Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
CHERRYH
L’épopée de
Chanur
Traduit de l’Américain
par Michel Deutsch
À Diane Nancy
CHANUR'S VENTURE
1
10
Il se nommait Nomesteturjai,
capitaine Keia Nomesteturjai, ce
mahe émacié à l’air anxieux. Jik
pour les hani à la langue peu déliée.
— Asseyez-vous, dit Pyanfar en
faisant tourner le fauteuil réservé à
l’opératrice de l’ordinateur pour
qu’il s’y installât. (Elle-même
s’accota au dossier d’un autre siège.
Ils étaient presque nez à nez.) Où
est Or-Aux-Dents ?
— Non savoir exact.
— Comment ça… vous ne savez
pas ?
Jik était manifestement mal à
l’aise. Cela se voyait aux coups d’œil
qu’il lançait à Pyanfar. Il
n’appréciait pas ce face-à-face.
— Je près Kefk penser.
— Kefk !
— Je non certain. (Ses yeux
bordés de rouge ne cessaient de
papilloter.) Pas bon suppositions
faire.
— Dieux et tonnerres ! Mais
qu’est-ce que c’est que cette
histoire ?
— Vous aller Mkks ?
Pyanfar s’écarta.
— Khym, va lui chercher quelque
chose de chaud, veux-tu ?
Dieux ! Lui ! La lassitude lui
tiraillait les nerfs et une bouffée de
rage l’envahit. Ah ! La tyrannie de la
biologie !
— Tout de suite, dit Khym.
Et il quitta la salle.
Pyanfar s’assit sur le bord de la
tablette. Haral resta debout, une
hanche appuyée à son pupitre pour
ne pas perdre l’écran de vue. Tirun
se laissa choir sur l’accoudoir
matelassé du siège d’observation
N°2.
— Nous allons bavarder, dit
Pyanfar. Très, très lentement. Vous
me comprenez ?
— Non, dormir. (Jik passa sur
son visage une main décharnée aux
griffes émoussées et ses épaules
s’affaissèrent.) Terrible changement
de cap dans Urtur système !
— Nous en sommes sortis.
Allons, Kij… que se passe-t-il là-
bas ? Hilfy et Tully voguent vers
Mkks, Chur est à l’infirmerie, ils
jouent à la loterie avec pion navire,
le Personnage m’exprime ses
regrets et surtout que je ne discute
pas avec les knnn que j’ai aux
trousses !
Jik, qui levait le bras,
l’immobilisa à mi-course et son
regard se riva au regard de Pyanfar.
— Knnn, répéta-t-il.
— Au large de La Jonction. Peut-
être que c’était leur destination. Les
maîtres de station de Kshshti sont
aussi effrayés que les stsho. Que se
passe-t-il au juste ?
— Kif arraisonner vaisseau
humain. Humains bouleversés
beaucoup.
— Les knnn se sont emparés d’un
vaisseau humain, vomissure des
dieux ! Inutile de tourner autour du
pot ! Et j’ai d’autres nouvelles. Un
navire du nom d’Ijir… l’autre
courrier avec d’autres humains. Les
kif l’ont pris.
— Dieux ! (Jik se carra contre le
dossier de cuir du siège, les bras
posés sur les accoudoirs et
dévisagea Pyanfar.) Comment vous
savoir ?
— Par un message de Sikkukkut
an’nikktukktin. Le même qui a
capturé Tully et Hilfy.
— Il prendre Ijir ?
— Je n’en sais rien.
Jif exhala un soupir qui n’en
finissait plus et ses yeux injectés se
détournèrent pour se poser sur
Khym qui entrait d’un pas traînant
avec un plateau. Ce fut d’abord au
mahe qu’il le présenta avec une
raideur courtoise et le visiteur se
servit sans broncher.
— Nous non rencontrer. Tous
deux Gaohn Station.
En guise de réponse, Khym se
borna à une sorte de grondement
rauque et grinçant, mais ses oreilles
pointèrent avec curiosité. Il fit
passer les coupes à la ronde, en prit
une pour son usage personnel –
dieux ! que de protocole ! – et se
jucha sur le bras du fauteuil de la
console du communico.
Après avoir posé le plateau vide
sur la console du communico, il
observa le même silence qu’Haral et
Tirun.
— Un navire de chasse, dit
Pyanfar à son intention tandis que
Jik portait sa coupe à ses lèvres.
Il plissa le nez et eut un haut-le-
corps. Le gfi n’était pas la boisson
favorite des mahe mais c’était
néanmoins quelque chose à se
mettre dans le ventre, et il semblait
en avoir besoin. Il paraissait aussi
exténué que s’il avait couru
longtemps, très longtemps.
— C’est le meilleur pilote de
l’espace mahen, reprit Pyanfar – et
c’était la stricte vérité. Vous avez
parlé au maître de station, Jik ?
L’interpellé leva les yeux. Des
yeux où se lisait l’épuisement. Et la
franchise.
— Aller centre contrôle station.
Parler. (Nouvelle rasade de gfi,
nouveau haut-le-corps et nouvelle
grimace.) Devoir demander vous,
Pyanfar. Où paquet ?
Elle sirota longuement une
gorgée.
— Quel paquet ?
Jik déglutit péniblement. Le gfi
était brûlant et les larmes lui
montèrent aux yeux dans lesquels
s’était allumée une flamme. Son
regard était dur.
— Canaille, laissa-t-il tomber. Pas
jouer.
— Non, ce n’est pas un jeu et je
ne joue pas. Quand auront-ils
réparé la poupe de L’Orgueil, hein ?
Une idée m’est venue à l’esprit
quand le Aia lin a accosté : ils
pourraient très bien décider que je
n’ai plus la priorité, non ? Ils n’ont
plus besoin de hani, maintenant.
— Ils réparer.
— Bien sûr, ils feront le travail.
Pendant un moment, Jik resta
immobile, respirant à petits coups
saccadés mais, visiblement, les
pensées se bousculaient beaucoup
plus vite encore dans sa tête.
— Vous avoir paquet, eh ? Kif
avoir Tully, vous avoir paquet et
vous aller Mkks. Vouloir quoi ? Les
deux aux kif donner ?
— Peut-être conclure un marché.
Une ombre, juste un soupçon,
d’incertitude passa sur les traits du
mahe.
— Non. Cela faire non. (Ce n’était
plus une expression d’incertitude
mais de peur.) Vous trop beaucoup
intelligente, Pyanfar.
— Non. (Elle le regarda droit dans
les yeux.) J’ai des amis. N’est-ce
pas, Jik ?
Il lâcha un soupir.
— Vous paquet donner. Tonnerre,
hani ! Vous cette dose cacher
essayer. Officiels kshshti monter à
bord et prendre !
— Le maître de station ignore
l’existence de l’objet en question.
Non ? Personne n’est au courant, ni
Eseteno, ni Tt’om’m’mu, ni ce
scélérat de Stle stles stlen avec ses
babouches roses. Mais vous, vous
êtes au courant. Et moins il y aura
de personnes à connaître l’existence
de la chose, mieux cela vaudra, vous
ne croyez pas ? (Elle brandit une
griffe dans la direction de Jik.)
Pourquoi les kif ont-ils monté aussi
rapidement cette embuscade sur les
quais ? Comment nous sommes-
nous fait coincer comme ça, hein ?
— Vous penser maître de
station ?
— Et vous, vous pensez que les
kif ont simplement eu une
heureuse inspiration ?
— Eseteno, je connaître. Non.
Non, Pyanfar. Non. Il honnête.
Occuper fonctions longtemps. Je
confiance.
— Soit ; mais jusqu’à quel niveau
de la hiérarchie ses subordonnés
font-ils preuve de la même
loyauté ? Combien faut-il mettre
pour les acheter ? Les kif ont très
bien pu passer un marché avec des
proches d’un agent de la sécurité,
n’est-ce pas ?
La physionomie de Jik était
maintenant très grave. Il baissait les
oreilles.
— Toujours possible.
— Peut-être ont-ils même des
complices au sein de l’équipe de
radoub…
— Kif vouloir vous aller Mkks.
Facile là-bas faire sauter navire.
Sabotage pas besoin.
L’argument ne manquait pas de
poids. C’était ce que Pyanfar avait
entendu de plus réconfortant
depuis le guet-apens sur les docks.
Pesant le pour et le contre, elle
laissa retomber ses moustaches.
— Donner paquet, enchaîna Jik.
Ce paquet Maing Toi aller. Je
demander. Importance numéro un.
— Ce sont les observations d’Or-
Aux-Dents, n’est-ce pas ? Son
rapport… ce qui se passe dans
l’espace kifish. Et aussi du côté des
knnn.
Les courtes oreilles du mahe
s’aplatirent.
— Aucun profit conjectures
hasarder, Pyanfar.
— Eh bien, j’accepte le marché. Je
m’en remets à mon loyal ami
mahen. L’équipe de radoub
n’interrompt pas le travail et mon
ingénieur en chef inspecte les
pièces essentielles – vite.
— Compris.
— Vous avez une certaine
autorité, n’est-ce pas ? Beaucoup,
même. Comme Or-Aux-Dents.
Jik secoua ses oreilles.
— Un peu, oui.
— Un peu, n’est-ce pas ? Si vous
voulez ce paquet, comme vous
dites, vous venez à Mkks avec moi.
— Hani, je vos arrières protéger à
Gaohn !
— Eh bien, faites-en autant à
Mkks et le paquet est à vous.
— Vous canaille, murmura le
mahe.
— Tout comme vous. Ce que vous
dites, vous le faites. Ça, je le sais.
— Je Mkks aller.
— Haral, va chercher l’objet.
La navigante s’exécuta. Jik se
laissa aller contre le coussin de cuir,
attentif à ses mouvements. Il se
pencha vers Haral pour prendre
l’épaisse enveloppe chiffonnée et
dont le coin était marqué d’une
tache sombre.
— Tout dedans ? s’enquit-il.
— Tout ce qu’ils m’ont expédié.
Qu’allez-vous faire avec cela ?
— Essayer trouver capitaine
honnête.
— Dans ce port ? Tenez-vous à
l’écart des hani.
— A ? (Il la scruta. Lentement,
ses oreilles retombèrent pour se
redresser à nouveau. Sa
physionomie avait perdu son air
d’hébétude.) Ennuis, hein ?
— Oui. De gros ennuis, même.
— Venir, vous.
— Où ça ?
— Venir avec moi. Nous ces hani
parler.
— Non.
Jik se mit debout.
— Aller je. Choses à parler.
Vouloir connaître ?
— Vomissures des dieux, j’ai
suffisamment d’embêtements
comme ça ! Laissez-moi en dehors
de ces micmacs !
— Elles jalouses, eh ?
— Écoutez un peu, espèce
d’hurluberlu ! Il y a des lois, des
réglementations que j’ai déjà
enfreintes… Le han veut ma peau,
tu comprends ? Les choses vont mal
pour Chanur ! Vous voulez leur
apporter une preuve, c’est bien
cela ? Il est illégal que je me mette
au service d’un gouvernement
étranger, vous comprenez ? C’est
contraire aux conventions.
— Vous transporter
marchandises gouvernement
donner.
— Ça, c’est légal. Il y a une
distinction que vous connaissez, par
tous les dieux !
— Eh bien, vous transporter
cargaison. (Jik agita l’enveloppe.)
Légal pareil.
— Écoutez… écoutez-moi, Jik…
mon vieil ami. Elles cherchent un
alibi. Elles veulent trouver un
moyen pour me mettre en
difficulté, vous comprenez ? Vous
allez nous faire toutes écorcher
vives !
— Quel choix avoir ? Bonne amie
Pyanfar, non choix avoir. Devoir
paquet partir.
— Donnez-le aux tc’a !
Les oreilles de Jik frémirent.
— Non. (Une brève lueur – un
signal d’alarme – s’alluma dans ses
yeux.) Non super-bonne idée,
Pyanfar.
D’autres signaux d’alarme. Les
méthaniens – à la poursuite de
leurs propres intérêts…
Tt’om’m’mu et ses
phosphorescences violettes et
brouillées se redressant derrière la
vitre…
— Venir, Pyanfar. Peut-être
mieux vous présente, eh ?
Empêcher stupide mahe dire
faussetés à ces honnêtes hani ?
— C’est non ! Catégoriquement
non !
Pyanfar se leva, traversa la
passerelle en trombe non sans
bousculer Khym au passage. Se
retourna. Jik était planté sur ses
jambes, immobile, l’enveloppe dans
les mains et son visage mahen trop
étroit arborait une expression à la
Tully.
— Pyanfar.
— Il brandit l’enveloppe.
— Non, répéta-t-elle.
La Communauté
Les hani
La famille Chanur
La langue et la
religion hani
Les mahendo’sat
Les stsho
Les kif
Les tc’a
Les chi
Les chi ont l’aspect de bâtons
luminescents comme du néon. Ils
se déplacent avec une grande
rapidité et donnent souvent
l’impression d’être en proie à la
panique la plus totale. « Fou
comme un chi » est une maxime
hani d’usage courant.
On ne sait pas très bien si les chi
sont des partenaires des tc’a ou
leurs animaux de compagnie. Ils
sont capables de piloter des
vaisseaux mais ce sont des
navigateurs fantasques et
capricieux, et il est pratiquement
certain qu’ils n’ont pas eux-mêmes
inventé la technologie dont ils se
servent. On ne trouve pas de tc’a
sans chi, bien que les chi puissent à
l’occasion se constituer en colonies
où les premiers ne semblent pas
avoir accès.
Natifs de Chchchoh, les chi
accompagnent régulièrement les
tc’a dans les zones minières les plus
dangereuses. Aucun membre d’une
espèce respirant l’oxygène n’a
jamais signalé avoir fait escale sur
Chchchoh. Les tc’a ne le permettent
pas pour des raisons qui n’ont pas
été éclaircies. On sait que les chi se
reproduisent en faisant pousser un
second cerveau en un point médian
de leur corps. Puis des jambes
segmentées se forment. La fission
intervient et les jeunes se
dispersent. La notion de genre est,
en conséquence, aléatoire dans le
cas des chi. On a pu observer des
activités susceptibles d’être
interprétées comme des procédés
d’accouplement mais rien n’est
moins sûr.
Les knnn