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MA0812 – Distributions
MA0812 - Distributions
François Vigneron
Équipe pédagogique
Responsables
Syllabus
VIGNERON François (Responsable) Département : Mathématiques, Mécanique, Informatique (UFR SEN)
Modalités pratiques : ∼15 séances de 2h en CM-TD intégré.
Volume horaire
Nature CM TD Total
https://thor.univ-reims.fr/ufrsen/fiche.php?EC=MA0812 1 Page 1 of 2
2
Connaissances requises
— MA0721 : Analyse fonctionnelle 1
Espaces de Hilbert. Projections. Supplémentaires. Théorèmes de représentation de
Riesz et de Lax-Milgram. Bases hilbertiennes. Théorème de Hahn-Banach.
— MA0731 : Analyse de Fourier
Convolution. Transformation de Fourier dans L1 , L2 et S sur Rn . Transformation de
Laplace. Applications : équations différentielles, équation des ondes et de la chaleur.
Programme
— Dualité : rappels, enjeux, changement de point de vue sur les fonctions.
— Fonctions test, distributions. Exemples classiques.
— Opérations sur les distributions : dérivation, multiplication par une fonction lisse, convolu-
tion par une fonction test.
— Convergence au sens des distributions. Approximation d’une distribution par une suite de
fonctions lisses.
— Distributions tempérées. Transformation de Fourier. Application aux EDO. Solution fonda-
mentale du Laplacien.
— Espace de Sobolev H01 et application au problème de Dirichlet en dimension 1.
???
L’image d’accroche de ce cours a été produite par le Centre de Mathématiques Laurent Schwartz de l’École
Polytechnique. Laurent Schwartz (1915-2002) a imaginé cette théorie et aimait les papillons.
Introduction
— Les nombres : La droite réelle R et le plan complexe C sont le cadre naturel pour résoudre
des équations algébriques √comme x2 − 3x + 2 = 0 (solutions entières 1, 2), x2 − 2 = 0
(solutions irrationnelles ± 2) ou x2 + 1 = 0 (solutions complexes ±i). La droite réelle
permet de modéliser des problèmes ordonnés ; le plan complexe est un outil de choix pour
les problèmes qui ont une structure amplitude/phase.
— Les mesures : la théorie de la mesure est le cadre naturel pour développer le calcul intégral.
C’est aussi le cadre naturel pour la théorie des probabilités et un outil de modélisation
puissant.
Une distribution est une forme linéaire continue sur l’espace des fonctions C ∞ à support
compact, qui est continue en un certain sens faible. Si cette définition est probablement
mystérieuse à ce stade, sa formulation met en évidence qu’on va devoir coupler de l’algèbre linéaire
et des espaces fonctionnels, ce qui implique de travailler en dimension infinie et nécessite de prêter
une attention particulière aux questions de topologie.
1. Les difficultés liées aux non-linéarités constituent des sujets de recherche actifs.
3
4
L’accélération (qui, à la masse près, correspond à la force reçue par la boule) se calcule en dérivant
la vitesse. Le résultat est beaucoup plus problématique car
d2
f (x) = |x| = 0 si x 6= 0
dx2
et Z x
f (ξ)dξ = 0 6= v(x) + cte.
0
Mathématiquement, on est obligé de conclure que la boule de billard ne reçoit aucune force, ce
qui est absurde, puisqu’un choc a clairement lieu à l’origine. Le cadre fonctionnel classique n’est
donc pas adapté et ne permet pas de rendre compte de la présence d’un saut d’amplitude 2 pour
la vitesse. Le cadre des distributions va permettre de donner un sens rigoureux (et une intuition
correcte) à la notion de dérivée d’une fonction discontinue. Au terme de ce cours, nous écrirons :
d2
f (x) = |x| = 2δ0
dx2
où δ0 est la distribution (ou “fonction généralisée”) de Dirac, qui est un objet fonctionnel, nul
presque partout, mais dont la contribution intégrale dans tout voisinage de l’origine est unité.
La théorie des distributions est suffisamment riche pour exprimer confortablement les phé-
nomènes physiques. Mathématiquement, elle reste cependant très sobre (voir le Théorème 24) :
c’est la plus petite extension du cadre fonctionnel classique, contenant δ0 et dans laquelle les dé-
rivations sont continues. L’intuition de l’objet δ0 est celle de la masse ponctuelle ou de la force
associée à un choc. La dérivée δ00 a aussi un sens physique, correspondant par exemple à un dipôle
électromagnétique.
Chapitre 1
Dualité
Résumé : La dualité est une notion essentielle pour formaliser certains problèmes. Rappels sur
les formes linéaires. Un élément d’un espace de Hilbert peut être entièrement déterminé par dualité.
Cahier des charges. Etablir une procédure efficace pour intégrer n’importe quel polynôme P
de degé 2 sur [0, 1]. Les polynômes sont donnés de façon fonctionnelle : on peut les évaluer en
n’importe quel point, mais les coefficients ne sont pas connus directement.
Méthode naïve 1. On pourrait essayer d’évaluer l’intégrale avec une méthode universelle de
quadrature, comme la méthode des rectangles :
Z 1 N −1
1 X
P (x)dx = lim P (n/N ).
0 N →∞ N
n=0
Mais cette méthode nécessite un très grand nombre d’évaluations de P (coûteux) et n’utilise pas
l’information de structure polynomiale (peu optimisé).
Méthode naïve 2. Une seconde méthode consiste à deviner les coefficients de P (x) = a+bx+cx2
à l’aide de plusieurs évaluations. On a
5
6 CHAPITRE 1. DUALITÉ
numériquement bien plus naif en prenant les taux d’accroissements habituels). Ensuite, on applique
la formule d’intégration :
Z 1 1
bx2 cx3
b c
P (x)dx = ax + + =a+ + ·
0 2 3 0 2 3
Cette méthode utilise la structure polynomiale, mais nécessite encore de nombreuses évaluations
pour identifier les coefficients (coûteux, peu précis).
Méthode linéaire, un peu moins naïve. On peut améliorer la méthode précédente en résolvant
un système linéaire au lieu de calculer les dérivés de façon approchée :
a
= P (0) a = P (0)
1 1
a + 2 b + 4 c = P (1/2) ⇐⇒ b = −3P (0) + 4P (1/2) − P (1)
a+b+c = P (1) c = 2P (0) − 4P (1/2) + 2P (1).
p1 (x) = 2(x − 1/2)(x − 1), p2 (x) = 4x(1 − x), p3 (x) = 2x(x − 1/2)
car, par construction, pi (xj ) = δi,j . C’est une base donc tout polynome de degré ≤ 2 est une
combinaison linéaire (unique) de p1 , p2 et p3 :
3
X
P (x) = P (xi )pi (x) = (2x2 − 3x + 1) · P (0) + (4x − 4x2 ) · P (1/2) + (2x2 − x) · P (1).
i=1
Cette formule “abstraite” entre formes linéaires exprime un algorithme très concrêt :
Pour calculer l’intégrale sur [0, 1] d’un polynôme de degré au plus 2, il suffit de faire
une combinaison linéaire de 3 évaluations. Les coefficients de cette combinaison linéaire
qui sont les intégrales des polynômes interpolateurs associés aux points d’évaluation.
La clé de cette formule est le lien général entre une base duale et sa base pré-duale. La dualité nous
a donc permis d’expliquer la formule de quadrature et constitue une méthode universelle pour
résoudre des problèmes similaires.
Remarque. La méthode précédente peut encore être légèrement améliorée si on choisit convena-
blement les points d’évaluation. On peut en effet s’arranger (quadrature de Gauss) pour que l’un
des polynômes interpolateur soit d’intégrale nulle, ce qui réduit le nombre d’évaluations effectives à
deux : https: // en. wikipedia. org/ wiki/ Gaussian_ quadrature .
L’idée principale du chapitre est qu’on peut utiliser des formes linéaires pour “crypter” des vecteurs.
Plus généralement, L est entièrement déterminée par l’image d’une base. L’information h est donc
cryptée de manière redondante dans L.
8 CHAPITRE 1. DUALITÉ
Cet exemple peut se généraliser à une classe importante d’espaces vectoriels dans lesquels on dispose
d’un produit scalaire : les espaces de Hilbert.
Exemple 4. Si E est un espace de fonctions, des exemples importants de formes linéaires sont :
1. L’evaluation de la fonction ou de ses dérivées :
2. L’intégration :
Z b
Ia,b (f ) = f (x)dx. (1.2)
a
Remarque. La formule définissant Evalx a un sens si E ⊂ C 0 (R). Celle pour Derkx pré-suppose
que E ⊂ C k (R). Pour définir Ia,b , on vérifie d’abord que E ⊂ L1 (a, b) et pour le test, il faut
s’assurer que
E → L1 (R)
Mφ
f 7→ f φ
Au delà de l’aspect formel des calculs, il est donc très important d’être vigilant au choix de l’espace
fonctionnel ambiant.
Définition. Une forme linéaire continue sur E est une application L : E → R (ou C) telle
que :
1. ∀u, v ∈ E, ∀λ ∈ R(ou C), L(u + λ · v) = L(u) + λL(v).
2. ∃C ≥ 0, ∀u ∈ E, |L(u)| ≤ C kukE
La constante C ne doit pas dépendre u. La plus petite (et donc meilleure) constante possible est
|L(u)|
kLkE 0 = sup . (1.4)
u∈E kukE
On désigne par E 0 l’espace vectoriel des formes linéaires continues sur E, muni de la norme ci-dessus.
On dit que E 0 est l’espace dual de E.
Exercice 6. Montrer que L(x1 , x2 , x3 ) = αx1 + βx2 + γx3 est une forme linéaire continue sur
E = R3 et que p
kLkE 0 = α2 + β 2 + γ 2 .
Exercice 7. L’application L(f ) = f 0 (0) est une forme linéaire sur E = C ∞ (R).
1. Montrer qu’elle est continue sur E, pour la norme C 1
kf kC 1 = kf kL∞ +
f 0
L∞
2. En considérant la suite de fonctions fn (x) = arctan(nx), montrer que L n’est pas continue
sur E, pour la norme L∞ .
|Lh (x)|
khkH = sup · (1.6)
x∈H kxkH
Il est légitime de se demander s’il est possible de retrouver h si on connait seulement les valeurs
numériques L(f ) pour suffisamment de fonctions test f . La réponse (positive) est donnée par le
théorème suivant.
Théorème 2 (Représentation de F. Riesz). Si L est une forme linéaire continue sur H, il existe
un unique h ∈ H tel que L = Lh c’est à dire tel que :
∀u ∈ H, L(u) = (h|u).
Démonstration. Soit L ∈ H 0 . Alors Ker L est fermé donc, par le théorème de projection sur un sous-
espace fermé (voir eq.(4.3)), H = Ker L ⊕ (Ker L)⊥ . Si L = 0, alors L = L0 ; sinon dim(Ker L)⊥ =
dim Im L = 1 et on choisit un vecteur unitaire e ∈ (Ker L)⊥ ; alors L = LL(e)e
Exercice 10. Sur H = `2 (N), quelles suites représentent les formes linéaires suivantes :
∞ ∞
X un X
L0 [(un )n∈N ] = u0 , L1 [(un )n∈N ] = , L2 [(un )n∈N ] = nun .
n!
n=0 n=1
Remarque. En dimension infinie, la complétude de H est indispensable. Elle est utilisée indirec-
tement à travers le théorème de projection sur un sous-espace fermé.
est continue car |L(P )| ≤ π 1/2 kP k mais elle ne peut pas être représentée par le produit scalaire
avec un élément h ∈ R[x]. En effet, par le théorème de Stone-Weierstrass, il existerait alors une
suite Pn de polynomes qui converge uniformément vers h(x) − sin(x) sur [−π, π]. Alors
Z π Z π
(h|Pn ) − L(Pn ) = 0 = (h(x) − sin(x))Pn (x)dx → |h(x) − sin(x)|2 dx.
−π −π
donc h(x) = sin(x) pour tout x ∈ [−π, π], ce qui est impossible puisque (par exemple) h n’admet
qu’un nombre fini de dérivées non-nulles à l’origine, contrairement à la fonction sinus.
Remarque. La correspondance entre L et h dépend très profondément du produit scalaire utilisé.
Elle n’est donc, en rien, une correspondance canonique !
Exemple 12. On considère R3 [x] muni du produit scalaire
Z 1
(P |Q)1 = P (x)Q(x) dx.
−1
2b 2c 2d
La forme linéaire L(a + bx + cx2 + dx3 ) = 2a + 5 + 3 + 7 représente le polynome
H = 1 + x3 .
la même forme linéaire représente alors le vecteur H∗ = 104 − 1080x + 2520x2 − 1608x3 .
On cherche à identifier le minimum de tests à réaliser pour déterminer une forme linéaire.
Proposition 3. Si X est une partie totale de H alors toute forme linéaire continue L est entière-
ment déterminée par sa restriction L|X .
Démonstration. Soient deux formes linéaires continues L1 et L2 telles que L1 (φ) = L2 (φ) pour
tout φ ∈ X. Le théorème de Riesz fournit hi ∈ H tel que Li = (hi |·). Comme Vect X est dense, il
existe φn ∈ Vect X qui converge vers h1 − h2 dans H. Alors la suite numérique ((h1 − h2 |φn ))n∈N
converge simultanément vers kh1 − h2 k2H par continuité de Lh1 −h2 , et vers 0 car
h1 − h2 ∈ X ⊥ = (Vect X)⊥ .
Exemple 13. En dimension finie, on peut prendre pour X n’importe quelle base de H.
12 CHAPITRE 1. DUALITÉ
1.5 Conclusion
On peut définir complètement un élément f ∈ H d’un espace de Hilbert (ex. un vecteur de Rn ,
une fonction polynome, une suite de `2 , une fonction de L2 (I),. . . ) en se donnant les valeurs du
produit scalaire (f |φ) pour tout φ ∈ H.
En fait, il suffit même d’avoir un certain nombre de tests φ “bien choisis” (et pas nécessairement
tout φ ∈ H). Par exemple, si H est de dimension finie n, il suffit de connaitre n valeurs de test sur
une base pour déterminer complètement f . En dimension infinie, il faut une infinité de fonctions
test pour déterminer f , choisies pour constituer une famille totale, i.e. l’espace engendré par les
fonctions test est dense.
Ceci est l’idée fondamentale des distributions : pour représenter des fonctions très “singulières” on va
les encrypter dans des formes linéaires. Et on va alors chercher a restreindre la classe des fonctions
tests pour qu’elle soit une classe minimale mais néanmoins universellement dense. En poussant
cette idée, on peut aller jusqu’à abandonner complètement l’idée de fonctions au profit des formes
linéaires. On réussira ainsi, dans la suite de ce cours, à définir des objets qui se comportent comme
des fonctions mais qui au sens strict, n’en sont pas.
2. Construire une suite gn ∈ E de fonctions affines par morceaux telles que lim kgn − gkL1 = 0
où (
0 x < 1/2
g(x) =
1 x ≥ 1/2.
Montrer que E est le noyau d’une forme linéaire continue. Montrer que E est l’orthogonal du
sous-espace engendré par la fonction constante 1. Calculer la distance entre f (x) = ex et E.
Exercice 19. Soit H un espace de Hilbert et T : H → H une application linéaire continue. Montrer
qu’il existe une unique application linéaire T ∗ : H → H telle que :
Montrer que kT k = kT ∗ k.
On obtient donc :
3
X 3
X
T = T (pi ) Evalxi = p0i (2) Evalxi = 5 Eval0 −12 Eval1/2 +7 Eval1 .
i=1 i=1
Cette formule ne subsiste pas dans F = Rn [x] si n ≥ 3 car l’espace dual F 0 est de dimension n + 1
et n’est donc pas engendré par (Evalxi )i=1,2,3 .
14 CHAPITRE 1. DUALITÉ
Ces deux écritures font intervenir des noyaux de formes linéaires. La première privilégie le point
de vue "valeurs ponctuelles" alors que la seconde privilégie le calcul intégral et ne nécessite aucune
dérivation de la fonction inconnue.
donc L est une forme linéaire continue sur l’espace vectoriel normé (E, k·kC 1 ). Par contre, la suite
de fonctions fn (x) = arctan(nx) satisfait
0 n
kfn kL∞ = π/2 mais L(fn ) = fn (0) = 2 2
=n
1 + n x x=0
donc L est une forme linéaire discontinue sur l’espace vectoriel normé (E, k·kL∞ ). Au passage,
cet exercice démontre que les topologies k·kL∞ et k·kC 1 ne sont pas équivalentes sur E.
1.7. CORRIGÉ DES EXERCICES 15
1
vérifie kgn − gkL1 = 2n → 0. En particulier, c’est une suite de Cauchy :
1 1
kgp − gq kL1 ≤ kgp − gkL1 + kg − gq kL1 = + −→ 0.
2p 2q (p,q)→∞
Comme g 6∈ E, la suite gn ne converge pas dans E. L’espace E muni de la norme k·kL1 n’est donc
pas complet.
(x|a)
Le projeté orthogonal de x ∈ H sur {a}⊥ est donc x̃ = x − kak2
a et (faire un dessin)
|(x|a)|
d(x, {a}⊥ ) = kx − x̃k = .
kak
R1
E est le noyau de f 7→ 0 f (t)dt qui est une forme linéaire continue sur L2 ([0, 1]) par Cauchy-
Schwarz. C’est aussi l’orthogonal de 1 car
Z 1
(1|f ) = f (t)dt.
0
kT xk
kT k = sup ·
x∈H kxk
∀x ∈ H, (T x|y) = (x|ỹ)
kT ∗ yk ≤ kT k kyk .
Résumé : Exemple d’utilisation de la dualité pour résoudre une equation elliptique sous-forme
variationnelle. Notion de convergence faible dans les espaces de Hilbert.
Ces énoncés nous permettent de changer complètement de point de vue sur l’égalité des fonctions.
Au lieu de considérer f = g comme une identité ponctuelle, c’est à dire
∀x ∈ R [ou p. p. x ∈ R], f (x) = g(x),
on peut considérer l’égalité hf | = hg| des formes linéaires introduites en (1.3) :
∀φ ∈ C ∞ (a, b), hf |φi = hg|φi.
D’après la proposition 4, ces deux notions d’égalité sont équivalentes dans la classe des fonc-
tions C 0 (a, b). La proposition 5 assure que ces notions coïncident aussi dans la classe L1 (a, b).
Remarque. Il convient de faire attention (voir Annexe B) à ce que les “fonctions” de L1 (a, b)
sont en fait des classes d’équivalence presque partout. À la différence d’une fonction C 0 (a, b), une
fonction intégrable n’a pas de valeurs ponctuelles.
19
20 CHAPITRE 2. TRANSITION VERS LES DISTRIBUTIONS
Résultats préliminaires
Une démonstration possible des résultats précédents repose sur les outils suivants.
Exercice 22. Soit f ∈ L1 (R). On rappelle (et admet) une propriété importante de la théorie de la
mesure : l’opérateur de translation
R → L1 (R)
T : (2.5)
h 7→ f (x − h)
En déduire que
lim kf ∗ ρε − f kL1 = 0 (2.6)
ε→0
Démonstration de la Prop 4. Dans le cas où f est continue, si elle n’était pas nulle en x0 ∈ [a, b],
il existerait un petit voisinage ]x0 − ε, x0 + ε[ sur lequel elle est de signe constant. On introduit
une approximation de l’identité, c’est à dire la fonction ρε (x) = ε−1 ρ(x/ε) où ρ est la fonction
introduite dans l’exercice 20. On considère la fonction test
|x − x0 |
φ(x) = 1 − 2 ∗ ρε/2 .
ε +
2.2. APPLICATION AUX ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES 21
où z+ = max{z, 0}. D’après l’exercice 21, φ ∈ C ∞ (a, b) et, par construction, c’est une fonction
positive, nulle en dehors de [x0 − ε, x0 + ε]. En particulier, on a :
Z b Z x0 +ε
0= f (x)φ(x)dx = f (x)φ(x)dx.
a x0 −ε
Mais une fonction de signe constant ne peut être d’intégrale nulle que si elle est nulle presque
partout. Par continuité de f , on en déduit que f (x0 ) = 0, ce qui est contradictoire.
Démonstration de la Prop 5. La fonction f ∗ρε satisfait une hypothèse similaire à celle de la Prop 4 :
Z b+ε ZZ Z b
(f ∗ ρε )(x) · φ(x)dx = f (y)ρε (x − y)φ(x)dxdy = f (y) · (ρε ∗ φ)(y)dy = 0
a−ε a
pour toute fonction φ ∈ C ∞ (a − ε; b + ε). On en déduit que f ∗ ρε ≡ 0 pour tout ε > 0. On conclut
que f = 0 dans L1 (a, b) en invoquant l’exercice 22.
3y 0 (x) + 2y(x) = 0
Grâce à la proposition 4, on peut aussi l’écrire (en multipliant par φ et en intégrant par parties) :
\
ker −3φ0 + 2φ
S=
φ∈Cc∞ (R)
Ces deux écritures font intervenir des noyaux de formes linéaires. La supériorité de la seconde sur
la première est qu’elle repose sur le calcul intégral et ne nécessite aucune dérivation de la fonction
inconnue. Il suffit de “bien” choisir ses fonctions test pour savoir si une fonction est solution de
l’équation différentielle.
Pour le moment, on pourrait croire que les formes linéaires restent anecdotiques pour étudier les
espaces de fonctions ; nous allons voir dans la suite de ce cours que ce changement de point de vue
est en fait très enrichissant.
22 CHAPITRE 2. TRANSITION VERS LES DISTRIBUTIONS
Exemple 23. Considérons l’espace E des fonctions affines par morceaux sur la subdivision
x1 , . . . , xN
d’un intervalle [a, b]. C’est un espace vectoriel de dimension N . Une base de E est la famille
d’interpolation φi ∈ E telle que
φi (xj ) = δi,j .
La base duale est la famille d’évaluation en les points de la subdivision (Evalxi )1≤i≤N . En particulier,
toute fonction u ∈ E satisfait l’identité :
N
X
u(x) = u(xj )φj (x).
j=1
Un contre-exemple historique
Le résultat suivant implique qu’il n’est pas possible de représenter la forme linéaire
Eval0 : C ∞ (R) → R
Démonstration. Sur tout intervalle [a, b] ne contenant pas zéro, l’équation (2.7) entraîne, d’après la
proposition 5, que f = 0 dans L1 (a, b). Si elle existe, la fonction f est donc nulle presque partout
sur R\{0} et donc sur R. Mais alors le membre de gauche de (2.7) est toujours identiquement nul.
En choisissant par exemple la fonction test φ = ρ de l’exercice 20 qui satisfait φ(0) 6= 0, on obtient
une contradiction.
Remarque. Pour les besoins de la physique théorique, P. Dirac a introduit dans les années 1920
une “fonction” abstraite, notée δ(t), telle que :
Z
δ(t) = 0 si t 6= 0 et δ(t) dt = 1.
R
Cet objet δ devrait naturellement être considéré comme “la dérivée” de l’échelon :
(
0 si t < 0
H(t) =
1 si t ≥ 1.
Z t
puisque H(t) = δ(τ ) dτ . Malheureusement, c’est une notion contradictoire puisque les fonc-
−∞
tions discontinues ne sont pas dérivables. . .
pour φ ∈ Cc∞ (R). La fonction g est régulière, sauf à l’origine où elle possède des demi-dérivées :
0 1 0 1
gG (0) = et gD (0) = − ·
2 2
24 CHAPITRE 2. TRANSITION VERS LES DISTRIBUTIONS
Pour simplifier les intégrales, nous avons utilisé que, sur chaque intervalle ] − ∞, 0[ et ]0, +∞[, la
fonction g est une solution de l’équation différentielle
g − g 00 = 0.
peut donc être représentée par une intégrale, mais avec des termes en plus comparés à l’exemple
de Dirac.
Proposition 7. La fonction g(x) = 21 e−|x| satisfait :
Z
∞
∀φ ∈ C (R), g(x)φ(x) + g 0 (x)φ0 (x)dx = φ(0). (2.9)
R
Remarque. L’espace H = {u ∈ L2 (R) ; u0 ∈ L2 (R)} est en fait un espace de Hilbert pour le produit
scalaire Z Z
(f |g)H = fg + f 0g0.
R R
On peut démontrer que l’application Eval0 : f 7→ f (0) est une forme linéaire continue sur H.
D’après le théorème de Riesz, il existe donc une fonction g ∈ H telle que
Z Z
∀f ∈ H, f (0) = fg + f 0g0.
R R
Motivés par les équations aux dérivées partielles, les travaux des mathématiciens J. Leray (1934)
et S.L. Sobolev (1936) développent l’idée de dérivée au sens faible : si g = h0 n’existe pas au sens
usuel, il n’en reste pas moins qu’on peut définir g par dualité en intégrant formellement par parties :
Z Z
g(x)φ(x) dx = − h(x)φ0 (x) dx.
R R
Dans l’esprit du théorème de Riesz, on remplace alors l’équation entre les dérivées par une équation
entre formes linéaires.
2.3. REPRÉSENTATION DES FORMES LINÉAIRES HORS DU CADRE HILBERTIEN 25
Exemple 24. On souhaite montrer l’existence d’une solution au problème suivant (dit elliptique) :
(
h − h00 = k
(2.10)
h(0) = h(1) = 0
d’inconnue h : [0, 1] → R avec une fonction k donnée, par exemple k ∈ C 0 ([0, 1]).
On multiplie par une fonction test φ ∈ C ∞ ([0, 1]) et on intègre. L’équation entraîne donc
Z 1 Z 1
∞ 00
∀φ ∈ C ([0, 1]), (h − h )φ = kφ
0 0
peut être muni d’un produit scalaire suggéré par le membre de gauche de (2.11) :
Z Z
(f |g)H = fg + f 0g0.
R R
On a kf kL2 ≤ kf kH et on vérifie (ou au moins on admet) que c’est un espace de Hilbert. L’appli-
cation Z
L : φ 7→ kφ
R
qui apparait au membre de droite de (2.11) est une forme linéaire continue sur H car, d’après
Cauchy-Schwarz, |L(φ)| ≤ kkkL2 kφkH . Il existe donc h ∈ H tel que :
Remarque. La propriété (2.12) est (a-priori) un peu plus faible que (2.10) puisque H 6⊂ C 2 (0, 1).
Cependant, il est clair que si l’équation de départ possède une solution, alors elle doit nécessairement
satisfaire (2.12) donc que la solution qu’on vient de construire est la seule possible. Une fois qu’on
arrive à démontrer que h ∈ C 2 (0, 1), ce qui est possible si k ∈ C 0 (0, 1) mais demande un peu de
travail, alors la proposition 5 entraine (2.10). Remarquons que cette technique permet de construire
une solution (faible) pour tout k ∈ L2 (0, 1) ; dans ce cas général, si k est discontinue, la solution h
ne peut pas être de classe C 2 (0, 1).
26 CHAPITRE 2. TRANSITION VERS LES DISTRIBUTIONS
C’est la notion usuelle de convergence. On dit que la suite converge faiblement vers x si :
Lorsque H n’est pas de dimension finie, ces deux notions sont différentes.
Exemple 25. La suite xn = (0, 0, . . . , 0, 1, 0, . . .) ∈ `2 converge faiblement vers zéro mais kxn k`2 =
1 donc elle ne converge pas fortement.
Exemple 26. La suite de fonctions f (x − n) où f ∈ L2 est fixée converge faiblement vers zéro
mais pas fortement.
Exemple 27. Pour toute fonction intégrable f sur [−π, π], on peut montrer que
Z π
lim f (x) cos(nx) dx = 0.
n→∞ −π
Cette propriété entraine que cos(nx) converge faiblement vers zéro dans L2 ([−π, π]).
Proposition 8. Les liens entre les modes de convergence sont les suivants.
1. Si H est de dimension finie, les deux notions coïncident.
2. Si (xn ) converge fortement vers x alors la convergence a lieu aussi au sens faible.
3. Si, pour tout y ∈ H, la suite (xn |y) a une limite. Alors il existe x ∈ H tel que (xn ) converge
faiblement vers x.
4. Si (xn ) converge faiblement vers x alors
Le résultat suivant (admis) assure que la convergence faible est une propriété très courante.
2.5. EXERCICES SUPPLÉMENTAIRES 27
Théorème 9 (Banach-Steinhaus-Alaoglu).
1. Toute suite faiblement convergente est bornée.
2. De toute suite bornée, on peut extraire une sous-suite faiblement convergente.
Exemple 28. Revenons aux solutions faibles de h − h00 = k. Le théorème de Riesz donne aussi
l’inégalité
khkH ≤ kkkL2 .
Si on a une famille φn de second membres avec lim kkn − kkL2 = 0 (par exemple des approximations
informatique de la “vraie” donnée k), on obtient une famille hn ∈ H de solutions faibles de hn −h00n =
kn . Alors khn kH ≤ sup kkn kL2 ≤ C kkkL2 . On peut montrer que hn converge (faiblement) vers h
donc qu’en un certain sens, les solutions des problèmes approchés convergent vers la solution du
vrai problème. Ce résultat de stabilité (et bien d’autres plus fins) justifie l’emploi d’approximations
numériques pour résoudre le problème initial.
x2
ln(x + n) x
=1+ +O
ln n n ln n n2 ln n
Pn (x)
ρ(n) (x) = ρ(x)
(1 − x2 )n
Correction de l’exercice 29. On utilise le lien entre norme hilbertienne et produit scalaire :
2
R
car φ(y) = 0 si |y| > 1. On utilise alors Cauchy-Schwarz puis l’hypothèse Rψ <∞:
Z 1 Z 1−n
|(fn |ψ)|2 ≤ kφk2L2 ψ(y + n)2 dy ≤ kφk2L2 ψ(x)2 dx → 0.
−1 −∞
1 max{2; ln(2x)
ln 2 }
lim fn (x) = et sup |fn (x)| ≤ ∈ L1 (R+ ).
n→∞ 1 + x2 n∈N 1 + x2
donc |fn (x)| ≤ e−x/2 et |gn (x)| ≤ e−x sont uniformément intégrables. Par convergence dominée :
Z n Z ∞
lim fn (x) dx = e−x/2 dx = 2
n→∞ 0 0
Rn R∞
et lim gn (x) dx = e−x dx = 1.
n→∞ 0 0
Distributions
Objectifs : Comprendre le concept de distribution sur R et savoir l’utiliser sur des exemples
concrets.
Il est naturel de penser à la fonction “densité de masse”. Par exemple, pour un corps monodimen-
sionnel, ce sera une fonction
h : R → [0; ∞)
telle que la masse contenue dans le segment [a, b] est
Z b
M[a,b] = h(x) dx.
a
Par exemple, une barre homogène de longueur L et de masse M , centrée à l’origine sera représentée
par (
M
si |x| ≤ L2
hM,L (x) = L
0 sinon.
Si on comprime la barre à masse constante jusqu’à son centre de gravité, on aurait la densité limite :
(
∞ si x = 0
hM,0 (x) = lim hM,L (x) =
L→0 0 sinon.
Malheureusement, cette “densité limite” n’est pas satisfaisante car elle ne dépend pas de la masse
totale M . . . Plus grave encore, on a :
Z Z
hM,L (x) dx = M mais hM,0 (x) dx = 0.
R R
31
32 CHAPITRE 3. DISTRIBUTIONS
Choc entre deux solides Un solide de masse m, initialement au repos sur une surface plane
sur laquelle il peut glisser sans frottement, subit une force f (t) dépendant du temps t. La vitesse
du solide à l’instant t est donnée par :
Z t
1 t
Z
v(t) = v̇(τ ) dτ = f (τ ) dτ
−∞ m −∞
et l’énergie cinétique correspondante est
1
E(t) = mv(t)2 .
2
Un choc est une force appliquée brièvement (par exemple pour 0 ≤ t ≤ ε) et qui communique au
solide une énergie cinétique finale E. Peut-on donner un modèle mathématique de choc instan-
tanné ?
L’énergie finale E étant fixée, la question est donc de trouver une fonction f nulle en dehors de
[0; ε] et telle que : Z √
f (t) dt = mv∞ = 2mE.
R
Pour un choc de durée ε, on peut donc prendre comme modèle la force :
(√
2mE
ε si 0 ≤ t ≤ ε
fε (t) =
0 sinon.
Par contre, il n’est pas possible de modéliser un choc instantané car une fonction f (t) nulle pour
t 6= 0 vérifie : Z
f (t) dt = 0
R
quelle que soit la valeur de f (0). Une telle force conduit donc à une énergie finale nulle, c’est à dire
qu’elle n’a aucune action sur le mobile.
Bref historique En 1946, L. Schwartz comprend le lien entre les deux problèmes et formalise
une théorie mathématique qui donne un cadre rigoureux de “fonctions généralisées” (appelées dis-
tributions) dans lesquelles δ existe, toutes les distributions (en particulier H) sont dérivables en un
sens généralisé et, par exemple, H 0 = δ.
La clef de la théorie consiste à représenter toutes les fonctions (usuelles et généralisées) comme des
formes linéaires continues. Si on essaie de mettre en oeuvre cette idée dans un espace de Hilbert,
le théorème de représentation nous apprend deux choses :
1. Bonne nouvelle : ca marche ! Toute forme linéaire continue représente un unique vecteur de
l’espace.
2. Mauvaise nouvelle : on ne construit pas de nouveaux objets mathématiques mais seulement
une représentation nouvelle d’objets qui existent déjà (l’espace de Hilbert dont on est parti).
Le génie de L. Schwartz, c’est d’avoir fait confiance à la dualité au delà du cadre hilbertien.
3.2. ESPACE D(R) DES FONCTIONS TEST 33
φ:R→R
telles que :
1. φ est de régularité C ∞ (R)
2. φ est à support dans [a, b], c’est à dire φ(x) = 0 si x ∈] − ∞, a] ∪ [b, +∞[.
On définit ensuite l’ensemble : [
D(R) = D([a, b]).
a,b∈R
a<b
C’est un espace vectoriel sur R. Ces éléments sont aussi appelées fonctions test.
Exemple 35. Les fonctions x(1 − x)1[0,1] et e−x ne sont pas dans D(R). Pourquoi ?
2
Exemple 36. Il peut-être difficile de construire un élément non trivial de D(R) car si φ ∈ D([a, b]),
on doit avoir φ(n) (a) = φ(n) (b) = 0. Par exemple, on vérifie que la fonction définie par morceaux :
(
0 si x < 0
f (x) =
xn+1 si x ≥ 0
Proposition 10. Soit f une fonction C ∞ (R) et a < b. Pour tout a0 < a et b0 > b, il existe une
fonction φ ∈ D([a0 , b0 ]) telle que φ(x) = f (x) sur [a, b].
On va étudier la dualité de l’espace D(R). Mais pour définir la continuité des formes linéaires,
on a besoin d’une notion de convergence d’une suite de fonctions dans D(R). Il se trouve que la
notion de convergence pour les formes linéaires sera la plus faible possible si on choisit la notion
de convergence “duale” la plus forte possible dans D(R).
∀n ∈ N, φn ∈ D([a, b]).
(k)
2. Pour tout entier k, la suite φn converge uniformément sur [a, b] vers φ(k) :
lim sup φ(k) (k)
n (x) − φ (x) = 0.
n→∞ x∈[a,b]
n’ont pas de limite dans D(R) car le support de φn ne reste pas confiné dans un intervalle fixe.
Définition. Une distribution T sur R est une forme linéaire continue sur D(R). On note
Remarque. Les constantes C et N peuvent dépendre de l’intervalle [a, b] mais pas des valeurs de
la fonction test. L’estimation de continuité est donc linéaire en φ.
3.3. ESPACE D0 (R) DES DISTRIBUTIONS 35
Proposition 12. Dire que deux distributions S et T sont égales signifie simplement :
Remarque. Une distribution T sur R est une forme linéaire T : D(R) → R notée hT |·i et
continue au sens suivant. Pour a < b fixés, il existe Ca,b ≥ 0 et Na,b ∈ N tels que pour tout
φ ∈ D(R) :
X
φ(x) = 0 pour x 6∈ [a, b] =⇒ |hT |φi| ≤ Ca,b sup |φ(k) (x)|.
k≤Na,b x∈[a,b]
Exemples de distributions
Exemple 39 (Fonctions localement intégrables). Soit f une fonction localement intégrable (i.e.
intégrable sur tout intervalle borné). On définit :
Z
∀φ ∈ D(R) hT |φi = f (x)φ(x) dx.
R
Z
1 φ(x)
Exemple 42 (Partie finie). La fonction x 7→ x2
n’est pas localement intégrable et lim dx
ε→0 |x|>ε x2
n’existe pas si φ0 (0) 6= 0. On choisit donc la définition suivante :
Z ∞
2
φ(x) + φ(−x) − 2φ(0)
Pf(1/x )|φ = dx.
0 x2
Cette forme linéaire est une distribution. Lorsque la fonction test est nulle au voisinage de l’origine,
cette distribution représente bien la fonction 1/x2 .
Proposition 15 (Formule des sauts). Soit f une fonction C 1 par morceaux et (an ) la suite crois-
sante de ses points de discontinuité. On note [f 0 ] la dérivée ponctuelle de f :
(
0 0 si x ∈ {a0 , a1 , . . .}
f (x) = 0
f (x) sinon
Exemple 45. Si on Rconnait H et qu’on cherche une primitive T , la formuleR hH|φi = −hT |φ0 i
définit hT |ψi lorsque R ψ = 0. On choisit une valeur arbitraire pour hT |ψ0 i où R ψ0 = 1. Alors T
est déterminée : Z Z
hT |φi = T φ − φ ψ0 + φ hT |ψ0 i.
R R
3.5. CONVERGENCE AU SENS DES DISTRIBUTIONS 37
C’est la version “distributions” du théorème “une fonction C 1 (R) est déterminée à une constante
près par sa dérivée” et le choix arbitraire de hT |ψ0 i correspond au choix de la constante.
Exemple 49. La suite de fonctions fn (x) = sin(nx) converge vers f = 0 au sens des distributions
car pour φ ∈ D([a, b]) :
0
1 b
kφ kL∞
Z
0
h[fn ]|φi = − cos(nx)φ (x)dx = O .
n a n
Théorème 16 (Banach-Steinhaus pour les distributions). Soit Tn une suite de distributions. On
suppose que pour tout φ ∈ D(R) la suite numérique (hTn |φi)n∈N converge. Alors il existe T ∈ D0 (R)
telle que Tn * T au sens des distributions.
définit une distribution. De plus, si T représente une fonction f ∈ L1loc alors ψ[f ] = [ψf ].
38 CHAPITRE 3. DISTRIBUTIONS
Exemple 50. On a xδ = 0.
Translation, Dilatation
Proposition 18. Soit T une distribution et α ∈ R. On note (τα φ)(x) = φ(x − α) l’operateur de
translation des fonctions. La formule :
définit une distribution. De plus, si T représente une fonction f ∈ L1loc alors τα [f ] = [τα f ].
Proposition 19. Soit T une distribution et λ ∈ R∗ . On note (σλ φ)(x) = φ(λx) l’operateur de
dilatation des fonctions. La formule :
1 D E
hσλ T |φi = T σ 1 φ
λ λ
définit une distribution. De plus, si T représente une fonction f ∈ L1loc alors σλ [f ] = [σλ f ].
3.7 Convolution
Pour les fonctions u, v ∈ L2 (R), la convolution est une sorte de moyenne pondérée d’une fonction
par l’autre : Z
(u ∗ v)(x) = u(x − y)v(y)dy.
R
où ψ̃(t) = −ψ(t). De plus, si φ ∈ D(R) et ψ est intégrable à support compact, alors ψ̃ ∗ φ ∈ D(R).
Définition. On étend la définition de la convolution avec ψ dans la classe des distributions par la
formule :
hT ∗ ψ|φi = hT |ψ̃ ∗ φi.
La convolution permet d’approcher n’importe quelle distribution par une suite de fonctions test.
3.7. CONVOLUTION 39
Théorème 20. Soit f une fonction intégrable, d’intégrale 1 et χ ∈ D(R) telle que χ(0) = 1. Alors
pour toute distribution S, la fonction
·
ψn = χ S ∗ nf (n ·)
n
est dans D(R) et vérifie ψn * S au sens des distributions.
Cette formule suggère d’utiliser la distribution à deux variables associée à u(x)v(y) pour définir
u ∗ v.
Définition. Soient S et T deux distributions sur R. On définit une distribution Sx ⊗ Ty ∈ D0 (R2 )
par la formule :
hSx Ty |φ(x)ψ(y)i = hS|φihT |ψi.
On peut en effet montrer que toute fonction test Φ ∈ D(R2 ) est la limite de combinaisons linéaires
de fonctions test de la forme φ(x)ψ(y). Cette formule définit donc complètement Sx Ty .
40 CHAPITRE 3. DISTRIBUTIONS
Remarque. Les indices x et y n’ont pas d’autre signification qu’un moyen mnémotechnique pour
indiquer quelle distribution agit en quelle variable.
a un sens pour toute fonction φ ∈ D(R), elle définit une distribution notée S ∗ T .
Remarque. Comme (x, y) 7→ φ(x + y) n’est pas une fonction de D(R2 ), la convolution n’est pas
toujours définie : il faut une certaine “compensation” entre Sx et Ty le long de x + y = Cte.
Exemples, applications
Exemple 52. Pour a, b ∈ R et T ∈ D0 (R), on a δa ∗ δb = δa+b et δ ∗ T = T .
Exemple 54. Dans D0 (R3 ), on peut montrer que l’équation ∆f = g possède une solution fonda-
mentale :
1 ∂2 ∂2 ∂2
∆E = δ avec E=− 2 et ∆ = + + ·
|S ||x| ∂x21 ∂x22 ∂x23
En conséquence, au sens des distributions ∆(g ∗ E) = g ∗ (∆E) = g ∗ δ = g donc f = g ∗ E.
φ = 0 au voisinage de F =⇒ hT |φi = 0.
Exemple 55. Si f est une fonction, le support de Tf est le plus petit fermé F tel que f (x) = 0 au
voisinage de chaque point de R\F .
Exemple 56. Le support de δa est {a}.
3.8. VOCABULAIRE DES DISTRIBUTIONS 41
Théorème 23 (Schwarz). Soit T une distribution dont le support est réduit à {0}. Alors il existe
une famille finie de coefficients (αj , kj ) ∈ R × N tels que
n
X
T = αj δ (kj ) .
j=1
Remarque. L’ordre est donc défini si la constante Na,b peut être choisie indépendament de a, b ∈
R.
Remarque. Lorsqu’on obtient la formule précédente on sait seulement que l’ordre de T est fini et
inférieur à N . Pour montrer que N est la plus petite constante possible, on doit en général raisonner
par l’absurde et obtenir une contradiction en choisissant convenablement une suite de fonction test.
Exemple 57. La distribution δ 0 est d’ordre inférieur à 1 car |hδ 0 |φi| ≤ supx |φ0 (x)|. Elle n’est pas
d’ordre zéro car sinon :
On choisit alors φn (x) = nxφ0 (nx) avec φ0 (0) = 1 et φ0 (x) = 0 pour |x| > 1. Alors supx |φn (x)| ≤
supy |yφ0 (y)| mais φ0n (0) = n. On aurait alors C[−1,1] ≥ n ce qui est contradictoire.
Distributions tempérées
Définition. Une distribution T est dite tempérée si T est d’ordre fini N et vérifie la propriété de
continuité suivante :
X
∀φ ∈ D(R), |hT |φi| ≤ C sup(1 + |x|)M |φ(k) (x)|.
k≤N x∈R
Cette propriété entraine automatiquement la continuité au sens de D0 (R) mais elle permet en fait
de donner un sens à hT |φi lorsque φ ∈ S(R) c’est à dire si φ ∈ C ∞ (R) et s’il existe des constantes
Cα,β :
sup(1 + |x|)α |φ(β) (x)| ≤ Cα,β .
x∈R
Exemple 58. Les distributions associées à des fonctions majorées par des polynomes sont tempé-
x
rées. Par exemple eie est tempérée. Il en est de même pour sa dérivée au sens des distributions.
2
Par contre, ex n’est pas tempérée.
42 CHAPITRE 3. DISTRIBUTIONS
Remarque. Sous cette forme, l’énoncé est valable en toute dimension avec kj un multi-indice. En
dimension 1, on peut juste dire que T = [f ](k) .
Exemple 59. Comme δ = H 0 et que H est une fonction L1loc on peut écrire :
Z
hδ|φi = − 1x>0 φ0 (x)dx.
R
(
0 x≤0
Mieux, δ = G00 où G(x) = et G ∈ C 0 (R). On a donc :
x x>0
Z
hδ|φi = G(x)φ00 (x)dx.
R
Pour vérifier si une distribution est une fonction, on utilise le critère suivant. C’est une condition
suffisante, non nécessaire, mais qui est en général satisfaite en pratique.
Théorème 25. Soit T une distribution et a < b deux réels. Si
pour toute fonction test φ ∈ D(a, b) avec 1 ≤ p < ∞, alors T = [f ] sur (a, b) avec f ∈ Lp (a, b).
lim Ta (f ) = f (0).
a→0
pour toute fonction continue f . Interpréter ce résultat dans le langage des distributions.
Exercice 67. Calculer les limites suivantes (au sens des distributions) :
t
1. lim 2 = πδ
t→0 x + t2
44 CHAPITRE 3. DISTRIBUTIONS
tx
2. lim = −πδ 0 /2
t→0 (x2
+ t2 )2
sin2 (nx)
3. lim = πδ
n→∞ nx2
Exercice 68. Soit f ∈ L1 (R) telle que R f (t)dt = 1. Montrer que, au sens des distributions :
R
fn (t) = nf (nt) * δ.
Exercice 69. La translation τa f (x) = f (x − a) se définit au sens des distributions par
hτa T |φi = hT |τ−a φi.
Montrer que, au sens des distributions :
1
lim(τ−h T − T ) = T 0 .
h→0 h
Z 1
Indication : on peut utiliser la formule de Taylor φ(x + h) − φ(x) = h φ0 (x + th)dt.
0
Z
φ(x)
Exercice 70. 1. La formule dx définit-elle une distribution sur ]0, ∞[ ? Quel est le
R x
problème sur R ?
2. Montrer que :
A
φ(x) − φ(0)
Z Z Z
φ(x) φ(x)
∀A > 0, lim = dx +
.
ε→0 |x|>ε −A x x
|x|>A x
En déduire que cette formule définit une distribution sur R qu’on note vp x1 .
Exercice 71. Trouver une distribution de la forme F (x) = H(x)f (x) où f est une fonction deux
fois continuement dérivable, qui vérifie, au sens des distibutions, l’équation
d2 F dF
2
+2 + F = δ + δ0 .
dx dx
Exercice 72. Soient T et S des distributions et τa l’opérateur de translation de a. Calculer :
δ ∗ T, δ 0 ∗ T, δa ∗ T, δ a ∗ δb , (S ? T )0 .
Correction de l’exercice 61. Les formules sont linéaires en φ. Supposons φ(x) = 0 dès que
x 6∈ [a, b]. Alors : Z
p p
φ(x2 ) dx ≤ 2 max{ |a|, |b|} sup |φ(y)|
R y∈R
Z
cos(x)φ0 (x) dx ≤ |b − a| sup |φ0 (x)|.
R x∈R
1 1
Correction de l’exercice 69. Comme (τ−h T − T ) φ = T (τh φ − φ) , l’exercice est
h h
équivalent à montrer
1
lim (τh φ − φ) = −φ0 dans D(R).
h→0 h
Si φ est à support dans [a, b] et h < 1, toutes les fonctions sont nulles en dehors de [a − 1, b + 1]. La
Z 1
1
formule de Taylor donne ensuite (τh φ − φ)(x) = − φ0 (x + th)dt → −φ0 (x) et la convergence
h 0
est uniforme car |φ00 | ≤ C. La formule peut être dérivée autant de fois que nécessaire et le même
argument implique alors la convergence uniforme des dérivées k iemes .
Z
φ(x)
Correction de l’exercice 70. La formule dx définit une distribution sur ]0, ∞[ car si φ
R x
est non nulle seulement sur un segment [a, b] ⊂]0, ∞[ alors a > 0 donc
Z b
φ(x) 1
dx ≤ sup |φ(x)|.
a x a x∈[a,b]
Sur R par contre, la fonction 1/x n’est pas localement intégrable en x = 0 et la formule n’a pas de
sens. Pour A > 0, on a par parité de 1/x dans une couronne :
φ(x) − φ(0)
Z Z Z
φ(x) φ(x)
= dx + .
|x|>ε x ε<|x|<A x |x|>A x
3.11. CORRECTION DES EXERCICES 47
R1 0
Or la formule de Taylor φ(x)−φ(0)
x = 0 φ (xt)dt montre que
φ(x)−φ(0)
x est une fonction C ∞ . On peut
donc passer à la limite dans le membre de droite. On a alors si φ(x) = 0 pour |x| > A :
Z Z
Z A 1
φ(x)
lim ≤ |φ0 (xt)|dtdx ≤ 2A sup |φ0 (y)|.
ε→0 |x|>ε x −A 0 y∈[−A,A]
La formule définit donc bien une distribution sur R qui coïncide sur ]0, ±∞[ avec 1/x. Enfin, on
intègre par parties en prenant la primitive de φ0 qui s’annule à l’origine :
A 0 A
φ(x) − φ(0)
Z Z Z
− log |x|φ0 = − 0 0
φ (x) log xdx − φ (x) log(−x)dx = dx.
0 −A −A x
Noter la compensation des termes de bord non nuls ±φ(0) log A. Ainsi (log |x|)0 = vp x1 .
Transformation de Fourier
Propriétés générales
Proposition 26. Critères de convergence.
1. La complétude de H entraîne que si u = (un ) est une suite dans H :
X X
kun kH < ∞ =⇒ un converge dans H. (4.1)
2. Si u = (un ) est une suite orthogonale (i.e. (ui |uj ) = 0 si i 6= j), alors :
X X
un converge dans H ⇐⇒ kun k2H < ∞ (4.2)
X
2 X
et dans ce cas
un
= kun k2H .
H
49
50 CHAPITRE 4. TRANSFORMATION DE FOURIER
X
2 X
un
= kun k2 .
n∈I n∈I
Théorème 27 (Projection). Soit U une partie fermée, convexe, non vide d’un espace de Hilbert
H. Pour tout x ∈ H, il existe un unique vecteur π(x) ∈ U tel que :
Lorsque U est un sous-espace vectoriel fermé, π(x) est caractérisé par les propriétés :
Coefficients de Fourier
Définition. Les coefficients de Fourier de f ∈ H sont les valeurs des formes linéaires :
cn (f ) = (en |f ).
En particulier lim cn (f ) = 0.
4. Pour tout f, g ∈ H : X
(f |g) = cn (f ) cn (g).
n∈I
X
En particulier |cn (f )|2 = kf k2H .
n∈I
Dans ce cas, un vecteur f ∈ H est entièrement déterminé par ses coefficients de Fourier. On dit que
la famille (en )n∈I est une base hilbertienne de H ; mais attention, ce n’est pas en général, une
base au sens de l’algèbre linéaire car par définition, une combinaison linéaire implique seulement
un nombre fini de vecteurs.
Remarque. Grâce à la propriété d’orthogonalité, on peut interpréter la somme partielle
X
cn (f )en
n∈IN
comme le projeté orthogonal de f sur le sous-espace (de dimension finie) engendré par (en )n∈IN .
Exemple 73 (Fourier). La famille e2iπnx/T est une base hilbertienne de L2 ([0, T ]) pour le produit
scalaire :
1 T
Z
(f |g) = f (t)g(t) dt.
T 0
Exemple 74 (Legendre). Les polynômes de Legendre sont définis par exemple par P0 = 1 et
2
Pn+1 (x) = xPn (x)− 1−x 0 1 1/2
Pn constitue une base hilbertienne de L2 ([−1, 1])
n+1 Pn (x). La famille (n+ 2 )
pour le produit scalaire (réel) :
Z 1
(f |g) = f (t)g(t)dt.
−1
On est donc dans le cadre hilbertien L2 ([0, T ]) et les résultats de la section précédente sont valable.
Mais on dispose dans ce cas de résultats plus précis.
Exemple 75. Cette hypothèse est automatiquement vérifiée par exemple si |f (t)| ≤ C.
On calcule les coefficients de Fourier avec
2 T T
Z Z
t 2 t
an = f (t) cos 2πn dt bn = f (t) sin 2πn dt
T 0 T T 0 T
1 T
Z
t
ou cn = f (t)e−2iπn T dt.
T 0
T (f ) = f − f 00 .
On vérifie que T (einx ) = (1 + n2 )einx . Etant donné g ∈ L2 ([0, 2π]) périodique, on a (au sens L2 ) :
X
g(x) = cn einx .
n∈Z
4.3. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPÉRÉES 53
Lorsque T est une distribution tempérée et ϕ ∈ S(R), on peut définir hT |ϕi de sorte que T devient
une forme linéaire continue sur S(R).
2
Exemple 78. La classe de Schwartz contient D(R), les fonctions e−α|x−x0 | avec α > 0 et x0 ∈ R.
C’est un ensemble stable par dérivation, translation, multiplication par un polynome.
∀φ ∈ D(R), φ̂ ∈ D(R) =⇒ φ = 0.
2. Formule de dérivation :
d0 ) = iξ T̂ .
(T
3. Formule de multiplication :
c = i(T̂ )0 .
xT
4. Formule de translation :
\ −iαξ
(ταT ) = e T̂ .
5. Formule de dilatation :
\ 1
(σ λ T ) = σ 1 (T̂ ).
λ λ
6. Formule de convolution (sous réserve d’existence) :
S
\ ∗ T = Ŝ T̂ .
7. Formule du Dirac :
δ̂ = 1.
X
Exemple 80. Soit T = δαn . Alors :
n∈Z
X 2π X
T̂ = e−iαnξ = δ2πn/α .
α
n∈Z n∈Z
x
La dernière identité provient du développement en série de fourier de x 7→ α (périodisée sur [0, α])
suivi d’une dérivation au sens des distributions.
Exemple 81. La transformée de Fourier de vp x1 est −iπ sign(ξ). Celle de eiαx est 2πδα .
Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Fourier_transform pour une collection complète d’exemples.
4.4. MÉTHODES DE CALCUL 55
Proposition 33. On peut identifier la transformée de Fourier à une fonction dans les cas suivants.
1. Si T représente une fonction f ∈ L1 (R) alors T̂ représente :
Z
ξ 7→ eixξ f (x)dx.
R
C’est une fonction continue qui tend vers zéro quand |ξ| → ∞ et on a |fˆ(ξ)| ≤ kf kL1 .
2. Si T représente une fonction g ∈ L2 (R) alors T̂ représente :
Z A
ξ 7→ lim eixξ g(x)dx.
A→∞ −A
hf − f 00 |φi = hf\
− f 00 |φ̌i = hĝ|φ̌i = hg|φi.
x
Exemple 83. La distribution f (x) = k1 e− k H(x) est la solution de
kf 0 + f = δ.
Exercices
5.1 Feuille 3
2
Exercice 84. On pose f (x) = e−πx et
Z
fˆ(ξ) = e−2iπxξ f (x)dx.
R
Exprimer fb0 et xf\ (x) en fonction de fˆ. Donner une équation différentielle satisfaite par f puis
monter que
fˆ0 (ξ) + 2πξ fˆ(ξ) = 0.
2
En utilisant le fait que R f = 1 (admis), en déduire que fˆ(ξ) = e−πξ .
R
57
58 CHAPITRE 5. EXERCICES
Exercice 87. On considère la fonction définie sur R3 − {0} par f (x) = 1/|x|.
1. Montrer que f ∈ L1loc (R3 ) et que la distribution associée à f est dans S 0 .
2. En utilisant l’homogénéité et l’invariance par rotation de f , montrer que
c
fˆ(ξ) = 2
|ξ|
Z ∞ √
1 2 π
3. Montrer que √ exp(−s|x| )ds = . En déduire que c = 4π (on pourra commencer
0 s |x|
2
par calculer la transformée de Fourier de e−s|x| ).
Exercice 88. Soit k un nombre réel strictement positif et u ∈ S 0 (R) telle que
d4 u
+ ku ∈ L2 (R).
dx4
dj u
Montrer que l’on a dxj
∈ L2 (R) pour 0 ≤ j ≤ 4.
Annexe A
Développements limités
On définit de même les notations f (x) = o(g(x)), f (x) = O(g(x)) et f (x) ∼ g(x) quand on
s’intéresse à l’asymptotique x → x0 .
Noter que dans le cas des fonctions, il est impératif de préciser le point x0 .
Proposition 34. Si (un ) est une suite convergente, alors il existe une constante C > 0 telle que
|un | ≤ C. En particulier, la relation an = o(bn ) entraîne an = O(bn ).
ε2 ε3
eε = 1 + ε ++ + o(ε3 ), (A.4)
2! 3!
ε3 ε2 ε3
sin ε = ε − + o(ε3 ), cos ε = 1 − + o(ε3 ), tan ε = ε + + o(ε3 ), (A.5)
3! 2! 3
α(α − 1) 2 α(α − 1)(α − 2) 3
(1 + ε)α = 1 + αε + ε + ε + o(ε3 ), (A.6)
2! 3!
ε2 ε3
ln(1 + ε) = ε − + + o(ε3 ). (A.7)
2 3
Les développements limités se manient avec prudence.
1. La relation an = o(bn ) entraîne an = O(bn ) ; par contre, dans l’autre sens, c’est FAUX ! C’est
donc un des rares cas où le signe égal a un sens de lecture (il n’est pas reflexif) ; en fait, en
59
60 ANNEXE A. DÉVELOPPEMENTS LIMITÉS
toute rigueur, chaque ligne du calcul est une étape d’un raisonnement et c’est la raison pour
laquelle on ne peut pas “remonter” car on perd en général l’équivalence dès la première ligne.
Par exemple, on devrait rédiger “an = o(bn ), donc an = O(bn )” mais par abus d’écriture, on
abrège la rédaction en
an = o(bn ) = O(bn ).
La dernière égalité ne peut être lue que de gauche à droite. Avec cette convention, on a donc
une chaine de simplifications :
Chaque étape perd une information. Noter aussi que si λ ∈ R est une constante arbitraire
(n + 1) ∼ (n + 2) mais 1 6∼ 2 . . .
Conséquence pratique : pour faire des calculs impliquant la compostion par une autre fonction, on
utilise une égalité entre l’expression étudiée et un développement limité.
On simplifie les développements en comparant chaque terme au terme de reste.
Exemple 89.
x3
f (x) = + O(x3 ) entraîne f (x) = O(x3 ).
3!
3 3
En effet, x3! + O(x3 ) = x3! + x3 c(x) avec |c(x)| ≤ C au voisinage de 0 ; on met x3 en facteur, donc
f (x) = x3 d(x) avec d(x) = 3!1 + c(x) et |d(x)| ≤ C 0 avec C 0 = C + 3!1 . Donc f (x) = O(x3 ). On
peut aussi arriver à la même conclusion en appliquant les règles de simplifications de la remarque
précédente :
x3
f (x) = + O(x3 ) = O(x3 ) + O(x3 ) = O(x3 ).
3!
Cette facon de procéder est plus efficace.
Calcul intégral
On peut supposer que toute fonction positive est mesurable au sens de Lebesgue (i.e. toute partie de Rn est mesurable).
Le théorème de logique mathématique de Solovay (1966) dit que cette hypothèse est compatible avec l’axiome du choix
dénombrable. Cette hypothèse (non-standard) permet donc de développer toute l’analyse fonctionnelle classique sans
contradiction, mais simplifie beaucoup l’énoncé de la théorie.
définie pour toute fonction f : Rn → [0, ∞] qui vérifie les propriétés suivantes :
1. L’intégrale est linéaire : pour α, β ≥ 0, on a
Z Z Z
αf (x) + βg(x) dx = α f (x)dx + β g(x)dx.
Rn Rn Rn
63
64 ANNEXE B. CALCUL INTÉGRAL
Z
Définition. Lorsque f ≥ 0 vérifie f (x) dx = ∞, on dit que l’intégrale est divergente. Sinon,
Rn
on dit que f est intégrable.
Exemple 91. Une fonction positive bornée (i.e. 0 ≤ f (x) ≤ C) sur un intervalle borné I = [a, b]
Z b
est toujours intégrable et f (x)dx ≤ (b − a)C.
a
∞ ∞ Z
Z !
X X
un (x) dx = un (x) dx .
R n=0 n=0 R
∞ ∞ 1
| log x|
Z Z Z
n −x log x
|x| e dx < ∞, < ∞, mais = +∞.
1 1 x2 0 x2
La mesure est une application croissante, additive pour les familles dénombrables d’ensembles
disjoints.
B.1. INTÉGRATION DES FONCTIONS POSITIVES 65
Théorème 38. Pour une fonction positive f , les propriétés suivantes sont équivalentes :
Z
1. f (x) dx = 0.
Rn
2. L’ensemble E = {x ∈ Rn ; f (x) 6= 0} a la propriété suivante. Pour tout ε > 0, il existe une
famille de points (xk )k∈N dans Rn et des rayons (rk )k∈N telle que
[ X
E⊂ Bxk ,rk et rkn < ε.
k∈N n∈N
Définition. Un ensemble qui vérifie la seconde propriété est dit de mesure nulle. Une fonction
f qui vérifie le théorème précédent est dite nulle presque-partout.
En pratique, on ne peut pas distinguer deux fonctions qui ne diffèrent que sur un ensemble de
mesure nulle car elles ont même intégrale. En effet, les appareils de mesure n’ont jamais accès aux
valeurs ponctuelles d’une grandeur physique mais à une moyenne qui s’étend sur la zone active du
capteur : les mesures sont donc des intégrales et ne peuvent donc pas distinguer deux fonctions qui
ont la même intégrale.
Définition (Intégrale sur un domaine). On dit que f est intégrable sur une partie A de Rn si
Z
1A (x)|f (x)|dx < ∞.
Rn
Théorème 39 (Lebesgue). Soit fn une suite de fonctions qui converge p.p. vers une fonction f .
On suppose qu’il existe h ∈ L1 (Rn ) telle que |fn (x)| ≤ h(x) p.p. ; alors
Z
lim |f (x) − fn (x)|dx = 0 (B.5)
n→∞ Rn
Z Z
et en particulier f (x)dx = lim fn (x)dx.
Rn n→∞ Rn
(√ (
n si x ∈ [0, 1/n] √1 si x ∈ [0, 1]
Exemple 96. La suite fn (x) = est dominée par h(x) = x .
0 sinon 0 sinon
Exemple 97. Grace au théorème de Lebesgue, montrer que
Z −nx2 Z
1 2
lim 1+ dx = e−x dx.
n→∞ R n R
Calculs effectifs
Découpages du domaine d’intégration
Proposition 40. Soit A une partie de Rn et Kn des fermés bornés tels que Kn ⊂ Kn+1 et
A = Kn . Alors pour tout f ∈ L1 (A) :
S
Z Z
f (x)dx = lim f (x)dx. (B.6)
A n→∞ K
n
La fonction est localement bornée à l’origine et bornée par C/|x|2 à l’infini donc intégrable (noter
que si on sépare la somme, elle n’est plus intégrable à l’infini). Ensuite :
a ∞
Z N Z Z ∞
−a2 /x2 −t −3/2 −a2 /N 2
e dx = e t dt = −N e −a e−t t−1/2 dt.
0 2 2
a /N 2 2
a /N 2
√
On conclut en utilisant Γ( 12 ) = π.
B.1. INTÉGRATION DES FONCTIONS POSITIVES 67
Définition. Certaines fonctions ne sont pas intégrables mais l’intégrale sur un sous-ensemble
possède une limite lorsque le domaine converge vers le domaine de départ. Dans ce cas, on dit que
l’intégrale est semi-convergente.
Attention : ce sont des limites d’intégrales et rien de plus. En particulier, aucun théorème ne
s’applique à de telles intégrales ! Conséquence pratique : pour appliquer un théorème, il faut vérifier
que la fonction étudiée est intégrable (retour aux définitions ou / selon le cas).
Proposition 41. Soit f une fonction continue sur [a, b] et F une primitive de f ; alors :
Z b
f (x)dx = F (b) − F (a). (B.7)
a
f F f F
1 1 x
tan x − log | cos x| x2 +a2 a arctan
a
1 1 x+a
cot x log | sin x| a2 −x2 2a log x−a
1 √ 1
cos2 x
=1+ tan2 x tan x a2 −x2
arcsin xa
1
√
− cot x √ 1 log |x + x2 + b|
sin2 x x2 +b
Exemple 104. Après décomposition d’une fraction rationnelle, la seule intégrale non évidente est :
Z x
dt
Iα (x) = .
0 (t2 + q 2 )α
x
2αq 2 Iα+1 = (2α − 1)Iα + .
(x2 + q 2 )α
En n étapes, on se ramène donc à I1 (x) = a1 arctan xa . On peut aussi poser t = q tan θ pour se
ramener à :
Z arctan x
1 q
Iα (x) = 2α−1 cos2α−2 θdθ.
q 0
Par exemple :
x arctan x
x−1
Z Z
t+1 1 1
2 2
dt = − 2
+ cos2 θdθ = 2
+ arctan x + C.
0 (t + 1) 2(x + 1) 0 2(x + 1) 2
se calcule directement si α (resp. β) est impair avec t = cos θ (resp. t = sin θ). On obtient alors
Z Z
α−1 β−1
2 β
Iα,β = (1 − t ) 2 t dt ou tα (1 − t2 ) 2 dt.
2t 1 − t2
Z Z
2dt
R(sin x, cos x)dx = R , .
1 + t2 1 + t2 1 + t2
On peut parfois simplifier le calcul avec un changement de variable qui a les mêmes symétries que
la fonction intégrée. Par exemple, en posant t = cos x :
sin3 x 1 − t2
Z Z
dx = (−dt) = cos x − 2 arctan(cos x) + C
1 + cos2 x 1 + t2
B.1. INTÉGRATION DES FONCTIONS POSITIVES 69
Changement de variables
La valeur absolue apparait aussi (discrètement) dans la formule usuelle de dimension 1 : si Φ est
une bijection décroissante de [a, b] sur [Φ(b), Φ(a)], on intègre quand même de Φ(a) à Φ(b), puis on
s’empresse de rétablir les bornes en changeant de signe.
√
Z
2
donc e−x dx = π.
R
70 ANNEXE B. CALCUL INTÉGRAL
Intégrales à paramètres
Les intégrales sont un outil puissant pour définir de nouvelles fonctions. Le résultat suivant permet
de dériver sous le signe somme.
Théorème 44. Soit I un intervalle de R et A une partie de Rn . On fait les hypothèses suivantes :
1. Pour tout λ ∈ I, la fonction x 7→ f (x, λ) est L1 (A). On définit donc :
Z
∀λ ∈ I, F (λ) = f (x, λ)dx.
A
∂f
2. La dérivée partielle ∂λ existe en tout point de A × I.
3. Il existe h ∈ L1 (A) telle que
∂f
∀(x, λ) ∈ A × I, (x, λ) ≤ h(x).
∂λ
Z
0 ∂f
Alors F est dérivable dans I et vérifie F (λ) = (x, λ) dx.
A ∂λ
Z ∞
Exemple 109. La fonction Γ(x) = e−t tx−1 dt est de classe C ∞ sur ]0, ∞[ et ses dérivées sont :
0
∞
dp Γ
Z
p
(x) = (ln t)p e−t tx−1 dt.
dx 0
Montrer aussi que lim Γ(x) = +∞ (convergence monotone, prop. 4 du Thm. 37) et que Γ(x + 1) =
x→0
xΓ(x). En particulier Γ(n + 1) = n! pour n entier.
(
φ(x) si x ≤ λ,
Exemple 110. Soit φ une fonction régulière sur [0, 1] et f (x, λ) =
0 sinon.
Vérifier que le théorème de dérivation ne s’applique pas (l’ensemble où la dérivé n’existe pas est
{x = λ} ; l’union de ces ensembles pour λ ∈ [0, 1] est le complémentaire de l’ensemble A sur lequel
on aurait pu appliquer le théorème ; cet ensemble est vide) et que le résultat est en défaut si φ(0) 6= 0.
Annexe C
αp β q
αβ ≤ + (C.2)
p q
1 1
pour p + q = 1.
1 1
Proposition 46 (Hölder). Pour p + q = 1 (avec p, q ≥ 1), on a :
Z Z 1/p Z 1/q
p q
f g ≤ |f | |g| (C.3)
Rn Rn Rn
λp−1
Z Z Z
1 p
|f g| ≤ |f | + |g|q .
Rn p Rn λq Rn
q/p
On optimise le membre de droite avec λ = kf k−1
Lp kgkLq
71
72 ANNEXE C. QUELQUES INÉGALITÉS REMARQUABLES
Définition. On dit qu’une fonction f est dans Lp (Rn ) si |f |p est intégrable. On munit l’espace Lp
Z 1/p
p
de la norme kf kLp = |f | . C’est un espace complet.
Exemple 113. Si f ∈ Lp1 ∩ Lp2 , alors f ∈ Lr pour tout indice r ∈ [p1 , p2 ] avec
kf kLr ≤ kf kαLp1 kf k1−α
Lp2
1 α 1−α
pour r = p1 + p2 . Il suffit en effet d’appliquer Hölder à |f |r = |f |rα |f |r(1−α)
1 x
Z
g(x) = f (t)dt.
x 0
p
Alors kgkLp ≤ kf kLp .
p−1
kf kLp 1
Preuve. On suppose que supp f ⊂ [ε, ε−1 ]. Alors g est nulle sur [0, ε] et |g(x)| ≤ ε1−1/p |x|
. Une
intégration par partie (sur [0, A], dériver g p à gauche puis A → ∞) donne :
Z ∞ Z ∞
p
(p − 1) g (x)dx = p g p−1 (x)f (x)dx.
0 0
D’où l’inégalité. On en déduit le cas général en passant à la limite ε → 0 (densité dans Lp des
fonctions à support compact).
Rx
Preuve 2. La fonction g(x) = e−ax 0 f (t)dt est positive, décroissante et nulle à l’origine, donc
nulle sur [0, ∞).
Z x
Preuve 1. La fonction F (x) = f (x) − λ exp a(t)dt vérifie la même inégalité que f mais
0
avec λ = 0. Par récurrence sur n ≥ 1, on vérifie que (sur tout compact) :
Z t n
kF k∞
F (t) ≤ a(s)ds → 0.
n! 0 n→∞
En intégrant, on obtient :
Z x
f (x) ≤ λ + h(x) ≤ λ exp a(t)dt .
0
Exemple 114. Soit q une fonction continue positive et x une solution de l’équation différentielle :
Espaces de Hilbert
Définition. Un espace vectoriel (E, +, ·) est un ensemble E muni d’une loi interne + et d’une loi
de dilatation externe par λ ∈ R (ou C) et qui possèdent les propriétés usuelles :
1. u + (v + w) = (u + v) + w, 0 + u = u, u + (−u) = 0, u + v = v + u,
2. λ · (u + v) = λ · u + λ · v, (λ + µ) · u = λ · u + µ · u
3. (λµ) · u = λ · (µ · u), 1 · u = u.
Exemple 115. Munis des opérations usuelles, Rn , R[x], RN [x], `p (R) et Lp ([a, b]; R) sont des
espaces vectoriels sur R. On construit de même des espaces vectoriels sur C.
Définition. On dit qu’un espace vectoriel (H, +, ·) sur R ou C est muni d’un produit scalaire
(·|·) : H × H 7→ R ou C
75
76 ANNEXE D. ESPACES DE HILBERT
Proposition 50. Les propriétés précédentes permettent de définir une norme sur H :
p
kf kH = (f |f ) (D.1)
Définition. Un espace de Hilbert est un espace vectoriel (H, +, ·) muni d’un produit scalaire et
qui est un espace complet pour la norme associée. En clair, les suites de Cauchy sont convergentes :
Exemples
Voici les exemples les plus importants d’espaces de Hilbert. Chacun est la généralisation naturelle
du précédent. Notez que l’exemple 120 est un espace dont chaque vecteur est une fonction. Ce sont
ces espaces qui nous intéressent le plus.
Exemple 117. Espace euclidien : Rn muni du produit scalaire canonique.
Exemple 118. Espace euclidien complexe (hermitien) : Cn muni du produit scalaire :
v
n
X
u n
uX
(x|y) = x i yi , kxk = t |xi |2 .
i=1 i=1
C’est un espace de dimension infinie sur C. Noter que tous les éléments de `2 sont des suites bornées
et que `2 contient toutes les suites un qui sont le terme général d’une série absolument convergente.
Il y en a d’autres, par exemple (un = 1/n) ∈ `2 .
Exemple 120. Fonctions de carré sommable sur un intervalle I. Espace
Z
2 2
L (I; C) = f : I → C ; |f (x)| dx < ∞
I
77
Exemple 121. Polynomes. L’espace Rn [x] = Vect(1, x, . . . , xn ) des polynomes de degré ≤ n est
un espace de Hilbert pour différents produits scalaires. Par exemple, pour
Z b
(P |Q)a,b = P (x)Q(x)dx.
a