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Titre : DE LA PROBLÉMATIQUE DU FAMEUX « QUOD EST

NECESSARIUM EST LICITUM » ?

Avertissement ⛔️ : Un esprit aiguisé ne manquerait pas de relever, peut-


être, des contradictions dans ce texte. Peut-être, pour répondre, je dirai que
l’auteur du texte les assume entièrement.

Tout lecteur avisé de l’historien grec Thucydide n’a pas pu s’empêcher,


depuis lundi, de faire des rapprochements entre l’épisode du « Dialogue de Mélos
» de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse et ce qui se passe entre l’Ukraine et la
Russie. Petit rappel de cet épisode de la guerre qui opposa Athènes et Sparte au
cinquième siècle avant notre ère. Au livre V du livre de Thucydide, à partir du
chapitre 82, nous apprenons que la puissante Athènes a décidé de mener une
expédition militaire à Mélos, petite Île qui, au début de la guerre, aida la puissante
Sparte avant, finalement, de se retirer pour, dit-elle, rester neutre. Nous sommes
en -416-415, à la quinzième année de la guerre qui opposa les deux puissances
que sont Athènes et Sparte. Les Athéniens, conscients de leurs forces qui leur ont
permis de soumettre beaucoup de Cités-États pour renforcer la Ligue de Délos
qu’ils régentent d’une main de fer, entreprirent de contraindre Mélos, qui se disait
neutre et ayant le droit de le rester, à se ranger de leur côté. Ce qu’on appelait le «
droit international » et la « souveraineté nationale » autorisaient, toutefois, à toute
cité qui le souhaitait de rester neutre et ne pas se ranger du côté d’un des
belligérants.

Mais comme en temps de guerre (froide ou effective) les grandes


puissances cherchent toujours à renforcer leur rang, Athènes, qui se disait pourtant
démocratique et respectueuse des principes de Liberté, de Justice, et de
Souveraineté, n’entendait pas laisser Mélos dans sa neutralité. Qu’est-ce qui s’est
passé ? Avant l’intervention militaire, Athènes décida de privilégier la diplomatie
en envoyant des ambassadeurs à Mélos pour convaincre ces derniers de rallier le
camp athénien. Après avoir écouté le discours des ambassadeurs athéniens, les
dirigeants méliens refusèrent la proposition athénienne en brandissant,
légitimement, l’argument de la souveraineté des cités et leur droit de rester neutres
ou de s’allier avec qui elles voulaient. La célèbre réplique des Athéniens à cette
objection des méliens me permet de revenir à l’actualité du monde. Voici ce que
fut la réponse athénienne à l’argument de la « souveraineté nationale » et du «
droit à la neutralité » en temps de guerre des méliens : « Il nous faut, de part et
d'autre, ne pas sortir des limites des choses positives ; nous le savons et vous le
savez aussi bien que nous, la justice n'entre en ligne de compte dans le
raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d'autre ; dans le
cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les fables doivent leur céder »
(Thucydide, V, 89). La suite, nous la connaissons : les méliens continuèrent à
brandir l’argument du « droit » et de « souveraineté » en refusant de se soumettre,
Athènes passa à l’offensive militaire et massacra toute la cité de Mélos : les
hommes tués, les femmes et les enfants réduits en esclavage.

Cet épisode est considéré par tous les historiens de la Grèce et par tous les
spécialistes du droit et de la guerre comme l’un des épisodes les plus odieux et les
plus barbares de l’histoire de l’humanité. L’argument du plus fort dans toute sa
basse splendeur ! Même l’historien Thucydide qui nous relate le fait en question,
athénien au passage, condamna cette expédition sanglante et inhumaine qui nous
rappelle, encore une fois, que ceux qui se disent gardiens de la démocratie et du
droit humain (l’Athènes de Périclès, les actuels États-Unis, la France) peuvent
porter les masques les plus sombres.

Nous espérons que notre lecteur voudra bien nous pardonner ce long
détour pour en arriver à l’actualité du moment. Dans ce qui précède et ce qui
suivra, notre intention n’est aucunement de cautionner la barbarie par laquelle une
grande puissance se permet de bafouer le droit et la dignité humaine en
contraignant les « petits États » à se soumettre à sa volonté. Le but de cette
dissertation est de rappeler, par un parallèle et des exemples concrets, que
l’hypocrisie des « grandes nations » est ce qui a toujours perdu le monde et ses «
petits États ». Pour ce faire, l’auteur du texte voudrait procéder à une critique
serrée du décalage qu’il y a entre le discours des Américains et des Français (leurs
prises de position d’hier suite aux attaques russes) et les actes que ces deux États
barbares et criminels ont toujours posé (ils continuent à le faire) dans le dessein
d’étendre leur puissance.

Cautionne-t-on ce qui se passe en Ukraine ? Une guerre peut-elle être


justifiée ? La guerre est-elle une bonne chose ? Il n’y a pas une réponse sèche et «
vraie » à ces questions dans la mesure où il y a trop de facteurs à prendre en
compte pour prétendre apporter une réponse. Pour preuve, il est des temps où des
guerres se sont révélées « indispensables ». C’est pourquoi, à cette série de
questions, je préfère un « je ne sais pas ». Par-là, je voudrai juste évacuer, de mon
propos, ce qui semble intéresser la majorité : à savoir juger l’attitude de la Russie
sous le prisme de la morale, des droits internationaux et autres codes.

C’est quand même bizarre est très marrant de voir les États-Unis, la
France, bref l’Occident, se réunir autour d’un immense consensus visant à jeter
l’anathème sur la Russie. Sur tous les plateaux de télévision américains ou
français (ceux que j’ai suivis), les mêmes formules reviennent pour parler de
Poutine et de la Russie : « régime dictatorial », « Poutine, un cynique et dictateur
», « Poutine, un thuriféraire de la guerre », « la Russie et ses intentions criminelles
et impérialistes », « actes barbares », « crime contre l’humanité », etc. Sur France
2, on est même allé jusqu’à dire de « traduire Poutine à la CPI » après son départ
du pouvoir. Tout cela n’est pas étonnant. Ce qui, par contre, est ahurissant et
scandaleux, c’est de voir ces mots sortir de la bouche des US et de la France. Ces
mots contrastent largement avec tous les maux causés par ces deux États (et qu’ils
continuent à causer), et ce suivant le biais que la Russie semble utiliser
aujourd’hui. Quelle hypocrisie quand même!

Entendre les US et la France parler de « souveraineté des États », de «


respect du droit international » est d’une hypocrisie et d’une fourberie sans nom.
Une grande insulte faite à notre intelligence. Tout sauf ces deux États qui, selon
moi, restent deux des États, voire les deux États avec le bilan criminel le plus
odieux et le plus monstrueux de l’histoire de l’humanité. Du peu que je sais, la
Russie n’a pas commis 1/5 du tort que les US et la France ont commis dans le
monde, et ce dans des États pourtant souverains. Pas besoin de rappeler le sombre
bilan de la France en Afrique. Perte de temps. Georges W. Bush et Sarkozy (ce
sont juste des exemples parce qu’il y a d’autres criminels de guerre dans l’histoire
de ces deux États) ont-ils été traduits à la CPI à la fin de leur mandats respectifs ?
NON. Le grand bloc de l’Ouest qui se prend pour la conscience et le référent du
monde a-t-il dénoncé les agissements criminels et impérialistes dont ces deux
États ont été responsables ? NON. Et dire que Georges W. Bush a, ouvertement, à
la TV, après son mandat, reconnu que son gouvernement avait fabriqué de toutes
pièces les documents et autres preuves qui ont servi à envahir le pays de Saddam
Hussein et à tuer ce dernier.

Si certaines personnes donnent l’impression de se « réjouir » et de « saluer


» le geste de Poutine de ces derniers jours, il faut comprendre une chose : dans
l’imaginaire de ces personnes, la Russie est en train de « rééquilibrer » les
relations internationales. C’est aujourd’hui que j’ai compris, par les jugements et
les lectures simplistes visant à condamner « spontanément » la Russie et à saluer
les discours des Occidentaux, que le monde est largement colonisé, surtout
intellectuellement, par l’Ouest. Malheureusement, nous pensons comme
l’Occident voudrait que nous pensions. En effet, quand c’est l’Occident qui viole
le droit international et la souveraineté d’un État, c’est pour la démocratie et le
bien de l’Humanité. Quand c’est une puissance qui contre-balance la force de
l’Occident (comme la Russie), c’est un crime contre l’humanité. Très drôle non !
Il est vrai que la Russie a violé la souveraineté d’un État indépendant et à poser un
acte criminel. Aucune conscience juste ne saurait le tolérer. Toutefois, ceux qui
semblent (je dis bien « semblent ») s’en réjouir, c’est plus l’attitude de l’Occident
qui les exaspère qu’autre chose.

Aujourd’hui, à travers les discours des différents dirigeants des pays qui se
disent, orgueilleusement, « leaders du monde libre », les gens ont remarqué la
peur, la crainte, l’inquiétude. C’est cette forme de « rééquilibrage » des forces en
présence, avec ce qui se passe, qui semble « expliquer » l’attitude de ceux qui
semblent se « réjouir » de ce qu’a fait Poutine. Rééquilibrage parce que la Chine,
même si elle ne s’est pas « officiellement » positionnée du côté de la Russie, est
plus proche du côté de Poutine. Le discours du gouvernement chinois de ce matin
et leur décision, prise hier, d’acheter tout le blé russe pour compenser les
potentielles pertes de l’économie russe au regard des sanctions infligées par
l’Occident, sont la preuve qu’il y a un bloc « Chino-Russe » qui fait face et qui
fait peur à l’Occident. Sans parler du possible positionnement pro-russe de la
Corée du Nord (puissance nucléaire à ma connaissance).Tout cela fait peur à
l’Occident et explique cette présentation simpliste et caricaturale, dans les médias
occidentaux, de ce qui se passe actuellement. C’est d’ailleurs connu et Platon nous
l’enseigne dans son Lysis : les méchants ne peuvent être des amis

Bref, l’Occident (surtout les US et la France), leur discours d’aujourd’hui


trahit une profonde mièvrerie. Pour deux États impérialistes et criminels qui ont,
pour des intérêts économiques, renversé des pouvoirs légitimes, c’est se faire
accusateur de leurs propres dogmes que de s’indigner devant ce que la Russie est
en train de faire. Pour les opprimés de l’Ouest que nous sommes, et ce depuis des
siècles, ce n’est pas qu’on se réjouisse de ce qui arrive au peuple ukrainien (nous
subissons la même chose). Juste qu’on ne peut s’empêcher de rire devant
l’hypocrisie de l’Occident, ces fumiers.

M. NJAAY dit Sergei VAN, Enseignant-vacataire au département de


philosophie de l’UCAD et professeur de philosophie au Lycée privé d’excellence
Nafoore.

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