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Barbier Frédéric. Le commerce international de la librairie française au XIXe siècle (1815-1913). In: Revue d’histoire moderne
et contemporaine, tome 28 N°1, Janvier-mars 1981. Livre, éducation, savoirs, XVIIe-XXe siècles. pp. 94-117;
doi : https://doi.org/10.3406/rhmc.1981.1128
https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1981_num_28_1_1128
XIXe siècle (Paris et La Haye, 1976). P. Bairoch remarque d'ailleurs (p. 220) que, à
des travaux de J.-C. Toutain, « on ne dispose pas de travaux récents sur l'évolution du
commerce extérieur français au xixe siècle ». A plus forte raison dans le domaine particulier
du livre. L'Histoire économique et sociale de la France, t. III, premier volume (1789-1880),
sous la direction de Fernand Braudel et Ernest Labrousse, donne, aux pages xvn à xx, une
bibliographie de ce sujet à jour en 1976.
5. Ouvr. cité, n. 4.
6. L'idée, lancée par les philosophes des Lumières, est dans l'air au moins depuis la
seconde moitié du xvine siècle. A Strasbourg, un censeur de la librairie écrit, en 1784, dans
un de ses rapports : « Les productions d'un auteur sont un bien qui appartiennent de droit
au public (...). Je pense assez, comme Figaro, que les sottises imprimées n'ont d'importance
que là où on en gêne le cours... » (Arch. mun. de Strasb. AA 2358). Les productions
appartiennent au public, mais il n'empêche que les intérêts matériels de l'auteur, tout
comme ceux de l'éditeur, doivent autant que possible être sauvegardés.
7. Citons notamment le cas des frères Levrault, de Strasbourg, dont l'un, devenu
de la Grande Armée, suit celle-ci dans ses différentes campagnes et établit ainsi de
fructueuses relations d'affaires avec les libraires allemands, relations conservées bien après
la chute de l'Empire.
8. Et notamment, au lendemain des confiscations révolutionnaires, de livres religieux.
9. A la même époque (1804), les exportations vers les Antilles, et surtout Haïti, deviennent
de plus en plus difficiles.
96 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
établit, entre 1827 et 1829, des conventions bilatérales avec 31 autres Etats allemands, qui
préfigurent le système mis en place par la France, à l'échelle européenne, à partir de 1843.
14. Abbé Louis - Edouard - Camille Gaultier, Géographie de l'abbé Gaultier..., Paris,
J. Renouard, 1828. Trente-cinq rééditions en France au xixe siècle.
15. Journal de la librairie, Feuilleton, 1852, p. 392.
98 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
à la protection des articles de journaux. Le 20 octobre 1851 est passée
la convention franco-hanovrienne puis, le 3 novembre, celle entre la France
et la Grande-Bretagne : promulguée le 22 janvier 1852, pour une durée
de dix ans, celle-ci subordonne la jouissance des droits de propriété à
l'exécution des formalités d'enregistrement et de dépôt, et s'étend aux
traductions. Enfin, le décret du 28 mars 1852 constitue la première
pour un règlement d'ensemble du problème de la contrefaçon, par
la réciprocité accordée par la France à toutes les nations ayant pris des
mesures pour la protection des œuvres étrangères. A ce titre, le décret
est vivement approuvé par les milieux de professionnels du livre,
en Allemagne :
...il serait vivement à souhaiter que les États qui, jusqu'à ce jour, n'ont pas
pu ou n'ont pas voulu se décider à respecter la propriété des œuvres d'art et
d'esprit étrangères, imitassent le généreux exemple qui vient de leur être donné
par le gouvernement du prince-président...,
lit-on dans le Bôrsenblatt du 6 septembre 1852 16. La convention conclue
le 8 août 1852 avec le duché de Brunswick est copiée sur le modèle de
la convention franco-hanovrienne, mais « restera en vigueur aussi
que sera maintenu le décret du 28 mars ».
L'importance du rôle de la Belgique dans la contrefaçon des ouvrages
français donne un relief particulier à la convention signée avec ce pays
le 22 août 1852, puis complétée les 27 février et 12 avril 1854 : la protection
réciproque est assurée aux ouvrages nouveaux, ayant fait l'objet d'une
déclaration et d'un dépôt à Paris ou à Bruxelles ; un privilège de cinq ans
est accordé aux traductions, tandis que les articles de presse à sujets
politiques peuvent être reproduits librement, sous condition d'en indiquer
la source. Notons que ces conventions sont assorties, comme toutes celles
qui sont alors passées, d'une baisse importante des taxes douanières
correspondantes : en 1852, les droits d'importation des livres français en
Belgique passent ainsi de 31,80 F à 10 F les cent kilos. Des baisses
analogues, quoique proportionnellement moins importantes, interviennent
notamment sur le commerce des caractères typographiques, tandis que,
toujours pour les livres, « les plus grandes facilités ont été convenues (...)
de part et d'autre pour les formalités de douane et les justifications
» 17. En Allemagne, à la suite et sur le modèle de celle passée avec
le Hanovre, des conventions sont signées, entre le 18 septembre 1852
16. « ..., lequel, par un décret récent, accorde la réciprocité à toutes les nations qui,
ayant une littérature nationale, voudront concourir à l'abolition sincère de cette lèpre du
xixe siècle qu'on appelle la contrefaçon littéraire. Que les auteurs et les éditeurs s'entendent
donc une fois pour protéger partout leurs droits et poursuivre la contrefaçon comme on
un vol ordinaire... »
17. La nécessité d'une convention de ce type était reconnue par les libraires belges
eux-mêmes, comme en témoigne, en 1839, une annonce de la nouvelle Librairie belge-française
(de Bruxelles) : « ... son but est de former une opposition contre la contrefaçon, ce fléau
de la librairie, qui pèse principalement sur les éditeurs de France » (Journal de la librairie,
Feuilleton, 1839, p. 4).
COMMERCE INTERNATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE, 99
(grand duché de Hesse-Darmstadt) et le 2 mai 1856 (ville libre de
avec douze états de moyenne importance18.
Les textes les plus importants pour l'établissement d'une protection
des oeuvres de l'esprit entre la France et l'ensemble de l'Europe
germanique sont cependant ceux signés avec le grand duché de Bade
(3 février 1854, puis 2 juillet 1857), le royaume de Saxe (19 mai 1856),
le grand duché de Luxembourg (4 et 7 juillet 1856), le royaume de Prusse
(2 août 1862) et l'empire d'Autriche (11 décembre 1866). La convention
conclue le 30 octobre 1858 avec le canton de Genève est étendue à
l'ensemble de la Confédération helvétique le 30 juin 1864. Les rapports
les plus souples sont ceux qu'établit la convention conclue entre la France
et les Pays-Bas, le 29 mars 1855 : celle-ci, en effet, tout en n'exigeant
aucune formalité de déclaration ou de dépôt, prévoit cependant la «
des traductions d'ouvrages nationaux », et exempte de droits, à
partir du 1er avril 1859, les ouvrages français importés en Hollande. Enfin,
la durée de la convention sera celle du traité de commerce du
15 février 1853.
Vers l'Europe du sud, après les conventions franco-piémontaise et
franco-portugaise, la protection des œuvres littéraires fait l'objet de
l'article 20 du traité de commerce passé le 15 février 1853 entre la France
et le grand duché de Toscane, tandis qu'une convention particulière est
passée, pour ce même objet, avec l'Espagne (15 novembre 1853). Ainsi, du
23 août 1843 à la fin du Second Empire, les conventions littéraires et
passées par la France couvrent-elles pratiquement toute l'Europe,
Russie exceptée. La généralisation même de cet ensemble d'accords
assure son succès et prépare la conclusion des grandes conventions
internationales. Leur multiplicité cependant, ainsi que la diversité des
conditions à remplir par l'auteur ou par l'éditeur, posent de très difficiles
problèmes à ceux-ci, et même aux agents des douanes. De simples
« politiques » marquent, pour finir, la période 1870-1886 : la
franco-allemande est signée le 19 avril 1883, la convention franco-
italienne le 9 juillet 1884.
Le mouvement international d'accords bilatéraux engagé depuis la
décennie 1840-1850 touche alors à son terme logique, la signature d'une
véritable convention internationale. Le rôle des auteurs devient ici
En 1858, le premier Congrès littéraire international se réunit à
Bruxelles et demande « la reconnaissance internationale de la propriété
des œuvres littéraires et artistiques ». Victor Hugo préside, en 1878, le
Congrès de Paris, à la suite duquel est fondée l'Association littéraire et
artistique internationale. Enfin, en 1881, est organisé, sous l'égide du Cercle
de la librairie, un Syndicat des auteurs « qui devait s'occuper, au nom
des intéressés, de toutes les formalités exigées dans les conventions
» 19. A l'inverse des traités bilatéraux que nous venons d'examiner,
22. Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, de 1792 à 1815,
par une société de militaires et de gens de lettres. Paris, Panckoucke, 1817, 27 vol. in-8°.
23. Environ 2 500 souscripteurs achètent près de 9 000 collections des Victoires, dont la
vente procure à l'éditeur 1 600 000 F de rentrées.
24. Fréquemment, il s'agit dans ce cas d'un libraire commissionnaire permanent,
représentant de l'éditeur français dans son pays. Voir le Catalogue des livres (...) qu'on
trouve en nombre chez Levrault et Cie, libraires à Strasbourg, publié à l'occasion de la Foire
de Jubilate 1804 : « leur commissionnaire à Leipzig est M. Guillaume Rein, et à Francfort la
Librairie de Jaeger » ( « Ihr Commis sionnair in Leipzig ist Herr Wilhelm Rein und in Frankfurt
die Jaegerische Buchhandlung »).
25. V. n. préc.
26. L'imprimeur Decker, de Bâle, écrit à Levrault, en 1797 : « ...Je compte partir pour
Leipsic le 20 avril ; si votre frère vient avec moi, décidez-vous (...), pour que je ne prenne
pas d'autre arrangement. Le voyage pourrait se monter à 30 louis par tête au plus, mais
certainement l'utilité que vous en retireriez surpasserait cette somme... » (Arch. Bas-Rhin,
Berger-Levrault).
102 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
Suez donne un élan formidable aux exportations anglaises vers les Indes
et, à un moindre degré, vers l'Extrême-Orient et l'Océanie. Au-delà de
1' « Europe germanique », de l'Italie et de l'Espagne, la majeure partie
des transports de librairie continue en effet à se faire par mer : en 1868,
les principales villes d'exportation du « papier et de ses dérivés » sont
Le Havre (11,1 millions de francs) et Paris (8 millions), puis Marseille
(8 millions), Bordeaux (3 millions), Boulogne (2,6 millions et Dieppe
(1,3 million). Paris mis à part, Strasbourg est la plus importante ville
d'exportation par terre, avec 282 000 F.
Enfin, alors que les services postaux, depuis la réforme de 1829-1832,
assuraient en France même la distribution quotidienne des lettres, à un
prix uniforme à partir de 1849, il faut attendre 1881 pour que soit organisé
le nouveau service des colis postaux qui, pour l'acheminement de livres
en petite quantité, offre une commodité et une rapidité très supérieures
à celles du chemin de fer — à un prix, il est vrai, sensiblement plus élevé.
La signature de multiples accords internationaux portant sur
des colis postaux, entre 1881 et la fin du siècle, étend peu à peu cette
possibilité d'expédition à pratiquement tous les pays de la planète. Au
niveau européen peut ainsi, dès le milieu du XIXe siècle, s'organiser un
marché homogène du livre : l'importance des bouleversements survenus
en moins de trente ans dans les structures mêmes et les conditions
du commerce international de la librairie est bien marquée, à partir
de 1860, par la disparition des anciennes foires du livre de Leipzig.
Publicité, prise des commandes et acheminement des livraisons ne
sont pas tout : les problèmes du paiement des livres éventuellement vendus
à l'étranger sont particulièrement difficiles. Spécialisé dans les
de livres français en Allemagne, le libraire Levrault écrit, en 1811,
à son homme d'affaires parisien : « A qui vendre, aujourd'hui qu'aucun
libraire de l'Allemagne ne paie ? » ; et d'ajouter, deux années plus tard :
« ...l'Allemagne seule permet de compter sur la vente de cette sorte de
livres, et depuis des années elle est perdue pour la librairie, car ce n'est
pas tout de vendre, il faut aussi être assuré de la rentrée des fonds » 30.
Le crédit, d'un emploi très large déjà pour les ventes au niveau régional,
est en fait généralisé dès que l'on passe dans le domaine international.
Les difficultés de recouvrement des créances rendent souvent
le passage par un confrère, libraire, éditeur puis, de plus en plus
souvent, commissionnaire, au compte duquel sont portés les avis de crédit
ou de débit correspondants : les maisons spécialisées dans le commerce
international doivent ainsi disposer, en l'absence de structures bancaires
suffisamment étendues, d'un véritable réseau financier, qui s'identifie
souvent à leur réseau commercial. Formé avant tout par les professionnels
du livre, celui-ci est un moyen efficace de réduire au maximum les
transferts effectifs de fonds, tout en offrant une bonne garantie contre
les non-paiements de débiteurs « douteux » ou « perdus ». Les moyens
privilégiés de paiement y sont constitués par les billets à ordre, dont la
circulation au sein du petit « monde du livre » peut parfois durer plusieurs
30. Arch. Bas-Rhin, fonds Berger-Levrault. Sur ces questions, F. Barbier, Trois cents
ans de librairie et d'imprimerie, Berger-Levrault , Genève, 1979.
104 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
années. Enfin, à partir des années 1870-1880, les structures bancaires vont
se substituer, pour certaines opérations très particulières31, à ce réseau
financier constitué par les professionnels du livre.
Les frais de publicité, les délais de transport, l'incertitude des
font cependant que le commerce international des imprimés
demeure, tout au long du xixe siècle, une activité particulièrement
aléatoire dans le domaine de la librairie, et qui nécessite de plus, pour
des bénéfices très hypothétiques, des investissements proportionnellement
plus importants.
31. Repli de la maison Berger-Levrault de Strasbourg sur Nancy après la guerre de 1870.
Voir sur ce point notre étude : « Le repli des industries alsaciennes en France après 1870 :
l'exemple de Berger-Levrault » (Actes du 103e Congrès des Sociétés savantes, Nancy, 1978),
Paris, 1979.
32. Et même dès le xviip siècle en Angleterre et en Scandinavie.
COMMERCE INTERNATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE, 105
imprimés quintuple : en France même, nous passons des 2 000 titres
annuels annoncés dans la Bibliographie de la France à la fin du Premier
Empire, aux 7 000 titres de la Monarchie de juillet, et aux 14 000 titres
des débuts de la IIIe République. La progression du journal est encore
plus nette, et elle tend à se maintenir, alors que le livre est déjà sur le
déclin, après 1897 33. Le commerce international de l'imprimé, pour finir,
connaît un accroissement au moins aussi rapide : toujours pour la France,
les exportations, de 617 t en 1821, approchent des 3 600 t en 1900.
L'étude statistique qui va suivre sera conduite en deux parties
: d'une part, étude de la courbe générale des exportations, avec
l'évolution respective des livres en langue française et de ceux en langue
étrangère ; d'autre part, analyse des grandes directions de ce commerce,
envisagées d'abord par groupes de pays, puis au niveau de nos principaux
partenaires en particulier. Les sources documentaires sont essentiellement
constituées par la statistique commerciale de la France, annuelle à partir
de 1821, et qui nous donne, pour les six années antérieures, une
globale34.
Les années 1815-1820, pour lesquelles nous ne disposons pas de
géographique des exportations, sont marquées par une stagnation
de celles-ci qui passent, pour 335 t en 1815, à 634 t en 1816, mais
retombent ensuite à environ 580-600 t jusqu'en 1821. Par la suite, le
le calcul de l'indice, pour 100 en 1913, permet de distinguer les grandes
phases de l'évolution. Dans un premier temps, et jusque vers 1832,
l'accroissement reste hésitant, marqué par les crises politiques de 1815
et de 1830 : de l'indice 13,95 en 1816, nous ne sommes qu'à 14,44 en 1829,
alors que le trend 1815-1913 subit une augmentation moyenne des valeurs
d'exportations de + 0,82 % par an. L'année 1832 marque le début d'une
reprise, d'abord très lente, jusqu'en 1844, arrêtée un temps par la crise
de 1848, puis beaucoup plus rapide dans la décennie 1850-1860. L'indice,
de 12,02 en 1832, double environ tous les dix ans et atteint 26,47 en 1845,
puis 36,66 en 1855, 50,74 en 1865 et enfin 55,38 à la fin du Second Empire.
Les 1 000 t d'exportations sont dépassées en 1841, les 2 000 t en 1860, et
nous sommes, en 1869, à 2 517 t.
L'aspect spéculatif de cette activité commerciale apparaît dans le
caractère très heurté de la courbe, qui fait se succéder de brèves périodes
33. Les années séparant la guerre de 1870 de la Première guerre mondiale sont les
grandes années de la presse périodique, dont la concurrence n'est certainement pas restée
sans effet sur les difficultés de la librairie traditionnelle à la fin du xixe siècle.
34. Quelques observations préliminaires doivent cependant être faites : d'une part,
ces statistiques ne distinguent pas les livres des périodiques, et nos
porteront donc sur l'ensemble de ces deux catégories d'imprimés (tout au plus
peut-on supposer que la part relative des périodiques a eu tendance à augmenter vers la
fin du siècle). D'autre part, les chiffres que nous utiliserons seront toujours fondés sur les
évaluations en poids du « commerce général » : « ...à l'exportation, le commerce général se
compose de toutes les marchandises françaises ou étrangères qui sortent de France. Le
commerce spécial comprend la totalité des marchandises nationales et des marchandises
qui sont exportées après avoir été admises en franchise, ou nationalisées par le
des droits d'entrée ». De ce choix découle le fait que nos statistiques incluent, outre
les exportations françaises proprement dites, les livres en transit provenant d'autres pays
européens.
106 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
100 .
1815 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910
La Librairie française au XIXe siècle (1815-1913
Écarts relatifs par rapport au trend (% annuels)
Moyenne mobile de 5 ans
100
20 25 30 35 1*0 h 50 55 60 é$" 70 ' '75 ' èb' '85 " '96' " 95 1900 05 "ÎO 13
Exportations de la Librairie française (1815-1910)
Valeurs relatives, pour 100 en 1913 (calcul sur des kgs) ; position du trend
108 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
35. Saturation du marché intérieur due à plusieurs facteurs, que nous évoquons
: arrêt de la progression démographique, saturation de l'alphabétisation (le public
des lecteurs ne s'étend donc plus) et rupture, après la grande génération romantique, des
genres littéraires, avec apparition d'une sorte d'infra-littérature destinée à la consommation
populaire.
COMMERCE INTERNATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE, 109
de 7 % de livres en français dans les années 1827-1830, nous passons à 20 %
dès la signature de la convention franco-belge, puis à 49 % dans la
décennie 1870-1880, et à 67 % du total au lendemain de la convention de
Berne. Cette situation ne laisse d'ailleurs pas d'inquiéter les observateurs
officiels 36.
0/
/o Europe Amérique Reste du monde
cains ; d'autre part, les pays développés non francophones ; enfin, les
colonies et la zone d'influence française en Afrique et en Asie.
Parmi nos partenaires francophones, la Belgique tient évidemment la
première place : elle importe de 120 à 130 t de livres par an jusqu'en
1840, passe à 250 t en 1850, à 360 t à la fin du Second Empire, pour
atteindre près de 1 000 t en 1890. Sur le plan proportionnel, la part de
la Belgique sur l'ensemble de nos exportations, de 1,8 % en 1821, est
de 23,02 % en 1880. Il s'agit sans doute ici de l'évolution la plus marquée
dans les structures géographiques de notre commerce, en même temps
que de celle où l'influence de l'organisation juridique d'un marché
est la plus sensible. Le même phénomène joue d'ailleurs aussi
bien en sens inverse, et la Belgique devient le premier producteur de
livres auquel profite, à partir des années 1850, l'ouverture juridique du
marché français : notre balance commerciale avec ce pays, largement
bénéficiaire au début de la période (couverture de 740 % encore en 1850),
tend à se dégrader rapidement à partir de la Troisième République, par
suite d'importations de plus en plus importantes de livres en français
provenant de Belgique ; elle ne s'élève plus qu'à environ 140 % en 1890.
A un degré inférieur, la Suisse suit une évolution analogue : nos
y décuplent en 70 ans, et cette augmentation très rapide est d'abord
due aux livres en français (503 t d'exportations, dont 96 % en français
en 1890). Dans la deuxième moitié du siècle, cependant, les termes de
l'échange tendent, ici aussi, à se dégrader, la couverture des importations
par les exportations passant de 872 % en 1850 à 464 % en 1890 : dans
la décennie 1880-1890, les importations de livres en français en provenance
de Suisse deviennent même prédominantes par rapport au total des livres
venant de ce pays (63,72 % et +41,39 % d'augmentation depuis 1850).
Avec la Suisse, nous quittons les francophones européens.
Troisième marché francophone extérieur, le Canada n'intervient
qu'épisodiquement dans nos séries statistiques. On peut cependant estimer
que, à partir de la fin du Second Empire, environ 40 t de livres — presque
exclusivement des livres en français — y sont exportées annuellement41.
S'y ajoutent, en Amérique centrale, Haïti et les Antilles françaises, vers
lesquelles les exportations de librairie française sont traditionnellement
importantes; Haïti notamment, en 1821, absorbe 2,16 % du total de nos
ventes, proportion qui, malgré une conjoncture défavorable, est encore
de 2,03 % en 1850 : « au nombre des articles pour lesquels la France ne
connaissait pas la rivalité d'autres nations, citons d'abord (...) les articles
de librairie... » 42. Le marché américain est ainsi celui où apparaît le mieux
la chronologie du renversement de culture internationale : exportations
françaises d'ancien type jusqu'en 1850, puis double mouvement de
du système anglo-saxon et de concentration de nos exportations
dans de véritables bastions (Antilles françaises, Canada)43.
Italie
Russie
10
———
États-Unis 0 n
20
I
10 .
Royaume-Uni 0 ,
10 .
Allemagne — ?
0 = l
10
Algérie 0
10
Suisse
20 J
10
Belgique 0
'1821' 30 ' 40 ' 50 » 60 ' 70 ' 00 » 90 '1900
Évolution proportionnelle des exportations de livres français
Huit pays. 1821-1900 (en % du total des exportations pour chaque année)
114 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
45. En 1890, 189 t d'exportations vers l'Italie, dont 79,04 % d'imprimés en français, et
61 t d'importations.
46. Histoire économique et sociale de la France (ouvr. cité), p. 324.
47. En 1910, nos exportations vers les colonies se répartissent comme suit : 212 t vers
l'Algérie, 49 vers la Tunisie, 48 vers l'Indochine, 9 vers la Martinique, 12 vers Madagascar,
7 vers le Sénégal et 51 vers les « autres colonies et protectorats ». Le total, 388 t, intervient
pour 11 °/o de nos exportations en français.
116 REVUE D'HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE