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Il n’y a pas une manière d’être diplomate, cet étrange métier dont
l’objectif premier est de capter la confiance de l’autre, qu’il soit un
officiel ou un journaliste. On ne peut y parvenir qu’en étant véridique
et comment l’être sans être soi-même ? Contrairement à un préjugé
commun à l’égard des diplomates, mentir est une facilité qui se
retourne tôt ou tard contre vous. Tout ce que vous dites doit être
vrai ; tout ce qui est vrai, vous n’avez pas à le dire. Le mensonge ne
doit être qu’un dernier recours. Il faut, en effet, créer avec
l’interlocuteur ce lien intangible de confiance qui permet ensuite de
conduire une négociation qui est en elle-même assez difficile pour
ne pas y ajouter les difficultés liées à la défiance. Vous pouvez y
parvenir, quelle que soit votre personnalité, à condition de savoir
canaliser les qualités et dominer les défauts de celle-ci. Dans une
négociation, nul ne devinerait mon impatience à me voir écouter
religieusement un raisonnement que j’ai déjà entendu maintes fois. Il
y a donc autant de manières de négocier ou d’être ambassadeur
que de personnalités.
On se moque volontiers du Quai d’Orsay, de son formalisme, de
son conformisme et de ses prétentions. Le diplomate lui-même a été
et reste la cible des caricaturistes qui le décrivent comme fat,
superficiel et pompeux. Je pourrais nourrir ces préjugés à coups
d’anecdotes et de plaisanteries. Les curés disent les meilleures
blagues anticléricales. Les diplomates peuvent tout aussi bien se
moquer d’eux-mêmes. Ce serait injuste de ma part parce que j’ai été
heureux dans cette maison, ce qui était loin d’être acquis du fait de
ma personnalité. Je ne disposais d’aucun capital social dans un
ministère où les héritiers tenaient encore le haut du pavé. Je ne me
satisfaisais pas de la pensée officielle dont j’acceptais d’être le
héraut à l’extérieur mais dont je pensais que rien ne m’obligeait à y
adhérer à l’intérieur. J’étais un brin « grande gueule » dans un milieu
où on préfère le chuchotement et, en prime, je ne partageais pas
toujours les idées de la majorité de mes collègues et je le disais.
Malgré tous ces défauts, j’ai fait une « belle carrière » au Quai
d’Orsay qui a ainsi prouvé qu’il n’était pas si fermé et si conformiste
que cela.
Le diplomate de 1982 que j’étais, à mon entrée au Quai d’Orsay,
ne reconnaîtrait pas son homologue d’aujourd’hui. Le métier a
changé du tout au tout. Déjà en 1982, nous n’en étions plus à
Talleyrand mais aujourd’hui nous n’en sommes plus à Couve de
Murville.
Diplomatie et technologie
Néo-conservatisme ?
À 34 ans, j’aurais préféré New York pour des raisons qui ne sont
pas toutes professionnelles mais être au cœur de « l’Empire » – voir
comment il fonctionne, en comprendre les ressorts et en explorer les
coulisses – était d’autant plus fascinant qu’on s’immerge rapidement
dans un microcosme ouvert et bienveillant comme savent l’être les
Américains.
Washington, qui n’était qu’une petite ville de province en 1987,
n’est la capitale ni économique, ni financière ni culturelle du pays.
Elle n’en est que la capitale fédérale, une ville où plus ou moins tout
le monde, fonctionnaires, employés du Congrès, avocats, lobbyistes,
journalistes et représentants des grandes entreprises, vit de la
politique. Déjeuners, dîners, rencontres conduisent inévitablement à
des conversations… politiques. Politiques, les amitiés, politiques
encore les activités. Le jeune premier secrétaire de l’ambassade de
France pouvait, en quelques semaines, y être admis, à charge pour
lui d’intéresser ses interlocuteurs par ses informations et ses
analyses. En effet, ceux-ci ne sont pas des sentimentaux et ne lui
consacreront leur temps que s’ils y trouvent, eux aussi, leur
avantage. Les informations ne se donnent pas : elles s’échangent.
Le diplomate doit savoir jusqu’où aller dans la confidence de ce qu’il
sait. Il va inévitablement plus loin que ne le voudrait le ministère.
C’est à lui d’estimer le risque.
Une fois qu’on en connaît les codes et qu’on a repéré les sources
d’informations, travailler à Washington n’est pas difficile même si y
vivre est un peu étouffant tant la politique et elle seule y occupe tout
l’espace. À l’ambassade, je me liai avec Dominique de Villepin. Sa
personnalité déjà hors du commun en faisait un convive amusant et
parfois décoiffant, dont les envolées lyriques ne convainquaient pas
toujours mon réalisme. Deux ambassadeurs successifs me mirent
sous les yeux deux façons de remplir brillamment cette fonction :
Emmanuel de Margerie, fils et petit-fils d’ambassadeur, hôte parfait,
illustrait la diplomatie « à l’ancienne », mondaine, un brin désuète
mais efficace dans la sociabilité de cette petite ville de province qui
adorait (et adore toujours) le smoking et les dîners à la résidence.
Un soir, à l’occasion d’un dîner en l’honneur de Karl Lagerfeld, qu’il
avait rencontré, précisa-t-il, dans le salon d’attente du Concorde
(where else ?), il annonça aux convives qu’ils s’étaient découvert
une passion commune, la restauration de châteaux… Une autre fois,
son épouse répondit à un député communiste qui lui demandait si
elle avait passé de bonnes vacances : « Un enfer, monsieur le
député, vous ne savez pas ce que c’est que de restaurer un château
de soixante pièces. » Visiblement, il ne savait pas ; l’ombre de la
lutte des classes pointa le nez. Une autre époque mais du style et de
la tenue, aurait dit ma grand-mère. Jacques Andréani qui lui succéda
était son antipode, un peu ronchon sur les bords, aux costumes pas
toujours ajustés mais proche de son équipe, attentif aux problèmes
humains et connaissant les dossiers les plus techniques. J’appris
beaucoup à ses côtés.
Je passais quatre ans à Washington à informer Paris des
méandres de la politique américaine au Moyen-Orient. Je retiendrai
plus particulièrement deux crises qui illustrent le travail d’un
diplomate à Washington, le Liban après la fin de présidence d’Amine
Gemayel en 1988-1991 et l’invasion du Koweit par l’Irak en 1990-
1991.
La tragédie rwandaise
La crise du Kosovo
Défense européenne
L’initiative française
L’impasse de la négociation
Les sanctions
Le conflit israélo-palestinien
Changement climatique
Droits de l’homme
La crise libyenne
La crise syrienne
L’art de négocier
La francophonie
Le protectionnisme
« L’inauguration » du président
Le changement climatique
La singularité américaine
Couverture
Page de titre
Dédicace
Introduction
I - Métamorphoses du diplomate
II - Secrétaire d’ambassade à Tel-Aviv (1982-1984)
III - Au Centre d’analyse et de prévision (1985-1987)
IV - Conseiller d’ambassade à Washington (1987-1991)
V - À la direction des Affaires européennes (1991-1993)
VI - Au cabinet du ministre de la Défense (1993-1995)
VII - Représentant permanent adjoint à l’Otan (1995-2000)
VIII - Irak, 2003
IX - La crise nucléaire iranienne
X - Ambassadeur en Israël (2003-2006)
XI - L’Assemblée générale des Nations unies
XII - Le Conseil de sécurité des Nations unies
XIII - Ambassadeur à Washington sous Obama (2014-2016)
XIV - Nuit électorale de l’élection présidentielle (8 novembre 2016)
XV - De quoi Trump est le nom ?
XVI - Ambassadeur sous Trump
XVII - Macron et Trump
XVIII - En politique étrangère, Trump n’est ni une rupture ni une
aberration
XIX - Que peut faire la France ?
Conclusion
Page de copyright
Table
Table of Contents
Page de titre
Dédicace
Introduction
I - Métamorphoses du diplomate
II - Secrétaire d’ambassade à Tel-Aviv (1982-1984)
III - Au Centre d’analyse et de prévision (1985-1987)
IV - Conseiller d’ambassade à Washington (1987-1991)
V - À la direction des Affaires européennes (1991-1993)
VI - Au cabinet du ministre de la Défense (1993-1995)
VII - Représentant permanent adjoint à l’Otan (1995-2000)
VIII - Irak, 2003
IX - La crise nucléaire iranienne
X - Ambassadeur en Israël (2003-2006)
XI - L’Assemblée générale des Nations unies
XII - Le Conseil de sécurité des Nations unies
XIII - Ambassadeur à Washington sous Obama (2014-2016)
XIV - Nuit électorale de l’élection présidentielle (8 novembre 2016)
XV - De quoi Trump est le nom ?
XVI - Ambassadeur sous Trump
XVII - Macron et Trump
XVIII - En politique étrangère, Trump n’est ni une rupture ni une
aberration
XIX - Que peut faire la France ?
Conclusion
Page de copyright
Table