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Le harpon fendit l'air. Les formidables squales menaçaient.

C’était un couple de
tintoréas, requins impétueux, à la queue faramineuse, au regard morne et vitreux,
qui extrayaient une matière phosphorescente par des cavités percées autour de leur
contour labial. Les yeux fragmentés de veinules rougeâtres, ils tournoyaient
félinement dans l'eau boueuse, sous le feuillage touffu des mombins qui se
rejoignait et s’enchevêtrait, formant une sorte de bauge. Se logeant dans la
nageoire dorsale de l'un des sélachimorphe, le harpon s'inocula dans l'organe
extérieur en une morsure qui s'infecta jusqu'à l'os. Il pénétra la chair meurtrie,
l'ouvrit et en broya l'intérieur. Voyant son compagnon défaillir, le second requin
vint lui prêter main forte et planta ses rangées de dents dans la manche ferrée du
dard. Celui-ci ne ploya pas sous la dureté de l'émail et s'immergea profondément
dans le corps du poisson cartilagineux, qui s'alarma et tenta de se débarrasser de
l'assaillant. S'octroyant un saut en longueur, les mâchoires avides, l'animal
inattaqué bondit en avant en vue de se saisir de nouveau de la manche, mais sous
l'effet de l'adrénaline, il ne vit pas le second harpon, qui après avoir pris son
élan, s'introduisit férocement dans sa gueule béante, le renvoyant de nouveau dans
l'eau fangeuse. Blessés et déséquilibrés, les squales nagèrent péniblement en
laissant couler derrière eux des traînées de fluide rouge. Le harpon sortit donc de
la nageoire charcutée et se laissa tomber aux côtés du premier prédateur marin. Le
second qui vit là une occasion en or, s'empara
de la lame de fer qui gisait à proximité du mourant, et déjà il avait ébranlé
l'agresseur, quand une flèche l’atteignit à la tête et le renversa mort dans la
mare de boue.

L'esclave sourit d'un air bonnasse. Tout cette pagaille fantasque et meurtrière au
milieu des ténèbres et de l’humidité froide qui tombait comme un suaire, laissait
dans son cœur et dans ses nerfs un long sentiment de plénitude. Bondissant hors de
sa cachette, il s'abbatit en un crissement assourdissant sur les cadavres
poissonniers et plongea ses dents dans la chair sanglante maculé de boue. Et nul
repas ne lui parut meilleur que ces bouchées frugales, cet arrière-goût de
saloperie, partagés avec son fidèle harpon dans l’attente d'une certaine liberté.
Ses canines blanchâtres déchiquetaient férocement la viande acquise, la
contorsionnait dans sa bouche désireuse et la broyait dans un mélange d'écailles,
de sang et de boue.

Du haut des plantations cannières, ses compagnons de fortune criaient victoire en


frappant leur sabre d'abbatis en rythme, les uns contre les autres, entamant un
chant traditionnel. Un ancien houngan, présent parmi la foule endiablée, lança les
premières notes du couplet ancestral de sa voix nasillarde.
“Mes aïeux ô, je crois en vous, vous m'avez défendu ô, je vous promets
sacrifice. Je vous promets...”
Et la multitude répondit en chœur, la tête bougeant au rythme de l'hymne:
“ Mes aïeux ô, je crois en vous, vous m'avez défendu ô, je vous promets
sacrifice. Je vous promets...”
La mère du vainqueur sortit de la foule dansante, les doigts emmêlés dans sa
chevelure saupoudrée de cendre et de débris, tressautant la poitrine sur l'air
vaudouesque:
“Mes aïeux ô, je crois en vous, vous avez défendu mon fils ô, je vous promets
sacrifice. Je vous promets...”

L'esclave victorieux sortit de l'eau. Sa bouche noire gardait encore les ruines de
son précédent repas. Son corps, drapé dans une vaste natte de feuilles végétales
garnie de peaux de chiens, était ceint d’un pagne, ensanglanté dans les derniers
combats. Il se cognait la poitrine du poing en émergeant, comme un véritable héros,
sous les acclamations de sa famille. Dans les lueurs orangés des chandelles
tremblotantes, toutes ces figures ravineuses d'où coulait une heureusité
indéfinissable procuraient au jeune homme une bouffée de joie certaine. Sa mère,
Nyokabi, courut à sa rencontre. On devinait à son teint de cire et à ses petits
yeux brillants qu'elle avait été fort belle par le passé, mais les circonstances et
la misère, favorisent-ils la beauté ? Certainement pas. Pourtant, malgré toutes les
années de sévice, elle avait conservé son sourire. Un large sourire qui illuminait
son visage sombre. Haussant ses talons rongés par la poussière, elle caressa la
joue de son fils.
« Mon fils, oui, tu es fort. Tu as hérité de la force de ton père et de tes
ancêtres. C'était un brave guerrier, tu sais...»
Le nègre toucha affectueusement la tête de sa mère. Sa coiffure était très
originale pour une esclave des champs ; elle se composait d’un madras de couleurs
éclatantes, posé à la façon créole, très en arrière, et contenant les cheveux qui
tombaient assez bas sur la nuque.
« C'est toi ma force, mère. Je t'aime, ne l'oublie jamais. »
La vieille Nyokabi secoua la tête.
« Ah, mon enfant, mon bel enfant. Que puis-je te répondre à cela ? Tu connais
déjà la réponse.»
Elle le prit dans ses bras et ils s’étreignirent avec un désespoir plus grand que
la nuit. Son cœur ne se serrait pas, n’était pas plus ou moins flétri ; non, sa
nature fraîche et fleurie se pétrifiait par la lente action d’une douleur
intolérable parce qu’elle était sans but. C'était une chose d'exterminer les
requins du comte Bonaparte, c'en était une autre de payer le prix, et cela n'allait
pas tarder. Nyokabi le sentait. À la manière dont ces frissons de solitude venus du
cœur, inquiets et troublés parcouraient son corps, elle savait qu'elle aurait dû
dissuader son fils de commettre un aussi horrible forfait, mais se serait se
mythonner si elle disait que l'acte de bravoure de sa progéniture l'avait déplu. Au
contraire, elle en était fière comme un bar-tabac.
« Sais-tu où je peux trouver grand-père ?», s'enquit le jeune homme.
Nyokabi fit semblant de longuement réfléchir.
« Demande à Toby, dit-elle. Il doit le savoir. Allez, moi je vais danser un
peu.»
Sur ses mots, la vieille femme s'éloigna en saisissant une petite fille par la
taille, l’enleva entre ses bras comme une balle de fougère, une sachée de
linaigrettes floconneuses, et la transporta doucement, en une série de mouvements
souples parmi les danseurs ; tandis que l'ancien houngan enchaînait un chant de
reconnaissance et de gratitude à la solidarité sororale, rythmé par le retour
liquide des «larmes», par l’évocation de la race blanche cruelle.
L'esclave couvrit sa mère d'un regard tendre avant de se mettre à la recherche de
Toby.

Toby, – nom qu'il a emprunté à son arrivée à St Domingue – était un jeune nègre
importé du royaume Kongo, dont le nez épaté concordait vachement bien avec ses
cheveux crépus coupés ras. Il avait surtout deux mâchoires arquées qui, broyant les
aliments avec un craquement d’os, de nerfs et de muscles, montraient toutes leur
anatomie. Ceci ne voulait pas dire qu’il avait des appétits énormes, mais
simplement qu’il avait le coup de dent décisif, ce qui ne manquait jamais d'étonner
les autres esclaves. On pouvait bien le jumeler au fils de Nyokabi.

D'ailleurs, celui-ci le trouva assis devant sa case, composée de quelques piquets


surmontant un toit en feuilles de cocotiers entrelacées, traçant des courbes
étranges dans la poussière avec son doigt. Les marques de sa précédente correction
étaient encore visibles sur la peau nue de son dos. Toutefois, ses blessures
avaient cicatrisé.
« Onè Toby, dit le nègre. Je ne t'ai pas vu aux célébrations, où étais-tu ?»
— Respè, répondit-il. Madame la bourgeoise m'avait donné une commission à finir.
Sinon j'aurais bien aimé assister à ton combat »
Toby était, en réalité, une chiffe molle, il ne savait pas refuser. Il n’était que
trop facile qu’un jeune homme ambitieux, et dont le cœur et le jugement n'étaient
pas assez formés pour distinguer le bon du mauvais, soit corrompu par des maximes
qui flattaient ses passions. Mais tout prenait différente tournure lorsque ce
jeune, jadis ambitieux se voyait confronter pour la première fois aux maximes
lucifériennes d'une bouche rouge et d'une paire de seins ivoire.
« Tu dois arrêter de céder aux caprices de cette blanche, le prévint-il. Je
n'aime pas te voir courir d'ici et là, et tout ça pour les beaux yeux d'une
bourgeoise.
— Elle est belle Joé, rétorqua t-il. Elle est si magnifique et c'est sa beauté
qui me détruit.
— Nos négresses sont toutes aussi jolies. Regarde Aminata, c'est une très belle
fille et je suis sûre qu'elle doit bien t'aimer.
— Ne me dis pas que tu as laissé ta fête pour venir me parler d'échelle
sociale?», s'étonna Toby.
L'esclave rit légèrement.
« Non, en effet. Je suis venu te demander des nouvelles de grand-père ?
— Il est dans sa case. Va maintenant et laisse moi rêver. »

Joé se précipita, le cœur battant à tout rompre. Rares et maigres, pauvres et


bruyantes étaient les habitations traversées et, dans celles-ci, nombreuses étaient
les personnes manifestement abandonnées, les bicoques délabrées où tout en fait des
ruines.
La case du patriarche, faite de troncs d’arbres à peine dégrossis, était à peu de
distance de "la maison" ; le nègre désignait ainsi par excellence la demeure du
maître.

Lorsque Joé passa le seuil, son grand-père était avachi sur sa couche. Plus loin
dans la pièce, une mère frissonnant de fièvre à même le sol, des bébés hurlant et
des puanteurs cruelles, des échos excrémentitiels, imposaient sur tout cela leur
dictature. Il prit la main de son grand-père. Celle-ci était froide, grandement
humide et tremblait.
« Papa, commença t-il. Je me suis vengé d'eux, tu peux être fier de moi. J'ai
tué leurs bêtes, tout comme ils t'ont fouetté jusqu'au sang. »
L'esclave frotta sa main contre la sienne pour lui communiquer un peu de sa
chaleur. Les chevilles du malade, tuméfiées par la pression des chaînes, s'étaient
déchirées. Une plaie s'était formée, ichoreuse, putride, entourée d'une auréole
d’inflammation violente. Cela ne fit qu'attiser davantage la colère du nègre.
« Je sais que la sentence sera dure Papa, je sais. Mais je vais tout subir,
comme un vrai homme. Comme tu me l'as appris. Et s'ils essayent encore de te faire
du mal, je tuerai tous leurs semblables, sans exception. »
Il prit une pause, les narines palpitantes comme un taureau en fureur.
« Je sais aussi que tu n'es pas très heureux de mes actions, tu as toujours été
un homme passif et sage. Mais moi, je suis dahoméen et les dahoméens ont le sang
chaud. »
Le vieillard souriait par moments, tout au long du monologue ; mais parfois aussi
des expressions soucieuses attristaient passagèrement sa figure desséchée.
Agrippant la main de son petit-fils, il déclara :
« Tu es impulsif mon garçon, et ce n'est pas bien. Mais, je suis heureux pour
toi. Heureux de voir que tu es enfin devenu un homme. Maintenant, je peux mourir en
paix.
— Ne répète jamais une telle chose, s'écria l'esclave. Tu devras vivre, du moins
jusqu'à ce que je mette une raclée au comte. »
À cette annonce, le grand-père fut saisi d’un accès de rire en trois quintes si
violentes qu’elles dévièrent une coulée de salive gluante, et Joé crut qu’il allait
périr sous ses yeux ; mais quelques tapes dans le dos lui permirent de retrouver sa
respiration.
« Ah, mon enfant, tu parles comme ton père, s'amusa t-il. Lui aussi rêvait
d'abattre un membre de l'aristocratie.
— Dans ce cas, je tuerai deux. Un pour moi, et un pour lui. Si tu veux, je peux
aussi descendre un à ton nom. »
Le patriarche partit dans un autre fou rire, et cette fois-ci, son petit-fils
l'accompagna. Même s'il riait à s'en tordre les côtes, l'esclave sénior savait que
ce n'était pas des paroles en l'air. Si Joé disait faire quelque chose, Joé le
ferait.
« Alors, ces requins?», s'enquit-il en toussant fortement.
— Je les ai tué et j'ai aussi mangé de leurs chairs pour m'imprégner de leurs
forces.
— Les ancêtres sont fiers de toi, n'en doute jamais. Mais je redoute les
conséquences, soupira t-il. Demain sera un carnage.
— Demain, oui. Mais maintenant, non. Alors viens avec moi et célébrons notre
victoire comme de braves guerriers. Allons danser.
— Je suis déjà trop âgé, fit remarquer le grand-père. Toi, vas-y.
— Je refuse cela, s'entêta le jeune homme. Tu viens danser avec moi. »

Disant cela, il tira les feuilles de bananiers qui recouvraient le buste du


vieillard et ce qu'il vit lui glaça le sang. Une sueur froide le fit chanceler sur
ses jambes flageolantes, comme si elles eussent été bourrées de coton et son corps
perdit l'équilibre.

Le torse nu du patriarche était zébré d'entailles rougeâtres qui longeaient sa cage


thoracique et qui s'enroulaient autour de lui comme une liane maléfique. Des lignes
de sang le déchiraient, par mille plaies béantes et répugnantes ; l'humidité lui
montait dans le corps, ballonnait son ventre, termitait ses poumons. Sa respiration
était erratique, il suait à grosses gouttes. Il tremblait.
« Qui t'a fait ça ? Grogna Joé d'une voix courroucée
— Ce n'est pas important. Répondit le mutilé en grimaçant
— Tu dois être soigné tout de suite, à risque d'infection. Tu dois être soigné,
je ne veux pas te perdre Papa. »
Celui-ci sourit tristement. D'un sourire franc mais désespéré ; ce genre de sourire
qu'on offrait à un mort dans son sépulcre.
« C'est trop tard mon garçon. Nous n'avons pas les soins nécessaires pour cela.
Je vais bientôt rejoindre les miens.
— Non, s'opposa le jeune homme. Je vais aller te chercher les médicaments
convenables. Promet moi juste de m'attendre.
— Tu es courageux, fils d'Onana, mais c'est impossible. Accepte-le et tout ira
bien.
— Fais-moi cette promesse. Tu as survécu à bien pire, ce ne sont pas des petits
coups de fouets qui te tueront.
— Je suis vieux, comprends-tu ? Ma mission sur terre est finie.
— Fout! Tu vas me la faire cette promesse ou pas! Njoroge, je te parle!
Comporte toi en homme !
— Je n'ai jamais été un homme, susurra ce dernier, agressé par les souffrances
de ses blessures. Mais toi tu l'es, alors sois raisonnable.
— Njoroge ! S'exclama Joé. Je t'interdis de mourir ! Si tu te permets un tel
loisir, je tuerai ma mère et mes compagnons avant de me tuer moi-même. Nos vies
dépendent de ta réponse, alors réfléchis bien. »

Le vieux Njoroge regarda son petit-fils. Les traits d'une détermination purement
réfléchis se reflétaient sur sa figure. Gémissant théâtralement, le vieux abdiqua:
« Pourquoi tiens-tu tant à me maintenir dans ce monde criminel?
— Là n'est pas la question. Donne-moi juste ta réponse.
— Je promets de t'attendre. Mais ne t'éternises pas non plus. »

Joé se renversa sur un petit banc, épanoui, les prunelles chargées de jubilation,
le ventre ballotté de remous. Son grand-père allait vivre encore de longues
années ; il le savait. Alors, il ferait tout son possible pour lui dénicher les
remèdes indispensables.
Vétéran chevronné d'un groupe d'esclaves, grand dérobeur de pommes et grand
chapardeur de canne à sucre, ce serait chose facile pour le jeune homme de voler
quelques objets de premier secours, mais le plus complexe restait à s'introduire à
l'intérieur du camp. Mais il essayerait d'y rentrer ; et si quelque malheur oserait
venir se mettre en travers de sa quête, les aïeux l'extirperait de cette mauvaise
passe, comme à l'accoutumée.
Njoroge fouilla parmi les épaisseurs de feuilles végétales qui garnissaient sa
couche et en sortit une lame brillante et tranchante. Lorsque l'arme fût hors de
son sanctuaire secret, Joé vit que ce fût une hache, emmanchée d'or et sertie
d'émeraude.
Le vieillard la lui mit dans les bras.
« Elle avait appartenu à mon arrière grand-père qui était de son temps, un
vaillant soldat, expliqua t-il. Lors d'un énième combat où il en sortit victorieux,
le roi de Dahomey lui fit cadeau de cette hache. Et c'est ainsi qu'il passa de
génération en génération. Je te la donne. Fais en bon usage mon garçon.
— Est-ce un cadeau d'adieux? », demanda le jeune homme.
Les yeux noirs du patriarche brillèrent puis, tout à coup, à la suite d’une
dilatation volontaire des pupilles, cet éclat s’amortit pour se noyer dans la
chaude et trouble aimantation des prunelles.
« Je suis un homme de parole, dit-il. Alors, j'attendrai ton retour. »
Joé hocha la tête et glissa la hache dans une macoute qu'il accrocha à son épaule.
Par la fenêtre entr’ouverte, l’air entrait, gonflant comme une voile son pagne
taché, et il aperçut un pan de ciel bleu couvert de joyaux astrales. L'aube
blêmissante n'allait pas tarder à monter. Il devait exécuter sa mission dans la
plus grande des rapidité.
« Tiens bon Njoroge. C'est un ordre. », déclara le jeune homme.
Celui-ci acquiesça docilement et tandis que l'esclave passait le pas de la porte,
sa voix, entrecoupée de quinte gutturale, s'éleva dans la case en un douloureux
supplice.
« Mon garçon, fais-les voler. »
Joé arrondit le dos en s’inclinant, son grand-père l’honora d’un salut de tête qui
ne mettait en jeu que les vertèbres de son cou.
C'était leur façon à eux, particulière en son genre, de se dire au-revoir et bonne
chance.

Dehors, les réjouissances étaient toujours de neuf. Les femmes se trémoussaient au


son des tambourins ; les hommes frappaient rageusement sur les instruments en
conduisant la chorale.
“ Papa gede bèl gason!”
Chantonnait l'houngan en guise de préambule, tandis que tous répondaient d'une voix
ferme et synchronisée.
“ Gede nibo bèl gason! ”
Et la femme dont la voix était la plus claire du groupe enchaînait suivant le
rythme:
“ Abiye tou an blan, pou l al monte o palè. Lè l abiye tou an blan...
La multitude criait: “...li pòtre yon depite. ”
La femme à la voix d'or reprenait : “ Lè l abiye tou an nwa...
La multitude criait une nouvelle fois : “ ...li pòtre yon senatè. ”
Et tous les voix mélangées chantaient ensemble : “Ay manman gede, se vre anjelik o
! ”

À l'entente de l'hymne, les vaudoux parurent subitement pris de vertige et ils


furent à l’instant agités de mouvements convulsifs dans lesquels la partie
supérieure du corps, la tête et les épaules semblèrent se disloquer ; une
exaltation fiévreuse s’empara de tous. Les ancêtres, notamment appelés « loa »
étaient parmi eux et venaient chevaucher leurs fidèles « choual ».

Joé ne voulait pas faner la joie de ses semblables avec la nouvelle de sa mission
suicide, ni troubler l'arrivée des esprits, alors il se contenta de réciter
quelques prières pour souhaiter la bienvenue aux dieux et quémander la protection
du patriarche, puis se retira discrètement.

Vingt pas plus tard, les réjouissances, les cris et les chants le suivirent encore.

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