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Cayuela Anne. Alonso Pérez et la "libropesía" : aspects du commerce de librairie dans la première moitié du XVIIe siècle
à Madrid. In: Bulletin Hispanique, tome 104, n°2, 2002. pp. 645-655;
doi : https://doi.org/10.3406/hispa.2002.5127
https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_2002_num_104_2_5127
Resumen
Este artículo se centra en el debate que surgió en la primera mitad del siglo XVII a propósito del
librero. Se enfrentaron entonces los que defendían la nobleza de esa actividad y los que la
consideraban como «arte mecánica». Una rápida presentación de la carrera de Alonso Pérez,
editor y librero revelará, a través de su producción editorial y de su fondo de librería, su papel
decisivo en la difusión de la cultura.
Résumé
Cet article met en relief le débat qu'a suscité la profession de libraire dans la première moitié du
XVIIe siècle à Madrid et qui a opposé défenseurs de la noblesse de cette activité et détracteurs de
cette profession rangée parmi les arts «mécaniques». Un rapide aperçu de la carrière d'Alonso
Pérez, éditeur et libraire révélera, à travers la spécificité de ses choix éditoriaux et de son fonds de
librairie, le rôle de cet agent privilégié de la diffusion de la culture.
Alonso Pérez et la "libropesía" :
Anne Cayuela
Université Stendhal Grenoble III - Cerhius
Cet article met en relief le débat qu'a suscité la profession de libraire dans la première
moitié du XVIIe siècle à Madrid et qui a opposé défenseurs de la noblesse de cette activité
et détracteurs de cette profession rangée parmi les arts «mécaniques». Un rapide aperçu
de la carrière d'Alonso Pérez, éditeur et libraire révélera, à travers la spécificité de ses
choix éditoriaux et de son fonds de librairie, le rôle de cet agent privilégié de la diffusion
de la culture.
Este artículo se centra en el debate que surgió en la primera mitad del siglo XVII a
propósito del librero. Se enfrentaron entonces los que defendían la nobleza de esa actividad y
los que la consideraban como «arte mecánica». Una rápida presentación de la carrera de
Alonso Pérez, editor y librero revelará, a través de su producción editorialy de su fondo de
librería, su papel decisivo en la difusión de la cultura.
The présent article puts into perspective the debate centering around the bookseliing
profession during the first half of the 17th century in Madrid, a debate in which
defenders of the nobility of this activity were opposed by those which considered it
belongedto the «mechanical arts». A rapid overview ofAlonso Pérez's career shows via the
spécifie choices he made both as publisher and bookseller, the role he played in the spread
of culture.
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Agradezco por los que deben y no pagan, y luego por mí mismo el buen pasaje
que han hecho a mis papeles ; la liberalidad con que han redimido del Argel de la
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penuria mis trabajos ; pues si no costearan sus estampas, murieran balbucientes entre
las mantillas de sus cartapacios 7.
La profesión de librería mereció en todos los tiempos ser contada entre las nobles
y honrosas. (...) Sácase también la nobleza de los libreros de la grande estimación en
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que en todos los tiempos tuvieron de las librerías emperadores, reyes, señores
particulares, y hombres doctos de todas suertes. (. . .) Puede, pues, decir ser la profesión de los
libreros por estremo noble, respeto de estar siempre en compañía de personas
virtuosas y doctas, como teólogos, legistas, médicos, matemáticos, humanistas y otros
muchos científicos con cuya conversación se vuelven más agudos, inteligentes y
prácticos, no sólo del arte, sino de las cosas de todo el mundo. Adquiere el arte nombre
del beneficio universal que produce a todos; porque de los libros se recibe el modo de
entender, y saber lo que se quiere. Y no sólo nos hacen poseer ciencias y artes, sino
cuanto se puede desear de guerra, estado, letras, manejos de papeles, oficios y otras
Por de buenos colores que se quieran pintar los libreros, no dejan también de
padecer sus defetos y vicos [sic] . Quanto a lo primero sin los descuidos en las obras, y
costumbres de mentir que es hábito en ellos, les atribuyen principalmente los daños
que se siguen en la República de libros legos y escandalosos. Porque como quiera que
consigan ganancia (blanco en que siempre ponen la mira) no reparan en esparcir por
el mundo tan mala semilla. Encárganse con particular ansia de su impresión,
comprando a veces a subido precio lo que de balde sería carísimo. Por maravilla admiten
libros eruditos y doctos, por ser en su conocimiento, tanquam asinus ad lyram. Sólo
eligen lo que les puede ser útil, y lo que como dicen se halla guisado para el gusto del
9. Cristóbal Suárez de Figueroa, Plaza universal, Madrid, Luis Sánchez, 1615. Fol. 365.
10. A propos du «rótulo» voir Anne Cayuela, Le paratexte au siècle d'or, Genève, Droz,
1994, p. 73.
11. Cristóbal Suárez de Figueroa, Op. cit., Fol. 365.
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vulgo, cuyo talento en cosas de ingenio descubre quilates de plomo pesado y vil. Mas
no paso adelante, supuesto son amigos, y no es bien los irrite; siquiera porque no se
muestren poco favorables en el despacho deste libro 12.
12. Cristóbal Suárez de Figueroa, Op. cit., Perpignan, Louis Roure, 1630. Cité par
Fernando Bouza, «Para qué imprimir. De autores, público, impresores y manuscritos»,
Cuadernos de historia moderna, n° 18, 1997, p. 43.
13. Maria Grazia Profeti, Un commediografo dell'eta di Lope, Pise, Istituto di letteratura
spagnola e ispano-americana, 1970.
14. «Y no importa que los libreros junten librerías grandes para vender, por sus intereses,
pues también los Médicos, Letrados, y Arquitectos, ejercitan por salarios determinados sus
Artes, y no por eso dejan de ser ellos nobles y ellas Liberales.» Juan Pérez de Montalbán, Para
todos, Madrid, Imprenta del reino, 1632, p. 208.
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menester más de lo dicho; y no tienen examen ni cosa que no sea común con hormas
y cerote, por razón del oficio 15.
Mais par ailleurs, c'est la nature même de son fonds de librairie, son
caractère nettement récréatif et préjudiciable pour les bonnes mœurs qui lui
sont reprochés.
À la lumière d'une enquête menée sur la carrière d'Alonso Pérez 16 il
apparaît clairement que sa librairie de la rue de Santiago est tournée vers une
large clientèle urbaine, et qu'elle répond aux «besoins» de tous les états de la
société madrilène, des différents corps professionnels, situés à différents
niveaux de l'échelle sociale. Elle est tournée de façon privilégiée vers les
hommes de Lettres, un milieu qu'Alonso Pérez fréquentait assidûment en
qualité d'éditeur.
Au cours des 43 années (1602-1645) durant lesquelles il fut éditeur, il
finança 1 79 éditions ce qui le place parmi les éditeurs les plus actifs de cette
période 17. Son «catalogue» 18 démontre un savant mélange d'opportunisme
et de perspicacité. Point d'éditions trop élitistes, point de littérature
classique grecque ou latine, point de littérature étrangère, point de livres
scientifiques trop spécialisés. La Littérature arrive en tête avec 109 éditions,
suivie de la Religion, (ouvrages de dévotion, catéchismes, sermons, vies de
saints, recueils de poésie religieuse) puis de l'Histoire. Il mise sur les grands
noms de la littérature récréative et en particulier sur l'auteur le plus
prolifique du XVIIe siècle, Lope de Vega. N'hésitant pas à prendre des risques
- il publie une majorité d'éditions princeps (102/179) - il sait devancer les
besoins du public lecteur tout en respectant les tendances dominantes du
moment. Ainsi, Alonso Pérez contribue activement à la publication de
recueils de nouvelles. Dans tous les cas, il s'agit d'éditions princeps, dont les
auteurs «débutent» dans l'écriture de ce genre 19. En ce qui concerne
15. Francisco de Quevedo, La Perinola, éd. de Pablo Jauralde, Madrid, Castalia, 1987,
p. 187.
16. Enquête réalisée dans le cadre d'un dossier d'habilitation à diriger des recherches
soutenu en janvier 2000.
17. Si l'on compare le nombre et la fréquence des éditions financées par ce dernier avec
d'autres éditeurs madrilènes, on constate que son activité est comparable à celle de Francisco
de Robles qui finança 227 éditions au cours de sa carrière.
18. On trouvera le catalogue bibliographique des éditions financées par Alonso Pérez ainsi
que l'inventaire de sa librairie dans Anne Cayuela, Alonso Pérez, mercader de libros en el
Madrid de los Austrias, Madrid, Calambur, à paraître.
19. Francisco Lugo y Dávila, Alonso Jerónimo de Castillo Solórzano, Lope de Vega,
Juan Pérez de Montalbán, Gabriel Bocángel, Pedro Castro y Añaya.
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l'édition de poésie, Alonso Pérez parie également sur des débutants : sur
Juan Pérez de Montalbán, Gabriel Bocángel, Jacinto Polo de Medina,
Francisco Francia y Acosta. Mais ses choix éditoriaux se tournent également
vers des valeurs consacrées : Góngora et Lope. Ce dernier confiera à Alonso
Pérez la publication d'un nouvelle formule éditoriale : les Partes de comedias,
qui permettaient de joindre dans un même recueil plusieurs comedias d'un
ou de plusieurs auteurs.
Alonso Pérez assumera également la responsabilité financière d'une
seconde nouveauté éditoriale, dont l'émergence est sans doute liée à la
suspension des permis d'imprimer pour la comedia et la novela entre 1 624 et
1635 20et dont le Para Todos de Juan Pérez de Montalbán est le meilleur
exemple : c'est la nature composite de cette formule (on trouvera dans un
même ouvrage, des nouvelles, de la poésie, des comedias, des traités
scientifiques, de la prose didactique etc) qui en constitue la principale
caractéristique 21, et qui fera l'objet d'un violent libelle de Quevedo
dénonçant le mélange des formes et des savoirs, du sacré et du profane, de la
culture savante et populaire :
20. Sur ce point voir Anne Cayuela, «La prosa de ficción entre 1625 y 1634. Balance de
diez años sin licencias para imprimir novelas en los reinos de Castilla», Mélanges de la Casa de
Velázquez, XXIX-2, 1993, p. 51-76.
21. La Dorotea de Lope de Vega est à rapprocher de cette formule générique. Son
originalité repose également sur le mélange des genres, des registres et des savoirs .
22. Francisco de Quevedo, Obras festivas, «La Perinola», éd. de Pablo Jauralde, Madrid,
Castalia, 1987, p. 178.
23. Juan Pérez de Montalbán, Para Todos, op. cit., Prologue, n/n.
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24. Les livres de Jerónimo Cortés tels que Fisionomía natural, ou Lunario perpetuo (1598).
25. Lía Schwartz, «Las preciosas alhajas de los entendidos, un humanista madrileño del
siglo XVII y la difusión de los clásicos», Edad de Oro, XVII, 1998, p. 213-220.
26. Epigraphe de González de Salas au sonnet 589. Franciso de Quevedo, Poesía original
completa, éd. de José Manuel Blecua, Barcelone, Planeta, 1990, p 564.
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Dans les Sueños Quevedo s'attaque à un libraire dont il tait le nom mais
dont les traits se confondent étrangement avec ceux d' Alonso Pérez 28. Ce
libraire regrette que les auteurs soient condamnés pour les mauvaises œuvres
qu'ils ont écrites, regret sans doute motivé par des raisons d'ordre
commercial, s'accuse de les avoir vendues et d'avoir également contribué à la
diffusion de livres autrefois réservés aux sages. Quevedo qualifie par ailleurs
cette librairie de «bordel des livres» indiquant que «todos los cuerpos que
tenía eran de gente de la vida, escandalosos y burlones» 29.
La librairie telle que la dépeint Quevedo apparaît comme un commerce
destiné à la diffusion de produits de grande consommation et de mauvaise
qualité, mettant à la disposition de leurs principaux consommateurs —ceux-
là mêmes qui en alimentent leur propre production— non pas des mets de
choix mais des aliments grossiers. Quevedo choisit d'ailleurs des images
culinaires pour désigner le Para Todos. C'est une «olla podrida» que Juan Pérez
a remplie de «legumbres, bazofias, cachibaches, tronchas y chucherías»,
autant d'ingrédients trouvés dans les «tiendas de aceite y vinagre, tabernas y
despensas» 30. Ces magasins d'huile et de vinaigre ce sont précisément les
librairies qui fournissent tous ceux qui veulent connaître «toutes les sciences
et arts mécaniques et libérales en un jour». Ainsi dans sa miscellanée
parodique Quevedo conseille-t-il à l'apprenti-juriste d'apprendre seulement
les titres des livres, et d'avoir dans son bureau «libros grandes, aunque sean
de sol fa o caballerías, que hagan bulto, y algunos procesos, aunque los
compres de las especerías y tiendas de aceite y vinagre» 31.
Tirso de Molina distingue pour sa part l'auteur qui possède un véritable
savoir, et qui tel un ver à soie «saca de su sustancia misma telas prodigiosas
que adornan alcázares y templos», de ceux qu'il qualifie de «verdugos de car-
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32. Tirso de Molina, El bandolero, éd. A. Nougué, Madrid, Castalia, 1979, p. 133.
33. Jean Alexis Néret, Histoire illustrée de la librairie et du livre français des origines à nos
jours, Paris, Lamarre, 1953, p. 45.
34. Cristóbal Suárez de Figueroa, Plaza universal de todas ciencias y artes, Fol. 235.
35. Cristóbal Suárez de Figueroa, Ibid., Perpignan, Luys Roure, 1630.
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