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SOUS LE SOLEIL DE
SATAN
(1926)
Table des matières
– Jure-le, Malorthy !
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Il réfléchit un moment :
– Oh ! non…, fit-elle.
– Gardez-moi, fit-elle.
– Répondre quoi ?
– Je ne te crois pas ?
– Vous pouvez les garder, vos cinq cents louis ; ils vous
font plus besoin qu’à moi !
Avoir, une heure plus tôt, franchi la nuit d’un trait vers
l’aventure, défié le jugement du monde entier, pour trouver
au but, ô rage ! un autre rustre, un autre papa lapin ! Sa
déception fut si forte, son mépris si prompt et si décisif
qu’en vérité les événements qui vont suivre étaient déjà
comme écrits en elle. Hasard, dit-on. Mais le hasard nous
ressemble.
– Emmène-moi, dit-elle.
– À Paris… n’importe où !
– Allons-nous-en demain ?
– Peut-on savoir ?
– Et jeune ?
– Voyez-vous…
Elle était elle-même aussi pâle que son petit col. Elle
répondit : « Non ! » les dents jointes.
……………
Elle suivit des yeux son étrange amant glissant sur ses
pantoufles de feutre, serré dans sa jaquette aux pauvres
basques, au col étroit, luisante aux coudes.
– Quelle idée ?
– Voyons… Germaine…
– Sapristi ! fit-il.
Elle lui ferma la bouche. Il sentit sur les lèvres ses cinq
doigts :
– Quand tu voudras.
Il dit en riant :
– Lequel ?
– Voilà ! fit-elle.
– Germaine !
Elle sourit.
– C’est la dernière. Je vais être sage.
– Dis toujours.
– Tu te moques de moi !
– Oui, je le jure.
– Cette question !
– Et de rentrer ?
– Non !
– Et sitôt le… l’acte commis… tu t’es sauvée ?
Elle tressaillit.
– Cela signifie ?
– C’est-à-dire ?
– Qui t’a vue sortir ? Qui t’a vue rentrer ? Quelle preuve
a-t-on ? Pas un témoin, pas une pièce à conviction, pas un
mot écrit, pas même une tache de sang… Suppose que je
m’accuse moi-même. Nous serions manche à manche, ma
petite. Pas de preuves !
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………………
Il lui prit les deux mains dans une seule de ses larges
paumes, et de l’autre il frappait sur elles à petits coups.
Il s’approcha, confidentiel :
Il mit les deux mains sur ses épaules, le força à plier les
genoux, lui fit toucher le sol des genoux… Mais, tout à
coup, d’une poussée, le vicaire de Campagne se rua sur
lui. Et il ne rencontra que le vide et l’ombre.
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– Je vous hais !
– ÉPARGNEZ-MOI, MA FILLE !
……………
– À ct’heure ?
Après un temps :
– Je vais écrire… non ! j’irai plutôt, j’irai voir le chanoine
Couvremont, l’ancien directeur du grand séminaire. C’est
un confrère très sûr, très ferme. Il avisera. D’ailleurs, je ne
doute point que nous ne tombions vite d’accord, lui et moi.
Je prévois aisément sa décision…
Il hésita encore :
***
C’est alors que par deux fois la porte basse, qui donne
sur la route de Chavranches, claqua. Dans la courette, le
poulailler tout entier battit des ailes. Le chien Jacquot
secoua sa chaîne, et tous ces bruits ne firent qu’une seule
note claire, dans le clair matin.
Cette salle est une belle pièce, une très belle pièce,
bien cirée. On y voit six chaises de paille, deux bécassines
empaillées sur la cheminée de marbre gris, à côté d’un
gros coquillage, et une monumentale statue de Notre-
Dame de Lourdes, en plâtre blanc, d’un terrible blanc
bleuté (sœur Saint-Mémorin l’a rapportée de Conflans-sur-
Somme, aux dernières vacances de Pâques). Il y a aussi
une Mise au tombeau, dans un cadre de chêne, toute
piquée de moisissure. Et encore, sur le papier aux
ramages pâlis (un vrai papier d’auberge), près de l’unique
fenêtre, une grande croix de bois noir sans Christ, toute
nue.
– Ne me tentez pas !…
– Ce désespoir…, commença-t-il.
– Et jamais avant ?…
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