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RÉSUMÉ
L’ échange dont les activités sont décrites ci-dessous a été réalisé de septembre 2013 à
février 2014 dans l’Université Paris-Sorbonne Paris IV, sous la direction du professeur André
Guyaux, spécialiste en littérature française du XIXième siècle, afin de parachever les travaux de
ma recherche en cours au Brésil: “J.-K. Huysmans: tradução comentada de escritos sobre arte
1867-1905”, projet de Master auquel se lie cette BEPE (Bolsa Estágio de Pesquisa no Exterior).
Littérature Française du XIXième siècle, à l’Université Paris IV; au fonds Pierre Lambert de la
Bibliothèque Nationale de France; à plusieurs musées de Paris et des alentours; et, par
conséquent, à une vaste bibliographie et une vaste iconographie fondamentales pour mon
travail mais introuvables dans des universités, musées et bibliothèques brésiliennes. J’ai eu
d’ailleurs l’occasion de suivre quelques cours, soit les séminaires à propos de la littérature dix-
neuviémiste, à Paris IV, soit ceux qui concerne la traduction de textes divers du français au
portugais, à la Sorbonne Nouvelle Paris III, ou encore le cours de Français Langue Étrangère
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Comme il s’agissait d’une recherche en cours depuis 2012, j’ai privilégié les visites et
les lectures les plus favorables aux objectifs de la dissertation de Master, c’est-à-dire, ce qu’il
des écrits sur l’art de Joris-Karl Huysmans (1848-1907) elle-même. J’avais l’intention d’écrire
au moins un des chapitres de ma dissertation pendant que j’étais en France, mais devant
l’énorme quantité de documents trouvés et du temps limité que j’avais, j’ai choisi de profiter
de ce séjour surtout pour avancer les lectures et pour recueillir autant de matériel que
possible, laissant le travail plus spécifique de réflexion et d’enchaînement des idées en cours
pour le retour au Brésil. Je présente aussi, dans l’annexe 1 de ce rapport, la traduction, réalisée
en France et pas encore définitive, de trois des écrits sur l’art appartenant à l’ensemble des
1. RECHERCHE
Jusqu’alors je travaillais à partir du volume J.-K. Huysmans: écrits sur l’art 1867-1905,
publié par la maison d’édition Bartillat, en France, en 2006, sous la direction de Patrice
Locmant. Cependant, dès une première réunion, en septembre 2013, le professeur André
Guyaux m’avait signalé le caractère quelque peu négligent des publications qui sont faites par
cet auteur. La comparaison avec les originaux a confirmé les réserves du professeur. Parmi
comparaison entre l’édition de Locmant (2006) et le texte publié initialement dans la Revue
mensuelle (1867) nous trouvons, sur à peine deux pages, huit incohérences orthographiques,
domaine de l’art, pour lequel “peinture de genre” désigne quelque chose de plus spécifique :
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Termo empregado na história e na crítica da arte para designar as pinturas que
representam cenas da vida cotidiana. Pode ser aplicado à arte de qualquer época
ou lugar, mas geralmente refere-se aos temas domésticos favorecidos pelos
artistas holandeses do século XVII. (OXFORD, 2007, p.210)
Nous ne nous attarderons pas ici à lister toutes les incohérences trouvées, mais il est
devenu évident qu’il serait nécessaire de rechercher des sources plus fiables afin de ne pas
porter préjudice à la traduction, qui était déjà avancée à mon arrivée à Paris. En ce sens, ce fut
une grande trouvaille que l’article de Jacques Lethève “Pour une étude plus précise de
Huysmans critique d’art”, publié en 1980 dans le numéro 71 du Bulletin de la Société J.-K.
Huysmans et qui établit une chronologie précise de la critique d’art huysmansienne, si ce n’est
intégrale, au moins suffisamment détaillée et concernant les textes sur lesquels je travaille. À
partir des références de Lethève, je suis allé à la recherche des originaux, que j’ai trouvés à la
Gallica, de la BnF. Voici, donc, ci-dessous, les éditions à partir desquelles j’ai travaillé depuis
Repris dans Bull. J.-K.H., número 27, 1954, texte retrouvé et identifié par P. Lambert.
- “La Nana de Manet”: publié dans L’Artiste (Bruxelles), 13 mai 1877. Repris dans Bull.
Charpentier, 1883.
- “Le Salon officiel de 1880”, chapitre I et II: publiés dans La Réforme politique,
1883.
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- “Salon officiel de 1882”: aussi chez Charpentier, 1883.
- “Le Nouvel album d’Odilon Redon”: publié dans la Revue indépendente, février 1885.
- “La Crucifixion de Grünewald”: publié dans Pan, supplément français, número 2, juin-
Le Bulletin de la Société J.-K. Huysmans paraît régulièrement depuis 1927, quand fut
créée la Société sous la présidence de Lucien Descaves. Ses numéros se consacrent à des
études sur l’auteur et son œuvre, mettant l’accent sur la relation de Huysmans avec le milieu
Ma dissertation de Master consiste à traduire et à commenter un recueil de textes sur l’ art qui
synthèse trouvée dans l’art sacré des Primitifs allemands, surtout du peintre Mathias
Grünewald (1475?-1528). Ayant cela en vue, à partir de la lecture des Bulletins, je mets en
exergue, dans la suite du présent rapport, les points fondamentaux quant à la critique d’art et
peut nous aider à mieux comprendre l’effervescence des idées à la fin du XIXième siècle. Déjà
dans le Bulletin numéro 2, Gérard Bauer, par exemple, avait dit ceci de Huysmans: “du
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naturalisme douloureux à la mystique, ce talent a suivi une courbe logique et saisissante. Aussi
bien, Huysmans est-il un des rares écrivains de l’époque naturaliste qui conserve un prestige
agissant et groupe dans son ombre des disciples et des zélateurs” (BAUER, 1929, p.51). Et
Henri Jouvin, dans le Bulletin numéro 20, appelle l’attention sur la nécessité pour les études
Ses qualités de critique d’art ont été maintes fois étudiés, mais ces études n’ont eu
pour objet que les seuls deux livres qu’il publia sur l’art: l’Art Moderne, en 1883 qui
n’est qu’une réunion de quelques salons officiels ou indépendants (...) et Certains
datés de 1889 qui n’est qu’un recueil de morceaux choisis, biens choisis il est vrai,
par lui-même extraits d’articles parus dans diverses revues. Il nous a paru
intéressant de rechercher en plus des salons ainsi recueillis ceux qui restent enfouis
dans d’introuvables revues et de les étudier en suivant l’ordre chronologique, ce
qui nous permettra de suivre l’évolution de ses idées d’art et de son goût (JOUVIN,
1947, p.356).
Dans cette même direction va l’article sus-cité de Jacques Lethève qui, après avoir
incertitudes qui subsistent quand on veut apprécier dans son ensemble la qualité
de ses jugements. Les nombreaux auteurs qui on écrit sur ce sujet s’appuient le
plus souvent sur quelques textes fameux (...) sans étudier la totalité des articles
rédigés par Huysmans et sans chercher à suivre une évidente évolution (LETHEVE,
1980, p.33).
Si nous allons au numéro 27 de la collection, nous arrivons au volume de Pierre Cogny
J.-K. Huysmans: à la recherche de l’unité (1953), annoncé comme le travail ayant le plus de
poids sur l’ensemble de l’œuvre de Huysmans depuis la thèse d’Helen Trudgian L’Esthétique de
Quel titre évocateur de cette vie et de cette oeuvre, si souvent incomprises, sinon
méconnues et dont les classifications arbitraires de naturalisme, de décadentisme,
de spiritualisme tendaient à compartimenter, voire à opposer, les divers aspects
d’une oeuvre dont la continuité nous paraît de jour en jour plus grande (Bulletin 27,
1954, p.115).
Nous pourrions recourir à Paul-Courant qui, commentant l’esprit baudelairien de
Huysmans, propose une chronologie virtuelle des époques: il couple le déclin du Romantisme
avec l’année de naîssance de Huysmans, 1848, et termine ce siècle huysmansien après les
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Une telle division, moins arbitraire qu’on ne le croit, révèlerait une ligne logique qui
monterait du Natualisme au Spiritualisme, du Scientisme à la Mystique. On
remarquerait alors que le Naturalisme fut en somme une réaction classique contre
les bouillonnements romantiques, cependant que les poètes symbolistes, tous plus
ou moins enfants de Stéphane Mallarmé, se retranchaient dans la forteresse de
l’hermétisme, y creusaient de profonde cheminements métaphysiques et
cherchaient à créer leur propre langue lyrique: Subtilités défensives contre les
intumescences de l’école de Hugo.
Issu de l’étrange et lucide génie de Baudelaire qui n’apartenait à aucune
école, J.-K. Huysmans fut en réalité un indépendant, une charnière entre les
différents représentations artistiques de sont temps. (Bulletin 54, 1968, p.91)
Nous pourrions encore, après avoir parcouru les divers articles de la collection traitant
l’importance de l’exercice de Huysmans en tant que critique d’art: le numéro 104 du Bulletin,
publié en 2011, comporte les articles suivants: “Interférences spirituelles et esthétiques dans
les écrits sur l’art de Huysmans” (Ioanna Constandulaki); “Huysmans et l’art chrétien:
(Ionna Papaspyridou). Et, finalement, en 2012 nous avons un numéro 105 consacré à la
critique d’art, présentant, outre la publication de plusieurs inédits, des articles d’Aude
dans son analyse, par exemple, commente la modernité de Huysmans lorsqu’il défend Forain
contre un public conservateur qui n’accepte pas la préférence du peintre pour l’aquarelle, la
gouache ou le pastel au détriment de l’huile des académiques (GUYAUX, 2012, p.83). Détail qui
nous renvoie une fois de plus à l’esprit baudelairien de Huysmans qui vise et loue toujours le
nouveau et non la règle établie quelle que soit la recherche qui l’occupe au long de son
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Encore au centre de recherche de l’Université Paris-Sorbonne, la lecture des textes
d’Helen Trudgian et de Gérard Peylet est venue s’ajouter aux lectures déjà réalisées au Brésil,
telles études, faites à des époques distinctes, d’une part, permettent d’observer l’évolution de
un Huysmans au-delà d’ À rebours (1884), son roman le plus célèbre. Nous considérons
essentiel dans ce groupe les travaux suivants: L’Esthétique de J.-K. Huysmans (Helen Trudgian,
1939); J.-K. Huysmans: à la recherche de l’unité (Pierre Cogny, 1953); Huysmans: peintre de son
époque (Fernande Zayed, 1973) et J.-K. Huysmans: la double quête. Vers une vision synthétique
de l’oeuvre (Gérard Peylet, 2000). Chacun à sa manière, ces auteurs soulignent l’importance de
activité de critique d’art. Dans les quelque trois cents pages de sa thèse de doctorat, Helen
compose la palette de Huysmans” (TRUDGIAN, 1939, p.9-10), alors que Gérard Peylet, dans un
essai plus généraliste, part de la mentalité fin de siècle, nostalgique de croyances, et suit les
doubles de l’auteur jusqu’à arriver, dans la troisième partie de son livre, à la “rencontre entre
des écrits sur l’art de Huysmans, et de nombreux articles que j’ai pu consulter, soit au Centre
même de la Sorbonne soit au fonds Pierre Lambert, j’ai réuni une bibliographie qui, avec les
œuvres déjà lues jusqu’ici au Brésil, sera très importante pour la révision e la restructuration
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de plume et souveraineté du pinceau. Écrire la peinture de Diderot à Proust (2013), de Nicolas
Mulhouse et Colmar des 5, 6 et 7 novembre 1984 organisé par André Guyaux, Christian Heck
et Robert Kopp.
- Dans le deuxième chapitre, sur son activité en tant que critique d’art au XIXième
siècle et le combat Académie versus Modernité dans les Salons officiels et indépendants,
j’essaie de situer Huysmans dans ce cadre et dans une certaine ascendence critique depuis
sculpture au XVIIe siècle (2003), édition établie par Alain Mérot; La Lecture de l’art (2002), de
Jean-Luc Chalumeau; Les Théories de l’art: philosophie, critique et histoire de l’art de Platon à
critique d’art en France 1850-1900 (1990), nouvelle édition, corrigée et mise à jour par Jean-
Paul Bouillon et Catherine Méneux; La Vie d’artiste au XIXième siècle (2007), de Anne Martin-
Fugier; La Peinture du XIXième siècle en Europe (2007), de Lorenz Eitner; les Salons (2008), de
Diderot, édition de Michel Delon; les Écrits sur l’art (1991), d’Émile Zola, édition établie par
Jean-Pierre Leduc-Adine; La Médaille en France aux XIXième et XXième siècle (2012), édition du
Musée d’Orsay.
- Pour le troisième chapitre, qui voudrait être un essai de présentation des textes
catalogue d’exposition du Musée Gustave Moreau organisée par la Société J.-K. Huysmans;
L’Œuvre (1996), d’Émile Zola, préface, notes et dossier par Marie-Ange Voisin-Fougère; Les
Catalogues des Salons (t. 7,8,9,10,12,13,14,16), édition de 1999, aux éditions l’Échelle de Jacob
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- Pour le chapitre IV, traduction et notes des textes sélectionnés: Léon Bloy, J.-K.
Daniel Habrekorn; Lettres inédites à Edmond de Goncourt (1956), édition publiée et annotée
par Pierre Lambert et présentée par Pierre Cogny; Lettres inédites à Camille Lemonnier (1957),
dans l’univers de l’auteur. Là-bas on trouve des curiosités comme une lettre oubliée du Brésil
adressée à Huysmans jusqu’à des raretés comme le Carnet vert en microfilm, un carnet utilisé
pendant une vingtaine d’années par l’écrivain, et aussi des centaines de coupures de presse,
revues, illustrations, lettres et articles abordant des questions relatives aux diverses périodes
pendant le stage. Après le titre, il y a quelques brefs commentaires, juste afin d’indiquer ce qui
Huysmans, défenseur fervent des impressionnistes et du naturalisme zolien, est évidente ici:
L’Artiste veut être l’écho des ses tendances [modernistes], et le reporter loyal du
mouvement littéraire, musical, artistique, – contemporain. Pleins d’ardeur et de
foi, nous marcherons bravement par la grande voie moderne: la seule qui puisse
mener au Vrai, au Beau! NATURALISME, MODERNITÉ! voilà les mots de ralliement
des Peintres, des Musiciens et des Poètes... (L’Artiste, 1876, p.2).
La librairie Dentu vient de publier sous ce titre: le Drageoir à épices, un petit livre
non moins étrange que ce titre même, et qui est la première oeuvre d’un jeune
écrivain, M. Jorris-Karl Huysmans [sic]. C’est un recueil de petites études en prose,
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écrites dans un style très imagé, et qui est en somme plus cherché que recherché.
L’auteur a de la verve, du feu, des idées souvent heureuses, mais qui gagnerait à
être exprimées dans une langue plus pure et moins tourmentée. Toutefois, ceux
qui voudront bien prendre la peine de lire ces quelques pages, si hautes en couleur
et même en brutalités, constateront comme nous qu’il y a vraiment dans ce petit
volume ‘quelque chose’ écrit par un simple débutant en littérature, lequel, - s’il
veut châtier son style et courageusement travailler – pourra devenir un jour
quelqu’un. (La presse, oct 1874).
Cela nous renvoie à l’idée d’unité dans la pensée de Huysmans. Dès ses débuts
littéraires, même attaché au naturalisme de Zola et de ses disciples, il avait déjà quelques
d’exception. Et ici, dans les pages du Journal illustré, on trouve Huysmans présenté comme un
Il vient de paraître chez Dentu un volume étrange, signé Jorris-Karl Huysmans [sic].
L’auteur, dont le nom, inconnu aujourd’hui, nous parait appelé à prendre place à la
suite de noms de certains écrivains coloristes, a réuni dans les quelques pièces qui
forment le Drageoir à épices, une série de nouvelles et de petits poèmes en prose
dont la lecture nous a laissé une impression étrange, quelque fois bonne, souvent
mauvaise, mais qui attirera l’attention des lettrés et des artistes (Journal Illustré,
nov 1874).
exergue dans cet ensemble: une demande signée par Huysmans pour assister à une messe
noire; des coupures de journal indiquant une certaine popularité des messes noires dans le
livre Le Diable au XIX siècle (1892), demandant une photo à Huysmans, dont le visage et les
périodique consacré à l’occultisme. C’est un recueil qui m’a fait réfléchir particulièrement sur
la plongée de l’auteur dans les intérieurs les plus obscurs, les enfers même, ce qui se passe
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LAMBERT 31 – (vol.2). Article de La République du Centre (Orléans, 1956) sur l’amitié
entre Huysmans et Jules Doinel, maçon converti au catholicisme. Extrait d’une lettre de Doinel
à Huysmans: “Je prépare une étude à fond sur Là-bas pour L’Étoile. Je désire que ce livre
magistral soit connu par nos gnostiques”. Nous sommes encore dans la relation entre
Huysmans et la documentation occultiste, ce qui selon Henri Bachelin (1926), Pierre Cogny
(1953) ou Gérard Peylet (2000), montre la continuité d’un certain type de naturalisme chez
Huysmans plutôt qu’une rupture complète depuis À rebours (1884). Parallèlement, dans les
écrits sur l’art de l’auteur on trouvera toujours un esprit inquiet à la recherche insatiable de la
nouveauté.
LAMBERT 33 - Documents divers: dans ce recueil, je mets en exergue tout d’abord une
Voyons cet extrait de La Religion des contemporains, où l’Abbé Delfoux blâme la posture
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absolument votre façon de juger la musique soi-disant sacrée que l’on exécute
dans les Églises, et j’espère que votre beau livre contribuera à déterminer une
renaissance dans le sens des vieilles traditions et du plain-chant grégorien (5 juin
1891).
adressée à l’abbé Mugnier par Huysmans, publiée dans divers journaux d’avril 1900, dans
recherche à propos de la bizarre histoire de sainte Débarras, dont la statue androgyne située à
Huysmans: on y trouve un article publié dans Le Monde (René Dumesnil, mars 1964) avec un
extrait de lettre dans laquelle l’abbé Mugnier défend la sincérité de la conversion de Huysmans
au catholicisme, de nombreuses fois mise en doute dans les milieux littéraires; et un extrait de
la revue La Plume indiquant une certaine mode de l’occultisme dans le milieu intellectuel:
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On peut se demander pourquoi tant de jeunes intelectuels délaissent les
enseignements de la science matérialiste et positiviste pour se lancer dans l’étude
des sciences occultes, voire même pour suivre la voie mystique – et pourquoi aussi
tant d’hommes de grand savoir – anciens défenseurs, non des moins ardents du
matérialisme – sont maintenant qui spiritistes, qui théosophistes, qui occultistes
(BRIEU, 1896, p.363).
Ici on a le compte rendu du voyage à Colmar, où l’auteur put observer les œuvres du Primitif
d’Issenheim (1512-1516), Huysmans écrit: “là, il [Grünewald] tente l’impossible de l’art, ce qui
aucun peintre n’a osé. Il va bravement, au risque de se casser les reins, et il triomphe dans
l’extra-terrestre des tons” (p.9). Plus loin, se référant encore au retable, il affirmera que “l’idée
est vraiment neuve et belle” et d’une “divinité, en suspens, se réatestant par la lumière divine,
l’éjectant par les pores de la face, commençant à changer la chair terrestre en un fluide d’or
passant par le prisme, pour s’évanouir, en montant, loin de nous, dans la nuit” (p.10), extrait
où l’on perçoit bien la synthèse, commentée par Gérard Peylet et d’autres auteurs, entre
naturalisme et spiritualisme atteinte par Huysmans dans ses écrits sur l’art sacré des Primitifs
notes prises pendant une vingtaine d’années, on peut observer une infinité de listes et
notes pour Là-bas, par exemple). Pierre Lambert, dans un texte dactylographié, définit ainsi ce
document:
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Des notes de Huysmans, nous retiendrons sa définition du réalisme spiritualiste: “L’art
doit être le réalisme spiritualiste. Le milieu, le corps, le paysage exacts – l’âme aussi, mais il
faudrait la faire. Faute de hauteur, le naturalisme est mort” (p.14), et aussi ce qu’il prend en
note après une longue période d’absence des Salons, qui l’avaient tant attiré auparavant:
Il y a 5 ans au moins que je n’ai pas mis les pieds ds les salons [...] Je les trouve
identiques. Champs-de-Mars. Béraud aussi nul, glacé [...] Raffaëlli, vues de Paris
brouillées, crayeuses, en zigzags, comme du tremblé de main, ayant perdu tout
accent, sempblant se complaire en une besogne bâclée, une peinture ordinaire, dt
les bouchons sont la seule originalité. Puvis encore plus surfait et mesquin, que
jamais, des Besnard, aliénés” (p.100); “Je crois que le niveau des peintres, encore
baisse! (p.101).
Musée Marmottan-Monet; Grand Palais; Musée des Arts décoratifs; Musée Gustave Moreau;
de près une partie considérable des œuvres commentées par Huysmans dans ses écrits, depuis
symbolistes, jusqu’à ce que j’arrive, pour finir ce pélérinage huysmansien, devant le Retable
d’Issenheim, à Colmar, en Alsace. Sans dresser la liste exhaustive de toutes les œuvres que j’ai
pu voir, et suivant plus ou moins le chemin parcouru par Huysmans lui-même, je commente
maintenant quelques moments essentiels pour une perception renouvelée découlant de cette
contemplation.
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Peinture flamande au Louvre. Dans une lettre au poète belge Émile Verhaeren,
Huysmans affirmera: “l’idée d’écrire m’est certainement venue, alors que sorti du collége,
j’allais me promener au Louvre où négligeant toutes les autres salles, je m’arretais devant
celles renfermant l’école flamande et hollandaise” (Bulletin 39, 1960, p.108). Dans ce même
Louvre, j’ai pu passer quelque temps devant les ombres et les lumières de Rembrandt (1606-
1669), devant les portraits de Frans Hals1 (1580?-1666), les paysages et les saintes de Rubens2
mais aussi devant des peintres moins comme le paysagiste Paul Brill5 (1554-1626) ou Joos van
Cleve (1485-1541?) et son retable de visages macabres6. Tous ces tableaux construisent une
extraordinaires et de natures mortes qui enchantèrent Huysmans. Encore dans cette même
section du Louvre, on trouve deux paysages de petit format7 d’un ancêtre flamand de
Huysmans, Cornelis Huysmans (1648-1727): motif d’orgueil pour l’écrivain qui tenait à
Modernité contre Académie. Au Musée d’Orsay, observant les toiles d’Édouard Manet
comprendre ce que Huysmans dit de l’intensité des coups de pinceaux, du travail des couleurs,
la possiblitité de suivre l’évolution de divers artistes a rendu plus claires pour moi certaines
postures du critique dans sa défense des peintres impressionnistes et son exécration des
1
Parmi d’autres: La Bohémienne (vers 1628-1630); Bouffon au luth, (vers 1623-1624); Judith Leyster,
Joyeuse Compagnie (1630).
2
Paysage à l’arc-en-ciel (1635); les vingt-quatre tableaux du Cycle de Marie de Médicis (commandés en
1621 par l’épouse d’Henri IV); La Vierge à l’Enfant entourée des saints Innocents, dit autrefois La Vierge
aux anges (1618).
3
L’Arrivée du bac (1635), un paysage qui fait penser aux impressionnistes en raison du travail de la
lumière.
4
Les Mendiants (1568).
5
La Chasse aux cerfs (vers 1618-1620).
6
Retable de la Déploration du Christ (vers 1520-1525).
7
Paysage avec bergers et troupeaux dans un chemin forestier (s. d.) et Paysage avec bergers et
troupeaux au bord d’une mare et près d’un talus fortement éclairé (s. d.).
15
artistes académiques. Cela est en rapport, je crois, avec son parti pris pour la nouveauté.
dans L’Assaut (1898), par exemple, reste aussi classique et pleine de chérubins que sa
stagnation, d’asphyxie du talent par la recherche d’un idéal préétabli et diffusé dans
l’enseignement académique. En revanche, ceux qui cherchent à fuir de ces schémas adoptent
des trajectoires artistiques en constante agitation. Les changements peuvent même être
choquants si nous comparons le jeune Monet avec le Monet des Nymphéas, par exemple.
N’oublions pas, aussi, dans le même Musée d’Orsay, d’imposants grands formats d’un Fernand
Cormon (1845-1925) ou d’un Bastien Lepage (1848-1884) 8, œuvres qui impressionnent par les
Versailles et ses énormes toiles représentant plusieurs victoires de l’armée française avec leurs
sous-titres commençant toujours par “Bataille vaincue par tel général…” et l’exaltation qu’on y
voit des gloires et des conquêtes de l’État français au détriment de la liberté artistique, limitée
1898) fait valoir plus que jamais l’idée suivant laquelle, en art, “de près c’est autre chose”. Il
est impossible de comprendre le travail de Moreau si l’on n’est pas sur place. Dans son œuvre,
Chimères (1884) pour se rendre compte de la forme des arabesques, des symboles et des
visages camouflés dans l’enchevêtrement des traits se mélangeant aux teintes fumées; il faut
arriver très près de L’Apparition (1876) pour reconnaître le mélange de divinités païennes avec
des motifs décoratifs médiévaux conférant une atemporalité à l’œuvre de ce peintre que
8
Caïn (Cormon, 1880) ou Les Foins (Lepage, 1877).
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Huysmans admirait, qu’il comparait à Baudelaire et situait en-dehors du monde, tellement
d’Aurevilly (1808-1889) produisit ce célèbre verdict à propos du livre de l’auteur: choisir entre
la bouche d’un pistolet et les pieds de la croix. Huysmans, après la descente aux enfers avec
certains prêtres et moines, détracteur de beaucoup d’autres, adepte des rituels liturgiques,
Quant au retable, toute l’œuvre est mystérieuse, perturbante, mais devant le détail des pieds
du Christ peints par Mathias Grünewald, quelqu’un qui suit l’œuvre littéraire et critique de
volume de chair et l’abjection de sa putréfaction, même si nous savons à tout instant qu’il ne
s’agit pas seulement des pieds d’un homme, mais aussi des pieds d’un Dieu. La chair de ces
pieds impressionnants, en décomposition, vaincue par le monde terrestre, escalade les clous
qui l’ont transpercée, dans un geste d’ascension qui sublime la contradiction présente dans
l’ensemble des chairs : rotules contorsionnées, cou arqué, mains ouvertes, pieuses et priantes;
la chair des pieds s’élève, cherche un autre monde, peut-être dans le désespoir de laisser la
putréfaction pour devenir un corps glorieux. Voici la synthèse, que Huysmans lui-même
appelait “réalisme spiritualiste”. Le catholique étrange demeure aussi inquiet que le défenseur
avoir devant lui les pieds de la croix dignes d’une contemplation stupéfaite.
2. COURS FRÉQUENTÉS
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2.1 Séminaire de recherche sur la littérature française du XIXième siècle
(Amphithéâtre Guizot, Paris IV). Responsables: Prof. André Guyaux et Prof. Paolo Tortonese.
Sorbonne Nouvelle Paris III. À chaque séance l’on avait la présence de professeurs de plusieurs
respectifs.
Les thèmes discutés n’avaient pas de relation directe avec l’auteur étudié, Joris-Karl
Huysmans; toutefois, le fait d’être toujours dans le XIXième siècle a fait apparaître de
nouveaux noms et des questions propres à ce siècle dans lequel s’insère l’objet de ma
dissertation. Ce fut profitable, par exemple, d’en apprendre un peu plus sur la poétique et sur
les étranges analogies de Barbey d’Aurevilly ou sur les conceptions artistiques du décadent
Jean Lorrain, tous deux amis et correspondants de J.-K. Huysmans. Je mets aussi en exergue le
propos tenue par Violaine Boneu sur Gérard de Nerval (1808-1855), dans sa conférence
“l’Idylle ou l’écriture obstinée”, soulignant chez cet auteur son esthétique du vrai et une
18
2.2 Traduction Français-Portugais, I5PTR (salle 412, Sorbonne Nouvelle Paris III).
Responsable: Prof. Maria Cristina Pais Simon. Tous les jeudis de 12h à 14h.
être remis pour correction, l’autre pour être corrigé en groupe pendant le cours. Autant les
notre contemporain, dont le langage est complètement différent. Tout cela a contribué à une
meilleure maîtrise du français et m’a aidé à lever les obstacles rencontrés dans les traductions
2.3 Français Langue Étrangère (Mairie de Paris). Tous les lundis et mercredis de 18h30 à
20h30
3. Conférences
souhaite affronter l’œuvre de Gustave Moreau. Le professeur Pierre Pinchon s’est concentré
dans son discours sur la symbologie de l’ornementation tellement présente dans les toiles de
l’artiste. L’ornement, motif formel qui se répète, ne peut pas être considéré isolément: “ce
sont sa variation, multiplication et accumulation qui constituent un tout”, a-t-il dit. Chez
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Moreau, même les figures humaines, par leurs postures répétées, deviennent des motifs
rencontré, d’une esthétique décorative au service de son symbolisme. Le peintre porte cette
posture à un tel extrême que, face à sa force picturale, nous sommes presque forcés à
de Huysmans pour Moreau et ses écrits sur cet artiste, comment l’auteur incorpore à son texte
des techniques picturales, innovant dans les teintes de la structure de la phrase verbale,
redondance délibérée et une profusion de termes rares, testant les limites, étirant au
maximum les muscles de la syntaxe. Voici un extrait de Huysmans, sur Moreau, qui, d’ailleurs,
illustre bien son souci de la composition d’authentiques tableaux écrits, ou, si nous préférons,
Loin de cette salle, dans la morne rue, le souvenir ébloui de ces oeuvres persistait,
mais les scènes ne paraissaient plus en leur ensemble ; elles se disséminaient, dans
la mémoire, en leurs infatigables détails, en leurs minuties d’accessoires étranges.
L’exécution de ces joyaux aux contours gravés dans l’aquarelle comme avec des
becs écrasés de plumes, la finesse de ces plantes aux hampes enchevétrées, aux
tiges patiemment enlacées, brodées de même que les guipures des rochet s
autrefois ouvrés pour les prélats, le jet de ces fleurs tenant par leurs formes de
l’orfèvrerie religieuse et de la flore d’eau, des nénuphars et des pyxides , des calices
et des algues, toute cette surprenante chimie de couleurs suraiguës, arrivées à
leurs portées extrêmes, montaient à la tête et grisaient la vue qui titubait,
abasourdie, sans les voir, le long des maisons neuves. (HUYSMANS, 2008, p.250)
3.2 “Le conflit entre le dessin et la couleur dans la peinture du XVe au XVIIe siècle”
L’événement, allié aux précieuses indications faites par le réviseur FAPESP du rapport
partiel de la bourse régulière, m’a amené à accorder davantage d’attention aux précurseurs
20
des Salons du XIXième avec leurs affrontements entre classiques et modernes, et à visiter les
textes des Conférences de l’Académie royale de peinture et sculpture au XVIIe siècle (2003) afin
son temps. Jacqueline Lichtenstein, durant approximativement deux heures, a exposé, devant
les toiles choisies pour le débat, les principales questions liées à la querelle du dessin contre la
couleur, initiée avec les célèbres discours de Charles Le Brun, “Sur le Saint Michel terrassant le
tombeau de Titien” (1667). Le plus marquant fut sa prise de parole devant un des grands
contour dans la constitution des muscles des personnages dans les tableaux de cet artiste en
relation avec la ligne, marque de rationalité délimitante, dessinant les œuvres d’un disciple
L’agence FAPESP fournit l’appui financier: un montant fixe mensuel pendant le séjour à
Recherche sur la Littérature Française du XIXième Siècle, l’Université Paris Sorbonne rendit
possible la réalisation du stage. Je fus très bien accueilli dans le centre de recherche par le
professeur André Guyaux et son assistant, Aurélia Cervoni, toujours très gentils et prêts à
21
m’aider et éclaircir mes doutes. Ils m’offrirent comme cadeau, par exemple, tous les volumes
disponibles de la collection du Bulletin de la Société J.-K. Huysmans. J’avais aussi une clé du
centre, ce que me permettait d’y aller même dans des horaires exceptionnels.
l’étranger. Mon directeur de recherche, le professeur Marcos Antonio Siscar, s’est accordé
promptement à ma proposition et m’a donné tout l’appui nécessaire. J’ajoute ici mes sincères
5. Perspectives
Ayant déjà terminé les disciplines nécessaires pour le programme de Master et après
maintenant conclure la rédaction, à réviser les notes et les traductions, à faire l’éxamen de
6. Chronograme
22
8. Annexe 1 – Les traductions réalisées en France
“Os artistas holandeses provaram na Exposição universal9 ser mesmo os filhos desses
grandes mestres de quem a poeira dos séculos não conseguiu arrefecer as brilhantes obras-
primas. E a própria França, ainda que fraca nesse gênero, apresentou alguns quadros que não
destoariam da rica coleção exposta.
“Ela tem notadamente em Meissonier um sucessor não degenerado dos mais bem-
sucedidos pintores de bambochades10; Meissonnier, disse Arsène Houssaye11, é um holandês
9
Exposição universal de 1867, realizada de primeiro de abril a 3 de novembro, no Champs-de-Mars.
10
Quadro ou desenho representando cenas campestres grotescas ou burlescas.
11
Pseudônimo de Arsène Housset (1814-1896), homem de letras francês, também conhecido sob o
pseudônimo de Alfred Mousse.
23
com estilo: não se poderia, na minha opinião, fazer de forma mais direta, um elogio mais
completo e merecido.
“Poucos países apresentaram pinturas desse gênero; poucos, aliás, tinham sido
capazes de produzir rivais dignos de se comparar a Gérôme e Cabanel.
“A pintura de paisagem não morreu na França, Courbet, Corot, Rousseau, Diaz e alguns
outros deram testemunho de que à falta de talentos excepcionais, nosso país nutria rebentos
dos quais tinha, com justiça, o direito de se orgulhar.
“Não posso pensar em Diaz sem lembrar uma discussão em que vi envolverem-se dois
connaisseurs sobre as obras deste artista: é o deus da cor, dizia um. – O deus da cor!
Exclamava seu interlocutor indignado. – Ninguém, replicou o outro, com tanto sucesso, tomou
a Watteau seu fascinante colorido; ninguém excele tão bem quanto esse pintor a fazer pulular
o sol nas florestas, e a dourar as árvores que desenha tão bem.
“Não nos cabe, neste breve apanhado, avaliar a obra de Diaz: limitaremo-nos, como
todos o fazem, a repreendê-lo por não se dignar a pintar seus personagens. As figuras mal
aparecem, é uma camada espessa dando algo entre o amarelo de Nápoles e o rosa. – Mas,
dirão, os paisagistas não são obrigados a produzir com talento as figuras humanas: “Ruysdaël
mesmo delegava a pintura dos personagens que povoam seus quadros a Berchem,
Wouwermans e Lingelbach”. Concordo: Melhor seria então que Diaz recorresse aos préstimos
de um artista notável neste gênero, melhor seria sobretudo que se desse ao trabalho (e
poderia, estou convencido) de descer até o homem.
12
Huysmans ainda não havia adotado a forma holandesa “Joris-Karl” no lugar de seu prenome de
batismo “Charles Marie [G]eorges”, eis porque assina “G”. Huysmans.
24
Gustave Moreau
Certains, 1889
Distanciado da turba que nos verte, a cada mês de Maria, a ipecacuanha13 espiritual da
grande arte, Gustave Moreau, faz tempo, não mais imobiliza suas telas sob as musselinas que
secam, pavilhonando-as, tais que miseráveis dosséis, nos angares de vidro do Palais de
l’Industrie.
Foi na sala que continha um auto de fé de imensos ceus igniscentes; globos esmagados
por sóis ensanguentados, hemorragias de astros escorrendo em cataratas de púrpura sobre
tufos abatidos de nuvens.
13
Em francês“ipéca”: planta originária do Brasil e de propriedades eméticas.
25
Longe dessa sala, na sombria rua, a lembrança deslumbrada de tais obras persistia,
mas as cenas não vinham mais em seu conjunto; disseminavam-se, na memória, em seus
infatigáveis detalhes, em suas minúcias de acessórios estranhos. A execução dessas joias em
seus contornos gravados em aquarela como com bicos achatados de penas, a finesse dessas
plantas de hastes emaranhadas, de caules pacientemente enlaçados, bordados da mesma
forma que as guipuras dos roquetes noutros tempos lavrados aos prelados, o broto dessas
flores que emprestavam suas formas da ourivezaria religiosa e da flora aquática, nenúfares e
píxides, cálices e algas14, toda essa surpreendente química de cores superagudas, chegadas à
sua máxima potência, subia à cabeça e inebriava a vista que titubeava, aturdida, sem as ver, ao
longo das novas casas.
Durante a reflexão, enquanto se passeava e o olho, já mais calmo, observava, via essa
vergonha do gosto moderno, a rua; esses bulevares nos quais vegetam árvores
ortopedicamente espartilhadas a ferro e comprimidas pelos bandagistas das Pontes de
Estradas, em rodas de ferro fundido. Essas ruas sacudidas por enormes ônibus e carros de
propaganda ignóbeis; essas calçadas repletas de uma hedionda multidão à caça de dinheiro,
de mulheres degradadas pelos puerpérios, embrutecidas por horríveis negócios, de homens
lendo jornais infames ou sonhando com fornicações e traições ao longo de lojas donde os
espiam a fim de esfolá-los, os corsários licenciados dos bancos e comércios, compreende-se
melhor ainda a obra de Gustave Moreau, independente de um tempo, refugiando-se em aléns,
planando pelos sonhos, longe das excrementícias ideias, secretadas por todo um povo.
14
Interessante notar como Huysmans utiliza termos ambíguos, pertencentes tanto ao domínio da
botânica quanto da religião a um só tempo. “Nenúfar” remete a ninfeias e a lótus, flor sagrada; “cálice”,
ao cálice para o sangue de Cristo ou uma especificidade botânica, o verticilo externo da flor, formado
pelas sépalas; e “píxide” tanto pode designar o vaso para as hóstias consagradas quanto outra
especificidade envolvendo plantas, tratando-se do nome do fruto que se abre transversalmente em
duas valvas sobrepostas, como o da tanchagem.
26
de grandes artistas, uma vez que o meio então age sobre eles pela revolta, pelo ódio que lhes
inspira; no lugar de modelar, de moldar a alma à sua imagem, ele cria nas imensas Boston,
solitários Edgar Poe; ele age pelo inverso, cria nas vergonhosas Franças os Baudelaire,
Flaubert, Goncourt, Villiers de l’Isle-Adam, Gustave Moreau, Redon e Rops, seres de exceção,
que retrocedem pelos séculos e se lançam, pelo desgosto das promiscuidades a que são
sujeitos, nos abismos de eras passadas, nos tumultuosos espaços dos pesadelos e dos sonhos.
Surgiu antes de tudo uma enigmática figura, dolorosa e altiva, de trevas perfuradas
aqui e ali por raios de luz: – uma cabeça de mago da Caldeia, de rei da Assíria, de velho
Sennachérib ressuscitado, observando, desolado e pensativo, correr o rio das eras, esse rio
sempre aumentado pelas enfáticas ondas da estupidez humana.
Coloca sobre seus lábios uma mão fina e magra, lembrando a mão delgada de uma
pequena infante, e abre um olho em que parecem passar as eternas dores que se transmitem
e se repercutem na alma dos casais, desde a Gênese. Será o primitivo pastor de homens
contemplando o cortejo dos imortais rebanhos que se atropelam e se massacram por um tufo
de erva ou um naco de pão? – Será a figura da imemoriável Melancolia que convém enfim,
perante a impotência irrefutável da Alegria, da inutilidade absoluta de cada coisa? – Será
enfim o mito, uma vez mais renovado, da Verdade que reconhece, de passagem, sob farrapos
e máscaras diversas, o mesmo homem, afligido pelas mesmas virtudes e os mesmos vícios, o
mesmo homem, cuja original ferocidade em nada diminuiu malgrado o esforço dos séculos,
mas simplesmente dissimulou por detrás da graça dos povos civilizados, sua penetrante e
discreta hipocrisia?
Seja como for, aquela misteriosa face me assombrava; em vão eu quis escrutar seu
olhar perdido ao longe; em vão tentei sondar tal rosto que um sofrimento estritamente
pessoal teria sido incapaz de cavar daquele jeito; mas a hierática e dolorosa imagem
desapareceu, e, àquela moderna visão das antigas eras, sucedeu uma paisagem atroz, pântano
de uma água parada, escura, lúgubre; essa água se estendia até um horizonte fechado por um
27
céu semelhante a um painel de ébano de uma só peça, sem solda branca de Via láctea, sem
parafusos prateados de estrelas.
Dir-se-ia uma varinha de aço rígido da qual brotavam folhas metálicas, duras e
límpidas. E que então saíram rebentos, similares a girinos, a cabeças começadas de fetos, a
boletas esbranquiçadas, sem nariz, sem olhos e sem boca; por fim, um desses rebentos,
luminoso e como untado por um óleo fósforeo, estourou, ganhando os contornos de uma
pálida cabeça que se balançou silenciosamente sobre a noite das águas.
Uma dor imensa e muito pessoal emanou daquela lívida flor. Havia na expressão de
seus traços, de uma só vez, algo da consternação de um pierrô abatido, de um velho clown que
chora encurvado sobre os rins, do sofrimento de um velho lorde corroído pelo spleen, de um
advogado condenado por engenhosas bancarrotas, de um velho juiz que caiu, após atentados
complicados, no pátio de uma casa de correção.
Eu me perguntava de quais males excessivos aquela face macilenta teria sofrido e qual
solene expiação a fazia irradiar por sobre a água, como uma boia iluminada, como um fanal
anunciando aos passageiros da Vida os lamentáveis escolhos escondidos sob a onda que
atravessariam singrando rumo ao Porvir!
Mas sequer tive tempo de discernir a resposta que me importava dar a tal questão que
eu me colocava. A assustadora flor de ignomínia e sofrimento, o fantástico e vívido nelumbo
murchara e sua auréola fosfórica dissipara-se. Ao pálido advogado, ao exangue clown, ao
esmaecido lorde, substituíra-lhes uma visão não menos horrível.
Um véu d’água, tinhoso e surdo, mas sem firmamento dessa vez, um véu banhando
uma imensa bacia, um gigantesco reservatório em colunas, tais que os de Dhuis e de Vanne.
Um silêncio sepulcral tombava dos arcos; uma luz enfadonha infiltrava-se pelo vidro embaçado
das vigias15 escondidas; um vento gelado de túnel vos espremia as medulas e, nesta solidão,
um medo incontrolável, intenso, vos pregava, ofegante, na banqueta de pedra que se
estendia, tal qual um cais, ao longo dessa água morta.
15
Cf. “hublot” no original, termo marítimo para abertura de forma circular que areja ou ilumina o
interior de embarcações. “Janela” simplesmente deixaria causaria prejuízo ao campo semântico em
jogo.
28
Então sob essas formidáveis e mudas abóbodas, precipitaram-se subitamente seres
estranhos. Uma cabeça, sem corpo, borboleteava, roncando como um pião, uma cabeça
incrustada de um olho enorme de Ciclope, guarnecido de uma boca em cara de arraia, de um
nariz, de um sórdido nariz de meirinho ébrio de tragos. – E essa cabeça escaldada e branca saía
de uma espécie de chaleira e irradiava uma luz muito própria, iluminando a valsa das outras
cabeças quase amorfas, embriões mal lembrando crânios, depois indecisos infusórios, vagos
flagelados, inexatos moneras, bizarros protoplasmas, tais que o Bathybius de Haeckel, já
menos gelatinoso e menos informe!
E eis que essa formação da matéria viva desapareceu por sua vez, apagou-se o tipo
ignóbil dessa cabeça, a obsessão dessa água parada cessou enfim.
Houve nesse pesadelo uma curta trégua. – De repente, um sol, de núcleo obscuro,
emergiu da sombra, irrompendo como uma medalha de honra, com raios de ouro, desiguais e
calculados. Ao mesmo tempo, pétalas de flores caíram de um espaço desconhecido, dos
bulbos em que esconsavam imperceptíveis pupilas precipitaram como bolas e um crivo de
negociante de café restou suspendido no ar que empou de seu braço nu um malabarista
sobre-humano com olhos assustadores, aumentados e trabalhados pela cirurgia, olhos
redondos com uma pupila encaixada tal qual um eixo, no meio de uma roda.
Havia neste homem que escamoteava planetas, utensílios de especiaria e flores, uma
cruel aparência de bruto Gaulês, um semblante imperioso de bardo sanguinário; – e o horror
de seu olho dilatado como por um anel de ferro vos fascinava e vos gelava os pelos com suor
frio.
Por fim certa calmaria teve lugar; o espírito, arrebatado nessas alucinações, tentou
agarrar-se e ancorar-se a uma margem; – mas o espetáculo percorrido desfilou ainda
lembrando um antigo e análogo espetáculo há anos quase esquecido. No lugar da flor do
pantâno, foi uma outra flor humana há pouco vista numa exposição que regressou e se
instalou, mostrando a variante dessa concepção lúgubre.
E no planeta desolado, saía do solo branco o mesmo caule que brotava ainda há pouco
da água escura, botões eclodiam também em galhos metálicos e uma cabeça redonda e pálida
se balançava igualmente; mas sua dor mais ambígua fundava-se na ironia de um abominável
sorriso.
29
de ferro, reconduzindo-me à vida, ao romper do dia, às fastidiosas ocupações que cada nova
manhã prepara.
Tais as visões evocadas em seu novo álbum dedicado à glória de Goya, por Odilon
Redon, o Príncipe dos misteriosos sonhos, o Paisagista das águas subterrâneas e dos desertos
transtornados de lava; por Odilon Redon, o Ocultista Comprachico da face humana, o sutil
Litógrafo da Dor, o Necromante do lápis, perdido, para o deleite de alguns aristocratas da arte,
no meio democrático da Paris moderna.
30
Textos originais16
Nous donnons, sur les paysagistes contemporains, une espèce de boutade d’un jeune critique, qui ne nous
paraît manquer ni de verve ni de bonne appréciation. La voici telle qu’elle nous a été remise.
“Les peintres de paysage, me disait-on dernièrement, sont bien dégénérés depuis que l’École hollandaise
a porté ce genre de peinture à sa perfection. Sans absolument espérer que l’on voie jamais renaître des génies aussi
lumineux que Ruysdaël, Berghem, Stanevelt Van Artois, Hobbema et notre immortel Claude Gelée, qui ont compris
le paysage comme Rembrandt les intérieurs sombres, qu’il illuminait d’éblouissants rayons, comme Brauwer les
tabagies, Van Goyen la mer au repos, Van den Velde les flots en courroux, je ne puis croire qu’une des plus nobles
branches de la peinture ne reverra plus poindre une ère nouvelle de gloire et de prospérité.
“Les artistes hollandais ont prouvé à l’Exposition universelle qu’ils étaient bien les fils de ces grands
maîtres dont la poussière des siècles n’a pu ternir les éclatants chefs-d’oeuvre. Et la France elle-même, bien que
faible en ce genre, a présenté quelques tableaux qui ne déparaient pas la riche collection qu’elle a exposée.
“Nous sommes d’ailleurs heureux de constater que si la France, dans cette lice courtoise, n’a pas, quant au
paysage, été placée aux premiers rangs, elle n’en a pas moins vaincu, en d’autres genres, non seulement les Pays-
Bas, mais encore tous ses autres rivaux.
“Elle a notamment, en Meissonier, un successeur non dégénéré des plus heureux peintres de
bambochades; Meissonnier, a dit Arsène Houssaye, est un hollandais avec du style: on ne pouvait, à mon sens, faire
en termes plus courts, un éloge plus complet et mieux mérité.
“Peu de pays ont présenté des peintures de ce genre; peu d’ailleurs eussent pu produire des rivaux dignes
de se mesurer avec Gérôme et Cabanel.
“La peinture de paysage n’est pas morte en France, Courbet, Corot, Rousseau, Diaz et quelques autres ont
témoigné qu’à défaut de talents hors-ligne, notre pays nourissait des rejetons dont il avait à juste titre le droit de
s’enorgueillir.
“Je ne puis penser à M. Diaz sans me rappeller une discussion que j’entendis s’engager entre deux
connaisseurs sur les oeuvres de cet artiste: c’est le dieu de la couleur disait l’un. – Le dieu de la couleur! s’écriait son
interlocuteur indigné. – Aucun, répliqua l’autre, n’a dérobé aussi hereusement à Watteau son attrayant coloris;
aucun n’excelle aussi bien que ce peintre à faire ruisseler le soleil dans les forêts, et à dorer les arbres qu’il dessine
si bien.
“Il ne nous appartient pas, dans ce léger aperçu, d’apprecier l’oeuvre de M. Diaz: nous nous bornerons à
lui faire comme tout le monde, le reproche de ne pas daigner peindre ses personnages. Les figures apparaissent à
peine, c’est une couche épaisse tirant entre le jaune de Naples et le rose. – Mais, me dira-t-on, les paysagistes ne
sont pas tenus de produire avec talent les figures humaines: “Ruysdaël faisait bien peindre les personnages qui
peuplent ses tableaux par Berchem, Wouwermans et Lingelbach”. J’en conviens: Mieux vaudrait alors que M. Diaz
empruntât le concours d’un artiste distingué en ce genre, mieux vaudrait surtout qu’il se donnât la peine (il le
pourrait, j’en suis convaincu) de descendre jusqu’à l’homme.
16
De acordo com as edições indicadas logo no início do relatório em “1.1 Etablissement des textes
utilisés pour la traduction”
31
Gustave Moreau
Certains, 1889
Eloigné de la cohue qui nous verse, à chaque mois de Marie, l’ipéca spirituel du grand art, M. Gustave
Moreau n’a plus, depuis des années, immobilisé de toiles sous les mousselines qui sèchent, en pavillonnant, de
même que de misérables dais, dans les hangars vitrés du Palais de l’Industrie.
Il s’est également abstenu des exhibitions mondaines. La vue de ses oeuvres, confinées chez quelques
commerçants, est donc rare ; en 1886, cependant, une série de ses aquarelles fut exposée par les Goupil dans leurs
galeries de la rue Chaptal.
Ce fut dans la salle qui les contint un autodafé de ciels immenses en ignition ; des globes écrasés de soleils
saignants, des hémorragies d’astres coulant en des cataractes de pourpre sur des touffes culbutées de nues.
Sur ces fonds d’un fracas terrible, de silencieuses femmes passaient, nues ou accoutrées d’etoffes serties
de cabochons comme de vieilles reliures d’évangéliaires, des femmes aux cheveux de soie floche, aux yeux d’un
bleu pâle, fixes et durs, aux chairs de la blancheur glacée des laites ; des Salomés tenant, immobiles, dans une
coupe, la tête du Précurseur qui rayonnait, macérée dans le phosphore, sous des quinconces aux feuilles tondues,
d’un vert presque noir ; des déesses chevauchant des hippogriffes et rayant du lapis de leurs ailes l’agonie des
nuées ; des idoles féminines, tiarées, debout sur des trônes aux marches submergées par d’extraordinaires fleurs ou
assises, en des poses rigides, sur des éléphants, aux fronts mantelés de verts, aux poitrails chappés d’orfroi,
couturés ainsi que de sonnailles de cavalerie, de longues perles, des éléphants qui piétinaient leur pesante image
que réfléchissait une nappe d’eau éclaboussée par les colonnes de leurs jambes cerclées de bagues !
Une impression identique surgissait de ces scènes diverses, l’impression de l’onanisme spirituel, répété,
dans une chair chaste ; l’impression d’une vierge, pourvue dans un corps d’une solennelle grâce, d’une âme épuisée
par des idées solitaires, par des pensées secrètes, d’une femme, assise en elle-même, et se radotant, dans de
sacramentelles formules de prières obscures, d’insidieux appels aux sacrilèges et aux stupres, aux tortures et aux
meurtres.
Loin de cette salle, dans la morne rue, le souvenir ébloui de ces oeuvres persistait, mais les scènes ne paraissaient
plus en leur ensemble ; elles se disséminaient, dans la mémoire, en leurs infatigables détails, en leurs minuties
d’accessoires étranges. L’exécution de ces joyaux aux contours gravés dans l’aquarelle comme avec des becs
écrasés de plumes, la finesse de ces plantes aux hampes enchevétrées, aux tiges patiemment enlacées, brodées de
même que les guipures des rochets autrefois ouvrés pour les prélats, le jet de ces fleurs tenant par leurs formes de
l’orfèvrerie religieuse et de la flore d’eau, des nénuphars et des pyxides, des calices et des algues, toute cette
surprenante chimie de couleurs suraiguës, arrivées à leurs portées extrêmes, montaient à la tête et grisaient la vue
qui titubait, abasourdie, sans les voir, le long des maisons neuves.
À la réflexion, alors qu’on se promenait, que l’oeil rasséréné regardait, voyait cette honte du goût
moderne, la rue ; ces boulevards sur lesquels végètent des arbres orthopédiquement corsetés de fer et comprimés
par les bandagistes des Ponts et Chaussées, dans des roues de fonte ; ces chaussées secouées par d’énormes
omnibus et par des voitures de réclame ignobles ; ces trottoirs remplis d’une hideuse foule en quête d’argent, de
femmes dègradées par les gésines, abêties par d’affreux négoces, d’hommes lisant des journaux infâmes ou
songeant à des fornications et à des dols le long de boutiques d’où les épient pour les dépouiller, les forbans
patentés des commerces et des banques, l’on comprenait mieux encore cette oeuvre de Gustave Moreau,
indépendante d’un temps, fuyant dans les au delà, planant dans le rêve, loin des excrémentielles idées, secrétées
par tout un peuple.
Et en effet, quand le moment est définitivement venu où l’argent est le Saint des Saints devant lequel
toute une humanité, à plat ventre, bave de convoitise et prie ; quand un pays avarié par une politique accessible à
32
tous, suppure par tous les abcès de ses réunions et de sa presse ; quand l’art méprisé se ravale de lui-même au
niveau de l’acheteur ; quand l’oeuvre artiste, pure, est universellement considérée comme le crime de lèse-majesté
d’un vieux monde, soûlé de lieux communs et d’ordures, il arrive fatalement que quelques êtres, égarés dans
l’horreur de ces temps, rêvent à l’écart et que de l’humus de leurs songes jaillissent d’inconcevables fleurs d’un
éclat vibrant, d’un parfum fiévreux et altier, si triste ! —La théorie du milieu, adaptée par M. Taine à l’art est juste
— mais juste à rebours, alors qu’il s’agit de grands artistes, car le milieu agit sur eux alors par la révolte, par la haine
qu’il leur inspire ; au lieu de modeler, de façonner l’âme à son image, il crée dans d’immenses Boston, de solitaires
Edgar Poe ; il agit par retro, crée dans de honteuses Frances des Baudelaire, des Flaubert, des Goncourt, des Villiers
de l’Isle-Adam, des Gustave Moreau, des Redon et des Rops, des êtres d’exception, qui retournent sur les pas des
siècles et se jettent, par dégoût des promiscuités qu’il leur faut subir, dans les gouffres des âges révolus, dans les
tumultueux espaces des cauchemars et des rêves.
Ce fut tout d’abord une énigmatique figure, douloureuse et hautaine qui surgit des ténèbres, çà et là
percées par des rais de jour : — une tête de mage de la Chaldée, de roi d’Assyrie, de vieux Sennachérib ressuscité,
regardant, désolé et pensif, couler le fleuve des âges, le fleuve toujours grossi par les emphatiques flots de la sottise
humaine.
Il pose sur ses lèvres une main fine et maigre, semblable à la main fuselée d’une petite infante, et il ouvre
un oeil où semblent passer les éternelles douleurs qui se transmettent et se répercutent dans l’âme des couples,
depuis la Genèse. Est-ce le primitif pasteur d’hommes contemplant le défilé des immortels troupeaux qui se
bousculent et se massacrent pour une touffe d’herbe ou un bout de pain ? — Est-ce la figure de l’immémoriale
Mélancolie qui convient enfin, devant l’impuissance avérée de la Joie, de l’inutilité absolue de toute chose ? — Est-
ce enfin le mythe, une fois de plus rajeuni, de la Vérité qui reconnaît, au passage, sous des oripeaux et des masques
divers, le même homme, affligé des mêmes vertus et des mêmes vices, le même homme, dont l’originelle férocité
ne s’est nullement amoindrie sous l’effort des siècles, mais s’est simplement dissimulée derrière cette grâce des
peuples civilisés, la pénétrante et discrète hypocrisie ?
Quoi qu’il en soit, ce mystèrieux visage me hantait ; en vain je voulus scruter son regard perdu au loin ; en
vain je tentai de sonder sa face qu’une souffrance seulement personnelle eût été incapable de creuser ainsi ; mais la
hiératique et douloureuse image disparut, et, à cette moderne vision des anciens âges, succéda un paysage atroce,
un marais d’eau stagnante, morne et noire ; cette eau s’étendait jusqu’à l’horizon fermé par un ciel semblable à un
panneau d’ébène d’une seule pièce, sans blanche soudure de Voie lactée, sans vis argentées d’étoiles.
De cette eau enténébrée, sous ce ciel opaque, jaillit soudain la monstrueuse tige d’une impossible fleur.
On eût dit d’une baguette d’acier rigide sur laquelle poussaient des feuilles métalliques, dures et nettes.
Puis des bourgeons sortirent, pareils à des têtards, à des chefs commencés de foetus, à de blanchâtres boulettes,
sans nez, sans yeux et sans bouche ; enfin, l’un de ces bourgeons, lumineux et comme enduit d’une huile
phosphorée, creva, s’arrondissant en une pâle tête qui se balança silencieuse sur la nuit des eaux.
Une douleur immense et toute personnelle émana de cette livide fleur. Il y avait dans l’expression de ses
traits, tout à la fois du navrement d’un pierrot usé, d’un vieux clown qui pleure sur ses reins fléchis, de la détresse
d’un antique lord rongé par le spleen, d’un avoué condamné pour de savantes banqueroutes, d’un vieux juge
tombé, à la suite d’attentats compliqués, dans le préau d’une maison de force !
Je me demandais de quels maux excessifs cette face blafarde avait pu souffrir et quelle solennelle
expiation la faisait rayonner au-dessus de l’eau, comme une bouée éclairée, comme un fanal annonçant aux
passagers de la Vie les lamentables brisants cachés sous l’onde qu’ils allaient sillonner en cinglant vers l’Avenir !
Mais je n’eus même point le temps de discerner la réponse qu’il m’importait de faire à cette question que
je me posais. L’effroyable fleur d’ignominie et de souffrance, le fantastique et vivant nelumbo s’était fané et son
33
nimbe phosphorique s’était éteint. Au pâle avoué, à l’exsangue clown, au blême lord, s’était substituée une vision
non moins horrible.
Une nappe d’eau, teigneuse et sourde, mais sans firmament cette fois, une nappe d’eau baignait un
immense bassin, un gigantesque réservoir à colonnes, tels que ceux de la Dhuis et de la Vanne. Un silence de
sépulcre tombait des voûtes ; un jour fade filtrait par le verre dépoli des hublots cachés ; un vent glacé de tunnel
vous fripait les moëlles et, dans cette solitude, une peur irrépressible, intense, vous clouait, haletant, sur la
banquette de pierre qui s’étendait, ainsi qu’un quai, le long de cette eau morte.
Alors sous ces formidables et muettes voûtes, bondirent tout à coup des êtres étranges. Une tête, sans
corps, voleta, ronflant comme une toupie, une tête trouée d’un oeil énorme de Cyclope, pourvue d’une bouche en
gueule de raie, d’un nez, d’un sordide nez d’huissier, bourré de prises ! — Et cette tête échaudée et blanche sortait
d’une espèce de coquemar et s’irradiait d’une lumière qui lui était propre, éclairant la valse d’autres têtes presque
amorphes, des embryons à peine indiqués de crânes, puis d’indécis infusoires, de vagues flagellates, d’inexacts
monériens, de bizarres protoplasmes, tels que le Bathybius d’Haeckel, déjà moins gélatineux et moins informe !
Et voilà que cette formation de la matière vivante disparut à son tour, que le type ignoble de cette tête
s’effaça, que l’obsession de cette eau immobile cessa enfin.
Il y eut dans ce cauchemar une courte trêve. — Soudain, un soleil, au noyau d’encre, émergea de l’ombre,
éclatant ainsi qu’un crachat de décoration, avec des rais d’or, inégaux et mesurés. En même temps, des pétales de
fleurs tombèrent d’un espace inconnu, des caïeux où louchaient d’imperceptibles prunelles bondirent comme des
billes et un van de marchand de café resta suspendu dans l’air que rama de son bras nu un jongleur surhumain avec
des yeux effroyables, agrandis et travaillés par la chirurgie, des yeux ronds avec une pupille emmanchée ainsi qu’un
moyeu, au milieu d’une roue.
Il y avait dans cet homme qui escamotait des planètes, des ustensiles d’épicerie et des fleurs, une cruelle
allure de dur Gaulois, une mine impérieuse de sanguinaire barde ; — et l’horreur de son oeil dilaté comme par un
anneau de fer vous fascinait et vous glaçait le poil de sueur froide.
Enfin une accalmie eut lieu ; l’esprit, emporté dans ces hallucinations, tenta de s’accrocher et de s’amarrer
à une rive ; — mais le spectacle parcouru défila encore rappelant un ancien et analogue spectacle presque oublié
depuis des ans. Ce fut à la place de la fleur des marais, une autre fleur humaine naguère vue dans une exposition
qui revint et s’installa, montrant la variante de cette conception lugubre.
Alors, l’eau, cette eau d’épouvante, se tarit, et à sa place surgit un steppe désolé, un sol disloqué par des
éruptions volcaniques, ravagé par des boursouflures et des crevasses, un sol scorifié comme du mâchefer. Il
semblait que l’on visitât, en un artificiel voyage accompli sur la carte de Béer et de Maedler, un de ces cirques
muets de la Lune, la mer du Nectar, des Humeurs ou des Crises, et que, sous une atmosphère nulle, dans un froid
comme on n’en sentit jamais, l’on errât au milieu de ce désert silencieux et mort, effrayé par l’immensité des monts
qui dressaient, tout autour, à des hauteurs vertigineuses, leurs cratères en forme de coupes, tels que le Tycho, le
Calippus, l’Ératosthène !
Et dans la planète désolée, sortait du sol blanc la même tige qui jaillissait tout à l’heure de l’eau noire, des
boutons éclosaient aussi sur des branches métalliques et une tête ronde et pâle se balançait également ; mais sa
douleur plus ambiguë se fondait dans l’ironie d’un affreux sourire.
Subitement le cauchemar se rompit tout à fait et le réveil effaré s’opéra, alors que l’inflexible figure de la
Certitude apparut, me ressaisissant dans sa main de fer, me ramenant à la vie, au jour qui se lève, aux fastidieuses
occupations que chaque nouveau matin prépare.
Telles les visions évoquées dans son nouvel album dédié à la gloire de Goya, par Odilon Redon, le Prince
des mystérieux rêves, le Paysagiste des eaux souterraines et des déserts bouleversés de lave ; par Odilon Redon,
l’Oculiste Comprachico de la face humaine, le subtil Lithographe de la Douleur, le Nécroman du crayon, égaré pour
le plaisir de quelques aristocrates de l’art, dans le milieu démocratique du Paris moderne.
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9. Bibliographie
9.1 Diverse
BAUER, Gérard. “Les étapes d’une conversion” in: Bulletin de la Société J.-K. Huysmans,
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LAMBERT 31 – (vol.2).
37
LAMBERT 36 – Documents et lettres de et sur divers religieux en relation avec
Huysmans.
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