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possible ?
Posté le 11 décembre 2013 par A M dans Reportage
Départ le soir vers Constantine qui est toujours dans l’attente de la réception de sa nouvelle
aérogare. Après une nuit “agitée” au grand hôtel Cirta, un 3 étoiles qui en “mériterait” 5 pour sa
population d’acariens et pour sa literie poussiéreuse, les hôtes de l’Onat ont pu découvrir, au
matin, la façade majestueuse de l’hôtel d’inspiration arabo-mauresque, une architecture qui
rappelle des splendeurs passées.
Pour cet “officiel” qui accompagne la délégation, cette situation ne saurait perdurer puisque l’État
vient de dégager une enveloppe de 70 milliards de dinars pour rénover et réhabiliter les hôtels et
les complexes touristiques lui appartenant.
De plus, pour M. Boukhelifa, l’implantation récente à Constantine de chaines hôtelières de
réputation mondiale avec des établissements tels que le Mercure, Ibis, Novotel et bientôt le
Marriott (un 5 étoiles), va créer de l’émulation et “tirer vers le haut” le niveau de qualité des
prestations du Cirta.
Enfin, tout le monde reconnaît, et les Français en tête, le “potentiel” que recèle indéniablement le
grand hôtel Cirta qui, malgré les vicissitudes, a tout pour redevenir un “palace” comme il fut, très
certainement, à son ouverture, en 1912. Situé en plein centre-ville de Constantine, l’établissement
est, assurément, un endroit idéal pour les hommes d’affaires de passage sur le Vieux Rocher.
En quelques minutes seulement, le visiteur prend conscience alors de la profondeur de ces gorges
et de la géographie unique de l’antique Cirta. Mais comment peut-on apprivoiser, à la fin, ce
gouffre effrayant ? Comment transformer une vertigineuse contrainte en un louable avantage ? Au
cours du trajet, le patron de Selectour, Patrick Abisset, a une idée quelque peu saugrenue.
Mais seulement en apparence. Pour lui, la configuration exceptionnelle de Constantine peut servir
de site idéal pour des amateurs de sensations fortes. Comment ça ? “Du saut en élastique !” qu’il
propose, une activité sportive extrême, qui pourrait créer de l’animation autour de ces ponts,
témoins impassibles des grandeurs et des petitesses de la ville.
“La nature a horreur du vide, le tourisme aussi !”, semble croire fermement M. Abisset. Le
précipice pour pôle d’attraction, rien de tel pour sortir le Vieux Rocher de sa léthargie. Il fallait y
penser ! Le concept n’est pas si “bête”. Une attraction touristique autour du thème des “Ponts de
Constantine” devrait attirer non seulement des “casse-cous” qui viendraient de partout pour se
jeter dans le vide mais servirait aussi de prétexte pour visiter la ville.
“Et puis ça fera une sortie aux Constantinois !”. M. Djebbari précise que le canyon atteint une
profondeur de presque 200 m à partir du pont de Sidi-M’cid. Pour le patron de Selectour,
“l’évènementiel” pourrait drainer, en effet, de nombreux touristes en Algérie : “l’idée est de créer
de la diversité. Et pour ça, l’Algérie s’y prête bien”.
Pour lui, aucune opportunité n’est donc à écarter. S’agissant de la faisabilité d’un tel projet, M.
Abisset s’est surtout enquis des autorisations administratives. Le responsable de l’Onat a promis de
soulever, d’abord, la question aux services de la Protection civile. Homme d’affaires avisé, M.
Abisset parie déjà que les marques de boissons énergisantes se bousculeront, sans doute, pour
sponsoriser l’évènement. Bref, l’idée est lancée, faut-il seulement la creuser jusqu’au fond du lit du
Rhummel.
Une vaste réflexion est, par ailleurs, menée pour attribuer de nouvelles missions à l’Onat et doter
cette entreprise publique de nouveaux moyens matériels performants. Aussi, pour lui permettre
d’assurer son rôle stratégique dans la dynamique de développement du tourisme national et
international, un premier budget d’investissement de 2 milliards de dinars lui a été alloué.
“Le redéploiement sera progressif”. Après l’acquisition de ces bus luxueux, l’Onat envisage
d’acquérir des véhicules 4X4 pour les circuits et les excursions dans le Sud saharien. Ce
programme d’acquisition ne s’arrête pas seulement à de nouveaux moyens de transport.
L’Onat ambitionne, également, de disposer de ses propres capacités d’hébergement par la
construction de villages de vacances. Pour prendre en charge, plus efficacement, la clientèle locale,
notamment les jeunes, l’Onat a décidé de recourir aux auberges de jeunesse qui offrent des tarifs
très réduits et dont certaines sont si bien loties qu’elles n’ont rien à envier à des hôtels 3 étoiles.
“Si les jeunes d’aujourd’hui connaissaient la profondeur stratégique de leur pays, le plus grand
pays d’Afrique et les nombreux sites qu’il regorge, ils renonceraient à quitter ce pays fabuleux qui
s’appelle l’Algérie”, souligne notre compagnon de voyage.
C’est animé par cette conviction que la nouvelle équipe aux commandes veut insuffler une
dynamique nouvelle pour le tourisme domestique.
“Il faut réconcilier le touriste algérien avec son pays ! Il s’agit d’enclencher un cercle vertueux par
la mise en place de produits d’appel”. Saïd Boukhelifa, un vieux routier du secteur, qui a eu à
exercer notamment les fonctions de directeur commercial de l’Onat, sait de quoi il parle quand il
évoque, non sans une pointe de nostalgie, “la décade prodigieuse”.
“Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas que durant les années 1970, l’Algérie recevait des charters
entiers de touristes suédois, hollandais, britanniques, belges, français, suisses, italiens… On ne
peut leur reprocher de ne pas savoir que les terrasses des cafés et les escaliers de la Grande-Poste
d’Alger étaient alors souvent bondés de ‘têtes blondes’ qui venaient profiter du soleil d’Algérie. Nos
jeunes ne savent même pas que les touristes que l’on voit dans le film Les vacances de l’inspecteur
Tahar n’étaient pas des figurants mais de vrais vacanciers étrangers !”.
Patrick Abisset, reste très optimiste et parie sur les vertus curatives de l’eau qui, selon lui,
contrebalancent les “imperfections”. “Bien sûr, beaucoup de choses sont à revoir et une mise aux
normes est indispensable !” tempère-t-il. En fait, c’est le moins qu’il pouvait dire. Car même les
équipements de rééducation fonctionnelle sont rouillés et n’ont pas été renouvelés depuis… 1987.
Et pourtant la caractéristique exceptionnelle des eaux thermales et minérales de Hammam
Guergour qui réside notamment dans leur très forte radioactivité aurait dû susciter un plus grand
intérêt des autorités concernées.
Cette spécificité place, en effet, la station de Hammam Guergour au 1er rang en Algérie et au 3e
rang mondial après les bains de Brembach, en Allemagne et les bains de Jachimov, en ex-
Tchécoslovaquie. Pour la délégation, il n’est pas question d’accabler qui que ce soit. Après les affres
connues par l’Algérie durant plusieurs décennies, le mérite de ces installations est qu’elles existent
encore.
Le personnel très productif et très motivé du reste, confirme à M. Abisset que nombre de nos
compatriotes résidant en France venaient régulièrement pour des cures thermales. Après le
déjeuner, la délégation prend la direction de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj. Sur le départ, on
admire les amandiers en fleurs et on inspire, une dernière fois, l’air vivifiant de la petite Kabylie. Et
revoilà, l’autoroute Est- Ouest, un “désert” habité uniquement par des véhicules motorisés.
“Heureusement que les paysages sont à couper le souffle et ont de quoi agrémenter le voyage”. On
traverse très vite les gorges des Bibans avant de longer la longue chaîne du Djurdjura.
Les plaques d’immatriculation des véhicules indiquent la présence de visiteurs de toute l’Oranie.
Sur certaines bâtisses est écrit, en grosses lettres, le mot “dortoir” et viennent rappeler le déficit en
structures d’hébergement est comblé partiellement par l’accueil chez l’habitant. Au cours d’une
collation offerte à la délégation, à l’hôtel Béni Chougrane, le directeur de l’établissement thermal,
Charef Houari, insiste sur les opérations de réhabilitation sur le point d’être lancées.
Peine perdue, son “avertissement” est presque inutile : le pire ayant été vu, la veille, à Hammam
Guergour… Et puis, franchement, ici aussi, l’odeur de la peinture est très fraîche… Pour sa part, le
docteur Kartali Chami, un médecin spécialiste en hydrologie et climatologie médicale issu de
l’université de Nancy, en France, nous apprend que parmi les indications traitées à Hammam
Bouhanaifia, il y a notamment les troubles de l’appareil digestif. Il nous explique que les cures de
boisson à l’eau de source sont très efficaces dans le traitement dyspeptique et pour améliorer la
motricité de l’appareil digestif.
“Il suffit de plusieurs prises d’un volume d’eau précis de 50 à 80 cl en fonction du poids pour que le
patient se sente aussitôt mieux”. Nous nous précipitons, alors, sur la source du Palmier pour
ingurgiter deux grands bols d’eau chaude à 45%. Si l’effet est, notons-le, indéniable, à moins qu’il
ne s’agisse seulement d’auto-persuasion, il convient de s’interroger sur l’utilisation très peu
“hygiénique” de récipients collectifs en plastique.
Notre question paraît néanmoins bien secondaire tant le brouhaha du hall et la mine réjouie des
curistes donne un air d’insouciance. On a même l’impression d’assister à une grande fête, à un
rituel païen. Le Dr Kartali continue, lui, à nous expliquer patiemment que l’eau de la station de Bou
Hanaifia contient de la “silice cicatrisante”.
Il nous apprend que durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine avait réquisitionné
l’établissement, en décembre 1942, pour en faire un quasi-hôpital. “Les hélicoptères venaient y
déposer les militaires blessés”. Décidément, que de richesses il y a dans ce pays, un véritable don
du ciel. Après notre long périple à l’intérieur des hautes plaines du Ghriss, tout le monde trépignait
d’impatience pour rejoindre la grande bleue qui, durant tout le séjour, s’est bien dérobée à notre
regard.
Nous prenons la direction du complexe des Andalouses à El-Ançor où nous reçoit son sémillant
directeur, Hacène Bahlouli, flanqué de son directeur commercial, le jeune et non moins fringant
Chakib Abbou qui, d’emblée, nous aborde au sujet d’un événement qu’il prépare avec ferveur.
Il nous annonce la tenue en juin d’une grande démonstration de Kite Surf, un sport de glisse qui a
“le vent en poupe” puisqu’il est devenu une discipline olympique à part entière, lors des
Olympiades de 2016, prévues au Brésil. Selon M. Abbou, la baie des Andalouses offre les
conditions idéales (vent et vagues) pour la pratique de cette activité qui, rappelle-t-il, en pleine
expansion à travers le monde.
M. Bahlouli tient, pour sa part, à nous montrer un bungalow “témoin” équipé d’un chauffe-eau à
l’énergie solaire ainsi que plusieurs chambres retapées à neuf. Le complexe a été rénové de fond en
comble. Il y a quelques jours seulement, Paul Balta, l’ancien correspondant du journal Le Monde
accompagné de son épouse, nous racontait une anecdote au sujet de l’un de ses séjours au
complexe des Andalouses et notamment sur les suites réservées à l’un de ses articles critiques sur
la situation alors désastreuse du célèbre établissement.
Le président Boumediene était intervenu personnellement pour que l’article en question ne soit
pas censuré, une manière de rappeler à l’ordre les responsables de l’époque. Autres temps, autres
mœurs, aujourd’hui, le complexe des Andalouses a un sérieux concurrent : le New Beach, un
complexe privé, dirigé par Djamel Belazzoug et Kouki Saber, un professionnel tunisien qui a fait
ses armes à Hammamet. Équipé de tout le matériel nécessaire, le New Beach est surtout un centre
de thalassothérapie comme il n’en existe, pas ailleurs, en Algérie.
Grâce à son ouverture sur la mer, le New Beach offre à l’Ouest une vue panoramique sur la baie des
Andalouses, jusqu’au complexe éponyme. Et à l’Est, ce sont les Îles Habibas qu’on peut distinguer
au large. De l’autre côté, c’est le massif du Murdjadjo, assez bien préservé, qui nous fait fièrement
face. Au cours du dîner offert à la délégation, Djamel Belazzoug nous a réservé une surprise : le
groupe Atlas est venu agrémenter la soirée par des notes musicales notamment par les intonations
langoureuses d’un violon qui, par moment, reproduisait un vague air de “gigue irlandaise”.
Le lendemain, une pluie salvatrice s’abat sur la ville durant trois jours et délivre enfin Oran de
l’épidémie du choléra. Pour remercier la Vierge Marie, la population érige, en son honneur, sur le
plateau de Santa-Cruz. Sur place, nous constatons que les lieux sont assez bien préservés.
Un gardien nous affirme que la population oranaise, respectueuse, reste très attachée à Santa-Cruz.
On nous apprend que le site a été classé monument national en 2008 mais pas pour les raisons
historiques sus-évoquées. C’est plutôt pour la vue panoramique exceptionnelle qu’offre Santa-Cruz
sur la ville et la baie d’Oran à l’Est et sur la rade de Mers-El-Kébir, à l’Ouest, un site militaire
hautement stratégique.
Il est à rappeler que pour perpétuer le souvenir de Santa-Cruz, les pieds-noirs oranais organisent
en France, chaque année, le jour de l’Ascension, un pèlerinage au Mas de Mingue à Nîmes.
Concernant “le tourisme de mémoire” qui, pour des raisons notamment “humanitaires”, a repris,
ces dernières années, les responsables de l’Onat se montrent plutôt discrets se contentant
d’affirmer à ce sujet que “la demande est réelle”.
En tout cas, le premier responsable de l’Onat en l’occurrence Mohamed- Chérif Selatnia est connu
dans le secteur du tourisme pour avoir initié à l’est du pays un circuit “Sur les traces de Saint-
Augustin” qui avait attiré, dans les années 80, des centaines de visiteurs en Algérie, curieux de
connaître le décor qui a vu naître et inspirer l’auteur des Confessions.
Cette expérience devrait être sûrement mise à profit afin que des milliers de pieds-noirs, qui pour
la plupart sont au crépuscule de leur vie, viennent se recueillir dans leur pays natal. En quittant
Santa-Cruz, le conseiller du ministre, Saïd Boukhelifa, insiste sur la nécessité de ré-inculquer en
Algérie une culture touristique qui, à certains égards, a complètement disparu.
Par Mohamed-Chérif LACHICHI (Reportage paru dans les colonnes de Liberté du du 12 Mars 2013
)