultés so¬
ciales à l’extérieur de la famille (Daniel, 1982). Ainsi, le rejet constant de l’obésité et
l’attitude intransigeante des parents en matière de contrôle de poids semblent être
des facteurs d’échec supplémentaires.

Le coût social qu’ont à payer les personnes obèses est considérable. Déjà à
l’adolescence, l’exclusion de certaines activités se fait sentir, les invitations hétéro¬
sexuelles sont plus rares que chez les autres, etc. À cause du rôle culturel tradition¬
nel qui leur est attribué, les filles seraient plus vulnérables que les garçons en ce qui a
trait aux effets sociaux de l’obésité: étant moins actives que les garçons dans l’initia-
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 283

tion de contacts hétérosexuels, elles doivent davantage tabler sur leurs attraits pour
attirer les autres à elles. L’apparence physique reliée au poids a plus d’influence sur
le concept de soi des femmes que sur le concept de soi des hommes. L’excès de
poids étant plus apparent chez les femmes, elles l’attribuent davantage à leur
graisse, tandis que les hommes l’attribuent plus facilement à leur constitution physi¬
que et l’associent parfois à une force physique désirable (Allon, 1982). Les préjudices
sociaux à l’égard des gens obèses sont très nombreux; il a été démontré dans des
études qu’une discrimination considérable se manifeste dans le secteur de l’emploi,
sur le plan de la sélection dans les collèges, au sujet des primes d’assurance et que
du harcèlement survenait fréquemment dans les endroits publics en général (Allon,
1982).

Dans l’échelle sociale, l’obésité apparaît beaucoup plus fréquemment dans les
classes socio-économiquement faibles. Aux États-Unis, Stunkard et coll. (1972) ont
mené une enquête auprès des 5 à 18 ans qui a révélé qu’à 6 ans 29 % des filles de la
classe économiquement faible avaient un excès de poids comparativement à 3 %
dans la classe économiquement favorisée et qu’un écart du même type se maintenait
jusqu’à 18 ans. La relation entre obésité et classe sociale serait cependant moins
nette quand il s’agit des hommes (Allon, 1982).

Existe-t-il des moyens efficaces de contrer l’obésité? Les tentatives pour met¬ moyens efficaces
tre au point des régimes efficaces sont innombrables. On est même allé jusqu’à faire
des interventions chirurgicales de l’intestin (pontages intestinaux), à attacher les
mâchoires dans la position fermée pour des périodes allant jusqu’à plusieurs années,
à effectuer des lésions cérébrales, tout cela sans atteindre de résultats vraiment
satisfaisants (Innés et coll., 1974). L’approche behaviorale de l’obésité semble la plus
efficace mais elle n’est pas satisfaisante dans tous les cas. Il apparaît que l’on devrait
faire plus d’efforts pour améliorer la précision des pronostics avant de pousser
naïvement des gens obèses à suivre des traitements coûteux voués à un échec
probable diminuant encore davantage leur estime d’eux-mêmes par un nouvel in¬
succès (Wooley, Wooley et Dyrenfoth, 1979). Dans certains travaux de recherches,
on a souligné qu’à peine 10 % des clients de programmes d’amaigrissement conser¬
vaient leur nouveau poids après un an; après deux ans la proportion baisse à 6 %
(Beller, 1977). Les fluctuations de poids ne peuvent être considérées comme des
éléments sains pour la santé physique et mentale; ainsi on a observé des effets de
stress physique, de dépression et d’anxiété à la suite de telles oscillations (Millman,
1980; Allon, 1982).

L’obésité constitue un problème d’adaptation psychosociale difficile et relati¬


vement important face auquel les moyens efficaces sont peu nombreux. On peut
cependant se demander dans quelle mesure une répugnance sociale et culturelle
moins grande à l’égard des gens obèses ne serait pas l’arme la plus efficace pour en
contrer les effets psychiques. La restauration de l’estime de soi et de la foi en
eux-mêmes des adolescents obèses pourrait s’avérer le moyen le plus puissant pour
contrer l’obésité qui, en fin de compte est un problème de comportement individuel.
284 Chapitre 11

La personne elle-même peut sans doute jouer un rôle significatif dans l’élaboration
d’une solution pourvu quelle puisse bénéficier du respect social minimal.

11.9 LE PROBLÈME DES ACCIDENTS À L’ADOLESCENCE

Entre 10 et 19 ans, les accidents apparaissent comme la première cause de


mortalité. Aux États-Unis en 1970, chez les 10-14 ans 50 % des décès étaient dus à
des accidents et chez les 15-19 ans, la proportion était de 58 %. Parmi les décès
accidentels chez les 15-19 ans, 64 % impliquent des garçons alors que les filles sont
impliquées dans 48 % des cas (Katchadourian, 1977). Pour 200 blessures non mor¬
telles, il y en aurait une mortelle (Einhorn, 1972) et environ un jeune sur cinq con¬
naîtrait au moins une fracture avant l’âge de 18 ans.

morts accidentelles Les morts accidentelles chez les jeunes sont causées en majeure partie par
les accidents de la route. Ainsi aux États-Unis en 1968, parmi les décès accidentels
accidents chez les adolescents de 15 à 19 ans causés par des accidents de la circulation, 88 %
de la circulation impliquaient des filles et 66 % des garçons (Katchadourian, 1968). Les motocyclettes
sont considérées comme beaucoup plus dangereuses que les autres véhicules, selon
les assureurs le risque d’accident y est quatre fois plus élevé (Metropolitan Life,
1973).

noyade La deuxième cause de décès accidentels chez les jeunes est la noyade. Il
semble que plus de la moitié des accidents nautiques mortels touchent les jeunes de
moins de 20 ans et que les victimes se répartissent entre garçons et filles dans un
rapport de 4 contre 1, et de 12 contre 1 chez les jeunes adultes de 24 ans (Katcha¬
dourian, 1977).

L’adolescence entraîne une augmentation très significative des accidents de


toutes sortes. Par ailleurs, à cette période de la vie, le corps est jeune et en plein
développement et ne montre que rarement des signes de faiblesse de sorte que les
décès qui surviennent ont proportionnellement plus de chance d’être causés par des
traumatismes et accidents divers que par la maladie.

Mais pourquoi y a-t-il plus d’accidents chez les 12-18 ans que chez les plus
jeunes ou chez les plus vieux? Le contrôle du comportement des jeunes de cet âge
est sans doute moins adapté que chez leurs aînés dont l’expérience permet une
meilleure anticipation des effets probables des situations de la vie. Mais si les «er¬
reurs de jugement» des adolescents sont plus fréquentes que celles des adultes,
peut-on affirmer quelles sont plus nombreuses que chez les enfants? Compte tenu
notamment des capacités mentales plus grandes chez les 12 18 ans que chez les plus
jeunes, il est peu probable que les adolescents soient moins compétents dans l’anti¬
cipation de ce qui peut leur arriver dans la vie. Il faut donc qu’un autre facteur que la
capacité d’évaluer le danger intervienne pour expliquer ce qui se passe en matière
d accidents à 1 adolescence. Les possibilités nouvelles (et de ce fait inconnues de la
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 285

jeune personne elle-même) permettant d’explorer l’environnement constituent pro¬


bablement cet autre facteur. Plus forte qu’auparavant, plus autonome et par consé¬
quent moins directement supervisée et capable de prendre plus d’initiatives, la jeune
personne acquiert une confiance plus grande dans ses capacités. Le caractère «gri¬
sant» relié à la découverte peut au moins temporairement atténuer les capacités de
raisonner correctement et d’anticiper le danger; partant la notion de prudence peut
apparaître ennuyeuse et rebutante aux yeux des jeunes. Ainsi, au moment où l’indi¬
vidu est enthousiasmé par le renouvellement de l’ensemble de ses normes d’interac¬
tion avec son monde physique et social, et au moment où l’équilibre sujet-milieu de
1 enfance n’est plus reproductible, la notion de prudence proposée par le monde notion de prudence
adulte est plus difficile à intégrer dans la conduite.

Dans cette perspective, ce serait lardent désir d’exploration en interaction


avec les capacités et l’autonomie nouvelles des jeunes qui expliquerait la fréquence
plus grande d’accidents à l'adolescence. De plus, l’importance beaucoup plus grande
de ce phénomène chez les garçons pourrait s’expliquer par les mêmes raisons: sur le
plan culturel, l’exploration physique du garçon serait plus active et plus hasardeuse
que celle de la fille augmentant ainsi la probabilité que celui-ci se trouve dans des
situations dangereuses (Chetwynd et Harnett, 1978).

11.10 LE CHÔMAGE CHEZ LES JEUNES

En terminant ce chapitre, nous aborderons les problèmes d’adaptation des


12-18 ans en considérant l’impasse que constitue le chômage chez les jeunes. La
section qui suit ne rend certainement pas compte de l’ampleur de ce fléau social; il
ne s’agit que du trop bref examen d’un problème socio-économique complexe pos¬
sédant un impact important sur la psychologie des jeunes.

Dans le contexte de la crise économique sévère que nous traversons au crise économique
début de cette décennie 1980, la croissance économique est au plus bas et les
emplois nouveaux sont très rares. Or lorsque le marché de l’emploi tombe, les
jeunes sont très sévèrement touchés: l’absence de postes vacants et leur manque
d’expérience de travail sont des motifs constamment énoncés lors des refus à l’em¬
bauche. Le tableau 11.8 fournit pour le Québec la répartition des taux de chômage
des adolescents et des jeunes adultes en avril 1982. Les chiffres qui y apparaissent
indiquent que c’est la population active14 des adolescents qui, en avril 1982, compor¬
tait la proportion la plus élevée de chômeurs avec 25,7 %. Le groupe de 15-19 ans
représente 7,5 % du total de la population active au Québec mais il rassemble 14 %
de tous les chômeurs.

(14) Ces chiffres n’incluent pas les étudiants et les inactifs.


286 Chapitre 11

Près de un jeune adulte (20-24 ans) sur cinq était en chômage à cette époque,
ce qui représente 22,5 % de tous les chômeurs. Ce groupe rassemblait 15,9 % du
total de la main-d’oeuvre active québécoise.

Les données du tableau 11.8 indiquent donc que 38,5 % de tous les chômeurs
du Québec avaient moins de 25 ans, alors que le groupe d âge 15-24 ans ne représen¬
tait que 23,4 % de l’ensemble de la main-d’oeuvre active. Selon ce tableau, il est clair
que les jeunes absorbent plus que leur part de chômage.

TABLEAU 11.8: Répartition des taux de chômage des adolescents (15-19 ans) et des jeunes adultes (20-24 ans) au Québec
en avril 1982*

Groupe d’âge Population % du Nombre % de % du


active total de de chômeurs chômeurs grand
(en milliers) la population (en milliers) par groupe total
active** chômeurs

Adolescents Filles 102 8,9 23 22,5 14,8


(15 à 19 ans) Garçons 116 6,7 33 28,4 13,5
Total 218 7,5 56 25,7 14,0

Jeunes adultes Femmes 214 18,7 35 16,4 22,6


(20-24 ans) Flommes 245 14,0 55 22,4 22,4
Total 460 15,9 90 19,6 22,5

Total de la population active Femmes 1,147 — 155 13,5 _


(15 ans et plus) Hommes 1,742 — 245 14,0 —

Total 2,889 — 400 13,8 —

* Source: Statistique Canada. Document n° 71-001. Les données sont arrondies au mille. Les statistiques ne concernent que les 15 ans et
plus.

** Population active: ceux qui travaillent ou se cherchent activement un emploi.

Sachant que l’adolescence s’étend de 12 à 18 ans et que l’âge limite de


scolarisation obligatoire est 16 ans, il demeure probable que le chômage est davan¬
tage un problème vécu par les jeunes adultes (19-24 ans) que par l’ensemble des
adolescents. On peut toutefois s’interroger sur les effets que peut avoir une si forte
probabilité de chômage futur chez les 12-18 ans. Comment une société qui ne réussit
pas à intégrer fonctionnellement sa population la plus dynamique au sortir de la
longue période de gestation sociale que constitue la scolarisation, peut-elle espérer
motiver les jeunes?

La perspective de se trouver sans participation sociale influence très négati¬


vement la motivation à réussir. L’autonomie sociale n’étant pas réellement possible
sans un emploi rémunéré, le jeune chômeur continue d’être dépendant, il se trouve
adolescence forcée dans une sorte d’adolescence forcée. L’objectif normal de voler de ses propres ailes,
de quitter le domicile familial pour habiter chez lui est alors remis en question et un
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 287

plus grand nombre de jeunes sont forcés de demeurer plus longtemps à la charge de
leurs parents avec tout ce que cela peut comporter de tensions de part et d’autre. Le
chômage des jeunes adultes fait rater l’envol dans la vie et attaque très durement
l’estime de soi en créant un sentiment d’impuissance, d’incapacité de se réaliser
malgré les efforts.

Pour les adolescents encore à l’école, le chômage ternit beaucoup le lustre


des valeurs sociales proposées par les adultes: comment une société qui échoue dans
son propre renouvellement peut-elle prétendre dicter les façons de vivre, proposer
les «vraies» valeurs? La confiance des adolescents dans leur avenir est certainement
diminuée par les taux élevés de chômage; cela a pour effet de diminuer l’importance
des projets à long terme, de provoquer une centration plus facile sur les objectifs à
court terme, sur le présent en laissant une impression d’impuissance face au futur.

«Nous sommes des milliers à postuler des emplois inexistants. Tenter, à force
de publicité, de laisser croire à la population que tous ces gens sont des
paresseux, des fraudeurs, serait une entreprise quelque peu hasardeuse!
C’est peine perdue. Les sans-travail sont beaucoup trop nombreux à envahir
les centres de main-d’oeuvre et les bureaux de la Commission de l’emploi et de
l’immigration. Beaucoup d’entreprises écrivent à leurs portes: «Nous ne pre¬
nons plus les demandes d’emploi». Le problème du chômage prend tellement
d’ampleur que nous pourrions sans exagérer crier à la catastrophe. Non les
jeunes ne sont pas des paresseux ni des «chroniques» (terme employé par les
gouvernements). C’est notre système qui est malade, qui agonise. Une civilisa¬
tion qui rejette ses jeunes est une civilisation qui se meurt» (C.E.Q., 1982, p.
43-44).
288 Chapitre 11

AUTO-ÉVALUATION

1. Parmi les délits suivants, indiquez ceux qui sont considérés comme reliés au statut des jeunes:

a) La fugue;
b) le vagabondage;
c) la désobéissance;
d) le vol à l’étalage;
e) la consommation de drogue.

2. Aux Etats-Unis, Sandhu et Heasley (1981) mentionnent certains motifs appuyant la décriminalistion des infractions associées au
statut. Indiquez, parmi les propositions suivantes, celles qui font partie de ces motifs:

a) La cour juvénile possède des ressources mieux adaptés aux cas des jeunes que les cours criminelles;
b) l’inclusion des délits reliés au statut sous la juridiction de la cour entraîne de la discrimination raciale, sexuelle et économique;
c) l’emprisonnement augmente souvent la probabilité que les jeunes commettent des délits plus graves par la suite.

3. Certains délits commis par les 12-18 ans ne sont pas considérés comme des crimes parce que leurs auteurs ne sont pas encore des
adultes, mais certains de leurs actes sont considérés comme des délits pour la même raison:

a) Vrai
b) Faux

4. Parmi les propositions suivantes, identifiez les éléments requis pour qu’un comportement soit considéré comme un acte délinquant
(selon Gold et Petronio, 1980):

a) L’intention consciente de commettre un acte illégal;


b) la connaissance du comportement par la justice;
c) l’auteur se sait passible de poursuites mais agit involontairement;
d) un délit non criminel mais associé au statut de l’adolescent;
e) l’acte est une violation délibérée de la loi.

5. Malgré la croyance populaire, le taux de délinquance connu du système judiciaire est demeuré relativement le même entre 1960 et
1980 dans les pays industrialisés:

a) Vrai
b) Faux

6. Il y a plus de délinquants masculins que de délinquants féminins et cet écart qui existe depuis fort longtemps s’est maintenu constant
depuis une vingtaine d’années:

a) Vrai ,
b) Faux

7. Identifiez parmi les éléments suivants, les facteurs qui peuvent expliquer la croissance plus rapide de la délinquance féminine au cours
des dernières années:

a) Une augmentation réelle du nombre de délits;


b) la reconnaissance plus difficile des filles comme délinquantes;
c) une augmentation de l’efficacité des contrôles sociaux;
d) les oiganismes charges de 1 ordre social reconnaissent plus facilement les filles comme délinquantes;
e) la croissance moins rapide du nombre de dossiers féminins traités par les organismes de justice.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 289

8. Parmi les délits suivants, identifiez ceux qui entraînent plus fréquemment l’arrestation des garçons que des filles aux États-Unis
(1975):

a) Fugue;
b) vandalisme;
c) assaut contre la personne.

9. Au Canada, on observe qu il y a plus de filles amenées en cour à la suite d’une plainte de la famille que de garçons (Gagnon et Biron
1979):

a) Vrai
b) Faux

10. Au Canada comme aux États-Unis, les infractions reliées au statut sont proportionnellement plus fréquentes chez les filles que chez
les garçons:

a) Vrai
b) Faux

11. La délinquance des filles se distingue de la délinquance des garçons à plusieurs égards. Identifiez parmi les propositions suivantes les
variables qui différencient les filles des garçons en matière de délinquance:

a) La délinquance féminine augmente plus rapidement que celle des garçons;


b) la proportion de délits violents est moins grande chez les garçons que chez les filles;
c) les délits reliés à la fuite du domicile familial sont plus fréquemment rencontrés chez les filles;
d) toute proportion gardée, les garçons se trouvent plus souvent en centre d’accueil que les filles (Biron et coll., 1980);
e) il y a moins de délinquance chez les filles que chez les garçons.

12. Newman et coll. (1979) proposent cinq types de délinquants: 1) le délinquant psychopathe; 2) le délinquant névrotique; 3) le
délinquant psychotique; 4) le délinquant organique; et 5) le délinquant de bande. En respectant cet ordre de mention, identifiez,
parmi les propositions suivantes, les caractéristiques personnelles que ces auteurs associent à chacun des types de délinquants:

a) Comportement antisocial découlant d’un retard mental ou d’une lésion cérébrale;


b) intégration à une société marginale ayant des lois opposées à la société traditionnelle;
c) manque de contrôle sur les pulsions et manque de contact avec la réalité;
d) personnalité impulsive, défiante, sans culpabilité, incapable d’apprendre d’après l’expérience;
e) affecté de conflits psychologiques exprimant ses besoins insatisfaits par un comportement antisocial.

13. On a observé aux États-Unis (1975) une augmentation marquée du nombre d’arrestations des 12-14 ans, puis une constante de leur
nombre jusqu’à 18 ans:

a) Vrai
b) Faux

14. Sur le plan des délits révélés (et non pas des arrestations), les travaux de Gold et Reimer (1975) appuyés de ceux de O’Malley et coll.
(1977) indiquent que (choisissez la ou les propositions correctes):

a) Le taux de délits révélés augmente rapidement chez les jeunes entre 12 et 14 ans et demeure stable jusqu’à 18 ans;
b) le taux de délits révélés augmente du début à la fin de l’adolescence avec un sommet de gravité des actes à 15 ans;
c) le taux de délits révélés demeure relativement stable après 14 ans mais connaît un sommet de gravité à 15 ans;
d) à partir du sommet de gravité de 15 ans, le taux de délits révélés diminue progressivement jusqu’à 18 ans.

15. Dans l’étude de la relation qui existe entre la maturation physique et la délinquance, on peut poser l’hypothèse que si la maturation du
corps était reliée à la délinquance, les sujets à maturation précoce d’un âge donné avoueraient en moyenne plus de délits que les
sujets à maturation tardive:

a) Vrai
b) Faux
290 Chapitre 11

16. Choisissez l’énoncé correct:

a) Selon Gold et coll. (1980), l’âge chronologique est davantage relié à l’augmentation des délits à l’adolescence que les changements
dans les rôles sociaux et les attitudes morales;
b) selon Gold et coll. (1980), ce n’est pas tant l’âge chronologique qui provoque une augmentation de la fréquence des délits à
l’adolescence que les changements dans les rôles sociaux et les attitudes morales qui se manifestent au cours de cette période.

17. «Quelles sont les principales raisons pour lesquelles les gens deviennent délinquants»? Parmi les propositions suivantes, identifiez les
trois motifs les plus fréquemment mentionnés par la population au sujet de cette question (Griffin et coll., 1978):

a) Manque de loisirs pour les jeunes;


b) pour le plaisir;
c) chômage;
d) parents trop permissifs;
e) la police n’est pas assez libre d’agir;
f) drogue;
g) parce qu’on est gâté et qu’on en a trop;
h) pauvreté.

18. Le comportement réel des jeunes de différentes classes sociales ne serait pas aussi distinct que les taux d’arrestations pourraient le
laisser croire car il y aurait plus de délits non appréhendés dans les classes moyennes et aisées que dans les classes défavorisées
(Lefrançois, 1981):

a) Vrai
b) Faux

19. Donnez deux exemples possibles du phénomène «d’exploitation parentale» qu’Elkind (1967) relie à la délinquance rencontrée dans
les classes moyennes.

20. Elkind (1967) établit un parallèle entre les adolescents qui subissent l’exploitation parentale et des employés d’usine se trouvant aux
prises avec des patrons qui ne respectent pas la convention collective; les possibilités qui s’offrent à eux sont:

1) Quitter leur emploi;


2) faire la grève;
3) saboter l’usine;
4) se soumettre aux demandes illégales des patrons.

En respectant cet ordre de mention, reliez chacune de ces options aux possibilités qui s’offrent aux adolescents subissant l’exploita¬
tion parentale:

a) Refuser de se conformer aux exigences parentales;


b) devenir délinquants;
c) se soumettre tant bien que mal aux exigences irréalistes de leurs parents;
d) quitter le domicile familial.

21. On a observé que plus de 80 % des adolescents révèlent avoir commis au moins, un acte délinquant et qu’un grand nombre
d’adolescents sont responsables de l’ensemble des actes de délinquance juvénile (Gold et coll., 1980):

a) Vrai
b) Faux

22. Parmi les propositions suivantes, identifiez les affirmations qui sont appuyées par les recherches sur la relation famille-délinquance:

a) En matière de contrôle du comportement, l’influence de la famille est plus grande en bas âge et s’estompe peu à peu pendant'
l’adolescence;
b) plusieurs études ont observé une incidence aussi forte de la délinquance juvénile dans les familles parentales que monoparentales;
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 291

c) les filles seraient moins sensibles que les garçons aux tensions familiales de sorte que l’on trouve plus souvent ce facteur dans
l’histoire personnelle des délinquants masculins que féminins;
d) le rejet parental est considéré comme le facteur familial le plus solidement associé à la délinquance juvénile car il détruit le
processus d’identification et développe une vive frustration chez les adolescents.

23. Empey (1975) croit qu’il existe un vide dans la vie émotionnelle de certains adolescents découlant de la vie familiale avec des parents
non appropriés. Un tel vide rend ces jeunes moins sensibles à la pression sociale des groupes des pairs:

a) Vrai
b) Faux

24. Conger et coll. (1965) ont mis en évidence une série de caractéristiques psychosociales distinctives des délinquants. Parmi les
propositions suivantes, identifiez celles qui font partie de ces caractéristiques:

a) Ils sont perçus par leurs professeurs comme moins responsables, moins impulsifs et plus amicaux;
b) ils possèdent une image plus positive d’eux-mêmes;
c) ils se perçoivent moins utiles que les autres;
d) ils refusent plus fréquemment les responsabilités que les autres;
e) ils sont plus aimés et plus acceptés de leurs pairs.

25. A l’adolescence, le groupe des pairs aurait une influence plus ou moins grande selon l’histoire de la socialisation pendant l’enfance.
Ceux et celles qui y ont connu un processus de socialisation moins satisfaisant dans leur famille seront moins sensibles aux influences
du groupe des pairs:

a) Vrai
b) Faux

26. La délinquance juvénile est le résultat d’une série de facteurs qui ne peuvent être réduits à un modèle de cause à effet simples.
Certaines dimensions, même si elles ne peuvent être isolées du contexte global de la vie de l’individu, ont été plus couramment
associées au conditionnement du phénomène vécu de la délinquance (Coleman, 1980). Identifiez ces facteurs plus importants parmi
les propositions suivantes:

a) Le type d’école;
b) l’histoire familiale;
c) le sexe;
d) la précocité développementale;
e) la personnalité.

27. Plusieurs facteurs conditionnent l’intégration ou le rejet d’une drogue par une culture. Blum (1969) mentionne que l’alcool serait plus
vite intégré par les sociétés valorisant l’action et l’agressivité, tandis que le cannabis serait plus facilement accepté dans les sociétés
qui valorisent le calme et les comportements plus discrets:

a) Vrai
b) Faux

28. Identifiez, parmi les éléments suivants, ceux que la définition courante de drogue n’inclut pas:

a) L’alcool;
b) la simple nourriture;
c) les substances utilisées dans le traitement de la maladie;
d) le tabac;
e) la marijuana.

29. Parmi les principaux types de drogues psychotropes, on trouve notamment:

1) Les opiacés;
2) les tranquillisants et sédatifs;
292 Chapitre 11

3) les stimulants;
4) les hallucinogènes psychédéliques;
5) les solvants volatils;
6) les drogues de type cannabis.

En respectant cet ordre de mention, reliez chaque type à chacun des exemples de drogue suivants:

a) Éther;
b) haschich;
c) morphine;
d) Valium®;
e) PCP;
f) cocaïne.

30. Selon l’étude de Poissant et Crespo (1976) menée à Montréal, les jeunes filles consommeraient autant de drogue que les jeunes
garçons:

a) Vrai
b) Faux

31. Identifiez le groupe d’âge où l’on a observé la plus forte consommation de drogue en France (Fréjaville et coll., 1977) et aux
États-Unis (Miller et coll., 1978):

a) De 12 à 15 ans;
b) de 15 à 18 ans;
c) de 18 à 25 ans;
d) de 25 à 30 ans;
e) de 12 à 18 ans.

32. Identifiez, parmi les propositions suivantes, les facteurs d’abandon de la consommation de drogues chez les jeunes adultes améri¬
cains (Miller et coll., 1978):

a) Le fait de commencer à consommer de l’alcool;


b) le fait de se marier;
c) le fait d’entreprendre un nouvel emploi après le collège;
d) le fait de commencer à fumer du tabac;
e) le fait d’avoir un enfant.

33. Concernant l’évolution de la consommation de drogues chez les jeunes, que veut-on dire lorsqu’on parle d’un phénomène endémique
qui remplacerait graduellement le phénomène épidémique (Richards, 1980)?

34. Entre 1972 et 1977 aux États-Unis, on n’a pas observé d’augmentation significative dans la proportion d’adolescents et de jeunes
adultes révélant avoir déjà consommé de la marijuana ou du haschich (Abelson et coll, 1977):

a) Vrai
b) Faux

35. Qu’est-ce qui amène les jeunes à commencer à prendre de la drogue? Parmi les motivations suivantes, identifiez celles que Fréjaville
et coll. (1977) ont trouvé parmi les trois premiers motifs associés aux premières consommations par les patients-usagers rencontrés
lors des consultations en clinique:

a) Pour les effets;


b) par curiosité;
c) pour faire comme les autres;
d) poussé par un besoin;
e) la recherche d’évasion.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 293

36. Des études ont pu retracer certains facteurs personnels et environnementaux caractérisant les individus aliénés par un problème de
drogue. Parmi les propositions suivantes, identifiez celles qui font partie de ces facteurs:

a) Un manque d’habileté à faire face aux problèmes de la vie;


b) une famille trop compréhensive et permissive;
c) le sentiment d’être rejeté par sa famille;
d) une faiblesse de la personnalité;
e) le sentiment d’être plus fort que les autres.

37. Shafer et coll. (1973) ont observé que les consommateurs de drogues fortes avaient évolué graduellement mais une séquence plus
probable d’évolution a aussi été observée. Ordonnez les substances suivantes en fonction de cette séquence plus probable d’évolu¬
tion vers les drogues fortes:

a) Drogues fortes;
b) alcool;
c) tabac;
d) marijuana;
e) pilules.

38. La consommation de plusieurs drogues différentes par une même personne n’est pas un indice de progression plus probable vers des
drogues plus fortes.

a) Vrai
b) Faux

39. Chez quel groupe parmi les suivants a-t-on observé la plus grande augmentation de consommation d’alcool entre 1970 et 1978 au
Canada?

a) Chez les 19 à 25 ans;


b) chez les 13 à 19 ans;
c) chez les 25 à 34 ans.

40. Parmi les propositions suivantes, identifiez les énoncés qui sont vrais en ce qui a trait à la consommation d’alcool au Canada et aux
États-Unis:

a) Il y a plus de grands buveurs masculins que de grands buveurs féminins;


b) la grande consommation d’alcool chez les jeunes comme chez les plus vieux résulte plus de beuveries que d’habitudes de
consommation régulière;
c) l’alcool demeure consommé par plus de jeunes que les autres substances psychotropes;
d) l’augmentation chez les 12-18 ans de la consommation de drogues a été suivie d’une diminution de la consommation d’alcool.

41. Environ combien de temps l’organisme mettra-t-il pour métaboliser l’alcool contenu dans une bouteille de bière de 34 cl (12 onces à
raison de ± 5 % d’éthanol)?

a) De 15 à 30 minutes;
b) de 30 à 45 minutes;
c) 1 heure;
d) 1 heure et demie;
e) 2 heures.

42. Comment expliquer que les gens aient parfois l’impression d’être stimulés par l’alcool alors qu’en fait il agit comme un dépresseur sur
le système nerveux central?

43. Lequel des facteurs suivants est le plus étroitement associé à la consommation d’alcool chez les jeunes (Kandel et coll. 1978)?

a) Le groupe d’amis à l’adolescence;


b) l’influence des parents;
294 Chapitre 11

c) les attitudes des jeunes eux-même;


d) les autres comportements délinquants.

44. Au Canada chez les 18-19 ans, même s’il y a plus de garçons parmi les grands buveurs, il y a presque autant de filles qui consomment
de l’alcool:

a) Vrai
b) Faux

45. On désigne généralement comme obèse une personne qui (choisissez la proposition correcte):

a) Se perçoit comme trop lourde;


b) dépasse de 10 % son poids normal;
c) dépasse de 30 % son poids normal;
d) dépasse de 20 % son poids normal.

46. Identifiez, parmi les suivantes, les propositions vraies concernant l’obésité à l’adolescence (Daniel, 1982):

a) L’incidence de l’obésité augmente à l’adolescence;


b) les adultes obèses n’ont pas nécessairement un poids excessif à leur naissance;
c) les bébés gras ont plus de chances de devenir obèses plus tard;
d) l’obésité qui débute pendant l’enfance persistera probablement au cours de l’adolescence et de l’âge adulte.

47. Rodin (1982) fait mention d’une façon de déterminer le poids optimal d’une personne selon la base de 1,50 mètre - 45 kg pour les
femmes, et 1,50 mètre - 47,7 kg pour les hommes. Décrivez deux situations dans lesquelles cette équation simple peut être erronée
dans l’identification de l’obésité.

48. L’incidence de l’obésité est plus grande dans les pays riches où la nourriture est abondante et la vie sédentaire (Daniel, 1982):

a) Vrai
b) Faux

49. Décrivez l’expérience tentée par Schacter (1968) pour démontrer que les sujets obèses ont plus de difficulté à interpréter adéquate¬
ment les indices internes de la faim.

50. En matière d’obésité à l’adolescence, identifiez les propositions appuyées par des études parmi les suivantes:

a) Les adolescents obèses sont plutôt tolérants et peu soucieux de plaire aux autres (Conger, 1977);
b) le fait d’être obèse peut constituer une échappatoire aux confrontations sociales (sports, rendez-vous hétérosexuels, etc.)
(Coleman, 1980);
c) bon nombre de recherches ont observé que, depuis son enfance, l’adolescent obèse avait dû faire face à de nombreux échecs dans
ses tentatives pour contrôler son poids (Daniel, 1982);
d) une attitude stricte des parents en vue de forcer le contrôle du poids est un facteur positif important dans la lutte contre l’obésité
(Daniel, 1982).

51. Des études ont démontré que chez les femmes, il y avait une relation plus étroite entre l’obésité et le niveau socio-économique faible
que chez les hommes (Allon, 1982):

a) Vrai
b) Faux

52. Ordonnez les causes suivantes de décès accidentels par ordre d’importance décroissant, chez les jeunes aux États-Unis:

a) La noyade;
b) les incendies;
c) les accidents de la route.
Les problèmes d’adaptation des 12-18 ans 295

53. Plus de la moitié des victimes par noyade se rencontrent chez les moins de vingt ans et concernent autant les filles que les garçons:

a) Vrai
b) Faux

54. Comment peut-on expliquer l’augmentation du nombre d’accidents à l’adolescence?

55. Pour le Québec (avril 1982), classez selon un ordre décroissant les groupes d’âges suivants en fonction de leur proportion respective
de chômeurs.

a) 15-19 ans;
b) 20-24 ans;
c) 24 ans et plus.
Corrigé

CHAPITRE 1 48. b
1. c, b 49. Voir la section 1.10
2. a 50. c, d
3. b, c, a (ordre requis) 51. a, d
4. a 52. a
5. a, b, d 53. Voir le début de la section 1.12
6. b, a, c (ordre requis) 54. b
7. b 55. b, a, c, d (ordre requis)
8. a
9. c, a, b (ordre requis) CHAPITRE 2
10. a 1. c, d, b, a
11. Voir la section 1.3 2. a
12. a, c 3. c
13. a 4. b
14. a 5. a
15. Voir la section 1.5 6. a
16. b 7. a
17. b. c 8. a
18. a 9. b
19. b 10. Voir le tableau 2.1
20. b, a, c 11. Voir le tableau 2.1
21. b 12. b
22. b, d 13. b
23. Voir la section 1.6.2 14. d, a, c, b
24. b, c 15. d, c, a, b
25. b 16. b
26. b, c 17. a
27. a 18. b, c, e
28. Voir la fin de la section 1.6.3 19. La plupart des cultures dévaloriseraient l’effort physique soutenu et
29. b violent chez les filles. En Bulgarie, l’écart entre les filles et les garçons
30. b ne serait pas aussi grand et cela serait relié à l’attitude similaire que la
31. a, c, d, b (ordre requis) culture manifeste à l’égard de l’activité physique chez les filles et les
32. c, a, d, b (ordre requis) garçons.
33. a 20. b
34. c 21. a
35. d, a, c, b (ordre requis) 22. b, d, e (2 bons choix requis)
36. d 23. c, b, a, d, e
37. Voir la section 1.7.5 24. c, e, b, d, a
38. a, d
39. a CHAPITRE 3
40. b 1. b
41. a, c 2. b, c, d, e
42. a 3. a
43. b, d, g 4. b
44. b 5. b, c, e (2 bons choix requis)
45. Voir la section 1.8 6. b
46. a 7. a, c, d
47. b, d, e 8. a
298 Corrigé

9. d
10. a
CHAPITRE 6
11. b, c 1. a
12. a 2. b, d, e
13. b 3. b
14. b 4. b
15. a 5. c, d, i (3 bons choix requis dans l’ordre)
16. a, b, e 6. e, a, h, j (3 bons choix requis dans l’ordre)
17. a 7. a
18. a, d, e 8. b
19. a, d, f, h (2 bons choix requis) 9. d, b, e, a, (3 bons choix requis dans l’ordre)
20. b, c, j (2 bons choix requis) 10. d, b, e, c, a (4 bons choix requis dans l’ordre)
21. e, g, i (2 bons choix requis) 11. e
22. a 12. a
23. b 13. b
14. a, c, d
15. a
CHAPITRE 4
16. d, a, c, b (ordre requis)
1. a, e 17. c, d, b, a (ordre requis)
2. a 18. a, d
3. a, b, c, d (3 bons choix requis) 19. b
4. a 20. a
5. b 21. d, c, d, e, (3 bons choix requis)
6. Voir le tableau 4.1 pour un modèle d’exemple. 22. b, d, e
7. d 23. a, c, e (2 bons choix requis)
8. a 24. b
9. b 25. b
10. a 26. a
11. b 27. a
12. a, b, f (2 bons choix requis) 28. b, c, a (2 bons choix requis dans l’ordre)
13. Voir les problèmes 1 à 4 pour des modèles d’exemples. 29. a
14. c, b, f, d 30. b
15. a 31. a
16. Voir le problème n° 3 32. b, c, d
17. b 33. a
18. c, d, e, g, i (4 bons choix requis) 34. d
19. Voir l’exemple du cheminot (Monsieur Tremblay) pour un modèle. 35. b
20. b, e 36. a
37. b
38. a
CHAPITRE 5
39. b, e
1. b 40. a
2. a, d, f 41. a
3. a, b, e 42. a
4. b, c, e (2 bons choix requis)
5. c, e, b, d, a CHAPITRE 7
6. a 1. a, c, e
7. Voir le tableau 5.1 2. b
8. b 3. a
9. b, c, f (2 bons choix requis) 4. c, d
10. b, c, e (2 bons choix requis) 5. c, a, b, d (3 bons choix requis dans l’ordre)
11. c, d 6. a
12. b 7. b, c, e
13. c, a, b, d 8. a
14. b 9. b
15. b 10. a
16. c 11. b, d, g
17. d, a, c, b (3 bons choix requis) 12. a
18. a 13. b, c, d, e, (3 bons choix requis)
Corrigé 299

14. b, c, e
15. a 17. Une étudiante du secondaire III a toujours obtenu de bonnes notes et
eu une histoire scolaire sans problèmes. En fin d’année, elle apprend
16. c, d, f, g (3 bons choix requis)
17. b qu’elle a échoué deux matières importantes. Des idées de cacher ses
18. a, b échecs, d’abandonner les études, de fuir lui passent par la tête. En
repensant bien à sa situation elle se rend compte que tout n’est pas
19. e, a, c, b, d (4 bons choix requis dans l’ordre)
20. a fini, qu’elle doit se reprendre et affronter son problème avec confiance

21. a (essayez d’élaborer un exemple à partir de votre histoire personnelle).


18. a
22. b
19. b
23. b
20. b
24. a
21. a
25. a
22. b
26. b
23. Relire I exemple du gardien de but et transposer l’approche écologique
CHAPITRE 8 (qui tient compte de l’interaction sujet-milieu) dans votre contexte de
vie universitaire.
1. Il n’y a pas d’âge précis marquant la fin de l’évolution sociale; elle se
24. a
poursuit de la naissance à la mort.
25. a
2. Les transformations physiques qui bouleversent l’image du corps.
26. b
La maturation sexuelle qui apporte des pulsions nouvelles et provo¬
27. c
que l’adoption d’un rôle social féminin ou masculin.
28. c
- Les transformations mentales qui permettent une nouvelle organisa¬
29. b
tion des idées, des valeurs, des projets, etc.
30. a
- Les attentes de l’entourage humain qui se modifient pour devenir
31. b
plus exigeantes au plan de l’autonomie à déployer. On exige plus de
«maturité» de la part de l’adolescent que de la part de l’enfant.
3. Voir le tableau 8.1 CHAPITRE 9
4. b
5. L échelle de dix stades proposée par Gordon (1971) couvre l’ensemble 1. b
de la vie, de la naissance à la mort. 2. a) a, c, e (2 bons choix requis)
6. Les parents. b) b, c, e
7. Les amis du même sexe et ensuite les amis du sexe opposé rempla¬ c) a, d, f
cent habituellement les parents en tête de la liste des personnes les 3. a
plus importantes. 4. b, c, d
8. À la fin de l’adolescence, c’est-à-dire entre 16 et 20 ans. 5. a
9. Selon Gordon (1972), au début de l’adolescence les garçons s’orien¬ 6. b
tent davantage vers la conquête de leur autonomie et de leur indépen¬ 7. a
dance en recherchant la réussite sociale. Les filles déploient davantage 8. c
d énergie sur le plan des échanges et communications afin de se faire 9. a
aimer et accepter socialement. 10. a, b, e
10. La recherche d’intimité sociale. 11. b
11. Voir le tableau 8.3 12. b
12. 1) L’habileté à établir un sentiment d’intimité, de contact étroit et 13. a
d’implication avec les autres; 14. b
2) l’habileté à s’exprimer verbalement; 15. Voir le tableau 9.3
3) la maturité cognitive 16. b, e
Voir la figure 8.1. 17. a
13. Par exemple, si deux parents sont d’excellents administrateurs, il est 18. a, d
possible que malgré le processus d’identification qui joue chez l’enfant, 19. b
celui-ci ne développe pas d’habiletés d’administrateur parce qu’on en a 20. a
pas besoin dans la famille. 21. Généralement la clique ne regroupe que quatre ou cinq personnes
14. a) a alors que les bandes sont composées de 15 à 30 individus. La clique
b) b aurait davantage une fonction de communication quotidienne entre
c) c ses membres alors que la bande aurait une fonction d’organisation
d) d d’activités qui surviennent principalement au cours des fins de
e) e semaine. Voir le texte pour d’autres distinctions.
15. Voir la question 14 e) et élaborez un nouvel exemple. 22. Selon Dunphy (1963), la bande a la fonction de permettre le passage
16. - Défense contre les pulsions amenées par la puberté; de relations sociales unisexuelles au début de l’adolescence à des
- consolidation de l’autonomie personnelle; relations hétérosexuelles en associant des cliques de garçons et des
- intégration de l’identité propre. cliques de filles dans une même bande.
300 Corrigé

CHAPITRE 10 16. b
17. c, d, h (2 bons choix requis)
1. a
18. a
2. c
19. Voir la section 11.5
3. a
20. d, a, b, c (ordre requis)
4. a, b, d
21. b
5. b
22. a, d
6. b, c, d
23. b
7. a
24. c, d
8. b
25. b
9. Voir le tableau 10.2
26. b, c, e
10. b
27. a
11. a, c, b
28. b. c
12. b
29. c, d, f, e, a, b (5 bons choix requis dans l’ordre)
13. a
30. a
14. b, c, d
31. c
15. b
32. b, c, e
16. a
33. Voir la section 11.6.2
17. a, c, e
34. b
18. b
35. a, b, e
19. c, e
36. a, c, d
20. a
37. c, b, d, e, a (ordre requis)
21. b
38. b
22. b, d, e
39. b
23. c, b (ordre requis)
40. a, c
24. a, d, e
41. d
25. a, c, d
42. Voir la section 11.7.2
26. a
43. b
27. b
44. a
28. Voir le tableau 10.4
45. d
29. a
46. a, b, d
30. a, b, d, e (3 bons choix requis)
47. Dans le cas d’un athlète et dans le cas d’une personne sédentaire.
31. a
48. a
32. b
49. Voir la section 11.8
33. a, c, e
50. b, c
34. b
51. a
35. c, d, b, e, f (4 bons choix requis dans l’ordre)
52. c, a, b (ordre requis)
36. a
53. b
37. a, b, e, f, h, i, j (6 bons choix requis)
54. Voir la section 11.9
38. a, c, e
55. a, b, c (ordre requis)
39. b
40. a

CHAPITRE 11
1. a, b, c
2. b, c
3. a
4. a, e
5. b
6. b
7. a, d
8. b, c
9. a
10. a
11. a, c, e
12. d, e, c, a, b (ordre requis)
13. a
14. b
15. a
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'

'
Index

A B
abus des drogues, 268 bande, 216
accidents de la circulation, 284 Barker, 31
accommodation, 79 Baumrind, 203
acte suicidaire, 241 typologie de, 206
acting out, 244 Benedict, 23, 24
activité besoin^d’intimité, 210
mentale, 77, 78 bisexuels, 164
orgastique, 143 blennorragie, 165
sexuelle, 136 Bios, 14, 22
prépubertaire, 137 Bronfenbrenner, 32, 33
adaptation, 29, 30, 79
biologique, 78
fonctionnelle, 226 c
adhésion à la contre-culture, 260 ça, 12, 14
adolescence capacité physique, 48
forcée, 286 caractéristiques
chez les Grecs, 4 du raisonnement, 92
dans l’histoire, 3 sexuelles primaires, 53
au Moyen-Âge, 5 sexuelles secondaires, 46, 47, 53
à la Renaissance, 5 causes de la délinquance, 264
agent centres
social, 204 d’accueil, 259
de socialisation, 202 du plaisir, 135
alcool (1’), un dépresseur, 279 chancre, 167
aliéné, 204 changements
alimentation corporels, 46
problèmes reliés à, 229 physiologiques, 49
amitié, 209 de rôles à l’adolescence, 264
- activité, 213 chiffres
- réciprocité, 213 arrangements de, 85
- solidarité, 213 choix du partenaire, 172
non amoureuses entre garçons et filles, 211 chômage chez les jeunes, 285
antihumanistes, 205 clique, 216
appels à l’aide, 240 cognitivo-développementale, 28
apprentissage coït prémarital, 144
de l’impuissance, 237 Coleman, 15, 16, 26, 27
problèmes d’, 229 combinatoire, 88, 90
, approche écologique, 30 Comenius, 5
Aristote, 4 complexe
arrangements de chiffres, 85 d’Électre, 13
arrestations, 262 d’Oedipe, 13, 16
assimilation, 79 comportement(s)
attitudes sexuelles, 170 antisocial, 252
augmentation de la consommation d’alcool, 278 antisociaux, 234
autisme infantile, 229 problèmes de contrôle du, 229
autocontrôlé, 6, 18 conduites sexuelles, 146
318 Index

confiance de base, 17 déviations sexuelles, 160


conflit des générations, 218 diagnostic, 224
conformisme, 215 différences
connaissances disponibles, 269 entre garçons et filles, 139
constructivisme, 81 individuelles, 98
contact physique, 136 dilemme, 112
contexte des activités sexuelles, 147 discipline familiale inconsistante, 267
contraception, 156 distinctions entre filles et garçons, 244
contrôle double standard, 170
externe, 105 drogue
interne, 105 et culture, 268
des naissances, 156 aux États-Unis, 274
cote d’agir sexuel, 145 en France, 273
criminalité des filles, 257 au Québec, 273
crise économique, 285 DSM, 229
critères
de délinquance, 253 E
de maturité sexuelle, 51 échange
croissance théorie de 1’_de Eckardt, 169
physique, 43 échecs de contrôle du poids, 282
poussée de, 43, 48 Eckardt
rythme de, 43 théorie de l’échange de, 169
culpabilité, 18 école, 206
culture et sexualité, 168 écologie du développement humain, 30
cycle égocentrisme adolescent, 118
menstruel, 54 éjaculation, 132
ovarien, 54 élimination
problèmes reliés à, 229
D engagement dans la délinquance, 260
Darwin, 7 énurésie, 227
darwinisme, 7 environnement écologique, 31
décalages horizontaux, 28 épidémicité
définition, 270 des drogues, 270
de l’obésité, 280 des troubles mentaux, 230
déidéalisation, 14 épistémologie, 29
délinquance équilibration, 30, 81
et classe sociale, 264 érection du pénis, 130
chez les garçons et chez les filles, 255 Erikson, 19, 20, 21, 22
juvénile, 252 espace social, 210
délinquant juvénile, 254 évolution
délits révélés, 262 de l’amitié, 212
dépendance perceptuelle, 106 dans la consommation de drogues, 277
dépression(s), 237 des usages, 269
voilées, 240 excitation, 129
désordres exibitionnisme, 162
névrotiques, 229 expériences homosexuelles, 163
de la personnalité, 230 explications de la consommation de drogues, 276
psychotiques, 229 exploitation parentale, 265
situationnels, 230 explosion de croissance, 42
développement
cognitif, 78 F
du groupe, 216 facteurs
déviance, 161 biologiques reliés au suicide, 241
sociaux et familiaux, 241 K
famille(s), 202 Kinsey, 139
brisées, 266 Kohlberg, 109
et délinquance, 266
et drogue, 277 L
fantaisies, 148 langage
femmes mariées, 143 problèmes de, 229
fétichisme, 162 lesbianisme, 164
Feuerstein, 102, 104 lesbienne, 162
fixation-variation, 85 libido, 13
force musculaire, 50 lieu de contrôle, 105
fréquence Locke, 6
coïtale, 145
des conduites sexuelles, 140 M
Freud, 12 maladie(s)
Anna, 13 mentales, 226
vénérienne, 165
G maladresse, 51
Gesell, 9 marijuana, 275
gonorrhée, 164 mass médias, 208
grands buveurs, 278 Masters et Johnson, 127
grossesses masturbation, 144
adolescentes, 157 maturation
non désirées, 157 émotionnelle, 7
prémaritales, 157 sexuelle, 51
groupe(s), 213 féminine, 53
d’adolescents, 208 masculine, 54
INRC, 88 Mead, 23, 24
des pairs, 268 ménopause, 54
Guilford, 98 méthodes contraceptives, 157, 158
milieu de travail, 207
H mode(s), 209
hallucinogènes psychédéliques, 271 modèles parentaux, 206
homophilie, 161 moi, 12, 14
homosexualité, 161 morale
humaniste, 205 conventionnelle, 109, 114
hypothético-déductive, 88 postconventionnelle, 109, 115
préconventionnelle, 109, 113
morphogénèse, 10
identité, 16 morts accidentelles, 284
crise, 16, 19 motivations à prendre de la drogue, 276
forclose, 19 mouvements «gais», 162
négative, 20 moyens,
personnelle, 16 efficaces, 283
inceste, 162 utilisés, 245
inconscient, 12 myotonie, 130
influence des parents, 280
intention, 108 N
invariants fonctionnels, 79 naissance
contrôle des, 156
J nature et effets de l’alcool, 278
jeux sexuels, 161 néo-freudiens, 22
néo-piagétiens, 28
320 Index

névrose, 230 d’anxiété, 229


nomenclature en psychopathologie, 228 d’apprentissage, 229
notion de prudence, 285 de contrôle du comportement, 229
noyade, 284 de langage, 229
reliés à l’alcool, 277
O alimentation, 229
obésité à l’adolescence, 280 élimination, 229
odorat, 127 procédures judiciaires, 259
opiacés, 271 pronostic relié à la schizophrénie, 236
organisation, 79 proportions, 86, 88
orgasme, 129, 132 psychodiagnostic, 227
oscillation du pendule, 84 clinique, 228
ouïe, 127 psychométrie, 98
psychopathologie, 224
P psychothérapie, 230
pairs et délinquance juvénile, 267
partenaire Q
choix du, 172 quotient intellectuel, 98, 99
pédophilie, 162
pensée R
combinatoire, 92 raisonnement
formelle, 88 formel, 79, 83
hypothético-déductive, 92 hypothético-déductif, 91
morale, 107 raisons pouvant expliquer l’obésité, 281
opératoire formelle, 83 réaction dépressive
propositionnelle, 92 aiguë, 237
performances athlétiques, 50 chronique, 237
période(s) voilée ou masquée, 237
du développement cognitif, 81 récapitulation
de latence, 13, 14 théorie de la, 8
préschizophrénique, 234 réflexibilité • impulsivité, 105
réfractaire, 129 règles sociales, 118
personnalité, 104 rejet parental, 242, 267
phase relation
d’excitation, 130 amoureuse, 147
du plateau, 130 avec les pairs, 208
de résolution, 135 relativisme culturel, 23
phénomène endémique, 274 réponse sexuelle, 127
physiologie des fonctions sexuelles, 127 résolution, 129
Piagit, 29, 78, 79 rôles sociaux, 9, 25
plainte de la police, 258 Rousseau, 6
plaisir, 134 rythme de croissance, 43
plateau, 129
Platon, 4 S
poids optimal, 281 sadomasochisme, 162
poussée de croissance, 43, 48 schèmes, 79
première(s) schizophrénie, 225, 231, 232
amours, 19 à l’adolescence, 233
expérience coïtale, 148 scolarisation, 206
préoccupations, 236 sélection naturelle, 7
prépuberté, 48 séquence, 46
problème(s) sexualité, 124
des accidents à l’adolescence, 284 culture et, 168
socialisation
V
agents de, 202
valeurs du groupe, 215
société adolescente, 208
vasocongestion, 129
solvants volatils, 272
victime sociale, 204
somatotype, 42
viol, 162
stade, 28, 29, 81
voyeurisme, 162
anal, 12
vue, 126
génital, 13
oral, 12
phallique, 12
w
Werner, 29
Stanley Hall, 8
stéréotypes, 210
Z
stérélité adolescente, 51
zones érogènes, 126
stimulants, 271
zoophilie, 162
stimulation sexuelle, 125
structure de l’intelligence, 98
style cognitif, 104
suicide, 240
surcriminalisation, 254
surmoi, 12
surpopulation, 156
symptôme (s), 225
associés à la dépression, 238
caractéristiques de la schyzophrénie, 235
mixtes, 233
syndrome, 225
syphilis, 164, 166
système limbique, 135

T
Tanner, 42
tension familiale, 267
tentatives de suicide, 245
Tests, 101
psychométriques, 102
standardisés, 98
Théorie
de l’échangé de Eckardt, 169
focale, 26, 28
de la récapitulation, 8
toucher, 125
traditionnaliste, 204
tranquilisants et sédatifs, 271
troubles
d’organicité, 229
reliés au processus de la pensée, 236
type(s)
cannabis, 272
délinquant, 205, 255, 259
socialisé, 205
sociaux, 203
typologie de Baumrind, 206
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
Psychologie de l’adolescence
Au cours des dix dernières années, la psychologiê
de l'adolescence a connu des développements
importants nous permettant de mieux saisir la
nature du passage de l'enfance à l'âge adulte. Ce
livre présente une intégration des connaissances
récentes sur le développement physique, cognitif,
sexuel et social des adolescents normaux. Il s'at¬
tarde aussi à la psychopathologie et aux problèmes
Richard Cloutier, psychologue du développement, enseigne
d'adaptation chez les jeunes.
à l'École de psychologie de l'Université Laval. Il a fait des
études de maîtrise à l'Université Laval et de doctorat à l'Uni¬ Il s'agit d'un outil d'apprentissage comportant un
versité McGill. Au cours des dix dernières années, il a mené système d'auto-évaluation que le lecteur peut uti¬
des travaux de recherche sur l'enfant dans son milieu, liser à sa guise. L'attention particulière portée à la
abordant principalement le développement cognitif, l'en¬ bibliographie fait de ce livre un manuel de réfé¬
fant à la garderie, les ententes éducatives entre les interve¬ rence générale sur le développement humain à
nants et la communication parents-adolescents. l'adolescence. La littérature américaine y occupe
une place importante et les contributions québé¬
coises et européennes sur l'adolescence ont
aussi été considérées. Enfin, ce travail répond au
besoin vivement ressenti d'un manuel d'intégra¬
tion de langu° française dans le domaine de la
psychologie développement de l'adolescence.

gaëtan morin
éditeur ISBN 2 89105 077-0
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