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NAISSANCE

DE LA
MÉTHODE
Philippe DESAN

NAISSANCE
DE LA
MÉTHODE

(MACHIAVEL, LA RAMÉE, BODIN,


MONTAIGNE, DESCARTES)

LIBRAIRIE A.-G. NIZET


PARIS
1987
Tous droits de reproduction
et d'adaptation réservés
© ÉDITIONS A.-G. NIZET 1987
I.S.B.N. 2 7078 1110-3
ÀMathieu
INTRODUCTION

Qu'entendre par « méthode »? Nous associons souvent l'adjectif « scien-


tifique » à ce concept ; de plus, une connotation d'objectivité accompagne le
mot lui-même. Est-ce donc au niveau dit « scientifique » que réside la
définition ? Le dictionnaire Robert nous en propose trois : (1) marche,
ensemble de démarches que suit l'esprit pour découvrir et démontrer la
vérité ; (2) ordre suivi pour exécuter quelque ouvrage de l'esprit ; arrangement
qui en résulte ; (3) ensemble de démarches raisonnées, suivies pour parvenir
à un but, dans quelque domaine que ce soit. Si nous étudions de près ces
trois propositions, il apparaît clairement qu'une certaine continuité existe
entre elles. Les mots clés qui délimitent le concept sont assurément découvrir,
démontrer, ordre, arrangement, démarche suivie et but. De plus, la méthode
implique la recherche d'un contenu : la vérité. Ces axiomes fixent le champ
sémantique du terme « méthode ». Ainsi, l'idée de méthode traduit d'emblée
un mode de pensée, une démarche raisonnée vers un but établi ; le tout étant
de découvrir et de démontrer un ordre ou un arrangement qui prouvera en
quelque sorte le bien fondé de notre démarche. Toutes ces étapes que nous
venons d'énumérer sont évidemment théoriques et appartiennent au discours.
La méthode est donc une façon de penser, un moyen d'organiser et de
comprendre le monde qui nous environne à partir d'une démarche qui se
veut « théorique ». Sa finalité, c'est la « vérité ».
Le XVIsiècle marque un tournant décisif dans l'histoire de la civilisation
occidentale. Notre cosmologie présente, notre mode de pensée politique, ainsi
que les langues vernaculaires actuelles, se fixent durant ce siècle tourmenté.
Le chaos cosmologique, politique, religieux et scientifique de la Renaissance
permet néanmoins à mille idées de fleurir. Après une période de retour aux
Anciens, l'Humanisme se divise bientôt en chapelles nationales et les attaches
avec l'Antiquité commencent à se détériorer. Les controverses philosophiques
et scientifiques s'accentuent et le corpus aristotelium est plus que jamais
contesté. Le platonisme jouit alors en France d'une popularité non égalée
dans les autres pays européens. Les nombreuses traductions de Platon ouvrent
de nouvelles voies critiques et permettent à tout un discours de se constituer
autour de l'idée de méthode. La multitude des débats, non seulement au sein
de l'Université mais encore parmi le groupe croissant d'intellectuels « para-
universitaires », a pour conséquence de créer un esprit critique « érudit »
durant la seconde moitié du XVIsiècle 1 C'est dans ce contexte critique que
l'intelligentsia française se passionne pour la méthode et pose les premiers
jalons d'une perception nouvelle de l'histoire, de la science et de l'homme.
L'idée de méthode n'est pourtant pas nouvelle au XVIsiècle ; elle date
en fait de Socrate et de Platon. Elle prend le nom de « dialectique » chez
Platon qui recommande de procéder par intuition et déduction en partant

1. Voir Jean Jehasse, La Renaissance de la critique. L'essor de l'Humanisme érudit de 1560 à


1614, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 1976.
des choses les plus générales pour aboutir aux plus particulières. L'« unicité »
de la méthode forme la pierre de touche de l'approche platonicienne. Aristote
s'attaque quant à lui à une telle définition et bouleverse littéralement la
notion de méthode en subdivisant celle-ci en plusieurs méthodes inductives.
Le matérialisme aristotélicien prend alors le dessus sur l'idéalisme de Platon
et les quelques passages —assez confus et contradictoires, il faut bien le
dire —où le chef de l'école péripatéticienne traite de la méthode serviront
d'autorité «méthodologique »jusqu'à la Renaissance. Il existe néanmoins
un accord profond dans la pensée grecque. En effet, dans la philosophie
platonicienne et aristotélicienne, la méthode (μέθoδoς) est associée à un art
; c'est pourquoi l'expression «méthode scientifique » n'apparaît
jamais chez les premiers philosophes grecs. Il faut attendre Galien (II siècle
de notre ère) pour que l'adjectif «scientifique » soit accolé au nom
«méthode ». Dans son Ars parva, Galien parle ainsi de «méthode logique »,
«méthode démonstrative », «méthode scientifique », et renforce la connota-
tion empirique et inductive de l'idée de méthode mise en avant par Aristote.
La forme latinisée μθέdο
eδοϚ mehodus, n'est guère répandue en latin
classique et, dû à l'influence de Galien, ce concept fut principalement utilisé
dans uncontexte médicaljusqu'à la Renaissance. Toutefois, la causeprincipale
de l'échec de ce terme dans la langue latine doit être attribuée à Cicéron
qui, à lui seul, est responsable de la création et de la diffusion d'une bonne
partie de la terminologie philosophique latine. Cicéron évite scrupuleusement
de créer un nouveau mot latin pour ce concept et le traduit le plus souvent
par l'expression via et ratio. De même, dans son art de la rhétorique,
Quintilien opte pour via et ratio au lieu de methodus.
C'est Boèce (VIsiècle de notre ère) qui, dans sa traduction des Topiques
d'Aristote, utilise le premier le mot methodus dans un sens philosophique.
Apartir de ce moment, les traducteurs et commentateurs médiévaux de
Platon et d'Aristote commencent à délaisser Cicéron et à employer plus
fréquemment le vocable methodus. Au début de la Renaissance, le terme
methodus est, comme chez les Grecs, synomyme d'art, mais il possède en
plus un sens nouveau : la méthode permet également de faciliter et d'accélérer
l'acquisition et la maîtrise d'un art. Car, comme le relève Neal Gilbert,
«l'idée d'une méthode pouvant offrir un raccourci lors de l'apprentissage
d'un art ne semblait pas cruciale pour les étudiants ou les réformateurs du
système éducatif au Moyen Age. C'est seulement quand ce milieu prit
conscience de l'importance du temps que la méthode devint le slogan de
ceux qui souhaitaient accélérer le processus éducatif » . Ainsi, durant la
Renaissance, la notion deméthode est directement liée àla fonction didactique
d'un savoir qui doit être transmis suivant des règles d'acquisition, derétention
et de diffusion. Rapidement, la notion de méthode et son application à une
variété de disciplines (mathématiques, grammaire, rhétorique, histoire, etc.)
permet de repérer des éléments stables et répétitifs qui fondent le discours
scientifique et historique moderne. Ala fois la méthode scientifique et la
méthode historique (qui se chevauchent d'ailleurs au XVIsiècle) bénéficieront
largement de cet engouement des intellectuels de la Renaissance pour une
méthode «universelle ».
La méthode «scientifique »connaît en effet un essor monumental durant
la Renaissance. EnItalie d'abord, à Padoueet àBologneplus particulièrement,
Pietro d'Abano, Jacopo de Forli, Hugo de Sienne, Agostino Nifo et Zabarella
se penchent tour à tour sur le sujet de l'organisation du savoir scientifique,
notamment médical, et offrent une foison de commentaires et de gloses sur
2. Neal W.Gilbert, Renaissance Concepts of Method, New York, Columbia University Press,
1960, p. 66. Nous sommes redevable au livre de Gilbert pour ce qui concerne l'histoire du concept
de méthode jusqu'à la Renaissance.
les « trois méthodes » développées par Galien dans l'Ars parva . France
et en Allemagne ensuite, Erasme rédige une méthode pour l'étude de la
théologie, Ratio seu methodus comendio perveniendi ad veram theologiam
(1516), Melanchton développe des artifex methodi, Keckermann réconcilie
Aristote avec la méthode « scientifique », Jacques Charpentier offre une
version platonicienne de Galien. Mais c'est Pierre de La Ramée qui est
généralement perçu comme le premier grand théoricien de la méthode
moderne.
Pierre de La Ramée passa sa vie à promouvoir, défendre et théoriser les
bases d'une méthode unique à partir de laquelle il serait possible d'analyser
tous les arts en relation à Dieu. Disciple convaincu de la méthode platonicienne
et fortement influencé par les écrits de Pic de la Mirandole et de Ficin, La
Ramée s'attaque à la conception aristotélicienne de la méthode qui domine
son époque et met en cause les trois méthodes de Galien. Dans sa Dialectique
(1555), il propose une « voye universelle » basée sur l'expérience, l'usage,
l'utilité de la grammaire, la rhétorique, la logique, les mathématiques et la
philosophie. La méthode à laquelle il doit sa renommée est fondée sur une
approche dichotomique et beaucoup de critiques ont vu en La Ramée le
premier penseur moderne qui ait proposé une compréhension de tous les
phénomènes à partir d'une seule méthode. Ce souci d'acquisition d'une
connaissance universelle à partir d'une méthode unique marque un tournant
décisif dans le développement de l'idée de méthode.
Le discours « totalisant » de La Ramée doit être mis à part du discours
scientifique et universitaire de son époque. C'est bien à toutes les disciplines
que ce penseur décide de s'attaquer à partir de sa « dialectique ». La Ramée
est ainsi à la fois grammairien, philosophe et éducateur. Contrairement à
ses homologues italiens de Padoue qui fonctionnent encore dans la tradition
humaniste et acceptent pleinement l'autorité d'Aristote et ses commentateurs
chrétiens, La Ramée se considère plutôt comme un réformateur de la pensée.
Il est le premier à réclamer une réorganisation complète du savoir et se
propose —du moins en paroles —de faire table rase et de n'avoir « devant
les yeux non poinct l'opinion ou l'authorité d'aucun philosophe ains seullement
ces principes »4 Même si ce projet n'est resté qu'un vœu et La Ramée n'a
pas vraiment réussi à dissocier sa méthode de l'influence de Platon et
d'Aristote, et reste profondément imprégné de verve théologique, il faut au
moins reconnaître ici l'amorce d'un mouvement qui conduira inévitablement
à Descartes. Ce sera donc le langage d'un tel projet que nous analyserons
chez cet auteur plutôt que ce qu'il a réellement accompli.
Ce discours iconoclaste reste cependant coupé de la réalité empirique et
ce qui fait défaut dans les écrits de la plupart des intellectuels de cette
période c'est une dimension historique. Certes, l'homme jouit du privilège
de pouvoir établir son discours selon un ordre choisi, mais cette organisation
se place encore sous le contrôle de forces divines ou cosmiques. La méthode,
pour un Zaberella, un Charpentier, un Keckermann, ne s'applique qu'à un
fragment du savoir ; et même la méthode « universelle » de La Ramée
demeure profondément a-historique et exclut le quotidien de l'analyse.
Ce qui manque à ces penseurs, c'est une vision du monde qui inclurait
l'être dans ce qu'il a de singulier et de temporel. Prendre en compte le moment
historique ne vient pas un seul instant à l'esprit de ces commentateurs. Pour

3. Sur l'école de Padoue, voir l'excellente étude de John Herman Randall, « The Development
of Scientific Method in the School of Padua », Journal of the Historv of Ideas, vol. I, n° 1, 1940,
pp. 177-206. Le Livre d'Angelo Crescini, Le origini del metodo analitico : il Cinquecento, Trieste, Del
Bianco, 1965, offre également une bonne analyse des travaux de l'école de Padoue, ainsi que de
la méthode analytique appliquée aux sciences naturelles et aux mathématiques durant le XVIsiècle.
4. Pierre de La Ramée, Dialectique, préface, édition critique de Michel Dassonville Genève,
Droz, 1964, p. 53.
eux, le savoir est encore une glose sur les Anciens ; et réfuter ou faire l'éloge
de Galien par les subtilités du discours, c'est établir une méthode. Bien
qu'offrant le langage nécessaire à son développement et à sa réception dans
les institutions scolaires de la fin de la Renaissance, cette méthode qui
consiste à se replier derrière les autorités péripatéticiennes —ou même à
les remplacer par d'autres autorités, comme c'est le cas avec La Ramée —
est néanmoins vouée à l'échec ; elle s'enracine dans les querelles académiques
et se refuse ainsi toute ouverture vers l'extérieur. Nous n'aborderons donc
que brièvement cet aspect «pseudo-scientifique » du débat autour de la
méthode en médecine, les sciences physiques et l'astronomie durant la
Renaissance et laisserons de côté Melanchton, Zabarella e tutti quanti. Nous
considérerons par contre plus longuement l'élaboration du langage ramiste
de la méthode et son influence sur de nombreux penseurs de la seconde
moitié du XVIsiècle.
Mais il faut aussi examiner la façon dont l'histoire est abordée au
XVIsiècle. En effet, si l'idée que nous avons aujourd'hui de la méthode est
directement associée à l'adjectif «scientifique », durant le XVIsiècle elle fut
d'abord développée en relation directe avec l'écriture de l'histoire. Nous nous
proposons par conséquent d'étudier la transition entre les deux usages —
historique et scientifique (principalement mathématique) —de ce terme.
C'est donc vers l'histoire et son écriture qu'il faut auparavant nous tourner
pour comprendre l'origine de notre conception moderne de la méthode.
Toute méthode part d'une Weltanschauung, d'une cosmologie, et d'une
pratique discursive propre à une époque donnée. C'est pour cela que parler
de méthode in abstracto s'avère impossible si l'on admet que les buts ou les
causes à découvrir sont toujours temporellement définis. Méthode et histoire
se croisent précisément à l'intersection du discours sur le cosmos, le monde
et l'homme. Cette problématique de l'organisation du monde se retrouve
dans la pratique du langage, car l'histoire, quelle qu'elle soit, a toujours
besoin d'être mise en histoires. L'arrangement et l'agencement du monde en
histoires —naturelles ou humaines —forment le matériau de la méthode.
Méthode et histoire vont ainsi de pair, ceci parce que la méthode s'articule
toujours par rapport à une histoire à la recherche d'un ordre et, vice versa,
l'histoire réclame sans cesse une méthode afin de pouvoir s'imposer aux
peuples qu'elle prétend représenter. Ces deux modes organisationnels —
méthode et histoire —sont également discours et leur chevauchement tend
bien souvent vers une fusion que nous appellerons le « tout historico-
méthodologique ».
Tout comme l'histoire, la méthode ne se comprend qu'à travers une
écriture où les analogies, les répétitions et le repérable sont les garants de
son existence. La réitération des comportements et des événements permet
à la méthode de s'établir, car, comme le dit Aristote, sans similitudes il n'y
aurait que des causes per accidens. C'est justement l'élimination de ces causes
per accidens qui autorise la méthode. L'histoire moderne a en effet relégué
la Providence et la main invisible de Dieu aux catacombes, du moins pour
tout ce qui touche aux affaires humaines. Il n'y a plus d'accidents historiques,
tout a une cause et la recherche des causes fait désormais l' objet de la
démarche intellectuelle de l'historien. La combinaison durant la seconde
moitié du XVIsiècle de l'histoire —et ici nous parlons de la conception de
l'histoire durant la Renaissance, c'est-à-dire d'une histoire qui est à la fois
ontologie et cosmogonie, avec tout ce qui peut exister entre ces deux extrêmes
—et des mathématiques supprime l'aspect magique, sacré et autoritaire que
ces deux disciplines connaissaient respectivement durant le Moyen Age et
jusqu'à environ 1550. C'est bien le développement parallèle d une histoire
« mathématisée » et d'une mathématique «historicisée » qui formera l 'idée
« moderne » de la méthode.
De nos jours, tout est repérable, quantifiable et exprimable sous forme
d'histoire. Le dépouillement des archives stimule les « découvertes », les
approches se multiplient et l'on a déjà fait l'histoire de la Méditerranée, de
la folie et des climats 5 Tout réclame une histoire, une compréhension et
une place au sein du savoir. Il est donc nécessaire, comme nous l'avons
suggéré, d'élargir notre conception de l'« histoire » ; pour nous cela représente
une discipline de l'organisation, un discours aux frontières formées par la
méthode qui sert de pierre angulaire à une discipline plus large qui serait
directement dérivée de la taxinomie et de la mathesis définies par Michel
Foucault 6 L'objet de telles études semble évident. Nous nous dirigeons vers
une méthode totale, où le micro, le macro, le naturel et le social ne formeraient
plus qu'un tout repérable et analysable à partir d'une méthode universelle.
Développer une méthode pour saisir le « tout » du monde, voilà peut-être
à quoi rêvent nos historiens qui aimeraient être à la fois humanistes et
scientifiques. Nous verrons à ce sujet qu'ils ne sont pas très éloignés des
penseurs du XVIsiècle.
La méthode existe également comme pratique dans le présent précisément
parce qu'elle s'établit par rapport à un nombre d'antécédents déjà présents
au moment de l'écriture. Ainsi, comme l'a justement noté Michel de Certeau,
«l'écriture de l'histoire est l'étude de l'écriture comme pratique historique »7
De même, le but de la méthode est de déboucher vers l'avenir et de fonder
son discours comme projection future à partir de précédents. La méthode,
comme nous le dit le dictionnaire, prend appui à la fois sur le passé (ordre),
le présent (découverte, arrangement) et le futur (but). La découverte de
l'exemple caché (toujours mathématiquement repérable) et de l'analogie
latente sont donc les approches privilégiées de la méthode.
L'émergence du discours analytico-référentiel à la fin de la Renaissance
et sa réification dans les traités théoriques de l'époque permettent de dégager
une synthèse du vécu et du devenir et englobent toutes les activités humaines
dans une même problématique de la méthode. La question qui se pose alors
est de savoir comment parler de l'homme et du monde, comment prouver
tout l'homme en n'omettant aucun « lopin »—pour reprendre une expression
de Montaigne. Cette totalisation de la connaissance doit dépendre d'un
raisonnement suivi et être méthodiquement organisée. La théorisation de la
méthode permet justement de fonder un discours généralisé, un passage du
particulier au général. Toute méthode qui se veut durable —et la durabilité
est un des éléments majeurs d'une définition de la méthode —doit reposer
sur des relations et des mesures stables entre les événements et les individus.
Parler d'histoire c'est également reconnaître l'existence d'un moyen d'analyse,
d'une approche circonscrite qui se réclame comme méthode. Aulieu d'analyser
l'objet de la méthode et de prendre position sur la validité de ses finalités,
comme le fait le discours scientifique contemporain, nous préférons au
contraire borner notre recherche au dit sur la méthode, à savoir la détection
et le repérage systématique de la parole qui délimite son investigation. Par

5. Voir Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II,


Paris, Armand Colin, 1949 ; Michel Foucault, Folie et déraison ; l'histoire de la folie à l'âge classique,
Paris1,967.Plon, 1961 ; Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire du climat depuis l'an mil, Paris, Flammarion,
6. Nous pensons avec Foucault que tout savoir est avant tout une pratique discursive et un
«espace dans lequel le sujet peut prendre position pour parler des objets auxquels il a affaire
dans son discours [...], un savoir c'est aussi le champ de coordination et de subordination des
énoncés où les concepts apparaissent, se définissent, s'appliquent et se transforment », dans
L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 238.
7. Michel de Certeau, L'Écriture de l'histoire, Paris, Gallimard, 1975 p. 4.
8. Nous reprenons ici l'expression de Timothy J. Reiss, dans The Discourse of Modernism,
Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1982.
méthode nous entendons donc surtout une pratique discursive, une façon de
parler du monde.
Il existe des périodes, souvent difficiles à déceler, où c'est l'organisation
même du savoir qui est remise en cause ; les perceptions changent et de
nouvelles méthodes d'analyse et de compréhension du monde voient le jour.
Ces moments décisifs ont des répercussions dans tous les domaines, aussi
bien scientifique qu'artistique ; mais au départ de toute méthode il y a
toujours le renversement d'un ordre et l'élaboration d'un nouveau paradigme
analytique accompagné d'un discours novateur. C'est ce démarquage par
rapport au passé, cette crise de la pensée, qui engendre les transformations
méthodologiques qui nous intéressent ici. Le XVIsiècle représente certaine-
ment la plus grande discontinuité dans l'organisation du savoir occidental.
Ce moment de chaos cosmologique, ontologique et téléologique où tout flotte
subitement laisse entrevoir un nouveau discours autour de la méthode où il
est possible de détecter les bases d'une nouvelle façon de comprendre le
monde.
Divers moments méthodologiques (véritables révolutions dans la façon de
concevoir méthodiquement le monde) permirent aux visions du monde de se
décentrer et de se démarquer par rapport à la tradition. Ces «moments »
engendrèrent également la définition moderne que nous donne le dictionnaire.
Ce sont ces aspects didactiques, organisationnels et répétitifs du mot de
méthode que nous devons retracer et reconstruire à travers les divers
glissements théoriques qu'il connut. C'est toujours d'une manière non
fragmentée que nous aborderons la méthode. Car, pour l'époque qui
nous intéresse ici, c'est-à-dire principalement la Renaissance française, les
disciplines se recoupent inévitablement et la distinction entre sciences
naturelles et sciences humaines est des plus ambiguës. Le monde n'est pas
encore dégrossi et divisé en sciences ; l'épistémologie de cette période est
relativement « simple » et l'on en est encore à interpréter le monde d'une
façon générale et globale. On se préoccupe par exemple beaucoup de définir
la place que tient l'homme dans l'univers et sur la terre. L'individu, pour
reprendre une expression de l'historien Jacob Burckhardt 9 est en train de
se découvrir.
Nous analyserons ces discontinuités et ces « moments » de transition où
les paradigmes discursifs sont bouleversés et réorganisés. Bien plus qu'une
évolution qui fonctionnerait par adjonctions et apports successifs autour
d'une définition qui tendrait, de siècle en siècle, vers une modernité, nous
entrevoyons au contraire des changements qualitatifs peu nombreux mais
lourds de conséquences théoriques. L'idée d'évolution n'est en fait qu'un
concept moderne très pratique pour parler de phénomènes complexes où il
est bien difficile de décider s'il y a vraiment évolution ou au contraire
réaction. Nous verrons que les mots « développement », «changement » et
« réorganisation » conviennent mieux pour expliquer ce qui se passe au
niveau de la méthode de Démocrite à Descartes. Traiter des transformations
de la méthode, c'est déjà parler de Weltanschauung. Notre approche est donc
un repérage systématique de moments privilégiés liés à la pensée d hommes
qui remirent en cause le fondement même de la connaissance et l'organisation
du savoir. Nous tenterons ainsi de découvrir et de cerner différents modes
d'analyse et d'explication du monde, de sa création, de son histoire, et de
la place de l'homme au sein de cette « branloire perenne » dont parle
Montaigne.
Les questions que nous nous posions au début de cette étude étaient les
suivantes : Comment sommes-nous arrivés à une définition moderne de
9. Jacob Burckhardt, La Civilisation au temps de la Renaissance en Italie, [1860], traduit de
l'allemand par M. Schmitt, 2 vol., Paris, Éditions d'Aujourd hui, 1983.
la méthode ? Quels ont été les présupposés théoriques nécessaires à sa
transformation ? Peut-on repérer des périodes de transition décisives où le
concept de méthode s'est vu remis en cause ? Bref, quelle est l'exégèse des
transformations mentales qui permirent l'apogée de la méthode au milieu
du XVII siècle avec Descartes ? La tâche paraissait monstrueuse mais bien
vite certaines pistes permirent aux problèmes de se décanter. Ainsi, nous
avons rapidement mis l'accent sur certaines « étapes » qui nous semblaient
prépondérantes.
Dès le départ il est apparu que la Tyché et la Fortuna s'avéraient être
des idées importantes dans le développement du concept de méthode. En
effet, de Démocrite à Boèce, ces deux déesses enfermèrent la méthode dans
une véritable impasse analytique. Nous partirons donc de la Tyché grecque
et de la Fortuna latine et verrons comment ces déités empêchèrent la
méthode de se développer pleinement avant le XVIsiècle. Mais cette vision
providentielle de l'histoire engendra également de nombreux débats sur la
place de l'homme dans l'histoire. La négativité méthodologique de la Tyché
perchée sur son globe de pierre et de la Fortuna tournant la roue du destin
pose effectivement un problème de taille à toute démarche organisationnelle.
Comment peut-on entrevoir des répétitions et tirer des conclusions pour
l'avenir quand l'individu n'est qu'un jeton déplacé sur un échiquier par la
bona ou la mala fortuna ? C'est la question que se posèrent les premiers
historiens grecs et romains. Prisonniers d'un déterminisme céleste, ils
tentèrent toutefois d'établir quelques bases méthodologiques. Mais l'inexplica-
ble pour l'historien reste toujours comme surplus dont on ne sait quoi faire.
On se retranche alors souvent derrière une épistémologie divine ou magique.
L'histoire, pour un Thucydide ou un Polybe, offre des contradictions
majeures dans l'explication des événements et favorise les confusions
terminologiques. Avec Polybe, par exemple, nous avons d'un côté la quête
d'une méthode à la recherche des causes et de l'autre le recours à la Fortune
afin d'expliquer tout ce qui échappe à la causalité directe. Polybe blâme
ainsi ceux qui voient en Scipion un général favorisé par la Fortune mais il
est tout de même prêt à déclarer que c'est cette même Fortune qui a élevé
l'empire romain et précipité la chute de la Macédoine. Cette hésitation n'était
d'ailleurs pas nouvelle au II siècle avant J.-C., puisque déjà Platon et Aristote
tergiversaient sur la place qu'il fallait accorder à la Tyché dans la marche
du monde. Les écrivains latins firent de la Fortune une divinité païenne, les
oracles se multiplièrent à Rome et c'est elle qu'on venait consulter pour
décider des affaires de la République. La Fortuna hérita des attributs de la
Tyché et la synthèse entre les deux déesses s'effectua durant le I siècle de
notre ère.
Le rejet de la Tyché et de la Fortuna par les premiers écrivains chrétiens
aurait pu laisser entrevoir une étape décisive pour la méthode. Il n'en fut
rien puisque la déesse païenne fut intégrée à la doctrine chrétienne au
VI siècle grâce à Boèce. Du VI au XVsiècle, nous passons d'une épistémologie
païenne à une épistémologie chrétienne ; la Providence incorpore désormais
la tradition iconographique et littéraire des divinités grecque et romaine. Au
lieu d'une remise en cause, nous découvrons au contraire un renforcement
du déterminisme mystique. Dieu remplace les dieux et l'histoire est plus que
jamais placée entre les mains du Créateur. Le monde se lit alors comme un
livre dans lequel il faut repérer les signes émanant de Dieu. L'histoire existe
en pointillés et le rôle de l'historien est de relier ces signes de façon à prouver
l'existence d'un être suprême. La Fortune est acceptée à condition qu'elle
soit aussi considérée comme signe/preuve de l'existence d'un Dieu tout-
puissant manipulant les mortels selon son bon vouloir. La roue de la Fortune
est remplacée par l'ange providentiel ; du point de vue théorique les
choses reviennent finalement au même et la méthode s'embourbe dans une
épistémologie tantôt mystique, tantôt kabbalistique.
Le concept de virtù et le potentiel méthodologique qui accompagne ce
terme permirent d'entrevoir, au début du XVIsiècle, une véritable révolution
de la méthode. Le destin quitta peu à peu la roue de la Fortune pour se
mettre du côté de l'individu en train de se découvrir comme acteur et actant
de l'histoire. Avec Machiavel, un changement important s'effectue. Ce n'est
certes pas la première fois que la Fortune est maltraitée, mais cette fois-ci
de nouvelles forces, non plus spirituelles mais humaines, lui sont opposées.
La force, la prudence et la vertu l'emportent sur le destin et le hasard. La
Fortune devient rapidement une « bonne vesse et putain » 10 qu'il faut
malmener, « à cause que la fortune est femme, et qu'il est nécessaire, pour
la tenir soumise, de la battre et heurter » 11 L'action individuelle et la force
des armées sont les seuls déterminants de l'histoire. On découvre que l'homme
est sa propre histoire. Machiavel relit les Anciens et décèle tout un amas de
signes révélateurs qui ont tendance à se répéter dans le temps. Il suffit dès
lors de comparer les comportements passés pour prévoir les développements
futurs. L'histoire acquiert une valeur didactique ; en tirant les leçons d'actions
passées il est maintenant possible de former un enseignement pour l'avenir
et ainsi d'éviter certaines erreurs politiques pour le prince ou le souverain.
Nous pourrions dire que la science de la prospective naît avec Machiavel
qui, avec son Prince (1513), offre le premier traité de méthodologie pouvant
être lu comme un manuel de comportement politique.
Les causes ont à jamais quitté la Fortune et la Providence, elles doivent
désormais être trouvées uniquement dans les actions humaines. D'une
épistémologie chrétienne, nous voici déjà au seuil d'une épistémologie laïque.
Cette transition représente une étape essentielle pour la méthode et les
retombées méthodologiques de l'« après-Machiavel » dépassent toute attente.
C'est en effet à partir de Machiavel, et c'est là notre thèse, que s'amorce en
France un engouement prononcé pour l'écriture de l'histoire et conséquem-
ment pour la méthode. Il est désormais possible de lire et d'expliquer le
monde sans passer par le truchement du spirituel et de l'inexpliqué. Tout
a du sens, et les causes, quoique encore cachées, sont toujours possibles à
découvrir. L'imagination éclate et ce n'est pas un hasard si, en France, les
analyses et les interprétations les plus remarquables sur la création et la
genèse du monde et de ses peuples sont conçues durant la seconde moitié
du XVIsiècle. On se passionne pour les chronologies et les recherches sur les
origines. De nombreux mythes et légendes qui tentent d'expliquer l'origine
de la nation française voient le jour à cette époque. Le dénominateur commun
entre ces mythes est qu'ils partent tous de l'individu comme moteur de
l'histoire (Francio, Paris, Hercule, etc.). Il faut voir là une coupure importante
par rapport au siècle précédent.
Nous laisserons à ce point ce que nous pourrions peut-être nommer le
paradigme historique de la méthode pour voir comment ce paradigme se
trouve soudain décentré au profit d'une approche mathématique du savoir
et son arrangement en équations, dichotomies et modèles quantitatifs. C'est
ici qu'intervient la Dialectique de Pierre de La Ramée et son influence
considérable sur les penseurs de la fin de la Renaissance. La méthode
déductive se trouve bien vite intégrée à toute démarche cherchant a
comprendre et à interpréter non seulement les activités humaines mais aussi
tous les phénomènes naturels. Après le morcellement de la physique, de la

10. Brantôme, Œuvres complètes, publiées par Ludovic Lalane, 11 vol., Paris, Société de
l'Histoire de France, 1864-1882, vol. III. p. 270
11. Machiavel, Le Prince, chap. XXV, p. 367, dans Œuvres complètes, texte présenté par Edmond
Barincou, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1952.
morale et de la philosophie aristotélicienne, le monde s'offre comme nouvelle
équation qu'il faut résoudre ; l'homme fait désormais partie intégrante de
cette équation, il en est le départ et le résultat.
De plus, si les choses se répètent selon des lois du comportement qu'il
est possible d'établir à partir de stratégies politiques, une science de l'histoire
peut alors émerger. Jean Bodin est ainsi capable de mettre au point une
théorie des cycles et d'offrir une typologie des histoires. L'histoire possède
effectivement un certain potentiel scientifique. L'influence du Timée de Platon,
durant la seconde moitié du XVIsiècle, et l'usage de plus en plus répandu
de la méthode ramiste permettent par exemple à Bodin de concilier l'histoire
et les mathématiques pour nous offrir une véritable histoire mathématisée. A
partir de ce moment l'histoire reçoit également pour fonction d'enseigner,
elle propose un modèle moral pour l'homme et comme tout enseignement
ne se sert du passé que pour établir un comportement futur, une rhétorique
mathématisante de l'histoire peut faire son apparition. Ce discours « scienti-
fisé » de l'histoire est avant tout basé sur le répétitif et le didactique. C'est
là un autre saut qualitatif que nous nous proposons d'étudier, nommément
le création d'un vocabulaire propre à l'histoire, son organisation en genres
selon des critères bien établis, et sa redéfinition vers une perception
scientifique. Comme le laisse d'ailleurs entrevoir le titre même de l'œuvre
principale de Jean Bodin, Methodus ad facilem historiarum cognitionem (1566),
ce discours sur l'histoire devient méthode.
La définition du dictionnaire donnée plus haut contient un sous-entendu
qui semble évident de nos jours mais qui ne l'a pas toujours été. Cet absent
de la définition, c'est le sujet qui établit la méthode, le «Je » qui introduit
le discours. Banalité aujourd'hui que de répéter cette lapalissade, et pourtant
il fut un homme pré-cogito. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce
phénomène de subjectivité inhérent au discours méthodologique. La décou-
verte des lois, leur démonstration et leur arrangement sont en effet accomplis
par l'individu lui-même. Le fait que la méthode soit produite par le sujet et
dépende de ses manipulations fait partie intégrante de la définition de la
méthode. Il faut ici poser un postulat : c'est le sujet qui fonde la méthode,
abstraction faite du monde physique ou de tout déterminisme théologique.
La méthode, au sens moderne du terme, est produite par le théoricien et
s'élabore à partir du langage, elle exprime la représentation, écrite ou orale,
d'un problème découvert par le sujet et résolu grâce à son esprit et à sa
raison. Il n'en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où le ressort de
l'histoire n'était pas l'homme mais la fortune ou la Providence, ou encore,
plus simplement, la chance et le hasard. En établissant un rapport dialectique
entre l'intégration du « moi » dans le raisonnement et la finalité de la
méthode, nous abordons ici la troisième partie de notre étude, c'est-à-dire le
rapport entre la subjectivité et la vérité.
A la fin du XVI siècle Montaigne nous parle de son corps. C'est
l'aboutissement du sujet en tant qu'être écrivant et possédant l'histoire. La
présence du corps dans le discours, accompagnée de la reconnaissance du
sujet comme acteur historique, font de Montaigne le point focal d'un autre
moment capital dans l'élaboration de la méthode. Mieux que quiconque,
Montaigne s'aperçoit que l'écriture du monde et de son histoire est un exercice
théorique qui relève de l'interprétation non plus cosmique, métaphysique ou
religieuse, mais au contraire individuelle et donc subjective au sens le plus
large du terme. Cet apport et cette présence du sujet dans la méthode amorce
une nouvelle phase vers une méthode typiquement française à la fin du
X VIsiècle.deLeDescartes.
méthode « moi » de Montaigne sera en effet le point de départ de l a
Au début du XVIIsiècle, Descartes est à même de réorganiser le monde
à la dérive. Il nous offre notre dernier point d'analyse. Avec Descartes, nous
rejoignons le royaume du théorique, en opposition par exemple à l'empirisme
qui règne alors en Angleterre à la même époque avec Bacon. Nous verrons
comment, chez Descartes, la notion de « vérité » l'emporte finalement sur
la réalité. Nous pourrions dire que la méthode effectue un choix au début
du XVII siècle ; c'est dans son poêle et dans son esprit que Descartes décide
de reconstruire le monde. Ce n'est pas un hasard si la théorie prend le dessus
sur la pratique ; il faut voir là l'aboutissement logique de transformations
mentales amorcées plus d'un siècle auparavant par Machiavel et La Ramée,
remaniées par Bodin et Montaigne, sans oublier les nombreux auteurs et
penseurs de second rang qui contribuèrent aux révolutions mentales de ces
hommes. La méthode, telle qu'elle existe au milieu du XVIIsiècle, n'appartient
donc à aucune figure précise mais fut élaborée dans les transformations et
les transpositions successives de discours antérieurs. Le but de ce livre est
précisément de voir comment et pourquoi, grâce à ces additions et ces
retranchements, la méthode, à partir de Descartes, n'est pas très différente
de la définition de notre dictionnaire.
Première partie
LE PARADIGME HISTORIQUE
I.S.B.N. 2 7078 1110-3
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