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Edward, G. [Max Stirner]: Die philosophischen Reaktionäre.

»Die modernen Sophisten von Kuno


Fischer«. In: Die Epigonen. 4. Band. Leipzig 1847, pp. 141-151.

Les réactionnaires philosophiques


Réponse à l'article de Kuno Fischer « Les sophistes modernes »1

Max Stirner?
G. Edward

1847
ZWEITER ABSCHNITT
DIE PHILOSOPHISCHEN REACTIONAERE
ENTGEGNUNG
AUF

„DIE MODERNEN SOPHISTEN“


VON
KUNO FISCHER
1847

Kuno Fischer avait d’abord donné son essai : «  Die Moderne Sophisten », qui est principalement dirigé
contre Stirner, à la « Leipziger Revue », qui ne tarda pas à le recevoir. Il le fit réimprimer dans le
cinquième volume des « Epigones » d'Otto Wigand de 1848, aux pages 277-316, où il l’accompagna de
la note de bas de page suivante : « Je remets ici aux Epigones, à la demande de M. Otto Wigand, son
éditeur, cet essai qui partagea le sort d'une revue naufragée. » Je le laisse reproduire tel quel, afin de le
conserver tel qu'il a été attaqué et que je l’ai défendu. Je dois ces égards à ses adversaires, qui en ont
fait un corpus delicti. Sans cette considération, je traiterais maintenant le même matériel plus
brièvement et je ne jugerais des objets sans valeur que parce que je ne les jugerais pas. Je rapporte cette
remarque notamment aux dernières parties de mon exposé, dans lesquelles un intérêt injustifié est
gaspillé « Les petits parmi les miens ». Par ailleurs, les malentendus qui peuvent découler de la nature
de mon opinion ont été rectifiés dans la réponse à la polémique de M. Edward dans le dernier volume
des Épigones. Je prie le lecteur d'en tenir compte ». Comme on peut le voir dans cette remarque, une
réponse avait été apportée entre-temps. Nous la trouvons dans le quatrième volume précédent des
« Épigones de 1847» aux pages 141-151, sous le titre : "Die philosophischen Reactionäre. Les
sophistes modernes par Kuno Fischer". Elle est signée du nom de G. Edward. Il n'est pas possible
d'affirmer avec une totale certitude [399] qu'elle soit de la plume de Stirner, mais cela est plus que
probable. Kuno Fischer prend sans hésiter G. Edward pour Stirner et celui-ci n'a jamais contredit cette
hypothèse. La réponse de Fischer suit immédiatement la réplique ; sous le titre secondaire : »Ein
Apologet der Sophistik und ein 'philosophischer Reactionär'« , elle va jusqu'à la page 165.
Nous avons d'autant plus dû renoncer à reproduire les travaux de Kuno Fischer que les »Epigones« sont
encore disponibles et que l'auteur n'aurait probablement pas autorisé leur reproduction.

Schultheiss dans son ouvrage:


Grundlagen zum Verstandnis des Werkes 'Der Einzige und sein Eigentum '. 2. Aufl. Rrsg. v. Richard Dedo. Leipzig 1922,
estime pour sa part que l'article en question n'est pas de la main de Stirner pour les raisons suivantes: « Man hat die mit G.
Edward unter- zeichnete Schrift haufig für von Stirner selbst herruhrend gehalten [...] Indes- sen kann für einen, der Stirners
Art und Stil genauer kennt, kein Zweifel walten. Der Artikel ist nicht von Stirner. » (p. 23). (On a fréquemment tenu l'écrit
signé G. Edward pour un écrit venant de Stirner lui-même [...] Cependant pour celui qui connaît plus en détail la façon
d'écrire et le style de Stirner, cela ne fait pas de doute: l'article n'est pas de Stirner.). On remarquera que ce sont exactement
les mêmes raisons que celles qui obligeaient Mackay à se prononcer avec prudence. [M. Reims, lui, a supprimé, sans aucune
indication, en citant ces mêmes phrases de Schultheiss le mot selbst.]
Or, l'article de G. Edward me paraît confus et totalement dépourvu de la frappe stirnérienne. Il est vrai que cela peut tenir au
procédé utilisé par G. Edward. Il cite de longs passages de Fischer pour les critiquer ensuite. On peut admettre comme
stirnériennes les pensées développées dans cet écrit, mais rien n'oblige, vu le succès remporté par « L'Unique » en 1845, à
exclure d'emblée la possibilité que d'autres que Stirner aient repris les formules de « L'Unique » ; et cela d'autant moins si
l'on considère que la formulation de Mackay est bien vague: faut-il toujours, afin d'être influencé « directement » par l'œuvre
d'un écrivain, un acte physique quelconque de ce dernier? M. Relms qui possède maintenant une bibliographie comportant
3000 titres de stirneriana partagera sans doute nos réserves.

Un peintre prolifique, travaillant dans son atelier, se fait appelé par sa femme pour le repas du dîner.
Lui répond : « Attends un instant, je n’ai que les douze apôtres grandeur nature, un Christ et une
Madone à peindre ». Telle est l’air du réactionnaire philosophique Kuno Fischer2 — j'ai choisi cette
expression, car il ne faut pas apparaître dans le salon de la philosophie sans le frac3 d'une phrase
philosophique — le travail laborieux et titanesque de la critique moderne, qui devait conquérir le ciel
philosophique, le dernier ciel parmi les cieux, il l'achève à grands coups de pinceau. L'un après l’autre
est construit. C'est une joie de voir Strauss, Feuerbach, Bruno Bauer, Stirner, les sophistes grecs, les
jésuites, les sophistes du romantisme, tous sont représentés avec le même gabarit.
L'homme de bien traque les sophistes comme nos amis de la lumière ‘Lichtfreunde’4 et les catholiques
allemands traquent les jésuites. Accrochez-lui un aide-mémoire ; traitez-le de « sophiste! » et tout
philosophe respectable fera une croix devant lui. Hegel avait déjà attiré l'attention sur le fait que le peu
qui nous reste des sophistes grecs montre à quel point ils étaient supérieurs à l'idéalisme grec, dont
toute la gloire nous est parvenue dans les œuvres de Platon. En fin de compte, Hegel est aussi un
« sophiste ». Apportez votre gabarit, M. Kuno Fischer, j'ai envie de traiter Hegel de « sophiste ». Mais
écoutons notre glorieux chasseur de sophistes lui-même : « La sophistique est le reflet de la philosophie
— sa vérité inversée. » Donc, tout à fait la même vérité, mais dans une position opposée ? Oh, la
position ne nous importe point. Nous regardons l'image d'en haut et l'appelons « sophiste » ; nous la
regardons d'en bas et l'appelons « philosophe » « tel est notre plaisir. » 
« Le sujet sophistique, qui se fait le maître, le despote de la pensée, et révèle avec lui le tel est mon
plaisir aux puissances objectives du monde, ne serait être la subjectivité pensante. » « Maître, despote
de la pensée », la pensée de qui ? Ma pensée ? Ta pensée ? Ou la pensée en soi ? Si le « sujet
sophistique » se rend maître de ma pensée, ou de la pensée en soi, ce qui n'a aucun sens, il n’en est pas
moins probablement plus puissant et donc en droit ; car il ne peut s'emparer de la pensée qu'en pensant,
et c'est encore certainement une arme honorable, de gentilhomme (courtoise). Mais s'il est maître de sa
propre pensée, cela n'a rien de particulier. Si on ne l'est pas, alors on est un fou, le jouet de son idée
fixe. Mais voilà qu’arrivent les « puissances objectives du monde », une société sublime. Qui êtes-
vous ? Êtes-vous la lumière, « qui traverse les vitraux » et colore mon nez en bleu, que je le veuille ou
non, lorsque je me trouve dans une église gothique ? Oui, même mon voisin en prière, imbu de
l’objectivité du Dieu présent, doit rire de son nez bleu. Ou bien êtes-vous la force annihilante d'un
corps qui tombe, l'électricité déchargée, l'expansion rapide d'une matière qui s'évapore ? Non ! Pas tout
cela. Je vois le philosophe sourire.
La nature insensée doit-elle être une puissance objective du monde ? la nature, qui « n'est » que si je la
« pense », qui n'est qu'une « chose-pensée ». Non ! Car jusqu'à présent, celle-ci est plus puissante que
le philosophe, et donc il la désavoue ; mais son Dieu orné de phrases, ce veau d'or orné, est une »
puissance objective du monde. « L'histoire passée est nulle et non avenue, dans la mesure où elle ne
montre pas le processus dialectique de sa pensée distinctive, et l'avenir — il l'a déjà « conçu ».
Ainsi, « le sujet sophistique », « le despote de la pensée », « ne peut pas être la subjectivité pensante ».
« La subjectivité pensante ! » Si on l'appelait encore « le sujet pensant », alors le non-sens simple de
cette phrase existerait nue, que « le sujet sophistique n'est pas de ce fait le sujet pensant, qu'il est maître
de la pensée, et donc pense, mais peut-être parce qu'il est pensé par une pensée, parce qu'il est l'organe
sans volonté de l'Esprit absolu, ou de quelque autre manière dont ces sages définitions se révèlent
être. » Mais c’est ainsi que la « subjectivité pensante » est devenue une hydre à plusieurs têtes, une
absurdité.
« Le sujet, qui se distingue comme indépendant de sa pensée, est plutôt le sujet particulier, accidentel,
qui ne voit dans la pensée qu'un moyen plausible pour ses fins, et ne perçoit le monde naturel et moral
que sous cette catégorie. » Je me distingue de mes pensées, et je ne me distingue pas d'elles ; là mes
pensées me remplissent de telle sorte qu'aucun sentiment, aucune sensation ne peut produire une
différence entre moi et mes pensées. — Mais j'utilise le langage maladroit de mon adversaire — puis-je
alors seulement parler de « pensée » ? Une « pensée » est quelque chose de fini, de pensé, et je m'en
distingue toujours, comme le créateur de la créature, le père du fils. Je me distingue certainement de
mes pensées que j'ai pensées ou que je penserai ; les unes sont pour moi des objets, les autres des œufs
non pondus. C'est pourquoi je ne suis que « le particulare, le sujet acyclique». Mais celui qui
s’imagine être un « sujet nécessaire », se légitime en tant que tel. Il peut obtenir cette légitimation de la
lune. Question absurde de savoir si un sujet est fluctuant ou assertorique, si c'est « un » sujet ou « le » 
sujet. Il est nécessaire, parce qu'il est là, et s'il se rend nécessaire; accidentel, parce nul coq ne
chanterait pour lui s'il n'était pas là. La plus grande nécessité concevable d'un conquérant du monde,
d'un savant maîtrisant le temps, ou d'un homme d'État, n'est encore qu'illusoire. Pour des intérêts
« particuliers », comme « moyens plausibles de leurs fins », tous ceux-là enchaînent les passions et les
idées de l'époque à leur char triomphal. Que leur « but » soit réel, ou qu’il s’agisse d’une idée ; c'est
toujours son idée, qui est « particulière », qu'ils chérissent, avec laquelle ils se lancent dans la course
qu'ils aiment, avec laquelle ils jettent l'anathème sur celui dont ils discernent clairement, en dépit de sa
personnalité intacte, qu'ils ne sont après tout que des « sujets particuliers et accidentels ». Quant à la
conception « du monde naturel et moral », j'avoue que je ne comprends pas comment on peut saisir le
monde naturel autrement que comme un sujet naturel « particulier ». Je vous laisse volontiers votre
« monde moral », lequel n'a toujours existé que sur papier, il est l'éternel mensonge de la société, et il
se brisera toujours en raison de la riche diversité et de l'incompatibilité des individus à forte volonté.
Laissons ce « paradis perdu » aux poètes.
Maintenant, en un clin d'œil notre héros fait une chevauchée à travers l'histoire. « Hourra ! les morts
chevauchent rapidement ».
« L'idéalisme intellectuel de l’Eleatic5 a fécondé la sophistique grecque. » Oh, c'est un grand éloge pour
les Éléates. Comme si un aliéniste ne fécondait pas tout autant « l'idéalisme de la pensée » de ses
aliénés, surtout quand « il y a du système dans leur folie ».
« Le sophisme du christianisme catholique était le jésuitisme. Le (dogmatique) dogme catholique, qui
affronte extérieurement le sujet croyant, a placé celui-ci, tout aussi, extérieurement sous sa coupe. »
« Extérieurement » certes, mais aussi dans les faits ? Ou bien les disciples de Loyola n'ont-ils pas
depuis toujours dominé le Vatican ? En Autriche et en Bavière, les légitimistes, en Belgique, les sans-
culottes en France, les communistes6 entraînent toujours les plus compétents loin des masses au bout de
la corde d'une idée populaire. Jusqu’à l'intérieur de l'Asie, où la faim du désert et la suprématie des
nomades sauvages ont fait échouer toutes les expéditions, leur pied intrépide s'est aventuré.
Aujourd'hui, un élève jésuite siège sur le trône pontifical, régnant dans l'esprit du libéralisme religieux
et politique ; et les catholiques et les protestants l'acclament. « Dans le sophisme romantique, le sujet
particulier a pris d'assaut l’hégémonie du moi fichtéen » écoutez, écoutez! vous les romantiques, vous
les Schlegel et Tieck qui s'enthousiasment pour l'art, vous théosophe spirituel, Novalis, entendez-le
dans la tombe, vous n'êtes aussi que de très vulgaires sujets « particuliers » tout à fait communs. En
effet!, avec des phrases, on peut tout transformer en tout. « La sophisme émancipe le sujet de la
puissance de la pensée; ainsi — le sujet sophistique est le sujet sans pensée, le sujet cru, particulier, qui
rampe derrière le dos de la pensée pour se tenir à l’écart de sa puissance. » Donc, parce que j'ai des
pensées et que les pensées ne m'ont pas, parce que je pense librement et que je ne suis pas le singe
d’une pensée imaginée, suis-je un sujet « sans pensée », « singulier », voire « grossier »? Mais non! Les
sophistes ne sont pas tout à fait « sans pensée », ils sont même « philosophiques » c’est-à-dire « le
reflet inversé de la philosophie », mais en quoi ? « Le sujet grossier respire de l'air philosophique ; cela
lui donne cet oxygène propre, par lequel il est dialectiquement excité à une volubilité formelle ». Avez-
vous vraiment l’impression, vous autres philosophes, d'avoir été battus avec vos propres armes ? Rien
ne permet de s'en douter. Que pouvez-vous rétorquer de sain si je dissous dialectiquement ce que vous
avez simplement posé dialectiquement? Vous m'avez montré avec quelle «rhétorique» on peut
transformer tout en rien et rien en tout, le noir en blanc et le blanc en noir. Qu'avez-vous lorsque je
vous retourne votre astuce soignée contre vous ? Mais ni vous ni moi ne dissoudrons les grandes
choses (faits) de la recherche moderne sur la nature par l'artifice dialectique d'une philosophie de la
nature, aussi peu que Schelling et Hegel l’ont fait. C'est précisément ici que le philosophe s'est montré
comme un sujet (gauche)«balbutiant»; car, en ignorant, il a « repulpé » dans une sphère dans laquelle il
n’a aucun pouvoir, qu'un Gulliver sans enfantillage parmi les géants.
Le « sophiste » est le sujet « stable », « accidentel » et appartient aux « points de vue réactionnaires »
« déjà dépassé en philosophie », et pour couronner le tout, il est « dépeint » encore une fois dans
l'abondance de Kuno Fischer. Il n'a sans doute pas compris les philosophes, puisque « l'homme naturel
ne connaît rien de l'Esprit de Dieu. » Mais si l’on veut voir comment M. Fischer a compris ceux qu'il a
dépeints philosophiquement, alors on peut au moins admirer sa «volubilité. » « Dans ce processus de la
« critique pure » le sujet ne parvient pas à un sens réel de sa souveraineté ; il reste étroitement lié aux
illusions, contre lesquelles il combat, en s'y rapportant de manière critique » On ne fait ainsi à la
« critique pure » que le reproche absurde qu'elle est précisément « critique » ; car comment quelqu'un
pourrait-il critiquer une chose sans « s’y référé de manière critique ? » La seule question qui se pose est
de savoir à qui profite cette relation ; c'est-à-dire si le critique surmonte ou non la chose de manière
critique. « Cette relation critique rompt le sujet ; c'est le néant décisif de toutes les pensées qui secouent
le monde ; ils ont succombé à l'égoïsme absolu de l'Unique. Peter Schlemihl7 a perdu son ombre ».
« Quelle malchance lorsque quelqu’un choisis une image à travers laquelle il est frappé de la manière la
plus évidente. L’ombre de Peter Schlemihl est précisément l’image de son unicité, de son contour
individuel, utilisé au sens figuré, de la connaissance et du sentiment de lui-même. C’est précisément
lorsqu’il a perdu cela qu’il est la proie malheureuse de l’or dans lequel il a transféré son être, de
l’opinion de la populace qu’il ne sait pas mépriser, de l’amour pour une jeune fille insensés auquel il ne
sait pas renoncer, le jouet d’un démon qui ne lui est redoutable qu’aussi longtemps qu’il le craint, qu’il
est en relation contractuelle avec lui. Il aurait tout aussi bien pu être la proie de la philosophie.
Mais laissons les images. Le journal littéraire de Bauer, dans son huitième numéro, s'exprime dans le
même sens que M. Fischer.
« Quelle maladresse et frivolité pour résoudre les problèmes les plus difficiles en avortant, pour vouloir
accomplir les tâches les plus vastes ».
A cela, Stirner répond : « Mais avez-vous des tâches si vous ne vous les fixez pas vous-même ? Tant
que vous les fixez, vous ne les abandonnez pas, et je n'ai rien contre le fait que vous pensiez et qu'en
pensant vous créez mille pensées. » Est-ce que « l'unique » rompt le processus de réflexion ici? Non ! Il
le laisse plan-plan suivre son cours ; mais ne se laisse pas non plus rompre dans son « unicité » 
Einzigkeit, et il se rit de la critique dès qu'elle tente ou veut le contraindre à aider à résoudre un
problème qu'il n'a pas posé, il se rit de vos « pensées qui font bouger le monde ». Le monde a assez
morfondu longtemps sous la tyrannie de la pensée, sous le terrorisme de l’idée ; il se réveille d’un rêve
très obscur, et suit l’intérêt joyeux du jour. Elle a honte de la contradiction dans laquelle l'Église, l'État
et les philosophes l'ont tenue (prisonnière) captive, de la contradiction qu'ils ont mise entre l'intérêt et
le principe. Comme si l'on pouvait avoir un principe auquel on ne s'intéresse pas, (qu’on a pas
d’intérêt) un intérêt qui ne deviendrait pas un principe dans l’instant. Mais tu dois, tu dois avoir un
principe « pur » « reines », l'intérêt est « sale ». Tu dois te comporter que de manière « philosophique »
ou « critique », sinon tu es un sujet « grossier », «contingent» , « rude » « particulier ». Entends-le
naturaliste, toi qui prend plaisir à observer la poule grandir dans l'œuf incuber, et ne songes point à le
critiquer; entends-le, Alexandre, toi qui tranches le nœud gordien que tu n'as pas noué. Tu dois mourir,
jeune homme, à Saïs8 entre les mains des prêtres, parce que tu as osé levé le voile des « saints
scrupules » sans hésitation; et les prêtres ont encore l'impudence, l’insolence de dire : « la vue de la
divinité vous a dupé ».
Mais un test de l’attitude idéale, éthérée, du langage qui conduit un sujet non « grossier », « 
nécessaire », « bouleversant le monde ». « Le sujet sophistique, qui se sent sans cesse humilier,
rabaissé au rang d’eunuque par sa vanité despotique, se retire enfin derrière le prépuce de son
individualité, etc. Après avoir consacré une large exposition aux « présupposés philosophiques de la
sophistique moderne Hegel— Strauss — Bruno Bauer — Feuerbach », un processus de la philosophie
déjà devenu historique, mais encore trop proche pour être à nouveau exposé de manière aussi triviale
comme une nouveauté, Kuno Fischer en vient à Max Stirner lui-même. Quant à l'inclusion de Stirner
parmi les sophistes, nom par lequel il ne se considérerait ni comme insulté ni comme flatté, il suffira
d'y opposer un jugement de celui-ci sur les sophistes grecs. Cependant, le principe du sophisme devait
conduire au fait que l’esclave le plus dépendant et le plus aveugle de ses désirs pouvait néanmoins être
un excellent sophiste, et avec une acuité d’esprit pouvait tout interpréter et utiliser en faveur de son
coeur brut.) Qu'y aurait-il, pour lequel il n’y a pas de « bonne raison », et qui ne puisse être contesté".
J'ai souvent fait remarquer que les critiques qui ont examiné et analysé avec beaucoup de talent et
netteté d'esprit les objects de leur critique se sont certainement trompés sur Stirner, et que chacun a
souvent été entraîné vers les conséquences les plus diverses de son malentendu pour en faire de
véritables béotiens. Ainsi, Kuno Fischer fait l'effort futile de développer l'égoïsme et l'unicité de Stirner
comme une conséquence de la conscience en soi et de la « critique pure » de Bauer. Et cet exploit est
accompli en « rompant la relation critique avec les illusions qu'elle combat ». Le sujet qui, « dans le
processus de la critique pure, ne parvient pas à un sentiment réel de sa souveraineté » devient chez
Stirner « le néant décisif de toutes les pensées qui agitent le monde ». Et ce tour de force est accompli
en « rompant la relation critique avec les illusions qu'elle combat ».
Mais cette astuce n'est qu'une des feintes de Kuno Fischer ; on ne trouve rien de tel dans le livre de
Stirner lui-même. Le livre de Stirner avait même été achevé avant que Bruno Bauer n’ait tourné le dos
à sa critique théologique, comme une sujet révolue, et la proclamation de la « critique absolue » dans le
littéraire public Allgemeine Literaturzeitung ne mentionne Stirner que dans un addendum qui n'a pas
nécessairement sa place dans la structure de l'œuvre entière. (((L'« humanisme » de Feuerbach, qui
avait atteint une validité plus générale chez les communistes et les socialistes allemands [148], était
beaucoup plus proche de lui, une réalisation qui avait mis en évidence assez clairement l' « inhumain »
de l'« humanisme », la contradiction qui se trouve dans le système. DEEPL)))L'« humanisme » de
Feuerbach, qui, chez les communistes et les socialistes allemands, avait atteint une influence plus
générale, était beaucoup plus proche d'une réalisation qui mettait assez clairement en évidence l'«
inhumain » de l'« humanisme » mettait en lumière les contradictions sous-jacentes du système. C'est
donc à la lutte contre l'humanisme auquel Stirner a consacré le plus de soin. Feuerbach a répondu à
cela dans le journal trimestriel Vierteljahrsschrift de Wigand, 1845, volume III, et Stirner a réfuté cette
réponse. Kuno Fischer semble ne rien savoir ni être conscient de tout cela ; sinon il se serait épargné la
peine de faire l'ingénieuse découverte spirituelle suivante . « L'égoïsme de l'unique n'est pas n’importe
quelle pensée; elle est plutôt objective ; il exerce un acte dogmatique de violence ; sparren c'est une
chauve-souris dans le beffroi, un fantôme, un crachat spuck, une pensée hiérarchique, et Max Stirner
son curé. » « Stirner est le dogmatiste de l'égoïsme. » « Dans l'objectivité que Stirner donne à l'égoïsme
absolu, » (il n’y a aucune trace d'un égoïsme « absolu » dans le livre de Stirner), « il y a une
idéation... » qui est devenue un dogme. »
Si M. Fischer avait lu cet essai,9 il n'en serait pas arrivé au malentendu comique de trouver dans
l'« égoïsme » de Stirner un « dogme », un « impératif catégorique », une «tâche» sérieuse, comme celui
que provoque l'« humanisme », Tu dois être « homme » et « non-homme », et construire ainsi sur cette
base le catéchisme moral de l'humanité. Stirner lui-même se référait à l'« égoïsme » en tant que
« phrase » ; mais comme la dernière « phrase » possible, apte à mettre un terme au règne des phrases.
Inspirons-nous de l'essence du christianisme de Feuerbach et de ses écrits de moindres importances, et
même de sa « philosophie de l'humanité » en général, l'impératif catégorique, soit l’intention positive;
c'est-à-dire que si l’on saisit son « idéal du genre » avec ses mystérieux « pouvoir »: « raison, »
« volonté, » « cœur » et leur réalisation : « connaissance », « caractère », « amour », comme
représentation psychologique des facultés et des qualités qui sont immanentes dans l'espèce humaine
réelle en tant que telle, dans l'organisation humaine, en dehors des changements et des complications
historiques, un progrès si énorme est déjà accompli chez Feuerbach ; il montre déjà assez, en remontant
aux grands traits simples de notre organisation, combien il est absurde de donner à un côté, à une
propriété, comme celle de l'entendement ou de la pensée, une prépondérance telle qu'elle menace de
dévorer les autres; en bref, il veut que l'humanité entière ait un droit égal à toutes ses caractéristiques,
dans l'égale légitimité de toutes ses propriétés, à toutes les formes de vie, y compris les sens et les
forces de la volonté. Mais arrivé là, il oublie que « l'homme » n'existe pas, qu'il est une abstraction
arbitraire. Mais il l'érige en idéal. Quoi d'étonnant à ce qu'il devienne un être générique impersonnel et
mystérieux, doté de « pouvoirs » mystérieux qui se comportent de manière polythéiste, comme les
dieux grecs avec Zeus. Par conséquent, un devoir s'impose : tu dois être l'homme. L'« homme » est
confronté à l'« inhumain ». Or, personne ne considérera qu'un « monstre » n'est pas un « animal ». Il
serait tout aussi difficile à Feuerbach de prouver qu'un « monstre inhumain » n'est pas un véritable
« homme ». Un « inhumain ou non-homme » est et reste un véritable « homme », affligé d'un anathème
moral, d'un affect de répulsion (sentiment de culpabilité, par un sentiment de dégoût), rejeté hors de la
communauté humaine par celui qui l'appelle —« ‘monstre’ inhumain ou non-homme ».

A cette phrase d’« humanisme », Stirner oppose la phrase « égoïsme » : Comment ? Vous me demandez
d’être « humain », plus précisément, je devrait être « homme »? Eh bien! J'étais déjà un « humain » ,
un « petit être humain nu », et un « homme » au berceau; je le suis; mais je suis plus que cela, je suis ce
que je suis devenu par moi-même, par mon développement, par l'appropriation du monde extérieur, de
l'histoire, etc. ; je suis l'« unique ». Mais ce n'est pas ce que vous voulez vraiment. Vous ne voulez pas
que je sois un véritable être humain.Vous ne donnez pas un sou pour mon unicité. Vous voulez que je
sois « l'homme» tel que vous l'avez dépeint, comme un modèle pour tous. Vous voulez faire du
« principe d'égalité vulgaire » la norme de ma vie. Principe sur principe ! Exigence après exigence ! Je
vous oppose le principe de l'égoïsme. Je veux seulement être moi ; je méprise la nature, les hommes et
leurs lois, la société humaine et son ‘amour’, et je coupe avec eux tout rapport obligatoire, relation
générale, même celle du langage. À toutes les grâces ou déterminations de vos devoirs, à toutes les
expressions de vos jugements catégoriques, j'oppose l'« ataraxie »10 de mon moi ; je suis déjà
complaisant quand je me sers du langage, je suis l'« indicible » « Je me montre simplement ». « Et n'ai-
je pas raison avec le terrorisme de mon moi, qui repousse ainsi tout ce qui est humain, comme vous
avez raison avec votre terrorisme de l'humanité, qui me qualifie aussitôt de « inhumain » si je pèche
contre votre catéchisme, si je ne me laisse pas déranger dans ma jouissance de moi?
Cela signifie-t-il que Stirner, avec son « égoïsme », veut nier tout ce qui est général, le considérer
comme inexistant, éliminer toutes les propriétés de notre organisation, à laquelle aucun individu ne
peut donc se soustraire*, par une simple négation? qu'il veut abandonner toute communion avec les
hommes, se replier sur lui-même de manière suicidaire? En vérité, ce malentendu n'est pas moins
grossier que celui des libéraux et conservateurs allemands qui, aujourd'hui encore, s'indignent de la
remarque de Börne11 : « Si le nez de votre roi ne vous plaît pas, chassez-le », comme s'il était jamais*
venu à l'esprit de Börne de faire du nez du roi un crime contre la démocratie. Il faut vraiment avoir
honte de faire comprendre cela à ces messieurs les confusionnistes.
Mais il y a dans le live de Stirner un « par conséquent », une conclusion formidable, que l'on peut
certes souvent lire entre les lignes, mais qui a entièrement échappé aux philosophes, parce qu'ils ne
connaissent pas les êtres humains réels et eux-mêmes, en tant qu'êtres humains réels, parce qu'ils ne
traitent toujours que de « l'humanité », « l'esprit » en soi, a priori, toujours seulement avec le nom,
jamais avec la chose et la personne. Stirner exprime cela de manière négative à travers sa critique
acerbe et irrésistible, avec laquelle il analyse toutes les illusions de l'idéalisme, et révèle tous les
mensonges du dévouement désintéressé et du sacrifice; ce que bien sûr, ses glorieux critiques on de
nouveau compris comme une apothéose de l'égoïsme aveugle, de l'« égoïsme trompé », qui vole la
possession d’une personne entière, pour lui soutirer quelques centimes. Stirner a lui-même qualifié son
livre d’expression en partie « maladroite » de ce qu'il voulait. C'est l’oeuvre laborieuse des meilleures
années de sa vie ; et pourtant il l'a qualifié de parfois « maladroite ». Il a dû se battre avec une langue
qui a été corrompue par les philosophes, abusée par les partisans de l'État, de la religion, de l'économie
et de la politique, et rendue capable d'une confusion conceptuelle sans limite.
Mais revenons à notre critique. Lorsque Stirner dit : « L'amour est mon sentiment, ma propriété », etc.
ou « Mon amour ne m'est propre que lorsqu'il consiste absolument en un intérêt égoïste et intéressé,
c'est-à-dire lorsque l'objet de mon amour est vraiment mon objet ou ma propriété », et qu'il dit la même
chose dans un rapport d'amour, de l'objet aimé qui aime en retour, notre idéaliste s'élève triomphant:
« Ainsi, le culte du Dalaï Lama ! c'est-à-dire se consommer deux fois. Je consomme mon propre être
consommé ». « Donc, Max et Marie12 appartiennent à l'histoire naturelle de l'amour des ruminants. »
Mais puisque Monsieur Kuno Fischer devient si personnel et pittoresque, inversons tout de même les
choses. Kuno aime Kunigunde13 et Kunigunde aime Kuno. Mais Kuno n'aime pas Kunigunde, parce
qu'il trouve son plaisir dans cet amour, il ne jouit pas de sa bien-aimé pour son propre plaisir, mais
plutôt par pure sacrifice, parce qu'elle veut être aimée; il ne tolère pas non plus les éventuelles
souffrances de son amour, parce que l'amour pour elle est une compensation adéquate pour lui, donc
pas pour cette raison égoïste, mais tout sans se considérer, par pur désintéressement. Kunigunde fait de
même avec Kuno. Nous avons donc le couple parfait pour un mariage de fous, deux personnes qui se
sont mis en tête d'aimer l'autre sans jouir d'elles-mêmes dans l'autre, par pur sacrifice de l'un. Kuno
Fischer peut garder pour lui un tel amour philosophique aussi sublime ou se trouver un pendant dans un
asile de fous. Nous, les autres sujets « bruts », « particuliers », nous voulons aimer, parce que nous
ressentons de l'amour, parce que l'amour est agréable à notre cœur et à nos sens, et que dans l'amour
d'un autre être, nous éprouvons une plus grande jouissance de nous-mêmes. En outre, notre critique
s'empêtre dans ses propres contradictions. « L'« égoïsme dissolvant de l'unique » est en même temps
« l'association de tempérance la plus solide », « en vérité la fondation du despotisme le plus éhonté »,
dont le critique entend déjà « le tintement du sabre fatal ». « Le sabre tintant » ne serait plus « fatal »
pour nous depuis longtemps si nous n'en avions pas fait notre fatalité, et si nous n’avions pas, avec des
débuts insensés, gravé dans son acier des schistes, qui donnent au sabre le pouvoir de nous asservir
pour l’amour de l’idée. »
Nous ne pouvons pas aller plus loin. Nous espérons que l'on aura l'honnêteté de ne pas s'attendre à ce
que nous lisions plus d'une page d'un livre comme Verstandesthum und Individuum,14 et encore moins
d’en entendre une critique. Nous tenons cependant à informer M. Kuno Fischer que l'auteur de L'essai
Relationné et l’individu Verstandesthum und Individuum a publié une critique contre lui-même dans le
journal de l'église protestante evangelische Kirchenzeitung. Mais peut-être M. Kuno Fischer connaît-il
mieux que nous ce comportement burlesque d'un homme qui veut devenir célèbre à tout prix.
G. Edward.

Notes

1 Kuno Fischer, encore étudiant lorsqu'il rédige sa critique de l'ouvrage de Stirner, sera par la suite connu pour ses travaux
en histoire de la philosophie, et notamment pour avoir inventé la distinction entre les « rationalistes » et les « empiristes »
dans la philosophie du siècle des Lumières.
2 Kuno Fischer, encore étudiant lorsqu'il rédige sa critique de l'ouvrage de Stirner, sera par la suite connu pour ses travaux
en histoire de la philosophie, et notamment pour avoir inventé la distinction entre les « rationalistes » et les « empiristes »
dans la philosophie du siècle des Lumières.
3 Pour ceux qui n'auraient pas compris cette référence sarcastique, pensez à une soirée « cravate blanche et queue de pie ».
4 Groupe protestant visant à créer une version rationaliste du christianisme, par opposition à la version évangélique
dogmatique qui dominait à l'époque en Allemagne. Littéralement « Amis de la lumière ».
5 École de philosophes présocratiques qui rejetaient la validité de l'expérience sensorielle comme source de connaissance.
Et considéraient la logique et les mathématiques comme la base de la vérité.
6 Bien qu'il s'agisse de références évidentes aux mouvements radicaux de l'époque, je n'ai pu trouver aucune information sur
la Légitime d'Autriche et de Bavière et très peu sur les Sans-culottes belges.
Légitime d'Autriche et de Bavière et très peu sur les Sans-culottes belges (seulement qu'il y a une brasserie en Belgique qui
utilise ce nom en leur honneur).
7 Le personnage central de l'histoire d'un homme qui vend son ombre au diable en échange d'un portefeuille sans fond.
pour découvrir qu'une personne sans ombre est rejetée par tout le monde.
8 Une référence au livre de Novalis, Les Disciples de Saïs.
9 « Les critiques de Stirner ».
10 Calme d’esprit. État dune personne qui ne se laisse troubler par rien. État d’indifférence émotionnelle.
11 Karl Ludwig Börne (1786-1837), écrivain politique et satiriste allemand.
* Ici on sait très bien que c’est l’opposé qu’il s’agit, c’est-à-dire que l’inquisition religieuse, nie ton existence en tant
qu’individu à part entière, ton individualité vue comme object bon qu’à être exploiter, te considérant comme instrument en
éliminant toutes tes propriétés, à laquelle chaque individu doit se soumettre au royaume de l’humanité.
12 Marie Dähnhardt, la deuxième femme de Max Stirner avec laquelle il partagea cinq année de vie commune et dont la
dédicace de son livre lui fut attribué.
13 Il s'agit de la version allemande de Cunégonde, un personnage du Candide de Voltaire. Tel qu'il est orthographié en
français, le nom est un jeu de mots sur les mots latins et français désignant les organes génitaux féminins. Je soupçonne
fortement Stirner d'avoir eu cette idée à l'esprit dans ce passage.
14 Une référence à Rationalité et l’individu Das Verstandesthum Und Das Individuum de Karl Schmidt , un ouvrage qui a
tenté de retracer l'histoire du mouvement philosophique du XIVe siècle des jeunes hégéliens du début à la fin pour en finir
avec lui. En considérant Stirner comme un philosophe, il a inévitablement mal compris Stirner

1847 Die philosophischen Reactionäre


Librairie Ineffable
Étude de la littérature stirnerienne 2022

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