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HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
TOME IX
La Révolution et l'Empire
PREMIERE PARTIE
Le français langue nationale
(Avec vingt cartes)
PARIS
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
103, BOULEVARD SAINT-MICHEL, 103
HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DES ORIGINES A 1900
TOME IX
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
FERDINAND BRUNOT
HISTOIRE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DES ORIGINES A 1900
PREMIÈRE PARTIE
PARIS
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
103, BOULEVARD SAINT-MICHEL, 103
1927
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Copyright 1927
proprietors of Librairie Armand Colin.
by Max Leclerc and C°,
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INTRODUCTION
1. Voir p. 522.
PREMIÈRE PÉRIODE
LIVRE PREMIER
NATION ET LANGUE NATIONALE
CHAPITRE PREMIER
L'INFLUENCE DE LA RÉVOLUTION
coopérer à l'unité, d'être le « centre de réunion propre à rassembler des hommes qui
ont tant d'intérêt à se connaître et que la différence des langages rend étrangers les uns
aux autres » (Arch. N., F17A 1309, 1011, doss. 6).
1. Lett. à Grég., p. 81, n° 29.
2. « Il faut qu'il apprenne à parler et à écrire avec précision la langue de la liberté »
(Strasbourg aux citoyens composant le Comité de Salut public; Arch. N., F17A 1318).
Une adresse de 1790 disait déjà : " Notre nouvelle Constitution attachera plus
d'importance que jamais au nom François, ce nom ne présentant plus que l'idée d'un
être libre et gouverné par des loix qu'il aura consenties lui-même, chacun se montrera
jaloux d'en apprendre et d'en retenir le langage » (Carré, Culte publ. en langue fr..
p. 31-32).
3. Man. de l'en)., V-VI.
10 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
DÉCLARATIONS DE TALLEYRAND.
— Pourquoi l'intervention de Grégoire
tarda-t-elle? De quelle occasion entendait-il profiter? En tous cas,
c'est Talleyrand qui a eu l'honneur de poser publiquement la
question linguistique devant l'Assemblée Constituante et d'en
proposer la solution par un développement de l'instruction popu-
laire 2 : « Une singularité frappante de l'état dont nous sommes
affranchis, dit-il, est sans doute que la langue nationale, qui chaque
jour étendait ses conquêtes au delà des limites de la France, soit
restée au milieu de nous comme inaccessible à un si grand nombre
de ses habitants, et que le premier lien de communication ait pu
paraître, pour plusieurs de nos confrères, une barrière insurmon-
table. Une telle bizarrerie doit, il est vrai, son existence à diverses
causes agissant fortuitement et sans dessein ; mais c'est avec
réflexion, c'est avec suite que les effets ont été tournés contre le
peuple. Les écoles primaires vont mettre fin à cette étrange inéga-
lité : la langue de la Constitution et des lois y sera enseignée à tous ;
et cette foule de dialectes corrompus, dernier reste de la féodalité,
CHAPITRE PREMIER
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
IMPOSSIBILITÉ DE GÉNÉRALISER,
— A distance et avec nos idées
d'aujourd'hui, nous sommes enclins à nous représenter les choses
d'une façon simpliste et fausse : d'un côté la langue nationale,
porteuse des idées nouvelles, facteur de progrès politique, social
et moral, de l'autre les vieux idiomes indigènes liés aux usages,
aux préjugés, aux doctrines d'ancien régime, s'offrant comme
un moyen de prendre le paysan, toujours essentiellement conser-
vateur, par ses habitudes. Mais la réalité a été beaucoup plus
complexe, et ce n'est pas avant longtemps qu'on pourra juger sur
dossiers complets du rôle qu'ont eu les idiomes dans la bataille qui
s'est alors livrée. Il faudrait à ce sujet une large enquête dans les
Bibliothèques et les Archives départementales. Elle n'a pas jusqu'ici
été entreprise, que je sache. Les historiens les plus minutieux ne
semblent pas en avoir aperçu l'intérêt 1.
Je doute du reste que des recherches puissent jamais conduire à
des conclusions simples. Ce qui est vrai de la propagande écrite
n'est pas vrai de la propagande parlée. D'autre part, si on consi-
dère quelques-uns des départements pour les comparer entre eux,
1. Ainsi dans une excellente thèse où fourmillent les renseignements précis sur la
lutte politique et religieuse (Lefebvre, Les paysans du Nord pendant la Révolution.
Paris, 1924, 8°), je trouve la note suivante, p. 782: Lettre du Département sur les
libelles : 14 janvier 1791 (L. 262 f° 741, à Steenwoorde), 19 janv. (ib. f° 95, curés de
Cambrai). Libelle en flamand déposé au district d'Hazebrouck, le 4 décembre 1790 :
Dialogue entre un jurisconsulte, un citoyen et cultivateur des districts de Bergues
et Hazebrouck (L. 7635, f° 39). Enquête de la Municipalité de Cuincy sur une chanson
contre les curés constitutionnels de Douai, 18 janvier 1792 (Arch. com. Dél., f° 51).
Sermons saisis le 13 octobre 1793 à Zeggers-Cappel(Arch. Bergues, Com. de surveill.).
Plainte du District d'Avesnes contre les libelles que fait circuler l'ancien vicariat de
Cambrai, 10 mai 1791 (L. 5184, f° 85). Prédications dos curés de Caestre et de Steen-
woorde, en février et mars (L. 263, f° 61, 159). En quelle langue sont toutes ces pièces ?
Nous l'ignorons, sauf pour une d'entre elles.
16 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Aul., Hist. pol. Rév., 118, n. 1. Young, qui voyageait en France en 1789,
nous a dit plusieurs fois sa surprise de trouver le peuple si mal informé : « Je lus [à
Dijon] dans un triste café, sur la place, un seul journal, après avoir attendu heure
l'avoir. une
J'ai par-tout remarqué que les habitants desiroient voir les papiers-nouvelles,
pour
mais il est rare qu'ils puissent gratifier leur desir » (Voy., 1, 446; cf l, 434)
La plupart des paysans, dit Reuss, ne lisaient pas, je crois, les feuilles allemandes,
qui ont paru en assez grand nombre, de 1789 à 1799. Leur almanach du Messager
boîteux et les brochures imprimées outre-Rhin et distribuées les colporteurs ou le
par
cierge réfractaire, suffisaient à leurs besoins intellectuels (Grande Fuite 201, n. 1)
Interrogés par Grégoire sur ce. que lisaient les campagnards et s'ils lisaient
ses
LA FRANCE ENTIÈRE EST REMUÉE 19
CHAPITRE PREMIER
NÉCESSITÉ DE SE TENIR EN RAPPORT AVEC LE PEUPLE
1. Monit., Réimp., III, 336 ; cf. son rapport de prair. an II, Lett. à Grég., p. 295-296.
24 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Voir Looten, Lett. de Fr. Jos. Bouchette, dans Ann. du Com. fl., 1908-1909,
t. XXIX, p, 175, let. 15.
2. Ib., let. 45, p. 323. Cf. Archiv. parlem., XI, 182 et 183 et Duvergier, Coll.
des lois, I, 110, qui renvoie au texte de la Coll. Baudouin, II, p. 14 et 15.
3. C'était la voix de Duport, de Landau.
4. Arch. N., AA32, n° 17877, I, v°. On lit dans les procès-verbaux de la Société de
26 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
lettre que nous citerons plus loin, le voeu émis par les Basques et
inséré au procès-verbal de leur assemblée électorale. 1
RÉSISTANCES ET DIFFICULTÉS
BESOGNE ÉPINEUSE.
— Je ne sache pas que l'Assemblée ait jamais
essayé de faire traduire les décrets ou la Constitution soit en lorrain
soit en picard, mais ce que nous avons dit de la situation linguistique
dans les pays où se parlaient ces idiomes explique suffisamment qu'il
n'ait été fait aucun effort en ce sens. On estimait sans doute que
les populations comprenaient assez le français, même si elles n'en
usaient pas, pour qu'on n'eût pas à se préoccuper d'elles. Au con-
traire, pour d'autres provinces, on chercha à réaliser le voeu de la loi.
1. Voir une lettre de Chabot
: «
L'Assemblée Nationale avait décrété que tous ses
décrets seraient traduits en langue vulgaire... Nous ignorons la de l'inexécution de
cause
cet ancien décret « (Lett. à Grég., p. 73, 8 sept, de l'an II de la liberté). Cf. Rapp. de
Grégoire, Ib., p. 305, et une lettre de Strasbourg du 9 juin 1792: Nous ignorons
s. ce décret a été sanctionné, mais, n'ayant jamais été promulgué, il« n'a jamais
d' exécution » (Arch. N., AA. 32). reçu
Paris,
2. Voir Collect. génle des décrets de l'Ass.Nat.,
Baudouin, II, 15.
3. Voir Arch. N., AA. 32 à 34
une série de dossiers.
RÉSISTANCES ET DIFFICULTÉS 31
Législative. Paris, I. N., 1792. Bib. Sorb., II. F. r. in-12°, 43. L'auteur avait espéré
qu'il se trouverait un traducteur. Comme il ne s'en est pas présenté, il s'est mis lui-
même à la besogne. Il conseille à ses compatriotes de lire le petit livre, et de le faire
apprendre à leurs enfants « comme un catéchisme » (p. 4).
1. Arch. N., AA. 32. Observations sur plusieurs difficultés...
CHAPITRE IV
LES TRADUCTEURS
BONNES VOLONTÉS.
— Un personnel de bonne volonté s'offrit. Je ne
le connais pas tout entier. Pour le basque, ce fut l'avocat Larrouy
qui se présenta. Il fut accepté 1.
Le 29 février 1791, une traduction de la Constitution en italien,
par Gaëtano Boldoni, professeur au Lycée de Paris, fut présentée
au Comité d'Instruction publique 2.
DUGAS.
— L'entreprise la plus intéressante paraît avoir été celle
de Dugas. Le 20 janvier 1791, il fut chargé par le Roi 3 de faire les
traductions pour trente départements : « Lot-et-Garonne, Bouches-
du-Rhône, Charente, Gers, Gironde, Lot, Aude, Tarn, Puy-de-
Dôme, Basses-Alpes, Arriège, Creuse, Haute-Vienne, Lozère, Landes,
Hérault, Allier, Basses-Pyrennées, Gard, Dordogne, Pyrennées-
Orientales, Ardèche, Haute-Loire, Aveyron, Charente-Inférieure,
Cantal, Hautes-Pyrennées, Var, Haute-Garonne, Corrèze » 4.
Il chercha des collaborateurs, et, avec leur aide, mena rondement
son travail 5. Le 6 octobre 1791, il offrait déjà de présenter 24 vo-
rents idiomes, ordonnée par décret du 14 janv. 1790 et confiée aux soins de M. Dugas
par décision du 19 janv. 1791.
1. Arch. N., AA. 32 doss. 3.
2. C'est Rondonneau qui en est l'auteur (Arch. N., Ib.). Le malheureux Dugas
eut une peine extrême à se faire payer et même à obtenir le remboursement de ses
avances. Ses collaborateurs le poursuivaient sans succès de leurs réclamations. En flo-
réal an III, il était encore en instance.
3. Où sont-ils ? Quelques cahiers se trouvent seuls aux Archives Nationales (AA. 32,
doss. 4). Ce sont des traductions en patois de la Corrèze et du Lot. J'ai cherché les
autres dans la collection Rondonneau, sans avoir eu la chance de les découvrir. En
revanche, on trouvera dans F 17 1069, toutes les pièces relatives au paiement des
redevances à Dugas.
CHAPITRE V
LES OBSERVATIONS.
— Le travail de Dugas fut soumis à l'examen
des divers départements. Le 4 mars 1792, une circulaire très pressée
était envoyée aux départements des Basses-Alpes, Aude, Aveyron,
Bouches-du-Rhône, Corrèze, Garonne (Haute), Gironde, Lot-et-
Garonne, Pyrénnées (sic) (Hautes et Basses), Tarn et Var, afin que
l'on fit vérifier le plus tôt possible si la traduction de la Constitu-
tion rendait « exactement le sens de l'original ». Parfois la traduc-
tion était incomplète, d'autres fois il semble que des mots d'un
patois étaient introduits dans un autre, ou encore que des mots
purement français étaient employés en assez grand nombre. Nous
n'avons pas toutes les réponses ; celles qui nous sont parvenues
témoignent en général d'une satisfaction assez marquée. Le 5 avril
1792, le département de l'Aveyron trouvait que la traduction « ren-
doit parfaitement le langage presque general du département » ; on
priait de bien vouloir la faire imprimer sur-le-champ. Les Admi-
nistrateurs du département de Lot-et-Garonne approuvèrent aussi,
mais s'ils jugèrent que « cette traduction avait en général les qua-
lités requises pour les ouvrages de ce genre, et qu'elle pourroit
contribuer à répandre sur tout dans les campagnes la connoissance
des principes dont tous les Français doivent être pénétrés », ils
ajoutaient : « quelques changemens, la pluspart dans l'orthographe
deffectueuse en certains points, nous ont semblé seulement néces-
saires, afin de la rapprocher de la prononciation la plus généra-
lement usitée, et de faciliter l'accès de cet important ouvrage aux
Lecteurs peu versés dans un idiome qui compte un très petit nombre
de productions littéraires imprimées et qui varie souvent d'un lieu
à un autre dans le Département » 1. A Tulle, on fit des réserves plus
sérieuses : « Chaque canton, chaque bourg, faisait-on observer à
Garat (1er sept. 1792), a, dans cet idiome, des inflexions et un accent
BUREAUX DÉPARTEMENTAUX.
— En Alsace, on estimait que les tra-
ductions qui arrivaient de Paris avaient de graves défauts ; d'une
part elles sentaient le français, de l'autre elles étaient en allemand
trop pur, et cela était un défaut différent, mais presque aussi
grave.
Le Conseil général de la Moselle demanda l'autorisation de faire
faire une traduction des décrets « appropriée à l'idiome incorrect
usité dans les parties allemandes de ce département » ; la Meurthe
eut aussi son traducteur 1.
Les résultats ne paraissent pas avoir été bien satisfaisants. La
question était en effet fort délicate. L'allemand dialectal ne s'écri-
vait pas. Fallait-il donc s'en tenir à l'allemand littéraire? Mais il
était inconnu de la plupart des habitants.
Nous connaissons, m'écrit M. P. Lévy, une partie des traducteurs
qui travaillèrent en Alsace et en Lorraine, ainsi Goebel, qui, dans sa
Grammaire analytique de la langue allemande (Strasbourg, 1796),
s'intitule : interprète des langues étrangères au dépôt général de la
guerre. Ulrich avait été nommé secrétaire-interprète de la munici-
palité de Strasbourg après concours. En 1790 il publiait chez
Levrault une traduction des décrets 2.
Le 2 mai, le Directoire du Finistère adressait une circulaire aux dis-
tricts en les priant de désigner des traducteurs. Le district de Brest
proposa, le 10, un commis des bureaux de la marine, nommé Salaun ;
le 7, Morlaix répondait qu'on avait trouvé pour traduire les décrets
sur la contribution foncière Pervès, de Morlaix. Il traduisit d'autres
1. Voir Procès-verb des délibérations du Conseil général de la Moselle (Arch. N., F1c
III, Moselle 26 nov. 1790, dans May, La lutt, pour le fr., p. 48). Il faudrait rechercher
dans cette série si des dispositions analogues furent prises dans d'autres départements à
idiomes. Quelques-uns des rapports et des procès-verbaux des conseils généraux sont
dans les Archives départementales.
2. Cf. Wöchentliche Kachrichten. de Strasb. (6 août 1790). On relève dans ces traduc-
tions un certain nombre d'alsatismes, mais elles sont en haut-allemand.
38 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1.Ainsi la Société de Lectoure qui fit traduire en dialecte la Déclaration des Droits
(Arch. du Gers, L. 699. Reg. de la Soc. pop. de Lectoure).
2. Frère Gloxin a demandé à ce que M. Decker soit invité à faire un grand nombre
d'exemplaires de la Constitution, pour les vendre à bon marché aux frères. Nommé
des commissaires pour faire les traductions (2 oct. 1791, Leuillot, Les Jacobins de
Colmar, p. 38).
3. Voir la loi du 19 nov. 1790 sur les Sociétés libres, réimprimée traduction
avec
en allemand chez F. G. Levrault (Impr. du B.-R.).
4. Voir la loi sur les Sociétés populaires du 9 oct. 1791, traduite dans brochure
une
à part chez F. G. Levrault (Impr. du B.-R.). V. Catal. du Alsatica de la Bibl. d'Oscar
Berger-Levrault, Nancy, 1885, 1re et 5e partie.
5. « Une chose inconcevable, c'est que les trois quarts de
ce département qui ne sont
familiarisés qu'avec la langue allemande, n'ont peut-être jamais
d' une loi ou instruction quelconque traduite reçu un seul exemplaire
en cet idiome. »
(Journ. du cn Clémence, envoyé à Metz le 26 août
an Ier de l'égalité (1792 Arch.
des Aff. étr., France, I, 408, 668).
6.
Arch. N., AA. 32, n° 17877, I, v°. Simon était parmi les signataires.
7. Arch. N., AA. 32, doss. 3.
TRADUCTIONS SUR PLACE 39
CHAPITRE PREMIER
PUBLICATIONS EN DIALECTES
1. Voir Chanson sur la Constitution faite par un paysan du canton de Salignac, électeur
au départt de la Dordogne. C'est le patois sarladais. L'auteur y chante la victoire de
l'égalité. M. Gust. Hermann, qui la publie, suppose qu'elle a dû être chantée dans les
fédérations de village à village. La Révol. fr., 1900, t. XXXIX, p. 508).
Cf. Ei Marseilles, adresse emé la tradussien (1792) Discours de Dubois Sarrayer, aux
A. d. l. C. d'Aix, 1790 ; (Mary-Lafon, Hist. pol., relig. et litt. du midi de la France,
Paris, 1842, 4 vol. in-8°).— siege soustengu per la ville de Carpentra
— Relatioun dei(en vers),
contre l'armade dei brigan avignounes, 1791 Poemes carpentrassiens, 1857.
2. Voir dans les Actes des Apôtres une lettre des habitants de Mauville (village du
District d'Arras) à Robespierre pour remercier du don de 30 000 liv. en faveur des pauvres
des 83 dépts. 13 pauvres hommes dans le village ont eu 14 sous (n° 224, p. 4). Le n° 238
contient une complainte sur l'élection de l'évêque intrus dans l'Aisne Au couplet 18
intervient le maire d'Haramon. Il parle patois. Et en bas de la page se trouve une note :
« Nous avons cru qu'il était très naturel de faire parler nos électeurs picards dans le
patois de leur pays » (p. 10).
3. Ils ont naturellement été victimes des brocards et des facéties.
Lou pauré pèro Cayla
N'a toundut sa barbo
Lou pauré pèro Cayla
N'a boulgut se desfrouca
L'argaut y pès abo
L'a foutut en la
Lou paouré pèro, etc.
42 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
PUBLICATIONS EN IDIOMES
1. Les Affiches étaient passées en 1787 à Saltzmann, pour en faire un journal poli-
tique destiné à contrebalancer l'influence des journaux allemands. En 1794, elles seront
réunies au Weltbote. Le journal changea encore plusieurs fois de titre.
2. Elle fut remplacée par un journal allemand : Das Nationalblatt für das Nieder-
rheinische Departement. Après cela, Ehrmann publia encore un journal allemand : Die
politische Strassburgische Zeitung.
On trouvera la liste des journaux de Strasbourg dans Heitz, Les Sociétés politiques de
Strasbourg, VII-VIII. Les Archives municipales de Strasbourg conservent deux volumes
de journaux. Le premier est formé de numéros dépareillés de diverses feuilles (0.5342f).
La Bibliothèque Nationale est beaucoup plus riche.
3. Voir Reuss, Const. civ., II, p. 60.
4. Voir Beylage zum 7 tien stück (20 jenner 1790, p. 58):
Avis. La plupart de MM. les Abonnés français, entendant également la langue alle-
mande, & leur nombre étant très petit, on a jugé à propos de supprimer le français &
de ne donner à l'avenir qu'une feuille allemande. Cependant les articles d'une impor-
tance majeure seront donnés dans les deux langues par la même feuille.
Nachricht. Da die meisten französischen Herren Abonnenten, die beyde Sprachen
verstehen, das deutsche Blatt gewählt haben ; so ist nicht mehr der Mühe werth auch
eine französische Auflage zu machen. Doch sollen künftig auch die Artickel von gar
grosser Wichtigkeit in beyden Sprachen auf demselben Blatte vorgewagen werden,
welches selten der Fall seyn wird.
Le rédacteur de cette feuille est Simon (Strassburg, Lorenz und Schuler (M. 109.399).
Histoire de la langue française. IX. 4
50 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
RÔLE DU FRANÇAIS
DÉLUGE DE PAPIERS.
— Les faits que nous venons de constater
en Alsace sont exceptionnels. Ils ne doivent point nous faire
perdre de vue le reste du pays. En général, les écrits en patois ou
en idiome ne pouvaient entrer en balance avec les écrits en langue
française. Jamais les presses de Paris ou des provinces n'avaient
été aussi actives, et elles suffisaient à peine aux besoins. Ce n'est
pas une averse de papiers qui se répand alors sur le pays, c'est un
déluge. De mai 1789 à mai 1792, on vit naître un millier de jour-
naux ou d'écrits affectant la forme de journaux. Un citoyen, en y
employant toute sa journée, ne fût pas arrivé à les lire. La pro-
duction se ralentit un peu en 1791, pour reprendre ensuite tant
que dura le régime de la liberté. Cette histoire a été faite par
Hatin1. On peut trouver également tous les détails sur les livres,
brochures, pamphlets, etc., dans l'admirable Bibliographie de
Tourneux 2. La seule masse de ces énormes volumes où la place
principale est occupée par des titres, dira assez, même au lecteur
qui ne sera pas curieux de se reporter aux documents, ce que fut
alors la production des écrits de toute sorte en français. Que pèsent
auprès de cela quelques pages, quelques feuilles en idiome et en
patois ?
On trouve en tète d'un curieux dialogue, publié en Haute-Saône
et destiné à l'Apologie de l'Assemblée et de la Constitution, dont
l'auteur est visiblement un ecclésiastique, l'exposé des motifs qui
lui ont fait préférer le français. Voici la « Note du Rédacteur » :
« Le langage populaire étant
différent de village à village, et à plus
forte raison de province à province, la lecture des réflexions de
1. « Comme nous présentons nos idées en termes plus communicatifs, plus saillants et
plus énergiques dans le langage qui nous est propre et familier, elles perdent beaucoup
de leur mérite en les confiant à un organe étranger. Si donc le Lecteur citoyen prend
moins d'intérêt en lisant ce Dialogue sous ma plume, ce n'est pas la faute de Claudine
et Pierrot dont les réflexions patoises, naïves et pleines de sel dans leur langage, au-
roient pu intéresser davantage, c'est la faute du Rédacteur qui a tâché néanmoins de
se plier, malgré l'importance du sujet, à quelques expressions triviales et capables de
laisser reconnoître par-tout les idées et les images de Claudine et Pierrot » (Dialogue
entre un mari et sa femme sur la nouvelle Constitution rédigé et mis en François par
M. R. Electeur du Département de la Haute-Saône... Vesoul, J. B. Poirson Imprimeur
du Dépt, 1890, 1077, 8°. Bibl. Besançon, 277, 891. Communiqaé par M. A. Mathiez).
2. Voir une réimpression de L'Almanach du Père Gérard dans La Révol. fr., t. XVII,
p. 431. Sur les journaux des Jacobins, voir Hatin, Hist. de la Presse. VI, 447. La
Cour, elle, subventionnait diverses feuilles, le Chant du Coq, le Postillon de la guerre,
le Logographe.
3. « Le vaste empire François étoit autrefois partagé en un grand nombre d'états
divers et indépendans. Chacun de ces peuples avoit ses lois, ses habitudes et sa langue
particulière ; et chacun d'eux, en se réunissant, les avoiltconservées. Quand on voyageait
en France, on croyoit parcourir cent petits royaumes différens : de province en pro-
vince, et, presque de contrée en contrée, on se trouvoit en pays étranger. Le despo-
tisme tiroit parti de ce désaccord universel. L'union est amie de la liberté. La gloire de
l'assemblée nationale est d'avoir renversé les barrières et les privilèges qui divisoient la
France, d'avoir fait de ces domaines inégaux, de ces régimes variés, un juste ensemble,
un corps bien proportionné dans toutes ses parties.
De jour en jour, nous verrons disparoitre la bigarrure des coutumes
les changeront par-tout en lois générales. Cette uniformité, celle ; de nos législateurs
l'instruction
publique, celle des administrations produira bientôt l'uniformité dos langages
Picards et Gascons renonceront à leur patois, pour être aussi bons François et
langue que par le coeur » (n° 28, 7 avr. 1791). par la
RÔLE DU FRANÇAIS 53
1. Coupé, curé de Sermaise, près Noyon, propose aux Jacobins (St-Honoré) des Vues
pour éclairer le peuple de la campagne (21 sept. 1791). Paris, Impr. du Patle fr. Arch.
N., A. D., VIII, 21.
Il préconise la rédaction d'une feuille de nouvelles, des almanachs, des chansons,
des airs à boire, des spectacles, des danses. Parmi les membres du Comité qui ordonne
l'impression: Roederer, Royer, évêque de l'Ain, Collot d'Herbois, Lanthenas. Aucune
allusion aux patois.
LIVRE V
LA BATAILLE DES PAROLES
CHAPITRE PREMIER
LES FÊTES
LES FÉDÉRATIONS.
— S'il faut se résigner à une ignorance à peu
près complète en ce qui concerne les innombrables paroles, envo-
lées à jamais, qu'échangèrent alors des millions d'hommes
— et de
femmes —, il y a des moyens d'apercevoir comment le français
s'infiltra dans les réunions organisées.
Aussi bien ont-elles joué un rôle directeur. Tout le monde sait
ce que furent les Fédérations, commencées en Bretagne dès 1788,
continuées dans l'Ariège et le Rouergue en août 1789. A partir
de ce moment, l'élan donné ne s'arrêta plus : fédérations de milices
voisines, puis fédérations de provinces, pour aboutir à la Fédé-
ration nationale.
Sans décrire ces journées, il nous sera permis d'insister sur leur
caractère fondamental. Elles consacraient non un rapprochement,
mais une fusion; c'étaient mieux que des visites de voisins à voisins,
c'étaient des rendez-vous où des frères longtemps séparés venaient
de loin se reconnaître : à Pontivy, les Bretons et les Angevins; à
Dôle, les gardes nationaux francs-comtois, alsaciens, champenois.
A Strasbourg, 2 281 délégués accourus non seulement d'Alsace, mais
de Lorraine, de Franche-Comté. A Lyon, 50000 hommes furent
réunis, appelés de partout, depuis Sarrelouis jusqu'à Marseille.
Finalement, les éléments actifs de 44 000 municipalités se rejoi-
gnaient à Paris 1. Le mouvement avait atteint les pays les plus
reculés, les plus habitués à vivre « séparés » : le Nébouzan, le Cou-
serans, le Comminges.
contraste.
Quand on se « fédérait », non seulement pour célébrer la nation
nouvelle, mais pour l'affirmer, le français s'imposait. Seul il donnait
son sens à la cérémonie. Se servir d'une autre langue eût été, non
seulement un manque de convenance à l'égard des délégués venus
des autres départements, mais une manière d'infidélité à la Patrie,
un reniement devant l'autel. Souvent on le savait mal. Qu'impor-
tait? Nous écoutons en de pareils moments ceux qui usent de paro-
les françaises non seulement avec indulgence, mais avec une sym-
pathie accrue. Nous leur savons gré de leur effort, au lieu de rire de
leur maladresse. L'impropriété des termes, l'étrangeté de l'accent
prennent de la grâce comme dans la bouche d'un enfant aimé qui
s'essaie à la parole. Je ne prétends pas que les dialectes ou idiomes
n'aient eu aucune place dans ces journées, loin de là. Autour de la
cérémonie, c'étaient des réjouissances, des beuveries, l'envers de la
parade officielle. La tension d'esprit, l'exaltation du coeur ne se
soutiennent pas indéfiniment, l'effort linguistique non plus. Les
patois reparaissaient furtivement dans les coulisses et les couloirs,
partout où on retrouvait les « pays » et où on choquait son verre
avec eux. Néanmoins il n'est pas excessif de soutenir que d'abord
le français gagnait à ces fêtes sa consécration officielle de langue
nationale, et qu'ensuite elles faisaient apparaître l'évidente néces-
sité de compléter par l'unité du parler la communion des sentiments.
1. Reuss a cité de curieux discours prononcés aux fêtes par Goepp à Heiligenstein et
d'autres encore (Hist. de Strasb., p. 328 ; cf. Vieilles paperasses, p. 25 et suiv.).
2. Mathiez, Orig. des cultes, p. 77.
58 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
LE CLERGÉ ET LA POLITIQUE.
— Entre ces journées qui marquaient,
se plaçait la longue suite des jours ordinaires ; mais, à cette époque,
beaucoup étaient signalés par un événement. Et, dans la plupart
des endroits, c'étaient à propos de tout des discussions sans fin.
Les réunions religieuses, sans tourner à la réunion politique pro-
prement dite, n'avaient pas tardé à perdre quelque chose de leur
caractère traditionnel. Les graves questions posées par la Constitu-
tion civile du clergé, la saisie des biens ecclésiastiques, etc., se débat-
taient à l'église et autour de l'église, avec un tel acharnement que
bientôt ce fut là le terrain où se heurtèrent le plus fréquemment la
Révolution et la contre-révolution. Les villages eux-mêmes furent
réveillés de leur torpeur. Les citoyens passifs comme les autres,
les femmes même se jetèrent dans la lutte.
PRÔNES ET LECTURES.
— Il n'en est pas moins vrai que les « curés
rouges » et leurs affidés contribuèrent grandement à propager le
français. On connaît par les Lettres à Grégoire les dispositions d'un
certain nombre d'entre eux. D'autres les partageaient. La Feuille vil-
lageoise est un essai, tel que seuls pouvaient le tenter des gens rom-
pus à l'enseignement des simples, pour rendre les nouvelles et les
doctrines accessibles, pour expurger les textes de mots savants, et
les mâcher en quelque sorte, ainsi que des aliments qu'une mère
réduit en purée avant de les donner à des enfants encore petits.
Parmi ceux qui prenaient la peine d'ingurgiter cette nourriture
au peuple se trouvaient beaucoup d'ecclésiastiques.
« Comme les trois quarts ne savent ni lire ni écrire, dit Chabot,
je leur fais tous les dimanches après dîner, une instruction morale
en patois, et je leur explique ainsi les sages décrets de l'Assemblée
nationale » 2.
Dans les villages, les lecteurs bénévoles, c'étaient eux le plus
souvent. La Feuille villageoise le signale et s'en réjouit: « Une foule
de pasteurs bien inspirés du ciel... ont facilité l'intelligence de
COMMENTATEURS BÉNÉVOLES.
— Si les faits qu'on nous rapporte sont
exacts, il se rencontrait aussi « parmi les fermiers et les campagnards
bien intentionnés pour la terre » des citoyens dévoués qui, par
une grâce de l'esprit révolutionnaire et un peu, il faut le dire,
parce que des explications nombreuses accompagnaient les textes 3,
s'étaient mis à la langue politique au point de pouvoir l'inter-
préter aux autres campagnards : « De proche en proche, dit la
Feuille villageoise avec quelque lyrisme, les idées les plus rares
vont circuler et devenir familières. L'intérêt les propage, l'enthou-
siasme les accueille, l'attention les rend plus faciles à saisir. Voyez
les groupes de la place publique, entendez les orateurs en lambeaux,
et les dissertateurs en guenilles : ils parlent couramment la langue
de la tribune et celle des livres. Les expressions neuves, les termes
savants se sont mêlés au langage commun avec la même rapidité
que l'eau d'une pluie orageuse se mêle aux eaux des fleuves. Nous
comptions sur cette expansion miraculeuse des esprits; nous
comptions sur l'effet de tant de papiers qui précédoient ou accom-
Révol. p. 34).
Pour les discussions, une règle du 26 juin 1790 admit les deux
langues 1. Cela veut-il dire qu'on traduisait au fur et à mesure rap-
ports, discours, etc. ?2 C'eût été le seul moyen d'assurer satisfaction
à tous, mais les séances eussent été interminables. Il est plus pro-
bable qu'on ne procédait ainsi que dans les circonstances les plus
importantes. Il venait des délégués, des visiteurs, force était bien
de se mettre à leur portée; souvent le dialecte était seul de mise 3;
au contraire, avec des gens « de l'intérieur », et ceux-là étaient ceux
qu'on tenait surtout à entendre, le français était seul employé.
Dans la plupart des cas, la discussion se poursuivait, tantôt en une
langue, tantôt dans l'autre. On imagine l'ennui des auditeurs quand
l'orateur qu'on ne comprenait pas tenait un peu de temps la tribune.
On lisait les nouvelles. Comment traduire toujours les journaux,
si modeste que fût alors leur format?
Finalement le mieux parut être, pour éviter de graves inconvé-
nients et des récriminations, d'alterner, et de tenir tour à tour des
séances distinctes, les unes allemandes, les autres françaises. Un
membre en fit la motion le 23 juin 1791. L'idée plut. La Société
décida qu'il serait fait « un rapport du mode d'exécution de l'arrêté
qu'elle prend en même tems d'avoir une séance allemande ». Le 18,
on discuta ce rapport et il fut accepté 4.
Les séances de propagande au dehors avaient lieu aussi tantôt en
ces procès-verbaux. Le IIe et le IIIe sont conservés aux Arch. Munles de Strasbourg
(vol. 135 et 136). Les feuillets sont divisés en deux, verticalement. La colonne de droite
était destinée au texte allemand. Mais on ne l'y a pas consigné. Ces procès-verbaux
continuent jusqu'au 1er février 1793, c'est-à-dire après la scission de la Société (8 fé-
vrier 1792).
Les principaux orateurs étaient au début : Noissette le jeune, doué d'un remarquable
talent oratoire; Levrault, à peine âgé de trente ans, et qui, malgré son âge, remplissait
les fonctions d'avocat général; Frédéric Saltzmann, licencié en théologie protestante et
publiciste ; Champy et Arbogast, professeur de mathématiques, qui devint membre de
la Convention. Les orateurs de l'opinion la plus avancée ne furent pas des Alsaciens, ce
furent des Français de l'intérieur, des Welches (Seinguerlet, o. c., p. 36). Un grand nombre
de soldats, officiers, sous-officiers du 13e Infre, du 46e, etc, étaient entrés dans la Société.
1. Heitz, Soc. pol., 44.
2. A certaines séances on lit le procès-verbal en deux langues (par exemple 28 mai
1791 — et cependant il n'y a pas de texte allemand au registre —, 6 juin, 8 juin,
15 juin, 20 juin, etc.) ; d'autres fois en français seulement (25 mai 1791, 13 juin,
18 juin, 12 juill., etc.).
3. C'étaient parfois des hommes distingués, ainsi le poète Aug. Lamey, qui vint le
30 avr. 1791, jour de poésies allemandes.
Mais c'étaient aussi des paysans. Le 20 mai 1792, se présentent des cultivateurs. On
leur explique les mots aristocrates et démocrates. On leur donne l'Almanach du Père
Gérard, en allemand.
4. L'ordre du jour appelle le rapport sur le mode d'exécution de la séance allemande
proposée dans les précédentes séances. Le Rapporteur présente un projet d'arrêté en
plusieurs articles, dont la société arrête les suivants amendés et sous amendés :
Article 1. La Société aura quatre séances par semaine dont une allemande.
Art. 2. Le local sera nécessairement le même pour les séances françaises et
allemandes.
68 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
AUTRES VILLES.
— Il faudrait pouvoir suivre la vie des Sociétés de
petites villes. Il semble bien que partout on fit à l'allemand la part
nécessaire. Nulle part peut-être on n'a pratiqué le bilinguisme avec
le même souci qu'à Thann, où la réunion était visiblement désireuse
qu'aucun de ses membres ne demeurât étranger aux débats 2. On
avait décidé, le 3 avril 1791, que les procès-verbaux seraient traduits
en allemand, et un membre avait été chargé spécialement de la
besogne 3. Le même jour, on écrivait à MM. du département, pour les
prier de vouloir bien envoyer à la municipalité de cette ville les
décrets de l'Assemblée nationale et arrêtés du Directoire dans les
deux langues.
d'autres vinrent de Ribeauviller (26 avr. 1791), Wasselonne (9 mai), Bercht (30 mai),
Barr (15 juin), etc.
1. Les rédacteurs écrivent icelle, échéait, etc. Ces mots décèlent leur origine. C'étaient
des termes de praticiens.
2. Elle comptait un grand nombre de membres d'origine française : Fourcade (né à
Tonnerre), Chapuis (maître d'école, né à Giromagny.), Letellier de Conniègne (Comigne
ou Conliège ?), Lambert (de Remiremont), Bruant (de Bourg), Clebsattel (du Vau-
cluse). Tous ces gens parlaient probablement les deux langues, comme la bourgeoisie
de la ville.
3. Poulet, L'espr. publ. à Thann, p. 40.
70 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
COUPLETS ET CHANSONS
CHAPITRE PREMIER
DÉPARTEMENTS ET LANGAGES.
— Parmi les mesures qui indirectement
devaient avoir pour effet d'assurer l'extension du français, je placerais
au premier rang la nouvelle division du territoire. Dès l'abord on
renonça à organiser des provinces, ou à compléter l'organisation de
celles qui existaient. Loin de songer à en faire des circonscriptions
homogènes, avec leurs centres, leurs divisions, leur constitution
administrative, judiciaire, économique, etc., comme il en avait été
question à la fin de l'Ancien Régime1, la Révolution, rompant avec
le passé, décréta une répartition territoriale toute nouvelle, sur la
base du département.
La pensée de l'Assemblée n'était pas, comme on l'a dit, de briser
tous les liens et de diviser les intérêts. Elle s'inspirait avant tout de
la nécessité de mettre de l'ordre dans un chaos, que l'abolition des
anciens droits obligeait à détruire. Dans son rapport à la séance du
8 janvier, Bureaux de Pusy s'en était expliqué. Il s'agissait d'offrir à
l'esprit l'idée d'un partage égal, fraternel, utile sous tous les rapports,
et jamais celle d'un déchirement ou d'une dislocation du corps poli-
tique, et par conséquent les anciennes limites des circonscriptions
devaient être respectées toutes les fois qu'il n'y aurait pas une
utilité réelle ou une nécessité évidente de les détruire.
1. La province, au sens propre, n'existait pas. Le mot est employé pour la première
fois, avec sa valeur administrative rigoureuse, dans le règlement du 6 juin 1787, qui
créa les Assemblées de provinces.
76 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
frappé de voir l'accord établi entre les députés des pays intéressés
sujet des limitations. Des procès-verbaux authentiques et signés
au
le constatent presque partout.
La question de langue ne semble avoir joué qu'un bien faible rôle
dans la formation des circonscriptions nouvelles, en Flandre par
exemple, ou en Alsace. Ste-Marie-aux-Mines alléguera la distance
être rattachée au département de Colmar », non la simili-
pour «
tude de langage (il est vrai qu'on y parlait aussi français).
Cependant il ne faudrait pas généraliser trop. Certains députés
firent observer qu'on ne tenait aucun compte, dans le regroupement
des populations, des affinités du langage. Ils parlèrent de récla-
mations, et cela était exact, il y en avait.
Une controverse très âpre s'était ouverte entre Basques et Béar-
nais 2. Si la question de langage n'en faisait pas le fond, elle était
au moins alléguée comme prétexte. Finement les Béarnais distin-
guaient. Évidemment, pour ce qui concernait les relations fréquentes,
comme on en a dans un même district, il importait de ne mettre
ensemble que des populations d'un idiome commun. L'affaire se pré-
sentait autrement quand il s'agissait d'un département3.
rien justifiât leurs craintes, se trouva-t-il des gens pour penser que,
puisqu'on instituait un régime de liberté, le jour était venu de pro-
clamer le libre usage des diverses langues, et de renoncer aux prin-
cipes suivis par la monarchie, avec quelques tempéraments qu'ils
fussent appliqués ? Il est certain, en tous cas, qu'il arriva d'Alsace des
avertissements et des propositions. Voici un projet franc de bilin-
guisme administratif que Gazier s'est fait scrupule de publier dans '
le Recueil des Lettres à Grégoire, mais que je dois rapporter ici:
« La partie la plus considérable des habitans
de la province
d'Alsace, est composée d'Allemands. Tout le petit peuple des villes,
et le plus grand nombre des habitans de la campagne, ignorent par-
faitement l'usage de la langue Française.
« La situation topographique de l'Alsace est telle, ses rapports
de commerce avec l'Allemagne sont si habituels et si urgens, que la
langue Allemande y est constamment entretenue, que la province,
et sur-tout les grandes villes sont continuellement recrutées d'Alle-
mands qui viennent s'y fixer de toutes les contrées de l'Empire.
« Ces
circonstances retarderont toujours le progrès de la langue
Française, telles mesures que prenne le Gouvernement pour en
favoriser l'usage. Il devient dès-lors indispensable que les actes
publics du plus grand nombre des citoyens soient rédigés dans la
langue du pays, qui est l'Allemande, et que les Officiers publics,
chargés de leur rédaction, connoissent parfaitement cette langue.
« Tout citoyen attaqué dans son honneur, dans sa vie, dans sa
propriété, a le droit incontestable de se défendre dans la langue qui
lui est familière que ce soit la Française ou l'Allemande, il faut
:
6
Allemands la porte de l'Alsace? Et certes, vous la leur fermeriez,
si vous pouviez jamais concevoir l'idée de leur ôter la faculté de dé-
Histoire de la langue française. IX.
82 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
fendre leurs intérêts les plus chers dans la langue qui leur est fami-
lière.
Et le peuple Alsacien pourra-t-il se faire à un nouvel ordre des
«
choses qui tendroit à le priver d'un droit aussi sacré, aussi incon-
testable, et dont il a joui constamment jusqu'à présent dans tous les
tribunaux inférieurs de la province: une constitution qui relève la
dignité de l'homme, et qui servira de modèle à toutes les Nations
de la terre seroit donc pour lui une source de calamités, et ne lui
offriroit plus que l'affligeante perspective d'un vil et rude esclavage.
« Car enfin l'on ne sauroit se dissimuler, que juger le citoyen
dans une langue qui lui est étrangere, n'ait été envisagé de tout
tems, comme le despotisme le plus outrageant; il frappe directement
le peuple et la classe la plus nombreuse, la moins fortunée et la plus
foible des citoyens, et entraîne des injustices et des oppressions
qui révoltent l'humanité : c'est ce même genre de despotisme qui fit
égorger Quintilius Varus avec ses trois légions, et qui mit fin à la
domination des Romains en Allemagne. Il auroit fait perdre de nos
jours la Hongrie à l'Empereur Joseph II, si ce Prince n'y avoit
promptement remédié en révoquant la loi qui introduisoit l'usage
de la langue Allemande dans les tribunaux de ce royaume.
« Je conclus donc,
Messieurs, à ce que la connoissance des deux
langues, Française et Allemande, soit une qualité requise et essen-
tielle dans les Officiers de justice et les Greffiers qui seront établis
dans la Province d'Alsace en vertu du nouvel ordre judiciaire, ou que
pour le moins il soit permis à tout citoyen de récuser valablement le
Juge qui ignoreroit la langue de celui qu'il sera dans le cas de juger» 1.
De son côté André Ulrich, secrétaire-interprète de la municipa-
lité, prononça le 6 juillet 1790, à sa réception, un discours en faveur
de la langue allemande et il le termina par des conclusions dans
lesquelles il demande : 1° Que les Corps administratifs des deux
départements du Rhin se servent de la langue allemande dans
toutes les pièces adressées aux habitants qui ne parlent que cette
langue. 2° Que les procès-verbaux des Corps administratifs touchant
les affaires majeures soient traduits en langue allemande, et que
les citoyens soient invités par ces Corps respectifs à les faire impri-
mer à leurs frais dans les deux langues. 3° Que dans le cas où les
séances administratives se tiendraient publiquement, on oblige
un des secrétaires d'expliquer la partie essentielle de l'objet des
motions et des délibérations en allemand. 4° Que les juges de dis-
trict, les juges de paix et tous les autres juges, énoncent et consi-
gnent, par écrit, en allemand, tout ce qui est relatif aux habitants
parlant la langue allemande. 5° Que les parties puissent récuser le
juge qui ignore leur langue. Il ajoute : « Il y a 300 habitants de
l'Alsace qui ignorent la langue française, sur un seul qui la connaît, et
comme un seul apprendra plus aisément une langue que 300, qu'en-
fin le voeu de 300 doit l'emporter sur celui d'un seul, je ne vois
aucune difficulté de soutenir cette juste réclamation de la majeure
partie de nos citoyens » 1.
UN PAMPHLET.
— Les Alsaciens se plaignaient, on le voit, avant
d'être battus. L'affaire fit même l'objet d'un curieux pamphlet, qui
a été réimprimé de nos jours".
Si on en croyait le titre, ce dialogue aurait eu lieu le 23 août 17903.
L'auteur anonyme a mis en scène Stark, forgeron, Schwach, tailleur,
Canniverstan, perruquier français, Marroquin, cordonnier demi-
français, et le fils d'un maître tonnelier, jeune gradué en droit.
Stark est le plus monté. Il met Schwach, venu pour prendre une
chopine, au courant des propositions nouvelles. On lui a conté
qu'aussitôt la nouvelle constitution en vigueur, tout sera traité en
français dans la nouvelle municipalité. Le procès-verbal devrait être
comme jadis, non en français seulement, mais en allemand aussi,
et comme Schwach objecte : Nous sommes maintenant devenus
Français, nous avons juré fidélité à la nation, il nous faut aban-
donner ça aussi. « Abandonner quoi? s'écrie Stark, indigné. Nous
n'avons plus le droit de parler allemand, nous devrons parler fran-
çais ! Ce serait bien le diable. Chacun parle suivant que le bec lui
est crû, l'allemand allemand, le welche welche. Pourquoi est-ce que
nous avons choisi notre nouveau conseil ? Pour nous ou pour les
autres? » Une paire de Français veulent faire la loi à la majorité de
début a été un peu sacrifiée. Mais depuis lors on est devenu plus
juste et on le deviendra encore plus, car on verra que pour nous
Strasbourgeois, les deux langues, l'allemande comme la française
également indispensables, et que ce serait une folle entre-
sont
prise de vouloir que la langue allemande, qui est la langue propre
du pays et sûrement le demeurera longtemps encore, soit tout à fait
opprimée et exclue des débats officiels des affaires, surtout que nous
constamment en rapport aussi bien avec des Allemands
sommes
qu'avec des Français dans notre commerce et nos échanges. Par
suite il y aura tout avantage de choisir, pour occuper les places de
juges, des hommes qui, même si les deux langues ne sont pas au
même degré en leur complète possession (ceci est un cas très
rare), tout au moins ne soient pas complètement ignorants de l'une
des deux. Car comme les décrets de l'Assemblée nationale sont tous
rédigés en langue française, que de plus le nouveau code qui doit
être élaboré et d'après lequel les juges auront à prononcer dans
l'avenir, sera de même rédigé en français, il faut qu'un juge et un
administrateur public sache assez de français pour que les décrets
et les lois d'après lesquels il doit administrer et juger lui soient
intelligibles. D'autre part, il importe non seulement à l'intérêt de
notre ville, mais de tout le pays, qu'on ne choisisse absolument pas
comme juges et administrateurs des gens sans aucune connaissance
de l'allemand, parce que sans cela ils seraient complètement inca-
pables de se faire comprendre à la majeure partie des habitants de
notre province, qui ne sont pas du tout au courant du français,
chose qui d'après l'ancienne organisation se produisait au Conseil
de Colmar et dans notre intendance et qui avait toutes sortes de
conséquences fâcheuses. Cependant il serait déraisonnable et peu
adroit de notre part, de vouloir exclure des emplois publics des
hommes au fait du droit et habiles, que nous pourrions connaître,
uniquement pour cette raison qu'ils n'auraient pas surtout une
grande expérience de la langue allemande. Pour l'avenir il y aurait
lieu d'exiger sans doute de tout administrateur ou juge d'Alsace
qu'il comprenne bien les deux langues; dans les circonstances
présentes, il serait peu raisonnable de n'élire aucun de ceux qui ne
savent écrire et parler que le français, et nous pourrions être
satisfaits si en majorité nos sièges de magistrats étaient occupés par
des juristes allemands, possédant couramment les deux langues, avec
lesquels le bourgeois et le paysan pourraient s'entretenir aussi en
leur langue. Avec le temps bien sûr tous ceux qui se destinent à ces
sortes d'emplois devront dès leur première jeunesse s'exercer aux
deux idiomes ».
LE FRANÇAIS ET LES ACTES 87
TOLÉRANCE.
— On se demande vraiment ce qui avait pu motiver tant
d'émotion. Assurément l'Assemblée était aussi peu disposée que
possible à examiner un plan de démembrement linguistique de la
France. Je ne sache même pas que ce plan soit entré dans les vues
des « fédéralistes ».
Mais on laissa les administrations départementales et municipales
libres de continuer leurs pratiques anciennes, et on montra à cet
égard autant de tolérance que l'Ancien Régime. Comment une
politique d'oppression se fût-elle accordée avec les résolutions
prises de faire exécuter des traductions des décrets ? Le pouvoir
central se servant des idiomes et les interdisant dans les départe-
ments, c'eût été la plus absurde et la plus inconséquente des poli-
tiques. Il fallut, pour qu'on y vînt, des heures de grande crise. En
attendant on persista dans le laissez-faire.
Comment les administrations en usèrent, les pièces le prouvent.
Prenons un exemple à Strasbourg. On imprime la loi relative à
l'envoi de Commissaires du Roi (24 janvier 1790). L'affiche est en
français et en allemand. La proclamation de ce Commissaire du Roi
a été également traduite (mars) 1. Plus tard, c'est sous la même
forme encore qu'on portera à la connaissance des citoyens la Lettre
de Roland (24 avril 1792)2. Chaque fois qu'on s'adresse à eux, on
se sert des deux langues 3.
C'était plus qu'un usage, c'était une règle. L'Assemblée adminis-
CHAPITRE PREMIER
OUBLIS SINGULIERS
DOM FERLUS.
— Pourtant une question se pose qu'il ne s'agit pas
d'esquiver. Pourquoi certains réformateurs ne parlent-ils point de
l'enseignement de la langue française dans les premières écoles?
Prenons pour exemple dom Ferlus. Rien n'est plus clair et mieux
ordonné que son système. A la base il place l'éducation nécessaire,
celle que tout le monde doit avoir reçue : « Nul François ne jouira
des droits de Citoyen actif, et ne pourra recevoir de patente pour
aucune profession, si... il ne justifie qu'il sait lire, écrire, compter
et faire l'exercice militaire » 1.
L'auteur admettrait-il donc que cette éducation obligatoire peut
être donnée en patois ou en idiome ? Son livre n'en dit mot. Toute-
fois on ne peut juger sur ce seul paragraphe. Il faut se reporter
à d'autres propositions telles que celle-ci : « Les livres, les exercices,
la méthode seront les mêmes dans tout l'Empire » (p. 21). N'est-il
pas dès lors implicitement convenu que l'éducation sera en français?
Comment des livres en patois pourraient-ils être communs à tout le
royaume? « On doit envoyer des journaux instructifs, des livres
élémentaires à portée des gens de campagne » (p. 29). Ce ne peut
être que des livres français. Il importe seulement de retenir que
Dom Ferlus ne pose pas en règle qu'on enseignera le français à
l'école première ; ses projets impliquent seulement qu'on s'y servira
du français dans l'enseignement de la lecture, de l'écriture, etc. 2.
LE RAPPORT DE TALLEYRAND
1. Hippeau, o. c. p. 148.
2. Id., Ib., p. 69.
3. Observations sur le rapport (de) M. Talleyrand-Périgord. Impr. Hérissant, 1791.
Arch. N., A. D. VIII, 21.
4. « On y joindra... les principes de la langue françoise, qu'ils puissent la
parler et l'écrire correctement, et pour les mettre en état de pour
se passer de secours
étrangers, quelques professions qu'ils embrassent dans la suite » (p. 7 ; cf. p. 31).
Pour l'enseignement des écoles de district, les auteurs rejettent le
grec comme une
spécialité qui sera confiée à des professeurs exprès, le latin et le français devant au
contraire être étudiés simultanément (p. 72-73).
CHAPITRE V
LA LÉGISLATIVE
1. Voir Guillaume, Proc. verb. Com. I. P., cette abréviation sans numéro de volume
renvoie au volume concernant la Législative.
2. Discours s. l'éduc. nationale, 1792. Arch. N., ADVIII 21, 14e pièce, p. 8.
100 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Ib., p. 7-8.
Parmi les autres livres je citerai : Systême nouveau d'écriture feu M. Berthaud;
par
— L'art de l'écriture simplifié par M. Brazier; — Grammaire des Dames... par le cheva-
lier de Punay ; — Tableau analytique de la langue françoise, suivi d'autres tableaux
destinés à apprendre les principes de cette langue aux enfans,
par le moyen d'un jeu; —
Méthode logicosynoptique a l'usage des personnes de l'un et l'autre
la méthaphysique des langues et la logique, avec sexe, pour leur apprendre
un jeu, pour la communiquer aux enfans,
par M. Collenot d'Angremont; — La veritable méthode d'apprendre une langue vivante
ou morte, par le moyen de la langue françoise, avec la grammaire françoise, italienne et
angloise dans le même système; Démonstration et pratique de la nouvelle méthode d'en-
—
seignement des langues, comme la seule raisonnable admissible à l'exclusion de
actuelle ou possible; toute autre
— Système de prononciation figurée applicable à toutes les langues, et
exécuté sur les langues françoise et angloise
; — Logique françoise pour préparer les jeunes
gens à la Rhétorique par M. l'abbé de Hauchecorne ; L'art de bien écrire en françois
M. de Bauvais —
par ; — Effet du réglement d'éducation nationale. A. Generalif, 1792
(Voir Catalogue de la Bibliothèque patriotique, 28).
p.
CHAPITRE VI
LE RAPPORT DE CONDORCET
OBSCURITÉS.
— A l'Assemblée, les discussions se poursuivirent
pendant toute cette année si troublée. Mais elles n'aboutirent qu'à
un rapport. Il est vrai qu'il est capital, c'est celui de Condorcet1.
De la question de la langue à employer à l'école primaire, l'auteur
ne dit rien. Ni dans le rapport, ni dans le Projet de Décret, il
n'est fait allusion soit à la nécessité d'enseigner la langue, soit à
l'obligation de l'employer. Condorcet écarte le latin des établis-
sements d'ordre plus élevé, nous le verrons. Il n'a rien dit pour
fermer expressément la porte ni aux patois, ni aux idiomes.
1. Guill., o. c, p. 88.
2. Titre II, art. 5.
3. Guill., o. c, p. 194.
102 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. « On sent que les livres destinés à donner aux enfants la première habitude de lire,
ne doivent renfermer que des phrases d'une construction simple et facile à saisir.
L'habitude de ces formes de phrases leur en fera découvrir la syntaxe par une sorte de
routine ; il faut aussi qu'ils puissent en entendre tous les mots à l'aide d'une simple
explication ; mais cette dernière condition exige ici quelques développements.
« Il n'y a peut-être pas un seul mot de la langue qu'un enfant comprenne, si on veut
entendre par là qu'il y attachera le même sens qu'un homme dont l'expérience a étendu
les idées et leur a donné de la précision et de la justesse... Les mots expriment evidem-
ment des idées différentes suivant les divers degrés de science que les hommes ont acquise.
Par exemple, le mot or ne réveille pas la même idée pour un homme ignorant et pour
un homme instruit, pour celui-ci et pour un physicien, ou même pour un physicien et
pour un chymiste : il renferme pour ce dernier un beaucoup plus grand nombre d'idées
et peut-être d'autres idées. Le mot belier, le mot avoine ne réveillent pas les mêmes idées
dans la tête d'un homme de la campagne et dans celle d'un naturaliste : non seulement
le nombre de ces idées est plus grand pour ce dernier, mais les caractères par lesquels
chacun d'eux distingue le belier d'un autre animal, l'avoine d'une autre plante, et qu'on
peut appeler la définition du mot ou de l'objet, ne sont pas les mêmes. Il ne peut y
avoir d'exception que pour les mots qui expriment des idées abstraites très simples, et
dans un autre sens pour ceux qui sont susceptibles de véritables définitions, tels que les
mots de sciences mathématiques... Ces principes exposés, on apperçoit d'abord combien
il serait chimérique d'exiger que les enfants ne trouvassent dans leurs livres que des
mots dont ils eussent des idées bien exactement identiques avec celles d'un philosophe
habitué à les analyser. Par exemple, comme la plupart même des hommes faits, ils
n'auront qu'une idée très-vague et très-peu précise des mots grammaticaux, et même
des relations grammaticales que ces mots expriment. Mais il n'y a aucun inconvénient
à ce qu'un enfant lise j'ai fait et je fis, sans savoir que le présent du verbe avoir mis
avant le participe du verbe faire exprime un prétérit de ce verbe, pendant qu'un autre
se forme par un changement particulier dans la terminaison du verbe même. Il en
résultera seulement que pour lui la langue française n'aura aucun avantage sur celle où
il n'existerait aucun moyen de distinguer ni ces deux prétérits, ni la nuance d'idée qui
en caractérise la différence... Ce serait détruire absolument l'intelligence humaine que
de vouloir l'assujettir à ne marcher que d'idées précises en idées précises, à n'apprendre
des mots qu'après avoir rigoureusement analysé les idées qu'ils expriment; elle doit
commencer par des idées vagues et incomplètes, pour acquérir ensuite par l'expérience
et par l'analyse, des idées toujours de plus en plus précises et complètes, sans pouvoir
jamais atteindre les limites de cette précision et de cette connaissance entière des objets.
« Ainsi, par des mots que les enfants puissent comprendre, on doit entendre ceux qui
expriment pour eux une idée à leur portée ; de manière que cette idée, sans être la
même que celle qu'aurait un homme fait, ne renferme rien de contradictoire à celle-ci. Les
enfants seraient à peu près comme ceux qui n'entendent de deux mots synonymes que ce
qu'ils ont de commun et à qui leur différence échappe. Avec cette précaution, les élèves
acquerront une véritable instruction et on ne leur donnera pas d'idées fausses, mais
seulement des idées incomplètes ou indéterminées, parce qu'ils ne peuvent en avoir
d'autres. Autrement il serait impossible de se servir avec eux de la langue des
hommes ; et comme on forme un langage particulier au premier âge, et proportionné
à la faiblesse de l'organe de la parole, il faudrait instituer une langue à part propor-
tionnée à leur intelligence. On peut donc employer dans les livres destinés aux enfants
des mots qui expriment des nuances, des degrés de sentiment qu'ils ne peuvent con-
naître, pourvu qu'ils aient une idée de ce sentiment en lui-même ; et dès que l'idée
principale exprimée par un mot est à leur portée, il est inutile qu'il réveille en eux
toutes les idées accessoires que le langage ordinaire y attache. Les langues ne sont pas
l'ouvrage des philosophes ; on n'a pas eu besoin d'y exprimer par un mot distinct l'idée
commune et simple, dont un grand nombre d'autres mots expriment les modifications
diverses ; jamais même on ne peut espérer qu'elles atteignent à cette perfection, puisque,
les mots ne se formant qu'après les idées et par la nécessité de les exprimer, les progrès
de l'esprit précèdent nécessairement ceux du langage. Il y a plus : si l'on doit donner
aux enfants une analyse exacte, quoiqu'incomplète encore du sens des mots qui dési-
104 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
RÉSULTATS.
— Arrivait-on à compenser les désastres qui s'accu-
mulaient? Non. Il faut bien le dire. Le voeu qu'on crie un peu par-
tout, ce n'est pas d'avoir un enseignement français, c'est d'avoir un
enseignement. Quelques-uns rêvent, d'écoles nouvelles, sérieuses,
régénératrices, pénétrées des vrais principes, d'un enseignement
donné par de vrais instituteurs ; la masse des autres regrettent les
vieilles pratiques et les maîtres qu'on avait. Ils étaient pour la
plupart mauvais, mais ils étaient. Or les Assemblées avaient vai-
nement pris des dispositions conservatrices, en attendant. Divers
décrets ruinaient l'ancien édifice.
La suppression de la dîme et des droits ecclésiastiques, la confisca-
tion des biens de fondation, dont les revenus assuraient la rému-
nération au moins partielle du personnel ; la destruction des ordres
religieux, l'obligation du serment surtout, avaient amené la dispari-
tion de la plupart des écoles. Beaucoup de maîtres, violentés dans
leur conscience, ou entraînés par leur curé, privés de salaires,
proscrits même, avaient disparu. Ils n'étaient pas remplacés, ou ils
étaient remplacés par des schismatiques, que les populations, ameu-
tées par le clergé réfractaire, refusaient d'accepter. Le français, pour
ne parler que de lui, ne pouvait que perdre à une situation si
fâcheuse.
Il serait piquant de comparer les résultats de l'initiative privée,
et de faire, d'après les Affiches et les Annonces de toute sorte, un
CHAPITRE PREMIER
L'ENSEIGNEMENT EN FRANÇAIS
1. « Il seroit superflu de dire ici qu'ils (les livres de philosophie) doivent être écrits
en français ». C'est le seul moyen de déraciner la Scolastique. « Combien de gens ont
clé découragés par ce latin barbare, avec lequel on outrage impunément le bon
(Ib., p. 289). sens !
»
2. Proj. d'éduc. nat., p. 11.
3. Guill., o. c., p. 427.
4. Dreyfus-Brisac, Prob. de bibliog. pédag., t. I, 274. Cf. Guill. o. c, Conv.,
VI, n. 3. p.
5. Cassanyès a encore étudié la grammaire en latin (La Révol. fr., t. XIV,
p. 977).
L'ENSEIGNEMENT EN FRANÇAIS 111
comparer avec une autre, et c'est les meilleures qu'il faut prendre
pour objet de comparaison.
« Que
le grec et le latin soient donc regardés comme propres à
fournir des vues précieuses sur les procédés de l'esprit dans l'énon-
ciation des idées ; qu'on les estime, qu'on les recommande à raison
des excellents livres qu'ils nous mettent à portée de connaître beau-
coup mieux : rien de plus raisonnable, sans doute. Mais je crois
nécessaire d'ordonner que tout enseignement public se fasse désor-
mais en français ». 1
1. Hippeau, o. c, p. 11,
2. Ecoles de médecine, art. 17. — Ecoles pour l'enseignement du droit, art. 4.
« Les leçons se feront en français ».
3. Rapp. dans Guill., o. c, p. 231.
4. Id., ib., p. 237.
CHAPITRE II
L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
1. Idées patriot., p. 61 et 7.
2. Précis de la l. fr., Avertissement.
3. Plan d'éduc, p. 210.
Histoire de la langue française. IX. 8
114 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
«
Jusqu'ici l'objet principal des études a été le latin ; parce que
c'étoit un moyen nécessaire pour avoir une place dans l'église ou
dans la magistrature ; aujourd'hui ce moyen est presque nul »
(p. 9). « L'instruction doit changer absolument » (p. 11).
« Les trois ou quatre années qui suivent le commencement des
études, reprend Legendre, au lieu d'être employées à l'étude d'une
langue qui n'est presque d'aucun usage dans le cours de la vie,
doivent l'être à apprendre par principes la langue Française, qui,
par sa beauté, son énergie et sa douceur, est presque devenue la
langue universelle »1.
Pour remplacer le latin, suivant Verdier, on introduira des matières
diverses, mais le français est la première. « Il seroit maintenant bien
ridicule de demander si la premiere application des Belles-lettres
doit se faire à la langue maternelle. C'est pourtant une question que
les anciennes écoles, qui se disoient latines, n'ont pu résoudre. La
langue françoise y a toujours été traitée comme une étrangere » 2.
Dans son Nouveau plan d'éducation, l'abbé Villier, de l'Oratoire,
mettrait, vers la douzième année des élèves, l'analyse et les discours
de Condillac entre leurs mains. « Les éleves habitués à parler pure-
ment françois... trouveront peu de difficultés dans l'étude de la
grammaire, dont les regles seront à leur portée » (p. 76-77).
En troisième (c'est-à-dire après six années d'étude), il ferait ensei-
gner à ses élèves l'art de raisonner, de penser et d'écrire, toujours
d'après Condillac. Il leur ferait lire Racine, Molière, Corneille et
Voltaire ; on aura soin, dit-il « de leur faire observer les beautés
du langage, et sur-tout de les accoutumer à faire l'application des
regles qu'on leur aura apprises, aux différens exemples qui se pré-
senteront » (p. 94-95).
On n'enseignera les langues étrangères, et même le latin aux élèves,
qu'après s'être assuré qu'ils « savent leur langue passablement... et
sont en état de faire avec facilité l'application des regles de la gram-
maire » (p. 9 ; cf. p. 98 et suiv.).
Dans les collèges actuels, le but principal étant d'apprendre le
latin, on n'enseigne aux enfants que des lambeaux de chaque matière
et « les jeunes gens sortant de rhétorique... ne savent réellement
ni françois, ni latin, ni grec » (p. 104-105).
Mon lecteur trouvera sans doute que j'ai accumulé dans ce cha-
pitre bien des noms et des textes. Je ne l'ai pas fait sans dessein ;
il importait qu'on ne se représentât pas la réforme comme imaginée
par quelques esprits téméraires. Les pédagogues « aventurés »
étaient légion. S'ils divergeaient d'opinion sur des détails de
méthode et ne tombaient pas tous d'accord pour prescrire ce qu'il
fallait faire, ils étaient unanimes à condamner ce qu'on avait fait
jusque-là, et demandaient tout d'une voix une solide connaissance
de la langue française comme base de toute pédagogie.
D'Ecully, petite localité de la banlieue de Lyon, des citoyens
écrivent à l'Assemblée Nationale : « Si quelques Grecs et quelques
Romains instruits avoient pu, de nos jours, revenir parmi nous,
combien n'auroient-ils pas ri de pitié de voir nos Etats modernes,
pour toute instruction, se faire marchands de mauvais latin » 3.
1. Auger, o. c, p. 44.
2. Id., Ib., p. 45.
3. 30 mars 1792. Arch. N°, F17 1309, doss. 6.
CHAPITRE III
RÉSISTANCES
1. Pour un exemple parmi des milliers, voir l'adresse des Jacobins à propos du
31 mai dans Buchez et Roux, Hist. parl, de la Révolution, t. XXVIII, p. 131. Sur l'édu-
cation scolaire des hommes de la Révolution, voir Aulard, Et. et leç. s. la Rév. fr.,
t. IV, p 1 et suiv.
2. Nul plus que Cam. Desmoulins n'a retenu les leçons des Jésuites et le cours d'his-
toire romaine. Ses souvenirs classiques encombrent chaque numéro du Vieux Cor-
delier. « La liberté serait consolidée, et l'Europe vaincue, si vous aviez un COMITÉ DE
CLÉMENCE. C'est ce Comité qui finirait la Révolution... Que les imbéciles et les fripons
m'appellent modéré, s'ils le veulent. Je ne rougis point de n'être pas plus enragé que
M. Brutus ; or voici ce que Brutus écrivait... On sait que Thrasybule, après s'être
emparé d'Athènes... Dira-t-on que Thrasybule et Brutus étaient des feuillants, des
brissotins ?. C'est cette politique, autant que sa bonté, son humanité, qui inspira à
Antonin ces .belles paroles aux magistrats qui le pressaient de poursuivre et de punir
Je ne puis m'empêcher de transcrire ici le passage que l'anti-fédéraliste a cité de Mon-
tesquieu, et qui est si bien à l'ordre du jour. On verra que le génie de César ne tra-
vaillait pas mieux que la sottise de nos ultra-révolutionnaires à faire détester la
république » (n° IV, 30 frim. an II).
LES DÉPUTÉS ET LE LATIN 121
CONDORCET.
— Condorcet, une fois qu'il n'est plus retenu par les
scrupules dont nous avons parlé, et qu'il se trouve devant des enfants
plus grands ou des jeunes gens, tranche net: On enseignera dans
les écoles secondaires « les notions grammaticales nécessaires pour
parler et écrire correctement »3. C'est le premier article du pro-
gramme.
Avec lui la rupture s'annonce, complète et définitive : « L'ensei-
gnement, dit-il, n'était pas moins vicieux par sa forme que par le
choix et la distribution des objets. Pendant six années, une étude
progressive du latin faisait le fonds de l'instruction ; et c'était sur
ce fonds qu'on répandait les principes généraux de la grammaire,
quelques connaissances de géographie et d'histoire, quelques
notions de l'art de parler et d'écrire...
« On pourra trouver la langue latine trop
négligée. Mais sous
quel point de vue une langue doit-elle être considérée dans une édu-
cation générale? Ne suffit-il pas de mettre les élèves en état de lire
les livres vraiment utiles écrits dans cette langue, et de pouvoir,
sans maîtres, faire de nouveaux progrès?... Par quel privilège sin-
gulier, lorsque le temps destiné pour l'instruction, lorsque l'objet
même de l'enseignement force de se borner dans tous les genres à
des connoissances élémentaires, et de laisser ensuite le goût des
1. Guill., o. c, p. 199-200.
CHAPITRE V
LENTEUR A S'ÉMOUVOIR.
— L'histoire des pratiques pédagogiques de
ce temps n'est pas faite dans son ensemble. Mais d'après la foule des
monographies qui ont été publiées, on s'en fait une idée approxima-
tive, la même du reste qui s'impose à la lecture des pièces d'Ar-
chives.
Visiblement, en pratique, le latin tenait toujours bon 1. C'étaient
les maisons d'avant-garde seules qui avaient osé lui reprendre sa
vieille prépondérance. A l'Université de Paris, on en était toujours
au même point. En 1790, les élèves de philosophie pétitionnaient
encore pour obtenir des cours en français; on délibéra, pour finir
par leur accorder leur demande 2.
Pourtant, le mouvement général des idées finissait par entraîner
les esprits, même dans les milieux les plus rebelles.
MANIFESTATIONS SCOLAIRES.
— Passons rapidement sur les amusettes
auxquelles de tout temps s'est complue la naïveté universitaire, et
sur les manifestations anodines des jours de séance publique 3.
Le 7 février 1790, un Essai a lieu par les Élèves de M.M. Serane
et Denizot, instituteurs nationaux, à Passy-lès-Paris. Il porte sur
« les fondemens de la Religion Chrétienne, sur le génie des Langues
Française et Latine » 4.
ne mènerait pas très loin. D'abord une tradition dont le passé était
si long ne pouvait guère se détruire en quelques mois, si vive que
fût la poussée des évènements. La majorité des enseignants appar-
tenait au clergé régulier ou séculier, et avait le préjugé inné de la
langue catholique. En outre les collèges étaient menacés jusque dans
leur existence; ils avaient été ruinés par toute une série de décrets
qui leur enlevaient leurs biens de fondation. Malgré les sursis accor-
dés, ils se soutenaient péniblement et n'avaient guère d'inclination
aux expériences pédagogiques. Il me suffisait de marquer dans quel
sens on cherchait, et comment le développement du français se
faisait aux dépens du latin, comment d'autre part il était présenté
comme un progrès en harmonie avec la Révolution et une sorte
d'adhésion et de manifestation loyaliste du monde enseignant.
Rien de décisif ne pouvait se produire sans une loi, qu'on atten-
dait toujours 1. Le 13 août 1792, la Législative décréta bien qu'elle
s'occuperait de l'instruction publique immédiatement après avoir
terminé le décret sur l'état civil des citoyens. C'étaient là de pré-
cieuses promesses, mais rien de plus. Elles ne furent suivies d'aucun
effet, puisque, comme on sait, la Convention fut convoquée avant
qu'on eût rien voté encore du régime nouveau de l'Instruction
publique. En somme, beaucoup de ruines, et des projets de recon-
struction, rien de plus, tel est le triste bilan des trois premières
années 2.
1. Sur le besoin pressant d'une Instruction publique, voir l'adresse des Jacobins des
Bouches-du-Rhône et du Gard (Guill., o. c., p. 431 et suiv.).
2. Sur la détresse des Collèges, voir l'enquête de 1791 aux Archives. Cf. Guillaume,
o. c, p. 417, 433, 436.
CHAPITRE VI
des railleries de
LES CAHIERS.
— Les libertins se souvenaient
Voltaire à l'égard de l'Église romaine, qui ne prie qu'en latin 1.
Cependant il ne faut voir, dans la campagne qui fut entreprise
pour franciser le culte, aucune pensée d'hostilité contre l'Église.
Beaucoup de Constituants avaient espéré associer intimement
l'esprit chrétien et l'esprit de réforme. La guerre religieuse, qui
perdit la Révolution, commença avec la Constitution civile du
clergé, quoique cette réglementation ne fût dans la pensée de presque
aucun de ceux qui la votèrent, une mesure d'hostilité contre la
religion catholique, mais l'établissement d'un régime grâce auquel
l'Église de France serait directement attachée à la monarchie
régénérée.
Personne, parmi eux, je crois, ne songea à introduire dans les
obligations qu'on imposait au clergé, celle de changer l'usage litur-
gique et de substituer le français au latin pour les cérémonies du
culte. Il est hors de doute pourtant que, dans le clergé même, cette
pensée hantait divers esprits.
L'abbé Allain a cité un Cahier, celui de la paroisse de Fosses,
où se trouve exprimé le voeu que les prières se fassent en français :
« La plupart des habitants ne savent point lire, y est-il dit, cela
fait qu'ils n'entendent rien des prières qui se font à l'église, ils s'y
ennuient; ils y causent comme dans la rue » 2. Le pieux curé qui a
rédigé ces considérants naïfs ne pensait sans doute qu'à l'édification
de ses ouailles. Comprenait-il l'importance de la
« nationalisation
de la prière? » 3
D' autres en tous cas avaient des souvenirs
et des connaissances
PÉTITIONS A LA CONSTITUANTE.
— D'après le Mémoire Apologétique
de Brugière dont je parlerai plus loin, des adresses, des félici-
tations sans nombre parvenues à l'Assemblée Constituante manifes-
taient le même désir (p. 94). Il y a peut-être là quelque exagération.
Mais il existe des pétitions de ce genre. Il y en a même eu d'im-
primées. On peut voir d'abord le Culte public en Langue française.
Le curé de Ste Pallaye (Yonne), qui a écrit ces pages, a hésité, on
le sent bien. Puis le voeu des populations a fini par lever ses scru-
pules 3. Il désire sans doute « étendre le bienfait de notre liberté
nationale à notre Langue Françoise » (p. 4), mais il désire surtout
rajeunir et revivifier la foi. « Il faut pour nourrir la piété des peuples,
autre chose que des mots et du bruit » (p. 21). Dans une série
d'articles, il examine les textes des Conciles, des Pères, de l'Écri-
ture. C'est l'article IV qui doit surtout retenir l'attention. Il est
intitulé : Voeu du Peuple sur l'usage de sa Langue ( p. 20). « Le
peuple français, comme les Juifs retour de Babylone, se relève de sa
captivité. Son intelligence, dégagée du chaos dont on l'enveloppait
sans cesse, ne peut plus se fixer à un simulacre de dévotion ».
« Convenons-en de bonne foi, dans les Paroisses
de la campagne,
le curé, presque seul, entend la langue des Offices ». « Si le prin-
cipal Chantre, à qui cette langue est absolument étrangère, préside
mes belles Dames, je ne suis pas assez galant pour plaider votre
cause 1. Je veux rétablir la piété et la ferveur parmi les Fidèles. Pour
cela je demande bonnement que l'on introduise l'usage des prières
et des Offices en Langue vulgaire. Traitez-moi d'Aristocrate, de
Janséniste si vous voulez ; mais regardez le changement que je vous
propose comme infiniment intéressant pour l'Etat et pour l'Eglise »
(p. 14).
« Il seroit bien à souhaiter, opine un pédagogue, que le service
divin se fit en françois. On ne dit pas de bon coeur ce qu'on ne
comprend pas. Cette étude mene à la connoissance de la religion :
Voilà pourquoi je l'ai indiqué » 2.
Morize, associé libre des Sociétés d'Agriculture d'Évreux et
d'Auch, écrit à l'Assemblée (Évreux, 24 août 1791) : « Il est essen-
tiel de ne pas luy faire perdre (à la jeunesse) la fleur de ses plus
belles années dans le long apprentissage d'une Langue qui n'etant
plus usitée, est pour luy une espece d'Esclavage qui ne peut gueres
avoir presentement d'autre but que l'Etat Ecclesiastique — Etat
Ecclesiastique qui pouroit encore à la rigueur s'en passer sans ces
fameux préjugés Ultramontains, puis qu'un pretre pouroit aussi bien
dire la messe en françois qu'en latin, ce au grand contentement
même des trois quarts et demi des Chretiens qui ne peuvent chanter
les Louanges de dieu que comme des perroquets, c'est a dire sans
onction, sans ferveur et sans faire attention quils rendent des actions
de Graces, ou quils demandent de nouvelles faveurs » 3.
« La langue latine, reprend un autre, et cet autre est Dom Ferlus,
est indispensablement nécessaire à ces derniers (nos Ecclésiastiques),
tant que la lithurgie sera en latin, et qu'on n'aura pas rendu à la
piété, à la Religion et aux moeurs le service de faire célébrer les
divins mysteres et la priere publique en françois » '4.
L'IDÉE SE RÉPAND.
— On dirait que Chabot avait lu ces adresses
quand il écrivait à Grégoire que pareille réforme favoriserait l'unité
religieuse, et le retour des protestants à l'orthodoxie : « L'article qui
révolte le plus les non-catholiques de la classe du peuple, dit-il, ce
sont nos prières en un latin barbare qu'il ne comprend pas et que
nos ennemis peuvent d'autant plus facilement calomnier » 5. Il
ajoutait : « L'Assemblée nationale usera donc de ses droits pour
faire tous prier l'Être suprême dans une langue que nous
nous
entendions » 1.
Du Gers arrive à Grégoire cet avis : « Il faudrait... qu'au lieu de
balbutier en latin, qu'ils n'entendent guère, des prières que le paysan
entend sans doute bien moins, toutes les prières, instructions, caté-
chismes et service d'église... soient dorénavant faits en français » 2.
D'autres correspondants ont exprimé la même opinion, alors qu'on
ne leur demandait pas leur avis là-dessus.
Me sera-t-il permis de rapprocher de ces voeux celui que présenta
la Société de Strasbourg, le 29 juin 1791 ? Un membre ayant demandé
que l'Assemblée Nationale fût invitée à faire chanter dans les églises
un hymne en français « qui exprimeroit les sentimens de liberté et
de patriotisme qui tiennent de si près à la vraie religion », on envoie
son discours au Comité ecclésiastique de l'Assemblée Nationale 3.
Ailleurs, c'est un prêtre qui discute dans une Instruction fami-
lière aux Croyants, divisée en demandes et réponses, comme un
catéchisme 4, et ainsi de suite.
Le 31 mai 1792, dans la Feuille villageoise (n° 36), Thévenet, curé
de Salagnon, près Bourgoin (Isère), proteste contre l'emploi de la
langue latine dans le culte, et son confrère Dupuis, curé de Droyes
(Hte-Marne), imite son exemple.
Nul doute que le jour où l'attention des historiens se portera sur
ce point, ils ne découvrent des voeux et des propositions semblables à
ceux que je viens de rapporter. Il m'est arrivé d'en rencontrer parmi
d'autres papiers. Ainsi le 5 février de la 4e année de la Liberté, un
DE LA RÉUNION DE LA CONVENTION
AU IX THERMIDOR
LIVRE PREMIER
L'ÉCOLE ET LA LANGUE 1
CHAPITRE PREMIER
LE RAPPORT LANTHENAS
1. C'est une des grandes colères du Père Duchesne de voir que l'instruction publique
ne va que d'une aile, et qu'il existe des accapareurs d'esprit qui ne veulent pas que le
peuple soit instruit, afin que les gueux continuent de porter la besace. Voir ses bons
avis à toutes les sociétés populaires pour qu'elles donnent le grand de collier à
coup
l'instruction des sans-culoltes, afin d'écraser une bonne fois le fanatisme et la tyrannie
(Hatin, Hist. de la Presse. t. VI, p. 522).
2. Amar, Merlins, de Vienne, 9 mai 1793, dans Aulard, Act. du Com. S. P., t. IV,
p. 78. Cf. « On n'entend que ce cri : Et l'instruction publique? Quand s'occupera-t-on
de l'instruction publique?» (Cailhava, Rapp.
sur la région de Toulouse, juin 1793,
dans Caron, Rapports, t. I, p. 133).
3. Cf. Romme, 18 frim. an II, dans Guill.,
o. c. Conv., t. III, p. 93.
ON RÉCLAME UNE « INSTRUCTION PUBLIQUE » 139
CONFUSION.
— Jamais peut-être on ne vit pareil tohu-bohu de
propositions et de tendances. Le devoir de l'État, ses droits, la
liberté des pères de choisir pour leurs enfants une formation à leur
gré, l'utilité de cette formation, les services que rendent à un peuple
les sciences et les arts, la haute culture et la plus humble, les dan-
gers auxquels ils l'exposent, la nécessité d'avoir des hommes capables
de donner l'enseignement, la menace que l'existence d'une aristo-
cratie savante fait peser sur un peuple d'égaux, la possibilité de
créer si vaste machine et d'en payer les frais, tout fut examiné,
soutenu, contesté. Les organisations les plus tyranniques et les plus
folles furent imaginées et soutenues pendant que des sceptiques,
non seulement soufflaient sur les bulles de savon et les crevaient une
à une, mais opposaient leurs argumentations à des conceptions fort
défendables et qui ont été appliquées depuis. Pourtant, jusqu'au début
de l'an II, on débattit moins sur les grands principes que sur des
projets présentant quelque possibilité d'être exécutés.
Dans presque tous les systèmes l'enseignement du français avait
sa place marquée. La jeunesse, en apprenant à lire et à écrire, rece-
vra les premières notions grammaticales de notre langue, disait
Romme 1.
Chez Joseph Serre, ce représentant des Hautes-Alpes, qui
connaît la situation linguistique de son département, les recomman-
dations au sujet de la propagation nécessaire de la langue pren-
nent une forme impérative : Art. 5. On leur apprendra (aux enfants)
à lire, à écrire, les règles de l'arithmétique... les principes de la
langue française.
Art. 6. L'enseignement se fera en français dans toute l'étendue
de la République2.
Parler,
1er Degré (Écoles primaires). — Langue française. Lire,
Écrire.
2e Degré (Écoles secondaires). — Éléments de la grammaire
française.
3e Degré (Instituts). — Grammaire générale,
— française.
4e Degré (Lycées). — Grammaire générale et langue française.
devra être connue des enfants 1. Il prévoit d'autre part que ce lan-
fois mis en usage par le gouvernement, perfectionnera la
gage, une
langue républicaine 2.
WANDELAINCOURT.
— Dans sa brochure sur l'instruction publique,
Wandelaincourt, député de la Haute-Marne, étudie minutieusement
les méthodes à employer' dans l'éducation de la première enfance.
Ses idées principales sur le rôle à donner au français sont les sui-
vantes : « L'étude des langues est particulièrement appropriée à l'en-
fance. On la rend facile et agréable en étudiant les principes de la
langue française d'abord, et en se servant d'un livre qui traite des
arts et des sciences, au lieu de phrases décousues et vides ». Le
français s'impose « parce qu'il est plus nécessaire
que nous la par-
1 Opinion du 1er oct. 1793, art. 16 du proj. de Décret, dans Guill., c., Conv.,
o
t. II, p.
557.
2. Ib.. p. 360.
3 Idées sur l'éduc. nat.,
p. 41-45 Cf. Guill., o. c, Conv., t. I, p. 667-668.
4. I. N, p. 357. Cf. Tourn., III, 17004. Voir Art. II, et suiv.
p. 5
LES PLANS D'INSTRUCTION ET LA LANGUE 145
LA LOI DE VENDÉMIAIRE
1. " Les lycées répondent aux universités... En répandant notre langue et nos
principes, ils étendront nos conquêtes, les seules dignes de nous, celles qui affran-
chissent l'homme des erreurs et des préjugés » (Romme, Rapp. de vendém. an II
dans Hippeau, o. c, p. 325).
CHAPITRE V
1. 12 frim. an II (2 déc. 1793). Délib. du corps munic, V, 1373, dans Reuss, Notes
inst. prim., p. 113.
2. Voir Guill., o. c., Conv., t. III, p. XV.
3. Id., ib., t. II, p. 850.
CHAPITRE VI
LES LIVRES ÉLÉMENTAIRES
travail, on ouvrira un concours » (p. 171). « A mesure qu'on devra réimprimer, tous
les collèges seront prévenus. Professeurs, instituteurs, savants soumettront leurs obser-
vations » (p. 172). « Le corps académique ira jusqu'à fixer, par des numéros, ce qui
fera la matière de chaque leçon » (p. 176). « Il établira les prix, qui seront très bas »
(p. 179).
Des réglements aussi minutieux régleront les livres classiques (art. XI et suiv.).
Jamais hiérarchie de manuels plus étroite et plus complète n'avait sans doute été
conçue.
1. Vues sur l'enseig., p. 31.
2. Rapp., dans Guill., o. c., p. 211-212. Cf. Proj. de décret, titre II, art. 5.
3. Guill., o. c, Conv., t. I, p. 9-12.
4. Dans Hippeau, o. c., p. 296. Cf. Guill., o. c, Conv., t. I, p. 84.
5. Derniers jours de 1792. Disc. d'Arbogast, dans Hippeau, o. c., Déb. lég., 47. Cf.
Guill., o. c, Conv. t. I, p. 94. Se reporter aussi à l'opinion de Lequinio (Id., ib.,
p. 554, 575).
6. Ess. s. l'I. P., p. 23.
152 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
pouvaient
élémentaires pour les enfants » 1. Mais, ces voix isolées ne
arrêter l'exécution. Il importe de se rappeler, nous l'avons noté,
si le projet de Bouquier, si différent des autres, réduisait le
que
nombre des Manuels, il ne les supprimait pas 2.
Un premier décret (13 juin 1793) resta sans effet 3. Le 9 plu-
viôse an II (28 janvier 1794) — la date est à noter —, la Convention
adopta les conclusions d'un rapport du Comité d'Instruction
publique 4, rédigé sous l'inspiration de Grégoire.
CHAPITRE PREMIER
fût chargé de ce soin et d'en rendre compte sous trois jours. Reu-
bell demanda en outre qu'il fût établi une commission qui aurait
pour mission de suivre la traduction des lois dans les différents
idiomes. Ces deux propositions furent adoptées 1.
Ce n'était pas seulement de l'Alsace qu'il s'agissait. « Il seroit à
souhaiter que l'on s'occupât de faire traduire pour les Basques au
moins les lois principales », écrivaient les commissaires en mission
à Bayonne 2.
Le 7, Dentzel fit son rapport 3. Il y demandait le maintien du
principe. Seuls, les habitants des villes connaissent les lois, « par
des interprètes, qui, s'ils sont infidèles, les induisent en erreur au
lieu de les éclairer ; et les campagnards, cette classe utile et pré-
cieuse, en est privée presque tout à fait. C'est de cette source dont
je dérive.une grande partie des malheurs, dont le fanatisme et
l'aristocratie se servoient pour agiter les citoyens... La lettre de
vos commissaires dans les départemens des Pyrénées, ne vous
prouve que trop la vérité dont je vous parle; vérité que je pourrois
appuyer par mon expérience dans les départemens du Rhin: c'est-là
où le fanatisme a encore ses torches allumées, où les lois des élec-
tions, et sociales, ayant été mal comprises et mal interprétées, ont
produit des rixes continuelles et des illégalités sans nombre; c'est-là
où un fort parti royaliste égare les esprits et fait la désolation des
vrais Républicains.
« L'esprit du républicanisme se répand, et avec lui la cupidité de
suivre la marche de vos travaux... c'est à vous à transmettre au peuple
souverain le résultat de vos veilles, d'une manière intelligible... votre
commission tache « de combiner la stabilité d'un pareil établis-
sement avec l'économie nécessaire ». Il s'agit donc de traduire :
en italien, pour la Corse, le Mont-Blanc, et l'Italie elle-même,
car « bientôt le brave Kellermann fera placer les Droits de l'homme
au Capitole de Rome » ;
en castillan 4: « nos concitoyens des départemens des Pyrénées le
parlent, et... quelle satisfaction de... donner un aliment à l'esprit
qui anime déjà le peuple de l'Espagne et du Portugal ! » ;
en basque et en bas-breton. « Le Basque et le Bas-Breton sont les
LE DÉCRET ET L'OPINION.
— Dès ce moment, il se trouva des gens
pour penser qu'on avait tort de pactiser avec les jargons et qu'il
fallait les extirper du sol national. On lit dans la Chronique de
Paris du 10 novembre 1792, sous le titre Instruction publique :
« Le Bas-Breton, le Basque, etc., sont des idiômes plus étran-
gers à la majorité des Français, que le chinois et le turc. Cette
bigarrure dans le langage pouvait être tolérée sous l'ancienne divi-
sion de la France en provinces, et dans un temps où l'ignorance du
peuple avait un grand objet d'utilité pour le gouvernement, mais
aujourd'hui, où loin de craindre les lumières, le premier intérêt de
l'Etat est de les propager, il faut bannir du territoire de la républi-
que toute autre langue que celle que l'on parle à la Convention
nationale. La multitude des idiômes et des paroles est un obstacle
très puissant à la rapidité des communications. Beaucoup de Français
n'entendent nos lois, que lorsqu'elles sont traduites en un informe
langage. Comment connaîtraient-ils leurs droits s'ils ignorent la
langue dans laquelle la Déclaration en est écrite ?
« On a rappelé à la Convention nationale l'existence d'une loi,
qui ordonne la traduction des décrets en allemand, en patois, etc.
Cette mesure est bonne pour le moment actuel ; mais il en est une
qui doit entrer dans le plan d'instruction publique et en faire
d'abord un article important : c'est la destruction absolue des
idiômes et des patois.
« Les habitants des campagnes où il n'existe point de patois,
parlent en général un français très-corrompu. Les auteurs, en les
transportant sur la scène, leur ont conservé leur langage, ce qui
les rend presque toujours ridicules, et donne sur eux une sorte
d'avantage aux citadins. Ceci pouvait convenir, lorsque la féodalité
maintenait ses paysans dans un état d'abjection nécessaire à ses
intérêts : maintenant que la bure marche à côté de la soie, en atten-
dant qu'elle ait le pas sur elle, un respectable habitant de la cam-
pagne, s'il énonce sur la scène une maxime raisonnable, ne doit pas
le faire dans un langage niais, ridicule ou corrompu. Signé :
Roussel ».
160 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Un juif, Moïse Ensheim, écrit de Metz à Grégoire (10 nov. an Ier) : « Je lus der-
nierement dans les papiers publics que la Convention nationale n'etait pas contente de
la traduction des décrets en langue allemande. Comme j'ai passé ma jeunesse ale-
en
magne je pense y avoir acquis de celte langue une connaissance suffisante pour la
traduction dont il s'agit, n'y aurait-il pas moyen de m'employer dans cette affaire
jusqu'à ce que je trouvasse un meilleur sort ? » (Grég. Corr. Moselle) Bibl. Soc. des
Am. de P.-R. Moïse Ensheim a traduit les droits de l'homme en hébreu,
difficulté, en raison des termes métaphysiques et moraux « non sans
».
2. Guillaume ne parle que vaguement de cette Commission, qui semble avoir été
bientôt remplacée par une autre. Les traducteurs, dit l'un d'entre Deltufo,
eux,
devaient recevoir six mille livres, et les trois premiers mois devaient être payés le
1er janvier 1793, mais, avant cette époque, plusieurs membres partirent
tout resta sans exécution (o. c, Conv., t. III, p. 211) en mission et
3. Arch. N., AA. 32, doss. 2.
LA TRADUCTION DES DÉCRETS 161
1. On voit les Représentants réclamer des presses (Aul., Act. du Com. S. P., t. V,
p. 130 et 252). En effet les armées, les communes, les propagandistes se plaignaient de
ne pas recevoir des papiers en suffisance ou de ne pas les recevoir régulièrement :
Dans les Basses-Alpes « les feuilles publiques arrivent très lentement dans les villes,
et sont presque inconnues dans les campagnes» (Extr. d'un rapport de Buonarotti à
Paré, août (?) 1793, dans Caron, o. c., t. I, p. 114); Nous
« ne recevons aucuns journaux,
aucun ouvrage patriotique » (Lafaye, de Limonest, 29 août 1793, dans Id., ib. t. II,
p. 94).
LA PROPAGANDE, LES PATOIS ET LES IDIOMES 165
1. 6 vent, an II. Arch. N., F 17 1009B, doss. 2018. Cf. la propagande fédéraliste
dans les Bouches-du-Rhône (Ann. Rév., II, 393 etc.). Martin s'adresse aux gens de
Salon en provençal.
2. Combet, L'enseig. à Nice, p. 403 et 406.
3. Extr. d'un rapp. envoyé de Nice, 29 août 1793, dans Caron, o. c, t. I, p. 116.
La Société prie les Représentants du peuple de faire imprimer la Déclaration et la
Constitution en langue vulgaire et italienne (Combet, o. c., p 403).
4. Ils déclarent avoir dépensé de ce chef en assignats 2 676 1. 18 s. Voir Compte
en recette et dépense, I. N., Pluviôse an III.
166 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
David (23 messidor II) fut traduit en italien (B. N., Le 38 849) ;
par an
italien le rapport de Grégoire sur les patois
on mit même en
(B. N., Le 38 811).
En Corse, mêmes pratiques. Les Représentants envoyés dans le
département, constatant qu'une grande partie des citoyens des mon-
parle qu'italien, annoncent qu'ils ont cru devoir faire
tagnes ne
imprimer tous arrêtés, proclamations etc., sur deux colonnes
correspondantes dans les deux langues 1: « Nous te demandons,
écrit Buonarotti à Paré, de nous faire envoyer très régulièrement
en Corse, à Bastia, le Bulletin de la Convention nationale, toutes
les lois, les rapports intéressants... et les journaux que le Conseil
exécutif envoie aux armées. Il faut que ce qui est traduit en italien
nous soit envoyé dans les deux langues » 2.
Dans les Pyrénées-Orientales le 4 juillet 1793, Espert prend un
arrêté très grave. Il le fait traduire en catalan 3.
En pays basque, la campagne en faveur des assignats, organisée
par les Représentants, de concert avec les Sociétés populaires, se
fait en basque en même temps qu'en français 4. A St Jean-Pied-de-
Port, tous les jours de marché, après-midi, il y a lecture des nou-
velles en langue basque 5.
En Bretagne, au mois de novembre 1792, Hurault, vicaire épisco-
pal du Finistère, lance l'idée d'un journal breton-français, pour
l'instruction des habitants des campagnes. D'autres allèguent l'exem-
ple des essais heureux qu'ils ont tentés : « Vous savez que dans nos
campagnes un grand nombre ne déblatère contre la Constitution que
parce qu'il ne l'entend pas. Le meilleur moyen de ramener ces criti-
ques de bonne foi, qui blasphèment ce qu'ils ignorent, c'est de
mettre la Constitution à leur portée. J'ai voulu le faire en la tra-
duisant en Breton. Ma traduction fait fortune ici ; je ne puis pas suf-
fire à en donner des copies à tous ceux qui m'en demandent... Je vou-
drais, citoyen Du Couédic, que vous fassiez examiner cette traduc-
tion et que vous la livriez à l'impression, si elle en était jugée digne.
Car si l'instruction est le besoin de tous, c'est surtout dans nos
campagnes que ce besoin se fait sentir. Prodiguer la lumière et la
prodiguer de manière qu'il suffise d'ouvrir les yeux pour voir clair,
c'est déjouer les projets des aristocrates et des insermentés qui ne
2.
1. 14 mars 1793, dans Aul., Act. du Com. S. P., t. II, 362 cf. 4 avril, Id., Ib., III, 77.
p. ;
Le-Port-de-la-Montagne, 5 pluviôse an II-24 janv. 1794, dans Caron,
o.
c., t. I,
p. 121. Buonarotti demande qu'on lui adjoigne Dufourny, si la langue italienne ne lui
est pas tout a fait étrangère.
3. Aul., Act. du Com. S. P., t. V, p. 179.
4. 22 avril 1793. Aul., Act. du Com. S. P., t. III, 393
3. Rapp. de Régnier, 6 déc. 1792. Arch. N., II. 1448. p.
LA PROPAGANDE, LES PATOIS ET LES IDIOMES 167
peuvent rien sur l'esprit du peuple qu'en le trompant sur ses vrais
intérêts » 1.
Divers documents prouvent que, à défaut de ce journal, les
publications en breton ne manquèrent pas. Ce sont, outre les
décrets de la Convention, les arrêtés, les jugements du tribunal
révolutionnaire, bref, les papiers officiels, des manifestes de
commissaires, des proclamations de généraux, en particulier de
Hoche 2, des discours, des rapports, comme le rapport de Robespierre
sur l'Etre-Suprême (18 floréal an II-7 mai 1794). La pièce n° 4, p.
634 du ms. des Lettres à Grégoire est en deux langues, français et
breton. C'est un Appel, lancé dans le Morbihan pour la construc-
tion d'une frégate de 40 canons, destinée à combattre les Anglais.
A Plounéour-Trez, lors de la plantation d'un arbre de la Liberté,
le citoyen Cahel, commissaire de la Convention, prononce en breton
« le discours le plus analogue à la circonstance » 3.
Cependant, en Bretagne aussi, c'est du français surtout qu'on se
sert, alors même, semble-t-il, qu'on pourrait faire mieux. Le capi-
taine Defay, prisonnier — peut-être par repentir, peut-être avec
l'espoir d'obtenir la vie sauve, — se décide à écrire une proclama-
tion aux Bretons, peuple du Morbihan. On eût dû, semble-t-il,
lui suggérer de la faire en breton. Aucunement. Elle est en français 4.
EN ALSACE
1. Pourtant quelle portée a ceci ? Le 13 déc. 1792, une citoyenne demande qu'il soit
créé une Société nouvelle. La Société s'y oppose. Il avait déjà à Strasbourg tant de
sujets de désunion, en particulier la différence «des ylangues (Reg., Arch. Mun.
Strasb., à la date). »
2. Aul., Culte de la Rais., p. 124-123.
3. Treuttel et Würtz, dans Aul., Cult, de la Rais., 127.
p.
4. Proc-verb. de l'Ass. Gén., Strasb., dans Reuss, Const. civ., t. II,
5. Leuillot, o. c, p. 24. Le numéro contenait p. 227.
une traduction de la Marseillaise due
à Pfeffel.
EN ALSACE 169
3. Deux décrets de la Convention nationale, l'un du 13 sept. 1793, relatif aux agents
infidèles, l'autre du 20 du même mois, relatif aux certificats de civisme. Après cette
lecture faite en langue française par le citoyen Fourcade et réitérée en langue allemande-
par le citoyen Schwilgué... 28 oct. 1793 (Id., ib., p. 104). Cf. 27 pluv. an II, (Id., ib.,
p. 145 ; 20 vent, an II, Id., ib., p. 136).
4. Lecture faite de l'arrêté de la municipalité, le cit. Probst l'a interprété en langue
française et la Société a unanimement répondu qu'elle satisferait à son invitation,.
14 mai 1793 (Id., ib., p. 79).
5. Une lecture d'une lettre écrite au département en date du 1er juin 1793 par
la municipalité de Thann fut traduite en allemand, 9 juin 1793 (Id., ib., p. 87 ;
cf. 7 pluv. an II, Id., ib., p. 138).
6. Le frère Pauly Neumann est monté à la tribune où il a fait lecture d'un discours
très énergique en allemand, 20 brumaire an 11-10 nov. 1793 (Id., ib., p. 109 ; cf. 30
pluv. an II, Id., ib., p. 146 ; 12 therm. an II, Id., ib.. p. 183).
7. Un discours fort applaudi dont l'explication a été donnée en allemand par
Schwilgué, 27 brumaire an II 17 nov. 1793 (Id., ib., p. 114).
—
8. Le f. Clebsattel a donné lecture d'un discours qui s'est terminé par une
instruction aux membres de la Société, tendante à leur faire connaître leurs devoirs et
la manière fraternelle et respectueuse avec laquelle ils doivent
se comporter dans
l'assemblée. Il a été vivement applaudi.
Le président a dit que ce discours était trop long pour le rendre dans l'instant en
langue allemande, qu'il se chargeait de le traduire pour la première séance, 11 février-
23 pluviôse an II (Id., ib., p. 144).
9. Il a été donné lecture de la traduction en langue allemande de la lettre du Repré-
sentant du peuple au citoyen Fourcade, 28 fév.—10 ventôse an II (ld., ib., p. 151).
Cf. Clebsattel a donné lecture d'une épitre d'un philosophe peuple, tendante à
au
l'éclairer sur la chose des religions. La traduction en langue allemande
en a été
demandée par le f. Pidot 13 mars—23 ventôse II (Id., ib., p. 137).
an
10. Le 1. Fourcade a donné lecture d'une invitation
aux citoyens de cette commune
qu'il a fait traduire en allemand. La Société a applaudi, après la lecture en alle-
mand en a été faite par le f. Risler, 14 avril— 23 que
germinal an II (Id., ib.. p. 163).
Cf. Richou avait appelé les citoyens de la ville dans le temple de l'Etre Suprême
et
après leur avoir expliqué en français et en allemand l'objet de sa convocation...
2b juin — 8 messidor an II (Id., ib..
p. 210). Le f. Clebsattel s'est fortement récrié de
voir dans ce temple si peu do monde ; il a annoncé qu'il y serait prononcé dorénavant
un discours en français et un discours en allemand chaque décade. 18 juillet 30 —
o. c, p. 200).
2. Leuillot, o. c, p. 43.
3. Il est aux Archives Nationales non encore classé (F. 18),
172 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
CHAPITRE PREMIER
1. 18 brum. an II (8 nov. 1793), dans Aul., Act. du Com. S. P., t. VIII 301.
2. De Bitche, 29 frim. an II (19 déc. 1793), Id., Ib., t. IX, p.
3. Du 3 niv. (25 déc), Id., Ib., t. IX, p. 334
p 662.
4. A l'affaire malheureuse du camp de Sarc, attaqué le 2 mai 1793, la
des Miquelets, recrutée parmi les Basques, trahit
compagnie
avec son commandant (Richard, Le
gouvern révol. dans les B.-Pyr., p. 16). Vers le même temps, les habitants de la vallée
des Aldudes firent une démarche auprès do l'ennemi
l'Espagne (Id., Ann. Rév., 1922). Au contraire, La Tour pour obtenir leur annexion à
d'Auvergne, Breton, entraî-
nait ses Basques. Il avait sur eux un extraordinaire ascendant. Les Mémoires
Lazare Carnol (I, 287) disent que cet ascendant s'explique sur
idiome et de leur caractère. par sa connaissance de leur
5. Aul., Act. du Com. S. P., t. V,
p. 61.
LES IDIOMES DEVIENNENT UN DANGER 175
DANS L'EST. C'est dans les pays de l'Est surtout que la situa-
—
tion créée par l'existence d'un idiome particulier parut grave, et
qu'elle le fut. La petite ville de Bitche, par exemple, demeurait im-
pénétrable et comme fermée par son langage aux influences du
dehors. La Feuille de Strasbourg, au courant de ces résistances,
avait proposé une solution au moins originale, savoir une annexion
au Bas-Rhin, où elle ne se
trouverait plus dépaysée 1.
Le 3 juin 1793, Couturier, en mission dans les départements du
Rhin, envoyait un rapport où il demandait qu'on fit des efforts pour
franciser « autant que faire se pourra, les parties allemandes de la
République » ; il faut, disait-il, que chaque commune, dans les cam-
pagnes, ait un régent d'école pour enseigner les enfants à lire,
écrire et calculer sans déplacement ; il est nécessaire que les
régents d'école, dans les communes allemandes, sachent les deux
langues 2.
Un peu plus tard, le danger était devenu tout à fait pressant, ou
du moins semblait tel aux Représentants que le Comité avait envoyés
avec des pouvoirs extraordinaires. En novembre 1793 (le 27 bru-
maire an II), on écrivait d'Alsace : « Ce pays-ci est en général très
bon, excepté quelques districts et cantons, surtout ceux ci-devant
allemands » 3. Lacoste mandait de son côté : « Si la langue allemande
n'est proscrite et des institutions établies pour apprendre celle de
la République, on ne peut répondre de lui conserver ce principal
boulevard» (Strasbourg) 4.
Faisons la part du fanatisme de Lacoste, principal auteur des stu-
pides et cruelles propositions dont nous parlerons plus loin, il n'est
pas niable que la propagande contre-révolutionnaire faisait rage en
allemand. La similitude de langage, qui avait permis de recruter
outre-Rhin des prêtres, des instituteurs, des agitateurs républicains,
permettait aussi à l'ennemi d'introduire ses gens, ses journaux, ses
1. Voir Feuille de Strasbourg, ou Journal politique et littéraire des rives du Rhin, par
Chayrou, du 12 juin 1792 (N° LII). Suite de la lettre du camp de Neukirch du 3 juin :
« Nous touchons à un pays qui a bien besoin de l'attention de nos législateurs, c'est
le district de Bitsch... les décrets de l'Assemblée Nationale n'y sont pas plus qu'en
connus
Sibérie; les gens de la campagne n'entendent que la langue allemande, les décrets
n'y arrivent qu'en français et l'on se garde bien do les leur expliquer... Aucun prêtre
n'y a prêté le serment... Il me semble que le seul moyen de parvenir (à faire cesser cet
état de nullité) serait de détacher ce District du Département de la Moselle et de
l'annexer à celui du Bas-Rhin. Par-là, du moins, il correspondrait dans langue
l'administration métropole
sa propre,
avec et recevrait les instructions convenables » (Bibl
munic. Str., M. 109.376).
2. Conv. Nat., Supp. au rapport des citoyens Couturier et Dentzel... rédigé
citoyen Couturier, du 3 juin 1793. Paris, I. N., p. 100-102. par le
3. Un Représentt au Comité, 27 brum. an II (17
nov. 1793), dans Aul. Act du
Com. S. P., t. VIII, p. 511.
4. 28 frim. an II (18 déc. 1793), Id., Ib., t. IX, p. 503.
LES IDIOMES DEVIENNENT UN DANGER 179
idées. Les femmes qui passaient les ponts avec des balles de bro-
chures sous leurs jupes, n'étaient pas toutes arrêtées, et les barques
traversaient pendant la nuit, narguant la douane.
Il arrivait, dans les armées même, que des bataillons devaient
être séparés, faute de pouvoir s'entendre. La garnison de Huningue
avait d'abord été formée imprudemment de deux bataillons, l'un
d'Alsaciens, l'autre de gens de Seine-et-Oise; ils « n'entendaient
pas le langage l'un de l'autre », il fut impossible de les conserver
côte à côte 1.
1. Rapport de Dt, Basle, 17 juin 1793. Arch. Aff. Étr., Fr. 323, f. 120. Une
masse d'imprimés ont pénétré ainsi, comme ce Wahrheits-Freund (1791) que Reuss
n'avait connu que de nom et dont J. E. Gérock a fait l'histoire (Revue d'Alsace, 1924).
CHAPITRE II
1. Arch. N., F17 1004s, doss. 412. Les plans et demandes d'instruction
cartons. remplissent
ces
2. Guill., o. c, Conv., t. III, p. 368.
LA GUERRE AUX IDIOMES 181
BARÈRE ET DOMERGUE.
— Si cette violente diatribe ne s'inspirait
pas des idées de Domergue, il est incontestable qu'elle se rencontre
sur des points essentiels avec les observations que fit ce dernier, le 23,
au Conseil général de la commune de Paris, dans une adresse qu'il
destinait aux communes et aux Sociétés populaires de la République
LE DÉCRET DU 8 PLUVIÔSE
LA DISCUSSION DU DÉCRET.
— La discussion fut brève. Barère
représenta que, à trop étendre la mesure, on risquait de la rendre
inefficace, parce qu'il faudrait « une masse d'hommes impossibles à
trouver ». Il ajouta des précisions qui montrent combien il était
renseigné — il était du reste député des Hautes-Pyrénées : « Ce dont
nous avons essentiellement besoin aujourd'hui, c'est qu'il ne se
forme pas une nouvelle Vendée dans la ci-devant Bretagne, où, comme
nous le verrons dans les Rapports de Richard et Choudieu, les
prêtres ont exercé la plus cruelle influence en ne parlant que le
bas-breton 1. Ce dont nous avons besoin, c'est de repeupler un
district du département du Bas-Rhin, que des émigrés ont entraîné 2,
parce qu'ils parlaient aux habitants leur langage, et se servaient de
ce moyen pour les égarer. Ce dont nous avons besoin, c'est que Paoli
n'opère pas la contre-révolution en Corse par les moyens que lui en
offre la langue italienne, qu'on parle uniquement dans cette île.
Enfin, ce dont nous avons besoin, c'est de mettre à l'abri du fana-
tisme le peuple basque, qui est patriote, mais que des ennemis de
la liberté pourraient corrompre en lui déguisant les vrais principes» 3.
1. Je n'ai trouvé dans ce rapport aucune allusion au langage dont les prêtres se
servaient. Rien non plus dans les autres brochures qui se trouvent avec ce rapport et
ont trait aux événements de Vendée (Bib. de la Ch. des Députés. Coll. Portier de l'Oise,
Rév. fr., 34, Br 164). Il y a plus, Momoro, Commissaire national, décrit les origines de
l'insurrection et dépeint les agissements des nobles :
« Que firent ces nobles ? ils eurent la politique de s'oublier entièrement, de changer
de costume, de prendre celui de ces paysans, de vivre avec eux, de manger le même
pain, de coucher comme eux dans les bois, et de défendre comme eux la religion... ».
C'était l'occasion de nous les montrer parlant aux paysans leur langage. Pas un mot
n'est dit à ce sujet. Il est vrai qu'il est question des nobles, non des curés.
2. Barère fait allusion à la grande fuite, étudiée par Reuss.
3. Journ. des Déb. et Décrets, dans Guill., o. c., Conv., t. III, p. 356.
184 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Arch. N., F17 6891, n° 217. Comparez la lettre des Administrateurs du Haut-
Rhin citée p. 234.
186 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ON PROPOSE DES
— Ces mesures, aussi
MESURES DE VIOLENCE.
vaines qu'odieuses, ne satisfaisaient point encore les énergu-
mènes, les tyrans ayant toujours confondu le bon sens et la faiblesse.
Le 5 frimaire déjà (25 novembre 1793), parmi les Jacobins « épu-
rés » s'étaient produits des projets insensésde déportation ou d'exé-
cution en masse des gens dont le crime était d'ignorer le fiançais,
qu'on ne leur avait jamais appris 3. Un ancien prêtre, nommé
Rousseville, se chargea de développer l'idée et de la transmettre à
Paris4. Le 19 ventôse an II (9 mars 1794), il envoyait à la Conven-
tion un pamphlet virulent, qu'il se proposait de mettre ensuite en
allemand. Ce pamphlet est intitulé Dissertation sur la francilisation
de la ci-devant Alsace. L'élucubration de Rousseville, trop peu
connue, mérite d'être citée; elle éclaire mieux que toute autre
pièce, ce que fut cette période de la Terreur en Alsace 5.
laire) quoique les vrais sans-culottes de cette commune, cette portion précieuse du peuple
qui a le plus de nerf et de vertus, ne parlent que cette langue. Au temple même de la
raison, le seul culte qui existe à Strasbourg, la langue allemande a été proscrite. Com-
ment est-il possible d'instruire, d'éclairer et de persuader un peuple, en lui parlant une
langue qu'il n'entend pas ? » (Arch. Municip. de Strasb. Livre bleu, t. I, p. 191).
A Haguenau, la présence de Monet et de Rousseville amena au même résultat.
1. V. p. 190, n. 1.
2. " Extrait des Registres du Corps Municipal de la Commune de Strasbourg, Séance
publique du 11 Messidor an II ». Arch. Municip. de Strasb., n° 711, tome V, n° 109
2577. Cf. t. VII, n° 1355.
3. ce Plusieurs orateurs prononcèrent des discours très énergiques ; les uns deman-
daient qu'on les déportât et qu'on transplantât en Alsace une colonie de Sans-Culottes ;
d'autres que l'on leur fit faire une promenade à la guillotine, pour opérer leur con-
version » (Heitz, Soc. pol., p. 302-303 ; cf. Eccard, La lang. fr. en Als., dans Rev.
Als. illustr 1910).
,
4. Ce Rousseville était un agent de Robespierre (Aul., Act. du Com. S. P., t. XIV,
p. 497-498).
5. Le texte est en manuscrit aux Archives Nationales, F 15 3301. Il a été imprimé à
192 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Strasbourg chez Leyrault le 1er vent, an II (19 fév. 1794). Reuss possédait
lapièce
l'union qui doit ne faire qu'une famille de tous les Français ; il faut
mettre ce décret à une prompte exécution, trouver des hommes, et
faciliter leur travail par votre bonne volonté.
« Un moyen sûr
d'avoir des sujets capables d'une entreprise aussi
grande que celle d'échanger ici l'allemand contre le français, c'est
de faire de leurs fonctions des places utiles et honorables à ceux
même qui les rempliront... Ces instituteurs auront un traitement
honnête; ils seront regardés et honorés dans leurs communes,
comme des espèces de magistrats chargés de faire connoitre et
aimer nos lois ; ils seront comme les pères de tous ceux à qui ils
auront appris la langue nationale...
« Une classe d'hommes que l'opinion a détruite... demande à
grands cris, pourquoi on l'a exclue de l'éducation publique... Pres-
que tous regrettent leurs anciennes prérogatives... ce furent des
prêtres qui préparèrent dernièrement une Vendée constitutionnelle
dans nos campagnes... ne confions pas la génération future à
ceux qui avoient tout fait pour tromper et corrompre la génération
présente.
« Que toutes les sociétés populaires, que toutes les autorités
constituées, que tous les bons patriotes soient invités à chercher des
maîtres de langue française, d'un civisme et d'une capacité recon-
nus ; et l'espace d'une ou deux décades prouvera que ce n'est pas
dans ce siècle de philosophie et de lumières, qu'il est impossible de
se passer des moines et des prêtres.
« Je ne parlérai point
ici de l'assiduité des pères de famille à fré-
quenter eux-mêmes, et à faire fréquenter par leurs enfans les espèces
de cours de langage et de droit français qui seront ouverts tous les
jours par ces instituteurs. Qu'ils sachent néanmoins que ces établis-
semens entrant une fois dans le système politique relatif aux pays
dans lesquels on ne parle pas français, on traiteroit comme sus-
pects... ceux qui y mettroient quelque négligence ou empêchement...
« Les institutions publiques de langue française une fois établies
avec la vigueur républicaine, il est d'autres mesures secondaires
qu'il sera bon d'employer... Je voudrois, par exemple, qu'il fût
défendu sous de fortes amendes à celui qui sait les deux langues et
qui parle avec un français qui ne sait que la sienne, de refuser de
répondre quand il lui demande un chemin, une boutique, une mai-
son... Je voudrois qu'on sût que, même dans l'ancien régime, ce
qu'on appeloit la politesse ne vouloit pas que deux hommes parlas-
sent devant un troisième une langue qu'il n'entendoit pas, quand
ils en savoient une qui leur étoit commune avec lui. Je voudrois
que le patriotisme fit de chacun de ceux qui savent les deux
Histoire de la langue française. IX. 13
194 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
nel. Il faut donc aviser aux moyens par lesquels le langage puisse
être favorisé le plus efficacement possible. Le Comité vous propose
dans ce but les mesures suivantes, que vous aurez à soumettre au
Comité de S. P.
1° Que l'on donne aux citoyens de l'intérieur, qui parlent le fran-
çais et qui ont mérité de la patrie, la préférence de l'achat des
biens nationaux, et vice versa, que l'on favorise l'achat de ces biens
de l'intérieur aux citoyens parlant allemand.
2° Que l'on transporte un nombre égal de citoyens parlant le
français de l'intérieur de la République dans les deux départements
du Rhin, de sorte qu'il y aura autant d'habitants parlant le français
que de ceux parlant l'allemand dans les deux départements. Adopté
par la Société » 1.
La Convention ne donna aucune suite à ces propositions. Peut-
être même les ignora-t-elle sur le moment 5 ; mais elles restèrent
dans la mémoire des habitants et servirent à alimenter la haine de
la République.
1. Heitz, o. c, p. 347-348.
2. Le 17 pluviôse an III, Bailly écrit de Strasbourg : " Ce que la Convention ignore,
c'est que, dans le temps où l'on voulait anéantir toutes les grandes communes de la
République, on faisait à Strasbourg la proposition féroce et insensée d'épurer la popu-
lation et d'arracher tous les habitants à leurs foyers, pour les transplanter dans un sol
qui ne les avait pas vus naître » (Aul., Act. du Com. S. P., t. XX, p. 87).
Sorgius parle de ces faits et donne quelques détails intéressants (Die l'olksschulen,
p. 12-13) :
Des commissaires du peuple avec pouvoir discrétionnaire parcourent l'Alsace, souvent
accompagnés de paysans armés que la population appelait " Speckreiter » [?].
Grande était la surprise de ces commissaires en pénétrant en Alsace par la Marche
de Saverne et y rencontrant une population qui ce par la langue, les moeurs et le costume
semblait plus allemande que française. » Pleins de préjugés à l'égard de ces Alsaciens
allemands de langue, ils disaient qu'il fallait changer celle-ci le plus vite possible.
Et c'est alors qu'éclata la lutte pour la langue et la nomination des maîtres, qui
coûta tant de peine aux instituteurs du temps, que l'on déplaçait sans pitié et sans
tolérer de résistance. En un tournemain il fallait que l'Alsace apprit le français.
Il est cependant historiquement prouvé que la lutte pour la suprématie du français
n'était que partiellement provoquée par Paris. Elle était bien plutôt le fait des Repré-
sentants et Commissaires du peuple en mission avec pouvoir discrétionnaire.
Au début, on les avait accueillis avec espoir et joie, complant sur eux pour faire la
paix entre les partis. Mais les citoyens tranquilles se virent bientôt déçus dans leurs
espoirs. Les Commissaires fréquentaient les Assemblées de Jacobins, se trouvaient en
partie sous leur influence et bientôt, dans leurs proclamations, parlèrent le langage des
clubs. Parlait-on l'allemand devant eux, c'était la langue des tyrans; parlait-on des
revers de l'Armée à la frontière, c'était la trahison; blàmait-on les décisions de la
Convention ou des Commissaires, on était traître à la République. A Strasbourg, les
choses allèrent si loin que personne ne voulait accepter et exercer la charge de maire,
qui finit par échoir à un jeune et fougueux Jacobin, Monet, qui ne comprenait pas
l'allemand...
Pour le recrutement de l'armée, on força beaucoup d'instituteurs, les célibataires ou
ceux qui n'avaient pas d'enfant surtout, à quitter leur école pour prendre du service.
Quand le nouveau calendrier fut introduit et que le Decadi remplaça le dimanche,
l'instituteur fut contraint de l'observer avec ses élèves, qui devaient danser autour de
l'arbre de la liberté en chantant : " Saira, Saira... » (Souvenir oral de vieux amis de
l'auteur).
CHAPITRE VI
1. Voici la réponse de Barère : ce Ce n'est pas qu'il n'existe d'autres idiomes plus
moins grossiers dans d'autres départements ; mais ils ne sont ou
pas exclusifs, mais ils
n'ont pas empêché de connaître la langue nationale. Si elle n'est pas également bien
parlée partout, elle est du moins facilement entenduo Les clubs et les sociétés patrio-
tiques y pourvoiront, '' Le législateur doit voir d'en ».
haut, et ne doit ainsi apercevoir
que les nuances très prononcées, que les différences énormes; il ne doit des instituteurs
de langue qu'au pays qui, habitué exclusivement à un idiome, est, ainsi dire isolé
et séparé de la pour
grande famille ». (Paragraphe ajouté dans le rapport imprimé)
2. Compte-rendu de la mission Cassanyès, p. 23.
LES PATOIS ET LA POLITIQUE 197
GÊNE OU OBSTACLE?
— Pour plusieurs, c'était assurément une sur-
prise d'entendre jargonner en tant d'endroits. Carnot, en mission
aux Pyrénées (septembre 1792), en fut scandalisé : « Le défaut de
communications, écrit-il, fait que des pays qui se touchent demeu-
rent, pour ainsi dire, étrangers l'un à l'autre ; langage, moeurs, cos-
tumes, tout est différent. Ces séparations entretiennent l'ignorance,
l'égoïsme et l'indifférence pour les affaires générales de la Répu-
blique » (H. Carn., Mém. sur Laz. Carn., I, 280). Le carnet de route
de Goupilleau, envoyé en 1793 dans le Midi, nous dit ses ébahisse-
ments. A Aix déjà, le président de la Société avait annoncé au
peuple, en patois, la présence du Représentant. A Aubagne (le pays
de Domergue !), ce fut pis : « Au club on ne parle pas français, mais
on l'entend ». Naturellement Goupilleau ne pouvait pas se mettre à
l'unisson 2.
Malgré cela, rien dans la correspondance, soit des Représentants,
soit des Commissaires, qui fasse allusion à des difficultés véritables.
Bo parcourt tout le Tarn ; il ne parle pas de la peine qu'il aurait
éprouvée à se faire entendre 3. Voici Chaudron-Rousseau à Céret,
en plein milieu hostile et étranger de langue. Il a harangué les
villages, il note simplement : « Nos discours ont été écoutés avec
attention et docilité » 4. Paganel a visité les communes du Midi, non
seulement des villes comme Lavaur, Castres, Albi, Gaillac, mais
l'Isle d'Albi, Réalmont, Rabastens. Il écrit triomphalement de Tou-
louse (16 pluviôse an II-4 février 1794): « Je m'y attachais encore
à faire aimer la Révolution et la Convention, en opposant le bien
qu'elles ont fait aux Français, et celui qu'elles veulent leur faire
encore, aux maux qui nous sont venus des prêtres et des rois. Je ne
puis vous peindre l'effet prodigieux de ces divers discours ; il fau-
drait en avoir été témoin pour s'en former une juste idée. Si les
Représentants du peuple font quelque bien dans leurs commis-
sions, la principale partie en appartient à ce qu'ils disent au
Et le régicide expirant
Voië ten triomphe et notre gloëre !
Aux armes, Poitevins ! Formez vos bataillons !
Marchez ! Le sang des Bleus rougira vos sillons ! 1
1. Bigourdan, Soc. popul. de Dunes, dans El. et Doc., fasc. VIII, p. 62.
CHAPITRE VII
L'INTERVENTION DE GRÉGOIRE
1 Le phys.cien J -B. Leroy, dans une lettre publiée Gazier, attirait l'attention
de Grégoire sur 1 utilité des patois pour les recherches par
sur la langue nationale, et rap-
pelait qu' il avait donne à Sainte-Palayc le conseil de les étudier (Lett. à Grég p. 323)
L'INTERVENTION DE GRÉGOIRE 211
CONCLUSION BÉNIGNE
CHAPITRE PREMIER
IMPRESSION CAUSÉE
1. L'orateur ajoute : '' Les néologies les plusbarbares vont s'introduire dans cette langue
destinée sans cela à être la langue de l'univers. Ce seul objet mérite la plus sérieuse atten-
tion, et le dessein de populariser la langue française, dessein que vous venez d'adopter,
rentre dans ma pensée, surtout quand je vois que d'une administration à l'autre on ne s'en-
tend pas, tant le français est négligé ; surtout quand je vois jusque dans la rédaction même
de nos décrets se glisser les fautes les plus impardonnables telles que ce solécisme : l'ensei-
gnement sera fait publiquement. On fait le prône ; mais on donne l'enseignement ou
l'instruction. La langue française doit gagner à la Révolution, puisqu'elle se nettoie de
toute la bassesse royaliste. Eh bien ! Je vous proteste, moi, qu'elle deviendra bientôt
inintelligiblesi la présomptueuse ignorance veut l'enseigner ; et sans doute ce serait ici
un petit inconvénient si ceux qu'il entraîne après soi n'étaient pas incalculables, si les
hommes pouvaient s'entendre entre eux en parlant un langage différent, si les habi-
tudes civiles et le gouvernement qui en résulte, si la moralité même pouvaient être
absolument les mêmes pour des hommes qui se servent seulement de dialectes différents ;
si enfin le pur idiome de la liberté ne devait pas préparer la liberté du monde »
(Guill., o. c., Conv., t. III, p. 422).
218 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Chalvet (P. Vinc.) Des quai, et des dev. d'un Instit. pub., p. 11 et suiv. L'auteur
est de la S. N. des Neufs-Soeurs et de celle des Amis de la Rép. de Grenoble.
2. Reuss, Inst. Prim., p. 117-118. Cf. Eccard, La l. fr. en Als., dans Rev. Als. ill..
1910.
3. A. Ulrich, Recueil de pièces, etc. vulgo Livre Bleu, I, 113, n° LXXI : '' La prin-
cipale cause des succès que les factions avaient obtenus dans le Bas-Rhin, est dans
l'antipathie invétérée des habitans contre les Français et leur tendance trop marquée
vers le germanisme ; le titre de Français ou de Welche était n'aguère une sorte d'in-
sulte ; celui d'Allemand annonçait un compatriote, auquel l'amitié devait un accueil
fraternel. L'Alsace, avant la Révolution, réunie depuis peu de temps à la France, avait
conservé ses anciennes moeurs, son costume, son langage, et une juridiction parti-
culière ; des barrières hérissées de douanes, de contrôleurs, de péages la séparaient
du territoire, dont elle faisait une partie nouvelle, tandis que le commerce refluait
librement et sans entraves vers l'empire où les négociants de Strasbourg avaient des
maisons établies » (p. 126).
'' L'éducation nationale uniforme dans tous les départemens, commune à sinon tous les
citoyens, contribuera aussi à réformer promptement le caractère et les moeurs, de
la génération présente, au moins de celle qui lui succède. L'on ne saurait assez applau-
dir au décret sage et politique, qui établit dans chaque commune une école de langue
française; rendre celte langue familière, bannir l'allemande du commerce et de tous les
actes publics, l'extirper insensiblement, proscrire le costume et les moeurs étrangères,
c'est briser autant de noeuds qui unissent le Bas-Rhin à l'ennemi ; c'est élever un mur de
séparation éternelle entre les hommes libres et les esclaves, c'est identifier enfin l'Alsace
à la République » (p. 128).
'' La société ayant entendu la lecture de ce discours, en arrêta l'impression dans les
deux langues » (p. 131).
220 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Leuillot, o. c. p. 193.
IMPRESSION CAUSÉE 221
ESSAIS D'APPLICATION
loi
nous ne sommes pas parvenus jusqu'à présent au but que cette
indique, et nous ne connaissons encore que 31 citoyens dignes et
capables par leurs qualités morales et civiques et par leurs talents
de remplir les places d'instituteur; cependant, il en faut nécessaire-
ment un nombre égal à celui des communes, et, pour l'atteindre, il
en faudrait encore 100.
« Après avoir
épuisé tous les moyens pour nous en procurer, tant
dans ce département que dans celui du Bas-Rhin, où l'idiôme
esclave est aussi naturalisé, nous avons arrêté de nous adresser à
vous, frères et amis, pour vous engager de faire connaître aux
citoyens qui possèdent les deux langues et qui d'ailleurs réuniraient
les qualités requises, le désir que nous avons de les voir se vouer
à l'instruction de la jeunesse dans ce département : puissent les
sentiments qui nous attachent tous au bonheur commun les déter-
miner à venir bientôt fraterniser avec nous. Nous les assurons
d'avance que nous saurons toujours leur donner des preuves non
équivoques de reconnaissance. Salut et fraternité »1.
On ne peut s'empêcher de reconnaître que la Société de Colmar
avait fait preuve d'un beau zèle et obtenu des résultats relativement
importants. Peut-être était-elle stimulée par Foussedoire. Il écri-
vait à ce propos au Comité de Salut public une lettre qui prouve
combien le succès de ces écoles lui tenait au coeur et l'importance
qu'il leur attribuait pour l'affermissement de l'esprit républicain en
Alsace : « Le décret qui établit des instituteurs pour la langue fran-
çaise dans le département du Haut-Rhin va bientôt recevoir son
exécution. L'usage d'un idiome étranger est peut-être le plus fort
obstacle à la propagation des lumières dans les campagnes du dépar-
tement » 2. A ce moment Foussedoire pouvait encore écrire en ces
termes et se faire des illusions. Elles durent être bientôt dissipées.
Le 16 prairial (4 juin), nouvelle communication où la vérité éclatait
tout entière. « Les progrès de la raison y sont lents (dans le dépar-
tement), et les prêtres, qui abusent toujours des lois, même les
plus favorables à la liberté des cultes, contribuent toujours à y
entretenir un foyer de fanatisme que l'ignorance et la diversité des
langues ne peuvent qu'alimenter davantage. Les Sociétés populaires
travaillent sans relâche à propager les lumières. Malheureusement
les instructeurs de langue française qui doivent être établis dans
ce département, sont extrêmement difficiles à trouver; je m'occupe
souvent d'une manière particulière de cet objet intéressant » 3.
1. Leuillot, o. c. p. 233-234.
2. 10 vent. an II (28 fév. 1794), Aul., Act. du Com. S. P t. XI, p.
468
3. Aul., Act. du Com. S. P., t. XIII, p. 754. Colmar, 6 prairial
an II (25 mai 1794)
ESSAIS D'APPLICATION 229
EN MOSELLE.
— Simon, dans un discours échauffé, prononcé sur
la place publique de Sarreguemines
—
j'ignore à quelle date pré-
cise, mais certainement sur ces entrefaites — annonçait en vain la
mort de l'idiome du pays sous l'action des nouvelles écoles: « La
création d'instituteurs, va peu à peu faire disparaître les traces de
cet idiôme barbare, digne langage des esclaves », disait-il 3. C'était
là des mots et du vent. Il est bien vrai que Mallarmé mande de
Sarre libre, le 27 floréal (16 mai): «Déjà dans ce district, comme
dans ceux où l'idiome germanique déshonorait encore la langue des
républicains, s'établissent, en vertu de la loi du 8 pluviôse, des
instituteurs publics. Dans six mois, s'ils suivent leur mission avec
zèle, ce langage tudesque et grossier, que d'ailleurs des Français
doivent abhorrer., puisqu'ils le partagent avec des esclaves, aura dis-
paru » 4. Le 1er prairial (20 mai), il s'entête encore aux mêmes espoirs :
« La barbarie de l'idiome a pu contribuer à
fermer les coeurs des
citoyens aux principes lumineux et sûrs de la civilisation politique ;
mais ce dialecte tudesque va s'oublier, et des instituteurs de langue
française, institués en exécution du décret du 8 pluviôse, seront
non moins efficaces que pourraient l'être des apôtres de morale et
de républicanisme » 3. Tout cela n'étant appuyé sur aucun fait, on
1. Arch. N., F 17 6891. Renvoyé à Thibaudeau le 2 prairial an II.
2. Guill., o. c, Conv., t. IV, p. 508. Arch. N., F17 6891.
3. S. 1. ni d., p. 11 (Bibl. Soc. des Amis de Port-Royal).
4. Aul., Act. du Com. S. P., t. XIII, p. 567.
5. Id., Ib., p. 639.
230 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
est en droit de croire que Mallarmé ne fait que donner une adhésion
projets de ceux qui, à Paris, avaient fait voter la loi, et qu'il
aux
ferme les yeux sur les difficultés pratiques qu'elle rencontrait dans
l'application.
En fait, le 2 messidor (20 juin), Grégoire recevait de Lut-
tange, district de Thionville, une lettre qui a de quoi surprendre.
Le signataire a seulement entendu parler d'écoles françaises : « J'ai
ouï dire, législateur, écrit-il, que tu avais fait la motion qu'il fallait
chercher à rendre le français l'unique langue et language (sic) dans
l'empire; cela paraît impossible tant qu'on ne cherchera pas à'
détruire tant de préjugé (sic), qu'il y a encore parmi nous, et sur-
tout que nous ne voyons aucune instruction publique, car il n'y a
encore que très-peu d'instituteur (sic), et que ce peu ne tient pas
école, et, j'ose le dire, nos enfants sont plus négligé (sic) que jamais,
en sorte que nous avons reculé au lieu d'être en avant. Notre orto-
graphe (sic) est encore un obstacle à la généralisation que tu pro-
poses, il faut donc la corriger, et on ne le peut parfaitement qu'en
corrigeant et surtout augmenter (sic) l'alphabet qui est insuffisante
(sic) »1.
DANS LA MEURTHE.
— L'administration du département montra
aussi un certain empressement. Elle n'avait garde, disait-elle, d'excé-
der ses pouvoirs. Mais elle adressa des copies de la lettre qui lui
était envoyée aux Directoires des districts de Bar et de Sarrebourg,
et elle donna son avis, exposant les raisons qui, suivant elle, empê-
chaient le recrutement des maîtres. C'était d'abord qu'un certain
nombre d'hommes capables étaient aux armées, ou se trouvaient
exclus de ces fonctions; ensuite qu'ils préféraient le séjour des
grandes communes ; enfin que les diverses administrations, qui
payaient mieux, offraient des situations plus avantageuses.
D'autre part la République ne procurait ni logement, ni salles
d'école suffisantes ; les municipalités s'intéressaient peu à ces établis-
sements ; les familles avaient besoin de leurs jeunes enfants, en l'ab-
sence des aînés partis aux frontières; enfin, la loi sur le maximum
fonctionnant mal, empêchait les sans-culottes « qui n'ont que des
talents et des enfants », de transporter leur ménage et de vivre
avec quinze cents livres par an « dans des communes où le défaut
d'instruction et les inconvénients du voisinage des frontières enne-
mies se font encore vivement sentir » 2.
1. Guil., o. c., Conv., t. IV, p. 74-78; cf. Arch. N., F 17, 1010A, 2437.
2. Arch. N., F17 10102, n° 3179; cf. Guill., o. c., Conv., t. IV, p. 507.
3. Guill., o. c, Conv., t. IV, p. 703.
4. Rev. hist. de la Rév. et de l'Emp., juil. 1915. Cf. Combet, La Rév. à Nice et l'En-
seignement à Nice sous le Consulat.
5. Signalons pourtant un ou deux faits qui se rapportent au mouvement d'idées dont
nous parlons : En 1794, à Beauvais, le conseil général défendit aux maîtres et maî-
tresses d'écoles, et à tous les instituteurs « d'apprendre soit à lire, soit à écrire avec
d'autres livres qu'avec des livres français, et entre autres ceux qui traiteraient des
droits de l'homme » (Charvet, L'inslr. publ. à Beauvais, p. 38). Dans le Var, l'agent
national du district de Draguignan écrit le 2 messidor que les instituteurs doivent
» attacher à faire disparaître le jargon bizarre de la contrée (Brun, Rech. hist., p. 492).
CHAPITRE III
OBSTACLES IMPRÉVUS
1. L'arrêté (en date du même jour), qui est joint à cette lettre, porte en outre que
toutes les nominations faites jusqu'à ce jour sont confirmées. Toutefois le Représentant
rappelle à tous les militaires que c'est un devoir pour tout Français de savoir la langue
de son pays.
2. Aul., Act. du Com. S. P., t. XIII, p. 103-101.
CHAPITRE IV
LES MÉTHODES.
— C'était une oeuvre singulièrement difficile que
d'apprendre le français aux enfants qui ne le parlaient pas. Elle
demandait des méthodes appropriées, des maîtres habiles, la pré-
sence régulière et prolongée des élèves. Or, qu'espérer de pauvres
hères comme cet instituteur de la Robertsau, le citoyen Schwoerer,
dont Reuss a raconté les tribulations ? On le voit se faire inter-
préter le procès-verbal de son interrogatoire en langue allemande :
« il ne connaissait pas la langue française ». Il était né du reste
au-delà du Rhin ! 1
1. Il existe encore aux Archives Nationales (F17A 1207), une note à la main du
240 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Projet d'une École Nationale, ou les Professeurs de tous les Collèges de la France
viendront apprendre le cours d'instruction donné par l'Assemblée Nationale et la manière de
l'enseigner (Voir le détail p. 16 et suiv.). J. F. Major, Tableau d'un collège en activité,
Bar-le-Duc (22 Dec. 1790), in-8°. Précédé d'un Discours sur l'Instruction publique adressé
au Comité de Constitution le 12 oct. 1790.
2. Let. du 30 mars 1792. Arch. N., F 17 1309, doss. 6.
3. 25 nov. 1791. Guill., o. c., p. 35.
4. Cf. Guill o. c., p. 149.
part à la journée du 10 août, puis à la défense de Mayence. Voir ses
,
5. Il avait pris
Observations sur l'organisation des premiers degrés de l'instruction publique. Paris, Levrault,
1801, in-8°.
Un membre ayant proposé de faire venir d'Allemagne les ouvrages sur l'organisation
des écoles normales, les universités et les gymnases, le Comité a chargé M. Arbogast
d'écrire pour cet effet à Strasbourg (Guill., o. c., t. I, p. 10).
6. 3Guill., o. c, Conv., t. II, p. 119 et 177. Le fils du pédagogue allemand Villaume,
ami et ancien collaborateur de Campe, avait écrit à la Convention, le 16 oct. 1712,
offrant ses services et pour fonder et diriger des séminaires de maîtres pour les écoles
nationales » (Guill., o. c., Conv., t. IV, p. 507).
7. Il venait d'Allemagne. Voir Id., ib., t. I, p. 10, n. 4 et Id., ib., Conv., t. IV,
Treize canonniers,
p. 461, n. 1. Je crois devoir signaler qu'il prit une extension rapide : forgeurs de baïon-
un nombre proportionné de platineurs, garnisseurs, monteurs,
Histoire de la langue française. IX. 16
242 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
nettes, etc., réunis en école normale ont été formés dans le même temps (Lakanal,
15 mess an II, dans Aul., Act. du Com. S. P., t. XIV p. 702)
1. Guill., o. c., Conv., t. IV, XXVII
2. Id., Ib., p. 460. p.
A LA RECHERCHE DE MÉTHODES ET D'HOMMES 243
article final ainsi conçu : « Pour connaître l'effet que ce cours nor-
mal aura pu produire, il sera répété l'année suivante. Cette pre-
mière expérience indiquera par ses résultats les moyens de la
perfectionner et de donner à cette méthode révolutionnaire toute
l'extension dont elle sera susceptible »1.
ARTICLE 2.
institut placé à Bergues, dans le Bâtiment servant main-
« Cet sera
tenant à l'enseignement des humanités.
ARTICLE 3.
ARTICLE 11.
« Cours de l'année, les élèves qui auront acquis la capa-
A la fin des
cité nécessaire, seront reçus pour instituteurs dans les communes
pour lesquelles ils témoigneront de la préférence; ils choisiront
dans l'ordre de leurs talens reconnus.
ARTICLE 12.
1. V. p. 25.
2. Arch. N., F17 6891
A LA RECHERCHE DE MÉTHODES ET D'HOMMES 247
dernière loy que les autorités constituées des départemens visés
doivent se fixer ». Cependant, « comme elle n'abroge pas formelle-
ment la loy du 29 frimaire, il est nécessaire de ne plus laisser de
doutes à cet égard ».
« Ils se plaignent de la rareté des hommes en état de remplir
les fonctions des instituteurs, parce qu'il faut qu'ils sachent à la
fois la langue française et l'idiôme ou le patois du païs dans lequel
ils sont établis ».
« Il n'y a que le comité de Salut public qui puisse prendre des
mesures pour faire cesser cette difficulté, soit en mettant en réqui-
sition, pour les envoyer dans les départemens, des hommes en état
de faire l'enseignement prescrit par la loy du 8 pluviôse, soit en
authorisant les autorités constituées de ces départemens à faire eux-
mêmes ces réquisitions, soit enfin en établissant des écoles nor-
males dans les départemens indiqués par la loy du 8 pluviôse » 1.
Le 1er messidor an II (19 juin 1794), le Comité entendit ce
rapport 2. Un projet de décret fut envoyé au Comité de Salut public.
Les écoles normales y sont expressément mentionnées :
« 1° Les dispositions de la loi du 29 frimaire sont rapportées pour
les départements dans lesquels il a été établi des instituteurs de
langue française pour le premier degré d'instruction publique.
« 2° Tous les instituteurs des Ecoles primaires enseigneront en
langue française.
« 3° Les directoires de district sont autorisés à mettre en réquisi-
tion les citoyens qui seront jugés capables de remplir les fonctions
d'instituteurs des écoles primaires dans les communes où il ne s'en
trouverait pas d'établies.
« 4° Dans les chefs-lieux des départements pour lesquels il a été
établi des instituteurs de langue française, par le décret du 8 plu-
viôse, il sera établi une école normale pour en former.
« 5° Les directoires de district de ces chefs-lieux choisiront, à cet
effet, deux citoyens les plus capables d'enseigner la langue française,
d'après la méthode la plus facile et la plus prompte.
« 6° Le cours durera pendant trois mois ; tous les citoyens
qui
se destineront à l'enseignement primaire y seront admis ».
1. Bargès, Doc. sur l'hist. de l'Egl. d'Auriol. p. 187, dans Brun, Mém. ms.
2. Le directoire de Benfeld, transféré à Barr, avait pris, dès le 17 janvier, une déli-
bération sur l'ouverture provisoire d'écoles françaises dans l'Arrondissement (Eccard,
o. c, p. 122). Marc Probst avait été nommé président des écoles françaises. Sélestat
essaya de jeter la défaveur sur Barr. Le 17 pluviôse an II (5 février 1794), le Conseil
général de la Commune, le Général de brigade Girardot, toutes les Autorités civiles et
militaires et la Société populaire s'unirent dans une pétition en faveur du transfert à
Sélestat. On s'appuyait sur ce que et les Administrateurs trouveront une resource dans
un certain nombre de patriotes éclairés de cette commune pour les differentes Com-
missions, ce que Barr n'a jamais pu fournir vû qu'on n'y parle que la langue alle-
mande » (Arch. munie, de Sélestat, D13 n° 9, p. 337).
3. Poupé, o. c., p. 496. L'agent national rappelait encore en messidor que les insti-
tuteurs devaient s'attacher à faire disparaître « le jargon bizarre de cette contrée »
(Bulletin de la Soc. d'ét. de Draguignan, Honoré, L'instr. à Bormes, dans Brun, Rech.
hist., p. 492).
4. Arch. des B.-d.-Rhône, L. 2029, f° 77 v°, dans Brun, Mém. ms.
5. Bizos, Le Distr. d'Aix, dans La Révol. fr., t. XIII, 1887, p. 2; cf. Brun, Mém. ms.
Rapport de l'agent d'exécution.
252 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Leuillot, o. c, p. 439.
2. Guill., o. c., Conv., t. III, p. 595, et t. IV, p. 327; cf Arch. N., F17 1009B
2184.
3. Guill., o. c., Conv., t. IV, p. 325. Le Décadaire parut jusqu'en l'an III. A en
juger par les numéros spécimens, il n e dut pas avoir un grand succès près des
populations alsaciennes.
LA POLITIQUE DE LA LANGUE ET L'USAGE LINGUISTIQUE 255
1. Bar écrit, le 28 ventôse an II (18 mars 1794), de Sélestat : « l'habitude où est encore
la grande majorité des citoyens du département du Bas-Rhin, de ne parler que la langue
allemande, en les empêchant de saisir le sens des lois, les met dans l'incapacité de
remplir les fonctions publiques... A Landau... le défaut d'usage de la langue française,
le peu d'énergie des citoyens, tout m'a conduit à ne former qu'une commission muni-
cipale provisoire » (Aul., Act. du Com. S. P., t. XII, p. 52).
2. Id., 76., t. XIV, p. 211.
3. Id., Ib., p. 302.
4. Id., Ib., t. XV, p. 368.
5. « La première et la principale cause pour laquelle le Strasbourgeois et l'Alsacien
montre une si grande froideur et même de la haine contre les Français était plutôt
parce qu'ils ne comprenaient pas leur langue qu'on leur imposait despotiquement, que
parce que le gouvernement était despotique ».
256 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
à parler....
" La langue française doit être inculquée au peuple par des écoles appropriées.
Si une fois elles existent, alors les juges et l'administration pourront l'introduire
officiellement '' (Hartmann, Andreas Ulrich. ein strasb. Publizist, dans Jahrb, f. Gesch.
but; mais vouloir que de braves gens, sans leçons, en quatre se-
maines, comprennent et parlent le français, est et demeure un pur
non sens » (ein baarer Unsinn, n° XV, p. 127).
On eût pu ajouter que des milliers d'hommes mouraient pour la
République, avant d'avoir appris sa langue, à commencer par l'hé-
roïque enfant qu'on allait porter au Panthéon. C'est en patois en
effet que Viala, atteint d'une balle, s'était écrié : « M'an pas man-
quat ; aquo es egaou, mori per la libertat '' 1.
Je voudrais terminer sur un autre nom, cher à tout Alsacien, ce-
lui de Kléber. Envoyé à l'armée du Rhin, et sur le point de quitter
ses compatriotes qui combattaient dans l'Ouest, il écrira le 1er fri-
maire an III (21 novembre 1794) à Gillet, le Représentant du peuple :
Je voudrais « la consolation de pouvoir mener avec moi l'adjudant-
général Ney, afin qu'en arrivant dans cette nouvelle armée je puisse
au moins parler tout de suite à quelqu'un qui connaisse mon lan-
gage » 2. Rien de plus humain que cet attachement à la petite
patrie chez l'homme qui va combattre et peut-être mourir pour la
grande. On pense au soldat du temps du roi-citoyen dont parle un
poète qui, à travers les fumées de la bataille, aperçoit le coq qui
surmonte la hampe du drapeau et le regarde, les yeux fixes, « Comme
un souvenir du clocher ».
1. Voir Guill., o. c., Conv., t. IV, p. 363. Le rapport de la Commission officielle
se trouve Id., ib., t. IV, p. 732.
2. La Révol. fr., t. V, 1884, p. 76. Gillet transmit sa demande le 3 frimaire (Aul.
Act. du Com. S. P.. t. XVIII, p. 310).
CHAPITRE VI
nités, qui eussent été les fêtes de l'esprit en même temps que de la
foi civique. A défaut des grands poètes, il y en eut de petits, mais
nombre, et leurs productions, avec l'aide de la musique, ne man-
en
quaient pas de faire leur effet sur des coeurs bien disposés. Il est
des chants dont la vogue n'a pas encore passé, comme le Chant du
Départ. Le peuple y ajoutait ses airs favoris, le Ça ira, la Carma-
gnole, et surtout l'Hymne des Marseillais 1.
Les recherches modernes ont montré comment l'idée première se
transforma et peu à peu se confondit avec l'idée originairement
lancée par de Moy, d'un culte civil et laïque. On sait même à peu près
aujourd'hui où les Cultes de la Raison et de l'Être suprême ont été
réellement célébrés, et l'impression qu'ils ont produite 2. Il s'agissait
naturellement, dans ces entreprises, de bien autre chose que de
substituer une religion de langue française à une de langue latine.
C'est l'âme même des peuples qu'on avait la prétention irréfléchie de
transformer brusquement de fond en comble, non seulement par
la persuasion, mais par des moyens odieux, que tout républicain a
le devoir de flétrir.
Toutefois, il est bien certain qu'aucun des créateurs n'eût eu
l'idée de renoncer à l'avantage qu'offrait la langue française pour
séduire et entraîner les esprits. C'était au contraire une des supé-
riorités sur lesquelles on comptait, que la faculté d'être immédiate-
ment compris. Les Représentants en mission triomphaient à ce pro-
pos. L'un d'eux écrit de Brest (1er pluviose an II—20 janvier 1794) :
« Il lui reste [au peuple] à détruire ceux [les hochets] de l'imbé-
cillité. C'est une vérité dont il est convaincu depuis qu'au lieu d'en-
tendre psalmodier dans ses temples un langage qu'il ne comprenait
pas, il y entend les éternelles vérités de la raison ».
Des prières, de véritables prières, invocations à Dieu ou à la
Patrie, accompagnaient les hymnes. Il arrivait qu'elles fussent com-
posées par des prêtres comme la « Prière pour demander à Dieu de
rendre les Français dignes de la liberté », par Coué, curé d'Orville 3.
Les discours formaient aussi une partie essentielle des Assemblées,
dont ils étaient les sermons. Poultier en a composé tout un recueil
qui a commencé à paraître le 20 prairial an II (8 juin 1794). Ils
sont dédiés à l'Être Suprême, à la Nature, au Genre humain 4. Il y
11,1889 p.
Voir ValdriKhi. La Marseillaise ; Motta, La Marseillaise, dans Giornale di erudizione,
et II, 1890, p. 178; Pierre, Les hymnes et les chans. de la Révolution.
85,
2.
Paris, 1904, in-8°, Tiersot, Les fêtes et les chants. Paris, 1908, in-12°.
Voir Aul; Culte de la Raison et le Culte de l'Être Suprème. Paris,
Le
F. Alcan, 1892, in
12°.
On imagine sans peine que, dans bien des cas, le paysan, même
rallié à la République, mais blessé dans sa foi séculaire par un culte
qu'on lui représentait comme impie, excité par des prédications
sournoises, se tenait à l'écart. Le 10 août 1793, fête à Ambert,
célébrée avec apparat. Les citoyens sont invités à fraterniser et à
danser ; les places restèrent désertes, avoue un Rapport de
Lebreton 1.
En revanche, nous avons de nombreux témoignages que même des
populations rurales s'intéressaient aux réunions et y prenaient une
part active. On entendait alors des discours « enfants du patriotisme
plutôt que de l'éloquence », comme dit le Représentant Blutel de
ceux qu'il a entendus à Magny-le-Freule (Calvados), le 21 nivôse
an II (10 janvier 1794), en l'honneur de la prise de Toulon 2.
Condorcet eût voulu, si les plans d'instruction avaient pu se
réaliser, que les instituteurs présidassent à ces fêtes 3. A leur défaut,
des magistrats municipaux, des membres de sociétés populaires
étaient parmi ceux qui intervenaient ainsi. Parlaient-ils français?
Probablement pas toujours. Il serait ridicule de faire de ces fêtes
des sortes de Pentecôtes où, par la grâce de la Révolution, les
apôtres et les catéchumènes sentaient leurs esprits s'ouvrir tout à
coup à la langue nationale. Les choses se passaient plus humaine-
ment. Les discoureurs haranguaient de leur mieux, et ceux qui
essayaient de les comprendre étant soulevés par l'enthousiasme,
aidés par tout ce qui parlait aux yeux, on s'entendait à peu près.
A Péronne, le 1er décembre 1793, grande fête du brûlement des
titres de noblesse et des idoles. Il y avait sûrement là, au moins
dans la première partie, de quoi éveiller l'intelligence du paysan,
mais même la seconde semble avoir été comprise. La fête, dit le
rapport de Dumont, « se termina par des banquets, des danses »;
mais ce qu'il est bon de remarquer, c'est le propos tenu par des
filles de la campagne : « Il viendront cor, chez curés, nos dire
que des morciaux de bos sont des saints ; oh leur dirons : os êtes
des menteus, oh ne volons pus de vous »''. Paysans et paysannes
étaient venus, causant en patois, ils faisaient de même en s'en
constituées du lieu ou un citoyen désigné par elles, autre que les ministres du culte. Le
reste du temps pourra être employé à l'exercice des armes, de la course et à des danses
publiques » (Cavaignac, Dartigocyte, Auch, 19 brum. an II —9 nov. 1793, Id., Ib., t. VIII,
p. 313 note).
1. Caron, Rapp., II, 138.
2. Aul., Act. du Com. S. P., t. X, p. 173. A
ces braves gens il ne parvient rien. On
demande pour eux le Bulletin des Lois. Il y a un chant civique d'un cultivateur de Mont-
du-Vey(Carentan, Manche) (Guill., o. c.. Conv., t. IV, 761, n.
10)
3. Guill., o. c. p. 228. p.
4. Aul., Act. du Com. S. P., t. IX, p. 84
L'ÉDUCATION DES ADULTES 265
retournant; mais ils avaient pris une leçon de français. C'était tout
gain pour la langue nationale 1.
CHAPITRE PREMIER
SÉVÈRES CONDAMNATIONS.
— Je serai extrêmement bref sur la sup-
pression de l'ancienne éducation latine 1. Il est inutile d'entasser
les textes, et de citer les nouveaux actes d'accusation. Quelles que
1. lourde
On ne cite jamais que le
de
vers de la boutade de Berchoux (1797). Quoique un
1er
forme, cette satire mérite mieux cela.
peu que
Qui me délivrera des Grecs et des Romains?...
A peine je fus né, qu'un maudit rudiment
Poursuivit mon enfance avec acharnement.
La langue des Césars faisait tout mon supplice...
Dans le monde savant je me vis introduit.
J'entendis des discours sur toutes les matières
Jamais sans qu'on citât les Grecs et leurs confrères...
J'avais pris en horreur cette société,
Et demandais enfin grâce à l'antiquité,
Je voulais observer des moeurs contemporaines,
Vivre avec des Français, loin de Rome et d'Athènes...
Mais les anciens n'ont pu me laisser respirer.
Tout mon pays s'est mis à se régénérer.
Les Grecs et les Romains mêlés dans nos querelles
Sont venus présider à nos oeuvres nouvelles.
Bientôt tous nos bandits, à Rome transportés,
Se sont crus des héros pour s'être révoltés...
Les biens étaient communs, tous les hommes égaux.
Et Lycurgue invitait à piller les châteaux.
...O vous qui gouvernez notre triste patrie,
Qu'il ne soit plus parlé des Grecs, je vous supplie ;
Ils ne peuvent prétendre à de nouveaux succès ;
Vous serait-il égal de nous parler français?
Votre néologisme effarouche les dames ;
Elles n'entendent rien à vos myriagrammes;
La langue que parlaient Racine et Fénelon
Nous suffirait encor, si vous le trouviez bon...
OEuv., t. IV, p. 107 et suiv.
268 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
2. Réflex. sur l'instruction publique, dans Guill., o. c., Conv., t. II, p. 333; cf. OEuv.,
t. VI,
p. 516.
Dans un brouillon de discours écrit en décembre 1792 et trouvé dans papiers,
ses
Lakanal disait sèchement : « Quant à l'étude des langues, je pense, contre l'avis de
votre Comité, que lu seule qu'on doive enseigner dans les premiers degrés de l'instruc-
tion, c'est la nôtre ; il s'agit de former de bons Français et non de mauvais Latins »
(Id., ib., Conv., t. V, p. 661).
AGONIE DES COLLÈGES 269
Rien n'est plus significatifà cet égard que les essais par lesquels
le Gymnase de Strasbourg fit un nouvel effort pour se moderniser.
On en trouvera le détail dans les études de Reuss.
Fries, le 20 floréal (9 mai), donne à Huzard des indications sur
les programmes. Notons l'article VIII : Langue Françoise. Les
considérants sont à retenir : « Celle-ci (la langue française) est un
des principaux objets des leçons que donnent les Instituteurs du
Gymnase, persuadés qu'ils sont, que non seulement elle fournit
d'excellens modèles pour former nos élèves au goût de l'Eloquence
et des Belles-Lettres en général, mais quelle rapprochera entière-
ment dans le Département du Bas-Rhin des Citoyens François qui
ne diffèrent entre eux que de langage " 1. — Puis timidement on
ajoute : On enseigne du reste aussi la langue latine, « c'est qu'elle
contribue... à faciliter la connoissance et surtout l'orthographe de
la langue françoise ». Ces bonnes gens se grimaient pour avoir le
droit de vivre.
1. Reuss, Gymn. prot., p. 100. Il y avait, à cette époque, 3 divisions :grec; latin et
religion; français, allemand, mathématiques, géographie, histoire.
Nous avons parlé plus haut du Collège National; c'était Fr. Miller qui y enseignait
le français.
que les monnaies portassent « des légendes dans la langue des Ro-
mains ». Mais il ne s'agissait plus de quelques lignes gravées sur
la pierre ou le bronze, forcément très clair semées, il s'agissait
des innombrables phrases en vers ou en prose qui, écrites aussi bien
sur des murs que sur des banderoles, des drapeaux, des bannières et
jusque sur des assiettes, formulaient l'espoir, la foi, la volonté du
peuple. Le rôle de l'inscription grandit alors dans une proportion
qu'il eût été impossible de deviner quelques années auparavant.
Tantôt c'est une simple devise « Une foi, une loi, un roi ; Vivre
libres ou mourir ». Tantôt c'est une maxime, une pensée d'un des
prophètes. A Rennes, une pyramide élevée sur l'autel de la patrie
porte cette phrase de Rousseau : « La patrie ne peut subsister sans
la liberté, la liberté sans la vertu »1. A la cérémonie funèbre du
Champ de Mars, on en lit toute une série :
1° A la Mémoire des braves guerriers morts à Nancy, pour la
défense de la loi, le 31 août 1790.
2° Ennemis de la constitution; tremblez : en mourant, ils nous
ont laissé leur exemple.
3° Le marbre et l'airain périront, mais leur gloire sera éternelle.
4° C'est ici qu'ils avoient juré avec nous de mourir fidèles à la
nation, à la loi, et au roi 2.
Point de réunions sans inscriptions; elles attendent les cortèges,
les précèdent, les accompagnent, les suivent. Les pouvoirs publics
les dictent : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante » (4 avril
1791). Quand Simonneau meurt comme on sait, on choisit la
phrase toute simple qui sera gravée sur son monument 3.
Celle qu'on avait ordonné de mettre à la porte des cimetières :
« La mort est un sommeil éternel », occasionna une vraie bataille
politique.
De plus en plus, au fur et à mesure que la Révolution se déve-
loppe, on prend conscience de la doctrine qui se résume dans la
formule de M.-J. Chénier : « C'est par les fêtes, les cérémonies,
les monuments, que l'homme s'attache au sol qui l'a vu naître » 4.
Le 1er août 1793, Barère parle avec dédain des médailles qui
portent « en idiome étranger : gallicae nobilitatis signum » .
Dans la séance du 2 frimaire an II (20 novembre 1793), sur une
rapport
l'indignation de l'Assemblée,
ces
1. Aul., Act. du Com. S. P.. t. XIV, p. 629. Cf. Guill., o. c, Conv., t. IV, p. 736
et 750. Voir un Essai d'inscription pour les différents monuments de la ville de Paris
[de Bourdelois] (Id., ib., p. 761).
2. Décret relatif à la Mission à l'Armée des Alpes devant Lyon, dans Aul., Act. du
Com. S. P.. t. VII, p. 376.
3. Voir Aul., Ib., t. XIV, p. 374.
280 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
LIVRE PREMIER
NOUVELLE POLITIQUE
CHAPITRE PREMIER
APRÈS LA TERREUR.
— Malgré la chute de Robespierre, le dévelop-
pement de la Révolution sembla se poursuivre. En réalité les res-
sorts étaient détendus. La politique linguistique, comme la poli-
tique générale, ne tarda pas à s'en ressentir. Il est très difficile de
savoir si les patois et les idiomes avaient profité du rétablissement
de la liberté de penser et d'écrire. On n'a là-dessus que des rensei
gnements trop fragmentaires. Il est possible, par exemple, qu'il y
ait eu en Alsace comme une sorte de réaction. Mais les preuves
manquent. A Strasbourg, les journaux allemands étaient nombreux ; 1
date?).
1795), dans Aul., Act. du Com. S. P., t XX p. 480
3. Voir Noulet, o. c 156 et Gazier, Lett. à Grég.. n°
p 343, 24.
4. existe aux Arch. . p.
N , F17 1318, dossier 8, une instruction, véritable catéchisme
Ilet républicain, Instruction
laïque intitulé latine
surles principes
jeunesse française. Une note indique qu'elle est du
républicains dédiée à la
Barbier instituteur. fin
cette note J. C. [17] 98. Est-ce la
Cn
(A la de
ON CONTINUE A ACCUSER LES IDIOMES 283
traction opérera subitement cet effet (de détruire les anciens pré-
jugés). « Indépendamment de ce que les progrès de l'instruction
lents, thèse générale, il faut le dire, dans ces contrées la
sont en
génération présente des habitants des campagnes n'en est presque
pas susceptible. En voici les raisons.
1° Ils parlent un idiome barbare, qui est le seul usité parmi eux,
«
et qui varie même dans chaque district, si bien que, quand un
étranger veut entrer en conversation avec eux, après avoir beaucoup
écouté, ils répondent nontanquete, c'est-à-dire : Je n'y entends
rien » 1.
avoient excomuniés tous les prêtres qui avoient rendus leurs lettres
de Prètrisse... leurs intrigues et mansonges ont réussits »1.
DANS LE NORD.
— On a déjà publié sur la réaction qui suivit
thermidor bien des documents concernant ce pays. Il y en a beau-
coup d'autres dans la Correspondance de Grégoire. Le curé deLaunoy
(distr. de Lille) se plaint à Grégoire (26 messidor an III— 14 juillet
1795) : « Je vous fais part que dans nos environs nous craignons
une Vendée. Le chapitre de Tournay y envoye des prêtres dans
toutes les communes frontieres, comme Missionnaires». Suivent les
détails de leurs menées audacieuses. Le curé de Beuvry par Orchies
(Nord) mande de son côté : « Il y en a (des prêtres dissidents) qui
rodent en cachête sous l'habit de md de pipes ou d'alumettes; mais
ceux de la ci-devant Belgique et diocèse de Tournay dont nous fai-
sions parti à la révolution, quoique soumis eux-mêmes, ils ne cessent
de répéter chez eux et aux sots de chez nous qui y courent que leur
serment n'est point un serment, que ce n'est rien en comparaison
de celui qu'on a prêté en france (c'est ainsi qu'ils s'expriment par
rapport à nous, car ils ne veulent pas être françois), qu'ils ne
peuvent venir à nos messes sans être damnés ».2
1. 8 messidor an III, Corr. de Grégoire, Moselle, Bibl. Soc. des Amis de P.-R.
2. Corr. de Grég. Nord. Bibl. Soc. des Amis de P.-R.
CHAPITRE II
A LA CONVENTION.
Boissy d'Anglas, dans un plaidoyer pour la
—
liberté des cultes, prononcé le 3 ventôse an III (21 février 1795),
déplorait, tout comme on l'avait fait un an auparavant, « la barbarie
de quelques idiomes qui maintiennent l'ignorance dans quelques
contrées de la République »4. L'Assemblée non plus n'avait pas
abandonné ses principes ; on le vit bien. Un curieux débat eut lieu
en effet quelques jours après (7 ventôse — 23 février). Il était
question d'introduire, dans les écoles centrales des départements
frontières, un professeur de langues vivantes. Certains membres se
récrièrent : « Je crois, remarqua l'un d'eux, qu'il est dans l'intention
de la Convention de faire disparaître du sol de la République tous
les jargons particuliers, pour ne conserver que la langue nationale ».
Le rapporteur rassura son collègue : « J'observe à mon collègue
qu'il n'a pas saisi le sens de l'article. Il n'est pas question de
conserver des idiomes particuliers, mais de répandre, selon les
localités, la connaissance des langues parlées chez les peuples nos
voisins, avec lesquels nous pouvons avoir des relations de commerce
ou d'amitié. Ainsi dans les départements voisins des Pyrénées, on
enseignera l'espagnol; l'italien dans les départements situés au pied
des Alpes; l'allemand, dans les départements du Nord » 2.
On ne serait pas embarrassé de citer d'autres paroles de même
inspiration. La Convention, cela n'est pas douteux, continuait à
désirer, a vouloir même le progrès de la langue française. Le 27 ther-
midor an II (14 août 1794), le Comité d'Instruction publique recevait
de l'agent national d'Issoudun une lettre où il s'informait s'il devait
faire exécuter la loi du 8 pluviôse. On lui répondit que l'intention
de la Convention était qu'on enseignât partout la langue nationale 3.
Les Jacobins non plus ne renoncèrent jamais, tant que la Société
exista.
1. Guill., o. c. Conv., t. IV, p. 520.
2 Id., ib., Conv., t. V, p. 543-44.
3 Id., ib., Conv., t. IV, p. 992 et 997.
DISPOSITIONS DES ESPRITS 287
DANS LE PAYS.
— Il est certain que la cause du français devait
souffrir longtemps des brutalités de ceux qui avaient prétendu la
servir. Voici les réflexions pleines de sens qu'envoie un pasteur pro-
testant, Muller, à l'évêque de Blois (Strasbourg, 6 vendémiaire
an III— 28 septembre 1794): « Comme les arrestations, dépor-
tations et refus de certificats de civisme ont nécessité de nom-
breux remplacemens dans les bureaux des administrations, et que
par là, il s'est manifesté une penurie de sujets capables et versés
dans la Langue Allemande et Françoise, des enroleurs ont porté
plusieurs de nos jeunes candidats au Ministere à préferer des
emplois de bureaux, en leur insinuant que les choix de leurs
confreres pour les Ecoles seront cassés aussitôt qu'on trouvera des
sujets qui n'ont pas tâté de la Théologie, pourvû qu'ils sachent le
François tellement quellement. L'établissement d'écoles normales
peut seul donner dans notre Département la perspective de
fournir toutes les communes d'instituteurs habiles. Il se présente
pour ces établissements dans les Départemens, où le peuple de la
campagne ne sait que la langue allemande, une difficulté qui
demande au moins douze ans pour être vaincue. Il est impossible de
trouver actuellement pour chaque commune un maitre de langue
Françoise et un Instituteur pour les connoissances qui doivent for-
mer l'esprit et le coeur des enfans. On s'est bientôt apperçu qu'il
faut pourvoir aux deux besoins par le même homme, et cet homme
doit necessairement savoir les deux langues, parceque suivant des
1. Corr. de Grégoire, Haut-Rhin, Bibl. Soc. des Amis de P.-R. Cf. Warrentrapp,
— Ces projets
PROJETS ENVOYÉS AU COMITÉ D'INSTRUCTION PUBLIQUE.
sont, eux aussi, tout pleins de l'esprit qui avait inspiré la loi de
pluviôse, dont on déplorait l'inexécution. L'un des seuls que je
citerai est inspiré à son auteur, Gauthier, lieutenant au premier
bataillon des Amis de la République, par les constatations qu'il a
faites au pays des brigands, où il faisait campagne.
Pour ce combattant, le dialecte c'est l'ennemi. Lui disparu,
l'unification réalisée, « vos enfans sont également bien élevés,
ils se connaissent; ils parlent et écrivent correctement la même
langue : vous faites disparaître ces idiômes barbares, qui ont assuré
pendant si long-tems l'empire des prêtres, et occasionné la plupart
de nos guerres intestines, par la difficulté de communiquer avec les
habitans des campagnes... Pour que l'exécution de ce projet ne
trouvât pas d'opposition, on n'admettrait auprez des enfans que des
personnes qui possedassent bien notre langue. Cette précaution vau-
drait mieux que les Grammaires et les Dictionnaires » 4.
On peut comparer à ce qui précède un écrit de Vaureix, instituteur à
Beaumont (district de Clermont-Ferrand, P.-de-D.), du 8 brumaire
an III. Le souci de faire connaître à tous le français, et de l'enseigner
méthodiquement, est un de ceux qui doivent dominer, dit l'auteur :
« L'étude de la Langue nationale parait devoir occuper la première
place parmi les differens objets du ressort de l'enseignement, parce
qu'il convient de connaître même par principes la Langue mater-
nelle avant que de songer à épeller une autre science quelconque,
ici se présente une reflexion toute naturelle et à Laquelle on ne
fait pas assez d'attention. En effet la Langue française, sage dans sa
marche, assez belle et beaucoup plus riche aujourd'hui qu'elle ne
l'était vers le commencement du siecle dernier, a ses difficultés
d'ailleurs, qui demandent la plus sérieuse attention, même dans ceux
qui la parlent habituellement; et c'est encore sur quoi l'on ne ré-
fléchit pas assez ; on l'apprend au Berceau, et presque sans autre
OBSERVATIONS.
— Il ne faut pas oublier que la question des idiomes
se posait tout autrement depuis que, au début de l'an III, les
armées de la République, franchissant les frontières, lui avaient
livré des pays étrangers parlant flamand, allemand, espagnol, etc.
Il ne pouvait venir à l'esprit de personne d'imposer à ces pays con-
quis, dont le sort n'était pas encore réglé, qui n'étaient pas formés
en départements, des obligations linguistiques. On avait bien des
choses plus urgentes à demander aux habitants. Et d'autre part le
moyen d'avoir plusieurs règles à ce sujet, de tolérer là ce qu'on
interdisait ailleurs ? La Babel naturelle s'expliquait. Une Babel
administrative, créée de toutes pièces, était un vrai non-sens.
Paris.
1. Gross, dans un acte en français, n'ayant l'usage de l'écriture allemande,
pas
signe en lettres hébraïques (24 flor. an III-13 mai 4 795).
2 Ainsi dans un acte du 19 messidor
an III (7 juillet 1795). Cf. 12 messidor an III.
La formule varie. On trouve ailleurs : après lecture et interprétation faites (Arch Dép.
au Bas-Rhin. Fonds nouvel ement versé, non catalogué)
3. Lamey fut nommé, en 1795, traducteur du Bulletin des
Lois, à l'Imprimerie de la
République, à
PREMIER RECUL. LE FRANÇAIS ET LES ACTES 293
partout, et même, s'il est possible, dans les pays étrangers, ce qui
est d'autant plus à propos qu'il est dit dans la Gazette de Mannheim,
sous n° 5 ci-dessus, que « depuis quelque temps Robespierre,
Barère et le reste des membres du Comité de salut public paraissent
régulièrement aux Jacobins et tâchent en général plus que jamais à
s'insinuer auprès d'eux, qu'il paraît par conséquent qu'ils ont des
pressentiments de périls et d'événements où ils pourraient avoir
besoin de secours, supposition qui est encore confirmée, ajoute-ton,
par un long discours que Robespierre a fait depuis peu sur les
pièges qu'on lui tend tous les jours, sur les complots journellement
renouvelés contre la liberté et sur les calomnies répandues contre
lui et contre le gouvernement révolutionnaire. Philippe Rühl »1.
engager avant-hier un très bon sujet, nommé Jean Frantz, dont les
connaissances littéraires, la pureté des moeurs et la douceur de
caractère me sont connus depuis longtemps. Lui ayant fait ma pro-
position, il me dit ingénument qu'il a travaillé pendant quatre années
consécutives au Bureau de bien public de la municipalité de
Strasbourg, et que, depuis deux mois, il a été remercié purement
et simplement. Ayant là-dessus écrit à l'agent national de la com-
mune la lettre dont la minute est jointe ici sous n° 8, j'en attends
encore la réponse, que je n'aurai pas sitôt reçue, que je quitterai
le département du Bas-Rhin, où j'ai recueilli tous les renseigne-
ments relatifs à la mission que j'ai à remplir, pour me rendre à
Colmar, chef-lieu du département du Haut-Rhin, d'où je vous écri-
rai le premier quintidi de fructidor prochain »1.
Le 16 fructidor (2 septembre), on écrivait de Nancy : « La publi-
cation des lois éclaire le peuple en lui montrant quelles ont été
dictés par le desir de le rendre heureux ; néanmoins dans les com-
munes allemandes des Districts de dieuze et Saarbourg on ne recoit
pas les lois traduite en allemand; l'idiôme français leur est absolu-
ment étranger, et les habitants de ces communes isolés par leur
langage restent abandonnée aux préjugés politiques et religieux que
l'instruction Publique auroit bientot dissipée » 2.
En fait, des actes continuaient à arriver de Paris tout traduits 5.
En même temps, on traduisait aussi sur place des documents venus
de Paris, aussi bien que des pièces émanant des autorités locales 4.
CHAPITRE PREMIER
CAUSES ET EFFETS.
— Au lendemain de thermidor, l'instruction
publique avait cessé d'être une chose de Salut public. Elle était
revenue au Comité d'Instruction publique, dont Lakanal fut nommé
président le 17. et où Garat entra le 26. La formation, des esprits
et des coeurs n'allait plus être menée « au pas de charge » et
« par
la méthode révolutionnaire ». Il eût été possible que les
choses n'en allassent que mieux, car les essais tentés jusque-là
n'avaient guère été heureux. Nous avons parlé des résultats de la
loi de pluviôse. Considérons maintenant les résultats généraux de la
loi de frimaire.
Leclerc, député de Maine-et-Loire, avait été sinistre prophète
quand il avait dit le 12 décembre 1792 : « L'esprit de parti s'abstiendra
de favoriser les écoles. Bien des pères, scandalisés même de ce que
vous aurez fait composer des livres nouveaux pour remplacer les
Heures et le Catéchisme, ouvriront facilementleurs âmes aux malignes
impressions des prêtres, et, soit par leur propre faiblesse, soit par
condescendance pour celle de leurs femmes, ils voueront volontai-
rement leurs enfants à l'ignorance, tant les préjugés religieux ont
encore d'empire »1. Pour que des écoles pussent s'établir partout,
étant donné le système d'instruction publique adopté, étant donné
d'autre part l'état de l'esprit public, il eût fallu un miracle. La
bonne volonté des autorités, stimulée par les réclamations des
familles, n'était pas douteuse. Mais il y eût eu d'insurmontables
obstacles à vaincre, même si la loi avait comporté un plan, et elle
n'en comportait pas.
1. O. c., Conv., t. IV, p. XLII et suiv. Cf. 556, 621, 626, 637, etc.
2. Voir Guill., o. c, Conv., t. IV, p. XLVII-XLVIII
3. Extrait d'une lettre écrite par le citoyen Michaud, Représentant du peuple Comité
de Salut Public dattée de Nanci le 16 fructidor, enregistrée au
F17 6891). sous le N° 1762(Arch. N.
4. Les dires des satisfaits ont besoin d'être contrôlés. Ainsi, de Clamecy, l'agent
national mande que presque toutes les communes ont nommé des instituteurs (11 flor.
an II-30 avril 1794, dans Guill., o. c. Conv., t. IV, p. 293). Or le 5 fructidor
(22 août), on reçoit du même une lettre informant le Comité des difficultés qui s'y
presentent (Id., ib., t. IV, p. 974.
5. Guill., o. c, Conv., t. IV, p. 507. Le Moniteur du 5 brumaire
1794) contient des plaintes toutes semblables apportées an III (26 oct.
Mont-Terrible le 29 vend. (Id ib.). par un Jacobin de retour du
,
INSUCCÈS DES ÉCOLES PRIMAIRES 301
Avesnes. —
Pau. Écoles à moitié organisées.
Pyrénées (Basses).. Oloron. Peu d'écoles.
Tarbes. 14 écoles sur 150.
Pyrénées (Hautes).. Argelès. Écoles organisées en partie.
Bagnères. Peu d'écoles.
Pyrénées-Orientales.
Perpignan. Peu d'écoles.
Prades. —
Nancy. Écoles organisées en grande partie.
Vézelize. 53 écoles sur 85.
Sarrebourg. Écoles organisées, excepté dans les
Meurthe communes allemandes.
Blamont. Écoles totalement organisées.
Pont-à-Mousson. Quelques écoles.
Salins-Libre. —
Dieuze. Aucun renseignement.
Metz. Quelques écoles.
Briey. —
Moselle Sarreguemines. —
Bitche. Point d'écoles.
Fauquemont. —
Mont-Terrible. Porrentruy. Point d'écoles.
. Delémont. —
Strasbourg. Ecoles organisées excepté 13 2.
Rhin (Bas) Wissembourg. 5 écoles sur 220 3.
Haguenau. 16 écoles sur 140.
Saar-Union. Peu d'écoles.
Colmar. Quelques écoles.
Rhin (Haut). Belfort. Écoles organisées en partie.
. . .
Altkirch. 33 écoles sur 145.
L'ÉCOLE NORMALE
1. Arch. N., F 17 6891. On avait aussi établi des Écoles Normales à Naples, et prévenu
le Comité (Arch. Aff. Étr., Fr. 1413, 147).
2. « Il avait été recommandé de préférer les candidats les plus instruits mais, dans
:
bien des districts, on n'eut pas l'embarras du choix en fait, il n'y eut d'exigé le
; que
certificat de civisme. Les treize ou quatorze cents élèves que l'on avait ainsi recrutés
formaient une masse très hétérogène, où tout différait, les origines, les âges et les
degrés d'instruction. Dans leurs rangs, il y avait de ci-devant nobles et d'anciens
prêtres ; il y avait des jeunes gens de vingt à vingt-cinq beaucoup d'hommes
mûrs et même des vieillards ; on se montrait, assis ans,
sur les bancs, Bougainville, le
célèbre navigateur, qui avait soixante-six ans. Un grand nombre d'instituteurs primaires
avaient été désignés, surtout dans les campagnes. Dans les villes avait pris volontiers
on
des professeurs de collège, auxquels les événements avaient fait des loisirs. C'est ainsi
qu'à Paris furent nommés Mahérault, Crouzet, les deux Guéroult, De Wailly, etc.
L'ÉCOLE NORMALE 305
treprise avait fait naître, et dans les populations et chez les maîtres.
Certains pensaient qu'il serait fait une sélection et qu'on appellerait
ceux qui avaient fait preuve d'aptitudes pédagogiques. Parmi ceux-
là, il convenait de ne pas négliger les hommes qui avaient l'habitude
de l'enseignement du français, matière essentielle.
Le citoyen Cuns, instituteur à Chénérailles, district d'Aubusson
(Creuse), demande que les auteurs qui ont envoyé les meilleurs
ouvrages au concours soient admis aux Écoles Normales. « En effet,
le prompt besoin où se trouve la Nation d'universaliser la langue
française dans toute l'étendue de la république par des principes
uniformes de grammaire, de lecture, de prononciation aussi bien
que de répandre des méthodes pour apprendre d'une manière uni-
forme les principes de...toutes les autres sciences, semble engager
à choisir de préférence ceux qui ont déjà des principes sur les
différentes matières » 1.
Divers articles du règlement étaient fort heureux. Organiser, à
côté d'un enseignement dogmatique, des conférences, où les futurs
maîtres, qui n'étaient plus des enfants, pourraient s'éclairer, faire
leurs remarques, présenter leurs objections, c'était combiner des
leçons et des débats, une Ecole et un Congrès 2.
Mais malgré l'exemple de l'École des Armes, ce n'est pas en
quatre mois qu'on pouvait épuiser le programme, évincer les inca-
pables, grouper les autres et les exercer. En outre, les conditions
matérielles étaient mauvaises, les élèves étaient trop nombreux, les
salles trop petites. Enfin, pour les lettres, les professeurs étaient
mal choisis.
Laromiguière, le futur professeur de la Faculté des lettres, figure sur la liste des deux
cent cinquante élèves do l'Ecole, dont M. Dupuy a pu découvrir les noms ; mais on
y compte aussi beaucoup de fonctionnaires, employés de diverses sortes, magistrats et
greffiers. Il y a jusqu'à des militaires, des marins en activité de service, qui, on ne
sait trop comment, avaient réussi à se procurer un congé plus ou moins régulier »
(Perrot, L'Éc. Norm. et son centen., p. IX-X).
Les dossiers des Archives Nationales F 17 6891, renferment des pièces très curieuses.
On y voit quantité de districts, de Wissembourg à Pontrieux, qui, faute de pouvoir
déléguer d'anciens prêtres, ou parce que les jeunes gens instruits sont aux armées, ou
parce que des maîtres en exercice ont peur de perdre leur place, n'ont su qui déléguer.
En revanche on constate que les patriotes de la Guadeloupe veulent envoyer
des élèves.
1. Arch. N., F 17, 6891 (18 brum. an III-8 nov. 1794).
2. De province, des « amateurs des beaux-arts » demandaient à suivre « médiate-
ment » les leçons (Arch. N., F 17. 6891).
3. Le Comité d'Instruction publique l'avait choisi. Voir Guill., o. c., Conv., t. V,
p. 159. 1er brum. an III (22 oct. 1794).
Histoire de la langue française. IX. 211
306 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Cité par P. Dupuy, L'Ec. Norm. de l'an III, dans L'Éc. Norm.
et son centen., p
140-141.
2. Décret du 9 brumaire an III (30 octobre 1794), art. 8.
L'ÉCOLE NORMALE 307
mentaires pour les instituteurs. Lorsque le professeur aurait
démontré que l'abstraction faisait le langage véritable, il indique-
rait une méthode propre à conduire les élèves des écoles primaires à
toutes les abstractions, par une opération très simple, très facile,
qui rendrait l'abstraction visible en quelque sorte (son système de
numération pour les sourds-muets). Lorsqu'il aurait prouvé que
—
tous les verbes pouvaient être rappelés et réduits à un seul, que
celui-là tout seul méritait le nom de verbe, il dirait comment, dans
les écoles primaires, la conjugaison de tous les verbes français pou-
vait être également réduite à une seule conjugaison ; il ferait voir
comment on peut simplifier la théorie des temps en les distribuant
en deux classes, les uns considérés comme absolus, les autres comme
relatifs. — S'il racontait l'histoire dé l'écriture, ce serait de manière
qu'elle pût être mise à la portée des élèves des écoles primaires.
—
S'il exposait les rapports de la Grammaire générale avec les gram-
maires particulières, ce serait pour tirer des principes qu'il aurait
développés, pour en faire naître par voie de conséquence et comme
dernier résultat l'ouvrage élémentaire qui pourrait être propre aux
écoles primaires. — Et il concluait en annonçant « que l'art de
communiquer de la manière la plus prompte et la plus sûre toutes
les connaissances serait surtout la grande tâche de celui qui devait
enseigner l'art de la parole ; il ne perdrait jamais de vue le but de
l'École normale, lequel était moins d'enseigner la science que d'in-
diquer la marche que doit suivre l'esprit dans l'étude qu'il en veut
faire ». Ainsi le seul programme de Sicard annonçait l'instituteur
demandé parla Convention. Il annonçait du même coup une philo-
sophie conforme à celle dont Garat donnait lui-même le pro-
gramme » 1.
Le principe dont s'inspirait Sicard était, comme le lui fit judi-
cieusement remarquer un élève nommé Latapie, des plus contes-
tables. Ce disciple jugeait étrange que le maître présentât comme
« les hommes de la nature » les sourds-muets,
qui sont précisément
victimes d'une « méprise de la nature ». Et Sicard n'eut rien à
répondre de sérieux (Débats, I, 109, dans P. Dupuy, o. c, p. 132).
Il amenait ses sourds-muets, en particulier Massieu, et produisait
avec eux des effets de sensiblerie. Son cours semblait moins fait
pour éclairer que pour attendrir. On a cité son explication de l'ori-
gine du verbe être : « Nous apprendrons à notre élève que ce mot
fut peut-être un des premiers que dut prononcer la tendresse de la
première mère, qui voulut rassurer son mari sur l'apparence de
1. P. Dupuy, o. c, p. 110.
308 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
L'ÉCHEC.
— En vérité, il ne sortit des leçons et des conférences
1. P. Dupuy, o. c, p. 164-165.
2. Le Manuel de l'Enfance contenant des élémens de lecture et des dialogues instructifs
et moraux, dédié aux mères et à toutes les personnes chargées de l'Education de la
première Enfance, par Roch-Ambroise Sicard, Instituteur des Sourds-Muets, et
Membre de l'Institut national. Paris, Le Clerc, 1797, an V (Mus. péd., n° 33168).
Il est vraisemblable que ce livre a été composé bien avant l'an V, car le treizième
dialogue roule sur les Écoles Normales. Il y est dit : « ils (les élèves) reviendront
ensuite dans leurs départemens instruire à leur tour les maîtres des Ecoles Primaires,
et surveiller les maîtres des Ecoles Centrales. De là naîtra l'uniformité d'enseigne-
ment » (p. 108). Le quatorzième roule sur le même sujet. Il explique comment à
l'école primaire les enfants prendront une idée de ce que c'est que les sciences. Cette
mentalité est celle de l'époque où la Convention créait son système.
3. 2 vol. in-8°. D'après l'éditeur, l'ouvrage était déjà commencé en l'an V, mais
l'auteur fut « enveloppé dans le décret du 19 fructidor ».
4. L'auteur croit toujours qu'on ne peut fonder un livre pour l'enfance que sur les
« vrais principes » : « Les principes généraux et
éternels de cette grammaire logique
sont ceux de toutes les langues. C'est d'après ses principes et ses règles que les gram-
maires de tous les idiomes ont dû être faites ; aussi avons-nous eu soin d'en rappeler
les principes toutes les fois que l'occasion s'en est présentée. Et qu'on n'imagine pas
que ces principes sont au dessus de l'intelligence de la tendre enfance. Il est bien
plus difficile de mettre à sa portée ce qui n'est justifié que par les caprices de l'usage »
(t. I, p. 306).
« Rendre moins difficile la pénible tâche des
mères ; l'étude des enfants moins
désagréable, et leurs succès plus prompts, j'ai tout sacrifié à ce but-là » (t. II,
Introd.,p. VII).
310 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Arch. N., F17 1144 et 6891. Cf. Guill., o. c, Conv., t. VI, p. 133, 141.
2. Guill., ib., Conv., t. VI, p. 137.
CHAPITRE III
AJOURNEMENTS.
— Huit mois après l'ouverture du concours, deux
mois après la nomination du jury, le 26 fructidor an II (12 septembre
1794), Lakanal affirmait à la Convention que les livres qui devaient
servir aux écoles primaires allaient être publiés. C'était faux. Le jury
ne semble pas avoir travaillé avant cette date, et lorsqu'il se livra à
un premier examen, il constata que les livres ne correspondaient pas
aux vues de la Convention. Lakanal, revenant sur sa déclaration,
en convint le 7 brumaire an III (28 octobre 1794) 1. On avait confondu
« résumer » et « élémenter » 2. Il fut décidé qu'on s'adresserait à
des hommes choisis : pour la grammaire, on demanderait à Pou-
gens 3. Se mit-il jamais à la besogne ? Le 7 ventôse an III (25 février
1795), Lakanal prononçait encore une fois des paroles optimistes :
« Les écoles primaires s'organisent de toutes parts, les livres élé-
mentaires sont composés » 4. Il fallut en réalité les attendre encore
longtemps.
— Assurément on avait eu
LES CHEFS-D'OEUVRE TARDENT A VENIR.
des propositions. Alphabets, grammaires, manuels d'orthographe
étaient arrivés en nombre 5.
Aucun des « hommes de génie » sur lesquels on comptait ne se
1. Guill., o. c, Conv., t. V, p. 183.
2. Sous le titre de livres élémentaires on vit paraître des manuels techniques de toute
sorte.
Topsent annonce au Comité qu'après son arrêté du 27 floréal, qui invite les citoyens
à composer des livres classiques (Aul., Act.
1. Panckoucke, qui n'était certes pas un Jacobin, écrivait encore avec la belle foi de
jadis : « Cet objet (les progrès de l'instruction dans les campagnes, les petites villes) est
d'une si grande importance, qu'il me seroit facile de démontrer que le salut de la
République y est attaché » (Gram. étre et mécan., p. 62).
2. Guill., o. c, Conv., t. VI, p. 580. Ginguené, dans son rapport du 4 vendé-
miaire, était d'avis qu'il ne s'agissait que de multiplier le nombre des individus sachant
lire et en état d'écrire, quoique mal et sans orthographe (Arch. Nat., F17 1697).
3. Guill., o. c, Conv., t. VI, p. 643.
4. Id., ib.,p. 793-794.
5. On insérait bien dans la loi que, pour être inscrit sur le registre civique, il faudrait
qu'on sût lire et écrire, mais rien ne spécifiait en quelle langue (Id., ib., Conv., t. VI,
p. 415).
CHAPITRE VI
COMPENSATIONS.
LE FRANÇAIS PREND POSSESSION DU HAUT ET DU MOYEN
ENSEIGNEMENT
1. On crée l'École des Langues orientales (10 germinal an III-27 mars 1795).
L'art. 4 porte: « Les... professeurs composeront en français la grammaire des langues
qu'ils enseigneront » (Guill., o. c, Conv., t. VI, p. 21).
2. Une preuve entre plusieurs de la résolution qu'on maintenait de n'admettre
point d'enseignement en latin, c'est le refus que le Comité oppose aux Administrateurs
de Strasbourg qui demandaient d'attacher à l'École de Santé un jeune Danois, nommé
Ahrend. Le Comité passa à l'ordre du jour : « La République ne peut... employer des
individus qui ne parlent pas sa langue, la seule admissible l'enseignement dans les
Ecoles de Santé » (Guill., o. c, Conv., t. V, p. 191).
pour
COMPENSATIONS 321
compté sans aucun doute sur les écoles primaires pour assurer les
connaissances préalables, en particulier pour familiariser tous les
enfants avec la pratique de la langue.
Il n'en est pas moins vrai qu'on méconnaissait une vérité procla-
mée depuis Rollin, et que les éducateurs des premières assemblées
avaient défendue avec force : la nécessité d'apprendre le français
« par principes ». Et, pour renier cette
doctrine, on choisissait le
temps où on renonçait à l'enseignement obligatoire du français dans
les écoles primaires !
CHAPITRE VII
ACTES ET PAROLES.
— Malgré tout, la période de l'action énergique
était passée. Je ne connais aucune mesure par laquelle le gouver-
nement ait essayé vraiment d'aider à la diffusion de la langue na-
tionale. De temps à autre la doctrine s'affirmait et c'était tout.
Ainsi le collège de l'Égalité, rue Saint-Jacques, avait été baptisé
Prytanée français par le ministre, le 16 thermidor an VI (3 août
1798). Il avait pour directeur Champagne, et calquait en général
son enseignement sur celui des Écoles Centrales 5. Mais des cor-
rections importantes avaient été faites au programme. Lors de la
distribution des prix, le 7 fructidor an VII (24 août 1799), en présence
du nouveau ministre Quinette, Champagne prononça un discours 6 où
(Metz, 24 mai 1797, an V. Ib.). Cet évêque sait lui-même fort mal
et Luxembourg »
le français.
3. Etat du 1er fructidor an VI (18 août 1798) dans May o. c. ,
4. Rapport de Saulnier le jeune (frim. an VIII) Id., ib.,p 66. p 66
5. Voir Aulard, Paris... t. V, p. 27 ; cf. p. 405, 435.
6. Paris, Bertr. Quinquet, an VII. Voir p. 16.
LE DIRECTOIRE. — INDIFFÉRENCE ET VEULERIE 325
VITESSE ACQUISE.
— Là où les choses allaient, elles allaient de la
vitesse acquise. Dans le Midi, des administrations continuaient à
rechercher des instituteurs ayant une connaissance sérieuse de la
langue nationale. En l'an VI, l'administration centrale du Var estime
que les instituteurs doivent parler correctement la langue française
et être exempts de toutes locutions vicieuses (22 pluviôse—8 février) 2.
A Bayonne, le Commissaire du pouvoir exécutif fait des recomman-
dations à ce sujet (avril 1796) 3.
Quand il y eut des préfets, ils n'eurent pas tous besoin d'être
stylés. Certains gardaient la tradition, ainsi Laumond, du Bas-Rhin.
En réorganisant ses écoles, il n'avait garde d'oublier la chose prin-
cipale, à savoir la diffusion du français. Il tenait à ce que ses
maîtres l'enseignassent « autant que les localités le permettraient ».
Il avait seulement tiré une leçon de sagesse des années où l'on
— Trois sections,
FAVEUR DONT JOUIT LA GRAMMAIRE GÉNÉRALE.
juinais qui fournit le plus bel exemple du croyant pour qui cette
étude était le mode essentiel de formation de l'esprit à la pensée et
au raisonnement 1.
par
et Cie an XI
avec une longue lettre de Sicard, Secrétaire de la Classe de Littérature et Beaux-Arts
de l'Institut, datée de pluviôse an XI. Il
ne semble pas, à en juger l'échantillon
GRAMMAIRE GÉNÉRALE ET GRAMMAIRE FRANÇAISE 335
1. Voir Bull. Soc. d'Etudes des Htes-Alpes, t. XI, 1892, p. 227 et Nicollet, Notice
historique sur l'Ecole Centrale de Gap (1796-1804).
Histoire de la langue française. IX. 22
338 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
OBSERVATIONS DE L'ADMINISTRATION.
— Il semble bien toutefois que,
jusqu'à la fin, l'Administration centrale ait cherché à s'opposer à
cette déformation, et tenu à conserver au cours de Grammaire géné-
rale le caractère d'un cours de philosophie 2. Était-ce là désir de
répandre des idées philosophiques en accord avec la politique reli-
gieuse du Directoire ? En tous cas, si on s'en fie au rapport que
nous avons cité, les professeurs qui se bornent à enseigner la gram-
maire française n'ont pas l'air d'être bien vus en haut lieu. Le rap-
porteur dit même textuellement qu'ils n'ont pas compris le but de
leur cours. François de Neufchâ*teau, Quinette, leur recommandent
successivement de ne pas perdre de vue l'objet propre de la chaire.
Ce dernier finit par préciser.
Dans une circulaire du Ve jour complre de l'an VII (21 septembre
1799), il se reporte à la circulaire de Fr. de Neufchâteau du 20 fruc-
tidor an V (6 septembre 1797), et ajoute : « Ne sachant pas com-
ment vous envisagez l'ensemble de votre cours, je vous ferai ici
quelques observations que je crois utiles, parce que je m'aperçois
que plusieurs Professeurs de grammaire générale n'ont pas vu toute
l'étendue de l'enseignement dont ils sont chargés : ils se croient
bornés à la grammaire, et c'est à tort.
« Le nom de
grammaire générale donné à la chaire que vous occu-
dans la grammaire générale qui les attend pour cet effet à la fin,
de la carrière. A l'égard des règles les plus faciles et des formes
particulières de la langue française, outre qu'il est à présumer que
désormais l'élève n'arrivera guère à l'époque de son admission aux
écoles centrales sans cette étude préliminaire, qui ne scait qu'elles
se combinent nécessairement avec les élémens des langues an-
ciennes, et que la première attention d'un professeur, est d'en faire
observer les rapports et les différences » ? Tout cela n'était vrai
1
qu'en partie 2.
1. Rec. des disc. et des prix de poésie... Imp. du Dépt, an VII, p. 31-33.
2. Cyprien Godfroy, professeur de Grammaire générale, à l'Ecole Centrale de
Metz, juge mieux la situation. C'était un ancien lazariste, né à Briey en 1760.
En octobre 1797, en réponse à une circulaire du Ministre de l'Intérieur (20 fruct.
an V-6 sept. 1797), il dit que, dans la plupart des écoles, les professeurs de Grammaire
générale, de langues anciennes, d'histoire et même de belles-lettres n'ont que point ou
peu d'élèves. Il ajoute qu'il faudrait d'abord apprendre la grammaire qu'on ne sait
pas, et qu'ensuite seulement on pourrait envoyer les élèves au professeur de langues
anciennes : « L'on n'auroit plus à faire aux Ecoles centrales ce reproche trop fondé
qu'on ne peut y apprendre ni français ni latin ».
CHAPITRE IX
DÉVELOPPEMENT DES ÉCOLES CENTRALES
AN V AN VI AN VII
Ain 5 4
Aisne.
... (16-28)1
10
(14-16)
42
Allier.
...
Hautes-Alpes..
1
10
(13-18)
7
8
13
(13-16)
14
(14-22) (18-20) (15-19)
Ardennes. 10 5 -+- 3 7
. .
Aube.
. . .
peu d'élèves 17 30
(14-22)
Bouches-du-
Rhône. 00 00 00
. .
Calvados. 10 à 18 20 26
. .
Côte-d'Or. 75 96 133
. .
Creuse.. 404 7 4, 12, 15
. .
(12-15) (16-17)
40
Doubs.
...
Gard. . . .
Haute-Garonne.
12
12 à 18
20
15
12 à 18
20
12 à 18
30
Gers.
Hérault.
... (10-15)
5 ou 7
(16-18)
(10-15)
6 ou 7
(16-18)
(11-19)
5 (même âge)
2006
. .
Ille-et-Vilaine. 20
(16-22)
Indre-et-Loire. 3
Isère.
... 10 5
(14-16)
7
Jura.
Landes..
... (16 et plus)
15
(16-20)
23
24
(16)
32
19
(17-25)
46
. .
(14-18)
Loire.
. . .
10 10 12
(12-14) (13-15)
1. Les chiffres de la seconde ligne, entre parenthèses, indiquent l'âge des élèves.
2. Pour les principes généraux, 14 pour l'application à la langue française.
3. En l'an VI, il (le professeur) a donné des leçons de grammaire française à
dix élèves.
4. « Par le beau temps ».
5. 25 après la conscription.
6. 75 écrivent sous la dictée. En l'an VI, l'école de l'Hérault avait 80 élèves en
Grammaire générale, d'après les sources consultées par A. Duruy.
346 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
AN V AN VI AN VII
Haute-Loire. 22 à 28 36
. (12-18)
(12-17)
Loire-Inférieure. 8 à 10 15 à 20 20 et même 30
(16-25)
Loiret.
Lot
... 33
6
(19-40)
30
(20)
28
3
(13-18)
Lot-et-Garonne. 6 15
(16-18) (16-18)
Lozère.. 12 12 1
. .
(9-13) (10-14) (12)
Manche. 30 30 30
. .
(14-20) (14-20) (14-20)
Marne.. 6 12 29 à 20
. .
Haute-Marne.. 11 13 12
(13-15)
Mayenne. 18 30
. .
(15-17) (15-17)
Meurthe. 1 4 14 1
. .
Meuse.
Morbihan.
... (16) (16-22) (16-24)
5
(12-18)
12
. .
Moselle. 40 40
Nièvre.. . .
4 13 22
. .
Nord.
Orne. .
... (15-18)
5
(16-25)
(14-19)
10
(16-25)
(14-18)
17
(16-25)
Pas-de-Calais.. 26 22
(16-19-27)
Basses- Pyré-
nées.. 15 à 18 15 à 18 10
. .
(12-211) (12-20) (16-20)
Bas-Rhin. 6 20 45
. .
Haute-Saône. 3 4 6
.
(16 et au-dessus)
Sarthe.
Seine.
...
Saône-et-Loire. 5
8
10
15
18
7
(12-17)
École du Pan-
. .
21
théon.
3 12 à 16 École de la rue
(12-13) (14 et plus) «Antoine».
1. 9 après la conscription.
DÉVELOPPEMENT DES ÉCOLES CENTRALES 347
AN V AN VI AN VII
Seine-Inférieure. 5 14 25
(16-21) (22-13) (14-20)
Seine-et-Marne. moins moins 00 En l'an IV:
Deux-Sèvres. .12 (17-20)
15
(17-20)
27
(19-21)
25 élèves.
Somme. 12 15 17
. .
(13-15) (13-16) (13-18)
Var 131
Vaucluse. 8 18 21
. .
Vienne.
. .
18 37 65 En l'an IV:
12 élèves.
Haute-Vienne. 10 13 14
(12-15)
Yonne.. 12 15 19
. .
(13-17) (13-18) (14-18) 2
1. En outre, une fois renseignés sur le nombre des élèves, on voudrait aussi et sur-
tout connaîtreleur valeur. Des cahiers de professeurs nous sont parvenus. Il faudrait
voir des cahiers d'élèves. Il en reste certainement dans les archives départementales et
privées ; ils méritent d'être exhumés.
2. Meiners trouvait que la langue française était négligée à l'École Centrale
(Beschreib. einer Reise, p. 170-171): « On m'a affirmé, dit-il, que certains élèves
n'arrivent pas à écrire cette dernière sans grosses fautes d'orthographe » (Reuss, Gymn.
prot., p. 232).
348 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Sur les Bibliothèques fondées par la Révolution, voir dans Gautier, Nos Bibl.
publiques, p. 20 et suiv. des renseignements très sommaires.
La création d'une Commission chargée de veiller à la conservation des monuments
des arts et des sciences remontait au mois de novembre 1790. On trouvera dans la
notice de Camus des indications détaillées sur cette commission, sa composition et son
fonctionnement. Comme nous l'avons dit plus haut, une section spéciale du Comité
d'instruction publique, nommée le 10 novembre, eut la mission de s'occuper de toutes
les questions relatives aux bibliothèques et aux monuments (Guill., o. c., 4e séance,
p. 13, note 5).
2. La bibliothèque de Porrentruy était ouverte tous les jours quintidis et décadis,
exceptés de 10h à 12 et de 3 à 5 (Arch. N., F17 13178, doss. 46).
3. La bibliothèque formée à St-Lô conformément à la loi de pluviôse an II contenait,
en brumaire an IV, 15000 volumes.
4. En général, elles étaient malheureusement très pauvres en ouvrages d'histoire, de
littérature et de sciences exactes (Voir Laumond, Statist. B.-Rhin, p. 39).
CHAPITRE X
— Dans l'enseignement
ETAT MISÉRABLE DES ÉCOLES. TÉMOIGNAGES.
primaire, même à Paris, l'école — qu'on ne peut plus appeler école
d'Etat, puisque l'Etat ne la payait plus, — l'école publique, pour
mieux dire, luttait péniblement contre une concurrence victorieuse.
Les administrateurs du département le reconnaissent 1.
Dans le reste de la France, la situation était lamentable. « Vous
appercevrez, disait Barbé-Marbois, en ventôse an IV, quelques
écoles éparses à des distances incommodes pour l'enfance, et
sur-tout pendant l'hiver. Les élèves y viennent, mais en très-petit
nombre, parce que les circonstances retiennent aux travaux tous
ceux qui peuvent y être employés avec un commencement d'utilité.
La chambre où le maître donne ses leçons est ordinairement
humide, sans plancher, mal éclairée, et la cherté de toutes choses
empêche les élèves d'être suffisamment pourvus de ce qui est néces-
saire à leur instruction. Les maîtres sont peu assidus, parce que,
fort mal payés, il faut qu'ils exercent en même temps une autre
profession, et qu'ils cultivent, pour vivre, ou leur jardin ou leurs
portions communales ; ils remplissent leurs fonctions de la manière
la plus indépendante ; et les officiers municipaux des campagnes
n'ont pu se persuader encore que la surveillance de l'éducation leur
étoit attribuée. Ces maîtres sont réduits à la moitié, et peut-être
au tiers du nombre ancien ; et de jour en jour il est plus difficile
de remplacer ceux qui viennent à manquer. Le nombre des enfans
qui sortent de ces écoles, instruits dans l'art d'écrire et de calculer,
n'est pas aujourd'hui égal à la moitié de ce qu'il étoit autrefois.
1, Dans un rapport sur sa gestion de l'an V, le commissaire du Directoire donne,
pour l'an VI, cette statistique sommaire : « Il existe dans le département de la Seine
plus de 2000 écoles particulières et 56 écoles primaires seulement ». Dans un autre
compte rendu pour l'an VI, les administrateurs de la Seine disent : « Il y a des cantons
où elles (les écoles primaires de l'Etat) n'ont pu se bien organiser ; d'autres même où
il n'y a pas d'instituteur et d'institutrice, par le grand nombre de maîtres particuliers
qui s'y sont fixés « (Aul., La politique scolaire du Directoire, dans Revue bleue,
12 mai 1900).
350 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
4. Mentelle, Consid. gén. sur l'I. P., p. 19. Mentelle était professeur aux Ecoles Cen-
trales de la Seine.
2. Opinion sur l'I. p. dans les écoles primaires, Cons. des Cinq-Cents, 11 flor.
an VII, I. N., p. 21.
3. Arch. N., Fic III Nord, 7. Brumaire an VII. Dans Lennel, o. c, p. 400.
4. Colchen, Mém. Statist., p. 97.
5. Opinion, I. N., germinal an VII, p. 8.
352 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Opinion, p. 11.
2. Voir Buisson, Dict. péd., art. Lhomond.
3. Il m'a été impossible de retrouver ces éditions.
4. Rec. des Circ., t. I, p. 111.
5. Paris, Pougin, Plassan, Gide, 1795, an IV. Panckoucke, retard, avait néan-
en
moins été autorisé à soumettre son oeuvre (Guill., o. c. Conv. t. VI p. 567).
,
RÉCRIMINATIONS.
— Panckoucke, mécontent, malgré son respect
pour Lhomond, qu'on considérât une Grammaire faite pour des
enfants qui apprennent le latin comme vraiment adaptée à un rôle
tout différent, se plaignit à Lakanal par une lettre du 10 frimaire
an IV (1er décembre 1795).
Blondin, lui, avait antérieurement demandé au Comité d'Instruc-
tion publique: 1° Que sa méthode fût adoptée comme base élémen-
taire pour l'enseignement, tant du latin que des langues modernes ;
2° Que son nom fût inscrit sur la liste des récompenses ; 3° Qu'on
lui concédât un logement et une salle d'exercices au Louvre pour
applications au tableau ; 4° Qu'on lui accordât un secours pour lui
faciliter l'impression, tant de ses grammaires en différentes langues
que de son Dictionnaire prosodique des mots de la langue française
qui ont le même son (6 thermidor an III—24 juillet 1795). Le Comité
le fit inscrire sur la liste ; il avait renvoyé son Précis au jury des livres
élémentaires et ajourné ses autres demandes 1. Après le jugement
rendu, il ne se tint pas pour battu, et protesta. Le Musée pédago-
gique possède une plaquette rarissime2: Au Conseil des Cinq-Cents.
Observation que soumet le cn Blondin... sur l'article du rapport... du
Jury... L'auteur s'étonne que sa méthode n'ait obtenu que le 3e rang
et ne soit pas parmi les livres à imprimer aux frais de la République.
A dire vrai, l'idée de livres élémentaires, comme tant d'autres,
survécut au concours. Domergue, en l'an V, essaie de présenter son
ouvrage, la Prononciation françoise, comme répondant au type qu'il
faudrait : « Cet opuscule... est, dit-il, un véritable LIVRE ÉLÉMEN-
TAIRE: sorte d'ouvrage dont il n'existe pas peut-être de modèle, et
dont l'essence est de présenter sous une forme simple, de mettre à la
portée de l'enfance ce que la philosophie a de plus exquis... Le simple
savant, le simple praticien, font également mal un livre élémen-
taire ; le premier ajuste des ailes à un enfant, dont la foiblesse le
retient à terre ; le second lui met un bandeau sur les yeux, et le
pique de toutes les épines que son imprévoyance n'a pas écartées.
On ne peut exceller en ce genre, sans la réunion, dans le même
homme, du philosophe, qui conçoit, et de l'instituteur, qui exécute »
(306-307).
— Cette étude
TRANSFORMATION GÉNÉRALE DES ÉCOLES ET DES
LIVRES.
ne peut pas se terminer sans une remarque très importante. Une
des causes de l'état misérable des écoles publiques, c'était le déve-
loppement des écoles privées.
Il est à peine besoin de citer des établissements parisiens bien
connus, célèbres même, tels que le Lycée des Arts. Il s'était ouvert
au milieu de 1792, sous les auspices de la Société philomathique1.
Son créateur était Gaullard de Saudray. Ouvert solennellement
après la fin de la Législative, sous la présidence de Fourcroy, il
était installé dans le cirque du Jardin-Égalité, et avait, outre une
immense salle de réunion, des salles de cours, des salons, une
bibliothèque, et jusqu'à des bains et un restaurant.
Toutes les leçons y étaient gratuites, et il faut signaler qu'en
patriotes, les dirigeants avaient entendu se mettre à la portée de
tous, en ouvrant des classes primaires. Il servit grandement les
industries de guerre et l'industrie en général, soutenant et récom-
pensant les inventeurs, organisant des expositions, professant infa-
tigablement les sciences pures et les sciences appliquées. Lors de
la création de l'École Normale, il ouvrit dix cours dialogués où il
offrit aux élèves six cents places gratuites.
Sans être un établissement public, le Lycée des Arts obtint, grâce
à Grégoire et à Lakanal, d'être subventionné en échange de sa
coopération. Mais après un incendie qui le priva de son local,
l'établissement successivement transporté à l'Oratoire et à l'Hôtel
de Ville, dut se transformer. Les cours cessèrent. Le Lycée ne fut
plus qu'une Société d'encouragement.
Pendant ce temps, le Lycée de Pilâtre existait toujours. Il avait
seulement — après épuration — ajouté à son nom l'épithète de
1. Voir un article de Berthelot dans le Journal des Savants (août 1888) ; cf. Dejob,
L'instr. publ. en Fr., p. 156.
360 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Il ne semble pas qu'avant 1794 il ait donné Cours suivi. En 1796, son cours
a cessé. Les séances reprennent en l'an IX (1800).
un
2. Voir Coup d'oeil du Lycée de la Jeunesse, Paris,
frimaire an VII p 7-8
LES ÉCOLES PRIVÉES S'ADAPTENT AUX NOUVEAUX BESOINS 361
1. Arch. N., Ecoles libres particulières, sans date, ADVIII 29, p. 5, VIIIe pièce.
2. Arch. N., ADVIII. 26.
3. C'est le même plan que dans l'ancienne école des Jeunes Français.
4. Aul., La Pol. scol. du Dir., dans Revue bleue, 12 mai 1900.
362 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Arch. N., ADVIII, 29, p. 2. Le directeur, tout en arborant son titre, se « défie de
l'obscur néologisme de l'Ecole dite Normale ».
2. Arch. Dép., L. T. 1024, dans Lennel, o. c, p. 66.
3. Voici la lettre où Fritz communique ses intentions: « Barr, den 2. Germinal, II.
364 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Jahr der französischen Republik. Mitbürger, Maire und Municipalbeamte, Ich gedenke
die Erlaubnis zu benüzen, welche das Gesetz vom 29. Frimaire (19. Dezember) jedem
guten Bürger ertheilt, der Republik durch Bildung guter und aufgeklärter Bürger und
Bürgerinnen nüzlich zu werden.
« Ich gedenke Schulen fur Söhne und Töchter von eilf Jahren und drüber zu eröffnen
und ihnen über folgende Gegenstände Unterricht zu ertheilen : Anfangsgründe der fran-
zösischen und teutschen Sprache, die Constitution, die wichtigsten Lehren der Weisen
aller Völker und Zeitalter von Gott und den Pflichten der Menschen, das Gemeinnü-
tzigste aus Erdbeschreibung, Völkergeschichte, Naturkenntniss, Rechnenkunst und
Schönschreiben.
« In meinem ganzen Unterricht werde ich den patriotischen Sinn, die warme Liebe
fur Tugend und die Aufklärung zu meinem Augenmerk machen, wodurch der Mensch
der Freiheit würdig und empfänglich wird, wodurch das öffentlicheWohl befördert und
häusliches Glück möglich wird » (Hecker, Die Stadt Barr von der französischen Revolu-
tion bis auf unsere Tage. Strasbourg-Colmar, 1911).
1. 10 floréal an IX—30 avril 1801. Pour l'inauguration du Gymnase littéraire et des
arts de Versailles. Imp. Locard fils.
LIVRE IV
LES FÊTES, LES CULTES ET LE FRANÇAIS
CHAPITRE PREMIER
ORGANISATION OFFICIELLE
ABOUTISSEMENT TARDIF.
— Après thermidor, certaines manifesta-
tions n'avaient plus aucune chance de se renouveler. D'autres ne
pouvaient retrouver leur ancien éclat. L'autel de la Raison gisait à
terre, et le culte de l'Être-Suprème ne pouvait continuer, quoiqu'il
traduisît des sentiments qui étaient ceux d'une grande partie du
peuple français. Il avait été frappé à mort par le patronage du
«tyran »1. Malgré tout, la confiance des Gouvernants dans l'effet
d'édification produit par les fêtes n'était nullement ébranlée. On
pourrait même dire que les républicains, au fur et à mesure qu'ils
se désabusaient de l'illusion que les lois suffisent à changer les
hommes, ne mettaient que plus d'ardeur à agir sur les esprits par
une propagande éducative, capable de déterminer la masse à suivre
la direction qu'on lui donnait 2.
Le Ier nivôse an III (21 décembre 1794), Marie-Joseph Chénier
avait déposé son rapport au nom du Comité d'Instruction publique ;
le 9, la Convention provoquait les projets en vue d'une organisation
régulière des fêtes publiques. Les projets vinrent en foule, mais
rien de définitif ne fut fait. Le décret du 18 floréal ne fut même pas
rendu exécutoire. C'est seulement à la veille de sa séparation, le
3 brumaire an IV (25 octobre 1795), que la série légale des fêtes
1. Voir sur ceci et sur tout ce qui suit l'exposé magistral de Mathiez. La Théophilan-
thropie... p. 23. Cf. Guill., o. c, Conv., t. I, p. 535, 556; t. II, p. 113; t. III,
p. 508 ; t. V, p. 273, 337, 457.
2. Grégoire note déjà que « les motifs qui avaient servi de prétexte à la création des
fêtes décadaires subsistaient ou plutôt qu'ils se développaient avec plus de force ».
(Mathiez, Théoph., 25.)
366 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
LA THÉOPHILANTHROPIE.
— Le culte le plus important fut celui des
Théophilanthropes. Il a tenu plus de place et eu plus de succès qu'on ne
l'a dit. Les recherches modernes l'ont bien montré. Le mémoire
retentissant de La Reveillère-Lépeaux, lu devant l'Institut dans la
séance du 12 floréal an V (1er mai 1797), en était l'apologie. Leclerc
proposait une sorte de liturgie (Mathiez, Théoph., p. 153). L'insti-
tution eut l'appui de l'État, malgré l'opposition de Carnot et de
quelques clairvoyants, et, après fructidor, fut appelée par son pontife
à « modifier la substance de l'homme », simplement. La théophi-
lanthropie a groupé des hommes très distingués et attiré beaucoup de
ces déistes dont l'époque fourmillait. Elle fit son entrée solennelle
dans les églises, qu'elle partagea souvent avec les
« frères catho-
liques ». Elle eut même ses écoles
— avec enseignement de la
grammaire française — et on put croire un moment qu'un grand
avenir lui était réservé.
TRIOMPHE DU DIMANCHE.
— De plus en plus le dimanche triom-
phait. Malgré tous les efforts du gouvernement et de ses agents, les
masses rurales préféraient « la messe et le chapelet » à la lecture des
lois et des actes, et la Légende dorée aux relations des victoires. La
République était dépopularisée.
Dans les communes rurales, les réunions décadaires sont nulles,
écrivait le Commissaire central de l'Aube4. Dans les campagnes,
reprenait celui des Landes, on ne les célèbre jamais.
On avait espéré y intéresser les familles en fixant au décadi les
mariages civils, occasion naturelle de réunions joyeuses. En fait,
on obligeait par là les familles et leurs invités à des dépla-
cements gênants, et quelquefois coûteux, auxquels l'édification ne
CHAPITRE PREMIER
1. Jullien, Adresse, p. 6.
2. Un citn de la Soc. pop. de Chal. s. Marne
aux Jacobins de Paris, 13 prairial an II
dans Aul., Soc. de Jacob., t. VI, p. 164.
3. Aul., Le Cult. de la Rais., p. 150.
EN FAVEUR DE LA LANGUE NATIONALE 373
LE CONCILE NATIONAL
rement la paresse de l'homme. On ne saurait croire combien, déja, ses progrès sont
rapides, même dans la classe du commun du peuple » (p. 6).
1. On remarquera que l'auteur, qui est à Bayonne, ou de Bayonne, ne fait pas la
moindre allusion au dialecte local. Il accepte sans réserve la thèse de la langue une.
2. Bibl. de la Soc. des Amis de P.-R. Cf. « Ces mêmes demandes, réitérées au
Concile national, de différentes parties de la République, et notamment dans une lettre
des ecclésiastiques d'Autun, mon diocèse natal, et la manière dont le concile les
accueillit, m'ont enfin engagé à m'en occuper plus sérieusement depuis trois ans, et à y
procéder par principes » (Dissert., p. 30).
3. Un bref résumé de ce qui suit se trouve dans Actes du second Concile National,
Paris, an X, t. III, p. 201-204,
4. Elle était composée de Grégoire (Evêque de Blois), Royer (Evêque de Belley),
Daire (Proc. de l'Ev. du Puy), Juglar (Proc. de l'Ev. de Digne), Servois (Proc. de
l'Ev. de Mandes) (sic).
5. Procès-verb. ms., f° 34 v°, Coll. Grég., Bibl. de la Soc. des Amis de P.-R.
376 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Art. III. Dans la rédaction d'un rituel uniforme pour l'Eglise gal-
licane, l'administration des sacremens sera en langue française : les
formules sacramentelles seront en latin.
Art. IV. Dans les diocèses où des dialectes particuliers sont en
usage, les pasteurs sont invités à redoubler leurs efforts pour ré-
pandre la connaissance de la langue nationale »1.
Comme on voit, pour favorable qu'il fût au principe que la liturgie
doit, autant que possible, associer l'intelligence des fidèles au sens
des prières et des cérémonies, le Concile ne prit que des demi-
mesures. Encore celles que prescrivait le second décret n'avaient-
elles été discutées, semble-t-il, ni en commission, ni en séance.
Il n'y a aucun doute que le meneur dans toute cette affaire avait
été le président de la Congrégation, Grégoire.
Je ne crois pas que Grégoire fût le moins du monde le « com-
plice des protestants ». Mais il est incontestable que ceux-ci avaient
saisi au vol ses propos et qu'ils les avaient accueillis avec joie.
Blessig, son « digne ami » de Strasbourg, s'en est plusieurs fois entre-
tenu avec lui. Déjà le 3 pluviôse an III (22 janvier 1793), il lui écrit :
« J'ai distingué... avec une vive satisfaction dans ton discours l'ex-
pression: de « prières en langue étrangère » 2. Le 27 ventôse (17 mars
1795), il rapporte à Grégoire ses impressions sur une fête : « J'ai
conjuré les larmes aux yeux les protestants et les catholiques qui
furent présents, de bannir à jamais tout esprit de parti, tout senti-
ment haineux, et tout morcellement de secte que pourroient occa-
sionner des vues honteuses d'amour propre, de ressentiment,
d'arrogance, de cupidité ou de fanatisme... Ai-je tort, mon res-
pectable ami, si je m'attends à entendre bientôt parler de vos
offices, hymnes et liturgies en langue française ? » 3 Le 27 germinal
an IV (16 avril 1796), nouvelle lettre : « Vous le dirai-je cependant?
et vous voulez que je le dise : Votre sévérité envers les prêtres
mariés et votre indulgence pour quelques rits, dont vous-même
sembliez desirer la réforme, comme par exemple l'usage liturgique
de la langue latine, ne m'ont point étonné à la vérité, car j'ai senti
la force des motifs et des temps, mais j'ai été affligé de voir que le
bien que vous desirez de faire ne peut point s'opérer encore » 4.
Grégoire fût allé beaucoup plus loin que ses confrères, si la majo-
rité y eût consenti.
C'était une des supériorités des cultes révolutionnaires, une de
1. Proc. verb. ms., 110 r° ; cf. Ann. de la Rel., t. VI, p. 82-83. Un troisième décret
ne fut pas publié.
2. Corr. Grégoire, Bas-Rhin, lett. 7. Bibl. de la Soc. des Amis do P.-R.
3. Ib., lett. suiv.
4. Ib., lett. suiv.
LANGUE FRANÇAISE
378 HISTOIRE DE LA
celles sur lesquelles comptaient leurs créateurs que cette faculté
le
pourfaire avec sagesse avec succès certains changemens (Ann. de la Rel., t. VII,
(p.
179-180). Brugière opineet que ce fut là
»
au
un contre-sens que la condescen-
contraire
rapporteurlui
dance
du
fait admettre pour ne pas effaroucher les dévots minutieux (Appel,
p.96).
a
LE CONCILE NATIONAL 379
« Voyez les versions de la Bible chez les protestants. Sans cesse ils
sont obligés d'y retoucher, et chaque nouveau traducteur met du
sien. Aussi combien ne diffèrent point entr'elles les Bibles luthé-
riennes, calvinistes, sociniennes, anglicanes, etc. Les liturgies de ces
différentes sectes ne se ressemblent pas davantage et ne demandent
pas moins souvent d'être retouchées. Aussi, dès qu'un protestant
e[s]t hors de son pays, il ne peut plus participer au culte public. Un
catholique, au contraire, n'est dépaysé dans aucune des contrées de
l'Eglise latine.
« Si les Grecs et les
Latins n'avoient eu qu'une même langue,
croyez-vous qu'il eût été aussi facile à Photius et à ses adhérents
d'entraîner toute l'Eglise greque dans le schisme, en attribuant à
l'Eglise latine des erreurs et des abus dont elle ne fut jamais cou-
pable ?
« Je vous le
dis franchement, je viens d'examiner de nouveau les
raisons pour et contre ce système. Les premieres ne m'offrent que
quelques petits avantages spécieux ; les secondes présentent des in-
convénients réels, nombreux, effrayants. Dans la jeunesse où l'on
doute peu, j'étois pour les traductions ; aujourd'hui, je rougis d'avoir
été séduit par des apparences si mensongeres. Tout changement
dans notre culte devroit être profondément médité, ne fut-ce que
par respect pour nos peres. Des chimeres, la plus dangereuse peut-
être, c'est celle du « parfaitisme ». Rien ne lui resiste. Par quelles
erreurs ou quelles folies d'abord, et ensuite par quels crimes, par
quelles horreurs n'a-t-elle point souillé notre revolution? Ne nous
exposons point à mériter les mêmes reproches que nous sommes fon-
dés à faire à nos orgueilleux philosophes. Défions-nous de l'épou-
ventable manie de tout innover. Comme le dit un penseur moderne,
n'ayons pas une confiance crédule aux figures tracées par la théorie,
ni un mépris inconsidéré pour les réalités gravées par l'expérience » 2.
L'EXÉCUTION DU DÉCRET
AUTRES LIVRES.— Il ne faudrait pas croire qu'il n'y eut pas d'au-
tres essais. On vit paraître des traductions des Offices: Vêpres du
Dimanche, traduites en françois. A l'usage des Eglises du départe-
ment de Rhône-et-Loire (S. l. n. d., 32 p.) 4.
1. Coll. Grég., t. 109, p. (17 ; 8 p. in-8°. Bibl. de la Soc. des Amis de P.-R.
L'EXÉCUTION DU DÉCRET 385
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE
1. Ann. de laRel., t. IX, p. 461. Voir [Brugière] Appel, p. 5. Il y eut un grand émoi
à l'évêché de Paris, et aux Annales. On arrêta l'impression.
2. P. 472. Un N. B. signale d'autres réclamations, celle de Poulard, curé d'Auber-
villiers, et celle de Capel, que le Concile a nommé à l'un des évêchés de Saint-
Domingue.
3. Voir Ann. de la Rel., t. X, p. 49. Autre titre Réfutation de l'opinion tendante à
:
introduire la langue vulgaire dans la Liturgie Gallicane.
4. « Leur dessein n'était point qu'on l'imprimât
comme réglement quelconque,
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE 387
encore moins qu'on le mît à exécution, sans concert, sans accord, sans examen préa-
lable, sans avoir consulté ni les évêques de France, ni même le clergé du diocèse, ce qui
n'est ni canonique, ni conforme au voeu du concile » (p. 49-50).
388 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Cf. Le Coz, Corr., t. I, p. 360. Depuis longtemps Le Coz, on l'a vu, était revenu
de ses illusions; dès l'an III, il proposait à Grégoire de retrancher le mot République
de l'encyclique des évêques réunis pour y substituer gouvernement (Mathiez, Théoph
p. 20).
2. Paris, Impr. Libr. chrét., s. d., in-8°. Le titre de départ porte le nom de
F. L. Ponsignon et la date du 22 octobre 1799.
On trouve page 33 : Observations du citoyen Ponsignon en réponse à l'Avis motivé
(cf. Ann. de la Rel, 14 janv. 1800, t. X, p. 49).
3. Je signalerai pourtant cette page curieuse : « Supposons que dans Église on
adminislre par an huit cents baptêmes (et cette supposition est constatée une
par l'expérience) :
chacun de ces baptèmes procure au moins trois témoins, le père communément, et tou-
jours un Parrain et une Marraine ; ce qui fait deux mille quatre cents témoins,
sans
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE 389
Écrivant à son collègue de Blois, le 21 brumaire
an VIII (12 no-
vembre 1799), Clément lui donnait des nouvelles des applications
du « gallicisme » dans son Diocèse : « Je vois par votre lettre du
17 brumaire que j'ai l'aventage (sic) de penser en beaucoup de
choses comme vous, spécialement sur l'usage de la langue vulguaire
(sic) dans l'Administration des Sacremens. Ce ne peut être que par
un concert de fait, que l'on puisse en introduire l'usage...
« Vous parlez des circonstances. Elles m'ont été parfaitement
favorables ici, et sans contradiction » 1.
Mais il importait d'agir sur l'opinion générale. Le Vicaire épis-
copal de Versailles avait préparé une réponse à ses contradicteurs.
Il suppliait Grégoire d'intervenir. Une première lettre est datée du
24 brumaire an VIII (15 novembre 1799) 2. Le 11 nivôse (1er jan-
vier 1800), nouvelle lettre au même « cher et respectable Évêque » 3.
compter les assistans qui sont quelquefois assez nombreux: accordons que, dans ce
nombre, il se trouve quatre cents chrétiens instruits et fervens ; reste deux mille qui
peut-être n'ont fait depuis long-tems d'autre acte extérieur de religion que celui-là. Si
vous récitez du latin devant eux, vous ne leur procurez aucune instruction ; vous n'excitez
en eux aucun sentiment ; ils ne savent ni ce que vous dites ni ce que vous faites ; souvent
même vous ajoutez à leurs préjugés et à leur esprit de dérision envers des cérémonies
sur lesquelles ils ont entendu jetter le ridicule. Mais prononcez du français avec la gra-
vité et le recueillement convenables, et vous exciterez dans les uns des idées de religion
qu'ils ne connoissoient pas ; vous réveillerez dans les autres des sentimens depuis long-
tems assoupis, ou du moins vous obtiendrez presqu'infailliblement une attention qui les
disposera à la décence extérieure ; et l'impie le plus déhonte n'aura plus de prétexte à
troubler vos fonctions par les sarcasmes et les objections contre un langage et des céré-
monies qu'il se plaignoit de ne pas comprendre » (Apologie, p. 52).
1. Lett, ms., Corr. Gréq., Bibl. de la Soc. des Amis de P.-R.
2. Ces lettres, manuscrites comme la précédente, sont conservées dans la Correspon-
dance de Grégoire. « Au citoyen Grégoire, membre de l'Institut National, rue Saint-
Guillaume, Faube Saint-Germain, Paris. Etes-vous de retour à Paris?... votre voiage
qui a été sans doute bien agréable a ceux que vous avez visités ne l'a gueres été pour
moi; votre absence [m'] a laissé seul en butte aux attaques d'un parti qui vous poursuit
sous mon nom et qui voudrait pouvoir anéantir un ouvrage que je n'ai entrepris que
sur votre invitation. Je ne vous parlerai que de la Lettre du presbitère de Paris insérée
dans la dixième livraison des Annales, et qui n'est qu'une satyre personnèle ou nulle
vérité, nulle décence n'est respectée : j'y ai préparé une réponse que M. l'Evêque
d'Amiens m'a promis de publier dans les Annales. Mais je voudrais au préalable vous en
faire ainsi qu'à lui une lecture particulière ; il faudrait donc que je fusse assuré de votre
retour a Paris, et que je pusse obtenir de vous deux une heure d'audience determinée.
Des apologies que je n'attendais pas avaient précédé les satyres que je prévoiais et
servaient d'avance à m'en consoler, il était du droit naturel d'opposer l'éloge au blâme
et la défense à l'attaque ; j'avais remis à M. l'Evêque d'Amiens des extraits de ces apo-
logies, il m'avait promis d'en faire usage dans les Annales et jusqu'à présent rien n'en
a paru.
« Serais-je donc réduit a me croire abandonné par ceux mornes dont j'ai rempli
les
intentions avec le plus grand zèle ? devrai-je dire après une année de veilles et de tra-
vaux : « frange miser calamos, vigilataque proelia dele ». Cette letlre se termine par une
phrase d'espoir : « Mais je compte sur votre fermeté à suivre un dessein si utile a la religion,
si canonique dans son principe, si indispensabledans les circonstances presentes et qui, s'il
était rejette aujourd'hui, le serait peut-être encore pour des siècles. Salut plein d'un
tendre et respectueux dévouement ».
3. « Votre nouvelle dignité (Grégoire venait d'être élu Membre du Corps Législatif)
n'empechera pas sans doute que vous ne daigniez continuer a proteger et a diriger mes
390 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
des catholiques est beaucoup moins instruit de sa religion que le commun des protes-
tants ne l'est de la sienne ; la raison en est toute simple : « Les protestants célèbrent
leur culte en langue vulgaire ».
1. L'ouvrage se termine après un appel pathétique, par la reproduction de la Lettre
de Ponsignon, du 1er thermidor an VII (19 juillet 1799).
Le Mémoire apologétique de P. Brugière, publié en l'an XII après la' mort de l'auteur
(15 brumaire an XII-7 nov. 1803), reprend naturellement toute la discussion (p. 63 et
suiv.). J'en citerai seulement cette boutade : « faire parler français à des Français,
lorsqu'ils parlent à Dieu; faire chanter en français, des Français, lorsqu'ils chantent les
louanges de Dieu, n'est-ce pas le comble du ridicule, l'ultimatum de la déraison? On
serait tenté de croire que, par une singularité bien autrement singulière, ces judicieux
Aristarques pensent que Dieu n'entend pas le français » (p. 63).
2. Remarques sur la réponse du citoyen Ponsignon à l'Avis motivé, Paris, Baudelot et
Eberbart, s. d., in-8°. L'opuscule se termine par une bibliographie des ouvrages où la
même question a été antérieurement discutée.
392 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
GRÉGOIRE DONNE.
— L'évêque de Blois n'était pas de ces hommes
qui abandonnent les causes compromises. Nous sentons, disait-il,
ce
que vaut « la cause si intéressante que nous soutenons et. que nous
nous féliciterons toujours d'avoir soutenue; parce que nous sentons
tout le prix de la grâce que Dieu nous fait d'en connoître l'im-
portance, et de la soutenir pour le bien de son Eglise » 2. Il lança
un vrai plaidoyer 3. Son opuscule n'est certes pas un chef-d'oeuvre
littéraire. Grégoire ne s'est pas occupé d'y mettre de l'art, il ne
cherche même pas à composer. Il voulait agir, non plaire. Mais
c'est une oeuvre forte et qui porte.
Tous les arguments que le bon sens et l'érudition combinés pou-
vaient fournir en faveur de sa thèse, l'auteur les a, comme on pense,
trouvés et produits, sans aucun de ces écarts de langage ou de ces
formules emphatiques qui déparent certains de ses rapports et
discours antérieurs. On sent que de grands sentiments l'élèvent au-
dessus de la polémique : le respect de ses frères dans l'épiscopat,
le désir de ne pas diviser l'Église, une volonté de progrès dégagée
des routines, mais qui se garde de condamner ou de maudire le
passé, des regrets du temps perdu qui ne tournent jamais au dédain.
Mais surtout, d'un bout à l'autre, éclate un amour profond des
fidèles, un dévouement manifeste aux plus humbles, pour tout dire,
une vertu d'apôtre qu'aucune menace n'a effrayé, qu'aucun coup
n'a abattu, qui continue son rêve de fondre le christianisme et la
Révolution, malgré l'orage qui vient de passer et la menace qu'il
sent venir, où va périr l'Église dont il est le chef.
1. Corr. Grég., Seine-et-Oise. Bibl. de la Soc. des Amis de P.-R. Dans leur numéro
du 31 juillet 1799, les Nouvelles Ecclésiastiques avaient reproduit la lettre de Ponsi-
gnon du 14 thermidor an VII (19 juillet 1799). Le 3 juillet 1800, le même journal
insérait la lettre de Le Coz, puis la Dissertation sur la célébration de l'office divin. Son
avis donné en termes fort modérés, était très net : « l'évêque de Versailles peut avoir
mal fait d'agir seul dans un cas où le concert paroissoit nécessaire : mais du moins ce
qu'il a fait est une chose, qu'il seroit à souhaiter que tous les Evêques du monde
s'accordassent à vouloir faire comme lui » (p. 54).
2. Avis au lecteur, p. 7 de l'ouvrage cité ci-dessous.
3. Voir Réclamations des fidèles catholiques de France au prochain Concile National en
faveur de l'usage primitif de la langue vulgaire dans l'administration des Sacrements
et la célébration de l'office divin Contre l'Avis motivé, etc.. publié dans les Annales de
la Religion, t. X, p. 49, pour servir de suite à la Dissertation publiée depuis peu sur la
même matière... [Par l'abbé H. Grégoire]. Paris, Brajeux, 1801, in-8°, VIII-159 pages.
B. N., 8°, Ld-4 5479. C'est sans doute ce livre qu'annonçait Grégoire quand il disait
dans les Actes du second Concile National III, 204, an X, « il y a du neuf à dire pour
[la francisation], et le rédacteur du compte-rendu des évêques espère le prouver en
publiant sur cet objet son ouvrage présenté au Concile National de 1797 ».
394 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Cf. « Nous avons des livres, nous disent-elles (les personnes pieuses), mais qui,
nous ? Vous etes en quelques endroits un seul sur cent qui en avez, en d'autres un sur
mille ; lesquels ou ne savent pas lire, ou par défaut de goût ou de
livres. Vous vous nourrissez donc, vous? je le suppose; mais tant moyens n'ont pas de
d'autres meurent
faute de manger, et cela vous est indifférent ! Est-ce donc là votre charité ? elle n'est
pas catholique » (p. 63).
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE 395
blique et l'Empire; ainsi que l'ont été en 1783, les différents traités
qui pacifièrent les deux mondes, ainsi que le furent en 1774, le
traité, entre les Russes et les Turcs, à quoi M. de la Harpe fait
allusion par ces vers :
Des intérêts des Rois, votre langue est l'arbitre;
Disputant contre Orlof, l'orateur du Divan,
Osman plaide en français les droits de son Sultan ;
Et dans Foksani, le Turc et la Russie
Décident en françois du destin de l'Asie.
1. « En quelle langue... les apôtres et les hommes apostoliques ont-ils établi partout la
célébration du service divin ?... L'ont-ils établie en latin? Oui, mais non pas par-tout. En
grec? Oui, mais non pas par-tout. En syriaque? Oui, mais non pas par-tout. En hébreu ?
Oui, mais non pas par-tout... Et en quelle langue donc par-tout ?En langue vulgaire,
c'est-à-dire, en la langue ordinaire du lieu, et le plus généralementconnue de tous les
assistans. Pourquoi en usoient-ils ainsi par-tout ? 1° Parce que le bon sens le demande.
2° Parce qu'ils se proposoient par-tout, en tout, et préférablementà tout, la plus grande
utilité et la plus grande édification des fidèles... 3° Pour donner l'exemple à leurs
successeurs dans le même ministère ».
2. Le canon du Concile n'est qu'un point de discipline sujet à variation. Pehem,
professeur de droit canon à l'Université de Vienne, l'a proclamé en 1782. Un évêque de
Toscane a donné l'exemple delà réforme, avec plein succès, dans
son diocèse (p. 39-40).
3. Chabot avait exprimé la même opinion : « Si l'on faisait traduire livres litur-
giques en langue vulgaire de chaque département, nos
un voyageur aurait besoin d'entendre
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE 397
toutes les langues et de porter avec lui une bibliothèque liturgique pour assister aux
offices de l'Eglise... Le français est donc la seule langue que l'on puisse adopter pour
toutes les liturgies françaises, comme pour tous les livres de religion » (Lelt. à Gréq .
p. 76-77).
398 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Brugière mérite à cet égard d'être cité après Grégoire : « En employant dans
la liturgie l'usage de la langue française, vous lui faciliterez [au peuple] en même-
temps le moyen de se perfectionner dans sa propre langue, dans sa langue natu-
relle, ce qui n'est pas sans doute à mépriser. C'est le voeu du gouvernement, c'est le
voeu qu'a émis le concile national, en invitant les pasteurs à redoubler leurs efforts,
pour répandre la connoissance de la langue française dans les diocèses, où des dialectes
particuliers sont en usage ; quel moyen plus puissant pour les attacher plus forte-
ment et à la patrie et à la religion ? Que serviroit à ces peuples de faire des progrès
dans la connoissance de leur langue maternelle, si les avantages qui en résultent, se
bornent uniquement aux intérêts de la société civile ? La langue nationale est le véhi-
cule le plus propre à leur donner de la religion les sublimes idées qu'elle comporte.
Quelle confiance ils prendront dans les dogmes et dans les mystères de cette religion,
lorsque réunis dans les sentimens d'une même foi, ils adresseront à Dieu en commun
leurs prières et leurs voeux dans une langue dont ils éprouveront la force et l'énergie,
et dont l'harmonie et la douceur font goûter les délices les plus pures et les douceurs les
plus délicieuses ! Quelle fin s'est donc proposée le concile national, en invitant les
pasteurs à répandre la connoissance de la langue française? N'a t-il eu en vue que de
civiliser, d'adoucir les moeurs des habitans de la Basse-Bretagne, du Jura, des
Cévennes, du Mont-d'Or ? Il a porté ses vues plus loin, et ces vues sont bien dignes
d'évêques et de prêtres éclairés, et vraiment théophilantropes, c'est-à-dire les vrais
amis de Dieu et des hommes. Il a eu en vue de faciliter, par la connoissance de la
langue française, la connoissance de la religion. Et comment parvenir à remplir un si
grand objet, si l'on s'obstine à leur en faire pratiquer l'exercice public en une langue
étrangère, inconnue, qu'ils n'entendent pas? Tant vaudroit-il les laisser croupir dans
l'ignorance, en leur laissant l'usage de leurs barbares dialectes : et quels reproches nous
aurions à nous faire, nous évêques, nous prêtres, si nous nous contentions d'en faire des
français plus civilisés, plus polis, si nous ne nous appliquions de toutes nos forces à en
faire des chrétiens plus éclairés et plus vertueux ? Et quel moyen plus puissant,
encore une fois, que l'exercice public de la liturgie en langue française ? » (Appel,
p. 75-76).
CHAPITRE V
DANS LA PRATIQUE
HARDIES INITIATIVES.
— Brugière n'avait pas attendu le Concile
pour appliquer ses idées. Appelé pendant la Terreur auprès d'un
malade dont la famille l'avait prié d'administrer les sacrements en
français, il le fit. L'effet d'édification fut tel que le prêtre continua
cette pratique. Puis, vers l'an VII, les controverses achevèrent de
le décider. Il s'y engagea à fond. En l'an IX, il prit possession de
l'église Sainte-Marie. Les paroissiens lui demandèrent de se servir
du français. On chanta d'abord après complies, toutes sortes
d'hymnes. Un seul paroissien se retira. On pria alors le curé de
faire de même pour les prières de l'Avent et du Carême. Il l'essaya
encore, à la satisfaction de tous.
Un curé de Beauvais vint s'enquérir, puis un autre du Pays Char-
train. Mieux que cela, en l'an X, l'évêque Royer, assistant au Salut
français, éprouva « ce qu'avait éprouvé Saül à la rencontre de pro-
phètes, parmi lesquels il prophétisa comme eux » ; « il chanta de
tout son coeur en français, comme les autres ».
L'abbé Leroi fut converti à son tour, au point qu'il paya l'impres-
sion de la Réclamation 1.
C'est même là-dessus que Brugière, encourageant le technicien
qui lui avait fourni les moyens d'exécution, l'engagea à mettre en
ordre et à recueillir tout ce qui avait été chanté à Sainte-Marie, et
« qui forma un volume de trois cents pages contenant le chant des
Pseaumes, des Hymnes, des Proses, des Saluts, des Lamentations,
de la Passion, et enfin de l'Ordinaire de la Messe ».
« Brugière n'eût pas craint d'oser sans aucun
soutien, comme le
fidèle Abraham,-seul de son pays, comme le chaste Lot, seul de
sa ville » 2. Il avait un émule, Duplan. « Le dimanche
18 thermi-
dor an VI (5 août 1797), content les Annales, Duplan fit dans l'église
de Gentilly, près Paris, l'essai de faire chanter les Vêpres en langue
vulgaire, sur le ton ordinaire des Pseaumes. L'un des évêques réunis
à Paris a cru devoir céder à l'invitation qui lui avait été faite
d'assister à cet Office... Cet essai a parfaitement réussi »'. Or
la note des Annales est de l'évêque lui-même, qui, entraîné par
l'expérience, fut quelque temps au moins le partisan de la doctrine
et résolut de faire imprimer ces chants qu'il avait chantés de tout
son coeur, à gorge déployée, « pendant qu'il se contentait de fri-
cotter les Vêpres latines ».
Brugière eût fait volontiers sur la question un plébiscite à sou-
mettre au peuple : « Dites le à l'Église ». D'où le titre de son
Opuscule : Appel au peuple chrétien.
Dans une autre paroisse de Paris, on lit en français, non-seulement les leçons, mais
les matines toute (sic) entières (ib.).
M. le Curé de Saint-Paul fait des essais de psalmodie française : Te Deum, psaumes,
prières de l'Avant et du Carême, etc. (p. 77).
1. Brugière, Mém. apol., p. 90.
2. Id, Ib., p. 90.
3. Brugière cite aussi, parmi les convaincus, Ricci, qui était à la tête du Diocèse de
Pistoie (Ib., p. 99).
4. Je dois dire que je n'en ai pas rencontré dans la portion que j'ai lue de l'énorme
correspondance manuscrite de Grégoire.
Histoire de la langue française. IX. 26
402 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Ann. de la Rel., t. XI, p. 215. Brugière n'eut pas plus de succès. L'enseignement
de la théologie en latin est en France un vieux préjugé de corps : nos« évêques auront-
ils le courage et la force de l'abattre ? La théologie est la science des dogmes et la
doctrine des moeurs ; qu'on ait égard et qu'on s'en tienne à ce que le Saint-Esprit
dicté, à ce que la tradition constante et suivie de l'Eglise, qui est la colonne et la basea
de la vérité, nous a transmis de siècle en siècle, alors on fera des théologiens,
théologiens de nos jours, dont toute la science consistoit en chicanes et non des
en subtilités
plus propres à soutenir le mensonge, qu'à établir la vérité » (Appel,
Grégoire rapporte pourtant que feu Climent, évêque de Barcelone, p. 83).
de bons de piété langue, renonça à com-
poser ouvrages en sa parce qu'il y avait assez de bons ouvrages
français qu'il suffisait de traduire. Dans un séminaire d'Allemagne, les séminaristes
croyaient ne pouvoir « devenir habiles théologiens qu'autant qu'ils seroient bien
vus des bons ouvrages françois, et les moins aisés prenoient sur leur nécessaire
pour-
s'en procurer » (Récl., p. 94-93, n.). pour
2. Ann. de la Rel., t. XII, p. 502, 506, 540.
DANS LA PRATIQUE 403
CHAPITRE PREMIER
PROGRÈS CONSTATÉS
LES STATISTIQUES.
— Des étrangers qui voyageaient en France sous
l'Empire, comme Christ. Aug. Fischer, remarquèrent les progrès
accomplis : le français avait pénétré même dans les basses classes 2.
Mais il n'est plus besoin de s'en rapporter à des témoignages isolés,
et pour ainsi dire fortuits. Nous sommes entrés dans l'âge des
statistiques et des enquêtes.
L'histoire et la bibliographie des statistiques a été faite dernière-
ment, de main de maître, par mon collègue de Saint-Léger, dans
Le Bibliographe moderne3. Assurément les statistiques ne donnent
1. Rev. du mois, 10 janv. 1920, p. 29.
2. Briefe eines Südlaenders. Leipz., 1803, p. 178-184.
3. XIXe année, janvier-juin 1918-1919, p. 5 et suiv. : Les Mémoires statistiques des
Départements pendant le Directoire, le Consulat et l'Empire. Née sous l'ancien régime,
l'idée fut reprise par les Assemblées révolutionnaires, mais c'est à François de Neuf-
château que rerient l'honneur de l'avoir mise à exécution dès son premier passage au
Ministère de l'Intérieur (du 28 mess, an V—16 juillet 1797, au 24 fructidor an V-10 sept.
1797). Quand il redevint ministre (29 prairial an VI-17 juin 1798), il la reprit, et
fournit un canevas aux commissaires. Ce canevas faisait place à un chapitre sur les
moeurs et usages du département. C'est là que pouvaient être donnés les renseignements
sur le langage.
Sous le Consulat, Lucien Bonaparte s'occupa à son tour de cet inventaire (Circulaire
du 23 prairial an VIII-14 juin 1800). Mais ce fut Chaptal qui étudia l'idée avec le
plus de méthode (Circre de germinal an IX). Toutefois lui aussi négligea de demander
des informations au sujet du langage.
Malgré les efforts du gouvernement, le travail marcha très lentement. Sur ordre du
ministre, un plan fut dressé par Peuchet, Essai d'une Statistique générale de la France.
Paris, an IX, in-8°, 78 pages. Quelques mémoires parurent. Le mouvement était
donné. Le ministère fit imprimer les Statistiques de 33 départements.
Chaptal voulut faire plus complet. Une collection nouvelle fut entreprise, qui com-
mença à paraître in-f° en l'an XI.
En 1804, Champagny, qui avait succédé à Chaptal, donna ordre de suspendre la publi-
cation. Puis, le 26 floréal an XIII (16 mai 1805), on donna à Testu le droit d'imprimer
et de vendre les mémoires à son compte. Le travail commença, mais fut suspendu. Testu
s'aboucha avec des géographes et des littérateurs. Un plan modifié fut adopté par le
ministre en juin 1812. On verra plus loin comment, grâce à Coquebert de Montbret,
une vaste enquête linguistique spéciale avait été entreprise. Survint la suppression du
bureau de Statistique (oct. 1812). Testu n'obtint pas du ministre, comte de Montalivet,
la subvention qu'il avait demandée, et la statistique officielle demeura en partie manus-
crite. La Bibliothèque Nationale a conservé le prospectus de Testu de 1808 (Voir en tète
de la Statistique de l'Ain, 1808). Ce document contient le plan uniforme. Au chapitre III
(Instruction publique), il n'est pas fait mention du langage. En 1810, Peuchet et
Chanlaire, employés au Ministère, avaient publié une Description topographique et
statistique de la France. Paris. P. G. Chanlaire, 3 vol. in-4°.
En dépouillant aux Archives F20 1-2-3-4-5, où se trouve l'analyse de la Correspon-
dance avec les Préfets, j'ai constaté que beaucoup des mémoires avaient été considérés
comme plus ou moins manqués : Creuse (médiocre ; on a demandé au Préfet de le
refaire) ; Escaut (médiocre) ; Finistère (très mauvais) ; Forêts (incomplet) ; Morbihan
410 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
RENSEIGNEMENTS INSUFFISANTS.
— En second lieu,
il arrive aux pré-
fets de donner tout autre chose que ce que nous souhaiterions. Ils
transmettent des racontars de seconde main sur la nature et le ca-
ractère des parlers de la région, renseignements qui sont sans
valeur, ainsi pour les Deux-Sèvres 1, la Haute-Vienne 2. On y trouve
un chapitre intitulé : Le langage. Il contient des détails sur le patois,
les chansons, l'Enéide en vers burlesques de l'abbé Roby, la Para-
bole de l'Enfant prodigue (p. 106-107). Le préfet Texier-Olivier
ajoute : « Dans les villes on parle françois, mais avec une prononcia-
tion vicieuse. L'accent limousin ne se perd que difficilement, même
chez ceux qui font de longues absences. Les habitants des campagnes
entendent un peu la langue françoise, mais ils ne peuvent la parler
qu'avec beaucoup de peine ; ils ont un langage particulier qui a plus
ou moins de rudesse, et qui varie à l'infini pour le dialecte et pour
l'expression ». C'est tout.
Pour la Meurthe, les indications ne sont guère plus satisfaisantes.
Qu'on en juge: « Dans la partie N. E. qui dépendait de l'Empire
germanique, tous les habitans sont de race allemande ; cette langue
est toujours la seule que l'on y parle dans les campagnes » (p. 134) 3.
Le rapport ajoute : « On parle françois avec assez de pureté dans nos
villes, et parmi les gens bien élevés, on ne remarque point d'accent
particulier... Mais le langage du peuple est fort lourd, sur-tout dans
le Toulois. Le patois lorrain que l'on parle dans nos villages est le
vieux françois » 4. Les fonctionnaires placés à la tête des départe-
ments n'étaient pas des linguistes, ils ne l'ont que trop fait voir 1.
Un certain nombre d'entre eux, répondant à une enquête dont
nous parlerons plus loin, se font l'illusion que les patois ont disparu
de leurs départements. C'est le cas dans l'Indre 2, l'Indre-et-Loire3,
la Marne 4, le Maine-et-Loire 6. Le préfet de la Nièvre en dit autant 6
et aussi celui du Calvados 7, celui de la Seine-Inférieure8, celui de
l'Eure 9, celui de l'Oise, celui de l'Aisne 10, celui de l'Allier 11, celui
de la Loire-Inférieure12.
Tous ces gens se trompent, sans doute, et des dialectologues
jugeraient sévèrement leur ignorance, mais leurs affirmations elles-
mêmes ont leur valeur pour l'objet qui nous occupe. En effet,
puisque ni les administrateurs, ni ceux de leurs administrés qu'ils
ont interrogés n'ont l'impression qu'on parle autour d'eux autre
chose que le français, altéré peut-être, mais reconnaissable, c'est
donc que le français domine et règne. J'interpréterais ainsi, sans
hésiter, des affirmations telles que celle qui suit : Les paysans (de
la Côte-d'Or et des autres départements de Bourgogne), lorsqu'ils
sont obligés de converser avec les habitans des villes, parlent géné-
1. Ensuite le préfet donne une description du patois que parle l'habitant des cam-
pagnes. Il ajoute : « Il est à remarquer que le patois Bressan a subi beaucoup de chan-
considérablement
gemens depuis quelques années, et surtout depuis la révolution qui a
multiplié les relations entre les campagnes et les villes. Les campagnes ont emprunté de
ces dernières un certain nombre d'expressions souvent mal rendues ;
néanmoins on peut
dire que ces sortes d'emprunts lui ont été avantageux ; ils ont singulièrement contribué
à répandre une certaine clarté dans un idiôme dont la grande habitude seule pouvoit
donner l'intelligence » (Suit la Parabole de l'enfant prodigue. Statist. générale de la
France, Ain, par Bossi, préfet. Paris, Testu, 1808, p. 318 et s.).
2. Statistique générale de la France. Dépt du Mont-Blanc, par M. de Verneilh, ex-
préfet. Paris, Testu, 1807, in-4°, p. 307.
414 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
« Tous ceux qui jouissent de quelque aisance ont à peu près l'ha-
bitude de notre langue. En général elle est familière à environ une
moitié du département, au moins pour les usages ordinaires de la
vie. La proportion est plus forte dans les villes, surtout à Strasbourg,
où elle est au moins des trois quarts ; mais il y a encore certains
cantons dans la campagne où elle est presque entièrement inconnue.
« La langue
allemande s'est conservée en Alsace, 1°par l'habitude
maternelle, si l'on peut s'exprimer ainsi ; 2° par le grand nombre
d'ouvriers en tous genres, qui ne parlent point d'autre langue; et
3° parce que dans cette province, jadis régie par des usages particu-
liers, la plus grande partie des actes publics se rédigeaient en alle-
mand. Cette langue était même le dialecte officiel de la magistra-
ture de Strasbourg.
« Au commencement de
la révolution, l'usage du français avait
pris, en quelque sorte, un caractère de dévouement à la patrie, et
par cela seul était devenu plus commun. Les exagérations qui sui-
virent bientôt arrêtèrent ce mouvement, surtout lorsque parler en
allemand fut devenu un crime; car les habitudes des peuples, qui
cèdent quelquefois à la persuasion, bravent ordinairement la vio-
lence.
« Les fréquens logemens de gens de guerre, le service des jeunes
citoyens aux armées, et les affaires familiarisent de plus en plus les
habitans du Bas-Rhin avec la langue française. Cette révolution
sera peut-être beaucoup moins lente qu'on ne devrait s'y attendre
chez un peuple aussi attaché, que l'Alsacien, à ses usages ; et l'au-
torité la secondera puissamment, si elle ne se sert jamais de l'alle-
mand seul, dans ses communications avec les administrés.
« L'un des plus grands moyens sera la bonne organisation des
écoles primaires ; je reviendrai sur cet objet, à l'article des écoles » 1.
Un autre chapitre est intitulé : L'usage de la langue allemande
diminue-t-il ? Y a-t-il quelque chose à faire pour la détruire ? En
quelle langue imprime-t-on le plus ? Le texte est le suivant : « J'ai
exposé, dans un des articles précédens (Instruction publique), les
causes qui maintiennent l'usage de la langue allemande chez le
peuple du département du Bas-Rhin, et notamment dans les cam-
pagnes, ainsi que les moyens, non d'y substituer entièrement (ce
qui serait impossible), mais d'y familiariser peu à peu le français.
J'ai indiqué que la moitié de la population, à peu près, comprend
notre langue, et que celte proportion est même plus forte dans les
çais, d'abord très rapide, n'a été ralenti que par l'influence des
mesures coërcitives exercées pendant la Terreur. Dans les cam-
pagnes, la moitié des individus parle plus ou moins le français, et
dans les villes les 3/4. Le Conseil Général du Bas-Rhin désire que
l'enseignement du français soit successivement introduit dans toutes
les Ecoles Elémentaires du Bas-Rhin, en commençant par les Com-
munes les plus populaires et les plus aisées 1.
MOSELLE. — En Moselle, même effet des événements. Les gens
sachant lire et écrire étaient en 1789 de 67.616, ils sont en l'an IX
de 68.265. Il n'y a eu qu'un accroissement de 649 2; ce n'est donc
pas là la cause du changement. Mais, jusqu'en 1793, les habitants
des campagnes « ayant pris un intérêt direct aux suites de ce grand
événement » étaient portés à apprendre. Cet enthousiasme « se
réfroidit » par « le malheur du tems » : Écoles fermées, levées
militaires, on a fait travailler les enfants. « Depuis le rétablisse-
ment des écoles, le goût de l'instruction renaît », on voit même
avec satisfaction, « les communes allemandes choisir des maîtres
d'école français » et cette langue s'introduire dans les lieux où en
1789, elle était ignorée.
« La langue française est actuellement familière aux deux tiers des
habitans de ce pays, dans lequel elle étoit presque inconnue au com-
mencement du siècle. On parloit le patois messin même dans les
meilleures maisons. Il est encore usité dans les campagnes, mais
en concurrence avec le français, que le paysan parle facilement. Il
a même fait, dans la partie allemande, des progrès mesurés sur la
fertilité du sol, et l'aisance que les habitans se sont procurée pen-
dant la révolution ; ils recherchent et choisissent de préférence des
maîtres d'école qui possèdent les deux langues. Il est plusieurs
1. Cseil gal du Bas-Rhin, 1809. Ms. Coq. de Montbret, Rouen, 721, p. 119. Ce qui
a empêché une plus grande propagation du français pendant la période révolutionnaire,
c'est, dans l'opinion de M. Lévy, qui a bien voulu me communiquer une note à ce
sujet : 1° l'immigration allemande, qui, à aucun moment n'a complètement cessé, et
qui a amené des ouvriers, des étudiants, des acteurs, des professeurs, des prêtres, dont
beaucoup prirent une part à la lutte et gênèrent l'action de l'élément français.
2° la question religieuse dont les contre-révolutionnaires jouèrent pour combattre
les sympathies des patriotes pour la France.
3° l'incompréhension des masses qui ne voyaient pas l'intérêt de connaître le
français.
4° la résistance lie certains hommes gênés dans leurs habitudes (par exemple le
profr Haffner ou Koch).
5° la presse, presque tout entière allemande.
6° l'exagération de certains révolutionnaires venus de l'intérieur.
7° le manque d'instituteurs.
2. Analise de la stat. génle de la Fr. par de Ferrière. Paris, An XII (1803), in-f°,
p. 9. Ces chiffres paraissent un peu bien précis. Quelles sont les statistiques sur les-
quelles ils reposent ? Qui a fait les recensements des lettrés et des illettrés ?
PROGRÈS CONSTATÉS 417
villages où l'on n'entendoit pas, avant 1789, prononcer un mot de
français, et où cette langue a déjà fait des progrès sensibles. Il faut
laisser agir le temps, et dans quelques années elle sera presque
généralement répandue sur le département. On peut citer pour
exemple, Thionville et plusieurs villages de son arrondissement,
cédés à la France par le traité des Pyrénées, et dans lesquels il ne
reste plus aucune trace de la langue allemande, qui y étoit seule en
usage encore à la fin du XVIIe siècle » 1.
Je ne saurais trop insister avant de passer à d'autres régions sur
les témoignages que je viens de citer, et qui se rapportent aux pays
qui étaient les plus difficiles à conquérir. On voit que, malgré les
fautes commises et les difficultés rencontrées, le français avait
commencé à s'implanter profondément.
— Le sous-préfet de
DANS LES PAYS DE LANGUE D'OC. DRÔME.
—
Montélimar écrit : « Depuis la Révolution, dans la ci-devant Pro-
vence, dans le Languedoc et dans la partie méridionale du Dauphiné,
l'idiome patois est d'un usage un peu moins général, les mouve-
ments des troupes, la circulation des voyageurs, le retour des mili-
taires sur leurs foyers ont du porter à la langue française l'application
d'un certain nombre d'individus » 2.
— A Marseille, d'après la Statistique, la
BOUCHES-DU-RHÔNE.
langue française, si peu répandue en 1789, avait fait de grands
progrès en dix ans: « le provençal s'y réfugie désormais dans les
vieux quartiers, résidence des pécheurs, des poissonnières, des
ouvriers, des nervis. Dans les villes de second ordre, Carpentras,
Draguignan, les bourgeois conversent encore assez fréquemment
en provençal. Quant au peuple des campagnes, il parle provençal,
mais on y sait le français, et si le conservatisme paysan maintient
sa langue, une tendance se dessine, celle que la Révolution a mise
en branle, et un auteur peut dire : le provençal s'en va. Il y a
même des points, ceux qui avoisinent le Rhône, où il recule nette-
ment.
«La Révolution eut seule le pouvoir de rompre les habitudes du
pays... Ce peuple qui ne savait que le provençal, crut savoir le
français, parce que les orateurs des assemblées populaires affectaient
de le haranguer dans cette langue. D'ailleurs la nécessité de l'ap-
15.
sont devenues plus rares à Toulouse et sans doute aussi dans les autres
villes de cette contrée. Un comédien qui viendrait chercher ici des
modèles en ce genre en trouverait moins aujourd'hui et de moins
saillants qu'autrefois » 3.
1. Il est intéressant d'ajouter que l'auteur prévoit que les patois ne disparaîtrontpas,
mais se franciseront. Ce sera « des enfants adoptifs de la langue française ».
2. Je crois devoir cependant en extraire quelques passages.
Puy-de-Dôme. — Clermont : « Le patois y est tout-à-fait dégradé ; chaque quartier a
celui des villages qui l'avoisinent ou avec lesquels il a des rapports, et l'usage du français
y domine de manière à avoir altéré tout-à-fait le dialecte du pays » (Lettre du
Préf. du Dépt, 24 juin 1808. B. N., ms., Nouv. acq. fr., 3912, f° 46v°.)
Le patois de Riom... a de même cédé presque entièrement au français.
Creuse. — « Le patois est généralement en usage dans les campagnes. Néanmoins
tous les campagnards y comprennent bien le français, même ceux qui ne le parlent
pas » (B. N., ms., Nouv. acq. fr., 5910. f°s 262-3).
Charente. — Dans la commune de Saint-Sornin, qui touche au nord le canton de
La Rochefoucauld, « on trouve plusieurs campagnards, qui se parlent français, mais
avec un accent qui tient du baragouinage » (Lettre de Montbron, 14 mai 1810, signé
Marchadier, juge de paix. B. N., ms., Nouv. acq. fr., 5910, f° 220 v°).
« Dans toutes les communes sans exception le paysan y comprend le français.
« Dans les simples bourgades de mon canton, les gens qui ont reçu un tensoipeu (sic)
d'éducation ne s'y parlent qu'en français, tandis qu'à Périgueux des dames à la prome-
nade, en grande toilette, causaient en patois » (Id., Ib., f° 223 v°).
Haute-Vienne. — « Dans les villes on parle français, mais avec une prononciation
vicieuse. L'accent limousin ne se perd que difficilement, même chez ceux qui font de
longuesabsences. Les habitants des campagnes entendent un peu la langue françoise, mais
ils ne peuvent la parler qu'avec beaucoup de peine (Texier-Olivier, Préfet, Stat. de la
Haute-Vienne. Paris, Testu, 1808, in-4°, p. 106).
Htes-Alpes. — M. Rey, de St-Chaffrey, écrit à propos du Briançonnais : « Les communes
limitrophes de la Ville abandonnent tous les jours leurs anciens mots barbares, gaulois
et employent dans leur idiome vulgaire, le français en lui donnant un accent, une pro-
nonciation, une terminaison de patois assez doux » (B. N., ms., Nouv. acq. fr., 5910,
f°s 78-79). Cf. : « le patois dont les dernières classes de la Société dans le midi de la
France s'obstinent à se servir exclusivement, ce qui par cela seul contraint les hommes
même instruits, à l'employer à leur tour dans beaucoup d'occasions » (Roland, Dict.
des exp. vicieuses, 2e édn. Gap, Allier, in-8°).
420 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
78-9).
l'école devait redevenir tôt ou tard une institution de l'État.
On l'a vue depuis altérée dans son caractère, réduite dans son
rôle, détournée vers d'autres fins; elle ne cessa plus, malgré cela,
d'être l'école nationale, destinée à l'Instruction « publique ». Le
personnel put être au-dessous ou à côté de sa tâche, les plus
fâcheuses pratiques purent y renaître et les faiblesses envers les
idiomes locaux se renouveler ; elle resta essentiellement française
de langue et de programme.
La langue elle-même, sans être sous l'autorité de l'Etat, a gagné
à la Révolution de devenir chose d'État. Les propositions pour la
révolutionner — dont nous parlerons ailleurs — ont passé, le
devoir de la conserver a été retenu. Depuis lors l'État en impose
et en surveille l'étude; il en fait enseigner les règles et en garde
par conséquent la tradition, au moyen de ses maîtres, de ses pro-
grammes, de ses examens ; il en commande le respect. En exerçant
cette tutelle, il a fait de l'idiome, dans une certaine mesure, un bien
national, dont chacun a le libre usage, mais dont le soin, au dedans
comme au dehors, importe à la prospérité générale. Et ainsi la Révo-
lution a préparé pour la langue un régime de vie nouveau. Le
XIXe siècle nous en montrera certains effets, qui furent presque
immédiats ; les siècles qui viennent en obtiendront d'autres,
encore impossibles à prévoir.
QUATRIÈME PÉRIODE
APRÈS BRUMAIRE.
— LE CONSULAT ET L'EMPIRE
LIVRE PREMIER
LA RÉACTION LATINE
CHAPITRE PREMIER
OBSERVATION GÉNÉRALE.
— Après Brumaire, l'histoire de la propa-
gande en faveur du français s'arrête à peu près complètement.
Sans doute, aucune restauration des institutions à l'aide desquelles
avait pu végéter si longtemps l'esprit provincial et particulariste
ne fut tentée; aucune ne pouvait l'être. La division en départements
demeura. La France du Consulat et de l'Empire continuait, sous bien
des rapports, la République une et indivisible, et centralisait comme
elle, plus qu'elle. Mais la question d'unité d'idiome y était reléguée
tout à fait à l'arrière-plan.
La suppression du culte théophilanthropique, la destruction de
l'Église Constitutionnelle, l'abolition des fêtes, eurent des consé-
quences qu'il est facile d'apercevoir et même d'estimer à leur gran-
deur véritable, d'après ce que nous avons dit dans les chapitres
précédents. Aucun de ces actes ne peut se comparer aux boulever-
sements que subit le système d'instruction publique.
1. L'abbé Allain a étudié avec attention les documents concernant les Ecoles Centrales.
Il ne les a pas toujours employés avec l'impartialité qu'il eût fallu (voir L'oeuvre
scolaire de la Révolution). D'autre part, il y a un peu trop d'indulgence dans ce
424 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
REMÈDES POSSIBLES.
— Pour établir que les Écoles Centrales
étaient peu estimées des familles qui devaient leur fournir leur
clientèle, on a produit divers témoignages, en particulier les Avis
des Préfets et des Conseils élus. II faudrait les reprendre tous et les
examiner de très près, et avec critique1.
En tous cas, les vices des Écoles Centrales étaient loin d'être
incurables 1. Laumond, le préfet du Bas-Rhin, signalait les moyens
de les guérir. Il demande l'éducation, une marche graduelle, un
principal, des prytanées ou pensionnats publics. Il prie enfin qu'on
« ne compromette pas tout, en tout
bousculant ». Les améliorations
dans les écoles actuelles préviendraient l'inconvénient de refaire à
neuf, « toujours grave dans l'instruction, où le bien ne peut résulter
que de la continuité d'action » (Statist. du B.-Rhin, p. 219 et s.) 2.
Dans la Haute-Loire, le préfet acceptait la restauration des col-
lèges, mais il eût voulu garder l'École Centrale. De même à Bor-
deaux, où le préfet propose un plan général d'études secondaires,
dans lequel l'École Centrale se trouve conservée. Le plan nouveau
n'avait pas cessé, comme dit le préfet de l'Orne, de paraître à tous
égards supérieur à l'ancien 3. Chénier, de Tracy, les rédacteurs
de la Décade, protestèrent contre l'idée d'abolir les Écoles, qui com-
mençait à se répandre. En vain. Les méthodes violentes, si sévè-
rement condamnées quand des révolutionnaires les pratiquent, sont
exemplaires quand on les emploie à restaurer. Les gouvernements
les plus timorés les ont appliquées à l'enseignement secondaire
depuis la Révolution jusqu'à nos jours.
Elles émanent surtout de préfets, qu'on n'avait pas encore changés partout, et qui peu-
vent être suspectés de louer de parti pris une institution républicaine.
Après avoir lu les documents et les études, on garde l'impression qu'une histoire
impartiale des Écoles Centrales est encore à faire. Mais il y a de très bonnes monogra-
phies, parmi lesquelles on peut citer celle de la regrettée Mlle Déries : L'École centrale
de la Manche, celle de Gain : Ecole Centrale de la Meurthe.
1. Des écoles annexes étaient prévues par la loi. Titre II, art. 10. Un peu partout
les pensionnats s'organisaient.
2. Cf. « Quant aux écoles centrales, il ne s'agit que d'achever, que de perfectionner
nu ouvrage qui sans doute est plus qu'ébauché ; d'en organiser les élémens de manière
à ce qu'ils offrent une gradation dans les études, et de remplir la lacune qui
se trouve
entre l'enseignement de ces écoles et celui des écoles primaires » (Barruel, Obs. s.
l'Instr. pub., p. 43).
3. Arch. Sorb., cart. XXVII. Le préfet de la Dordogne voudrait des écoles intermé-
diaires entre les écoles communales et les écoles centrales, où les élèves sont découragés
et abandonnent, ou bien s'ils persévèrent, n'acquièrent qu'une instruction incomplète et
éphémère. « On n'a peut-être pas assez considéré toutes les causes qui ont empêché
retardé les succès de ces Ecoles, aux quelles on doit au moins d'avoir fait naître dans ou
beaucoup de Départements le gout des Mathématiques et du dessein (sic), qui était
peut dire ignoré » (Périgueux, le 14 prairial an IX on
— 3 juin 1801, Arch. N., F 17. 13178,
dossier 12).
4. 5e jour complre de l'an IX 13178, doss. 9.
— 22 sept. 1801. Arch. N., F 12
LA CAMPAGNE CONTRE LES ÉCOLES CENTRALES 429
FIDÈLES DU FRANÇAIS.
— Mais précisons encore davantage. Il s'en
faut bien que la majorité des conseils consultés ait souhaité qu'on
fît du latin, comme autrefois, la matière exclusive de l'enseigne-
ment. Il importe ici de donner quelques faits, parce qu'ils ont été
systématiquement méconnus.
Dans le Calvados, on demande l'étude de la grammaire française
(Allain, OEuv. scol, Rév. p. 367).
Dans la Manche, le Conseil Général montre l'insuffisance de l'an-
cien programme pour l'enseignement du français (Id., Ib., p. 412).
Dans le Doubs (Besançon), on remarque : « Si dans les Écoles
Centrales on ne cultive pas assez l'étude de la langue latine, il faut
convenir que dans l'aneien collège, comme presque partout, on
employait à ce travail les premières années de l'enfance et de la
première jeunesse » (Id., Ib., p. 371).
La ville de Provins était parvenue à garder son collège, trans-
formé depuis la Révolution et qui comptait encore 40 pensionnaires,
12 demi-pensionnaires et 20 externes au moment de l'enquête.
La langue latine y avait toujours été enseignée, mais l'art de bien
parler et d'écrire la langue française avait « été présenté aux élèves
comme devant faire l'objet d'une étude sérieuse »4.
Le conseil d'arrondissement de Nancy se prononce plus nettement.
Il est entièrement opposé à faire renaître les anciennes institutions
d'enseignement, le plan d'études n'en offrant que des vices sans
nombre; « ces vices sont parfaitement connus; ils ont été pendant
longtemps l'objet des réclamations de tous les gens instruits et de
la France entière, et ce n'est pas sans doute après qu'on les a
1. Châteauroux, 28 floréal an IX — 18 mai 1801. Arch. N., F17 13178, doss. 21.
2. Avis motivé sur le rétablissement des anciens collèges. Arch. N., F 11 13178.
3. Carcassonne, le 18 thermidor an IX — 6 août 1801. Arch. N., F 17 13178, doss. 4.
4. Copie de la Lettre des Membres du Conseil d'arrondt de Provins. Arch. N., F 17 13188,
doss. 43.
432 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Perpignan, 4 prairial an IX—24 mai 1801 (Arch. N., F 17 13178, dossier 44). La
pièce est signée : Le Général de Brigade, Préfet du Département, Martin. Cf. Arch.
Sorb., XXVII. Pyr.-Orles.
Comparez la lettre du Professeur Carrère : « Je commencerai dès cette année, à
suivre le plan que vous avez bien voulu me tracer, et je le ferai avec d'autant plus
de plaisir que l'enseignement de la Grammaire française donnera à la chaire que
j'occupe un degré d'utilité beaucoup plus grand dans ce Département, où la langue
Nationale est fort maltraitée, sous tous les rapports » (30 vend, an VIII). Arch. N.,
F17 13443.
2. « La première année, dit-on, on enseignera les.. premiers éléments de la langue
française. On emploiera la deuxième année à un plus grand développement de la
géographie et de la langue française, aux premiers éléments du latin... et la troisième
année aux tours élégants de la langue française, à quelques principes de goût et de
style, à la traduction de quelques ouvrages latins de médiocre difficulté » (Allain,
L'oeuv. de la scol. Rév., p. 246-247).
CHAPITRE II
il est essentiel qu'un maître soit compris de ses élèves, nous croyons
devoir observer, qu'au moins pour les écoles primaires et les écoles
secondaires inférieures l'enseignement dans les deux langues sera
absolument nécessaire dans les deux départemens du Rhin.
« En supposant, que le gouvernement veuille établir des écoles
supérieures en plus d'un endroit, nous croyons devoir remarquer
que, pour l'avantage des sciences, il seroit infiniment important de
donner, autant que le local semblera l'exiger, à chacune de ces
écoles une physionomie particulière.
« Il faudroit se garder de cette triste idée d'uniformité absolue.
Une école située sur les frontières, dont les professeurs par consé-
quent peuvent et doivent mettre à profit les trésors littéraires de
l'étranger, ne doit pas ressembler entierement dans ses loix orga-
niques à une école de l'intérieur.
« Les considérations suivantes serviront à démontrer l'utilité et
l'importance d'un pareil établissement à Strasbourg.
« Cette ville située au centre de l'Europe et aux confins de deux
grands empires, est le premier endroit où viennent aborder les
étrangers des différens pays de l'Allemagne, de la Suisse, et de tout
le Nord. Sa position avantageuse, ses relations commerciales, la
bonté du climat, l'exercice de trois cultes, la facilité d'y étudier la
science militaire, des maîtres habiles dans tous les genres d'instruc-
tion, l'usage de la langue Françoise et Allemande, y ont attiré cons-
tamment une nombreuse jeunesse de toutes les parties de l'Europe.
La paix une fois rétablie, il y a lieu d'espérer que les étrangers
viendront affluer de nouveau dans ses murs, pourvû qu'ils y trouvent
les mêmes moyens d'instruction, qui leur avoient rendu ce séjour si
recommendable.
« Une circonstance, qui a contribué surtout à attirer de tout
tems à Strasbourg une foule de jeunes étrangers, c'est que l'en-
seignement s'y faisoit dans les trois langues, latine, françoise et
allemande ; sans cette précaution et si l'on s'avisoit, pour l'amour
de l'uniformité, à faire donner uniquement les leçons en françois, on
écarteroit par-la même la plûpart des étrangers.
« On se tromperoit en se persuadant, que dans
le fond il est peu
important, qu'il y ait dans une ville quelques étrangers de plus ou
de moins ; que sous ce rapport l'établissement d'une école supé-
rieure à Strasbourg, ainsi que l'enseignement dans les différentes
langues, sont très-inutiles. Un gouvernement vraiment paternel ne
peut point être indifférent à tout ce qui peut contribuer à une plus
grande aisance des citoyens, puisque c'est sur elle que repose la
richesse et la prospérité d'un état. Les jeunes étrangers, qui venoient
438 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
L'INTOLÉRANCE LATINE
premier fut celui de Moulins, inauguré le 27 prairial an XI (16 juin 1803) par
1. Le
une messe du Saint-Esprit.
2. Un règlement général du 27 messidor IX (16 juil. 1801) avait divisé le
an
Prytanée en Collèges (Paris, St-Cyr, St-Germain, Compiègne, puis Bruxelles).
litre IV art. 5 : dans la 1re sect. on apprendra à lire, à écrire, à chiffrer et les
, «
premiers élémens de la grammaire;
« Dans la seconde les quatre premières règles de l'arithmétique, l'orthographe et les
principes de la langue latine ;
« Dans la 3e les principes de la langue latine appliqués à l'explication des auteurs
Deuxième année.
Troisième année.
2eclasse. — Latin. Géographie. Histoire jusqu'à l'Empire français.
Mythologie.
1re classe. — Latin. Géographie. Histoire de France.
LE PARALLÉLISME.
— Pourtant tout le terrain gagné par le bon sens
n'est pas reperdu. On convient que l'opinion de Rollin est fondée,
que l'élève « doit d'abord connaître les principes généraux de sa
propre langue, que donc l'étude de la grammaire française doit pré-
céder la grammaire latine ». Et voilà le français réintroduit dans les
basses classes. Avec Lhomond, deux mois, pense-t-on, suffiront En !
1. Rec. des lois..., t. II, p. 397. Cf. Aul., Napol. et le Mon., p. 101, et 110-111. On
comparera des arrêtés secondaires : Arrêté du 19 vendém. an XII (12 oct. 1803), relatif
aux écoles secondaires communales :
Art. 29. Dans la sixième, on enseignera les elémens de la grammaire latine et
française.
Dans la cinquième, on continuera l'explication des auteurs latins et français; on y
joindra la lecture de quelques auteurs français les plus à la portée des jeunes gens, et
analogues aux auteurs latins qu'on aura mis entre leurs mains ; on leur fera apprendre
par coeur les morceaux les plus intéressans ; on exercera les élèves à pratiquer les
4 règles de l'arithmétique.
Dans la 4e on continuera l'étude des langues française et latine.
Dans la 3e on expliquera les poètes latins les plus faciles à traduire et
; on ne lira ou
apprendra que les poètes français du même genre.
Dans la 2e on poursuivra l'étude des langues latine et française.
Dans la 1re on complétera l'étude du latin. Là, plus question de français (Rec. des
lois..., t. III, p. 110).
L'INTOLÉRANCE LATINE 445
vrai que le français, loin d'être l'objet principal des études, en
devenait l'accessoire. On lui donnait des fleurs, non la place émi-
1
1. Voir Arch. Nat., F17 1720. — F 17 19358 (Registre des Écoles Secondaires) est
un simple registre de police concernant Paris seul.
Ajoutons que F 17 3600 contient toutes sortes de renseignements sur les Ecoles secon-
daires, mélangés à des rapports sur l'enseignement primaire.
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Moulins 5(68) T.
Bourbon 1 (62)
—
Souvigny — (9) —
Montluçon — (72) —
Cerilly —(12) —
Allier Saint-Pourçain. —(68)
. . .
Ebreuil —(45) Plusieurs de ces écoles reçoivent une
Lapalisse — (40) subvention des communes.
Cusset
Vichy.
......
Varennes-sur-Allier..
.
— (42)
-(21)
—(31)
Puy-de-Saint-Pierre.. 1 (18)
.
Monétier — (8)
Guillestre 2 (140)
Hautes-Alpes.Châteauroux —(17)
Saint-Bonnet — (24)
Orpierre — (22)
Veynes —(10)
Troyes 3 (116)
Saint-Martin-es-Vignes.. (33)
Aube
Ervy
Bar-sur-Aube..
... -
1
(18)
— (29)
Romilly-sur Seine.
. . — (15)
Bar-sur-Seine — (53) A Bar on enseigne aussi l'anglais et
l'italien.
Aveyron
Saint-Affrique.
La Guiole
Mur-de-Barrès.
... 3 Plusieursécoles du même genre ont fermé
depuis l'organisation des écoles secon-
daires.
. .
Aubagne 2 (123)
La Ciotat 1
Marseille 16(549)
Aix 5(113) 2(60)
Bouches-du-Rhône. Martigues 2(17)
.
Salon 6(127)
Arles 5(154)
Saint-Rémy 4(92) 2 (30)
Tarascon 3(89)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
La Landelle 1
Le Gast 1
Sainte-Marie-Laumont. 1
.
Cantal Néant.
Angoulême 7 (116) T.
La Rochefoucauld. 3 (13) —
. .
Charente Châteauneuf 1 (17) —
Barbezieux 1 (9)
Saintes 3(106) T.
Charente-Inférieure. . Pons
La Tremblade.
Allassac
... 1 (25)
1
1
(24)
(45) T.
Brive 7(136) —
Cublac (20)
1 —
Curemonte — (25) —
Juillac — (42) —
-(80)
Larche — (30) —
Corrèze Meyssac —
(40) —
Objat — (20) —
Saint-Julien-Ségur. —
(12) —
. .
Saint-Solve —(15) —
Tulle 2 (28) Elles sont tenues par d'anciens profes-
seurs des Écoles Centrales.
T.
Turenne — (29)
Ussac —(30) —
Chatillon 2 (19) T.
Semur 2 (21) —
Vitteaux 1 ( 34)
Côte-d'Or
Côte-d'Or Dijon
Beaune
10(139)
4(126)
-
—
Nolay 1 (31) —
Guéret T.
Boussac —
Aubusson 2 (70) —
Bourganeuf —
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Besançon 8(182) T.
Morey — (34) —
Etray — (46) —
Doubs Ouvans —(22) —
Clerval —(20) —
Pontarlier 2 (21) —
Ornans 1 (25) —
Crest 1(23) T.
Drôme Romans — (13) —
Valence 2 (56) _
Chartres 2 (50) T.
Dreux 2 (61)
Châteaudun 2 (49)
Eure-et-Loir. Nogent-le-Rotrou. 1 (10)
. . .
La Loupe 1 (35) Prix: 18 francs en primaire; 36 en gram-
maire latine ; 60 en grammaire latine
et mathématiques.
Brest 1 (35)
Lesneven — (50)
Finistère Morlaix — (33)
Sibirill —(72)
Quimperlé —(40)
Alais 1 (3)
Saint-Jean-du-Gard.. 1 (14)
.
Genolhac 1 (5)
Gard Nismes 7(276) Une de ces écoles enseigne l'italien.
Saint-Gilles
Saint-Hippolyte.
Sauve
... 1
1
1
(40)
(50)
(35)
Le directeur est instituteur primaire.
Le directeur a avec lui un professeur de
langue française.
Toulouse 5(509) T.
Haute-Garonne.
. .
Saint-Gaudens.
Castel-Sarrasin.
Revel ...
. . .
1(135)
1 (24)
1 (57)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Condom 4(106) T.
Lauze 1 (31)
Nogaro 1 (59)
Houga 1 (42)
Lectoure 2 (29)
Fleurance 1 (25) 2 (55)
Solomiac 1 (22)
Mauvezin 1 (16)
Terraube 1 (20) Véritable école primaire.
Saint-Clar 1 (35)
—
Lisle-Bouzon 1 (75)
—
Bivès 1 (24) —
Tournecoupe 1 (30)
—
Castelnau 1 (20)
—
Montastruc 1 (20)
Auch 2 (71)
Gimont. 1(19)
Seissan 2 (51)
Saramon 1 (16)
L'Isle-en-Jourdain. 2 (73) 1 (12)
. .
Noilhan 1 (12)
Barcelonne 1 (40) Quelques enfants seulement apprennent
le latin et la grammaire française.
Marnac 2 (31)
Riscle 1 (12)
Miélan 1 (52) Quelques écoliers apprennent le latin.
Gers (suite). Beaumarchais 1 (4)
. . .
Mirande — (6)
Montesquiou — (6)
Rennes 10(204) T.
Saint-Malo 1 (13)
Vitré 1 (2) 1
La Guerche 1 (4) 1 (17) Enseigne les mathématiqueset non le latin.
Ille-et-Vilaine. . . .
Redon....
1 (74)
Bain 1 (5)
Lou-du-Lac 1 (47) Les externes vivent dans les fermes
voisines.
Dôle 4 (76)
Salins — (64) Dans une des cinq écoles on enseigne les
Jura mathématiques.
Poligny 1 (40)
Saint-Claude 1 (44)
I
Landes Néant.
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Loir-et-Cher. Néant.
. . .
Montbrison 3 (69) T.
Chazelles-sur-Lavieu. 1 (36)
.
Roche 1 (64) Petit séminaire.
Loire Saint-Étienne 3 (58)
Rive-de-Gier 1 (8)
Roanne 7(138)
Charlieu 2 (20)
Orléans 13 (473)
Loiret Ferrières 1 (14)
Lorris 1 (60)
Loiret (suite). Pithiviers 1 (56)
. . .
Gien 1 (60)
Montauban 6 (242) T.
Lauzerte 2 (54)
Gourdon 2 (80)
Lot Martel 1 (25)
Salviac 1(15)
Cahors 1 (34)
Agen 6(233)
Beauville 1 (21)
Tonneins 2 (36)
Casteljaloux 1 (44)
Damazan 1 (16)
Nérac 1 (24)
Lot-et-Garonne. Bruch 1 (44)
Monterabeau 1 (20) On y enseigne aussi l'anglais.
Francescas 1 (30)
Sos 1 (24)
Pujols 1 (14)
Penne 1 (24) 1 (16)
Monflanquin 1 (15)
Lozère Néant.
Valognes 2 (52)
Manche Cherbourg 2 (40)
Bricquebecq 1 (16)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Muneville-sur-Mer. 1 (35)
.
Coutances 1 (5)
Mesnil-près-la-Oue. 1 (13)
. .
Pirou 1 (2)
Perrières
Pontorson.
Granville
..... 1 (10)
1 (36)
4 (39) 1 (40) L'École française enseigne les mathéma-
tiques ; c'est une école publique et
gratuite de navigation.
Manche (suite) Avranches 5(227) Une école enseigne le grec.
Saint-James 2(48) Prix : 15 francs pour le français ; 24 francs
pour le latin.
Mortain 2(51) Ces écoles sont divisées en deux sections :
a) latin (19 élèves) ; b) grammaire
Sainl-Lo 3(120) française, géographie, histoire,mathé-
Carentan 1 (17) matiques (32 élèves).
Thorigny 2 (24) Prix: latin 2 francs, écriture 1 franc,
lecture 0 fr. 75.
Reims.
Châlons
Avize.
......
......
3(107)
2 (82)
(9)
T.
—
Marne Montmirail
Auve
1
1 (7)
(15)
-
—
Vitry
1
1 (25) -
—
Haute-Marne.
Joinville
Montier-en-Der.
Chaumont
Langres
... 1
1
1
(36)
(11)
(6)
2 (33)
T.
—
—
. . . —
Montigny 1 (8)
—
Pouilly 1 (17) Le Directeur Moniot enseigne depuis
41 ans.
Mayenne
Ernée
Château-Gontier.
Craon
... 1
1
1
(50)
(59)
(20) On paie dans cette école 450 francs pour
le latin et 390 francs pour le français.
Thiaucourt 1 (12)
Nancy 6 (86) Une des écoles est particulièrement des-
tinéeà l'enseignementdes belles-lettres
Meurthe Château-Salins. 1(18) et de la grammaire générale.
. . .
Vic 1 (33)
Lunéville 2 (16)
Blamont 1 (12)
Vézelize 1 (3)
Bar-sur-Ornain.
.
Montmédy 1 (30) 4 (184)
Meuse ;
Verdun 5 (92) Dans l'une on apprend l'allemand; les
élèves de deux autres fréquentent
Étain 2(104) l'école secondaire.
Clermont 1 (19)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Napoléonville 1 (29)
Cléquères 1 (20)
Faouët 1 (30) Il existe dans différentes communes des
maîtres d'école qui apprennent à lire
Guéméné —(20) et à écrire aux enfants; quelques-
Morbihan Locminé —(34) uns y ajoutent les quatre premières
Gourin —(12) règles de l'arithmétique.
Lorient —(20) On y enseigne aussi l'anglais.
Hennebon 1 (35) 12 apprennent le latin, les autres, le
Vannes.. 5(165) 4(119) français et les mathématiques.
La Roche-Bernard. 1 (40) Lire, écrire et le calcul.
. .
Cassel 1 (11) T.
Lille 11(453) —
Nord Haubourdin 1 (25) —
Esquermes 1 (36) —
Cambrai 6(156) —
Nord (suite)
(suite). . . .
Avesnes
Quesnoy
Douai
Valenciennes
Bouchain
Seclin
Beauvais
Breteuil
Bury
Chantilly
Gerberoy
1
1
241)
(6)
2 (26)
5(
8(227)
(25)
3 (70)
2(101)
(30)
—(15)
—(54)
—(11)
-
T.
—
—
—
—
T.
—
—
—
—
Grandvilliers-aux-Bois. —(16) —
.
La Morlaye —(26) —
Oise Marissel —(10) —
Nanteuil —(21)
Noailles —(5) —
Plessis-Longueau. —(53) Dans l'hiver.
. .
Rhuis —(20) —
Saint-Just —(50) —
Senlis 2 (64)
—
Verneuil 1 (56) —
Arras 5 (68) T.
Béthune 3(106)
Lens 1 (26)
Lillers 2 (46) Ces chiffres sont ceux de l'hiver.
Hersin 2 (11)
Montreuil 1 (36)
Pas-de-Calais. Capelle 1 (16)
. . .
Frevent 5 (60-75)
Boulogne 4(236-134)
Saint-Martin-Choquel. 1
.
Audinghen 1 (18)
Samer 1 (8)
Riom 10(297)
Pionsat 1 (48)
Charensat 1 (40)
Menat 1 (35)
Arlanc 1 (25)
Cunlhac 1 (13)
Puy-de-Dôme. Saint-Germain-l'Herm. 2 (12)
. . . .
Saint-Gervais-s.-Maymont. 1 (20)
Clermont 15 (302) 1 1 primaire. Le programme des diverses
Billom 5 (72) écoles est indiqué, mais peu nettement.
Ardes 2 (21) Il semble qu'on enseigne la langue
Latour 2 (45) latine seulement dans 3 écoles.
Tauves 1 (20)
Pau 4 (95)
Oloron 2 (39)
Arudy 1 (18)
Mauléon 2 (17)
Basses-Pyrénées. Parris 1 (4) C'est le desservant qui montre gratui-
tement.
Bayonne 2 (39)
Orthez 1 (29)
Salies 1 (7)
Navarrenx 2 (37)
Tarbes 3 (30)
Maubourguet 1 (15)
Hautes-Pyrénées. Lourdes 1 (filles) (30)
. .
Beaucens 1 (4) M. Ragette reçoit ce que lui offre la
reconnaissance.
Haut-Rhin Néant.
Rhône
Lyon
Saint-Rambert.
Oulins ...
Saint-Genis-Laval...
58(2065)
2 (41)
6 (90)
2 (40)
T.
Condrieu 1(150)
Colonges 1 (21)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Haute-Saône.
. . .
Jussey
Port-sur-Saône.
Lure
Vauvillers
... 1
1
1
1
(20)
(38)
(20)
(18)
Saint-Loup 1 (28)
Villersexel 1 (32)
Melisey 1 (30)
Luxeuil 1 (23)
Saulx 1 (23)
Héricourt 1 (20)
Seine Paris et environs.. 73(2068) 2(33) Beaucoup d'écoles n'ont pas envoyé le
. .
nombre de leurs élèves.
Une n'enseigneque l'allemand.
Eu 2 (39) T.
Montivilliers 1 (25-31) —
Seine-Inférieure. . Harfleur 1 (14) —
Bolbec 1 (55) —
Brie 1 (97) T.
Seine-et-Marne.
. .
Dammartin
Fontainebleau.
Le Mée..
Meaux
... 1 (47)
2 (70)
1
1
(10)
(40)
—
—
—
Saint-Cyr 1 (30)
—
Villiers-le-Bel 2 (41)
Gonesse 2 (38)
Beaumont 2(167)
Nointel 1 (50)
Marines 1 (19)
Versailles 5(108)
Seine-et-Oise (suite).
.
Saint-Germain.
. . .
3(39)
Marly-l.-M 1 (35)
Meulan 1 (36)
Montfort 1 (21)
Poissy 1
—
Corbeil 4(176)
Étampes Néant
Amiens 4(194)
Flixecourt 1 (14)
Cardonnette 1 (18)
Abbeville 2 (58)
Somme Saint-Valery 2(103)
Doullens 1 (20)
Péronne 1 (17)
Nesle 1 (16)
Albert 1 (45)
Mondidier 1
Somme (suite).. Roye 2 (63)
. .
Moreuil 1 (40)
Albi 4(103) T.
Gaillac 2 (49)
Tarn Lavaur 2(118)
Grauliet 1 (44)
Brignoles 1 (23)
Carcés 1 (6)
Entrecasteaux 1 (10)
Cotignac 3 (67)
Tourves 1 (9)
Roquebrune. 3 (58)
. . .
Néoulles 1 (20)
Pignans 3 (51)
Forcalquier 1 (10)
Gonfaron 2 (27)
Var Vidauban 2 (24)
Callas 2 (33)
Salernes 2 (28)
Saint-Tropez 5(157)
Grimaud 1 (15)
Le Luc 6(197)
Fayance 2 (42)
Les Arcs 1 (30)
Bargemont 5 (59)
Aups 4 (52)
MAISONS OÙ ON ENSEIGNE
Il
LATIN OBSERVATIONS
DÉPARTEMENTS SIÈGE DES ÉCOLES
FRANÇAIS
ET FRANÇAIS SEUL SEUL
Var (suite)
Tourrettes
Auribeau.
Toulon
Ollioules
.... 1
1
(12)
(6)
16(722)
3(122)
Le Puget 3 (92)
La Valette 2(40)
Le Beausset 1 (6)
Sollies 2 (51)
Pierrefeu 1 (20)
Signes
Le Revest.
Bandol
..... 1
1
1
(21)
(8)
(12)
T.
Vaucluse. .... Avignon
Lisle
Cavaillon
Carpentras
...... 6 (67)
2(61)
1 (3 6)
7 (95)
Vaucluse (suite).
Vendée
.
. Aubignan
Vaison
Les Sables
Beaumes.....
Chavagne-de Montaigu..
3
2 (51)
(37)
2 (21)
1 (70)
Séminaire(5) Le but paraît être de former partout des
élèves pour l'état ecclésiastique.
Fontenay 5 (50)
Poitiers 4 (52) T.
Loudun 2 (44)
Vienne Mauprevoir 1 (6)
Civray 1 (4)
Chatellerault 3 (80)
Montmorillon 1 (13)
Haute-Vienne. Néant
. .
Auxerre 4(121) T.
Avallon 3 (66)
Vézelay 1 (11)
Sens 2 (44)
Villeneuve-s.-Y. 1(25-30)
. . .
Précy 1 (20)
472 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
L'UNIVERSITÉ IMPÉRIALE
1. Aul., Napol. et le Mon., p. 347-348. Le latin payait toutes ces faveurs en latineries,
car on n'ose pas appeler poèmes ces pièces dithyrambiques dont les thuriféraires assom-
maient le maître à chaque occasion. Napoleoni.... Lutetiam reduci (1807) ; Augus-
tissimes conjugibus Napoleoni et Mariae (Marron, pasteur) ; Ludovicae epithalamium
(Cauchy, 1810); De nuncupata honoris titulo legione (du même). Ce Cauchy, secrétaire-
archiviste du Sénat, est un des maîtres flagorneurs du régime.
2. T. I, p. 137, ch. XIII.
LIVRE II
LE NOUVEAU RÉGIME ET LES PARLERS
CHAPITRE PREMIER
LA TRADITION RÉPUBLICAINE
L'ESPRIT DE FRANCISATION ET
LES AUTORITÉS. — Cet esprit n'est
jamais mort ni dans la nation ni dans l'Administration. A plus forte
raison s'affirmait-il au lendemain de la Révolution. Ne nous attar-
dons point à citer des grammairiens ; on peut les soupçonner de
vouloir prôner leur marchandise 1, mais voici des faits, qui révèlent
la façon de penser des Assemblées, des Administrateurs, des simples
citoyens et qui montrent qu'elle ne changea pas brusquement
après brumaire. Je mêle à dessein les pays à idiomes et les pays à
dialectes.
A plusieurs occasions, les préfets ont continué à marquer de diverses
façons leur mépris et leur répulsion pour les idiomes. Ainsi, dans sa
Statistique du Nord, Dieudonné signale l' « incursion » d'une
troupe d'acteurs patoisants à Lille et dans les environs : « Les
confrairies dramatiques parcourent encore les campagnes voisines,
dit-il, y donnant le spectacle de pieuses farces débitées dans le
patois du pays d'une manière bouffonne et quelquefois peu décente.
1. Statist. du Dép! du Nord. Douai, Morlier, an XII (1804), t. III, 101, n. 1. Cf.
p.
p. 122. Le préfet se refuse à citer les oeuvres patoises.
LA TRADITION RÉPUBLICAINE 481
viens de quitter, Est bien plus avancé que Celui de la haute Vienne.
L'idiome Limousin n'a Presque rien perdu de sa force et de sa pré-
domination ; et il est telle Commune où la Langue françoise est
entiérement ignorée. Les legers progrés que le françois a fait depuis
quelques années vont disparoitre, si le Gouvernement ne lui prête
son appuy, et ne cherche dans sa sagesse les moyens d'En Étendre
l'usage » 1.
RÉGION BASQUE.
— A Mauléon, l'arrondissement sollicitait avec
instance le rétablissement d'un collège ; il en donnait pour raison
qu'outre les avantages généraux qu'offrent les collèges, celui-ci
acquerrait un nouveau degré d'utilité, en rendant la langue française
plus familière à la partie des Pays Basques qui forme cet arrondis-
sement, où elle parait étrangère (Arch. S., cart. XXVII, p. 468.
Pau, 5 thermidor an IX-24 juillet 1801). Le dossier de cette affaire
est aux Archives (F 17 13178, doss. 42). Il est des plus intéressants 2.
Le 12 fructidor an X(30 août 1802), le sous-préfet de Mauléon
écrit au préfet : « Nulle portion de ce département où le besoin de
l'instruction soit plus généralement reconnu nécessaire que dans
le 3e arrondissement » en raison des « difficultés presqu'invincibles,
résultantes de la bisarrerie de l'idiome du pays » (Arch. N., F 17
7028).
Le document le plus circonstancié est la requête du maire de
St-Palais, qu'envoie le secrétaire général de la préfecture (ther-
midor an X). Après avoir rappelé les services rendus par les Basques
et déploré leur profonde ignorance, il ajoute : « La singularité de
la langue des Basques semble une barrière elevée pour leur inter-
dire à jamais l'accès de toutes les connaissances, et les isoler du
reste des hommes. Aussi les loix, les arrêtés du gouvernement leur
sont inintelligibles, et tant de sages instructions et de découvertes
précieuses, que les autorités propagent à l'envi, sont irrévocable-
ment perdues pour eux.
« Aucuns moyens
preparatoires pour ceux qui se destinent à l'art
de guérir, au Commerce, à la Marine, et l'idiome Basque, qui n'a
de connexité avec aucune langue connue, s'oppose à une théorie
saine par rapport à tous ceux qui n'ont pas les facultés nécessaires
pour vaincre cet obstacle...
7028).
sur les lieux et si vous voyiés par vous-même combien les Basques sont étrangers
parmi nous » (Ib.).
2. Lettre au Ministre de l'Intérieur adressée au nom du Conseil Municipal
:
« Le Conseil Municipal de la ville de Mauléon, chef-lieu du 3e arrondissement des
Basse Pyrennées, vous expose que sa situation dans un pays où l'on parle pas la
ne
langue française, exige impérieusement l'établissement d'une école secondaire, où les
jeunes gens puissent se familiariser avec la langue qui est celle des loix, et qui leur
est désormais d'une indispensable nécessité » (10 frim. an XIII-1er déc 1804 Arch N
F17
LA TRADITION RÉPUBLICAINE 483
que l'on doit multiplier les moyens d'instruction pour faire dispa-
raître l'idiome du bas-breton, la seule langue usuelle des habitants
des campagnes de cet arrondissement qui les rend, pour ainsi dire,
étrangers au milieu de leurs concitoyens dont ils ne peuvent se faire
entendre et qu'ils ne peuvent comprendre ». « Il est naturel, dit
encore un Breton, le 4 thermidor an XI (23 juillet 1803), de penser
quele gouvernement désire, en propageant l'instruction, rendre aussi
la langue française familière et d'un usage général en Basse-Bre-
tagne. On n'y parviendra qu'en instituant d'autorité des maîtres
d'écoles salariés aux dépens des pères de famille jusqu'à un âge
déterminé. Si cela n'était pas établi pour toutes les communes,
au moins pourrait-on le faire dans les plus considérables et y ad-
joindre les petites communes. Signé : J. Garnier » 1.
ILLE-ET-VILAINE. — Un citoyen de Rennes, nommé Lebus,
qui n'est pas un apologiste aveugle de l'instruction, tant s'en faut,
écrit de son côté pour demander au moins une école par district.
Les enfants y étudieront les droits de l'homme, l'histoire de leur
nation, la topographie du Royaume, et les principes de leur langue
maternelle 2.
RÉGION ALLEMANDE.
— MEURTHE. — Au lendemain du coup d'Etat
de brumaire, Saulnier le jeune, qui n'a pas encore été remplacé
comme directeur de l'administration départementale de la Meurthe,
tient le même langage qu'il tenait en l'an VI. Il déclare au délégué
des Consuls envoyé dans le département, que « si le royalisme
conserve encore quelques faibles racines dans le département,
c'est parce que... des prêtres déportés et séditieux parcourent...
quelques cantons de ce département, notamment ceux où l'idiome
allemand est en usage » 3.
MOSELLE. — Bitche, nous l'avons vu, avait été une des localités
les plus fermées à la langue française. La situation s'améliorait peu
à peu, grâce à d'anciens soldats qui s'établissaient dans le pays.
Cependant on se plaint que les écoles restent tout allemandes.
Avant la Révolution il existait un Collège, on y faisait des études
jusqu'à la Rhétorique. « Ces moines Allemands ne pouvoient en-
seigner correctement la Langue française qu'ils ignoroient Eux-
RÉGION CATALANE.
— On trouvera aux Archives (F17A 1718) une
longue lettre du Cn Escalaïs, instituteur à la Cne de Claira, datée
du 1er vendémiaire an XIII (23 septembre 1804). Ruiné par les
assignats, il exhale ses plaintes et demande une place. Pour l'obtenir
il commence par résumer le rapport de Grégoire.
Il insiste sur les différences qui de village à village séparent les
jargons. « Rozier observe que d'un village à l'autre les cultivateurs
ne s'entendent point, que le même cep de vigne a vingt noms diffé-
rens; il en est de même des instrumens ruraux, grains, et spécia-
lement des plantes et végétaux ». Le langage d'une nation doit être
uniforme... etc..
Il demande d'ordonner : 1° que toutes les communes admettent
dans toutes leurs discussions et délibérations l'usage exclusif de la
langue française.
2° qu'il soit établi des instituteurs dans toutes les communes des
départemens méridionaux, et principalement dans celui des Py-
SOUS L'EMPIRE
1. B. N., ms., Nouv. acq. fr., 5912, f° 175 v°. Couplets pour la fête de l'Empereur.
15 août 1810. Cf. Arch. N., F17 13092. Adresse des gens de Géromé. Voir aussi
Martin, Fables, contes et poésies patoises. Montpellier, 1805, in-8°.
2. Voir un Mémoire sur le patois picard par M. L. A. J. Grég. d'Essigny fils, de
Roye, dans Mag. Encycl., 1811, t. V, p. 116, 241.
488 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
« Plus d'une fois j'ai entendu des paysans se plaindre d'avoir été
surpris par des gens astucieux, comme il y en a partout, qui,
abusant de leur ignorance, leur faisaient signer des écrits dont ils
ne comprenaient ni le sens ni les expressions. Ces hommes simples
se trouvaient dépouillés de leur patrimoine pour n'avoir connu que
leur patois. Or, je crois qu'il est plus aisé de guérir l'ignorance des
uns que la mauvaise foi des autres » 1. Ceci était écrit le 19 décembre
1814. Faut-il supposer que les terribles événements de l'année
avaient ravivé le sentiment national? Peut-être. Mais l'idée que les
patois devaient disparaître n'avait pas besoin de ce stimulant.
1. Dans une lettre de Lille, du 29 oct. 1801, signée Nolf, curé, prést du presb. du
Nord, on lit : « On nous assure que M. Schelles, vû sa connaissance parfaite de la
langue flamande, est destiné pour un diocèse flamand » (Corr. Grég., Bibl. de la Soc.
des Amis de P.-R., Nord).
2. Le juge de paix du canton de Montbron (Charente), au Ministre, 14 mai 1810.
B. N., ms. Nouv. acq. franc., 5910, f° 221.
492 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ATTITUDE DU MINISTÈRE.
— Sans attacher à ces questions une
grande importance, le gouvernement essayait de faire cesser peu
à peu les anciennes pratiques. Dans une correspondance dont nous
parlerons plus loin, le préfet de la Moselle, Vaublanc, demandait
instamment qu'on envoyât à ce sujet des instructions au clergé
(17 novembre 1806). Le Secrétaire d'État lui répond : « Je vous
préviens... que je vais écrire à S. E. le Ministre des Cultes pour le
prier d'obliger les curés et des servans à faire leurs prônes et Caté-
chismes en français ou tout au moins dans les deux langues »
(16 décembre 1806) 2.
A la suite se trouve en effet la minute d'une lettre adressée à
S. E. le Ministre des Cultes, l'informant et le priant de donner les
ordres nécessaires au clergé.
Le 30 décembre, le Ministre des Cultes, Portalis, répondait au
Ministre de l'Intérieur « J'ai reçu la lettre que Votre Excellence
:
1. Arch. N., F 17 6302. Un peu plus loin le préfet reproche au Sr Richard de sacrifier-
dans son établissement le français au latin.
CHAPITRE V
ONT UN
DEPARTEMENTS ARRONDISSEMENTS COMMUNES NENONTPAS
INSTITUTEUR
SOUS-PRÉFECTURES
l'instruction à donner à leurs enfans, a toujours été portée dans cette contrée à un point
étonnant. Elle est aujourd'hui dans un état encore plus affligeant ».
L'instruction élémentaire est presque nulle dans le département. « A Perronnas,
commune distante de Bourg d'un kil. et peuplée de 304 habitans, qui pourroient aisé-
ment profiter de l'enseignement de la ville, on ne compte que deux individus sachant
lire et écrire» (Statist. de l'Ain, in-4°, p. 377).
1. Arch. N., F17 6301.
2. Circul.... relat. à l'instruction publ. Paris, Delal., 1863, p. 106, n° 59.
CHAPITRE VII
absences. Mais c'était bien pis quand ils exerçaient leurs divers
métiers dans le même local. En septembre 1811, le recteur de
l'Académie d'Orléans signale à Montargis « un ex-capucin, ex-curé
constitutionnel, marié, cafetier billardier » qui tient son école dans
sa maison 1.
On pense bien que les capacités professionnelles d'un corps ainsi
composé étaient modestes. Il comprenait des hommes convenables,
nous dit-on, dans le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire, le Cantal, etc.
Mais ailleurs ! Au reste mieux vaut feuilleter les témoignages.
AISNE. — « Il n'existe dans chaque commune que des Ecoles
tenues par des particuliers qui sont loin d'avoir la capacité que vous
semblez exiger... Ils ignorent le système des poids et mesures... Ils
ont en général si peu de talens qu'il faudrait les remplacer tous si
l'on pouvait espérer de leur trouver des successeurs... Ils ont pour
la plupart, comme avant la révolution, une fonction quelconque dans
l'église du lieu » 2. A Bechancourt, un berger s'est fait instituteur
(Let. jointe)3.
ARDÈCHE.
— On a vu plus haut (p. 450) ce qu'en dit le préfet, à
la date du 27 messidor an XIII — 16 juillet 1805.
DRÔME. L'instruction du peuple est livrée à des hommes dont
— «
le moindre inconvénient est leur incapacité » (Préfet, 31 juillet
1806). « La concurrence à bas prix des écoles libres tue l'école
publique » 5.
LOIRET. — « Les instituteurs savent à peine lire et écrire... les
écoles sont presque désertes » (10 février 1806)5, etc.
Dans les tableaux où, je dois le dire, on estime en général très
sommairement — mais assez attentivement — les connaissances,
la note qui domine c'est : « capacités suffisantes ». Il y a des notes
«
nulles » en quantité appréciable, moins pourtant qu'on ne croirait.
Il faut dire que tout ce qui est demandé à ce personnel, c'est de
montrer à lire, écrire et compter. Il importe surtout qu'il pense
bien. Si un maître est coté comme peu instruit, mais de bonne
conduite, sa situation est assurée 6.
Ce que ni Recteurs, ni Préfets, ni Évêques ne pardonnent, c'est
de n'avoir point de principes religieux. Les anciens prêtres ma-
riés, et qui n'ont pas fait bénir leur mariage, sont plus sévèrement
jugés que les ivrognes (Voir en particulier le rapport de l'évêque
d'Agen, 1809) 1.
1. Le rapport de Rennes (non signé) 16 avril 1809, avoue que l'état de l'instruction
est pitoyable. Il se plaint des bonnes soeurs des campagnes qui enseignent uniquement
le catéchisme, mais « connoissent peu le sens et le prix des maximes évangéliques, et
y substituent souvent des maximes et des pratiques superstitieuses, ou tout au moins
inutiles pour le chrétien » (Arch. N., F 17 6301).
CHAPITRE VIII
Dans l'Oise, les instituteurs furent appelés, dès 1810, à des leçons
normales, et ensuite examinés par un jury (Schmidt, o. c, p. 97).
1. Fédenat, Recteur de Nismes, Let. (s. d mais postérieure à une première lettre
du 31 août 181-1). Arch. N., F17 6302. ,
RETOUR A L'IDÉE D'ÉCOLES NORMALES 509
les noms; les temps et les personnes dans les verbes; les principales
irrégularités de la langue écrite ou parlée; enfin une explication
sommaire de la ponctuation »1.
Un texte comme celui-là en dit long et supplée aux témoignages
qui, il faut le reconnaître, sont très insuffisants, car le gouver-
nement n'a jamais clairement demandé aux préfets ou aux rec-
teurs si les maîtres enseignaient le français. On s'inquiétait s'ils
enseignaient le calcul décimal et le système métrique. C'était là
la grosse affaire. Je n'ai même trouvé à peu près nulle part d'indi-
cations sur la langue qu'on employait à l'école pour enseigner 2.
PRÉFETS PURISTES.
— Les choses paraissent être allées un peu sui-
vant l'impulsion que le préfet, assez libre alors, leur donnait5. Or
il se trouvait que plusieurs, nous l'avons dit, avaient du français un
souci poussé jusqu'au purisme. On en surprend qui voudraient
faire extirper du pays les locutions locales 1. Ils éprouvent une vraie
tristesse en se voyant réduits à choisir des sous-ordres parmi des
illettrés, et en recevant au lieu d'actes et de correspondances
d'inintelligibles grimoires. « Ce département, écrit le préfet des
Hautes-Pyrénées, est extrêmement pauvre en instituteurs ; on y est
tellement ignorant qu'on ne désire pas même s'instruire » (1er mes-
sidor an XI— 20 juin 1803).
« Les registres, quoique avec le secours des formules, sont rédi-
gés d'une manière inintelligible, parce que les rédacteurs n'entendant
pas le français, ne comprennent pas le sens de ces formules : il me
faut deviner celui des délibérations des conseils municipaux, qui
offrent un mélange confus de français et de patois du pays » 2.
Si seulement on savait « mettre l'orthographe »3 ! Les maîtres
sont signalés, quand ils forment la jeunesse à cet art précieux 4. Ils
ont du reste des émules dans l'enseignement privé 5.
IMPRESSION GÉNÉRALE.
— Malgré tout cela, je ne crains pas de
l'affirmer, dans le Midi surtout, on trouve inscrits sur les listes
plus de maîtres de latin que de maîtres de français 6. Rien ne
donne, je ne dis pas l'impression d'une organisation systématique,
mais même celle d'un effort. J'inclinerais même à croire que bien
des instituteurs devaient ignorer ou à peu près le français. A propos
d'un périodique du grammairien Domergue, le Journal des Sciences
et des Arts des Bouches-du-Rhône (t. II, p. 5) dit en 1805 : « En
renouvelant cette annonce, nous croyons devoir ajouter une invi-
tation à MM. les Maires d'en donner connaissance à tous les insti-
tuteurs dont la plupart ignorent la langue française » 7. Était-on
trop exigeant au Journal? Peut-être, car on ne voit pas en quoi
1. En l'an XII, le préfet de l'Eure dit: « Les instituteurs actuels, au nombre d'environ
400, sont pour la moitié des gens de la campagne, dont l'éducation peu soignée entre-
tient l'usage d'un accent et d'expressions vicieuses... il n'y a pas plus de 50 instituteurs
qui soient en état de former leurs élèves aux principes raisonnés de l'orthographe et de
la grammaire » (Aul., Nap. et le Mon., p. 15-16).
2. Arch. N., F17A 1718.
3. Dans l'Oise, le préfet Belderbusch adresse un traité d'orthographe qui fait partie
du Cours Elémentaire qu'il fait rédiger pour les Écoles primaires (9 avril 1806). Il
institué un prix d'orthographe (Arch. N., F17A 1718). a
4. « Le citoyen Claude ci-devant me à la pension de St-Yon, près Rouen, enseigne
la lecture, l'écriture, l'orthographe » (Arch. N., F 171 1716).
5. Dans la Maison d'éducation de Madame Gontier et Cie (pensionnat) à Aix,
apprend à lire avec ponctuation, à écrire avec ortographe » (Arch. N., Imprimé. « on
F17A 1716).
6. En 1809, d'après un rapport de l'évêque de Cahors, une assez grande quantité est
portée comme enseignant le latin, personne comme enseignant le français (Arch N..
F17 6301).
7. Brun, Mém. ms., p. 89. Au commencement du XIXe siècle, dans les Hautes-Alpes,
on trouve encore le français difficile à apprendre et inutile à savoir (Ladoucette, Hist.
topogr. ant. des Htes-Alpes, p. 611).
LE FRANÇAIS ET LES ÉCOLES DE L'EMPIRE 517
ON DÉPARTEMENT MODÈLE
EN MOSELLE.
— Si dans les départements de la vieille France, la
diffusion de la langue par l'école n'a pas été l'objet d'une action
suivie et concertée, c'est une raison de plus de signaler les dépar-
tements où on a montré du zèle et de la clairvoyance. Metz a été
favorisée. Déjà Colchen s'est employé à remédier à ce qu'il considé-
rait comme un mal national : la classe en idiome. Le 11 fructidor
an XI (29 août 1803), il s'informe et renvoie un tableau fourni par
le sous-préfet de Thionville avec un questionnaire. Il veut savoir
en effet si les instituteurs enseignent essentiellement la langue fran-
çaise et le calcul décimal.
D'après le tableau du 4e Arrondissement, possédaient le français
les maîtres de :
Achen (écrit passablement en Forbach.
français). Freybouse.
Altzing (connait assés bien Grosbliderstroff.
la langue française). Gros-Rederchin.
Altwiller (écrit passablement Gros-Tenquin.
en français). Guéblange.
Altrippe. Guesseling.
Baronville. Hambach.
Bezig. Hanwiller.
Biding. Heckenranschbach.
Bistroff. Hellering.
Bitche. Hellimer.
Bousseweiller. Holving.
Brulange. Hombourg-Bas.
Cocheren. Hoste.
Destry. Hottewiller.
Diebling. Ippling.
Eincheville. Kappelkingert.
Folswiller. Kerbach.
1. Il sera traité dans un autre volume des départements la France venait
d'acquérir, en particulier des Alpes-Maritimes. que
UN DÉPARTEMENT MODÈLE 519
Landroff. Sarinsming.
Launing. Sarreguemines.
Lengelsheim. Saimbouze.
Leywiller. Soucht.
Lixing. Schpikeren.
Lhopital. Tenteling.
Macheren. Tleving.
Maxstadt. Uberkingert.
Meysenthal. Vallerange.
Morhange. Valmont.
Nelling. Wahl-Ebersing.
Neufgrange. Villers.
Petersbechel. Villerwaldt.
Remering. Valsbronn (si on l'exige).
Rorbach. Velferding.
St Avold. Viswiller.
St J. Rorbach. Vitring.
Sarralbe. Vousterwiller.
C'était une belle proportion. 59 écoles seulement n'enseignaient
pas le français. On ne s'étonne pas que le préfet écrive avec
quelque fierté : « Je dois observer en terminant que la Langue
française devient actuellement familière dans des villages où, il y a
dix ans, elle était absolument ignorée. Cette révolution est due
principalement aux soins que l'on a pris de faire admettre par les
communes allemandes des instituteurs qui possédassent les deux
langues et je ne néglige rien pour y en augmenter le nombre »1.
1. Let. du préf., 15 frim. an XII (7 déc. 1803). Arch. N., F17A 1718. Voir dans
cette pièce toutes sortes de détails sur les écoles de Metz et les moyens de donner à
chacun une instruction en rapport avec ses aptitudes. Cf. une lettre du 2 frim. an XIII
signée du Cr de Préfre Leclerc (23 nov. 1804).
520 HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE
APPROBATION GOUVERNEMENTALE.
— Ces mesures rappelaient l'an II.
Cependant Fourcroy, dans un rapport au Ministre, daté du 12 fri-
maire an XIV (3 décembre 1805), les approuva. Il répondit le
10 janvier 1806, c'est-à-dire cinq mois après avoir reçu les
propo-
rés sur le champ, j'ai donné de l'argent pour qu'on en achetât d'au-
tres en françois et j'ai déclaré à l'instituteur que je ferois une
nouvelle visite à l'instant qu'il s'y attendroit le moins, et qu'il per-
droit sa place, s'il se servoit encore de livres élémentaires allemands.
« Il me sera
possible de faire exécuter cette disposition dans les
villes, mais dans les villages où l'on parle allemand, on ne trouve
que très rarement des instituteurs qui parlent les deux langues ; pour
en avoir il faudroit ajouter une petite somme aux foibles appointe-
ments que donnent les communes ; peut etre seroit-il digne de l'ac-
tive sagesse de Votre Excellence de prendre cet objet en grande
considération, il est certain que la langue fait la Patrie, et qu'il est
bien difficile d'être françois dans toute l'étendue du mot, quand on
ne parle qu'allemand. En outre cette ignorance de la langue fran-
çoise rend l'administration extrêmement difficile et lente ».
Le préfet va plus loin et aborde la question la plus délicate :
« Il est une chose qui contribue beaucoup à entretenir l'usage de
la seule langue allemande dans un grand nombre de communes,
c'est d'y envoyer des prêtres qui parlent cette langue, et qui souvent
même ignorent le françois ; les sermons et le catéchisme faits en
allemand entretiennent les habitants dans l'usage de cette langue,
et dans la fausse idée qu'ils n'ont pas besoin d'en apprendre une
autre.
« Votre Excellence peut être persuadée que pendant toute mon
administration, je m'occuperai avec une persévérance constante à
étendre la langue françoise dans mon département. Je trouve hon-
teux de voir des familles, françoises depuis des siècles, ignorer la
langue de leur Patrie, et rester indifférentes aux grandes choses qui
signalent le règne de l'Empereur, elles ne peuvent partager l'enthou-
siasme de la Nation, puisqu'elles ne comprennent pas les expressions
par lesquelles nous manifestons notre admiration... Vaublanc ».
Ainsi un homme, qui était et avait toujours été de droite, parlait
le langage de François Ier et de Grégoire, et il semble avoir
réussi à galvaniser les bureaux, malgré leur crainte, héréditaire
des « affaires ». Les idées de la Révolution n'étaient pas mortes.
CHAPITRE XI
LA CENTRALISATION.
— Pour terminer, je voudrais indiquer briève-
ment ce qui, dans le régime napoléonien, a fait faire à la langue
nationale de nouveaux progrès. Il faut considérer d'abord comment
s'est poursuivie l'oeuvre de centralisation. Rien, ou à peu près rien
ne resta de ce qui faisait l'originalité des divers pays. Leurs insti-
tutions propres abattues ne furent remplacées par rien qui sentît
de près ou de loin « la localité ».
Il n'y a désormais en France qu'une administration uniforme, toute
semblable de Strasbourg à Bordeaux, dont les fonctionnaires,
appartenant tous à un cadre unique, sont envoyés au hasard des
places disponibles de poste en poste, qu'ils soient préfets, magis-
trats, percepteurs, gendarmes ou agents-voyers. Naturellement ils
n'administrent, ne paperassent qu'en français; leurs guichets, déjà
peu avenants pour quiconque s'y présente, se fermeraient impitoya-
blement au malheureux incapable de s'expliquer. Il peut arriver
qu'un séjour prolongé les acclimate et accoutume certains d'entre
eux à comprendre quelques bribes du parler de l'endroit où leur
carrière les a jetés, mais c'est là un accident qui dépend de com-
plaisances personnelles, et sur lequel ceux qui ont affaire à l'Admi-
nistration n'ont pas à compter.
Or le rôle de l'État a été immensément augmenté. Il intervient
désormais dans tout, au moins pour contrôler, souvent pour gérer,
au lieu et place soit des particuliers, soit des autorités locales. Il
ne s'agit pas encore de le faire producteur, mais il est déjà mar-
chand. Les habitants ont perpétuellement affaire à lui.
bon gré mal gré un sentiment national dont l'orgueil soutenait les
élans. L'école de français d'alors, c'était le régiment. Sans doute,
les « pays », qui s'y rencontraient, échangeaient avec plaisir mots
et quolibets dans le langage du cru 1. Mais dans son cours ordinaire,
la vie de gloire et de servitude était toute française 2. Une absence
aussi prolongée de toute la population mâle ne s'était jamais pro-
duite. Les conséquences devaient en être fatales pour les patois.
Quand les congés rendaient les hommes à la vie civile — et il
en revenait, malgré tout, des vainqueurs d'Austerlitz et des vaincus
de Leipzig —, ils prenaient femme, et ce n'était pas nécessairement
dans leur pays. En ce cas, ils n'allaient pas apprendre le patois du
village où ils se fixaient, et la femme n'apprenait pas celui de son
mari 3. C'était un ménage gagné pour le français. Mais, même s'il
revenait dans son lieu d'origine, le vieux soldat n'était plus le
même homme. Se remettait-il au patois, quelque plaisir qu'il y pût
prendre, il ne le parlait plus avec la même pureté. Il avait en outre
trop de souvenirs qui se prêtaient mal à cette forme de langage.
Un observateur qui écrit presque au lendemain de Waterloo l'a
bien vu : « Depuis vingt-cinq ans, dit-il, il (le patois poitevin) a
subi des altérations sensibles ; on ne le parle plus dans les villes ;
et les déplacemens multipliés qu'ont subis les villageois, leurs
rapports forcés et si fréquens avec les gens d'affaires, les enrô-
lemens, les flux et reflux des levées en masse, ont tendu sans
cesse à effacer toutes les nuances et à donner une teinte uniforme
aux habitudes et au langage de toutes nos provinces » 4.
I. — L'ENQUÊTE.
« Monseigneur,
1. Voir sa notice biographique par le baron Sylvestre, dans les Mémoires publiés
la Société royale et centrale d'Agriculture, 1832, 63-84 (Gallois, Régions naturellespar
et
noms de pays, Paris, 1908, 12-14).
2. On comparera les Mémoires de la Société des Antiquaires, 1824, t. VI.
3. B. N., N. Acq. fr., 20080, 1re pièce. C'est une minute. Un titre
en marge porte :
Proposition pour que Eug. Coquebert de Montbret soit chargé de la continuation de ce
travail dans le second Bureau de la section d'Agriculture. Le Bureau de Statistique est
donc dissous. Nous sommes après 1812.
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 527
1. Les lettres ministérielles adressées, soit aux préfets, soit à des savants comme
Legodinec, sont très nombreuses ; il en existe, dans les papiers que nous allons analyser,
vingt ou trente en minutes, presque identiques de forme, ou ne différant que par des
variantes sans importance. Celle à Legodinec (26 janvier 1808) a été imprimée dans les
Mémoires de l'Académie Celtique (II, 125).
528 APPENDICE
1. La carte est celle de l'Atlas National de Dumez. Elle a été envoyée par le préfet
Castellanne en 1806, elle se trouve dans B. N., Nouv. Acq. fr., 5913.
2. Nous suivons, dans cette liste, l'orthographe de la carte, sauf à mettre entre
parenthèses, quand cela est nécessaire, l'orthographe actuelle.
532 APPENDICE
MORBIHAN 1.
CÔTES-DU-NORD1.
DÉPARTEMENT DU NORD 1.
NOTES 2.
— 1° Dans l'arrondissement de Dunkerque, et dans celui d'Haze-
brouck, toutes les communes sont de langue flamande, à l'exception de trois
communes de l'arrondissement de Dunkerque, qui sont exclusivement de
langue francaise, savoir Gravelines (1), Loon (2) et Mardick (3), et de dix
communes de l'arrondissement de Hazebrouck qui sont pareillement uni-
quement de langue française, savoir Blaringhem (4), Boeseghem (5), Thien-
nes (6), Haverskerque (7), Merville (8), La Gorgue (9), Estaires, (10) Neuf-
Berquin(11), Steemverck (12) et Nieppe (13) (Rouen, 721, p. 31 ; cf. Bottin,
1806, Rouen, 721, 37).
A Holque et S. Momelin on parle aussi français, mais à ce qu'il paraît,
en concurrence avec le flamand
(Ib.).
2° La ligne de séparation des
deux idiomes commence sur le
bord de la mer, entre Gravelines
et Dunkerque 3 et elle contourne
(à peu d'exceptions près, que
nous venons d'indiquer) l'ancienne
province de la Flandre maritime
ou flamingante soumise à la
France.
La forêt de Nieppe près Armen-
tières est considérée comme for-
mant la séparation des deux
idiomes.
Dans l'arrondissement de Lille, il n'y a que la seule commune de Wer-
wick-Sud qui soit de langue flamande.
3° D'après une lettre du préfet du 13 septembre 1806, sur 671 com-
munes, 99 sont flamandes, 572 françaises (Rouen, 191. 152 v° ; cf. Bottin
1806).
DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS.
NOTE.
— Les habitants des communes de Clairmarais, Ruminghem, des
fanbourgs de St-Omer... continuent de parler leur flamand corrompu. Ils
s'en servent avec le français qu'ils pratiquent plutôt que leur flamand (sic)
(Lettre du sous-préfet du 19 février 1807; Rouen, 721, 48).
DÉPARTEMENT DE LA LYS.
NOTES 1.
— L'idiome du pays est ce qu'on appelle vulgairement le flamand,
dénomination fort impropre, puisqu'on parle ce langage dans la presque
totalité des Pays-Bas. Cependant la langue française n'est ignorée que dans
les campagnes, encore la connaissance de cette langue fait-elle tous les jours
des progrès sensibles (De Viry, Préfet, Statist, in-f° 54; Rouen, 721, 32).
2° Le département est en entier de langue flamande, à l'exception de six
communesde l'arrondissementde Courtrai, savoir Dottignies(1), Espierres(2),
Herseaux (3), Luingne (4), Mouscron (5) et Reckem (6), dans lesquelles on
ne parle que français 2.
Les communes du même arrondissement de Courtrai où l'on parle concur-
remment flamand et français, sont Aelbeke (7), Autryve (8), Avelghem (9),
Bavichove (10), Belleghem (11), Beveren (12), Bisseghem (13), Bossuyt(14),
Caster (15), Coyghem (16), Courtrai, Dadizeele (17), Desselghem (18),
Gulleghem (19), Haerlebeke, Helchin (20), Heule (21), Ingelmunster (22),
Iseghem (23), Kerkhove (24), Lauwe (25), Marcke (26), Menin, Moorseele
(27), Rolleghem (28), Roulers, St-Genois (29), Sweveghem (30), Tieghem
1. Ces notes sont tirées de B. N., 20080. Cf. Rouen, 721, 31-32. L'orthographe des
noms de lieux n'est pas, dans les notes des manuscrits, strictement conforme à l'ortho-
graphe des cartes. Devais-je l'y rapporter ? Ici il m'a paru plus expédient de remettre
ces noms sous la forme qu'ils ont actuellement d'après le Dictionnaire des Communes...
de Guyot frères, Bruxelles, 8°. Mes lecteurs pourront toujours retrouver dans les cartes
les anciennes façons d'écrire.
Pour les noms qui manquent au recueil de Guyot, j'ai suivi les cartes, et marqué les
noms d'un point en haut.
2. Une lettre du préfet Chauvelin, du 19 août 1806, disait : Reckem, Mouscron,
Luingne, Herseaux, et Dottignies (ms. 721, 38). Coquebert de Montbret préféré
suivre une note d'Hénissart (Ib., 36). a
La carte est dans le ms. de la Bibliothèque Nationale. N. acq. fr. 5913. La partie
française y est teintée en rouge.
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 543
DÉPARTEMENT DE JEMMAPPES.
(Actuellement province de Hainaut) 1.
DÉPARTEMENT DE L'ESCAUT 3.
(Actuellement province de la Flandre Orientale).
département est en entier de langue flamande, à l'exception de trois
1° Ce
communes de l'arrondissement d'Audenarde, limitrophes du département
1. Cette mention fait voir que Coquebert de Montbret travaille après 1815. Voir
ms. B. N., 20080, 35. Cf. 5913, 28.
2. Cette commune s'appelle en français les Acrennes (B. N., 20080).
3. Le département a 628 964 habitants, plus 7 464 militaires.
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 545
DÉPARTEMENT DE LA DYLE 3.
DÉPARTEMENT DE
LA MEUSE INFÉRIEURE.
(Actuellement province de Limbourg) 1.
NOTES.
— 1° Ce département est en entier de langue flamande, à l'exception
de quelques communesde la lisière méridionale qui sont françaises wallonnes
(B. N., 20080, 38).
Les communes de Lanaye (1), Emale (2), Eben (3), Wonck (4), Bassenge
(5), *Herstappe(6), et *Otrange(7), Roclenge (8), sont les seules où l'on
parle exclusivement wallon. Dans celle de *Heur-le-Tiexhe, *Lowaige (9),
*Russon (10), on parle concurremment wallon et flamand, et aussi, à
ce qu'il
paraît, dans celle de Hallembaye 2.
2° Le canton de Tongres est composé de vingt-six communes toutes fla-
mandes (excepté les deux de Herstappe et d'Otrange sus-dénommées 3).
DÉPARTEMENT DE SAMBRE-ET-MEUSE.
Il est entier et sans exception de langue française (B. N., 20080, 40).
DÉPARTEMENT DE L'OURTHE.
Une première carte avait été envoyée par le préfet. Nous ne l'avons plus.
En effet, le 16 juillet 1806, le Secrétariat du Bureau de Statistique envoyait
au Ministre de l'Intérieur, sous la signature du préfet de l' « Ourte », une
lettre où il était dit :
« J'ai l'honneur d'adresser à votre
Excellence, conformément à sa lettre
du 30 juin, la carte de ce département, sur laquelle j'ai fait tracer la ligne
qui sépare les langues allemande et flamande de la langue françoise ».
Comme la carte n'indiquait pas les limites du département, le préfet les
marquait.
Cette carte n'est pas dans le dossier. Mais nous savons :
1° Qu'on y avait tiré une ligne AB, se dirigeant de l'Ouest à l'Est, et
passant de Pellaines à Houtain. Elle « sépare, disait-on, la langue flamande
de la langue françoise dans la partie de ce Département qui touche à ceux
de la Dyle et de la Meuse inferieure. Landen est un chef-lieu d'un canton
dans lequel on ne parle que la langue flamande ».
2° La « ligne brisée CDE, allant du Nord vers le Sud-Est, passant par
Fouron, Henri-Chapelle, Baelen et Membach, qui sépare, dans cette partie,
la langue allemande (mauvais dialecte d'Aix-la-Chapelle et de Cologne) de
la langue française ».
3° Enfin la ligne « EFG, passant à Schophem, Deidenberg, Recht, et
Aldringen (Audrange), qui sépare la langue allemande de la langue fran-
çaise ».
Ainsi, « à l'exception de la seule commune de Rosoux, où l'on ne parle
que flamand, la langue françoise, disait-on, est la seule qui soit parlée et
écrite dans l'arrondissement de Liège ».
4° « Dans la moitié de l'arrondissement de Malmédy, comprise entre la
ligne brisée CDEFG et la limite des deux autres arrondissemens, l'on ne
connoit que la langue françoise et, dans l'autre moitié comprise entre la
ligne CDEFG et les limites des Départemens de la Meuse inférieure, de la
Roer, de la Sarre et des Forêts, on ne connoit que la langue allemande ».
5° « Enfin, dans l'arrondissement de Huy, il n'y a que la partie du canton
de Landen, bornée par la ligne AB, où la langue flamande soit la seule
connue ».
Le Ministre répondit le 4 août 1806 qu'on n'avait pas bien compris ses
désirs : « La ligne de démarcation comprend des parties droites. Par la
nature des choses, elle ne peut être que sinueuse, même sur l'espace le plus
court. Il veut un tracé qui laisse d'un côté toutes les communes de langue
française et de l'autre celles où les dialectes allemands sont le plus en usage ».
Et il renvoie la carte au préfet 1.
Une nouvelle carte fut dressée. C'est celle qui est conservée dans le
ms. 5913. Nous n'avons pas la lettre qui l'accompagnait, mais nous savons
qu'elle a été envoyée le 28 novembre 1806 (Rouen, 721, 78). C'est une carte
de Ph. J. Maillart et Soeur, datée de l'an XII.
Les difficultés n'étaient pas toutes résolues par là. En effet, la carte
ne
concordait pas absolument avec les renseignements fournis
par le sous-préfet
1. Arch. N., F17 A (1209-1211).
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 551
II
76.
Asse, 73.
Lombrone, 74. ,
Sur le Trieux 167.
Wideleux, 75.
Cerfontaine,
Messitert, 38.
Hesselle, 39.
Renoupré, 40.
Hell, 41.
Roisleux, 42.
Froidthier, 43.
Blockhouse, 45. ,
Florence 142.
Crawhez, 46. Bruyères, 143.
Clermont, 47. ,
Alaubhay 144.
Boishainam 48. , ,
Delvoye 145.
Lohirville, 49. Henri Chapelle, 147.
Le Sode 51. , Hockelbach, 149.
Villers, 52. Wilcourt-Heyde, 168.
,
Herve 54. ,
Grinho 50.
Limbourg. Houjoux 53. ,
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 555
Charneux, 80.
Communes allemandes.
Solwaster, 81.
Passe, 82. Membach, 169.
Coque en Fagne [Cokaifange], 83. Forêt de Hertogenwald.
Baron Haye [Baronheid], 84. Bois Claysberg.
Ster, 85. Bois de Monta.
Burnenville, 86. Bois de Calbour.
Sur le Tier 87. Sourbrodt 1, 170.
Bevercé, 88.
,
,
Andrifosse 171.
Mont. 89. Bois de Weversée.
Xhoffraix, 90.
Longfaye, 91.
Theine 92.
,
Ovifat, 93.
Robertville, 94.
Champagne, 95. Weywertz (Weversée), 172.
Faymonville, 96. Butgenbach ou Bullenge, 173.
Reimonval 97. , Schoppen, 174.
Stembach [Steinbach], 98. Möderscheid, 175.
Oudenval, ,99. Mirfeld, 176.
Ligneuville, 100. Eibertingen (Ebertange), 177.
Le Pont 101. Iveldingen (Iveldange), 178.
,
Montenau, 179.
Deidenberg, 180.
Born, 181.
Laidevaud , 102. Recht, 182.
Petit-Hier [Petit-Thier], 103. ,
Obert Emmels 183.
Blanche fontaine, 57. Rodt, 158.
Burtonville, 104. Hindershausen, 159.
Neuville, 58. Weisten, 161.
......
—
Baelen fl.
— —
Basse-Bodeux. fr. —
—
Beho fr. — —
Bellevaux fr. — —
Bilstain fr. — —
Bovigny. fr. — —
Bra fr. — —
Call
Bullenge a.
— —
Butgenbach a.
— —
— a. —
Chevron fr. — —
Clermont fr. — —
Cornesse fr. — —
Crombach a. —
—
Cronenborg — a. —
Dalheim a.
— —
Dison fr. — —
Ensival fr. — —
Eupen fl.
— —
Eynatten — fl.
—
Fosse fr. — —
Fouron-St-Martin — fl.
—
Fouron-St-Pierre — fl.
—
Francorchamps fr. — —
Gemmenich fl.
— —
Gleize fr.
. — —
Goé fr. — —
Grand-Halleux fr.
Grand-Rechain — —
fr. —
Halschlag —
— a.
Hellenthal a.
—
Henri-Chapelle fl.
Hergenrath — —
— — fl.
Hodimont fr.
Hombourg —
— — fl.
Jalhay fr.
Julémont fr.
Kettenis fl
...
—
—
Undenbredt — a. —
Verviers fr. — —
Viel Salm fr. — —
Wane [Wanne] fr. — —
Wegnez fr. — —
Welkenraedt fl.
— —
Waimes fr. — —
Wolfsheide — a. —
Xhendelesse fr. —
Fait à Malmédy le 17 novembre an 1806. — PÉRIGNY.
ARRONDISSEMENT DE NEUFCHÂTEAU.
Bertogne Bertogne
—
Bethomont
Rahimont
Compogne — Compogne
Givry — Givry
Givroulle — Givroulle
Trois Monts
Gives
Frenet
Berhain
Harzy — Harzy
Benonchamps
Mageret
Longchamps —
Longchamps
Monaville
Witbimont
Rollé
Champs
Flamisoulle
Menil-Fays
Longvilly —
Longvilly
Mabompré — Mabompré
Mande-St-Etienne — Mande-St-Etienne
Noville — Noville
Cobru
Bourcy
Recogne
Vaux
Rachamps — Rachamps
Hardigny
Wicourt
Wardin —
Wardin
Bras
Vellereux — Vellereux
Engreux
Bonnerue
Bellefontaine — Bellefontaine
La Hage
St-Vincent
Chatillon — Chatillon
Etalle — Etalle
Lenclos
Sivry
Buzenol
Nantimont
Habay-la-Neuve — Habay-la-Neuve
Châtelet
Bologne
Habay-la-Vieille — Habay-la-Vieille
Hachy Hachy
—
Fouche
Sampont
Rossignol — Rossignol
Rulles — Rulles
Marbehan
Houdemont
Sle-Marie — Ste-Marie
Fratin
Tintigny — Tintigny
Breuvanne
Ansart
Poncelle
Le Menil
Vancc Vance
—
Chantemelle
Villers-sur-Semois Villers-sur-Semois
—
Mortinsart
Orsainfaing
Harinsart
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 563
Boulaide Boulaide
Ebly
- Ebly
Chêne
Vaux-lez-Chêne
Maisoncelle
Fauvillers Bodange Fauvillers 1
Wisembach Hotte
Menufontaine
Hollange Hollange
—
Honville
Lescheret Lescheret
—
Martelange Martelange —
Perlé
Radelange
Gremelange
Neufperlé
Remoiville — Remoiville
Chaumont
Strainchamps — Strainchamps
Burnon
Witry — Witry
Traimont
Volaiville
Winville
Wolwelange Wolwelange —
Parette
Warnach Warnach —
1. Dans la liste des communes-limites, cette localité est portée comme allemande.
[Voir p. 558, n°2.]
2. [Lire OEil, dépendance de Tintange].
564 APPENDICE
Chiny — Chiny
Lacuisine —
Lacuisine
Fontenoille —
Fontenoille
Florenville —
Florenville
Jamoigne —
Jamoigne
Prouvy
Romponcel
Valansart
Izel Izel
—
Pin
Martué
—
Martué
Moyen Moyen
—
Muno Muno
—
Lambermont
Watrinsart
Suxy Suxy
—
Tennes Tennes
—
Frenois
Villers-devant-
—
Villers-devant-
Orval Orval
Chérain Chérain
—
Slerpigny
Brisy
Vaux
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 565
Gouvy Gouvy
—
Houffalize Houffalize
—
Limerlé — Limerlé
Steinbach
Liherain
Rouverois
Mont — Mont
Dinez
Wilogne
Mont-Le-Ban Mont-Le-Ban
—
Lomré
Baclain
Langlière
Ollomont Ollomont
—
Nadrin
Tilly
Ottré Oltré
—
Hébronval
Rettigny Rettigny
—
Sommerain Sommerain
—
Tailles (Les) Tailles (Les)
—
Fond
Chabreheid
Pisserotte
Taverneux Taverneux
— Fontenaille
Tavigny Tavigny
—
Cetturu
Goniprez
Wibrin Wibrin
—
Mormont
Achouffe
566 APPENDICE
Longlier Longlier
—
Laherie
Massul
Molinfaing
Ste-Marie Ste-Marie
—
Ourt
Laneuville
Wideumont
Bernimont
St-Médard — St-Médard
Gribomont
Mellier — Mellier
Thibessart
Rancimont
Mont-Plainchamps — Mont-Plainchamps
Grapfontaine
Hosseuse
Nolinfaing
Neufchâteau — Neufchâteau
Orgeo
- Orgeo
Sanpont
Biourge
Nevraumont
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 567
St-Pierre — St-Pierre
Libramont
Presseux
Flohimont
Sberchamps
Lamouline
Straimont — Straimont
Martilly
Tournay — Tournay
Petit-Voir
Grand-Voir
Fineuse
Verlaine
Tronquoy — Tronquoy
Respelt
Semel
Morival
Gerimont
Warmifontaine — Warmifontaine
Harfontaine
Menugoutte
Paliseul Bertrix —
Bertrix
Cugnon Cugnon
—
Auby
Géripont (La)
Fays-les-Veneurs Fays-les-Veneurs
—
Nollevaux
Plainevaux
Framont — Framont
Anloy
La Rochelle
Herbeumont Herbeumont
—
Jehonville Jehonville
—
Sart
Acremont
Mortehan Mortehan
—
568 APPENDICE
Assenois Assenois
—
Glaumont
Flamierge Flamierge
—
Tronle
Bercheux Bercheux
—
Hompré
- Juseret
Hompré
Grandrue
Salvacourt
Houmont Houmont
—
Brul
Magerotte
Magery
Pinsamont
Harlange Harlange —
Mande-Ste-Marie Mande-Ste-Marie
— Chenogne
Lavatelle
Senonchamps
Morhet
- Morhet
Remience
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 569
Remichampagne Remichampagne
—
Rosières Rosières
—
Rosière-la - Grande
Roumont — Roumont
Vigny
Prelle
Sainlez — Sainlez
Sibret — Sibret
Velleroux
Jodenville
Poisson-Moulin
Flohamont
Renapré
Tarchamps Tarchamps —
Tillet — Tillet
Tompré
Chisogne
Acul
Gérimont
Villers-la-Bonne- — Villers-la-Bonne-
Eau Eau
La Baraque
La Tannerie
Lutrebois
Livarchamps
Chiversous
Losange
Belmont —
Ethe
Belmont
Gérouville Gérouville
—
Limes
Harnoncourt —
Harnoncourt
Lamorteau
Latour — Latour
Chenois
Meix Meix
—
Montquintin Montquintin
—
Couvreux
St-Léger — St-Léger
St-Mard St-Mard
— Vieux-Virton
Mussy-la-Ville Mussy-la-Ville
—
Musson Musson
— Baranzy
Gennevaux
Willancourt
Robelmont Robelmont
— Harpigny
Ruette Ruette
—
Grandcourt
Signeulx Signeulx
—
St-Remy
Sommethonne —
Sommethonne
Torgny —
Torgny
Villers-La-Loue Villers-La-Loue
—
Houdrigny
Virton —
Virton
DÉPARTEMENT DE LA MOSELLE 1.
1. La carte est dans le ms. de la Bibliothèque Nationale, 5913. C'est une carte en
deux couleurs dressée après la création du Département. La limite y a été tracée à la
plume.
Pour la partie qui concerne la vallée de la Bruche, des confusions se sont produites
dans les notes de Coquebert de Montbret, elles sont toutes naturelles. Le préfet du
Bas-Rhin, Shée, en 1806, écrit que les communes de Valdersbach, Rothau, Nasviller,
Schirmeck, Barenbach, Russ et Viche « paraissent » être du département des Vosges.
Il n'est pas fixé ! En examinant la carte qu'il envoie, on voit que la limite sud-ouest
du département du Bas-Rhin est marquée par une limite de croix *****, un peu au nord
de Saint-Blaise-la-Roche,dans la vallée de la Bruche, laissant aux Vosges le canton de
Saales et des localités de la Haute-Bruche. Mais une autre limite est indiquée par une
même ligne de croix *****, plus au Nord, entre Viche et Lutzelhausen. C'était là en
effet que passait réellement la limite nord du département des Vosges avant 1870.
La carte présente en outre une troisième ligne qui semble mettre à part une « partie
de la principauté de Salm », laquelle avait été annexée au département des Vosges, avec
Senones, sa capitale. Malgré ces difficultés, une main inconnnue a, par une ligne de
traits, noté fort exactement la limite des langues. A vrai dire, cette ligne ne part pas
de Raon-les-Leau, où s'arrêtent les indications relatives à la Meurthe. Elle part — et
cela est observé très justement — d'un point situé plus au Nord. J'ajoute donc, en
suivant la ligne limite, et en me fondant sur les renseignements fournis par le sous-
préfet de Saint-Dié, la liste des premières localités de langue française jusqu'à
Solbach, où commence la liste dressée par Coquebert de Montbret.
2. D'après les notes sur le département du Bas-Rhin.
3. Cette localité est en réalité de langue allemande, cependant en 1806 le préfet Shee
affirme le contraire.
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 579
1. Rouen, 721, p. 122. La liste est donnée en sens inverse dans ces notes.
580 APPENDICE
DÉPARTEMENT
DU HAUT-RHIN 1.
A. — Partie Nord.
1 La carte est dans le ms. de la Bibliothèque Nationale 3913. Elle a été envoyée le
23 juillet 1806 par le préfet Fél. Desportes. Elle est analogue à celle du Bas-Rhin. La
limite est tracée à la plume.
2. La carte de Cassini porte Brifosse. Brifosse, comme Liepvre, Saint-Pierre-sur-
l'Hate, Eschery, sont des hameaux de la commune de Sainte-Marie.
582 APPENDICE
NOTES.
— I. — Il paroit qu'il y a une élévation qui sépare les idiomes
(carte de Cassini, n° 163, f° 59). Orbey, La Poutroye et La Baroche sont d'un
côté, de l'autre Notre-Dame-des-Trois Epis, Ammerschwir, Turckheim.
Le bois de Driteil, près Ribauviller, sépare les deux langues.
Le val de Liepvre est séparé du reste de l'Alsace par une crête qui finit près
d'Orschweiler aux environs de Schelestat. Le haut de cette vallée est clairement
de langue française ; en descendant, les lieux français et allemands sont mêlés.
Villages français d'Alsace : La Petite Liepvre, Echery, Saint-Pierre-sur
l'Hate, Montregné, Saint-Philippe, Sainte-Marie-aux-Mines, qui est partie
en Alsace et en Lorraine.
Cette vallée est de Lorraine depuis Sainte-Marie-aux-Mines pour la rive
gauche du Liepvre et depuis Saint-Blaise pour la rive droite ; cette partie
lorraine finit à Bois l'abbesse et comprend des lieux de noms allemands, tels
que le Timbach, Schimbach, Montenbach, L'Allemand Rombach, Grand
Rombach, Petit Rombach et des noms français : Liepvre, etc.
II. — Avant la Révolution, la ville de Sainte-Marie était mixte et partagée
par une petite rivière appelée la Levrette. La Partie à gauche qui comprend
la moitié de la ville s'appelle Sainte-Marie Lorraine. La partie à droite de
la rivière qui comprend l'autre moitié de la ville, les petits hameaux de
Saint-Biaise, en partie Fertrux, Echery, La petite Liepvre, Faunoux, et Sur
l'Hâte s'appelait Sainte-Marie Alsace. Tous ces endroits réunis composent
aujourd'hui la commune de Sainte Marie aux Mines, chef lieu de canton,
avec une population de 7860 âmes.
Une demie environ de cette population parle indifféremment le français et
l'allemand.
Un quart environ ne connaît que la langue française ; un quart environ ne
connaît que l'allemand.
Aubur. — 300 âmes environ, dont deux tiers parlent les deux langues
et un tiers l'allemand seulement.
Sainte-Croix aux Mines. 2238 âmes environ, y compris les hameaux de
—
Grand et Petit Rombach, le reste de celui de Saint-Biaise et les maisons
éparses dans la montagne.
Liepvre.
— 1 446 âmes environ, y compris le hameau de Misloch et les
maisons éparses.
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 583
L'Allemand-Rombach. 1385 âmes environ, y compris le hameau de la
—
Hingrie et les maisons éparses.
Dans ces trois dernières communes, la langue française est la seule usitée,
mais beaucoup de personnes y parlent aussi l'allemand, ayant des relations
continuelles avec ceux des départements du Haut et du Bas-Rhin dont le
canton est frontière 1.
B. — Partie Sud.
Au ballon d'Alsace limite du département.
Communes de langue française. Communes de langue allemande.
La Madelaine (La Madeleine), 1. Oberbruck, 44.
Estueffond, 2. Kirchberg, 45.
Estueffond-le-Bas (Etueffont Haul- Nider Brucken (Niederbruck)., 46.
et Bas), 3.
Anjouté (Anjoutey), 4. Masvaux (Massevaux).
Bourg, 5. Lauw, 47.
Saint-Germain, 6. Rougemont, 48.
Félon, 7. Remagny (Romagny), 49.
Angeot, 8. Le Val (Levai), 50.
La Chapelle (— sous Rougemont), 9. Petite Fontaine, 51.
Bretten, 10. Morstwiller (Mortzwiller), 52.
Belmagny (Bellemagny), 11. Soppe-le-Haut (Soppois le Haut), 53.
Etimbe (Eteimbes), 12. Soppe-le-Bas (Soppois le Bas), 54.
Vautiermont (Vauthiermont), 13. Dieffmatt(Dieffmatten), 55.
Saint-Cosme, 14. Recken (Hecken), 56.
Brechaumont, 15. Sternneberg(Sternenberg), 57.
Reppe, 16. Guebenatt (Guevenatten), 58.
Voussemagne (Foussemagne), 17. Traubach-le-Haut, 59.
Chavanne (Chavannes-sur-l'Etang), Traubach-le-Bas, 60.
18.
Valdieu, 19. Elbach (Ellbach), 61.
Lutranc (Lutran), 20. Volferstorff (Wolfersdon), 62.
Romagny, 21. Dannemarie.
Magny, 22. Retzwiller (Retzweiler), 63.
Chavannes-les-Grandes, 23. Manspach (Mansbach), 64.
Chavanotte (Chavanatte), 24. Saint-Léger (Cne de Mansbach), 65.
Suerse (Suarce), 25. Altenach, 66.
Le Puy (Lepuix), 26. Saint-Ulrich, 67.
Courtelevant, 27. Mertzen(Merzen), 68.
Rechesy (Réchésy), 28. Struette (Strüth), 69.
Beurnevesein (Beurnevesain), 29. Hindlingen, 70.
Bonfols (Bonfol), 30. Petit Fetteraussen (Fetterhausen),71.
Courtavont (Courtavon), 31. Nider Largue (Nieder Larg), 72.
Levoncourt, 32. Mos (Moos), 73.
Charmoille, 33. Durlinstorff (Durlinsdorf), 74.
Miserey (Miserez), 34. Liebdorff (Liebsdorf), 75.
NOTES.
— I. — La partie française comprend la moitié de l'arrondisse-
ment de Belfort, l'arrondissement de Porrentruy en totalité, une très petite
portion de l'arrondissement d'Altkirch, l'arrondissement de Delémont
presque entier, Le val de diepvre dans l'arrondissement de Colmar (Rouen,
721, p. 118).
II. — Le seuil qui détermine le versant des eaux entre les deux mers déter-
mine aussi à peu près les limites des deux langues (M. Roudouin, 1801.
Est-ce exact? demande Coquebert de Montbret, Rouen, 721, p. 117).
III. — Le bois de Gerschweiller paroit faire la séparation des deux langues ;
il a au moins trois lieues de long ; d'un côté les eaux vont dans la Largue
qui se jette dans l'III. De l'autre elles vont dans la Loutre et la Cauvat qui
se jette dans la Savoureuse, qui tombe elle-même dans le Doubs.
IV. — En réponse à une lettre du 11 août 1806, le préfet du Haut-Rhin
répond le 27 : « Je dois observer que dans les communes rurales des cantons
français le langage généralement en usage est le patois, quelques individus
parlent l'allemand et le français, mais ce n'est pas le grand nombre. Les
communes parlant allemand sont au nombre de 79 ». Le préfet en donne
une longue liste (Rouen, 191) :
Brehaumont(Cne de Fontaine). — « La majeure partie des habitants parlent
le patois de France » ; la commune est tout de même comptée comme alle-
mande (signé du Sous-Préfet de Belfort, Mengaud).
V. — Suit une autre lettre contenant la liste des communes parlant fran-
çais, au nombre de 119.
Chavanotte, Chavannes-les-Grandes, Lutranc, Magny, Romagny, Suerse,
et Valdieu sont comptées comme françaises, mais avec celte observation: Une
grande partie des habitants parlent l'allemand et le patois.
VI.
— Dans la partie française le langage généralement en usage est le
patois; quelques individus parlent l'allemand et le français, mais ce n'est pas
le plus grand nombre.
Les quatre communes de Leval, Petite Fontaine, Romagny et Rougemont
(Con de Masvaux) sont exclusivement de langue française et
non de langue
allemande, comme le dit le Préfet.
Dans le canton de Dannemarie, les communes de Chavannatte, Chavannes-
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 585
les-Grandes, Lutranc, Magny, Romagny, Suerse, Valdieusont françaises, mais
une grande partie des habitants parlent l'allemand et le patois. A Bréhau-
mont (Canton de Fontaine) la langue allemande est usitée, mais la majeure
partie des habitants parle un patois français (Lettre de M. Mengaud, Sous-
Préfet, 25 août 1806; Rouen, 721, p. 108).
C.
— Partie ayant cessé d'appartenir à la France, et qui
avait d'abord formé le Mont-Terrible.
I. — PORRENTRUY.
— Le 26 août 1806, le Sous-Préfet de Porrentruy
(4e arrondissement du Haut-Rhin) répond à une lettre du ministre datée du
11 : « La langue française est en usage dans toutes les communes de cette
DELEMONT.
EN SUISSE 1.
1. Une carte se trouve dans le ms. de la Bibliothèque Nationale, 5913. Elle n'a
naturellement pas été envoyée par des autorités françaises. On n°
langues fort approximative, p. ex. pour Fribourg. y a tracé une limite de
LIMITE DE LA LANGUE FRANÇAISE SOUS LE PREMIER EMPIRE 589
ÉVÉCHÉ
DE BALE 1. I. PAYS ALLEMANDS2. 1. Bailliage de
Schliengen en Souabe; — — —
2. Voile et Château de
Porentruy;
3. Bailliage d'Elsgau 3;
4. Seigneurie de Bir-
seck;
5. Bailliage de Pfefin-
gen (Pfeffingen) ;
6. Bailliage de Zwin-
gen ;
Les vallons de l'évêché
de Bâle commencent à
Lauffen. C'est ici que finit
la langue allemande. On
parle français dans le
reste de l'évêché jusqu'à
Bienne, où la langue alle-
mande recommence.
7. Ville de Bienne.
L'allemand y est la langue
dominante, mais le ro-
man y est en usage depuis
plusieurs siècles; aussi y
a-t-on établi une église
française.
II—PAYS ROMANS.
— 1. Bailliage de Saint-
Ursanne ;
2. Baillage de Delé-
mont;
3. Prévôté de Moutier
Grand Val ou Munster-
thal ;
4. Prévôté de L'Er-
guel 4;
1. Cf. Le Haut-Rhin.
2. Les bailliages allemands étaient Lauffen (cascade); Pfeffingen et Byrseck (Birse)
(canton de la Byrse) ; le village de Sohière (en allemand Saugern) est sur la limite.
Sur toute la lisière du Jura, dans les vallées écartées et solitaires, principalement
dans le val de Chaluet, aux frontières de Soleure, sont répandues une centaine de
familles anabaptistes de langue allemande expulsées du canton de Berne au XVIIe siècle
(Rouen, 721, p. 206 r°). C'est le Val de Chaluet, commune de Court, district de Mou-
tiers, Con de Berne. Ce vallon débouche sur la Birse, à l'entrée du village de Court. Il
dépendait, comme dit la note, de l'évêché de Bâle.
3. L'Elsgau comprenait les communes de Saint-Ursanne, Courtavon, Ocourt.
4. L'Erguel, ainsi nommé du Château d'Erguel, commune de Sonvilier, district de
Courtelary, canton de Berne, comprenait, comme on le verra plus loin, un certain
nombre de communes situées au nord et à l'ouest de Bienne.
590 APPENDICE
pas la Haute. Dans les valées de Sane les deux langues sont séparées par la
montagne de Vaunel, dans le Valais. Dans le village de Twan, qui est au
pied du mont Dura, vis-à-vis de l'isle de Saint-Pierre, dans le lac de Bienne,
un ruisseau fait la division (Rouen, 721, p. 165) 2.
VALAIS.
— La langue allemande est exclusivement parlée par les dixains
de Conche, Brègue, Viège, Rarogne et Loeche. Ces dixains forment entre eux
une étendue de seize lieues de longueur, depuis Oberwald, village du dixain
de Conche le plus voisin de la montagne de la Fourche (La Furka), jusqu'au
torrent de la Raspille qui sépare le dixain de Loeche de celui de Sierre. La
population de ces cinq dixains d'après le dénombrement fait en 1802 est de
17 951 âmes.
La langue française est par contre seule en usage dans les dixains de
Monthey, Saint-Maurice Entremont et Martigny, qui n'ont que treize lieues
de longueur depuis Saint-Gingoux (Saint-Gingolph)jusqu'au torrent de la
Lizerne, mais qui ont, pris ensemble, un population de 23 429 âmes.
Elle est de même exclusivement parlée dans le dixain d'Hermance. Ce
dixain, démembré en 1802, de celui de Sion, s'étend au midi de cette ville
l'espace de six lieues dans une vallée arrosée par la rivière de Borgne. La
population est de 3 661 âmes.
Quant aux dixains de Sion et de Sierre, la langue allemande est la domi-
nante dans les deux chefs lieux, et toutes les familles indigènes de ces deux
endroits parlent habituellement cette langue. Leur population est quant à
Sion de 2 246 et à Sierre de 724 âmes.
Le dixain de Sierre a encore les communes de Miège, de Ventône (Ven-
thône) et de Sainl-Léonard, où une partie des habitans parle la langue alle-
mande. Le reste du dixain parle français.
Celui de Sion a la commune de Bramois où plus de la moitié des habitans
parle allemand. Les autres communes de ce dixain parlent aussi français.
Il est à remarquer que la langue du pays change en sortant du dixain de
Loèche pour entrer dans celui de Sierre, où l'on commence à parler un patois
corrompu du français; cependant dans toutes les parties du Vallais, surtout
dans les principaux lieux, on s'applique beaucoup à savoir l'allemand, le
français, l'italien et le latin, à cause du voisinage des peuples qui usent de
ces langues, au moins des trois dernières et, ce, qui fait l'éloge des Vallaisans,
on y voit des gens du commun qui savent parler également ces quatre langues 1.
Le dixain de Leuk comprend les paroisses de Leuk, Laden, Turtmann,
Sahlgesch, Albinen, Gresch, Embs, et Gampél, avec un grand nombre de
villes et d hameaux qui en dépendent. La petite rivière de Rappelli sépare
les deux dixains de Sierre et Leuk.
La Vallée d'Einfisch sur la gauche du Rhône, vis-à-vis du bourg de Sierre 2
paroit être de langue française, à en juger par les noms de ses villages :
VissoyeParoisse,Saint-Jean,Gremenz, Luc, Ayer, Mission, Chaudolin, Painsey
(Rouen, 721, p. 184-190).
Dans le Bas Vallais, on parle un français corrompu ou patois que les
habitans nomment le roman ou langue romaine. Il doit son origine au voisi-
nage de la Savoie (Rouen, 721, p. 184-190).
— D'après ces données, si on veut calculer quelle est
APERÇU NUMÉRIQUE.
la proportion existante entre l'usage du français et celui de l'allemand, on
pourra l'établir de la manière suivante :
Les cinq dixains orientaux parlant allemand ont
une population de 17 951 17951
La ville de Sion, dont il paraît qu'il faut déduire
un quart d'étrangers parlant français 1685
Les deux tiers à peu près de Cne de Bramois (387
habitants) 258
Le chef-lieu de Sierre où je suppose aussi un quart
parlant français 543
Le tiers à peu près de Ventone (365) 122
Le tiers à peu près de Miège (282) 94
Le tiers à peu près de Saint-Léonard dont la popu-
lation a été omise dans le dénombrement de 1802,
et que je suppose s'élever à 200 âmes 66
Total des individus qui parlent la langue alle-
mande. 20 719
. .
Le français par contre est parlé dans les quatre dixains occidentaux,
[Habitants] 23 429
Dans celui d'Hérmance (Heremence) 3 661
Dans les cantons ci-après du dixain de Sion
:
Contey (Conthey) 1 78O
Savièse 1 098
Grimisua (Grimisuat) 430
Ayent 1 022
Nenda (Nendaz) 1013
DÉPARTEMENT DU Pô 1.
L'Atlas de la Bibliothèque Nationale contient, pour la région, une petite
carte, datée de 1807, qui indique par un astérisque les localités des vallées
de la Doire, du Cluson et du Pellice où l'on parle français. Les portions
hautes de ces vallées faisaient partie, comme on le sait, de l'ancien Brian-
çonnais et n'en avaient été séparées que par les traités d'Utrecht. Les commu-
nications de ces vallées du versant oriental des Alpes avec Briançon se fai-
saient très facilement par le col du Mont Genèvre, le plus bas des cols des
Alpes Occidentales (1 854 m.). De la haute vallée de la Doire Ripaire, on pas-
sait sans grande difficulté dans celle du Cluson par le col de Sestrières (2 030
m.). La présence de Vaudois dans la vallée du Cluson était un lien de plus
avec le Briançonnais resté français.
La petite carte indique comme étant de langue française: 1° dans la vallée
de la Doire, toutes les localités jusqu'à Suse exclusivement; toutefois, au voi-
sinage de celle ville, sont encore portées comme étant de langue française
Mattie (1), de Meana (2); — 2° dans la vallée du Cluson, toutes les localités
jusqu'à Pignerol inclusivement ; — 3° dans la vallée du Pellice, les localités
de Bobbi (Bobbio), Villar Pellis (Villar Pellice), Tour (Torre Pellice), Luserne
(Luserna), Lusernetta, Rora, Angrogne (Angrogna) et Saint-Jean (S.
Giovanni).
Les renseignements qui se trouvent dans les notes manuscrites de Coque-
bert de Montbret ne concordent pas absolument avec les données de la carte.
1. Celte carte se trouve dans le ms. 5913. C'est un extrait de la carte de Borgognio,
rectifié, dressé par la Ramée Pertinchamps, Ingénieur des Ponts.
Les communes françaises y sont marquées d'une étoile rouge.
Histoire de la langue française. IX . 38
594 APPENDICE
DÉPARTEMENT DE LA DOIRE 4.
NOTES.
— I. — Dans le canton de Fontainemore (arrondissementd'Aoste),
les communes de Perloz, Lillianes et Fontaine More sont les seules où on
parle communément le français. A Issime, l'on commence à se servir de la
langue allemande, qui est d'autant plus en usage que l'on s'éloigne de ce
1. « Les vallées des Vaudois, dit une note empruntée au document envoyé de
Pignerol, le 24 septembre 1807, document signé P. Geymet, sont la vallée de Pelis
(Pellice), ci-devant Luzère, la valle (sic) du Cluson, ci-devant Pérouse, la vallée
Balsille, ci-devant Saint-Martin »
2. La carte porte Perrier ou Valbalsille. Perrier est Perrero, sur la Germanasca, qui
rejoint le Cluson à Pérouse. Ce Val Balsille de la localité de ce nom (Balsiglia), est donc
la vallée de la Germanasca. On disait aussi Val Saint-Martin, du nom de la localité de
Saint-Martin (San Martino di Perrero) qui s'y trouve. Voir la note précédente.
3. Ce nom de la vallée de Pragelas qu'on donnait à la partie amont de la vallée du
Cluson était pris au sens large. On ne l'applique aujourd'hui qu'au bassin tout à fait
supérieur dont Pragelas est la localité principale.
4. La carte est dans le ms. de la Bibliothèque Nationale 5913. Elle a été faite à la
main très grossièrement.
La division du pays où la langue française est en usage d'avec où l'on se sert de
ceux
la langue italienne est marquée par la ligne, qui fait la séparation des arrondissements.
d'Aoste et d'Ivrée.
Cette ligne ponctuée dans toute sa longeur (sic) est marquée par un filet de
encore
couleur plus chargée que les lignes qui séparent les cantons. La ligne est marquée
deux bouts A. B.
aux
et
596 APPENDICE
parle français et un patois analogue au français (20 février 1807) (B. N.,
ms. 5 910, f° 297). J'ai jugé inutile de le reproduire.
ALPES MARITIMES 1.
Pour les Alpes Maritimes, l'Atlas de la Bibliothèque Nationale ne contient
çaise et celles de langue italienne, il serait plus exact de dire de patois niçois.
Cette ligne coïncide avec le cours du Var depuis la mer jusqu'au confluent
de la Vésubie, laisse en territoire de langue italienne Malaussène et Villars,
rejoint de nouveau le Var, et le suit jusqu'au confluent du Cians. De là elle
remonte la vallée de ce torrent jusqu'à l'endroit où la gorge s'élargit en face
de Rigaud, puis s'en écarte à l'Est pour suivre les sommets qui servent de
ligne de partage entre les eaux qui vont au Sud, vers le Var, et celles qui
vont au Nord vers la Vésubie. Elle aboutit aux sources du Var.
STATISTIQUE NUMÉRIQUE
BIBLIOGRAPHIE, V.
INTRODUCTION, 1.
PREMIÈRE PÉRIODE
DE LA RÉUNION DES ÉTATS GÉNÉRAUX
A LA RÉUNION DE LA CONVENTION
LIVRE PREMIER
CHAPITRE II
UNE POLITIQUE DE LA LANGUE
LIVRE II
LES ÉVÉNEMENTS ET LA LANGUE
CHAPITRE PREMIER
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
CHAPITRE II
LA FRANCE ENTIÈRE EST REMUÉE
602 TABLE DES MATIÈRES
LIVRE III
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
RÉSISTANCES ET DIFFICULTÉS
CHAPITRE IV
LES TRADUCTEURS
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
LIVRE IV
LA BATAILLE DES ÉCRITS
CHAPITRE PREMIER
PUBLICATIONS EN DIALECTES
CHAPITRE II
PUBLICATIONS EN IDIOMES
CHAPITRE III
RÔLE DU FRANÇAIS
LIVRE V
CHAPITRE PREMIER
LES FÊTES
CHAPITRE II
RÔLE DU CLERGÉ
CHAPITRE III
Les Clubs et la langue, 64. — Le peuple entre dans les Sociétés, ib. —
Le patois est admis, 65. — Dans les pays à idiome, 66. — La société
populaire de Strasbourg, ib. — La Société de Colmar, 68. — Autres
villes, 69.
CHAPITRE IV
COUPLETS ET CHANSONS
La Marseillaise, 71.
604 TABLE DES MATIÈRES
LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LIVRE VII
CHAPITRE II
CHAPITRE III
OUBLIS SINGULIERS
CHAPITRE IV
LE RAPPORT DE TALLEYRAND
CHAPITRE V
LA LÉGISLATIVE
CHAPITRE VI
LE RAPPORT DE CONDORCET
LIVRE VIII
LA RÉVOLUTION ET LE LATIN
CHAPITRE PREMIER
L'ENSEIGNEMENT EN FRANÇAIS
CHAPITRE II
L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
CHAPITRE III
RÉSISTANCES
CHAPITRE IV
LES DÉPUTÉS ET LE LATIN
CHAPITRE V
PROGRÈS DANS LA PRATIQUE
CHAPITRE VI
DEUXIEME PERIODE
LIVRE PREMIER
L'ÉCOLE ET LA LANGUE
CHAPITRE PREMIER
LE RAPPORT LANTHENAS
CHAPITTE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
LA LOI DE VENDÉMIAIRE
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
LIVRE II
LA PROPAGANDE
ET LES DIVERS LANGAGES
CHAPITRE PREMIER
LA TRADUCTION DES DÉCRETS
CHAPITRE III
EN ALSACE
LIVRE III
RUPTURE AVEC LES IDIOMES
ET LES PATOIS
CHAPITRE PREMIER
LE DÉCRET DU 8 PLUVIÔSE
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
L'INTERVENTION DE GRÉGOIRE
CHAPITRE VIII
CONCLUSION BÉNIGNE
LIVRE IV
CHAPITRE PREMIER
IMPRESSION CAUSÉE
Approbations, 217.
CHAPITRE II
ESSAIS D'APPLICATION
CHAPITRE III
OBSTACLES IMPRÉVUS
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
Les velléités et les faits, 249. — Les administrations, les sociétés, 250. —
Résultats de la terreur exercée en Alsace, 252. — Protestations : Allemands
de langue, patriotes de coeur, 255.
CHAPITRE VI
L'ÉDUCATION DES ADULTES
LIVRE V
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
TROISIÈME PÉRIODE
LIVRE PREMIER
NOUVELLE POLITIQUE
CHAPITRE PREMIER
ON CONTINUE A ACCUSER LES IDIOMES
CHAPITRE II
DISPOSITION DES ESPRITS
LIVRE II
LE FRANÇAIS ET L'ENSEIGNEMENT
CHAPITRE PREMIER
INSUCCÈS DES ÉCOLES PRIMAIRES
CHAPITRE II
L'ÉCOLE NORMALE
CHAPITRE III
INFIDÉLITÉS A LA POLITIQUE SCOLAIRE
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE X
Etat misérable des écoles. Témoignages, 349. — Rôle plus que modeste
du français, 350.
CHAPITRE XI
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
RÉSULTATS INDIRECTS.
LES ÉCOLES PRIVÉES S'ADAPTENT AUX NOUVEAUX BESOINS
Transformation générale des écoles et des livres, 359. — Dans les départe-
ments, 361. — Les petites écoles, 362.
LIVRE IV
CHAPITRE PREMIER
ORGANISATION OFFICIELLE
LIVRE V
CHAPITRE PREMIER
EN FAVEUR DE LA LANGUE NATIONALE
CHAPITRE II
LE CONCILE NATIONAL
CHAPITRE III
L'EXÉCUTION DU DÉCRET
CHAPITRE IV
LA QUERELLE DU SACRAMENTAIRE
CHAPITRE V
DANS LA PRATIQUE
LIVRE VI
CHAPITRE PREMIER
PROGRÈS CONSTATÉS
QUATRIÈME PÉRIODE
L'EMPIRE
APRÈS BRUMAIRE.
— LE CONSULAT ET
LIVRE PREMIER
LA RÉACTION LATINE
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
L'INTOLÉRANCE LATINE
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
L'UNIVERSITÉ IMPÉRIALE
CHAPITRE VII
L'ÉCOLE NORMALE D'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
LIVRE II
LE NOUVEAU RÉGIME ET LES PARLERS
CHAPITRE PREMIER
LA TRADITION RÉPUBLICAINE
CHAPITRE II
SOUS L'EMPIRE
CHAPITRE III
RÈGLES ET PRATIQUES ADMINISTRATIVES
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
UN DÉPARTEMENT MODÈLE
CHAPITRE XI
APPENDICE